L'Église dans le monde n° 181

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181 VITALITÉ • DÉTRESSE • FAITS & TÉMOIGNAGES

L’ÉGLISE DANS LE MONDE • N°181 • Décembre 2016 - Janvier 2017 • 6 e

Liberté religieuse Portrait PÈRE GHARIOS : « AIMER, MÊME SES RAVISSEURS »

L’inquiétant constat du Rapport de l’AED

Égypte UN PAYS DANS LA TOURMENTE


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SOUTENEZ LES CHRÉTIENS EN DÉTRESSE Santon de Qaraqosh

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SOMMAIRE ACTUALITÉ LES  POINTS  CHAUDS ............................................................... 4 LE  MONDE  EN  BREF .................................................................... 6 TRIBUNE   De la peur à la crainte du Seigneur ! ............... 7 DÉCRYPTAGE

Mexique : persécution religieuse et narcotrafic .................... 8

SPÉCIAL RAPPORT LIBERTÉ RELIGIEUSE

Hyper-extrémisme islamiste......................................................... 10

CARNET DES CONTINENTS EUROPE   Islande On demande des prêtres

...............................................................

AMÉRIQUES   Chili

Attaques contre la vie et les églises

........................................

14 18

MOYEN-ORIENT   Syrie

P. Mourad : « Nous voulons être les outils de la paix ».20

MOYEN-ORIENT   Égypte

Un pays dans la tourmente........................................................... 22

AFRIQUE   Gabon

Dallas à Libreville............................................................................... 24

ASIE   Mongolie

Il était une foi au pays des steppes

.........................................

26

RENDEZ-VOUS COMMUNAUTÉS DU MONDE

Communauté catholique Palavra Viva

..................................

30

KIOSQUE   Écouter, lire, voir .................................................... 32 PORTRAIT   Père Elias Maroun Gharios............................. 34 PROJETS DE L’AED ................................................................... 35 PRIÈRE .................................................................................................. 36

VEILLEZ ET PRIEZ CARNET DE PRIÈRE .................................. pages

181

centrales

ÉDITO Un record de réfugiés Chers amis, La photo avait marqué l’actualité : en mai 2016, le pape François et Ahmed el-Tayeb, le grand imam de la mosquée Al-Azhar au Caire, s’étaient rencontrés au Vatican durant une réunion décrite par les représentants des deux religions comme une rencontre historique. Le Saint-Père avait embrassé son hôte dans un geste réconciliateur, considéré comme une marque des relations renouvelées entre l’Église catholique et l’islam. Cette première rencontre entre le chef de l’Église catholique et l’autorité reconnue de l’islam sunnite se devait d’être saluée comme un pas important sur le chemin du dialogue interreligieux, d’autant plus nécessaire que, si l’on considère la situation globale de la liberté religieuse dans le monde, le constat est plutôt négatif avec une dégradation quasi générale de la situation. Force est de relever que cette dégradation est également la conséquence d’une augmentation considérable des attaques islamiques contre les chrétiens. Même si le MoyenOrient n’est pas le seul concerné, c’est bien dans cette région du monde que ces attaques ont été les plus massives. Le Rapport 2016 sur la liberté religieuse dans le monde vient d’être publié le 15 novembre. La situation a globalement empiré en deux ans et votre magazine L’Église dans le Monde en fait souvent l’écho. Une des conséquences les plus visibles de cette dégradation consiste en l’augmentation considérable et soudaine de réfugiés. Cela confirme l’importance de ce combat pour la liberté religieuse.

Marc Fromager

Directeur de l'AED Ce numéro comporte un encart posé sur la couverture. Pour vous abonner, contactez l’AED, écrivez à la rédaction : 29, rue du Louvre - CS 30057 - 78 750 Mareil-Marly - 01 39 17 30 10 contact@leglisedanslemonde.org - Photo de couverture : © AED - Photo de la 4e de couverture : © AED - Directeur de la publication : Pierre Bouhey - Rédacteur en chef : Marc Fromager - Rédactrice en chef adjointe : Amélie de La Hougue - Comité de rédaction : Marc Fromager, Amélie de La Hougue, Philippe Oswald, Emmanuelle Ollivry - Secrétaire de rédaction : Véronique Belle - Fabrication / production : CLD, 33, avenue du Maine, 75015 Paris - Impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres Inscription CPPAP - n° 0510G79871 N° ISSN : 0252-2578 - Dépôt légal : décembre 2016

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Les points chauds

ACTUALITÉ

SUISSE Une pétition pour installer ou maintenir les crucifix, anges et autres symboles chrétiens dans les écoles et places publiques a recueilli vingtcinq mille signatures.

MEXIQUE Quatorze prêtres, un séminariste et un sacristain ont été assassinés dans ce pays depuis décembre 2012. Deux autres prêtres sont portés disparus.

SÉNÉGAL Un ressortissant français a été arrêté pour « blasphème de l’islam » et injure au prophète Mahomet. Pour l’heure, il se trouve détenu à la prison centrale de Dakar.

MEXIQUE Inauguration du grand séminaire de Cancún, le 24 octobre 2016, par Mgr Cardenas. Ils attendaient quinze séminaristes à l’ouverture. Quarante-sept se sont présentés.

NICARAGUA Après la facile réélection le 6 novembre 2016 de Daniel Ortega à la présidence du Nicaragua, l’Église locale se dit préoccupée quant à une dérive autoritaire du pouvoir exécutif.

Vitalité Inquiétude Détresse Sources : fides, asianews, apic

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BRÉSIL Le pays a enregistré plus de morts violentes entre 2011 et 2015 que la Syrie, en guerre sur la même période. Rien qu’en 2015, plus de cinquantehuit mille Brésiliens ont été tués.


Retrouvez toute l’actualité de l’Église en Détresse sur www.aed-france.org

PAKISTAN Nouveau report du procès d’Asia Bibi, chrétienne emprisonnée pour blasphème depuis 2010. L'un des trois juges s'est désisté pour conflit d'intérêts.

MYANMAR TURQUIE Des centaines d’églises sont vendues, squattées à des fins profanes ou détruites. Leurs pierres peuvent servir à construire hôtels, cafés et centres de poste.

Selon le dernier recensement du gouvernement, la seule religion dont la population a nettement augmenté ces dernières décennies, est le christianisme.

TAÏWAN Première rencontre historique entre chrétiens et taoïstes à Taipei, en octobre 2016, organisée par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

SYRIE Après plus de cinq ans de combats, la communauté internationale n’arrive pas à faire cesser une guerre, qui a déjà fait plus de trois cent mille morts, et à imposer enfin la paix.

RDC La Conférence épiscopale du Congo a dénoncé l'insécurité croissante dans le pays après l’assassinat, dans la nuit du 21 au 22 octobre, du père Joseph Mulimbi, cinquante-deux ans.

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Le monde en bref

ACTUALITÉ

›› Il l’a dit :

l Ordination en Chine : au cœur des relations tendues entre Pékin et Rome, une belle nouvelle : l'ordination, le 10 novembre 2016, avec l'approbation du pape et du gouvernement chinois, du père Peter Ding Lingbin comme nouvel évêque du diocèse de Changzhi, dans la province du Shanxi, au centre du pays. l Vigilance

en Inde : le 28 octobre, un appel aux responsables religieux est lancé pour demander la

© AED

« C’est très émouvant de savoir que le Tombeau du Christ, dont la pierre a été roulée il y a deux mille ans, le jour de la Résurrection, se trouve à nouveau ouvert à la lumière. C’est une émotion toute spirituelle. D’un point de vue biblique et archéologique également, cette ouverture éveille notre curiosité et nous avons hâte d’en savoir plus sur l’histoire de ce Tombeau à travers les siècles. Cet événement nous fait revivre soudainement le tout premier émerveillement des femmes arrivées au Tombeau au matin de la Résurrection. La roche originelle sur laquelle a été déposé le Christ est bien là, dessous, et le Tombeau est bien vide. Car Il n’est plus ici, Il est bien ressuscité. Telle est notre foi. » Mgr Shomali, évêque de Jérusalem, le 26 octobre 2016, lors de l’ouverture du tombeau du Christ à l’occasion des travaux de restauration de l’édicule du Saint-Sépulcre. ■

›› Gros plan

2017, année de la paix en Irak ? L’année 2017 devrait être célébrée comme celle de la paix par les Églises et communautés chrétiennes présentes en Irak, afin de favoriser la réconciliation nationale et de sauver le pays des poussées centrifuges qui pourraient continuer à menacer l’unité nationale, même après la libération de Mossoul et de la plaine de Ninive du joug djihadiste. Telle est la proposition avancée par le patriarche de Babylone des chaldéens, S.B. Louis Raphaël I Sako, durant la rencontre de prière œcuménique pour la libération de Mossoul, célébrée le 25 octobre à Ankawa, au Kurdistan. ■

paix et la protection des minorités au Cachemire. Dans cette région d’Inde, les chrétiens subissent fréquemment

+ 444

des persécutions de la part d’autres minorités et de la cour islamique en place.

Le nombre total des prêtres dans le monde a augmenté de 444 par rapport à l’année précédente, atteignant le chiffre de 415 792.

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ACTUALITÉ

Tribune

De la peur à la crainte du Seigneur ! Peur de mourir dans un attentat, peur d’être infidèle au Christ, peur de l’avenir… Que faire du poids de nos peurs légitimes ? Réflexion de Mgr Sleiman, archevêque de Bagdad, ville considérée en 2015 comme

© AED

la plus dangereuse du monde avec 380 attaques terroristes en un an.

la vérité divine se révélant dans la création, augmente en nous la force, vertu cardinale renforcée par la prudence, A PEUR, FILLE DE L’ANGOISSE, est profondément qui nous permet d’agir dans la foi, selon la raison et dans enracinée dans notre psychologie. Elle est inhérente la liberté. Elle prépare notre cœur à accueillir le don à notre existence. Entre l’entrée angoissée dans la vie du conseil qui, en perfectionnant notre prudence, nous du nouveau-né et l’angoisse devant la mort, il y a toutes donne de discerner ce qui contribue le plus à la gloire sortes de peurs. Notre civilisation contemporaine en est de Dieu, à notre salut et à celui du prochain. Elle stimule dominée. Le terrorisme et les violences de toutes sortes, notre raison à intérioriser le don de l’intelligence, qui la criminalité, les maladies graves comme le cancer, nous introduit dans le mystère de Dieu et son action dans le sida et d’autres, les crises financières et économiques, le monde, tout en nous éclairant sur le monde qui passe, l’abandon et la solitude qui en résulte, autant de causes ses vicissitudes, ses dérives, l’amour du Seigneur qui a qui engendrent la peur qui nous rend vuloffert son Fils pour le sauver. La crainte nérables, exploitables et manipulables. La crainte nous est couronnée à la fin par la sagesse, par Mais au cœur de tout ce tumulte, la voix libère, la peur laquelle Dieu nous rend semblables à Lui, du Seigneur se fait entendre : « N’aie pas nous associe à sa vérité et à son amour. nous bloque peur, n’ayez pas peur, votre libération est La sagesse est la sérénité suprême dans proche. » Aussi il nous faut, toujours et partout, dépasser ce monde tourmenté. nos peurs dans la foi, résister dans l’espérance et comL’ESPRIT TRANSFORME DONC NOS PEURS, bien muniquer aux autres dans la charité. légitimes, qui sont notre héritage anthropologique fonEN FAIT, IL NOUS FAUT NOUS REGARDER dans la damental, en crainte du Seigneur qui se révèle comme lumière du Saint-Esprit pour découvrir nos peurs. Il faut la vraie sagesse. aussi lui demander ses dons qui nous aident à dépasÀ LA LUMIÈRE DE CES RÉFLEXIONS RAPIDES, ser, voire à transfigurer, nos peurs. Or le premier don, nous comprenons mieux les saints et, notamment, les c’est la crainte du Seigneur. C’est différent de la peur. martyrs. Nous communions alors avec des chrétiens qui La première nous unifie en nous stimulant dans notre vivent aujourd’hui le martyre au Moyen-Orient comme recherche du Seigneur. S’il y a crainte, c’est celle de au Pakistan ou en Inde. Mais aussi ceux qui, dans les le perdre de vue, de le trahir, de l’oublier. Cette crainte pays libres et civilisés, sont blessés par les « princes de nous libère alors que la peur nous bloque, nous inhibe, ce monde » qui cherchent le pouvoir dans et par l’arnous enferme dans nos faiblesses. gent, dans des législations démagogiques qui font fi de la LA CRAINTE DU SEIGNEUR nous lance vers la nature, de la culture, de la religion et même du bon sens. sagesse, don suprême de l’Esprit. Elle active notre piété, N’AYONS PAS PEUR, le Père nous réserve son qui personnalise notre relation avec Dieu dans la vénéroyaume. ■ ration et le respect, enrichit le don de science, qui nous Mgr Jean Sébastien Sleiman, archevêque latin de Bagdad est donné pour éclairer notre vie dans son rapport avec

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Décryptage

ACTUALITÉ

Mexique : persécution religieuse et narcotrafic Au Mexique, la violence et le trafic de drogue ont fait plus de 130 000 morts et près de 28 000 disparus durant la dernière décennie. L’Église est l’une des seules à dénoncer avec courage les cartels de la drogue. Mais elle en paye le prix.

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8 ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181

des prêtres. Récemment, deux prêtres à Veracruz et un en Michoacan ont été assassinés. Par exemple, dans l’État de Guerrero où se cultive l’héroïne, trois prêtres ont été tués au cours des deux dernières années par des tueurs à gages liés au narcotrafic. Les groupes de criminels veulent limiter les activités de l’ Église.

© AED

es décapitations, les lynchages, la torture et d’autres formes horribles de violence, ainsi qu’un nombre élevé de disparitions forcées sont devenus monnaie courante dans différentes régions du Mexique. La plupart des crimes sont concentrés dans six des trente-deux États du Mexique (Guerrero, Michoacan, État de Mexico, Tamaulipas, Veracruz et Mexico) mais les groupes criminels organisés perpétuent leurs attaques violentes à travers tout le pays. L’une des pratiques courantes de ces gangs est de faire payer des « honoraires de protection » ou d’imposer des taxes sur des produits et des services en menaçant de violence ceux qui ne paient pas. D’autres menacent les administrateurs municipaux et de l’État d’accepter des pratiques de corruption. L’Église a été, et est toujours, l’une des rares institutions à aider les populations terrifiées, surtout dans les communes isolées. Cette position a déclenché une vague de crimes contre les prêtres et les religieux. Comme le mentionne le Centre de communication multimédia, dirigé par le père Omar Sotelo, ces quinze dernières années, cinquante-cinq prêtres et religieux ont été tués. La plupart (80%) sont les victimes des trafics de drogue, ce qui place le Mexique pour la septième année consécutive, en première position pour les crimes en haine des prêtres, des religieux et des laïcs. Ces meurtres se sont déroulés dans dix-neuf États (Guerrero, Mexico, Michoacan, Veracruz, Chihuahua, Puebla, Tamaulipas, Baja California, Oaxaca, Jalisco, entre autres). Rien qu’au cours de ces quatre dernières années, on compte quinze homicides et cinq cents exactions contre

© AED / Thomas Jarry

Le clergé est une cible. Ici, le père Erasto, assassiné fin 2015.


de lui la voix de l’espoir pour Aucun des cas n’a été résolu. L'Église doit montrer tous les sans-voix. Sa parole et Le corps de l’un d’entre eux, un courage prophétique ses démarches ont provoqué la le père John Ssenyondo, un fureur du gouverneur Graco Ramirez, qui a lancé une missionnaire né en Ouganda, a été retrouvé dans une campagne de dénigrement contre l’évêque, jusqu’à des fosse commune à Guerrero en 2014. Il avait été enlevé actes de harcèlement et d’intimidation. plusieurs mois auparavant par des hommes armés qui avaient intercepté sa voiture alors qu’il venait de célébrer une messe. Certains disent que le prêtre de cinquantecinq ans a été tué parce qu’il avait refusé de baptiser le fils d’un chef de cartel local. Les corps sans vie de ces deux prêtres ont été retrouvés Les groupes criminels cherchent à limiter les actile 19 septembre 2016 dans l’État de Veracruz, à l’est du vités pastorales de l’Église au Mexique, qui agit notamMexique. Les deux hommes avaient été enlevés la veille ment dans les zones les plus pauvres du pays, fournisdans une église à Poza Rica, dans ce même État. Les pères sant une assistance, une aide, un abri et du réconfort Alejo Juarez et José de la Cruz ont été abattus par balles, poraux plus nécessiteux, et aussi lutte en faveur des droits tant à quatorze le nombre de l’homme pour de nombreux migrants et réfugiés. d’ecclésiastiques tués au Au cours des dernières années, l’Église a encore Mexique depuis 2012. La plus dénoncé la violence et la corruption, ce qui lui a Conférence épiscopale valu de souffrir des réactions des cartels. Les évêques mexicaine a exprimé « sa et les prêtres n’ont pas tous une position active à ce peine et son indignation sujet, et beaucoup sont encore silencieux. D’autres, devant la violence » envers comme l’évêque Ramon Castro de Cuernavaca, qui a les prêtres dans le second organisé des marches à Morelos contre cette violence, pays le plus catholique au monde. « Nous espérons que les ont dénoncé ce problème. autorités feront la lumière sur ces drames et que les responSa sensibilité et son courage pastoral ont fait sables affronteront la justice », a indiqué la Conférence dans un communiqué. ■ © DR

Père Alejo Juarez et père José de la Cruz

Sans aucun doute, le Mexique connaît une persécution religieuse. L’Église, dirigée par des évêques et des prêtres, doit laisser de côté les dénonciations anonymes pour continuer de mettre son énergie dans la lutte contre le trafic de drogue et la violence, montrant un courage prophétique, comme l’a souligné le pape François lors de sa visite à Mexico. L’Église catholique mexicaine doit se réveiller ; évêques, prêtres, religieux et laïcs doivent agir et aller dans les rues, faire face à la violence, la corruption, le trafic de drogue et l’indifférence à la souffrance humaine. Agir et élever la voix en même temps, pour être en mesure de contribuer à la paix au Mexique et dans le monde. ■ Julieta Appendini, directrice du bureau de l’AED Mexique

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ACTUALITÉ

Spécial Liberté religieuse

La liberté religieuse en proie à un hyperextrémisme islamiste Le Rapport 2016 de l’AED sur la liberté religieuse dans le monde, publié ce 15 novembre, conclut sur une dégradation générale de la situation et dénonce un intégrisme religieux plus violent que jamais, qui entraîne la mort, la destruction, le déplacement des populations et l’instabilité des pays à des niveaux sans précédent.

L

e Rapport bisannuel de l’AED, établi par une équipe de vingt-quatre experts journalistes, universitaires et auteurs indépendants et couvrant la période de juin 2014 à juin 2016, est amer et pointe une dégradation de la liberté religieuse dans la plupart des cent quatre-vingt-seize pays étudiés.

Premiers constats 1. Sur les 196 pays faisant l’objet du présent Rapport, 38 ont démontré une preuve indubitable de violations importantes de la liberté religieuse. Dans ce groupe, 23 ont été classés dans la catégorie de haut niveau

dénommée « persécution » et les 15 restants dans la catégorie « discrimination ». (voir la carte p. 13) 2. Sur ces trente-huit pays : • 37 % (quatorze pays) ont vu leur situation s’aggraver nettement depuis 2014, date du précédent Rapport. • 55 % (vingt et un pays) ne montrent aucun signe de changement ; cependant pour certains, leur situation était déjà si mauvaise qu’elle pouvait difficilement empirer (Afghanistan, Irak, Nigeria, Corée du Nord, Arabie Saoudite, Somalie et Syrie). • Seuls 8 % (trois pays) ont vu leur situation s’améliorer (Bhoutan, Égypte et Qatar).

© AED

Le Myanmar défend sa religion d’État au détriment des autres religions.

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L’Afrique : cible privilégiée des islamistes. (Ici Kenya).

1. Le Rapport va à l’encontre de l’opinion publique selon laquelle les gouvernements sont principalement responsables de la persécution. Les responsables de la persécution dans 12 des 23 pays les plus incriminés sont des organisations non-gouvernementales (c’est-à-dire les fondamentalistes ou les organisations militantes). 2. On note une recrudescence d’actes antisémites, notamment en Europe. 3. Au sein des régimes autoritaires comme la Chine et le Turkménistan, on constate une nouvelle vague de répression contre les groupes religieux qui refusent de suivre la ligne du parti (par ex., démolition des croix de deux mille églises en Chine). 4. Dans des pays comme l’Inde, le Pakistan et le Myanmar, où une religion particulière est identifiée à l’État-nation, des mesures ont été prises pour défendre les droits de cette religion au détriment des autres groupes religieux minoritaires, qui se voient imposer des sanctions plus sévères (loi anti-blasphème….). 5. On assiste à l’émergence d’un nouveau phénomène de violence à caractère religieux qui peut être décrit comme un hyper-extrémisme islamiste, un processus de radicalisation exacerbée, sans précédent dans ses manifestations violentes. Ce nouveau phénomène a engendré des conséquences dramatiques sur la liberté religieuse dans le monde entier : • a) depuis juin 2014, des attaques islamistes ont été perpétrées dans un pays sur cinq à travers le monde, dont dix-sept pays africains ; • b) dans certaines parties du Moyen-Orient, dont la Syrie et l’Irak, cet hyper-extrémisme est en train d’éliminer toute forme de diversité religieuse et il menace de le faire dans certaines parties d’Afrique et d’Asie ; • c) l’extrémisme islamiste et l’hyper-extrémisme, observés dans les pays tels que l’Afghanistan, la Somalie et la Syrie ont été un facteur clé dans l’augmentation massive de réfugiés qui, selon l’ONU, pour l’année 2015, ont augmenté de 5,8 millions pour atteindre un nouveau sommet de 65,3 millions ; • d) en Asie centrale, la violence hyper-extrémiste est utilisée par des régimes autoritaires comme prétexte pour une répression disproportionnée sur les minorités religieuses ; • e) en Occident, cet hyper-extrémisme risque de

© AED

À retenir

déstabiliser le tissu socioreligieux, avec des pays sporadiquement ciblés par des fanatiques et sous la pression d’accueillir un nombre sans précédent de réfugiés, la plupart venant d’une religion différente que celle des communautés locales. Les répercussions manifestes comprennent l’augmentation des groupes d’extrême droite et des groupes nationalistes, les restrictions à la libre circulation, la discrimination et la violence contre les minorités religieuses et un déclin de la cohésion sociale. 6. Les groupes islamiques traditionnels commencent maintenant à contrer le phénomène hyper-extrémiste au moyen de déclarations publiques et d’autres initiatives condamnant la violence et leurs instigateurs. 7. En définissant un nouveau phénomène d’hyperextrémisme islamiste, ce Rapport appuie les revendications généralisées selon lesquelles les ciblages des chrétiens, des yézidis, des mandéens et d’autres minorités par l’État islamique et d’autres groupes fondamentalistes, sont en violation de la convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide.

« Dans un monde où diverses formes de tyrannie moderne tentent de supprimer la liberté religieuse, ou bien, tentent de la réduire à une sous-culture sans droit de cité dans la sphère publique, ou encore tentent d’utiliser la religion comme prétexte à la haine et à la brutalité, il est impérieux que les adeptes des diverses traditions religieuses unissent leurs voix pour appeler à la paix, à la tolérance, au respect de la dignité et à tous les droits des autres.[…] Puissiez-vous défendre ces droits, spécialement la liberté religieuse, que Dieu vous a donnés ! » Pape François, le 26 septembre 2015, à Philadelphie. ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181 ■ 11


Spécial Liberté religieuse

ACTUALITÉ

Nature de la persécution ou de la discrimination en 2016

= Persécution = Discrimination = Amélioration depuis 2014 = Stagnation depuis 2014 = Dégradation depuis 2014

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Palestine

Libye

Algérie

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Depuis 2014, un pays sur cinq a subi une attaque islamiste.

Les conclusions de l’AED • À l’issue de ce Rapport, l’AED insiste sur le lien qui existe entre la liberté religieuse et la paix. Si nous voulons la paix, nous devons protéger et développer la liberté religieuse. Cela nécessite une volonté politique, pas toujours observable sur le terrain, que ce soit au Moyen-Orient, où les communautés se séparent du fait de la fragmentation des pays, ou en Europe où la vague migratoire suscite ou aggrave des tensions jusque-là contenues. • L’AED souligne qu’il ne s’agit pas simplement d’approuver théoriquement ce concept de liberté religieuse mais de veiller à ce qu’elle puisse être respectée, ce qui est, là aussi, du ressort du politique. • L’AED appelle à une vigilance particulière sur l’éducation. Tuer est un crime et empêcher une génération d’aller à l’école à cause de conflits est un autre crime. Une génération sans scolarité est une génération perdue, qui pourra rallier facilement des groupes extrémistes faute de perspectives et d’éducation. ■ Amélie de La Hougue

12 ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181

Mauritanie

Égy

Niger

So

Nigeria

Kenya

Retrouvez toutes les informations détaillées sur les 196 pays, ainsi que la carte de l’intolérance religieuse sur le site de l'Observatoire de la Liberté religieuse dans le monde : www.liberte-religieuse.org.


Azerbaïdjan

Ouzbékistan

Turkménistan

Ukraine

Kazakhstan

Tadjikistan

Syrie Corée du Nord

Turquie Chine Irak

Bhoutan

Afghanistan

Iran Qatar

ypte Arabie Saoudite

Pakistan

Inde

Myanmar

Laos

oudan Bangladesh

Yémen

Vietnam

Érythrée Maldives

Brunei

Somalie

Tanzanie

Indonésie

Carte de l’intolérance religieuse L’AED a classé chaque pays en trois catégories : • La catégorie la plus basse, en gris, comprend différents degrés d'intolérance, de minime à manifeste. À ce niveau, les actes antireligieux peuvent toujours être poursuivis en justice, contrairement aux deux autres catégories. • La catégorie « discrimination » implique en général une institutionnalisation de l’intolérance, effectuée par l’État ou ses représentants. • La catégorie « persécution » implique des groupes terroristes qui exterminent ou chassent un groupe religieux. L’État peut être lui-même une victime (comme par exemple au Nigeria). Dans cette catégorie, les violations de la liberté religieuse sont les plus graves. ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181 ■ 13


Europe

CARNET DES CONTINENTS

Islande

Océan glacial Arctique

On demande des prêtres Dans cette oasis glacée, entre Groenland et Norvège, les cœurs sont chauds. L’Église catholique, pionnière sur l’île, est en constante croissance mais elle a besoin de bras et de moyens.

L

’Islande s’offre parfois la Une des journaux, ces derniers temps. L’équipe de football islandaise fait plier l’Autriche, le Portugal et l’Angleterre lors de l’Euro 2016 – une prestation stupéfiante pour un petit pays de trois cent trente mille habitants. L’éruption du

volcan Eyjafjallajökull met en émoi le monde entier, en 2010, et paralyse une bonne partie du trafic aérien. Mais peu de gens savent que l’Islande reste probablement le seul pays au monde dont les premiers habitants étaient de religion catholique.

Reykjavik

Océan Atlantique

Superficie : 103 000 km2 Population : 331 918 habitants Religions : protestants luthériens : 76,2%, catholiques : 3,4% Langue : islandais

Étendue sur 100 000 km 2 aux confins du Cercle polaire, cette île couvre une surface égale à un cinquième de la France. Mise à part

© évêché de Reykjavík

En l’an mil, l’Islande adopte le catholicisme.

14 ■ L’église dans le monde N° 181


© évêché de Reykjavík

Islande

Les missionnaires arrivent en Islande dès le VIe siècle.

Saint patron tardif Saint Thorlac est l’une des figures éminentes du catholicisme médiéval islandais qui, après ses études à Paris, fonde le monastère augustinien de

Parmi les catholiques 80 % sont des immigrés.

Thykkvabaer et devient le sixième évêque de Skálholt de 1133 à 1193. Il est canonisé par son successeur au parlement de l’Althing dès 1198, mais déclaré saint patron de l’Islande... © évêché de Reykjavík

en 1984, par le pape saint Jean-Paul II.

la capitale Reykjavík et sa banlieue, qui rassemblent près des deux tiers de la population, le reste des habitants se regroupe en petites agglomérations parsemées le long des côtes et vit essentiellement de la pêche. Récemment, le tourisme a pris une part considérable dans le développement économique faisant de l’Islande un pays en plein essor, dont le niveau de vie élevé attire de nombreux travailleurs étrangers.

Vikings porteurs de la bonne parole ? Son peuplement commence vers le VIe siècle de notre ère avec l’arrivée de quelques moines irlandais en quête de solitude et soucieux de porter la présence du Christ jusqu’aux extrémités de la terre. Selon plusieurs archéologues, quelques familles se joignent à eux pour s’établir dans ce qu’elles appellent « l’Ultima Thule ». Au IXe siècle, les Vikings de Norvège et du Danemark chassent les moines et tentent d’introduire leur religion

païenne. C’est un échec car certains d’entre eux sont déjà chrétiens, en majorité leurs esclaves originaires de Normandie et des îles britanniques. En l’an mil, l’Islande adopte donc la religion catholique par décision parlementaire. L’Église s’organise, construit des édifices religieux, fonde une douzaine de monastères et crée deux diocèses : Skálholt et Hólar. L’un au sud, l’autre au nord. L’Islande devient un pays prospère au rayonnement religieux indéniable, dont les œuvres littéraires, poétiques et artistiques font encore la fierté unanime de ses habitants. Aujourd’hui, l’Islande s’enorgueillit d’avoir conservé la langue de ses origines, ce qui permet à chaque enfant scolarisé de lire les sagas des Vikings dans le texte.

Années sombres Au XVIe siècle, la Réforme protestante rebat complètement les cartes. Le roi du Danemark impose la religion luthérienne et s’approprie les

biens de l’Église islandaise. Tous les monastères sont détruits. L’Islande plonge dans la période la plus sombre de son histoire. Pendant quatorze ans, l’évêque Jón Arason tient ferme dans la foi. Seul dans toute l’Europe du nord, il lutte avec son clergé et son peuple jusqu’à sa mise à mort. Le dernier évêque catholique au temps de la Réforme est décapité sans autre forme de procès, le 7 novembre 1550, à Skálholt. Avec lui s’éteint l’Église catholique en Islande. Au moins pour un temps. L’isolement, l’intolérance religieuse et le monopole du commerce, orchestrés d’une main de fer par le monarque, fragilisent l’île. À cela s’ajoute une détérioration du climat due à une série d’éruptions volcaniques catastrophiques. Le pays se trouve au bord du gouffre. Au XVIIIe siècle, il est même question de rapatrier les derniers Islandais au Danemark. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle qu’une amélioration de la situation se profile. Petit à petit, le pays retrouve un semblant d’équilibre. La liberté de religion, accordée en 1874, permet même à l’Église catholique d’envisager un

L’église dans le monde N° 181 ■ 15


Europe

Il devient moine À la fin du XIXe siècle, la France s’engage à nouveau dans l’aventure missionnaire en Islande, à travers la figure du père Jón Sveinsson,

jésuite. Alors qu’il naît dans une famille rurale luthérienne d’Islande, cet orphelin de père à l’âge de douze ans part étudier en France, grâce à un mentor aristocrate français. Il devient moine, est ordonné prêtre et commence à rassembler des fonds, à Paris et dans l’ouest de la France, pour la construction du premier hôpital dans son pays. L’hospice est confié aux soins des sœurs de Saint-Joseph de Chambéry pendant plus d’un siècle. Des missionnaires montfortains et des franciscaines Missionnaires de Marie leur prêtent main forte. Tous ces efforts portent leurs fruits : aujourd’hui la communauté catholique compte

Une sœur bleue « Est-ce que les Islandais ne sont pas croyants ? » Arrivée en Islande comme missionnaire servante du Seigneur et de la Vierge de Matara, sœur Maria s’alarme de l’apparente absence de foi chez ses habitants. Mais derrière cette indifférence trompeuse, « les gens attendent quelque chose de nous. Ils sont ouverts, accueillants et heureux qu’on enseigne à leurs enfants à prier », poursuit la religieuse philippine au voile azur. « Les Islandais sont des gens sur qui on peut compter. J’ai vécu aux Philippines, en Chine, en Italie, mais c’est en Islande que je veux travailler. »

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renouveau sur place et l’envoi de missionnaires. Les héros du retour du catholicisme en Islande sont deux prêtres français du diocèse de Reims : les pères Bernard Bernard et JeanBaptiste Baudoin. Suite à la fondation de la préfecture apostolique du Pôle Nord, en 1855, ils s’établissent à Reykjavík, encore un simple village. La loi ne leur est pas favorable mais ils construisent tout de même une petite chapelle, sans être inquiétés. Ils exercent principalement leur ministère auprès des nombreux marins français, stationnés autour de l’île pour la pêche à la morue. Un Islandais adopte la religion catholique, alors qu’il risque l’expulsion de son propre pays, mais il ne fait pas d’émules. Après quelques années de service, les prêtres français sont épuisés et quittent l’île, sans relève. Le catholique islandais se retrouve seul, avec sa famille, ne recevant les sacrements que tous les trois ou quatre ans, lors du passage d’un prêtre venu du Danemark.

© évêché de Reykjavík

CARNET DES CONTINENTS

La communauté catholique est en croissance.

Les « sœurs bleues » au service de l’Église.

environ vingt mille personnes. Elle est estimée et respectée par toute la population locale. Le diocèse de Reykjavík recense sept paroisses pour quatorze prêtres, dont un seul Islandais. La communauté catholique, extrêmement


Islande

© évêché de Reykjavík

« Nous avons un besoin urgent de prêtres », insiste l’évêque.

problème des distances. « Les autres couvrent chacune une surface équivalente plus ou moins à un département français. » Dans le sud du pays, il n’existe aucun lieu de culte sur près de 500 kilomètres. Chaque dimanche, les prêtres doivent trouver une salle ou un temple protestant à louer pour la messe dominicale et les leçons de catéchisme. Dans la principale agglomération du sud, à Selfoss, les besoins deviennent urgents mais les coûts de construction pour une église, un presbytère et une salle paroissiale tournent autour de deux millions d’euros. Une communauté presque exclusivement composée de travailleurs immigrés ne peut porter de telles dépenses.

Abbé Jacques Rolland, missionnaire en Islande, Chancelier

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cosmopolite, réunit quelques familles autochtones mais surtout plus de 80% de travailleurs immigrés. Près des deux tiers viennent de Pologne auxquels s’ajoutent notamUn téléphone, une ment des Lituaniens, des Philippins voiture, une mission et des fidèles d’Amérique du Sud. En clair, la diversité des langues au Les disparités de nationalités et sein de la communauté catholique de langues rendent la tâche des ne constitue pas la seule difficulté prêtres difficile, mais la croissance que l’Église doit affronter. Les kiloconstante de l’Église et son dynamètres, les moyens limités et un misme leur procurent joie et réconvrai manque de vocations sacerdofort. À la cathédrale du Christ-Roi, à tales locales, malgré le dynamisme Reykjavík, huit à neuf messes domide l’Église, constituent encore nicales sont célébrées en différentes langues tous les week-ends et l’église Quatre paroisses s’étendent sur 700 km ne désemplit pas. « Mon diocèse de littoral, un défi pour l’Église. fait le double de la Slovaquie en superficie. Sur sept paroisses, quatre s’étendent sur 700 kilomètres de littoral », constate Mgr David Tencer, évêque de Reykjavik qui pointe du doigt le

d’importants obstacles à franchir. « Quand un prêtre s’installe dans une nouvelle région, il doit partir de zéro. C’était mon cas », témoigne encore Mgr Tencer. « J’ai commencé dans l’est du pays comme curé, sans église ni paroisse. Les seules choses que j’ai reçues étaient une voiture, un téléphone mobile et la bénédiction de mon évêque. » Un frein aux vocations locales ? « Nous avons un urgent besoin de prêtres. Avec mes cinquante-trois ans, je suis le plus jeune membre du clergé diocésain », martèle le prélat. « En attendant, nous faisons appel à de jeunes prêtres, religieux et religieuses en provenance de l’étranger. » L’Islande, réputée pour son niveau de vie élevé, ne caracole pas en tête de liste des pays nécessiteux. De ce fait, l’Église catholique ne dispose presque pas d’appuis internationaux. Et pourtant, elle est réellement dans le besoin. Ironie d’une île dédiée à la pêche qui appelle à l’aide les chrétiens et espère une pêche miraculeuse non pas de poissons mais de vocations. ■

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Amériques

CARNET DES CONTINENTS

Chili

Attaques contre la vie et les églises

« Non à l’avortement », « oui à la vie ». L’Église s’oppose au nouveau projet de loi.

U

n peu plus d’un quart de siècle après le retour à la démocratie, le Chili demeure un des pays les plus stables du continent latino-américain. Mais l’indifférentisme de la population vis-à-vis de la classe politique s’accroît. À peine plus d’un tiers des électeurs se sont déplacés le 23 octobre 2016 pour les élections municipales, où la victoire de l’opposition laisse augurer pour les présidentielles de fin 2017 une probable défaite du parti de gauche de Madame Bachelet qui entend poursuivre ses transformations sociétales. Les régions majoritairement indiennes, en particulier

© AED

Tensions sociétales et politiques, recrudescence d’attaques d’églises, revendications régionales… la stabilité du Chili se fragilise de jour en jour. Tour d’horizon. l’Araucanie, connaissent de leur côté un regain de tensions sociales avec des accès de fièvre de groupes d’Indiens mapuches réclamant les terres de leurs ancêtres. La nomination d’un membre de l’Opus Dei, Mario Fernandez, comme ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique en juin 2016 semble toutefois montrer une volonté d’apaisement envers les catholiques de la part de la présidente Bachelet (issue d'une famille protestante, mais elle-même sans affiliation religieuse).

Bataille sur l’avortement Bien que 88 % des Chiliens se déclarent chrétiens (dont 70 % catholiques), le gouvernement veut aligner sa législation sur le mouvement de sécularisation sociétale qui traverse actuellement l’Occident. L’Église catholique ne peut accepter cette distanciation par rapport aux valeurs qui ont fondé la société chilienne depuis des siècles. Les tensions les plus sérieuses concernent l’avortement, totalement interdit depuis 1989. En janvier 2015, le gouvernement a déposé un projet

18 ■ L’église dans le monde N° 181

Brésil

Pérou Bolivie

Paraguay

Argentine Uruguay

Santiago

Superficie : 756 096 km2

Population : 17 400 000

Religions : chrétiens : 88,7 %, agnostiques : 7,7 %, athées : 2,4 %, autres : 1,2 %

Langue officielle : espagnol

légalisant l’avortement dans certains cas. L’Église catholique a aussitôt demandé que soit inscrite dans la législation une clause d’objection de conscience pour le personnel et les structures de santé. Sinon, les établissements catholiques pourraient être conduits à accepter des


Chili

Attaques contre un évêque soutenu par le pape François La nomination, début 2015, de Mgr Juan Barros Madrid comme évêque d’Orsono, précédemment évêque aux armées, a provoqué une intense polémique, le prélat étant accusé d’avoir couvert un prêtre auteur d’actes de prédation sexuelle sur des mineurs. Son installation à la cathédrale a donné lieu à une véritable bataille rangée. Le pape François, après avoir ordonné une enquête sur les faits reprochés à Mgr Madrid et rencontré ce dernier, a décidé de le maintenir à son poste. Mais l’agitation n’est pas retombée.

Sainte Thérèse des Andes Juana Fernández Solar, devenue sainte Thérèse des Andes par Jean-Paul II en 1993, est la sainte patronne du Chili et de la jeunesse. Issue d’une famille catholique, dès son plus jeune âge, elle voue une dévotion à l’Église et entre au noviciat à dix-neuf ans. Mais un an plus tard, en 1920, elle meurt du typhus. Toute sa vie a été tournée vers les autres, elle enseignait le catéchisme aux enfants travailleurs, nourrissait les plus pauvres en vendant ses biens. Un sanctuaire à Auco-Rinconada (centre-est) lui est dédié. Son corps y repose. Un miracle lui est attribué lorsque des enfants la prient de sauver une fillette de onze ans noyée qui guérira miraculeusement quelques heures plus tard.

d’Araucanie et l’église paroissiale de Notre-Dame de la Miséricorde à Los Castaños dans la banlieue de Santiago. En 2015, c’est à nouveau en Araucanie qu’un incident a été déploré dans une église, puis, depuis début 2016, le rythme des attaques contre les lieux de culte dans cette région du Chili a brusquement explosé. Ce sont huit églises et quatre chapelles catholiques, plus trois églises évangéliques qui ont été attaquées au cours des huit premiers mois de l’année.

Inscriptions en faveur de la cause mapuche Le 4 août, l’église de Pidima a été entièrement détruite par le feu lors d’un attentat perpétré par un groupe non identifié, mais dont les inscriptions en faveur de la cause mapuche ne laissent aucun doute quant à son identité. Les militants mapuches réclament le retour de leurs terres ancestrales, voire l’indépendance de l’Araucanie. Cette région n’a jamais été complètement intégrée depuis la colonisation et a connu plusieurs soulèvements ou périodes de troubles contre les Espagnols, puis

Nouvelle église brûlée en Araucanie.

© AED

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avortements dans les établissements sanitaires qu’ils gèrent – ainsi l’université catholique pontificale de Santiago. La défense de la vie a été évoquée lors d’une rencontre entre la présidente la vieMichèle Bachelet et le pape François, début juin de la même année, mais le gouvernement a poursuivi ses objectifs en ce domaine. En mars 2016, la loi permettant l’avortement dans certains cas a été votée en première lecture par la Chambre des députés. En septembre 2016, une commission du Sénat a ratifié ce vote, mais le projet ne sera sans doute définitivement approuvé qu’au printemps 2017. Ceux qui s’y opposent au nom de la défense de la vie, catholiques et évangéliques, continuent de se mobiliser. Le pays n’avait jamais connu ceci : en 2014, trois églises catholiques ont été attaquées, le sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes à Santiago, celui de Santa Barbara dans la région

contre le gouvernement central. Depuis 1990, une frange radicalisée de la population mapuche s’est lancée dans des actions d’occupation de terres, voire de véritable guérilla de basse intensité. Alors que la grande majorité des Mapuches sont catholiques, les attaques contre les églises semblent avoir pour but de briser ce lien ou du moins de l’affaiblir. En même temps, et à Santagio même, l’église de la Gratitude a été attaquée, pour de toutes autres raisons : lors d’une manifestation d’étudiants qui a dégénéré, avec destruction d’un grand crucifix ancien. La concomitance de ces événements montre que l’Église catholique est la victime des tensions qui divisent aujourd’hui la société chilienne. ■ Antoine Rizzo

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Monde arabe

CARNET DES CONTINENTS

Syrie

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Père Mourad : « nous voulons être les outils de la paix »

Turquie

Chypre Liban

Damas Irak

Israël Jordanie

Superficie : 185 180 km2 Population : 22 800 000 (en 2013), estimations actuelles : 18 500 000 Religions : chrétiens : 5,2 %, musulmans : 92,8 %, autres : 2 % Langue officielle : arabe

AED : Pourquoi vous et un frère novice avez été enlevés par Daech ? Jacques Mourad : Mon enlèvement

a eu lieu pour, d’une part, faire peur à la population et décourager toute tentative de résistance. D’autre part, à titre de prieur (du monastère Mar Elian, ndlr), j’ai un rôle essentiel auprès des habitants d’Al-Qaryatayn : notre monastère est important, les gens s’y sentent chez eux, ce qui dérange Daech car le culte rendu à la sépulture de saint Julien d’Émèse (voir encadré) a valeur de blasphème. AED : Daech s’est emparé de la ville d’Al-Qaryatayn en août 2015. Près de 250 chrétiens de votre paroisse ont été enlevés…

Ces 250 chrétiens sont des familles entières, des enfants, des handicapés, des malades et des personnes âgées. Une femme était atteinte d’un cancer. Nous avons supplié Daech de lui fournir des médicaments, ils ont refusé. Elle est morte. La torture était psychologique, ils ont tenté d’anéantir notre volonté de vivre. AED : Comment avez-vous été traités pendant votre captivité ?

Il y avait des journées très difficiles, pleines de violence. Puis ils me

20 ■ L’église dans le monde N° 181

© AED

Retenu en otage en mai 2015 pendant cinq mois par Daech alors qu’il était prieur de Mar Elian, le père Mourad, religieux syrien, plaide en faveur de la réconciliation. Interview avec l’AED sur son destin et la situation actuelle en Syrie.

« Notre monde a besoin d’une révolution contre la violence », explique le père Mourad.

laissaient tranquille. La torture psychologique de Daech repose sur le principe suivant : « Soit tu te convertis à l’islam, soit nous te coupons la tête ! » AED : Vous avez réussi à prendre la fuite en octobre 2015, après plus de cinq mois de captivité. Comment avez-vous fait ?

Ils nous avaient ramenés à Al-Qaryatayn. J’ai demandé à un ami musulman de m’emmener sur


Syrie Le père Mourad, un engagement interreligieux jusqu’au bout sa moto afin de me mettre à l’abri (voir encadré). Nous sommes alors partis à travers le désert. Par miracle, il ne nous est rien arrivé. AED : Qu’en est-il des autres otages chrétiens ?

Le père Mourad, membre de l’ordre syrien de saint Moïse l’Abyssin (Mar Mousa al-habashi), a fait du dialogue interreligieux l’âme de sa mission. Il a soutenu pendant plus de quinze ans toutes les familles de Qaryatayn, indépendamment de leur religion. S’il pense que c’est son engagement dans ce dialogue qui a poussé l’EI à l’enlever, le religieux croit aussi que c’est son amitié avec les chrétiens et les musulmans qui a pu lui permettre de se sauver. « Il est certain que le bien que

C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai pris la fuite. Je voulais trouver un moyen d’aider les autres chrétiens à fuir, et nous y sommes parvenus. Trois jours plus tard, nous avons réussi à libérer 58 personnes. Peu à peu, tous les otages chrétiens ont pu fuir à travers le désert, chaque fois avec l’aide d’amis et de voisins musulmans !

les avions construits au cours des quinze dernières années avec l’aide de l’AED. Tout cela m’attriste profondément, mais j’espère que nous pourrons prendre un nouveau départ.

AED : Finalement, Al-Qaryatayn a été libérée de Daech en avril 2016. Quelle est la situation là-bas ?

AED : La guerre se poursuit en Syrie. Plusieurs négociations de paix ont échoué. Que faire ?

La ville a été libérée de Daech, mais le quotidien n’est pas encore revenu à la normale. La plupart des maisons sont détruites. Heureusement, la ville a de nouveau l’électricité et l’eau courante, mais peu de gens sont revenus à Al-Qaryatayn par peur de voir revenir Daech.

La violence qui règne en Syrie est insupportable. Je ne comprends pas pourquoi certains États refusent de voir la réalité et de prendre une décision. Le monde doit enfin réagir ! Il faut cesser de commercer avec l’Arabie saoudite, d’où viennent l’argent et les armes de Daech. Les bombardements ne mènent à rien. Cela fait des années que les États-Unis et la Russie bombardent la Syrie et l’Irak sans parvenir à mettre un terme à la violence.

La partie la plus ancienne du monastère a été presque entièrement détruite, de même que la chapelle qui abritait la châsse de saint Julien. Les bâtiments plus récents sont eux aussi dans un état pitoyable. Nous

dans ma libération. » Et d'ajouter : « Je suis sûr que c’est l’une des raisons qui ont empêché l’EI de me tuer. »

AED : Comment la communauté internationale peut-elle agir ?

La solution ne peut pas consister à

Saint Julien d’Émèse, médecin syrien martyr

éliminer ceux qui nous persécutent. Il faut un dialogue avec l’islam pour arrêter les extrémistes. C’est l’expérience que j’ai faite. À Mar Elian, nous avons décidé de ne pas faire usage de la violence en dépit du danger, ce qui nous a sauvé la vie. AED : Dans cette guerre, la contribution des chrétiens doit-elle donc être la non-violence et le dialogue ?

Au printemps dernier, pendant une messe j’ai pensé que notre monde avait besoin d’une révolution contre la violence. Nous voulons être les outils de la paix. Notre travail n’aurait pas été possible sans nos amis de l’AED. Nous avons pu sauver des gens de la mort, leur fournir des médicaments, reconstruire leur maison, donner de la nourriture aux familles. Et un signe d'espoir. Le père Jacques Mourad est l’invité de La Nuit des Témoins qui se déroulera du 23 au 27 mars 2017 à Reims, Paris, Sainte-Anne-d’Auray, Monaco et Perpignan. ■

© AED

AED : Dans quel état votre monastère de Mar Elian se trouve-t-il ?

j’ai pu faire à la population, notamment grâce à l’AED, a eu un rôle déterminant

Originaire d’Émèse, en Phénicie, Julien, médecin, refuse de renoncer au christianisme malgré les persécutions de Maximien Galère. Il rend visite aux chrétiens condamnés aux fauves pour les réconforter, et sera à son tour martyrisé. Il meurt en 284. De nombreuses guérisons sont attribuées à son intercession. En 432, l’église de Saint-Julien est fondée sur le lieu de sa mort. Avant sa destruction par les islamistes en 2015, le monastère de Mar Elian, fondé au Ve siècle, vénérait sa mémoire en Syrie.

Monastère de Mar Elian.

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Monde arabe

CARNET DES CONTINENTS

égypte

Un pays dans la tourmente En guerre contre le terrorisme islamiste, l’Égypte lutte, minée par la crise économique et un tourisme en berne. Les coptes restent victimes d’exactions mais malgré tout, des signes encourageants sont donnés par le président Al-Sissi.

L

es touristes ont déserté l’Égypte depuis l’attentat à la bombe revendiqué par l’État islamique contre un avion russe qui venait de décoller de la station balnéaire de Charm el-Cheikh, faisant 224 morts, en octobre 2015. Depuis, des parachutistes russes participent aux « exercices antiterroristes » de l’armée égyptienne. Des combats sans merci se poursuivent entre celle-ci et les djihadistes dans le nord du Sinaï. Des centaines de policiers et de soldats ont péri dans les attentats qui frappent Le Caire et le Delta du Nil. Un haut responsable de l’armée égyptienne, le brigadier-général Adel Ragai, impliqué dans les opérations anti-djihadistes dans le Nord-Sinaï,

© AED

La minorité chrétienne résiste aux exactions et veut croire en Al-Sissi.

a ainsi été abattu à proximité de son domicile, au Caire, le 22 octobre. Ce même jour, dans la capitale, la Cour de cassation égyptienne confirmait la peine de vingt ans de prison prononcée à l’encontre de Mohamed Morsi, homme politique issu des Frères musulmans, pour la répression qu’il a exercée lorsqu’il était président de 2012 à 2013. Encore ne s’agit-il que du premier verdict définitif d’une série de procès contre l’éphémère chef de l’État… Mohamed Morsi avait été destitué en juillet 2013 par l’ancien chef de l’armée Abdel Fattah al-Sissi, qui s’est fait élire à la présidence en mai 2014 après avoir mené une répression sanglante contre les Frères musulmans.

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Chypre Liban

Syrie

Irak Israël Jordanie

Le Caire

Arabie Saoudite

Superficie : 1 000 000 km2. Population : 83 900 000 d’habitants Religions : musulmans : 95 % (majoritairement sunnites), chrétiens : 5 % Langue officielle : arabe


égypte Des signes encourageants donnés aux chrétiens

terrorisme, la situation des chrétiens dans le contexte des conflits et des tensions dans le Moyen-Orient, ainsi que leur protection ». Pour autant, les enseignements et les programmes de l’université Al-Azhar « comportent beaucoup de points qui ne sont pas modérés », observe l’évêque copte catholique Mgr Youssef Aboul-Kheir dans un entretien à l’AED. « Par exemple, en cas d’apostasie d’un musulman, l’application de la violence est justifiée. » Dans un article, le directeur de la revue de l’université al-Azhar avait qualifié de « ruineuse » l’histoire du christianisme au Proche-Orient. L’ampleur des protestations de la communauté copte l’a contraint à démissionner. © RagDel

Les chrétiens coptes ont été soulagés par l’élection du maréchal Al-Sissi à laquelle ils ont contribué par une participation sans précédent pour faire barrage aux Frères musulmans. Soucieux de l’unité du pays, Al-Sissi a effectivement donné des signes encourageants aux coptes, notamment en leur rendant visite lors des célébrations de Noël. Il a aussi appelé l’islam à se réformer, dans un discours retentissant, le 28 décembre 2014, devant les dignitaires et chercheurs de la prestigieuse université al-Azhar du Caire (notre encadré). Après la décapitation de vingt et un coptes égyptiens par les terroristes de l’État islamique, en février 2015, le président Al-Sissi s’était rendu auprès du chef de l’Église copte pour lui présenter ses condoléances, tandis que le premier ministre visitait le village d’origine des travailleurs assassinés.

Dans un discours prononcé le 28 décembre 2014 à l’université AlAzhar, le président Abd Al-Fattah Al-Sissi a appelé à lutter contre l’islamisme en adoptant un « discours religieux en accord avec son temps ». « Il est inconcevable que la pensée que nous tenons pour sacrée puisse faire de l’entière communauté islamique une source d’anxiété, de danger, de meurtre et de destruction partout dans le monde. Il est inconcevable que cette idéologie – je ne parle pas de “religion”, mais d’“idéologie”, le corpus d’idées et de textes que nous avons sacralisés au cours des siècles – soit rendue au point où il est devenu très difficile de la remettre en question.  Mais si nous ne le faisons pas », a averti Al-Sissi, « la nation islamique déchirée par l’extré-

Le grand imam d'Al-Azhar au Vatican

misme court à sa perte. »

© AED

Un an après son élection, Al-Sissi a invité le pape François à se rendre en Égypte. De plus, le président égyptien n’est certainement pas étranger à la visite au Vatican d’Ahmed alTayeb, le grand imam d’Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite, le 23 mai 2016. Ce jour-là, selon le communiqué du Saint-Siège, le pape François et Ahmed al-Tayeb ont eu une entrevue « très cordiale ». Elle a porté sur « l’engagement commun des autorités et des fidèles des grandes religions pour la paix dans le monde, le refus de la violence et du

Al-Sissi à l’université al-Azhar : « Nous devons changer radicalement notre religion. »

Les jeunes filles coptes sont encore enlevées contre rançon.

En dépit des améliorations apportées par la nouvelle Constitution de 2014, les discriminations à l’égard des non-musulmans – chrétiens, athées et des groupes religieux minoritaires comme les bahaïs – subsistent dans les lois et dans les

mœurs. Les chrétiens de HauteÉgypte sont souvent victimes de crimes de chantage et d’enlèvement. Rien que dans les six derniers mois, l’organisation Christian Concern International (CCI) a recensé dixsept enlèvements de femmes et jeunes filles chrétiennes coptes, dont certaines âgées d’à peine seize ans. Les familles de ces victimes qui se tournent vers les forces de l’ordre pour tenter de les récupérer se heurtent à l’inaction des autorités. ■ Philippe Oswald

L’église dans le monde N° 181 ■ 23


AFRIQUE

CARNET DES CONTINENTS

La récente réélection du président gabonais Ali Bongo a été contestée à l’intérieur et à l’extérieur du pays. L’Église a exprimé son inquiétude face à la crise post-électorale.

L’Église est vue avec méfiance par le nouveau président Ali Bongo.

© AED

Gabon

Dallas à Libreville E

© DigitalTeamGabon

x-bras droit d’Omar Bongo, ex-mari de sa fille préférée, ex-ministre des Affaires étrangères, c’est peu dire que Jean Ping, le candidat de l’opposition, était un homme du sérail et particulièrement proche du clan familial qui règne sur le pays depuis un demi-siècle. Âgé de soixante-treize ans, de mère gabonaise et de père chinois, il a revendiqué la victoire à l’élection présidentielle du 27 août dernier.

Ali Bongo, le président de la discorde.

Fils du « patriarche » Omar Bongo (mais la rumeur veut qu’il soit né au Biafra – au Nigeria – et qu’il ne soit

donc ni le fils de son père, ni même gabonais), Ali Bongo s’est empressé de prêter serment quatre jours après la proclamation officielle des résultats, le 27 septembre. Les cinq mille six cents voix de différence n’auront pas réellement convaincu, laissant un pays divisé et soumis aux critiques de la communauté internationale. Avec ses quatorze mille ressortissants, des liens et des intérêts historiques très importants, la France ne souhaitait pas émettre de critique trop vigoureuse même si, contrairement à son habitude, elle avait nettement pris position pour un changement à la tête du pays. Mais le Gabon est un émirat pétrolier avec une puissance financière qui n’apparaît pas forcément à première vue, une partie importante de la manne disparaissant, comme souvent en Afrique, entre les mains des dirigeants du pays. La valeur des biens connus ayant appartenu à Omar Bongo

24 ■ L’église dans le monde N° 181

dépasserait le milliard d’euros mais l’étendue de sa fortune reste un des mystères que les justices française et gabonaise, saisies par de nombreuses ONG, n’ont jamais réussi à percer. Un magot qui fait que ses cinquante-deux héritiers, depuis sa mort en 2009, se déchirent. Cameroun Guinée équatoriale

Libreville

Océan Atlantique

Congo

Superficie : 267 667 km² Population : 1,8 M habitants Religions : chrétiens : 85 % (dont 50 % de catholiques), musulmans : 10 %, animistes : 5 % Langue officielle : français


Gabon

Une particularité religieuse Pays très majoritairement chrétien (85 % de la population dont 50 % de catholiques), le Gabon est membre de la Conférence islamique. Les musulmans représentent 10 % mais Omar, né Albert-Bernard, s’est converti à l’islam en 1973, certains insinuant que c’était pour s’attirer les bonnes faveurs de l’OPEP. Par ailleurs, tout en étant constitutionnellement un État laïc, le Gabon a été le premier pays africain à signer un accord complet avec le Saint-Siège, en 1977, qui est toujours en vigueur.

concluant : « Dans mon diocèse, j’ai rappelé que nous devions préférer Jésus à toute autre cause, même à son propre camp politique. Il faut choisir la vérité, bêtement la vérité, simplement la vérité. »

grand groupe ethnique du pays, auquel appartiennent de nombreux dirigeants de l’opposition. L’influence de l’Église catholique pourrait également pâtir d’un environnement moins favorable. Selon Roland Pourtier, professeur émérite à l’université Paris 1-PanthéonSorbonne, « le poids moral et politique de l’Église est encore important, mais celle-ci souffre des évolutions de la société, de la concurrence avec les évangéliques et du peu de résultats qu’elle a obtenus en matière de justice sociale et de réduction des inégalités ». Le diagnostic peut paraître sévère car la persistance des inégalités au Gabon, dans un certain nombre de pays africains et même au-delà, ne peut pas honnêtement être attribuée à la seule Église catholique. Force est d’observer une persévérance des clans au pouvoir, au Gabon et ailleurs, à s’assurer le maintien de leurs prérogatives, quitte à notamment instrumentaliser des réflexes ethniques pour conserver à tout prix le pouvoir. La démocratie attendra… ■

L’influence de l’Église Au cours des dernières années, au fur et à mesure que les tensions politiques montaient au Gabon, les relations entre le gouvernement et l’archevêque de Libreville, Mgr Basile Mvé, se sont dégradées. L’archevêque avait d’excellentes relations avec le président Omar Bongo. Depuis son élection en 2009, Ali Bongo a regardé l’Église catholique avec suspicion, la considérant comme un bastion des Fang, le plus Le poids de l’Église est encore important mais s’affaiblit.

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Inquiètes mais soucieuses de ne pas prendre parti dans cette confrontation, les Églises catholique et évangélique ont lancé un vibrant appel au calme et à la retenue en soulignant que « la vérité des urnes devait être respectée ». Le président de la Conférence épiscopale du Gabon, Mgr Mathieu Madéga Lebouakéhan, évêque de Mouila, a appelé les chrétiens à l’espérance « pour ne pas sombrer dans le découragement… et pour résister à la tentation de la violence », tandis que le pasteur JeanJacques Ndong Ekouaghé, président du Conseil national de l’Église évangélique du Gabon, rappelait que nous « n’avons pas de pays de rechange ». « L’unique moyen véritable pour sortir notre pays de la crise postélectorale, pour départager les deux camps qui réclament la victoire, est de revisiter le résultat de l’élection présidentielle de manière indubitable », expliquait Mgr Madega, en ajoutant : « Il ne faut pas sortir de Polytechnique pour dépouiller les bulletins dans un bureau de vote et additionner tous les résultats. » « Qu’est-ce que nous gagnons à nous entre-tuer ? », ajoutait-il en

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La réaction de l’Église

Marc Fromager

L’église dans le monde N° 181 ■ 25


Asie

CARNET DES CONTINENTS

Mongolie

Le premier prêtre mongol a été ordonné cet été, moins de vingt-cinq ans après la chute du communisme, signe d’une renaissance de l’Église locale. Retour sur l’histoire d’une présence catholique en terre bouddhiste. Fragile mais fervente.

«

Je ne veux pas que mon fils reçoive le baptême ! » La mère de Pierre, vingt-six ans, supplie le père Hervé Kuafa Lontsi, missionnaire camerounais en Mongolie de 2007 à 2016. Pour elle, baptême et ordination sacerdotale ne font qu’un et elle refuse que son fils s’engage dans le célibat. Il faut toute la pédagogie du curé-recteur de la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul pour dissiper le malentendu et permettre à Pierre de recevoir le baptême. Cette confusion illustre bien la situation des catholiques en Mongolie. La communauté grandit mais très lentement. Jusque dans la capitale mongole, Oulan-Bator, où vit presque la moitié de la population du pays, le catholicisme ne 26 ■ L’église dans le monde N° 181

Russie Kazakhstan

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Il était une foi au pays des steppes

Lac Baïkal

Oulan-Bator Désert de Gobi Chine

Superficie : 1 564 116 km2

Population : 2 796 484 habitants

Religions : bouddhistes : 53 %, athées : 39 %, musulmans : 3 %, chamanistes : 3 %, chrétiens : 2 %

Langue : mongol

représente qu’une infime minorité. « Ce qui m’a le plus frappé à mon arrivée, ce sont les églises vides », relate le père Hervé. Mille deux cents baptisés pour trois millions d’habitants, un ratio très faible. Même pour l’un des pays les moins peuplés au monde, terre de steppes et de montagnes. Pourquoi ? « La Mongolie est un petit poney entre un ours énorme [la Russie] et un dragon [la Chine] », décrit volontiers son président Tsakhiagiyin Elbegdorj, en 2016. Un « petit


poney » qui a vécu sous domination soviétique pendant sept décennies de non-liberté religieuse et partage davantage de frontières avec la Chine communiste qu’avec tout autre pays limitrophe. Ce premier constat explique le terreau peu favorable à l’éclosion de pieuses pratiques. « Dans les années 1930-1940,

Prêtres missionnaires autour du père Joseph.

d’exemple, « la loi mongole interdit toujours aux enfants de moins de seize ans de fréquenter des lieux de culte sans accord parental », dixit l’ex-missionnaire en terre mongole.

Ordination du père Joseph, premier prêtre autochtone.

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Interdiction de prêcher hors des églises

quelque dix-sept mille moines bouddhistes ont été massacrés et beaucoup de monastères ont été détruits », rapporte à l’AED Ayurzana, officier de l’armée mongole. Si aujourd’hui, la République populaire mongole a cédé la place à une démocratie, en 1992, avec une Constitution qui garantit la liberté religieuse, « les membres du parti d’hier sont les démocrates ou socialistes d’aujourd’hui », raconte aussi le père Hervé. On ne change pas les mentalités en un jour. À titre

Dans les faits, les organisations confessionnelles doivent s’enregistrer auprès de l’Autorité générale pour avoir droit de cité. Cette dernière délivre alors le précieux certificat d’enregistrement dont la validité fluctue. Pour l’Église catholique, il faut le renouveler tous les ans. « Un processus long et fastidieux » qui nécessite quelquefois de « s’adresser à six organismes différents aux niveaux local et national […]», note l’AED dans son Rapport 2016 sur la liberté religieuse. Le préfet apostolique d’Oulan-Bator, le Philippin Mgr Padilla, ajoute « qu’on ne peut pas prêcher en dehors des églises », au risque d’être emprisonné. Et les occasions de parler du Christ en dehors des églises mongoles ne manquent pas, puisque les catholiques gèrent une quinzaine d’écoles, centres de formation professionnelle, cliniques et maisons de soin aux noms évocateurs : Saint-Dominique-Savio, Saint-Paul, Saint-Don-Bosco, Sainte-Marie,

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Mongolie

Sainte-Sophie… « Certains officiels jugent suspectes nos activités », poursuit l’évêque, pourtant attentif à éviter tout prosélytisme. « Nous sommes parfois accusés de vouloir convertir les gens via nos activités caritatives. » « En fonction du secteur d’activité, les organisations religieuses étrangères doivent aussi inclure un pourcentage minimum d’employés mongols dans leur personnel – entre 25% et 95% », stipule le même Rapport 2016 de l’AED. Si l’Église catholique semble bénéficier d’une largesse pour services rendus – son quota le plus restrictif ne dépasse pas 75% – un homme d’affaires occidental établi à Oulan-Bator rapporte qu’en 2014, « dix-huit temples

Bouddha and co L’écharpe bleue, symbole de pureté et de compassion chez les bouddhistes, flotte au cou du nouvel ordonné, le père Joseph Enkh Baatar. L’abbé du monastère bouddhiste de Dashi Lin Choi a fait le déplacement pour l’ordination du premier prêtre mongol. Un signe de la bonne entente entre catholiques et bouddhistes et un pas significatif dans l’implantation de l’Église au pays des steppes.

L’église dans le monde N° 181 ■ 27


Asie

CARNET DES CONTINENTS

Une première évangélisation datant du VIIe siècle Les premières annonces de l’Évangile en terre mongole ne datent pas du XXe siècle mais du VIIe siècle après Jésus-Christ, avec l’arrivée de moines nestoriens et la Afficher sa foi est encore délicat (ici, chemin de croix).

Puis, au XIIe siècle, de nouveaux missionnaires arrivent, sous la dynastie mongole des Yuan. D’après certaines archives, il y aurait eu, à cette époque, quelque trente

aurait ensuite disparu avec la chute de l’empire Yuan et l’émergence de la dynastie chinoise des Ming. Au XVIe siècle, l’émergence de l’islam au Moyen-Orient entrave la route des missionnaires chrétiens, rendant le territoire mongol difficilement accessible. à cette période, le bouddhisme se propage encore plus dans le pays, jusqu’à la révolution communiste, en 1924. Il faudra ensuite attendre le début des années 1990, pour que les pas de trois nouveaux missionnaires catholiques étrangers viennent fouler le sol de la terre mongole et que, vingt-six ans plus tard, la petite Église renaissante accueille son premier prêtre catholique autochtone, le père Joseph Enkh Baatar. (source : Église d’Asie)

protestants ont été officiellement fermés dans la seule province de Darkhan-Uul » pour diverses infractions à cette réglementation. L’arsenal de directives commence à devenir conséquent. Est-il le seul fait d’un communisme latent ? Si oui, le bouddhisme devrait porter le même joug. Or, il n’en est rien. Le

gouvernement est tout particulièrede séminaire en Mongolie, ni de ment prié de le respecter en tant que couvent local. La tâche s’annonce religion majoritaire de la population. rude : faire venir dans les églises En clair : le pays reste marqué par un peuple dont « le tiers est constile communisme mais ce n’est pas tué de purs nomades et la moitié vit le seul frein au développement du dans des yourtes », relève Ayurzana. catholicisme. Pourtant, les - 40° en hiver et + 40° e Sans doute dès le XIII siècle, le l’été n’ont pas découragé les misbouddhisme était considéré comme sionnaires. Fussent-ils Africains ou religion d’État et la parenthèse Philippins. soviétique n’a fait que suspendre Bon élève son existence sans l’éradiquer. Les Depuis 1992, la communauté racines mongoles de la religion catholique est passée de zéro à de Bouddha lui garantissent un six paroisses, auxquelles s’ajouancrage à long terme dans le pays tent cinq missions, 25 prêtres et un socle commun pour ses habitants. Comme les Mongols sont plus nombreux à l’exté- Le nombre rieur de leur immense pays des chrétiens, – trois fois la superficie de très faible, est en croissance. la France – que sur leurs propres terres, il y a urgence à fédérer et défendre une culture collective locale. Le christianisme, relégué au statut de religion étrangère, ne bénéficie pas de la même aura. « Presque tous nos jeunes qui osent s’afficher comme catholiques perdent leur cercle d’amis », déplore le père Hervé. Pas

28 ■ L’église dans le monde N° 181

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mille catholiques, ce qui laisse augurer la présence d’un clergé local établi, qui

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conversion de plusieurs tribus mongoles.


Mongolie

Préfecture, vicariat ou diocèse ? La Mongolie n’est ni un diocèse, ni un vicariat mais une préfecture apostolique. C’est-à-dire ? Elle se situe au 1er échelon dans la hiérarchie des circonscriptions de l’Église catholique. Souvent, ce type de territoire se trouve en zone de mission, là où les racines du catholicisme sont encore jeunes. Le préfet représente le pape au nom de qui il gouverne. Le 2e échelon est le vicariat. Le 3e, le diocèse, dans lequel l’évêque exerce sa pleine autorité.

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Signe d’espérance, l’Église se compose de nombreux jeunes.

Ordination du premier prêtre mongol. Un exemple pour d’autres ?

de moins de trente ans et 36% de moins de quatorze ans », mais il semblerait que la moyenne d’âge des catholiques soit spécialement jeune. Un signe d’espérance auquel s’ajoute l’ordination du tout premier prêtre mongol, le 28 août 2016. « L’engagement du père Joseph Enkh Baatar, vingt-neuf ans, peut devenir une source d’inspiration pour les jeunes qui découvrent un exemple de don de soi, issu de leur pays, se mettant au service de Dieu et des autres », se réjouit Mgr Padilla. D’ailleurs la phrase d’ordination de ce premier prêtre mongol, unique garçon d’une famille de trois enfants, semble à la mesure

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et 36 religieuses missionnaires, un prêtre autochtone et deux séminaristes mongols formés en Corée du Sud. Le premier jeune prêtre mongol a traduit la Bible et le Catéchisme de l’Église catholique, tandis qu’un prêtre camerounais a composé quinze hymnes dans la langue locale. Bref, le bon élève étant celui qui dispose des bons outils, l’Église catholique a toutes ses chances. D’autant plus qu’au moment de l’effondrement communiste, l’État lui-même a demandé une aide au pape pour sortir le pays de son marasme socio-économique. D’où les œuvres sociales citées plus haut. « Tout commence donc par une volonté de mettre l’homme debout et non par un prosélytisme forcené », constate l’ancien recteur de la cathédrale. « Ce qui m’a également étonné en 2007, c’était de voir une Église jeune », s’enthousiasme-t-il, « avec beaucoup d’enfants et d’adolescents. » L’officier mongol, quant à lui, rappelle que « les deux-tiers de la population générale sont âgés

de la tâche qui l’attend : « Qu’il se renie lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive » (Mt 16,24). Et il semble prêt, Joseph Enkh Baatar. Après des études en biotechnologie, « comme saint Martin de Tours, il se débarrasse de ses biens par amour pour le Christ ; comme sainte Mère Teresa, il choisit ses amis parmi les pauvres », dit de lui un ancien missionnaire à Oulan Bator. Avant d’ajouter : « J’ai l’impression de parler d’un saint. » Sur le plan pratique aussi, cette ordination va générer des changements conséquents. D’après la législation en vigueur, seul un citoyen mongol peut posséder des terrains ou diriger une organisation religieuse. Donc jusqu’à l’été 2016, le fonctionnaire principal de l’Église catholique en Mongolie était… la secrétaire de Mgr Padilla, utilisée comme prête-nom pour les terrains de la préfecture apostolique. Grâce au père Enkh, nouveau recteur de la cathédrale, la préfecture devient enfin son propre représentant juridique. « Ce premier prêtre entrera en dialogue profond avec son pays pour mieux lui faire connaître l’Église catholique », prédit le père Hervé. Il lui parlera au cœur. « Lorsqu’il a fait sa première homélie comme diacre, devant moi, il touchait les gens de plein fouet ; ce qui n’était pas le cas pour moi, car les Mongols faisaient un grand effort pour comprendre ma prononciation. » Le jour de l’ordination, près de mille cinq cents fidèles se pressaient autour du jeune prêtre. « Que soient pleins d’allégresse désert et terre aride, que la steppe exulte et fleurisse », chantait Isaïe… ■ Emmanuelle Ollivry

L’église dans le monde N° 181 ■ 29


COMMUNAUTÉ DU MONDE

COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE PALAVRA VIVA

Adoration à l’École d’évangélisation du Brésil.

Charisme

« Annoncer Jésus au monde, tout particulièrement aux jeunes et aux familles ; retrouver le sens du sacré dans l’Église et le cœur de l’homme ; défendre fermement le dépôt de la foi dans une totale obéissance au Magistère et au Saint-Père », peut-on lire dans les Objectifs généraux de Palavra Viva – en français « parole vivante ». Ainsi la communauté s’appuiet-elle quotidiennement sur la Lectio divina, la messe, l’adoration et le rosaire pour préparer ses missions itinérantes dans les paroisses. Elle voue une tendresse particulière à saint François d’Assise, sainte Thérèse de l’EnfantJésus et Notre-Dame de Fatima au cœur de laquelle elle est consacrée.

Alysson, fondateur de la communauté, rencontre Benoît XVI en 2009.

30 ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181

Historique

Alysson Norberto da Costa a dixhuit ans en 1992 et vit au Brésil. Le profond désir d’évangéliser qui habite son cœur devient contagieux. Dès 1995, ils sont onze jeunes à prier, écouter la parole de Dieu et vivre de l’Évangile chaque jour. Six mois plus tard, ils organisent des week-ends d’évangélisation et de formation pour les jeunes du diocèse. En parallèle, l’exhortation apostolique sur la vie consacrée, du pape Jean-Paul II, souligne « l’originalité de nouvelles communautés composées de laïcs – mariés ou célibataires – et de clercs ». C’est comme une confirmation. En 2003, première maison missionnaire à São Paulo. La communauté prend forme. Mgr Paulo Lopes de Faria la reconnaît canoniquement comme « association privée de fidèles » en 2004, et de nouvelles maisons naissent au Brésil ou à l’étranger. Depuis 2005, les consacrés professent des vœux définitifs.


Volontariat d'un an et plus si affinités

Fondée en 2008, au Brésil, l’École d’évangélisation Palavra Viva, propose une formation spirituelle, intellectuelle et humaine aux jeunes de 18 à 30 ans désireux de donner un an au Christ. Outre les cours, dispensés par des cardinaux, évêques, prêtres, diacres, religieux ou laïcs de différentes nationalités, les élèves participent à la mission, une semaine par mois, dans une ville brésilienne.

© Palavra Viva

Évangélisation près de Bayonne.

Verset biblique Les consacrées portent le Tau de St François.

Formation des consacrés

Douze mois d’École d’évangélisation Palavra Viva, au Brésil, précèdent le Discipulat, à l’issue duquel sont prononcés les premiers vœux d’obéissance, pauvreté et chasteté – renouvelés chaque année jusqu’à l’engagement définitif, au bout de sept ans. Après ces deux ans de formation initiale et de Discipulat, c’est l’envoi : soit dans des maisons de mission, soit dans des maisons de formation pour approfondir philosophie et théologie à la faculté de Lugano, en Suisse, ou à l’université du Latran, à Rome. Pèlerinage VTT à Avignon, organisé par des consacrés.

« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création et faites des disciples » (Marc 16,15)

Quelques chiffres

Entre Brésil, Suisse, Italie, France, Portugal et Espagne, « la communauté de vie » regroupe deux cents consacrés dont six prêtres. « La communauté d’alliance » compte plus de cent personnes, étudiants, familles... qui partagent la même spiritualité, sans vivre ensemble. ■

Contacts

Brésil : École d’évangélisation Tel : +55 (38) 3721 1551 sitepalavraviva@gmail.com France : Maison de mission à Lyon (mais aussi Avignon, Périgueux, Bayonne et Meaux) 06 47 87 79 31 lyon@palavraviva.com L’ÉGLISE DANS LE MONDE N°181 ■ 31


Kiosque

RENDEZ-VOUS

COUP DE CŒUR Rapport sur la Liberté religieuse 2016 Éditions AED, octobre 2016, 192 p. 13 € (frais de port compris), disponible à l'AED

L’ouvrage décrit le degré de liberté religieuse dans 20 pays du monde où elle est la plus entravée, parmi les 196 étudiés par l’AED. Rédigé par 24 experts journalistes, universitaires et auteurs indépendants, le Rapport analyse de manière claire la situation constitutionnelle de la liberté religieuse de chaque pays, décrit les derniers incidents et ouvre des perspectives pour les années à venir. Les conclusions synthétiques ainsi que la carte détachable de l’intolérance religieuse offrent au lecteur une vision d’ensemble pertinente et objective d’un droit de plus en plus bafoué, quelle que soit la religion. ■

Un amour inespéré Adina Candréa Salvator, 448 p., mars 2016, 22 €

La vie d’Adina a tout du roman. Au fil des pages palpitent l’amour, la peur, l’alcool, la mort, les errances du communisme et la fuite. Le livre

Saint Joseph, image du Père Jean-Michel Sanchez, Jean-François Froger, Jean-Paul Dumontier Éditions grégoriennes, octobre 2015, 126 p., 35 €

raconte pourtant la vie bien réelle

Mêlant spiritualité, art et histoire, ce

d’une Roumaine juive, devenue chré-

bel ouvrage nous fait découvrir ou redécouvrir la vie,

tienne à quarante-six ans, alors que tout se bousculait

la mort, le rôle et la présence de saint Joseph à travers

en elle. « Aux enfants roumains, on disait de haïr les

les siècles. Avec des textes éclairants et historiques,

juifs d’avoir tué Jésus ; aux enfants juifs, on disait que

mais aussi avec des illustrations variées et de qualité :

Jésus a blasphémé. » Comment s’y retrouver ?

sculptures, peintures ou encore vitraux, on se plonge

La veille de son baptême, elle ouvre la Bible et lit :

aisément dans ce livre qui est un véritable plaisir tant

« La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul

pour les yeux que pour l’âme. On réapprend à connaître

vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. »

Joseph, le descendant, l’homme, l’époux, le saint et le

(Jean 17,3) ■

père. Un livre d’art à offrir aux plus jeunes comme aux moins jeunes ! ■

Robert Naoussi : une vie donnée à l’Amour Loan Estevez BD, Éditions Saint-Paul, 48 p., juin 2016, 12 €

1970. Robert va mourir de la lèpre au Cameroun. Il a seize ans. De ses dix frères et sœurs, il est le seul baptisé. « La souffrance, c’est comme une machette avec laquelle je vais débroussailler la route du Ciel aux jeunes de ma génération qui n’ont pas la chance que j’ai de connaître le Bon Dieu », dit-il à ceux qui le soignent. « La chance ? » Oui. Le trait doux et retenu de Loan Estevez, elle-même adolescente, sert avec pudeur l’incroyable récit d’une souffrance utile, qui rend vraiment heureux. Et il ne s’agit pas de fiction. Dès neuf ans. ■

32 ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181


Kiosque

RENDEZ-VOUS

Pour l’amour de Jérusalem

À travers la grande épreuve,

Mgr Fouad Twal

Europe de l'Est Témoins de la foi dans la persécution

Éditions Bayard, 232 p., septembre 2016, 14,90 €

Didier Rance

Issu d’une famille bédouine ins-

Editions Artège, 341 p., septembre 2016, 23 € (frais de port compris). Disponible à l'AED

tallée à Madaba, en Jordanie, le futur patriarche de Jérusalem ne soupçonnait pas alors qu’il allait faire le tour du monde pendant sa vie d’adulte. Séminariste près de

À travers l’histoire politique et sociale des pays d’Europe

Bethléem, prêtre au Honduras, diplomate à Rome,

de l’Est au XXe siècle, ce sont des histoires d’hommes

en Égypte, en Allemagne puis au Pérou, il finit par

et de femmes d’Église que retrace cet ouvrage émou-

être nommé archevêque de Tunis puis Patriarche

vant. Au fil des pages, on découvre les luttes qu’ils ont

de Jérusalem. Un parcours atypique qu’il livre sans

menées sans relâche contre les pouvoirs persécuteurs

tabou dans cet ouvrage où se dévoile, au fil des pages,

anticléricaux dans leur pays respectif. Bravant les in-

son amour pour la Terre sainte pour conclure par un

terdits et faisant preuve d’un courage à toute épreuve,

vibrant et inlassable appel à la paix sur Jérusalem, la

ces témoins édifiants, qui ont œuvré à la vitalité de

Ville sainte. ■

l’Église, nous montrent la force de la foi. ■

Par Internet : www.aed-france.org

(rubrique « nous aider»)

Je reçois gratuitement le carnet de prière

« Veillez et priez » avec chaque numéro de « l’Église dans le Monde » Je m’abonne pour un an (5 numéros) : 30 € (étranger 40 €)

Je choisis l’abonnement de soutien (5 numéros) : 40 € et je permets à des personnes aux ressources limitées de s’abonner.

Par courrier, en envoyant ce coupon accompagné de votre chèque (ordre : AED) sous enveloppe affranchie à Aide à l’Église en Détresse (AED), 29, rue du Louvre, CS 30057, 78750 Mareil-Marly

M Mme Nom : Prénom : Adresse :

Père

Sœur

Code postal : Ville : E-mail : L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181 ■ 33


RENDEZ-VOUS

Une heure avec…

© Sleiman Ri

zk

Père Elias Maroun Gharios

E

Aimer, même ses ravisseurs

n moins de vingt ans, il baptise mille quarante en 1988, sur les 210 élèves de l’école qu’il dirige, 44 enmusulmans dans la ville-berceau du Hezbollah, trent dans les ordres. principale zone chiite du Liban, à quelques kiloUne curieuse rocaille colonise murs et plafond de mètres de la Syrie. « Il », c’est le père Elias Maroun l’église. Le bâtiment extérieur ressemble pourtant à une Gharios, moine maronite libanais, curé de Notre-Dame simple maison crêpée de blanc. « Notre foi ne tient pas du Perpétuel Secours et supérieur du couvent de à des symboles. Le Christ a vraiment vécu sur terre. Il est Baalbek. De lourds sillons ravinent son visage embusné dans une grotte. Il y a fait son tombeau », expose le qué derrière une barbe de patriarche. Pourtant – l’habit prêtre qui a méticuleusement utilisé du papier crèche ne fait pas le moine – il n’a que cinquante-trois ans. Les pour créer le trompe-l’œil. « On a besoin d’images tortures ont creusé ses joues déjà hâves. Plusieurs fois concrètes. » Le résultat est saisissant. Tout comme les kidnappé à cause de son apostolat, il « annonce gigantesques processions organisées lors des fêtes liturl’Amour » avec douceur et conviction. « Ma vie, c’est le giques, à grand renfort de figurants et d’effets spéciaux. Christ. Il est victorieux. Je n’ai pas peur de la mort », Pour évangéliser, il faut donc l’Amour et la créativité. affirme celui qui se présente comme « une Le père Gharios est un homme de voix qui crie dans le désert ». Et pour crier, il contrastes. En pleine adolescence agitée, il « Je n’ai pas peur de la mort » utilise une sono. choisit le monastère. A la fois discret, voire Grâce à de puissants haut-parleurs, ses taiseux – ses périlleuses équipées hebdomahomélies retentissent dans les rues avoisinant sa padaires en Syrie auprès des opprimés sont à peine évoroisse, pour que tous entendent. Mais si chaque messe quées – il ne manque jamais de verve pour annoncer le Christ. Malgré une santé chancelante, il entreprend, regroupe aujourd’hui 300 à 500 personnes, en 1996 des familles musulmanes occupent encore les lieux. Entre seul, de construire une nouvelle église à Majdaloun et deux quintes de toux – ses poumons et son cœur ont dimanche 4 septembre 2016, après dix-sept ans de trasubi des sévices – le père explique comment il a reconvaux, il y célèbre la première messe devant deux mille fiquis l’église désaffectée : « D’abord, aimer les gens dèles. « Portez la croix comme un flambeau », les ex[…] Vivre avec les musulmans et non à côté d’eux. Leur horte-t-il. Aujourd’hui, il s’adresse aux Français : dire que Jésus les aime. » Peu à peu, les cœurs sont « N’ayez pas peur petit troupeau. Vivez la miséricorde, saisis. Y compris celui de Banine, fille d’un grand cheikh le pardon, l’héroïsme. La France redeviendra la fille local, devenue catholique en 2009. Le « Jean-Baptiste » aînée de l’Église. » ■ Emmanuelle Kaeser, avec Maroun El Khoury n’en est pas à son coup d’essai : après son ordination 34 ■ L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181


Projet de l'AED

AGIR

Chaque année, l’AED collecte près de 80 millions d’euros pour soutenir l’Église dans le monde • Grâce à des milliers de donateurs, l’AED redonne force et vitalité à l’Église dans

© AED

plus de 137 pays : • Des milliers d’églises et

Burkina Faso : soutien au Centre catholique pour jeunes filles enceintes À seize ans, Antoinette se retrouve dans la situation de beaucoup d’autres jeunes filles du pays : elle est enceinte et livrée à elle-même. Le Centre pour jeunes filles enceintes et jeunes mères, tenu par l’Église catholique à Dédougou, au Burkina Faso, leur vient en aide. Le cas d’Antoinette n’est pas un cas isolé. Au Burkina Faso, seules 14 % d’entre elles savent lire et écrire. Le nombre de jeunes filles élevant seules un ou plusieurs enfants est en hausse. Les filles viennent de familles pauvres. Parfois orphelines, il est fréquent que personne ne s’occupe d’elles. Si elles tombent enceintes, elles sont chassées, obligées d’avorter ou d’abandonner l’enfant. D’autres se retrouvent à la rue. Elles fuient un mariage forcé

chapelles ont été construites ou reconstruites. • l’AED soutient 1 séminariste sur 12 dans le monde. • 45 millions de « Bibles pour enfant » ont été diffusées. • Des milliers de prêtres survivent grâce aux offrandes de messe transmises par

et tombent précocement dans la prostitution par manque d’argent. Beaucoup contractent le sida. Ces jeunes femmes retombent la plupart du temps rapidement enceintes, et commence alors un cercle vicieux Au Centre pour jeunes mères de Dédougou, elles trouvent refuge et sont concrètement prises en charge. Elles ont l’opportunité de finir leur scolarité, d’aller à l’école pour la première fois de leur vie et de recevoir une formation professionnelle. Elles peuvent mettre leur enfant au monde en sécurité et espérer un avenir meilleur. Le Centre est soutenu par l’AED. Cette année encore, nous l’aiderons à hauteur de 15 000 euros. Nous vous remercions d’avance pour votre générosité. ■

l’AED. • Des centaines de programmes de radio et télévision ont été financés pour soutenir les chrétiens isolés. • Des milliers de véhicules ont été achetés pour propager l’évangile : voitures, motos, bicyclettes, bateaux à moteur… tous les moyens sont bons pour les messagers de la Bonne Nouvelle  !

Envoyez vos dons à :

AED - 29, rue du Louvre CS 30057 - 78 750 Mareil-Marly ou sur notre site internet

www.aed-france.org Merci pour votre aide !

L’ÉGLISE DANS LE MONDE N° 181 ■ 35


Seigneur mon Dieu,

je ne sais pas où je vais,

je ne vois pas la route devant moi,

je ne peux pas prévoir avec certitude où elle aboutira. Je ne me connais pas vraiment moi-même, et, si je crois sincèrement suivre Ta volonté, cela ne veut pas dire qu’en fait je m’y conforme. Je crois cependant que mon désir de Te plaire, Te plaît. J'espère avoir ce désir au cœur de tout ce que je fais, et ne jamais rien faire à l'avenir sans ce désir. En agissant ainsi, je sais que Tu me conduiras sur la bonne route, même si je ne la connais pas moi-même. Je Te ferai donc toujours confiance, même quand j'aurai l'impression que je me suis perdu et que je marche à l'ombre de la mort. Je n’aurai aucune crainte car Tu es toujours avec moi et jamais Tu ne me laisseras seul dans le péril. Amen. Thomas Merton, moine cistercien (1915-1968)


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