167 VITALITÉ • DÉTRESSE • FAITS & TÉMOIGNAGES
inde
L’ÉGLISE DANS LE MONDE • N°167 • Février 2014 • 6 e
Chili
élections 2014 : entre séduction et intolérance
L'après Pinochet
Terre sainte Climat œcuménique à Jérusalem
POUR LES CHRÉTIENS PERSÉCUTÉS
DU 24 AU 28 MARS 2014 VEILLÉES DE PRIÈRE ET TÉMOIGNAGES > LUNDI 24 MARS
STRASBOURG
Église catholique Saint-Pierre-le-Jeune 20h30 veillée
> MARDI 25 MARS
BORDEAUX
Cathédrale Saint-André 20h veillée
> MERCREDI 26 MARS
MARSEILLE
Basilique du Sacré-Cœur 20h veillée
> VENDREDI 28 MARS
PARIS
Cathédrale Notre-Dame de Paris 18h30 messe 20h veillée
www.aed-france.org
Témoignages de personnalités de Centrafrique, d’Égypte, du Liban, d’Irak et de Syrie
TÉLEVISION CATHOLIQUE
TÉLEVISION CATHOLIQUE
SOMMAIRE actualité lEs points chauds ............................................................... 4 LE MONDE EN BREF ................................................................... 6 TRIBUNE Nouvelles Guerres Froides .................................... 7 DÉCRYPTAGE Evangelii Gaudium
Le pape François vise au cœur . .................................................... 8
Carnet des continents Europe Réfugiés Pas de place à l'auberge !
. ...........................................................
AFRIQUE Afrique du Sud L’Église, goutte d'eau dans un ciel ombragé
.....................
14
. ...............................................................................
18
Amériques Chili L’après Pinochet
10
Proche-Orient Terre sainte Climat œcuménique à Jérusalem . ........................................... 22 Asie Inde
Élection 2014 : entre séduction et intolérance
. ................
26
rendez-vous communautés du monde La communauté de l’Agneau
. ....................................................
30
kiosque écouter, lire, voir ................................................... 32 portrait Édouard Cortès...................................................... 34 Projets de l’AED ................................................................... 35 prière .................................................................................................. 36
veillez et priez carnet de prière .................................. pages
167
centrales
Édito Fêtes liturgiques Au moment où le dimanche semble perdre de plus en plus son caractère spécifique et où on nous assène avec de nouvelles fêtes inventées pour quasiment chaque jour (journée internationale contre l’hypertension, sans téléphone mobile, pour la normalisation, de la gentillesse, du chant choral et du Nutella,…), comme il est bon de retrouver tout simplement la séquence des temps liturgiques qui ont rythmé notre histoire et façonné notre culture. Pourquoi pas du Nutella, par exemple sur des crêpes, mais encore faudrait-il savoir pourquoi on mange des crêpes le 2 février. Avant d’être une opération commerciale, la chandeleur est la fête de la Présentation du Christ, une fête qui clôt naturellement le temps de Noël, une fête joyeuse donc, mais qui nous prépare déjà en quelque sorte au mystère pascal. Cette année, le carême commence très tard (5 mars) et cette transition pourra donc se faire en douceur. Au beau milieu du carême, l’AED vous proposera néanmoins de vous plonger davantage dans ce mystère pascal avec la Nuit des Témoins où seront évoquées les figures des prêtres, religieux et religieuses, laïcs missionnaires qui auront, à l’instar du Christ, donné leur vie par amour de leurs frères. Pour cette 6e édition, nous évoquerons tout particulièrement nos frères d’Égypte avec Mgr Ibrahim Isaac SIDRAK, patriarche coptecatholique, d’Irak avec Mgr Amel Shamon NONA, archevêque de Mossoul, et de Syrie avec sœur Raghida AL KOURI, religieuse de Damas, ainsi que nos frères de Centrafrique avec Mgr Dieudonné NZAPALAINGA, archevêque de Bangui. La veillée aura lieu à Strasbourg, Bordeaux et Marseille, respectivement les 24, 25 et 26 mars puis finalement à Notre-Dame de Paris le vendredi 28 mars. Nous vous y attendons ! Marc Fromager
Directeur national Ce numéro comporte un encart posé sur la couverture. Pour vous abonner, contactez l’AED, écrivez à la rédaction : 29, rue du Louvre - CS 30057 - 78 750 Mareil-Marly - 01 39 17 30 10 contact@leglisedanslemonde.org - Photo de couverture et photo de la 4e de couverture : © Anto Akkara - Directeur de la publication : Pierre Bouhey - Rédacteur en chef : Marc Fromager - Rédactrice en chef adjointe : Amélie de La Hougue - Comité de rédaction : Marc Fromager, Amélie de La Hougue, Philippe Oswald, Claire de Guillebon - Secrétaire de rédaction : Véronique Belle - Fabrication / production : CLD, 33, avenue du Maine, 75015 Paris - Impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres - Inscription CPPAP - n° 0510G79871 N° ISSN : 0252-2578 - Dépôt légal : janvier 2014
L’église dans le monde N° 167 ■ 3
Les points chauds
Actualité
france Trente mille jeunes venus de toute l’Europe se sont réunis à Strasbourg fin décembre pour la rencontre annuelle de Taizé, avec l’œcuménisme au cœur de leur rassemblement.
vatican Selon les chiffres de la préfecture de la Maison pontificale, plus de 6 600 000 personnes ont pris part aux différentes manifestations présidées par le pape François depuis son élection le 13 mars 2013.
tunisie L’article 20 du projet de constitution tunisienne adopté début janvier soutient l’égalité hommesfemmes : « Tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune. »
soudan du sud
uruguay Le pays devient le premier au monde à légaliser la production, la vente et la consommation de la marijuana. Une forte menace pour la population selon l’Église locale.
Vitalité Inquiétude Détresse
4 ■ L’église dans le monde N° 167
Depuis le 15 décembre, les combats entre les partisans de Kiir et ceux de Machar ont causé la mort de plus de 1 000 personnes et l’évacuation de 200 000 autres.
Retrouvez toute l’actualité de l’Église en Détresse sur www.aed-france.org terre sainte Du 24 au 26 mai prochain, le pape se rendra à Amman, Bethléem et Jérusalem pour « commémorer la rencontre historique entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, le 5 janvier 1964 ».
russie À l’approche des jeux Olympiques de Sotchi (du 7 au 23 février), la sécurité est menacée dans certaines zones du pays. Deux attentats suicide ont tué plus de trente personnes.
liban Un nouvel attentat a frappé début janvier la banlieue sud de Beyrouth, ce qui porte à six le nombre d’attentats depuis juillet 2013. Au total, près d’une centaine de morts et de nombreux blessés.
irak L’année 2013 aura été la plus meurtrière pour le pays depuis cinq ans en raison du mécontentement de la minorité sunnite et du conflit syrien. Trente-cinq personnes ont été tuées le jour de Noël.
jordanie Les conditions de vie déjà dramatiques deviennent insurmontables avec le froid et la neige pour des centaines de milliers de réfugiés syriens ayant fui les zones de guerre.
japon La population globale de l’archipel a perdu 244 000 personnes cette année, un record. L’Église catholique au Japon a réagi en rappelant son engagement en faveur de l’augmentation des naissances dans le pays.
tanzanie L’insécurité pour les responsables chrétiens a fortement augmenté. Victimes d’attaques violentes ou d’accusations pénales mensongères, ils doivent faire face à un islamisme militant croissant.
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Le monde en bref
Actualité ACTUALITé
l Irak : le 25 décembre devient fête nationale. Le gouvernement chiite de Nouri al-Maliki a institué le 25 décembre, jour de « fête nationale » pour tous les Irakiens, à la demande de Mgr Louis Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens. C’est une nouvelle reconnaissance de l’exécutif irakien envers la minorité chrétienne du pays, une communauté depuis toujours très impliquée dans la vie du pays, mais tentée depuis près de dix ans par l’exode face aux violences à son encontre. Le gouvernement veut ainsi montrer sa « proximité » et son « respect » à l’égard des chrétiens. Pourtant, l’année 2013 aura été l’une des plus meurtrières pour ce pays.
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Quinze prêtres ont été tués en Amérique en 2013.
›› Gros plan
Augmentation de la violence antichrétienne en 2013 Selon l’Agence Fides, au cours de l’année 2013, vingt-deux agents pastoraux – en majorité des prêtres – ont été tués, soit près du double par rapport à l’année 2012, qui avait enregistré treize morts. Pour la cinquième année consécutive, le nombre le plus élevé de meurtres d’agents pastoraux a été relevé en Amérique latine, la Colombie occupant la première place de ce classement. En 2013, dix-neuf prêtres, une religieuse et deux laïcs sont décédés de morts violentes. Selon la répartition par continent, quinze prêtres ont été tués en Amérique. En Afrique, un prêtre a été tué en Tanzanie, une religieuse à Madagascar et un laïc au Nigeria. L’Asie compte trois morts violentes d’agents pastoraux : deux prêtres, l’un en Inde et l’autre en Syrie, et un laïc aux Philippines. En Europe enfin, un prêtre a été tué en Italie. ■
Malaisie : Usage du terme Allah de la part des chrétiens Plus de trois cents exemplaires de la Bible ont été placés sous séquestre et deux responsables chrétiens ont été arrêtés le 2 janvier 2014, dans l’État malaisien de Selangor. Selon la police, le chef d’inculpation est « usage illégitime du terme Allah l
›› Il l’a dit
« Nous sommes appelés à prendre conscience des violences et des injustices présentes dans de nombreuses parties du monde et qui ne peuvent pas nous laisser indifférents et immobiles : l’engagement de tous est nécessaire pour construire une société vraiment plus juste et solidaire. » Déclaration du pape François à l’occasion de la Journée mondiale de la Paix le 1er janvier 2014. ■
par les chrétiens », reconnu par une décision de justice d’octobre 2013. Se concrétisent ainsi les inquiétudes des chrétiens qui craignaient que cette décision cause des problèmes
aux communautés et à la diffusion de leurs publications, à commencer par la Bible. Les musulmans constituent dans le pays plus de 60% de la population et les chrétiens 9%.
1.1 million
Selon le directeur de Caritas Liban, 1,1 million de réfugiés syriens vivraient actuellement au Liban, alors que ce pays lui-même ne compte qu’environ quatre millions d’habitants.
6 ■ L’église dans le monde N° 167
Tribune
Actualité
Le 27 novembre dernier à Paris, l’AED avait retenu comme thème pour son colloque annuel celui des Nouvelles
Guerres Froides avec comme sous-titre Incidences sur les chrétiens. Après
A
utrefois, au siècle dernier, la grande menace qui pesait sur le monde était l’ogre soviétique et son insatiable appétit de conquête territoriale et aussi, paradoxalement, de conquête spirituelle. Pourtant résolument athée et définitivement en guerre contre l’Esprit de Dieu, l’URSS avait bien l’ambition de coloniser les esprits des hommes, ce en quoi – il faut bien le reconnaître – sa réussite fut éclatante, du moins en dehors de ses frontières et ce particulièrement en France.
début septembre autour du dossier syrien, le concept de guerre froide, perçue comme un affrontement © DR
Nouvelles Guerres Froides
les très fortes tensions apparues
sans conflit armé direct, nous est en effet apparu pertinent.
réapparaisse l’expression de guerre froide. Même si nous n’avons pas retrouvé l’extrême tension qui régnait au début des années 80 (invasion de l’Afghanistan, guerre des étoiles), on peut néanmoins imaginer qu’on a vraiment frôlé une crise extrêmement dramatique, qui serait partie en vrille avec des conséquences en cascade que plus personne n’aurait su maîtriser. Or, c’est bel et bien la Russie qui a fait capoter ce projet. La Russie avait évidemment ses propres intérêts mais ce qui est apparu de manière évidente, c’est qu’elle avait à nouveau les moyens de s’opposer à la toute-puissance américaine.
Ce qui est tout à fait surprenant avec notre époque, c’est que la Russie aujourd’hui, d’épouvantail qu’elle était, semble être Les chrétiens Quitte à exploiter le filon, devenue le camp du Bien : artisan de paix en Syrie, avocat du bon sens sur le face aux grandes on a étendu le concept de guerre froide à d’autres relations, celle qui existe entre mariage homosexuel, asile pour les puissances les États-Unis et la Chine, où il n’y a pas réfugiés politiques (Snowden), c’est une – encore – de conflit armé, mais où la tension est réelle et véritable inversion de ce qu’on a connu le siècle dernier. appelée à durer, et celle qui existe entre l’Arabie Saoudite Pour le coup, c’est plutôt les États-Unis maintenant et l’Iran avec ce qu’elle représente de compétition exacerqui nous envoient des messages inquiétants : guerres bée aujourd’hui entre sunnites et chiites pour la primauté à répétition, restriction croissante des libertés civiques, au sein du monde musulman. Cet affrontement se déroule espionnage tous azimuts mais, reconnaissons-le, touen Irak, en Syrie, au Liban, au Bahreïn et de manière jours avec le sourire, en donnant l’impression de nous plus générale dans tout le Moyen-Orient et même au-delà. rendre service. Certes, il y aurait beaucoup de choses à dire sur la Russie actuelle et malgré tout, les États-Unis demeurent dans beaucoup de domaines un pays incontournable, mais clairement, le monde a changé. Ce qui s’est passé en Syrie début septembre a été assez révélateur et l’a été suffisamment pour que
Or, ces trois guerres froides ont ceci en commun qu’elles ont des conséquences, en général négatives, sur le sort des communautés chrétiennes dans le monde. C’est ce que nous avons évoqué tout au long de cette journée de colloque dont les Actes seront prochainement publiés. ■ Marc Fromager
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Décryptage
Actualité
« Evangelii Gaudium » : le pape François vise au cœur ! Consacré à « l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui », le premier texte de grande ampleur du pape François est une exhortation à la vraie joie : celle des véritables disciples du Christ.
C
haque synode des évêques se conclut par des « propositions » faites au pape. Celui-ci s’en empare et en donne quelques mois plus tard la conclusion dans une exhortation apostolique. Ce texte du souverain pontife synthétise les travaux des évêques, en livre la juste interprétation et fixe la « feuille de route » qui en résulte pour l’Église. Le synode d’octobre 2012, convoqué par le pape Benoît XVI à l’occasion du 50e anniversaire du concile Vatican II, avait pour thème : « l’Évangélisation et la transmission de la foi ». Thème prophétique puisque celui qui allait succéder à Benoît XVI quelques mois plus tard en a fait son leitmotiv et comme le cœur du programme de son pontificat.
joie de l’Évangile » (« Evangelii Gaudium ») qui n’existe qu’en étant diffusée et partagée. L’enjeu : non pas tant la bonne marche de l’Église comme si celle-ci était une fin en soi, mais l’évangélisation, la mission. Qu’est-ce qui l’entrave aujourd’hui ? Qu’est-ce qui la bloque, parfois ? L’adversaire, les persécutions ? Mais il y en a toujours eu, même s’il en pleut, il est vrai, aujourd’hui, comme peut-être jamais avec cette ampleur et cette intensité dans l’Histoire de l’Église. Mais le principal obstacle est intérieur : il est à vaincre d’abord et toujours en chacun de nous, les baptisés. Repli, frilosité, paresse, querelles, ambitions, peur, peur surtout… nous ligotent, nous rendent muets et constituent autant de contre-témoignages.
C’est donc au pape François qu’il est revenu d’écrire cette exhortation apostolique (publiée le 26 novembre Le mot de « fermeture » (ou encore sa variante « l’im2013). Et elle mérite bien, sous sa manentisme ») revient souvent plume, cette appellation d’« exhorsous la plume du pape François, Vaincre ses peurs tation » ! Qu’il s’agisse de la réforme non pas tant pour l’opposer et sortir évangéliser de l’Église, de la vie économique et à « l’ouverture », comme sous de son système en crise à cause de le pape Jean XXIII, mais à la remise « l’idolâtrie de l’argent », du respect de la vie ou de la en marche, au mouvement perpétuel de « sortie » (n°27), défense de la famille, tous les catholiques, l’ensemble à la rencontre courageuse et aimante d’un monde des fidèles, évêques, prêtres, religieux ou laïcs, sont inviincroyant (et pourtant fort crédule !) qu’il nomme aussi tés à « se bouger », pourrait-on dire. Car il s’agit ni plus les « périphéries existentielles ». En effet, « l’Église ni moins que de « mettre l’Église en mouvement de sortie n’est pas une douane, elle est la maison paternelle de soi, de mission centrée en Jésus-Christ, d’engagement où il y a de la place pour chacun avec sa vie envers les pauvres » pour lui faire goûter pleinement « la difficile » (n°47). 8 ■ L’église dans le monde N° 167
« Bien que cette mission [évangéliser] nous demande un engagement généreux, ce serait une erreur de la comprendre comme une tâche personnelle héroïque, puisque l’œuvre est avant tout la sienne, au-delà de ce que nous pouvons découvrir et comprendre. Jésus est « le tout premier et le plus grand évangélisateur » (cf. Paul VI, Evangelii Nutiandi). Dans toute forme d’évangélisation, la primauté revient toujours à Dieu, qui a voulu nous appeler à collaborer avec lui et nous stimuler avec la force de son Esprit. La véritable nouveauté est celle que Dieu lui-même veut produire de façon mystérieuse, celle qu’il inspire, celle qu’il provoque, celle qu’il oriente et accompagne de mille manières. Dans toute la vie de l’Église, on doit toujours manifester que l’initiative vient de Dieu, que c’est « lui qui nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19) et que « c’est Dieu seul qui donne la croissance » (1 Co 3, 7). Cette conviction nous permet de conserver la joie devant une mission aussi exigeante qui est un défi prenant notre vie dans sa totalité. Elle nous demande tout, mais en même temps elle nous offre tout » (n°12). ■
Le pape François n’oublie pas qu’il est un jésuite. C’est en quelque sorte en directeur spirituel de toute l’Église qu’il s’attaque à la « mondanité spirituelle » et à tout ce qui donne aux chrétiens des « faces de Carême sans Pâques » ! Et de lever l’objection – la mauvaise excuse – la plus courante à la passivité, au repli et à la tristesse qui en résulte : « Ne disons pas qu’aujourd’hui, c’est plus difficile : c’est différent » (n°263). Oui, il faut se secouer, sortir d’une « acédie paralysante » (n°81), de « la mondialisation de l’indifférence », récuser « la culture du déchet » (variante de la « culture de mort » du pape Jean Paul II), lutter contre l’«exclusion » sous toutes ses formes et se soucier quotidiennement des « pauvres » et de toutes les formes matérielles
et spirituelles de pauvreté contre lesquelles l’Église ne peut lutter qu’avec un cœur de pauvre (« Je désire une Église pauvre pour les pauvres», n°198.) Alors le prêtre retrouvera le goût de préparer de bonnes et revigorantes homélies (pas moins de neuf articles sont consacrés à cette question), le laïc sortira de sa coquille pour témoigner de sa foi dans son entourage par ses actes d’abord, ses paroles ensuite, les personnes mariées accepteront « d’entrer dans une union de vie totale » (n°66), bref tout baptisé renouera et rayonnera des grâces de son baptême. Et le peuple de Dieu trouvera ou retrouvera la vraie joie, celle des vrais disciples du Christ, de ses brebis qui en ont Philippe Oswald la bonne odeur. ■ L’église dans le monde N° 167 ■ 9
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Œuvre de Dieu, l’évangélisation demande tout, mais elle offre tout !
Europe
CARNET DES CONTINENTS
Pas de place à l'auberge ! L’Europe « chrétienne », terre d’accueil (ou non) pour les chrétiens persécutés ? L’année 2013 se termine sur le triste constat d’un manque crucial de liberté religieuse dans plusieurs pays du monde, obligeant de nombreux chrétiens à fuir leur pays. Trouvent-ils un accueil en Europe comme ce fut le cas à une certaine époque ? Bénéficient-ils d’un statut au sein de la Communauté européenne ?
Selon l'Onu, presque un Syrien sur cinq est réfugié. L'Europe saura-t-elle les accueillir ?
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L
a situation des communautés chrétiennes s’aggrave en plusieurs régions du monde : Moyen-Orient, dictatures africaines, régimes encore communistes. Lors de sa première bénédiction Urbi et Orbi et dans son tweet de Noël le pape François a invité à prier devant la crèche de façon spéciale pour ceux qui souffrent la persécution à cause de leur foi. Puis le lendemain, fête de saint Étienne le premier martyr, il n’a pas mâché ses mots : « Je suis certain que, malheureusement, ils sont plus nombreux aujourd’hui que dans les premiers temps de l’Église. Il y en a tellement ! Cela arrive spécialement là où la liberté religieuse n’est pas encore garantie ou
n’est pas pleinement réalisée. Mais cela arrive aussi dans des pays et des milieux où, sur le papier, on protège la liberté et les droits humains, mais où en fait les croyants, et spécialement les chrétiens, rencontrent des limitations et des discriminations. »
Europe : le rêve brisé Quand leur situation devient intenable, ces chrétiens n’ont
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souvent pas d’autre solution de la dernière chance que l’exil, même s’ils préféreraient rester dans les pays où ils ont toujours vécu, comme leurs évêques les invitent à le faire. Mais où aller ? L’Europe, cette terre aux racines chrétiennes, apparaît à beaucoup comme un havre. N’a-t-elle pas été traditionnellement une terre d’accueil pour les chrétiens persécutés ou menacés, quand ils fuyaient la persécution ou
Europe
les discriminations, par exemple les Arméniens à l’époque ottomane, les chrétiens des pays de l’Est à l’époque communiste, ou encore les boat-people vietnamiens. Qu’en est-il aujourd’hui ? La question est légitime, sous les différents aspects où elle se décline : le nombre
faire face à cette réalité dramatique du monde présent ? Mais la réalité est aujourd’hui bien différente de ce qu’elle fut jadis ! « Pas de place à l’auberge », comme il y a deux mille ans à Bethléem, pourrait-on résumer l’enquête que nous avons faite sur ce sujet.
La sécularisation des mentalités est sans doute la première cause de cet aveuglement. Il s’y ajoute une raison plus précise : l’attention aux droits des minorités s’arrête en général quand celles-ci sont chrétiennes par suite d’une erreur de perspective, volontaire ou non.
de réfugiés chrétiens ayant fui leur pays croît-il ? De quels pays viennent-ils surtout ? Pourquoi les ontils fuis ? Guerre ? Persécutions ouvertes ? Discriminations ? Absence d’avenir ? Raisons économiques ? Comment sont-ils arrivés en Europe ? Comment sont-ils accueillis par les administrations des pays d’Europe ? Comment sont-ils accueillis par leurs Églises ? Existe-t-il une politique européenne commune pour
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Les chrétiens, souvent premières victimes des violences, doivent fuir à contrecœur leur pays sans savoir ou aller.
Dans une Europe qui a largement renié ses racines chrétiennes, ceux qui fuient leur pays parce qu’ils sont persécutés ou menacés comme chrétiens, n’existent pas en tant que tels. Même s’il arrive que leur situation dramatique soit parfois évoquée au niveau de telle ou telle instance européenne, aucune action d’accueil spécifique n’est mise en œuvre ni même envisagée à l’échelle de la Communauté européenne.
Grande-Bretagne, France, Autriche C ’ e s t a i n s i q u ’ e n G ra n d e Bretagne dont le chef de l’État, la reine Elisabeth II, est aussi chef d’une confession chrétienne, la communion anglicane, le gouvernement de David Cameron a décidé de refuser d’apporter une aide aux pays où les minorités homosexuelles seraient l’objet de discriminations, mais ne prévoit rien de tel pour ceux
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Europe
CARNET DES CONTINENTS
L'hiver rend la situation des réfugiés encore plus tragique.
en Autriche. Or celle-ci était chrétienne, ce qui a valu au ministre de sévères critiques dans la presse ! Il a dû se « justifier », rappelant que les chrétiens étaient une minorité particulièrement menacée aujourd’hui en Syrie.
Pourtant, pour nombre de chrétiens de Syrie, d’Irak, d’Égypte, d’Érythrée ou d’Éthiopie, l’Europe demeure une espérance. L’horrible drame de Lampedusa, début octobre 2013, vient de le rappeler, lorsqu’une embarcation contenant au moins cinq cents personnes a pris feu, causant la mort de trois cent soixante-six de ses occupants – des Érythréens en majorité, fuyant les persécutions des chrétiens dans ce pays au régime dictatorial impitoyable (considéré comme un des dix pays ou la situation des chrétiens est la plus difficile au monde), et des Éthiopiens. Selon le P. Mussie Zerai, responsable de l’organisation Habeshia qui vient en aide à des réfugiés chrétiens arrivant d'Italie par la mer, 90 % des survivants
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Lampedusa
de ce naufrage sont des chrétiens et, selon leur témoignage, la même proportion de ceux qui ont Dans l'attente d'un pays d'accueil, la vie dans les camps s'organise tant bien que mal.
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où les chrétiens sont persécutés. Les fortes déclarations publiques du prince Charles le 17 décembre 2013, à l’occasion de ses visites à la cathédrale syrienne orthodoxe de Londres et à la communauté copte orthodoxe de Stevenage dans le Hertfordshire, ont mis en relief cette réalité. L’héritier de la couronne britannique s’est déclaré « profondément troublé » par la perte de cet « irremplaçablement précieux » que sont les communautés chrétiennes du Moyen-Orient sous les coups de l’islamisme, et a voulu manifester sa solidarité avec les réfugiés chrétiens dans son pays en visitant deux de leurs communautés. Mais en va-t-il différemment ailleurs en Europe ? En France, la législation interdit « la constitution et donc la consultation de données créées sur des domaines sensibles tels que l’appartenance réelle ou supposée à une religion donnée’’. En clair : ceux qui fuient leur pays pour cause de persécution de leur foi n’existent pas en tant que tels. En Autriche, le gouvernement a récemment décidé d’accueillir cinq cents réfugiés syriens. Une goutte d’eau par rapport aux deux millions qui ont fui la guerre, dont près de cinq cent mille chrétiens, selon les chiffres donnés par le patriarche melkite catholique Grégoire Laham III en octobre 2013, soit une proportion bien supérieure au pourcentage de la population syrienne que ces chrétiens représentent. À la mioctobre 2013, le ministre autrichien de l’intérieur, Karl-Heinz Grundboeck, accueillait la première famille syrienne arrivant
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Europe
Aux marges de l’Europe, une exception : la Géorgie et l’Arménie La Géorgie et l’Arménie ont été parmi les premières nations à embrasser la foi chrétienne. Celle-ci a survécu à des siècles de persécutions à l’époque ottomane pour l’Arménie (y compris le génocide qui a frappé ce peuple chrétien durant la Première Guerre mondiale) puis à l’époque communiste pour les deux nations. Elle demeure une composante constitutive de l’identité des deux nations et de leurs État. Contrairement à ceux de la Communauté européenne, ils sont donc attentifs au redoublement de la persécution contre les chrétiens au Moyen-Orient, particulièrement à cause de la montée en puissance des islamistes en Syrie. La Géorgie accorde ainsi, en 2013, deux mille visas pour des chrétiens de Syrie (contre 222 en 2012) et s’apprête à en accueillir un plus grand nombre encore. L’Arménie fait actuellement construire près d’Erevan une cité baptisée « Alep nouvelle », en vue d'accueillir les chrétiens arméniens qui fuient la guerre et les violences contre leur communauté en Syrie. Six cents familles y ont déjà été installées et d’autres sont attendues. Ces deux pays accueillent aussi des Coptes d’Égypte. L’exemple qu’ils donnent à l’Europe malgré un niveau de vie et des possibilités bien inférieurs à ceux des État de la Communauté mérite d’être souligné. La Belgique sera-t-elle le premier pays à le suivre ? C’est en tout cas ce qu’ont demandé le 5 décembre 2013 la sénatrice Vanessa Matz et le député George Dallemagne dans La Libre Belgique.
Il importe de faire passer ces requêtes du pape François dans les actes. En effet, en dehors de l’Italie, quel homme politique, quel journal, en France ou ailleurs en Europe, a mis l’accent sur le fait que la grande majorité des victimes Pour nombre de réfugiés chrétiens (ici, irakiens), l'Europe reste une espérance.
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péri en mer. Combien de naufrage faudra-t-il de plus pour que les autorités civiles et les Églises prennent la vraie mesure de cette tragédie ? Toujours selon le P. Zerai, au moins trois mille Érythréens, en grande majorité des chrétiens, fuient leur pays chaque mois. Combien arrivent vivants dans un pays prêts à les accueillir ? En faisant la première visite officielle de son pontificat sur l’Ile de Lampedusa, le 8 juillet 2013, le pape François avait posé un geste fort pour attirer l’attention du monde sur ce drame des boatpeople de notre temps, parmi lesquels de nombreux chrétiens. En octobre, il a qualifié la mort en mer de ces centaines de réfugiés d’« outrage » et appelé à un « vendredi des larmes », alors que par ailleurs, dans son message pour la Journée mondiale 2014 du migrant et du réfugiés, le 19 janvier, il a appelé à reconnaître les valeurs qu’apportent migrants et réfugiés dans les pays qui les accueillent et à remplacer la « culture du rejet » par une « culture de la rencontre » à leur égard.
de la tragédie de Lampedusa étaient des chrétiens fuyant leur pays à cause de la persécution ? Ceci vaut d’ailleurs aussi au niveau des Églises catholiques d’Europe qui devraient mieux prendre en compte cette réalité. Comment ne pas remarquer, par exemple, que l’organisme catholique officiel pour les réfugiés et déplacés et migrants, l’ICMC Europe (International Catholic Migration Commission), à Bruxelles, met l’accent à juste titre sur son action « sans distinction de croyance, de groupe ethnique ou de nationalité », mais ne mentionne pas dans les titres de son site cette réalité spécifique des chrétiens fuyant aujourd’hui la persécution ou les menaces ? ■ Antoine Rizzo
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AFRIQUE
CARNET DES CONTINENTS
Afrique du Sud
L'église catholique, goutte d'eau dans un ciel ombragé L’Afrique du Sud continue d’attirer les regards. Symbole de lutte contre l’apartheid à travers la figure de Mandela, le pays est aussi l’espoir du continent par ses richesses naturelles. Mais la « nation arc-en-ciel », ne peut cacher ses nuages noirs que sont la violence et l’écart flagrant entre riches et pauvres. L’action de l’Église apparaît au milieu comme autant de gouttes d’eau essentielles à la stabilité du pays. Zimbabwe
Namibie
Mozambique
Botswana
Lesotho
Le Cap
Superficie : 1 219 912 km2 Capitales : Pretoria (administrative), Le Cap (législative), Bloemfontein (judiciaire) Religions : chrétiens 81,7% (dont 8% de catholiques, 31,8% de protestants, 3,6% d’anglicans et 38,3% d’autres Églises) animistes 9,3%, agnostiques 3,2%, musulmans 2,4%, hindous 2,4%, autres 1%. Langues officielles : anglais, afrikaans, ndébélé, xhosa, zoulou, sotho du Nord, sotho du Sud, tswana, siswati, venda, tsonga
L’
histoire de l’Église catholique en Afrique australe commence avec la venue du navigateur portugais Barthélémy Diaz en 1487, suivie de missionnaires de l’équipe de Vasco da Gama. Il ne reste hélas guère de traces de
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cette période-là et dès le XVIIe siècle, le catholicisme a été interdit pendant plusieurs décennies, en vertu de la règle de la Compagnie hollandaise des Indes, puis plus tard, sous la domination britannique. En 1818, signe d’espoir, le premier vicaire
L'apartheid racial a certes disparu mais il a laissé place à l'apartheid social.
© Marc Fromager
apostolique du Cap est nommé par Pie VII mais il ne pourra jamais y mettre le pied, le gouvernement de Londres le lui interdisant ! Il faudra attendre la nomination de Mgr Griffith en tant que troisième vicaire apostolique du Cap et premier évêque de l’Afrique du Sud, en 1837, pour que l’histoire de l’Église catholique commence de manière visible.
© Antoine Soubirer
Afrique du Sud
© Caroline Van Pradelles
Le pays est largement chrétien mais avec une minorité de catholiques. À gauche, la paroisse de Prétoria. à droite, l'église du Cap.
L'Église catholique, minorité influente Cependant, très peu avait été fait pour les peuples autochtones et l’Église catholique de l’Afrique australe a longtemps été considérée comme étrangère (il a fallu attendre 1927
pour voir le premier séminaire local). Malgré tout, au cours du XXe siècle, elle a montré des signes remarquables de croissance et gagné en influence dans tous les secteurs de la société. Aujourd’hui elle œuvre essentiellement dans les trois domaines de la santé, l’éducation et la paix sociale. « On dit que l’Église catholique est la plus grande pourvoyeuse de soins en Afrique du Sud », affirmait d’ailleurs il y a quelques mois Mgr Ponce de Leon, vicaire apostolique d’Ingwavuma, à l’AED. À noter que la société sud-africaine reste largement chrétienne à plus de 81% mais répartie
en seize Églises officielles différentes, les catholiques représentant donc une minorité. En 1952, la conférence des évêques a fait sa première déclaration contre le racisme. Et cinq ans plus tard, elle a condamné l’apartheid comme « intrinsèquement mauvais ». Pourtant, « comme la plupart des Églises chrétiennes, l’Église catholique a été relativement lente en opposition à l’apartheid », peut-on lire sur le site de la conférence des évêques d’Afrique australe. Cependant, sous l’influence du concile Vatican II et stimulée par des protestations de clergé noir, l’opposition catholique a commencé
Refuge pour les familles de migrants Le refuge Bienvenu, soutenu par l’AED, a été fondé par les religieuses de saint Charles Borromée. Il est le seul à Johannesburg (3,8 millions d’habitants) qui puisse accueillir des femmes migrantes avec leurs enfants. Selon la communauté, 72% des réfugiés sont victimes en Afrique du Sud de crime, contre 42% des Sud-Africains. Des souffrances qui s’accumulent à celles déjà subies dans leur pays qu’ils ont fui et que les trois religieuses sur place aident à soulager au quotidien.
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AFRIQUE
CARNET DES CONTINENTS
Tu t u , a rc h ev ê q u e a n g l i c a n de Johannesburg, et les notions chrétiennes de pardon et de repentir ancrées dans la société sud-africaine ne sont évidemment pas étrangères à la réussite de cette expérience d’amnistie. Sans compter le charisme de Nelson Mandela et son engagement pour la promotion de la dignité humaine qui lui vaudra de recevoir le prix Nobel de la Paix.
à s’intensifier. Le soulèvement de Soweto de 1976 a conduit à une prise de conscience encore plus grande, et à la fin de l’apartheid, les catholiques ont continué de s’impliquer dans la réconciliation entre les peuples auprès du gouvernement. À l’instar du P. Jacques Amyot d’Inville, père Blanc français, qui a été président de l’un des nombreux « Comités de Paix ». Leur but, explique-t-il « était d’aider à préparer un climat de paix pour les premières élections générales ouvertes à tous en avril 1994 » qui verront la victoire de Mandela. Il s’agissait de sillonner les routes pour « encourager à voter plutôt que de se battre ». Peu de temps après, le P. Jacques a été nommé rapporteur officiel de la commission Vérité et Réconciliation créée pour enquêter sur les violations des Droits de l’homme depuis 1960.
La création de cette commission, issue de longues négociations entre le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela et le gouvernement, a sans nul doute contribué à épargner un bain de sang à l’Afrique du Sud libérée de l’apartheid. S’y présentaient d’une part ceux qui avaient commis des crimes et voulaient obtenir une amnistie et d’autre part, les victimes qui voulaient obtenir une compensation. Le but : faire la vérité sur les faits commis, désactiver le désir de vengeance et peu à peu construire la réconciliation entre les peuples. La personnalité de Mgr Desmond
Les célébrations sont empreintes de chants et de joie. Ici, à Prétoria.
© Antoine Soubrier
L’Église impliquée dans Vérité et Réconciliation
persistent et n’épargnent personne, malgré les efforts de l’Église et du gouvernement pour les stopper. Le 3 novembre dernier, le curé de Pretoria, le P. Craigh Laubsher, a été hospitalisé dans un état critique après une brutale agression. À Johannesburg, on ne compte pas moins de cinquante meurtres par jour rien que dans la ville. Le fossé entre riches et pauvres est
Les défis de l’Église aujourd’hui Si la commission sous l’impulsion de Nelson Mandela a certainement réussi sur le plan de la vérité (vingtdeux mille victimes ont été identifiées), certains disent pourtant qu’elle n’a pas totalement réussi sur le plan de la réconciliation. Des sentiments de vengeance et d’amertume continuent de flotter dans le pays. Certes l’apartheid racial est vaincu mais d’aucuns disent qu’il a laissé la place à un apartheid social. La criminalité et la violence
16 ■ L’église dans le monde N° 167
gigantesque. Noirs et Blancs ne se mélangent pas réellement, 80% des terres appartiennent toujours à des propriétaires blancs et 8 millions d’Africains noirs sont sans abri. Le chômage touche plus de 40% de la population et le sida atteint des proportions tout autant vertigineuses, même si l’Afrique du Sud est l’un des rares pays de l’hémisphère sud à pouvoir fabriquer des antirétroviraux. La corruption sévit à tous les niveaux et l’unité entre la population aux onze langues officielles et
ses nombreux migrants reste un vrai défi. Face à cette dure réalité, la mort de Mandela n’est pour certains qu’un douloureux souvenir rempli de nostalgie évincée de toute espérance.
Et pourtant…. Certains au contraire voient dans le départ de « Madiba » l’opportunité pour le pays de se prendre réellement en main, fort de tout ce que le premier président de l’Afrique du Sud élu démocratiquement a transmis. Et fort de ses ressources naturelles, notamment dans son sous-sol (l’Afrique du Sud est le 2 e producteur mondial d’or,
© Marc Fromager
Afrique du Sud
Le cap de Bonne espérance, promontoire de l'Afrique australe.
de diamants et d’argent). Son entrée en 2011 dans les Bric (Brésil Russie Inde Chine) laisse aussi entrevoir son rôle à jouer dans les années à venir. Selon le père Jacques Amyot d’Inville : « Il faut vivre l’après Mandela de manière positive. Dieu continue comme depuis toujours à travailler dans les cœurs de tous les Sud-Africains de bonne volonté et ils sont très nombreux. » Un encouragement qui rejoint
les vœux conclusifs de l’exhortation apostolique post-synodale Africae Munus remis le 19 novembre 2011 par Benoît XVI au Bénin : « Puisse l’Église catholique en Afrique être toujours un des poumons spirituels de l’humanité, et devenir chaque jour davantage une bénédiction pour le noble continent africain et pour le monde entier ! » ■ Amélie de La Hougue
Le Père Mick Deeb, responsable du bureau Justice
le maintien du pouvoir à tout prix. Ainsi, la corruption
et Paix à la Conférence des évêques sud-africaine,
n’a cessé de croître depuis 1994 et est en train de tuer
répond à nos questions sur la situation actuelle
l’âme de la nation. La mort de Mandela, qui a donné lieu
de l’Afrique du Sud.
à une vague d’admiration pour son intégrité, a servi à mettre justement cela en évidence. Néanmoins, il reste
En quoi consiste votre action à Justice et Paix ? Nous travaillons à la lutte contre la criminalité, contre la propagation du VIH, à la création de moyens de subsistance, la prévenance du viol… Nous dénonçons fortement la corruption à tous les niveaux et œuvrons aussi sur des sujets tels que le choix de sources d’énergie renouvelables ou la promotion d’un accès juste de la terre. Sur le plan national et local, Justice et Paix travaille avec les décideurs politiques, les autres Églises, les ONG et les médias. Grâce à cela, l’Église est maintenant considérée comme un acteur crédible et important à prendre en compte sur tous ces sujets. Quelle évolution avez-vous vu dans la société depuis la fin de l’apartheid ? Après l’enthousiasme et l’espoir qui ont accompagné la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud est devenue comme la plupart des démocraties dans le monde, pleine d’opportunistes et contrôlée par des gens obsédés par
beaucoup de bons fonctionnaires qui font encore de nobles efforts pour relever les grands défis auxquels est confronté le pays. On en voit les preuves dans les progrès pour réduire la pauvreté en permettant aux gens d’avoir accès à un minimum vital.
Pensez-vous qu’il y aura un « après Mandela » ? Je ne pense pas que la mort de Mandela aura un impact majeur sur le pays. Le sens de l’unité autour de son héritage sera temporaire (un peu comme la Coupe du monde 2010), même si sa mémoire est utilisée par tout le monde pour faire valoir ses bonnes intentions. Néanmoins, l’Afrique du Sud est aujourd’hui une démocratie dynamique et les gens prennent de plus en plus le pouvoir en mains. Cependant, même si une culture démocratique et critique est en train d’émerger doucement, l’absence d’une forte autorité morale laisse craindre que la fragmentation politique devrait se poursuivre pendant un certain temps. Amélie de La Hougue
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Amériques
CARNET DES CONTINENTS
Brésil
Pérou Bolivie
Paraguay
Argentine Uruguay
Santiago
Population : 17 094 275 millions d’habitants Religions : 61,5% catholiques, 26% de protestants et orthodoxes, 10% athées Capitale : Santiago Superficie : 756 950 km2 Langue officielle : espagnol
S’
étirant le long de la cordillère des Andes et de l’océan Pacifique, le Chili possède une superficie de presque 20% de plus que la France pour une population atteignant à peine le quart. 87,5% des Chiliens se disent chrétiens. Parmi eux, 60% seraient de confession catholique, même s’ils étaient 10% de plus il y a vingt ans. La population est donc fortement imprégnée par les valeurs et la culture chrétiennes, bien que les athées représentent actuellement
Chili
L'après Pinochet Plutôt discret dans l’échiquier international, le Chili fait figure de spécimen quant à ses lois sociétales. Restes de dictature ou choix volontaire ? L’Église a aujourd’hui un rôle primordial à jouer pour éclairer les consciences et les protéger des idéologies occidentales. 10% de la population totale. Parmi les minorités, outre les juifs, citons les musulmans et les religions animistes. En effet, il existe encore au Chili une religion traditionnelle d’origine indienne, celle des mapuches. Si seule une petite partie des habitants pratique encore
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cette religion (1,6%), il arrive, comme dans d’autres pays marqués par les religions animistes, que certains chrétiens pratiquent la religion mapuche de façon culturelle et traditionnelle, en parallèle de leur culte officiel. Chez les Mapuches, il est intéressant
Chili
le Sénat a finalement autorisé la rupture du mariage civil. Quant à l’avortement, même thérapeutique, il est interdit depuis 1989. L’enfant à naître obtient ainsi l’égalité des droits face à sa mère. Le Chili, à l’instar de l’Irlande, défend la vie et remet en doute certaines idées reçues. Ainsi, la présidente socialiste Michelle Bachelet puis son successeur de droite, Sebastian Piñera, ont mis en place des programmes d’aide aux enfants, aux femmes en difficulté et des formations pour les parents. En 2011, le Chili a reçu l’International Protect Life Award, prix décerné à New York par une trentaine d’organismes provie en lien avec l’Onu à l’occasion de la 55e session de la Commission de la condition juridique et sociale de la femme. Dans ce pays d’Amérique du Sud, les femmes n’ont pas plus le droit à la pilule contraceptive qu’à l’avortement, ce dernier restant malgré tout sujet à débat et scandale, notamment depuis la triste histoire de la petite Belén, enceinte à onze ans après avoir été violée par le concubin de sa mère.
de relever que les chefs spirituels, les Machis, sont généralement des femmes, qui possèdent, en tant que « Chaman », le pouvoir de guérir ou de jeter des sorts. Leurs croyances sont fondées sur le culte des esprits des ancêtres et des esprits de la nature. Les Mapuches possèdent également des mythes et des musiques religieuses, qu’on retrouve spécialement dans les Andes et aussi en Argentine. L’Église catholique chilienne est séparée de l’État depuis 1925 mais sa parole reste influente comme on a pu le constater en 2004/2005 sur les questions de société comme le divorce et l’avortement et aujourd’hui sur le mariage homosexuel. En dehors de toute idéologie religieuse, la société chilienne est marquée par ses valeurs traditionnelles et son histoire fortement influencée par la politique de Pinochet. Le Chili était, avec Malte, l’unique et dernier pays occidental à interdire le divorce. C’est en octobre 2003, après huit années de débat, que Bible pour enfant en espagnol, distribuée par l'AED.
Contre le mariage des personnes homosexuelles
© AED
© AED
Procession dans le village de Macaya pour l'inauguration de l'église restaurée par l'AED.
Si le Chili connaît les mêmes questions sociétales que la France, le sentiment populaire est bien différent. En mars 2012, un jeune homosexuel, Daniel Zamudio, était battu à mort dans la capitale de Santiago. L’Église chilienne a subi elle aussi plusieurs attaques pour avoir proclamé clairement son désaccord avec tout acte de violence ou
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Amériques
CARNET DES CONTINENTS
de cette égalité, il serait même question de reconnaître les fêtes musulmanes et baha’i. Le bahaïsme est un mouvement religieux, dissident du chiisme, né en Perse en 1790. Pourtant, ces deux religions ne représentent qu’un tout petit pourcentage de la population. Faut-il donner les mêmes droits à une minorité et à une majorité ? Les communautés chrétiennes commencent à se sentir lésées...
pour tenter de protéger les enfants et leur donner de bons éducateurs. Un médecin psychiatre se serait levé à son tour en reprochant aux députés de n’avoir pas agi depuis vingtcinq ans, avant d’être mis dehors pour turbulence. Ces crimes semblent toucher toutes les catégories sociales et l’Église doit arriver à les combattre aux côtés de l’État chilien.
Le scandale des abus sexuels Si beau que soit ce pays, il n’est pas plus épargné que les autres pays d’Amérique latine par les affaires d’abus sexuels qui touchent l’Église. Plusieurs accusations ont été portées depuis quelques années contre des religieux. En décembre 2013, l’archevêque de Santiago, Ricardo Ezzati, s’est rendu à la Chambre des députés pour écouter les accusations énoncées. Selon les députés, il s’agirait d’une douzaine d’enfants abusés, dont cinq d’entre eux accueillis par des centres religieux. L’archevêque a reconnu la gravité de la situation mais a demandé à son tour aux députés de lui montrer les mesures mises en place par le pays ces dernières années
« Regalos con sentido » Des cadeaux qui ont un sens. Cette campagne est développée par l’Aide à l’Église en Détresse présente au Chili depuis 1997. Depuis 2003, cette campagne a pour but de transmettre les valeurs chrétiennes à travers des cadeaux offerts aux particuliers ou aux entreprises (calendriers, jeux, livres,…). L’argent gagné par ces ventes est utilisé pour les missions au Chili ou dans le monde entier. En achetant un de ces objets, vous donnez un sens à votre cadeau par le message bienveillant qu’il véhicule mais aussi par le don que vous faites pour l’Église.
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© AED
toute discrimination de personne. C’est donc l’Église catholique qui a pris la défense des personnes discriminées, à la suite de quoi la loi Zamudio a été mise en place pour la prévention et la punition de toutes sortes de discriminations. Cela dit, l’Église catholique et les communautés chrétiennes du Chili se sont associées à la société civile pour exposer leurs convictions et leur engagement en rédigeant une lettre collective adressée au président de la République et aux membres des commissions législative et judiciaire exprimant leur point de vue défavorable à l’union des personnes homosexuelles. Depuis juin 2011, le gouvernement donne des instructions aux ministères visant l’application concrète du service pastoral dans les hôpitaux, les prisons, au sein des forces armées et des forces de sécurité publiques, afin que chacun ait le droit et la possibilité de participer régulièrement au culte auquel il appartient. Ces instructions visent également à faire respecter l’égalité religieuse dans les écoles. Cet idéal prône le respect des convictions personnelles et l’imposition d’aucune pratique religieuse. Actuellement et toujours au nom
La socialiste Michelle Bachelet a été élue présidente, pour la deuxième fois, dimanche 15 décembre, avec 62 % des suffrages face à la candidate de droite Evelyn Matthei (38 %). Elle a promis des transformations et des réformes pour une plus grande justice au Chili ; réformes qu’elle compte mettre en place dans les cent jours suivant
© AED
Chili
La cordillère des Andes marque la frontière est du pays.
son investiture, le 11 mars prochain. Son idée est de faire sauter les « verrous antidémocratiques » de la Constitution de 1980 héritée de la dictature de Pinochet. Mais les attentes de la popula-
l’ouverture du débat sur l’union des personnes de même sexe figurent en bonne position. Pourtant, lors de son précédent mandat, la présidente avait créé le programme « Le Chili gran-
« Capillas para Chile » Ce programme soutient et promeut la construction de nouvelles chapelles dans les régions les plus démunies du pays. Grâce aux collectes de fonds et aux dons, 37 chapelles ont vu le jour et 45 autres chapelles d’urgence ont été construites dans les régions dévastées par le tremblement de terre de 2010. L’élévation de tous ces clochers est un symbole d’espérance pour les populations les plus pauvres et délaissées qui peuMesse d'inauguration de l'église de Parca dans le désert chilien.
tion chilienne paraissent davantage tournées vers la réforme de l’éducation, réclamée à coups de manifestations depuis 2011. Michelle Bachelet prévoit donc de réformer l’éducation, ainsi que la santé, les services publics et d’aller jusqu’à une réforme fiscale. Parmi ses projets, la légalisation de l’avortement et
vent enfin bénéficier d’un lieu de prière et avoir accès au service pastoral.
dit avec toi » pour la défense des enfants. A-t-elle changé de stratégie ? L’idéologie socialiste va-t-elle prendre le dessus sur la culture chrétienne ? Quelle est la part de vérité du matraquage médiatique ? Avec ce nouveau mandat socialiste, la question des valeurs du Chili se pose. Vont-elles radicalement basculer ? Ne sont-elles
que des vestiges de la dictature d’Augusto Pinochet ou seront-elles désirées et défendues par la nouvelle génération pro-vie ? L’enjeu est de taille et l’Église catholique va avoir un grand rôle à jouer pour préserver la dignité humaine.
Prochaine visite du pape ? Le Chili a des frontières communes avec l’Argentine, le Pérou et la Bolivie. En octobre 2013, les évêques de Bolivie, du Chili et du Pérou se sont rencontrés à La Paz, capitale de la Bolivie. Par la proximité culturelle et géographique de leur pays, ils ont pu partager leurs problèmes communs (trafics de drogues, réalités migratoires, pauvreté, crise de la famille, abandon des jeunes, etc.) et forts de leur foi, réaffirmer leur volonté de s’unir et s’engager à nouveau pour favoriser l’intégration, la justice et l’unité. Les évêques ont conclu de cette façon : « Nous désirons faciliter la connaissance mutuelle et partager des expériences qui amènent à dépasser les idéologies nationalistes pour vaincre tout ce qui nous sépare, car plus nous nous connaîtrons, plus nous pourrons marcher ensemble. » Le 26 octobre 2013, le pape François a reçu un groupe d’anciens élèves des jésuites d’Uruguay et leur a annoncé : « Lorsque je visiterai l’Argentine, je devrai visiter aussi le Chili et l’Uruguay, tous les trois ensemble. Nous nous rencontrerons là-bas. » Une visite se profilerait dans ces État voisins en 2016... ■ Hortense de Villers
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proche-orient
CARNET DES CONTINENTS
Terre sainte
Climat œcuménique à Jérusalem
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Échanges traditionnels de vœux entre représentants des 13 églises chrétiennes de Terre sainte.
Au lendemain de la semaine de l’unité des chrétiens vécue en janvier, le P. Frans Bouwen*, spécialiste des Églises orientales, arrivé en Terre sainte en 1969, dresse un tableau de l’œcuménisme à Jérusalem. Prochain voyage du Saint-Père avec S.S. Bartholomaios Ier, tentative d’une célébration de la Pâque latine à la même date que les orthodoxes, recherche d’un dialogue commun des treize Églises face au conflit israélo-palestinien… les thèmes abordés par le père Blanc donnent des signes concrets d’espoirs sans pour autant cacher les difficultés. Pouvez-vous nous décrire brièvement quel est le climat œcuménique actuellement à Jérusalem et en Terre sainte ? Il est bon de s’interroger de temps en temps sur la situation réelle des relations œcuméniques entre nos Églises. À Jérusalem, comme en beaucoup d’autres endroits, nous avons l’habitude de le faire à l’occasion de la semaine de prière
pour l’unité des chrétiens, au mois de janvier. Cette année, il y a en plus un autre événement important qui nous invite à un petit examen de conscience. En effet, le 5 janvier 2014, nous avons commémoré le 50e anniversaire de la rencontre historique du pape Paul VI et du patriarche œcuménique Athénagoras I er, ici à Jérusalem, au mont des Oliviers. Cette rencontre s’est, au fil des ans,
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chargée de toute une signification symbolique. L’image du baiser de paix entre ces deux grands chefs d’Église est devenue comme une icône de tout le développement ultérieur des relations œcuméniques entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe. J’entends ici la parole « icône » dans tout le sens théologique qu’elle a dans la tradition orthodoxe : non seulement
Terre sainte
même, avec tous les représentants des Eglises chrétiennes de Jérusalem.
le ministère apostolique ont été le début d’un rapprochement vécu qui a ouvert le dialogue de la charité entre catholiques et orthodoxes et a préparé le dialogue théologique commencé officiellement en 1980.
Qu’attendent les Églises de Jérusalem de la future visite du pape François et de sa rencontre avec le patriarche Bartholomaios ?
Cette semaine a quelque chose d’unique à Jérusalem. Chaque jour, un office de prière est préparé par une Église différente, catholique, orthodoxe ou protestante. Tout en suivant le thème de l’année proposée par le Conseil œcuménique des Églises et le Conseil pontifical pour l’unité, les Églises préparent un office conformément à leur tradition liturgique propre, orientale ou occidentale. C’est une occasion unique pour connaître la richesse des nombreuses traditions présentes à Jérusalem. Et une source d’espérance pour l’avenir.
une photo, mais une image symbolique qui de manière mystérieuse, je dirais presque de manière sacramentelle, contient déjà la réalité qu’elle représente. Ces retrouvailles entre frères dans le Christ et dans
Plusieurs idées avaient déjà été avancées, quand le patriarche œcuménique actuel, S.S. Bartholomaios Ier, successeur du patriarche Athénagoras Ier, a suggéré au pape François, lors de l’inauguration de son ministère d’évêque de Rome, qu’ils se rencontrent tous les deux à Jérusalem pour commémorer cet événement historique et symbolique. Le 5 janvier dernier, cinquante ans après, jour pour jour, la rencontre historique entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, le pape François annonçait sa prochaine visite en Terre sainte pour les 24 et 26 mai 2014. Son pèlerinage comportera trois étapes : Amman, Bethléem et Jérusalem. Une telle rencontre demande évidemment une sérieuse préparation car elle comporte toujours, qu’on le veuille ou non, des implications diplomatiques et même politiques, en particulier en raison de la situation générale complexe dans la région. Toutefois, selon les dernières nouvelles, les préparatifs sont en bonne voie et le pape a prévu de célébrer cette rencontre œcuménique avec le patriarche Bartholomaios au Saint-Sépulcre
Ce sera d’abord une occasion de se souvenir de la nouveauté et de la beauté de la rencontre de 1964. Nous espérons que cela encoura-
© DR
Comment se vit la semaine de prière pour l’unité des chrétiens à Jérusalem ?
© Patriarcat latin de Jérusalem
Quels sont à Jérusalem les projets œcuméniques prévus pour célébrer ce 50e anniversaire de la rencontre du pape Paul VI et du patriarche œcuménique Athénagoras Ier ?
La rencontre entre le pape François et SS. Bartholomaios se déroulera au Saint-Sépulcre.
gera les Églises à s’interroger sur la façon dont elles ont perpétué ce souvenir et s’en sont inspirées. Il sera donc important d’impliquer étroitement les différentes Églises dans la préparation de la prochaine visite du pape et du patriarche et de trouver moyen de leur permettre d’y participer activement. Beaucoup espèrent qu’elle sera l’occasion de donner un nouvel élan à l’engagement œcuménique des Églises et pourra donner naissance à quelque initiative concrète nouvelle.
Est-il possible de distinguer d’autres étapes significatives dans les relations œcuméniques à Jérusalem ? Pour les relations entre catholiques et orthodoxes, une autre étape
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proche-orient
CARNET DES CONTINENTS
importante a été le retour des reliques de saint Sabas, fondateur du célèbre monastère dans la vallée du Cédron qui porte le même nom. Ces reliques ont été apportées de Venise, où elles se trouvaient depuis le Xe siècle, à Jérusalem, en passant par Athènes, en octobre 1965. Le patriarcat grec orthodoxe célèbre toujours ce retour avec solennité liturgique. Malheureusement, les fruits œcuméniques n’ont pas été tout à fait ce qu’on aurait pu souhaiter. Ainsi,
aujourd’hui, les moines de SaintSabas ne permettent pas aux catholiques de réciter une prière près des reliques quand ils visitent le monastère.
Vivre au milieu du conflit entre Palestine et Israël participe-t-il à un rapprochement des Églises ? Effectivement, une autre étape importante dans les relations œcuméniques a été franchie
© Amélie de La Hougue
L'église de la Dormition est tenue par les latins.
Les treize Églises de Jérusalem Les premières communautés chrétiennes à Jérusalem ont vécu en harmonie jusqu’en 451 où les orthodoxes (grecs), en reconnaissant le concile de Chalcédoine, se séparent des Églises orientales orthodoxes (coptes, arméniennes et syriennes). La deuxième division majeure est apparue en 1054 entre les Églises d’Orient et d’Occident. C’est ainsi qu’aujourd’hui, Jérusalem a treize Églises: l six catholiques : les latins, les grec-catholiques (ou melkites),
les maronites, les syriens, les arméniens et les chaldéens, l cinq orthodoxes : les grecs, les arméniens, les coptes, les syriens
et les éthiopiens, l deux protestantes : les anglicans et les luthériens.
L’ensemble représente entre 1 à 2 % de la population de la Terre sainte.
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Prière pour l'unité des chrétiens dans la paroisse melkite de Jérusalem.
au temps du premier soulèvement palestinien (intifada), à partir de décembre 1987. Face à la situation de violence et de souffrance, les chefs des Églises de Jérusalem ont eu la sagesse de se concerter afin d’adopter une attitude commune et de parler d’une même voix, appelant à une paix juste pour tous. À partir de ce moment, ils ont commencé à publier des déclarations et des messages communs ; en particulier chaque année ils rédigent un message commun pour Noël et Pâques et continuent à diffuser ensemble des appels ou déclarations quand des événements importants se produisent. Ils ont publié ensemble deux mémorandums, en 1994 et en 2006, sur la signification religieuse de Jérusalem pour les chrétiens et les droits qui en découlent pour les communautés chrétiennes. Depuis lors aussi, les chefs de treize Églises à Jérusalem (lire encadré p. 24), ayant des évêques à leur tête, se rencontrent à peu près tous les deux mois
Terre sainte
pour s’entretenir de questions qui se posent à eux tous.
Ces discussions communes portent-elles également sur l’aspect pastoral ? Il est vrai que ces échanges portent surtout sur des problèmes externes, comme la difficulté d’obtenir des visas pour le personnel religieux, les difficultés de circulation entre Jérusalem et les Territoires palestiniens, en particulier Bethléem, etc. On pourrait souhaiter une plus grande collaboration pastorale, mais il importe de se réjouir de tout ce qui existe et qui est un bon point de départ pour aller de l’avant. Après la rencontre de 1964, la plus belle célébration œcuménique en Terre sainte a été l’inauguration solennelle commune du grand jubilé de l’an 2000. Le 4 décembre 1999, la place centrale de Bethléem était remplie de chrétiens, locaux et pèlerins, représentant les différentes Églises, tandis que les chefs des Églises étaient assis ensemble
derrière la même table sur le podium. Durant tout l’après-midi, les chants et prières des différentes Églises se sont succédé et un message commun pour le jubilé a été présenté. Malheureusement il n’a pas été possible d’avoir une autre célébration de cette envergure depuis lors.
En 2013, l’Église catholique en Terre sainte a pris l’initiative de célébrer Pâques à la même date que les orthodoxes. Quels ont été les fruits œcuméniques ? Les fidèles tant catholiques qu’orthodoxes de Terre sainte demandent depuis longtemps une unification de la date de Pâques. Le synode spécial des évêques pour le MoyenOrient, en octobre 2010, a également encouragé les initiatives dans ce sens. Dans cet esprit, les chefs des Églises catholiques ont pris la décision de célébrer Pâques en 2013 à la date des orthodoxes (ndlr : les orthodoxes sont encore sur le calendrier julien et les latins
© DR
© Patriarcat latin de Jérusalem
sur le calendrier grégorien depuis la fin du XVIe). Ils ont proposé cette initiative à titre d’essai. Si cette première célébration commune s’avérait positive, elle deviendrait générale et définitive à partir de 2015, car en 2014 les dates occidentales et orientales coïncident de toute façon. Le moment est donc venu de faire une évaluation attentive de ce qui a été vécu cette année. Il nous faut
Église orthodoxe Ste MarieMadeleine.
reconnaître qu’il y a eu des réactions très différentes dans les paroisses catholiques et les communautés religieuses. En conséquence, l’appréciation n’est pas facile. Les uns se disent favorables, les autres sont portés à dire que l’initiative a créé de nouvelles dissonances qu’il vaudrait mieux éviter. La coordination œcuménique aussi n’a peutêtre pas été suffisamment préparée. Pour le moment, la suite concrète qu’il convient de donner à cette initiative n’est pas claire. ■ Propos recueillis par Amélie de La Hougue *Le P. Bouwen est membre de la Commission internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe, vice-modérateur de la commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises (Genève) et directeur de la revue « Proche-Orient Chrétien ».
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Asie
CARNET DES CONTINENTS
Inde
Élections 2014 : entre séduction et intolérance Alors que l’Inde se prépare à vivre des élections générales en mai 2014, la minorité chrétienne est partagée entre l’espérance que peut susciter la liste des promesses électorales et l’inquiétude devant l’augmentation des attaques dont elle est victime.
confirmer que l’Église y manquerait d’audace missionnaire. Premier obstacle : très (trop ?) engagée dans le service social (écoles et dispensaires), elle n’aurait plus le temps ni l’énergie nécessaires pour l’évangélisation. Deuxième obstacle : une théologie de la mission périmée où le salut serait accessible à tous, sans nécessité de passer par le Christ. Procession lors d'une ordination à Sunamaha. L'Église, bien que minoritaire, reste visible.
© Anto Akkara
F
ondée par l’apôtre Thomas, l’Église en Inde, avec ses dixhuit millions de fidèles, n’a rien à envier à la « fille aînée de l’Église » : elle est aussi ancienne et compte finalement plus de pratiquants que l’Église en France ! La bienheureuse Mère Teresa, fondatrice des Missionnaires de la Charité, en est la figure emblématique. Missionnaire, c’est la réalité de l’Église en Inde aujourd’hui, avec un nombre considérable de prêtres et de religieuses en mission à l’étranger, à tel point que soutenir matériellement et spirituellement cette Église, surtout la formation, c’est réellement investir pour la mission universelle de l’Église. Et pourtant, à l’intérieur du pays, plusieurs sources semblent
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Quoi qu’il en soit et bien que très modeste en taille – les chrétiens représentent 2,3 % de la population indienne et les catholiques environ 1,5 % – l’Église en Inde a une immense force de témoignage, notamment par son action éducative et caritative : vingt millions d’étudiants dans vingt-cinq mille établissements et 25 % des hôpitaux et centres de soins. Cette force
Inde
dérange-t-elle ? Confrontée à une persécution latente dans l’ensemble du pays et à une persécution violente dans certaines régions, l’Église poursuit sa mission avec une certaine appréhension.
En Inde, les élections sont en général un temps béni pour deux catégories de la population, les pauvres et les minorités religieuses, comme les chrétiens. Celles-ci sont alors l’objet de toutes les attentions de chaque parti politique qui les courtise de façon éhontée. Les pauvres sont particulièrement recherchés, car ils constituent plus de 70 % des électeurs en Inde. Mais les minorités religieuses sont elles aussi devenues Chine
Pakistan Népal
Bhoutan
New Delhi Bangladesh Birmanie
Sri Lanka
Superficie : 3 287 263 km²
Population : 1 241 millions Religions : hindouisme : 80,5% islam : 13,4% christianisme : 2,3% sikhisme : 1,9% bouddhisme : 0,7% jaïnisme : 0,5% zoroastrisme, judaïsme Langue officielle : anglais et hindi. Dix-huit langues constitutionnelles.
Les Sœurs de la charité maintiennent sans faiblir leur rôle auprès des jeunes.
une cible de choix des politiques car leur vote représente une réserve de voix non négligeable pouvant décider de l’issue des scrutins dans certaines régions. C’est le cas par exemple du Kerala, État situé dans le sud-ouest de l’Inde, et où les chrétiens représentent un peu plus de 20 % de la population. Le BJP, parti nationaliste hindou, n’y a encore jamais obtenu un seul siège au Parlement, ce qui explique l’intensification de sa campagne de séduction des chrétiens lors de ces dernières semaines. Le BJP, comme tous les autres partis politiques en Inde, croit fermement qu’il n’y a pas d’ennemis irréductibles en politique.
Il voudrait bien que le symbole de son parti, le lotus, fleurisse également au Kerala. Il serait même très content de voir le lotus fleurir sur la croix. Cette grande séduction fonctionnera-t-elle ? Au même moment, c’est le tenant de la ligne dure, Narendra Modi, qui a été désigné par le BJP au niveau national comme candidat au poste de premier ministre pour ces mêmes élections. Narendra Modi est un ancien militant du « Rashtriya Sawayamsevak Sangh » (RSS), l’une des organisations hindoues les plus actives, radicales et violentes. Le BJP, connu pour son soutien aux groupes tels que le RSS, milite pour un État « 100 % hindou ».
Le plus grand temple hindou du monde Moins de deux semaines après l’inauguration très médiatisée en novembre 2013 du chantier de la plus grande statue du monde à la gloire de Sardar Patel, héros de l’indépendance de l’Inde, dans l’État du Gujarat, c’est au tour de l’État du Bihar de faire la Une des médias indiens avec un projet encore plus démesuré, celui de la construction du plus grand temple hindou jamais édifié. Les élections générales de mai 2014 semblent ainsi susciter des vocations architecturales au sein de la classe politique indienne.
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© Marc Fromager
Élections générales
Asie
CARNET DES CONTINENTS
Difficile dans ces conditions d’imaginer quel bénéfice les chrétiens pourraient en tirer.
Sur le front Il y a aujourd’hui en Inde environ 24 000 prêtres, la plupart étant relativement jeunes, 6 000 frères dans l’enseignement et 100 000 religieuses. La plupart sont hautement qualifiés (doctorat en théologie et en écriture sainte...). L’Église catholique y compte trois rites : latin, syro-
ne signifie pas l’oubli. L’AED vient de publier (octobre 2013) un recueil des événements dramatiques survenus dans l’État d’Orissa en 2008 rédigé par un journaliste indien, Anto AKKARA, et qui s’intitule Martyrs d’Orissa – Nouveaux témoins du Christ en Inde. Nulle quête de sensationnalisme ou de curiosité morbide dans cette longue litanie de souffrances, mais une stèle mémorielle en l’honneur de tous ces chrétiens dont la postérité admirera la foi et la fidélité au Christ, comme l’indique dans sa préface le cardinal Oswald Gracias. Face à cet acharnement, on est en droit d’en chercher le sens. Si on en veut ainsi à l’Église, c’est sans doute qu’elle dérange mais dans ce cas, pourquoi l’Église dérange-t-elle ? Tout d’abord, son
(on compte des centaines d’attaques anti-chrétiennes chaque année), on note une discrimination rampante contre les chrétiens, même dans le sud, depuis une dizaine d’années. Cette détérioration est essentiellement le résultat de l’activisme politique du BJP, responsable d’un climat d’impunité régnant, quant aux violences commises au nom de l’hindutva, une idéologie de l’extrême-droite hindoue. Au-delà des attaques, Le cardinal Toppo prie devant une statue décapitée à Balliguda.
L’échec total de la justice À Bhubaneswar le 30 octobre 2013, 54 extrémistes hindous © Anto Akkara
accusés d’être responsables
malabar et syro-malankar. Les dixhuit millions de catholiques y sont massivement fidèles à une pratique régulière. Cette fidélité est d’autant plus nécessaire que leur situation est loin d’être paisible. Même si les attaques les plus violentes sont concentrées au nord du pays dans ce qu’on appelle la « Hindi Belt »
force est de constater la tentative de légaliser des restrictions de la liberté religieuse, avec le vote de lois anticonversion (impossibilité de devenir chrétien). Reste la violence quasi quotidienne qui finit à juste titre par exaspérer la communauté chrétienne, même si le pardon demeure au cœur de notre foi. Mais le pardon
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de saccages et de violences antichrétiennes à Noël 2008 dans le district de Kandhamal (État d’Orissa) ont été acquittés faute de preuves suffisantes. Pour le Conseil global des chrétiens indiens (GCIC), ce procès a démontré « l’échec total de l’administration et de la justice ». Selon le GCIC, les preuves étaient pourtant évidentes et incontestables. Ces « absolutions trop faciles » sont une honte pour l’Inde.
La politique de limitation des naissances accentue la sélection des filles.
influence dans la société indienne est largement supérieure à sa taille. Ensuite, il y a des conversions, même s’il s’agit essentiellement de dalits (intouchables) et de populations tribales. Enfin, parce qu’elle est une réelle menace pour le système des castes. Le cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi, va même jusqu’à dire que les chrétiens sont de la « matière explosive » dans le système des castes. Avec leurs programmes de formation et d’aide sociale et sanitaire pour les populations hors castes, l’Église a en effet favorisé leur décollage. Si tous les hors castes et les groupes tribaux devenaient chrétiens, ils pourraient croître à deux cents millions, estime le cardinal, menaçant ainsi l’hégémonie du système traditionnel des castes. Le pogrom contre les chrétiens en Orissa, qui a causé un véritable « tsunami humain » selon Mgr Toppo, est focalisé sur la religion, mais les causes profondes sont en réalité économiques et politiques.
Elles sont liées aux prêts à usure que les organisations nationalistes font aux plus pauvres dans les communautés tribales et parmi les dalits, ce qui ruine des familles entières. C’est un système d’exploitation largement répandu en Inde, semble-t-il.
Les filles ont disparu ! L’Église dérange également par son action opiniâtre en faveur des femmes, dont la situation a empiré ces dernières années. Toutes les sept minutes, une femme meurt pour des causes liées à la grossesse, tandis que l’élimination volontaire des fœtus féminins a atteint des proportions dramatiques. Selon un récent rapport de l’UNICEF, 71 000 enfants naissent chaque jour en Inde, mais seules 31 000 sont des filles. Ce déficit d’au moins 5 000 filles par jour signifie près de 2 millions de filles en moins par an ! Selon un rapport du programme des Nations unies pour le développement de 2010, il manquerait quarante-trois millions de femmes
© Marc Fromager
Inde
en Inde. Si l'on prend en compte simplement la dernière décennie, le nombre des femmes estimées « manquantes » serait de trente-sept millions. C'est le chiffre qui a été retenu pour la campagne en faveur des femmes qui a été lancée dimanche 27 janvier 2013 par l'archidiocèse de Bombay. Appelée « 37 million Diyas ('lumières') », cette campagne a consisté à allumer des bougies et des lampes à huile dans toutes les paroisses de l'archidiocèse entre 19h et 20h et de prier à la mémoire des 37 millions de victimes 'sacrifiées' en Inde, « uniquement parce qu'elles étaient des femmes ». « Ces 37 millions de ‘diyas’ qui brûlent dans la nuit symbolisent toutes les femmes victimes de ce véritable génocide qui est la honte de l'Inde », a déclaré l'archevêque de Bombay, le cardinal Gracias, qui considère que c'est avant tout « le manque de considération et le mépris de la société indienne pour les femmes qui sont à l'origine du génocide féminin ». La campagne de l’Église de Bombay vise donc à informer et à sensibiliser un large public sur les dures réalités de la condition féminine en Inde : avortement, infanticide, meurtre pour dot, harcèlement sexuel, viol, kidnapping, violences domestiques. Il faudrait y ajouter encore les unions forcées et la pratique du mariage des enfants, la prostitution et le travail des fillettes, sans compter le taux exceptionnellement élevé de la mortalité des filles en dessous de cinq ans par manque de soins. ■ Marc Fromager
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communauté du monde
la communauté de
l'agneau Charisme
La communauté a pour mission de témoigner du mystère de l’Agneau au cœur du monde : l’Agneau, c’est Jésus, pauvre, vulnérable et désarmé qui se fait mendiant de notre amour. Par sa Croix glorieuse et sa Résurrection, l’Agneau triomphe de la mort et anéantit tout le mal du monde : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Les frères et sœurs sont consacrés au cœur de l’Église pour vivre et annoncer la joie de l’Évangile, dans un propos quotidien de conversion et de charité fraternelle, dans une vie contemplative toute livrée à la Parole de Dieu. C’est en pèlerins, pauvres et mendiants qu’ils sont envoyés sur les pas de saint Dominique et de saint François à la rencontre des plus pauvres pour que tous, riches et pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle de la tendresse de Dieu.
Jeunes/Volontariat
Chaque été, la communauté propose aux jeunes un camp international de prière : enseignements, offices liturgiques, participation à la vie fraternelle et de service des frères et sœurs. Pendant l’année, diverses propositions sont faites également : week-ends de prière ou de chantier, rencontre des pauvres...
Historique
La Communauté de l’Agneau, qui appartient à la famille dominicaine, fête cette année trente ans de fondation. L’évêque responsable est le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne en Autriche. La communauté est constituée d’une branche de petites sœurs et d’une branche de petits frères venant de tout pays. Lui sont rattachés des personnes laïques (célibataires, familles, enfants, jeunes) et des prêtres diocésains qui forment « la famille de l’Agneau ». Chacun selon son état de vie s’engage à vivre le mystère de l’Agneau, dans la pratique de ce qui est devenu la devise de la communauté : « Blessé, je ne cesserai jamais d’aimer. »
Cette année la communauté fête ses trente ans.
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Une présence active auprès des gens du voyage.
Verset biblique
« C’est Lui qui est notre paix. En sa chair, en sa Personne, Il a tué la haine » (éphésiens 2, 14-16).
Formation
Les frères et sœurs sont essentiellement formés par la Parole de Dieu, lue, méditée, apprise par cœur, célébrée dans des offices liturgiques très développés. Le catéchisme de l’Église catholique, les Pères de l’Église, les textes primitifs de l’ordre des Prêcheurs, les écrits du concile Vatican II, le magistère des papes tiennent également une place privilégiée dans la formation. L’étude qui appartient à la vie entière n’est pas séparée du cheminement spirituel. ■
Quelques chiffres
La Communauté de l’Agneau rassemble aujourd’hui plus de cent cinquante petites sœurs et une trentaine de petits frères. Elle est présente en France (Toulouse, Marseille, Avignon, Lyon, Rennes, Béthune, SaintPierre), en Espagne, en Italie, en Autriche, en Pologne, en Allemagne, en Argentine, au Chili et aux États-Unis. Depuis quelques années, la communauté est entrée dans une étape nouvelle qui est la construction de « petits monastères de l’Agneau » à la fois simples et beaux, entièrement financés par la Providence, au cœur des grandes villes ou à l’écart. En France, un projet est en cours dans les quartiers nord de Marseille.
Des monastères en bois au cœur des grandes villes.
Informations
Lieu communautaire en France : Saint-Pierre 11270 Plavilla tél. : 04 68 60 53 11 www.communautedelagneau.org L’église dans le monde N° 167 ■ 31
© Communauté de l'Agneau
Missions avec les familles de Kansas City (Missouri).
Kiosque
Rendez-vous
coup de cœur La joie de l’Évangile Evangelii gaudium, exhortation apostolique Édition Téqui, novembre 2013, 168 p. 6,50 €
« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus-Christ, la joie naît et renaît toujours. Dans cette exhortation, je désire m’adresser aux fidèles chrétiens pour les inviter à une nouvelle étape évangélisatrice marquée par cette joie et indiquer des voies pour la marche de l’Église dans les prochaines années. » Pape François. Par son ton vivant et personnel, le pape laisse entrevoir les clés de son programme pontifical, à savoir une invitation à rencontrer personnellement le Christ dans la Parole de Dieu. ■
Rome – écône
L’enjeu spirituel du mystère d’Israël
L’accord impossible ?
Moïse Ballard
Christophe Geffroy
Édition des Béatitudes, décembre 2013, 144 p., 11,50 €
Édition Artège, novembre 2013, 183 p., 14 €
Après le concile Vatican II et le pon-
Les discussions entre Rome et la
tificat de Jean-Paul II, la compréhen-
Fraternité Saint-Pie X ont un moment
sion que l’Église a du plan de Dieu sur
laissé espérer qu’un accord était en-
le peuple juif a évolué. Jean-Paul II
visageable. Aujourd’hui, l’échec est
affirmait : « L’Alliance [avec le peuple juif] n’a pas été ré-
malheureusement patent. Pourquoi l’accord espéré
voquée. » L’essai de Moïse Ballard vise à expliquer la por-
ne s’est-il finalement pas réalisé ?
tée de ces paroles. L’auteur explore d’une manière claire,
Christophe Geffroy, également auteur de Benoît XVI et
enrichie de références bibliques, la question de l’élec-
“ la paix liturgique ” retrace dans cet essai l’histoire des
tion d’Israël. Il emmène le lecteur visiter la crèche pour
relations tumultueuses entre la Fraternité Saint-Pie X et
ensuite remonter avec lui l’Ancien Testament et termine
l’Église, et donne des clefs de lecture pour comprendre
en montrant combien le « mystère d’Israël » est un
les deux parties. Un livre fort éclairant, quelles que
enjeu pour la vie spirituelle d’un chrétien. ■
soient les connaissances du lecteur sur le sujet. ■
En chemin vers Rome Avec nos enfants, l’âne Octave et notre rêve… Édouard Cortès Édition XO, novembre 2013, 251 p., 18,90 €
Pour leur voyage de noces, Édouard et Mathilde Cortès avaient décidé de marcher jusqu’à Jérusalem sur les pas des premiers pèlerins. Aujourd’hui jeunes parents, ils sont partis randonner en famille du Puyen-Velay jusqu’à Rome sur l’antique voie de pèlerinage, la Via Francigena. Trois enfants, une carriole, une tente et un âne, et c’est parti pour 1 300 km d’aventure humaine, familiale et spirituelle. On se laisse facilement émouvoir par cette joyeuse épopée familiale retranscrite sous la plume vivante d’Édouard Cortès qui n’hésite pas, pas à pas, à livrer au lecteur ses réflexions spirituelles et humaines. ■
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Kiosque
Rendez-vous
CD Les Chœurs du Vatican
L’Odyssée de saint Paul
15.99 €, Sony music, décembre 2013
Dominique Bar Éditions Triomphe, 19,80 €, novembre 2013, 88 p.
Les Chœurs du Vatican, pour la première fois en CD. Dirigés
Cette BD entraîne le lecteur à
par Monseigneur Pablo
la suite de l’apôtre des Gentils,
Colino, grand maître de
du chemin de Damas, où il sera
la Basilique Saint-Pierre, les Chœurs du Vatican
illuminé par l’intervention du Christ, jusqu’aux routes
ont enregistré les plus beaux titres classiques et
de l’évangélisation. Au fil des pages de ces deux tomes,
religieux lors de trois nuits exceptionnelles dans
on découvre ou redécouvre Saül, persécuteur des chré-
la basilique Saint-Pierre. Les Chœurs interprètent
tiens qui, une fois converti, a pris tant de risque pour
les grandes pièces du répertoire sacré (Les anges
annoncer l’Évangile par monts et par vaux. On suit
dans nos campagnes, Cantique de Jean Racine, Jésus,
les périples de l’auteur célèbre des Épîtres qui devien-
que ma joie demeure, l’hymne pontifical …) ■
dra avec saint Pierre martyr à Rome et pilier de l’Église catholique. ■
Par Internet : www.aed-france.org
(rubrique « nous aider»)
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Par courrier, en envoyant ce coupon accompagné de votre chèque (ordre : AED) sous enveloppe affranchie à Aide à l’Église en Détresse (AED), 29, rue du Louvre, CS 30057, 78750 Mareil-Marly
M Mme Nom : Prénom : Adresse :
Père
Sœur
Code postal : Ville : E-mail : L’église dans le monde N° 167 ■ 33
Rendez-vous
Une heure avec…
© Thomas Go
isque
Édouard Cortès,
«
épopée familiale vers la Ville éternelle
dernières expéditions. De sa traversée en 2CV de Peut-être est-ce la sagesse qui me manque », la France à Saigon, lorsqu’il était étudiant, jusqu’aux s’interroge Édouard Cortes, frottant sa barbe brune. 5 788 km parcourus à pied de Paris à Jérusalem avec sa Écrivain-voyageur, ce jeune homme de trentejeune épouse en voyage de noce, en passant par les trois ans vient de publier un livre intitulé « En chemin prisons du Caucase quelques années plus tôt et vers Rome »*, récit de ses trois mois de pérégrination j’en passe, l’expérience d’Édouard n’est plus à refaire. en famille du Puy-en-Velay à Rome. Une équipée pour « L’aventure a toujours eu pour moi des parfums exole moins originale qui en a étonné plus d’un ; 1 300 km tiques », explique-t-il, comme si nous pouvions encore à pied sur la Via Francigena avec sa femme Mathilde en douter. Parfums exotiques et aussi spirituels, pouret leurs trois filles de trois ans et demi, deux ans et rait- il rajouter, lui qui affirme qu’« on part toujours trop neuf mois portées dans une carriole par un âne – Octave – chargé de ses peurs. » Un appel à lâcher prise, une inviqu’il faudra savoir apprivoiser. D’aucuns diront que tation concrète à s’abonner à la Providence. À chaque l’expédition est effrayante quand on pense au parcours pas. « J’avance avec deux pieds, celui de qui flirte avec les cols enneigés des Alpes et la raison et celui de la foi », n’hésite pas la chaleur écrasante de la Toscane, aux arrêts nets et catégoriques de l’âne aquaphobe « J'avance avec deux à confier cet aventurier de la foi, fasciné par pieds, celui la représentation du visage du Christ sur le (ou juste entêté ?) terrorisé à l’idée de passer de la raison et voile de Manopello, dont il fera une étape-clé le moindre gué, à la fièvre grimpante due celui de la foi » de son pèlerinage. Et lorsque toute la famille à la varicelle des enfants, aux chemins glisse retrouve enfin à Rome au pied du tomsants et escarpés qui feront chuter la carriole beau de saint Pierre, Édouard écrira, reconnaissant : de 7 mètres (sans aucune égratignure pour personne, « Se poser, fermer les yeux, respirer doucement et par deo gratias). Et sans compter, rajoute le jeune père de l’intermédiaire du prince des apôtres remercier Dieu de famille, « l’éternelle question du nomade ; où dormir ce nous avoir conduits ad limina petri. » ■ soir ? ». Surtout quand on est cinq. Plus un âne. Alors Amélie de La Hougue est-ce la sagesse qui manque à l’aventurier ? ou cette épopée est-elle au contraire le fruit d’une subtile alliance e Retrouvez les aventures de la famille Cortès sur entre professionnalisme et rêves à accomplir, le tout www.enchemin.org enrobé d’un délicat parfum d’abandon ? Car profession*voir la rubrique kiosque p. 32 nel de l’aventure, Édouard Cortès l’est. En témoigne ses 34 ■ L’église dans le monde N° 167
Projet de l'AED
Agir
Aider 115 séminaristes de Colombie
Chaque année, l’AED collecte près de 80 millions d’euros pour soutenir l’Église dans le monde • Grâce à des milliers de donateurs, l’AED redonne force et vitalité à l’Église dans plus de 137 pays : • Des milliers d’églises et chapelles ont été construites ou reconstruites. • l’AED soutient 1 séminariste sur 12 dans le monde. • 45 millions de « Bibles pour
La Colombie est en crise perpétuelle depuis des décennies. Les luttes sont permanentes entre policiers, militaires, cartels de la drogue et guérilleros. Les conséquences sont dramatiques : corruption, inflation galopante, des milliers de déplacés… Dans certaines régions, il n’y a même pas encore de routes, certains villages ne sont accessibles que par bateau. L’Église mène plusieurs actions dans le pays, au risque de mettre ses propres prêtres en danger (enlèvements, assassinats). Elle soutient au mieux les réfugiés, les orphelins, ainsi que ceux qui vivent dans la pauvreté et ont subi de lourds traumatismes. Elle aide également d’autres pays en envoyant des prêtres là où il n’y en a pas. Le diocèse de Sonson-Rionegro, au nord-ouest de la Colombie, est un véritable centre de formation des prêtres : plus de huit cents jeunes issus de plusieurs diocèses se préparent au sacerdoce. Cent quinze
d’entre eux sont formés au séminaire Notre-Dame de Marinilla et sont aidés par l’Aide à l’Église en détresse. Dans ce diocèse, la moitié des prêtres sont envoyés en mission à travers dix-huit pays. Les représentants de l’Église colombienne rappellent que « la mission de l’Église est d’être un instrument de paix et une voix prophétique pour la justice et la vérité – une voix avant tout pour les pauvres et les personnes en détresse ». Le rôle du prêtre est d’être au service de cette paix, dans un pays ou le « message de l’Église est certes respecté, mais hélas pas assez écouté ». Et de conclure : « La paix en Colombie ne doit pas être une paix des tombes, mais une paix vivante à laquelle toutes les parties doivent contribuer. » L’AED a besoin de votre aide pour continuer à soutenir les séminaristes de Colombie. Un grand merci ! ■
enfant » ont été diffusées. • Des milliers de prêtres survivent grâce aux offrandes de messe transmises par l’AED. • Des centaines de programmes de radio et télévision ont été financés pour soutenir les chrétiens isolés. • Des milliers de véhicules ont été achetés pour propager l’évangile : voitures, motos, bicyclettes, bateaux à moteur… tous les moyens sont bons pour les messagers de la Bonne Nouvelle !
Envoyez vos dons à :
AED - 29, rue du Louvre CS 30057 - 78 750 Mareil-Marly ou sur notre site internet
www.aed-france.org Merci pour votre aide !
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Prière de St Anselme de Cantorbéry (1033-1109)
Mon Dieu
, tu es toute tendresse pour moi.
Je te le demande par ton Fils bien-aimé : accorde-moi de me laisser remplir de miséricorde et d’aimer tout ce que tu m’inspires. Donne-moi de compatir à ceux qui sont dans l’affliction, et d’aller au secours de ceux qui sont dans le besoin. Donne-moi de soulager les malheureux, d’offrir un asile à ceux qui en manquent, de consoler les affligés, d’encourager les opprimés. Donne-moi de pardonner à celui qui m’aura offensé, d’aimer ceux qui me haïssent, de rendre toujours le bien pour le mal, de n’avoir de mépris pour personne, et d’honorer tous les hommes.