La Feuille Volante

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F EU I L LE

VOLANTE

Bulletin de l’Aéro-Club de Genève - Association régionale genevoise de l’AéCS www.aeroclub-geneve.com

CES EXPATS

DE SWISS A TAIWAN

Numéro 97

15 août 2006


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EDITORIAL A PROPOS DE NOTRE ©Pascal Challande

AERO-BISTRO... Notre aéro-Bistro! Avant d'aborder ce sujet particulier, il est nécessaire de rappeler rapidement le fonctionnement de notre Association régionale genevoise de l'AéCS. Cette dernière est composée d'un Bureau, dont le Président actuel est Monsieur Michel Favre, et des présidents des groupes

suivants : Groupe Groupe Groupe Groupe Groupe

de vol à moteur et pilotes de montagne, de vol à voile, des aéromodélistes, des aérostiers, de parachutisme.

Nos buts sont clairs : développer nos activités et défendre l'ensemble des disciplines aéronautiques auprès des autorités politiques et administratives, ainsi qu'auprès des instances dirigeantes des milieux aéronautiques locaux. Afin de resserrer les liens entre les différents Groupes, notre Association régionale édite la Feuille Volante qui est envoyée à tous les membres, aux membres de soutien, ainsi qu'aux autorités. L'édition de ce journal a un coût, de même que différentes prestations dont bénéficient l'ensemble des membres. C'est là que l'Aéro-Bistro doit jouer son rôle en contribuant à alimenter nos ressources. Rappelons que nous avons signé, en 1999, un contrat de droit administratif avec la Direction de l'Aéroport (propriétaire des locaux) qui nous permet d'exploiter notre Aéro-Bistro sept jours sur sept de 10 à 20h, et ceci onze mois par année. L'Association genevoise sous-traite l'exploitation à un gérant qui doit assurer un service de restauration selon un cahier des charges et mensuellement nous verser une redevance. Actuellement, force est de constater que l'essen-

tiel de la clientèle est externe à notre Association. Les week-ends de beau temps rencontrent un grand succès. Mais ce n'est pas suffisant … Nous souhaitons que l'Aéro-Bistro soit aussi un lieu de rencontre pour les membres des Groupes et bientôt, pour ceux qui le souhaitent, un endroit où déposer les plans de vol et consulter la météo, grâce à un service WiFi gratuit, tout en se désaltérant. La désaffection de l'Aéro-Bistro par les pilotes nous a incité à vous questionner sur les raisons de ce désamour (voir questionnaire dans la Feuille Volante du 15 mai). A ce jour, nous n'avons reçu que 12 réponses, parfois teintées au vitriol, sur plusieurs centaines de membres inscrits. Merci à ces 12 personnes qui ont pris le temps de nous adresser leur remarques et vont nous permettre de progresser. Mais comment interpréter le silence des plus nombreux ? La vie associative est-elle sur le déclin ? Rappelons que l'ensemble des membres des Comités sont bénévoles et consacrent beaucoup de temps à défendre nos hobbies commun. Vos encouragements les aideraient grandement ! Michel Rieben Photo de couverture (Marlyse Marti): dans le simulateur du Boeing 747-400.

S O M M A I R E Pp.4-7

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les expats, de Swiss à Taiwan, JeanChristian Marti Feuille Volante et Aéro-club: petits rappels, Jean-René Bollier

Pp.9-14 Michel Martin, odyssée au sommet du Jura, Jean-Claude Cailliez


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LES EXPATS

DE SWISS A TAIWAN TAIWAN EN CHIFFRES

Taipei Taipei (République de Chine), 22 heures: mon épouse et moi descendons d’un bus qui nous a amenés de l’aéroport Chiang Kai Shek au centre ville. Il fait chaud et très humide. La circulation est dense et bruyante. Je déplie un plan sommaire de Taipei, trouvé à l’aéroport, pour essayer de repérer notre hôtel. Pas facile. Une jeune Chinoise s’approche pour nous aider, mais elle ne parle et ne comprend que le chinois. J’arrête un taxi et montre au chauffeur le nom et l’adresse de l’hôtel. Malheureusement l’adresse est rédigée dans notre alphabet et le chauffeur n’y comprend rien. En désespoir de cause, nous nous décidons à rallier l’hôtel à pied et au pifomètre, chargés de nos valises et de nos sacs de voyage. Tiens, il commence à pleuvoir ! Nous venons de mettre le doigt sur la difficulté majeure éprouvée par les étrangers à Taiwan: la communication. Que sommes-nous venus faire dans ce pays qui, compte-tenu de sa saison des pluies et des typhons, de ses secousses sismiques hebdomadaires et de sa surpopulation, ne

Nom du pays : Republic of China Ile située à environ 200km à l’est de la Chine Populaire Capitale : Taipei (agglomération 6 millions d’habitants) Surface : 32000 km carrés Population : 23 millions Langue : Mandarin(langue officielle), Taiwanais Religions :Bouddhisme, Confucianisme,Taoïsme, Christianisme(4%) Climat tropical (l’île est traversée par le tropique du Cancer) Saison des pluies de juin à août Dangers : Tremblements de terre fréquents et typhons, serpents. Plus haut sommet : Yu Shan 3952m représente pas une étape touristique évidente ? Nous sommes venus rendre visite à notre fils qui est pilote de ligne et qui, après six ans passés chez Crossair puis chez Swiss, s’est expatrié à Taiwan où il travaille pour China Airlines. Taiwan : pourquoi et comment ? Après de nombreuses et drastiques restructurations ayant entraîné des licenciements en avalanche, SWISS, notre ex-compagnie nationale désormais en mains allemandes, continue à réduire la voilure : suppression de la flotte des Embraer 145 (avions les plus récents) pour ne garder que les «vieux» Jumbolino. Conséquence pour les pilotes issus de l’ex-

CHINA AIRLINES EN CHIFFRES Compagnie fondée en 1959 60 destinations dans le monde dont: Europe:Frankfurt, Amsterdam, Rome, Vienne USA: Anchorage, Los Angeles, Honolulu, San Francisco, Houston, New York Canada: Vancouver Asie : Bangkok, Hong Kong, New Delhi, Singapore, Manille, Hanoi, Jakarta Australie: Sydney, Brisbane Flotte: 15 Boeing 747-400 passagers 18 Boeing 747-400 cargo 7 Airbus A340-300 10 Airbus A330-300 3 Airbus A300-600R 12 Boeing 737-800 Employés: 9’911 Nombreuses participations majoritaires dont Mandarin Airlines (compagnie régionale) Principal concurrent : EVA Air Crossair: ils sont trop nombreux et aucun plan de carrière ne leur est proposé, comme par exemple une formation sur Airbus. Au contraire les incitations à un départ volontaire moyennant quelques mois de salaire sont fréquentes. China Airlines, qui cherche un nombre important de pilotes, a donc contacté Swiss et une première sélection a eu lieu en Suisse, consis-


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Les pilotes suisses à la fête du dragon.

Fiduciaire Edmond Favre SA 11 Rue de Candolle - 1205 Genève Tél. : 022/819.0.800 - Fax : 022/819.0.801 E-mail : info@fief.ch

Michel Favre Membre de la Chambre Fiduciaire Expert-comptable Conseiller Fiscal Comptabilité - Révision - Fiscalité - Expertises - Constitution, gestion et administration de sociétés Domiciliation - Liquidateur de sociétés - Exécuteur testamentaire


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tant principalement en un entretien, une session de simulateur et un test d'anglais. Les candidats retenus sont alors partis 3 jours à Taipei pour passer la visite médicale de l’administration aéronautique taiwanaise. Visite très minutieuse sur 2 jours et qui est obligatoire tous les six mois ! Les pilotes positifs à tous ces tests ont alors signé un contrat valable 5 ans, dont 3 incompressibles sous peine d’une pénalité financière. Ils sont environ une trentaine de Suisses arrivés à Taipei en vagues successives.

©Marlyse Marti

Quelles sont les motivations qui ont pu pousser ces pilotes à s’expatrier si loin de la mère patrie (environ 14h de vol) ?

Course d'école China Airlines

La toute première est la formation sur Boeing 747-400. Il faut reconnaître que, pour des pilotes d’Embraer ou de Saab 2000, c’est un joli challenge. (Eux que certains pilotes de l’ex-Swissair appelaient les «Migros-Pilotes»). Les conditions financières sont également bien meilleures que chez Swiss et la vie à Taipei bien moins coûteuse que chez nous. Mais il faut y mettre un bémol : pas de caisse de pension, pas d’AVS-AI (sauf contribution volontaire), assurances maladies et accidents minimales (assurance d’Etat). Pour des célibataires ces conditions sont très bonnes, mais pour ceux qui ont femme et enfants (et ils sont nombreux) le calcul est plus acrobatique, d’autant qu’il faut mettre les enfants dans des écoles privées très coûteuses. Le présent et l’avenir Actuellement, les pilotes sont en formation sur Boeing 747-400. Ils sont logés pendant 6 mois dans un hôtel 5 étoiles au centre de Taipei, non loin du centre d’entraînement de China Airlines.


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©Marlyse Marti

Les cours couvrent les systèmes de l’avion, les procédures de la compagnie et même des cours sur les différences de culture entre l’Europe et la Chine. Il y bien sûr de nombreuses sessions de simulateur. Toutes ces matières donnent lieu à des examens très poussés. Ensuite, après environ 4 mois, les pilotes passent sur l’avion en vol passagers ou cargo, avec un instructeur à gauche. Après environ six mois et le flightcheck final ils deviennent pilotes à part entière.

L’ambiance entre Suisses est très bonne, nous avons pu le constater, mon épouse et moi, lors d’une course d’école où nous étions conviés par la compagnie. Bien sûr chacun doit faire un effort d’adaptation (langue, écriture, culture et habitudes alimentaires). La plupart de ces pilotes caressent le désir d’être basés en dehors de Taiwan comme, par exemple, à Francfort ou à Los Angeles. De toute façon, si tout se passe bien, ils sorti-

ront de l’aventure avec un rating de Boeing 747-400 et quelques milliers d’heures sur le type. Un avenir que personne ne pouvait leur offrir en Europe. A tous ces expats courageux et volontaires, je ne puis que souhaiter «many happy landings». Jean-Christian Marti


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LA FEUILLE VOLANTE, L’AEROCLUB

QUELLES STRUCTURES? La Feuille volante La Feuille Volante, que vous êtes en train de lire, est éditée par l'Association4 Régionale de l'Aéro-Club de Genève (anciennement appelée "Section"). Quésaco? Si vous recevez la FV, c'est que vous êtes membre de l'un ou de plusieurs des groupes qui constituent l'Association Régionale, ou membre sympathisant de celle-ci, ou encore que vous figurez sur une liste établie par le Conseil de ladite Association. Soyons plus clairs : · sauf cas particulier, si vous êtes membre d'un des groupes, vous l'êtes en principe également de l'Association Régionale et par conséquent de l'Aéro-club central. Dans ce cas vous recevez, en plus du courrier de votre groupe, la Feuille Volante et l'Aéro-Revue. Si ce n'est pas le cas, contactez le comité de votre groupe (ou son secrétaire) pour signaler le problème. Vous pouvez aussi contacter le trésorier de l'Association (tresorier@aeroclub-geneve.com). · en outre, l'Association Régionale a un certain nombre de membres, dits “sympathisants”, qui ne sont membres d'aucun des groupes. Ils reçoivent la Feuille Volante ainsi que l'Aéro-Revue. L'Aéro-Club de Genève Tableau des structures de l'Aéro-club de Genève (effectifs inscrits au 15 juillet 2006).

NB: certains membres appartiennent à plusieurs groupes simultanément, d'autres à l'Association Régionale uniquement, ceci explique que le total des effectifs des groupes n'est pas égal à celui de l'Association Régionale.

Jean-René Bollier


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MICHEL MARTIN,

ODYSSEE AU SOMMET DU JURA

Pour passer son brevet “C” de pilote en planeur, le Genevois Michel Martin fait un dernier vol. L’avion de club le lâche audessus de la Faucille. Les vents sont porteurs et le planeur réussit plusieurs longueurs au-dessus du Jura français. Voulant rentrer sur Cointrin, malmené par une bourrasque, le planeur s’écrase contre un sapin à 1.400m d’altitude, en cette fin d’octobre. Blessé, le pilote débute une douloureuse et longue attente qui durera quatre jours! Qu’on se rassure, Michel Martin fera du planeur jusqu’à 64 ans, mais avec une jambe de bois. Un superbe vol plané en vue de passer son brevet de pilote Mercredi matin 27 octobre, Michel Martin, 25 ans, a réservé le planeur Grunau Baby du Club de vol à voile genevois, l’un des 4 à disposition avec les 2 Zöglings et le Spyr-III. Il doit refaire un dernier long vol, à altitude fixe et d’une durée minimale de cinq minutes, au-dessus du Jura français voisin, pour passer son brevet “C”. La veille, le baromètre embarqué n’ayant pas bien fonctionné, il est donc obligé de recommencer. La météo est superbe et il y a un vent de foehn. A 10h30, partant de l’aérodrome de Cointrin, Ernest J. Sudan (1912-1976), dit “Nesti”, pilote le biplan de Havilland Moth de 105 cv de l’Aéro-club et remorque le planeur no.166 vers le col de la Faucille, à 2.000m d’altitude. Secrétaire de l’Aéro-club, Sudan sera notamment

il faut une certaine formation et du courage pour se livrer ainsi aux éléments sans moteur, ni radio, ni aucune assistance. Mais, voilà, c’est le “must” du vol à voile d’avantguerre !

© Familel Martin

Pendant quatre jours, accidenté au sommet du Jura...

Michel Martin (1913-1999) un trop bref directeur de Cointrin (1972-76). Entre l’avion et le planeur, un câble métallique tressé de 3-4mm. L’hélice de l’avion génère quelques remous que Martin doit savoir gérer. Quant au Grunau Baby, il date de 1934; construit en bois léger recouvert de toile, c’est un monoplace à aile haute, et son pilote, coiffé d’un bonnet de cuir et de lunettes de vol, a la tête à l’extérieur. Il porte sur le flanc et sous les ailes une publicité pour le magasin “Au Grand Passage”. En juillet, avec ce planeur (finesse 18), les premiers vols remorqués du club ont remplacé cette année-là les envols au treuil rivé au sol de Cointrin. Le pilote peut ainsi mieux choisir le lieu et l’altitude de départ de son vol, aidé et guidé par l’avion remorqueur. Aucun moniteur à bord ne peut aider le pilote, auquel

Au-dessus du col de la Faucille, Michel Martin se décroche du câble à 10h45 et débute quelques virages pour trouver des vents ascensionnels intéressants, ou thermiques. Plus il sera haut et plus durera son excursion. Il longe ensuite la crête du Jura en direction sud-ouest, passe tous les sommets, Colomby, Crêt de la Neige, Reculet jusqu’au Crêt d’Eau, passe la région du Fort l’Ecluse et va tourner au-dessus de Bellegarde. Il s’en revient vers le Reculet, remonte jusqu’au Pailly , proche de la Faucille, puis repart à nouveau vers le Crêt d’Eau. C’est un superbe vol ! De Cointrin, à midi, avec des jumelles, on peut le voir évoluer sur le Jura lorsqu’il est dans les parages. Michel Martin a déjà plané sur quelque 100km quand il se décide à rentrer à Cointrin pour le repas de midi avec les copains. Virant bas autour du Grand Crêt d’Eau (alt.1.549m), le pilote est subitement et fortement secoué par une bourrasque abattante et c’est le drame. Michel Martin évite un 1er arbre, perd de la vitesse en faisant une ressource, touche de l’aile un autre sapin qu’il n’a pu éviter. Toujours sanglé, il chute vers le sol de 20-30m sur des branches qui, heureusement, amortissent sa chute et lui sauvent la vie. Le planeur s’est d’abord stabilisé sur l’arbre, l’aile gauche raccourcie de moitié, le cockpit éventré. Plus tard il glissera vers le sol, le nez en avant, finalement caché par les branchages.


© Familel Martin

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Dans les hauts de Sergy, volontaires de l’Aéroclub et gendarmes français arpentent le Jura à la recherche du planeur. Dans le 1er impact, c’est la jambe gauche de Martin, à l’avant du cockpit, qui reçoit le choc: double fracture ouverte. Sa tête a cogné le rebord du cockpit: nez cassé ! S’extrayant difficilement du planeur dans l’arbre, il chute au sol de 3-4m et s’évanouit. La solidarité aérienne et montagnarde des deux nations à la recherche du pilote A Cointrin cela fait un moment que l’on ne voit plus le Grunau Baby dans le ciel. On ignore s’il vole toujours ou s’il a dû se poser quelque part. Dans l’après-midi, sans nouvelles, on doit aviser les gendarmeries française et suisse. Les communes sont interrogées. Personne n’a rien vu, aucun témoignage! A Cointrin, Marcel Devaud, président de l’aéroclub, et le capitaine Weber, patron de Cointrin, rassemblent les informations disponibles et font le lien avec les autorités binationales. La nuit venue, il n’y a toujours aucune trace de Michel Martin! Jeudi matin, les recherches reprennent. A 14h30 des avions partent de Lyon-Bron, d’Ambérieu et survolent le Jura qui occupe la moitié est du département de l’Ain. Trois avions de Cointrin,

dont celui de son copain de vol à voile Henri Golaz (voir LFV no.96, mai 2006), patrouillent ainsi toute la journée sur les crêtes proches, explorant encore le Jura suisse jusqu’à la Dôle. Une dizaine de pilotes se relaient. Des colonnes de montagnards partent des vallées françaises ou suisses, chacune explorant le massif de sa commune. Le jeudi matin, les membres du vol à voile s’ajoutent aux recherches pédestres. Ils se retrouvent à la Faucille à 11h mais sans aucune trace du planeur ! Le vendredi, dès 6h du matin, les recherches reprennent activement au Jura et surtout dans la région de la Faucille. Une colonne de secours de 70 sauveteurs, venus de Genève et de Gex, quitte Gex sous les ordres de l’adjudant de gendarmerie Jolivet. De Mijoux et de Lelex, d’autres colonnes partent au matin pour explorer les environs. Des associations de skieurs, des automobilistes, cyclistes s’ajoutent aux recherches. Des avions explorent toujours les sommets, dont celui de Golaz. Pendant deux jours tous ces moyens ratissent la montagne sur les deux versants et ailleurs. Pas un seul indice n’est décelé ! Le massif est grand et les rabattants peuvent avoir

précipité le planeur dans la vallée de la Valserine. Les configurations des terrains, les ravins escarpés, les forêts touffues rendent les recherches très difficiles. Un planeur piqué dans une forêt reste aussi difficile à repérer. Après ces journées sans résultat, le moral est en baisse et les espoirs s’amenuisent. Le pilote est-il encore vivant ? Faut-il encore le chercher ? Michel Martin survit pourtant, sérieusement blessé, passant les nuits froides, seul, incapable de se déplacer bien loin et surtout sans eau. Il s’est fait un garrot à la jambe et mange des feuilles, des escargots, des limaces, ce qu’il trouve. Il a entendu et reconnu le bruit de l’avion de Golaz, qui a survolé un moment la zone sans le voir : “Henri me cherche, il va me trouver !” L’espoir tient à cette forte amitié datant de l’Ecole de mécanique. Il tente de faire des signaux… Encore une nuit à survivre coûte que coûte malgré la fièvre et un état comateux…. Dans le noir il distingue des lumières dans la vallée et tente de s’en rapprocher, se traînant malhabilement sur le dos. Au mieux, il veut atteindre une zone plus dégagée où l’on retrouvera son corps… Il s’évanouit. Samedi matin à la première heure, une colon-


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ne de 30 sauveteurs explore la région du haut Reculet, jusqu’à Fort l’Ecluse. Marcel Devaud fait un énième vol avec Charles Bratschi, survolant les crêtes jusqu’à Bellegarde, sans rien découvrir de ce côté-là. Tout le monde fait triste mine et pour les parents Martin, c’est horrible ! Si le pilote avait pu faire de la fumée, on le retrouverait plus facilement, plus vite…. Un miracle s’opère là où on ne l’attend pas

© famille Martin

Vers 8h le dimanche, trois chasseurs partis de Collonge-Fortl’Ecluse, qui ignorent le drame, font une pause casse-croûte du côté du grand Crêt-d’Eau, à la Charbonnière, vers 1.000m d’altitude. Le chien d’Hubert Brèche, cafetier à Ecorans, renifle quelque chose qui incite son maître à s’approcher doucement d’un

potentiel gibier. Michel Martin, sorti de sa torpeur par les chiens, entendant les hommes monter, se met à crier sans grande force “A boire, à boire”. Les chasseurs découvrent alors le jeune homme pâle, hagard, le visage ensanglanté assis sur un tronc d’arbre. C’est la fin de son calvaire mais il doit encore tenir bon. Heureusement, il a du cran ! “Je souffre beaucoup. A boire. Ça fait 3 jours que j’essaie de me traîner pour trouver du secours, j’en peux plus !” On lui met des attelles en sapin à la jambe et on étanche sa soif. Brèche repart vers la vallée, laissant ses amis garder Martin. A 300m de là gît le planeur. Le pilote n’est pas allé loin en 4 jours ! Brèche prévient la gendarmerie de Collonges (chef de brigade Sevinge) qui téléphone à Cointrin. Un avion part alors pour survoler la région, tractant une grande banderole blanche, signal convenu pour arrêter

toutes les recherches. Les colonnes redescendent du Jura, soulagées. A Collonges arrivent bientôt de nombreuses voitures avec Mme Martin, mère du pilote et épouse du Dr René Martin qui les rejoindra plus tard. Placée sous les ordres du capitaine de gendarmerie Verneray, une colonne de secours dotée d’un brancard et de matériel de premiers soins s’ébranle, accompagnée de Mme Martin. Un trajet en voiture et un sentier de 1h30 de marche les amènent près du pilote. Retrouvailles! Retour à Collonges où l’ambulance genevoise est arrivée. Il était grand temps de soigner le blessé car les fractures ont eu le temps de s’infecter et la déshydratation le guette. Les premiers mots de Martin à Golaz sont étonnants: “Quel beau vol !” Hospitalisé à la clinique Martin, opéré le samedi soir par son père et son oncle le Dr Martin du Pan, la réduction des fractures a pu être réalisée et le moral est au beau fixe. Hélas la pénicilline n’existe pas encore et les médecins seront impuissants à enrayer une infection. Son père devra lui couper la jambe au-dessus du genou ! Le planeur a énormément souffert, l’aile gauche est à refaire mais la carlingue est finalement réparable. Le barographe est intact. Les membres du club de vol à voile vont monter plusieurs expéditions pour ramener les restes du Grunau qu’ils reconstruiront. Ils font un mémorable “gueuleton” à Saint-Jean-de-Gonville, qui permet aux membres de reprendre sourire et moral, de boire à la santé de Michel Martin et de retrouver le goût du planeur. En 1939, la famille Martin offrira un nouveau planeur en remplacement du Grunau Baby : un Hutter-17 (no.222). Mordu de vol à voile, ce n’est pas cela qui va l’arrêter ! Après de longs mois d’hôpital, un an plus tard, muni d’une jambe artificielle et avec un nez retapé, Michel Martin reprend le “manche à balai”. Véritable sportif et pilote enthousiaste, il va voler régulièrement jusqu’en 1977 où, suite à des problèmes de vue, le médecin ne l’autorise plus à renouveler sa licence. Entre-temps, il aura convaincu un futur célèbre pilote de faire du planeur: son oncle Marc Dugerdil ! Garçon humble et réservé,

A 30 km du lieu où on le cherche, le planeur est masqué par les branches des sapins.


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INSERER PUB IDEAL LINE

Martin ne tire aucune gloire ou vanité de son aventure et on le retrouve moniteur de planeur en 1942 et présent aux camps de vol à voile de Chaux-Ronde-sur-Bretaye, de CransMontana, des Rochers de Nayes, de Leysin, où il réussit avec le Spyr un vol de 4h30’ (1944). C’est la guerre et à Cointrin les planeurs volent parfois le week-end, tirés au treuil (pas d’essence pour les avions, juste pour le treuil!). Michel Martin utilise une moto pour rapporter le câble au prochain planeur. Durant ce trajet, il pose négligemment sa jambe de bois sur le guidon !

Michel Martin en une bande dessinée parue dans la célèbre “Belle histoire de l’oncle Paul” (1951-1982). C’est une sorte de première immortalisation puisque notre accidenté du Jura s’éteindra finalement plutôt âgé, à 86 ans, en 1999. D’un autre côté, la tragique aventure de Michel Martin a probablement attiré pour la première fois l’attention des Romands sur le vol à voile, né localement peu de temps auparavant, en 1930.

Dans le très connu journal Spirou, de jeunes lecteurs ont pu découvrir l’odyssée de

Retrouvez ce texte et bien d’autres dans : Pionnair-GE.com

[voir l’extrait en page suivante]

Jean-Claude Cailliez

© Famille Martin

En 1952 il réalise un record de distance, sur S-18-III, de 120 km, à

Beynes près de Paris. En 1953, c’est un vol de 142 km où il dépasse la célèbre barrière des 100km de distance en ligne droite. Michel Martin achète un Piper de 65cv pour remorquer les planeurs, mais, sous-motorisé pour cette fonction exécutée à “plein gaz”, il aura bien vite des ennuis de moteur. Pour de nombreux automobilistes, Martin est surtout connu par son garage, situé près de l’Hôpital cantonal de Genève, qu’il gère jusque dans les années 1960, rare membre de la famille à n’avoir pas voulu faire médecine.

Les membres du club redescendent le planeur démonté. On devine le mot “ssage” composant la publicité “Au Grand Passage”.


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ImmortalisĂŠ dans le journal Spirou.


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LES GROUPES

Vol à moteur

L’AÉRO-C C LUB

www.aero-club.ch

Laurent Deletraz 022 798 65 08 , CP60, 1217 Meyrin 2, aero-club@aero-club.ch

Vol à voile

www.gliding.ch

www.aeroclub-geneve.com Correspondance Aéro-Club de Genève Section genevoise de l’AéCS Case Postale 94, 1215 Genève 15

Patrick Mégard 079 203 33 25; adresse club: cp 114 1290 Versoix; president@gliding.ch

Aéromodélisme

www.gamgeneve.ch

Jean-Claude Roulin 079 418 80 52; roulin-jc@bluewin.ch

Aérostatique Christian Dederod christian.dederod@db.com

Président Michel Favre téléphone: (022) 819 08 00

Secrétaire

Sylvia Roseren sylvia.roseren@bluewin.ch

www.geneve-ballon.ch LA FEUILLE VOLANTE Bulletin de l’Aéro-C Club de Genève

Pilotes de Montagne www.aeroclub-geneve.com/gpm

Blaise Morand rue de la terrassière 28, 1205 Genève; bl.morand@bluewin.ch; 079 202 28 17

Parachutisme

Christine Simon le Malpas, F-74270 Chaumont; 033 450 44 78 93

(association régionale genevoise de l’AéroClub de Suisse) Paraît quatre fois par an, les 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre :

Rédaction, mise en page et publicités

Juliane Bourgeois; tél. : 079 634 49 68 j.bourgeois@aeroclub-geneve.com Céline Mahler :Imprimerie Appi : 1000 exemplaires

Ligne graphique: Impression Tirage

Les pilotes délaissent l'Aéro-bistro? Pas de panique, l’Aéro-bistro ne baisse pas les ailes. Après le Wi-Fi, déjà un nouvel emménagement en ligne de mire: le fly-in!

marc@crearc.ch


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