Ga2 2018 de l air

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LA REVUE DU GAZ NATUREL, DU BIOMÉTHANE, DU BUTANE ET DU PROPANE ÉDITÉE PAR L’ASSOCIATION FRANÇAISE DU GAZ WWW.AFGAZ.FR

© CONTAINS MODIFIED COPERNICUS SENTINEL DATA (2017), PROCESSED BY SRON/ESA

N°2 2018 / AVRIL-JUIN

DOSSIER

DE L’AIR ! ENTRETIEN

GÉOPOLITIQUE

JEAN–MARC LEROY PRÉSIDENT DE GAS INFRASTRUCTURE EUROPE (GIE)

ÇA GAZE EN MÉDITERRANÉE ORIENTALE !

REVUE TRIMESTRIELLE DE L’AFG / ABONNEMENT ANNUEL : 120 EUROS TTC


L’association française du gaz Le syndicat professionnel du gaz en France

Pour fédérer nos énergies • Lien entre les acteurs de la chaine gazière, l‘AFG contribue à sa promotion et à son développement

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ÉDITO REVUE TRIMESTRIELLE ÉDITÉE PAR : AFG, Association française du gaz 8, rue de l’Hôtel de Ville - 92200 Neuilly-sur-Seine www.afgaz.fr Code Siret : 784854820 00023 Code APE/NAF : 9412Z Président : ����������������������������������������� Patrick Corbin Vice-président : ����������������Fernando Herrera Castro Trésorier : ����������������������������������������� Joël Pedessac Délégué général : ��������������������������� Thierry Chapuis RÉDACTION GAZ D’AUJOURD’HUI : Directeur de la publication : ���������� Thierry Chapuis Rédactrice en chef : ��������������������� Madeleine Lafon Email : ����������������������������madeleine.lafon@afgaz.fr Rédactrice en chef adjointe : ����������������� Laura Icart Email : ������������������������������������� laura.icart@afgaz.fr ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Création et maquette : Eric Leuliet pour Pension-complète. Relecture : Pomme Larmoyer. Rédaction : Laura Icart et Madeleine Lafon. Les opinions formulées dans les articles de Gaz d’aujourd’hui sont celles de leurs auteurs.  Elles n’engagent en rien la responsabilité de l’AFG. © Couverture : contains modified Copernicus Sentinel data (2017), processed by SRON/ESA ADMINISTRATION DES ABONNEMENTS : AFG Tél. : +33 (0)1 80 21 08 00 Fax : +33 (0)1 80 21 07 96 E-mail : marisa.gomes@afgaz.fr Prix au numéro : 33 euros TTC Abonnement annuel France : 120 euros TTC Abonnement annuel étranger : 120 euros TTC Bulletin d’abonnement : 3e de couverture RÉGIE PUBLICITAIRE : FRANCE EDITION MULTIMÉDIA 70, avenue Alfred Kastler CS 90014 – 66028 Perpignan cedex sdachez@francedit.com IMPRIMÉE PAR : PURE IMPRESSION™ 451 rue de la Mourre - ZAC Fréjorgues Est 34130 Mauguio (France) Tél. : +33 (0)4 67 15 66 00 Impression et dépôt légal : Avril 2018 - N° 2 - XXXXXXXX

Pour ce deuxième numéro de l’année, Gaz d’aujourd’hui s’intéresse à un sujet ô combien d’actualité : la pollution de l’air. Régulièrement pointée du doigt ces dernières années, elle sévit partout dans le monde avec des effets dévastateurs sur notre santé et notre environnement. Au fil des pages, vous découvrirez que la pollution de l’air est responsable tous les ans de près de 7 millions de décès dans le monde, que les polluants atmosphériques sont régulièrement mis en © AFG cause dans l’apparition de cancers, de maladies cardio-vasculaire ou respiratoires. Constat accentué par le fait qu’un grand nombre d’États peinent même à simplement tirer la sonnette d’alarme alors qu’ils affichent des taux de particules fines très inquiétants. Ce dossier est aussi l’occasion de montrer que notre énergie peut lutter efficacement contre la pollution de l’air en faisant rouler des voitures au gaz naturel ou au butane-propane, naviguer des bateaux au gaz naturel liquéfié, en proposant des solutions pour se chauffer tout préservant la qualité de l’air. Ce numéro de Gaz d’aujourd’hui fait aussi une large place aux interviews et témoignages dont voici trois exemples : Jean-Marc Leroy, président de Gaz infrastructure Europe revient sur la place du gaz en Europe et le rôle clé qu’il a joué cet hiver, notamment à travers les stockages déterminants pour assurer la sécurité d’approvisionnement de l’UE. Dominique Mockly, directeur général de Teréga nous explique les raisons de son changement de nom, la nouvelle stratégie de Teréga et son ambition pour les années à venir. Pour conclure, je vous propose de retenir une date : celle du 23 février 2018 ! Philippe Schönberg, président du centre national d’expertise des professionnels du gaz nous expliquera pourquoi après quarante ans la réglementation sur les installations gaz dans les bâtiments avait besoin d’une remise à neuf. Je vous souhaite une bonne lecture. Thierry Chapuis Directeur de la publication

LISTE DES ANNONCEURS AFG ������������������������������������������������� 2e de couverture AEGPL ������������������������������������������������������������������p. 2 LPG Forum �������������������������������������� 4e de couverture LE PROCHAIN NUMÉRO SORTIRA EN JUILLET 2018

ISSN 00 16-5328 o

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AEGPL

ANNIVERSARY

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MONACO

CONGRESS May 31st - June 1st 2018

GRIMALDI FORUM, MONACO

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Registrations for the Congress are now open! Register online: www.aegpl2018.com GPL2018.COM

018


SOMMAIRE

Avril - juin - n° 2/2018 La revue du gaz naturel, du biométhane, du butane et du propane

ENTRETIEN

JEAN-MARC LEROY

Président de Gas Infrastructure Europe

INFRASTRUCTURES

DOSSIER

p. 4

Dominique Mockly, PDG de Teréga

p. 20

Stockages souterrains de gaz : des clés pour comprendre

p. 22

UTILISATIONS ET MARCHÉS

Une nouvelle « bible » pour les gaziers !

p. 26

Trains au GNL : vamos !

p. 27

Emilio Joulia, directeur de Molgas Energia

p. 28

L’hydrogène : un nouveau départ ?

p. 29

BUTANE ET PROPANE Oryx Énergies, champion d’Afrique

p. 34

GPL : une solution à la carte pour les zones insulaires

p. 35

Au plus près du monde paysan

p. 37

DE L’AIR !

Ce qu’on respire dans le monde en 2018

ÉCONOMIE ET FOURNITURE

p. 7

Ça gaze en Méditerranée orientale !

p. 23

GRDF à l’heure du bilan

p. 25

INSTITUTIONS ET ENVIRONNEMENT La méthanisation à tout bout de champ

p. 30

Quand le gaz se met au vert

p. 32

VIE DE L’AFG

Convention de l’AFG : bilan et perspectives gazières

p. 38

Normalisation

p. 40

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ENTRETIEN

JEAN–MARC LEROY Président de Gas Infrastructure Europe (GIE)

« Exploiter les avantages du gaz et faire de l’innovation le fer de lance de la compétitivité de notre futur mix énergétique européen » Nous sommes à la fin de la période hivernale. Pouvezvous nous faire un premier bilan du fonctionnement des infrastructures gazières européennes cet hiver, notamment les stockages et les terminaux méthaniers ? Cet hiver, et notamment les pointes de froid tardives, ont une nouvelle fois illustré l’importance stratégique pour l’Europe de disposer d’infrastructures gazières performantes et qui savent répondre présentes en cas de difficultés. Leur complémentarité est également un atout clé pour nos concitoyens. Un réseau de transport bien intégré à l’échelle européenne permet de renforcer la liquidité du marché. Les terminaux méthaniers permettent, en diversifiant les sources d’approvisionnement du marché, d’accroitre la compétition entre fournisseurs et donc la compétitivité du gaz naturel. Et les stockages souterrains jouent un rôle crucial pour assurer la continuité de fourniture dans ces périodes de consommations de pointe. Le 28 février dernier, les soutirages des stockages souter-

rains ont atteint 11,4 TWh, un record depuis 2011. Dans plusieurs États européens, comme en Allemagne, plus de la moitié de la consommation journalière de gaz provenait des stockages. Malheureusement leur contribution n’est pas reconnue par le marché. Le GIE a déclaré que « les opérateurs de stockage ne sont pas entièrement rémunérés pour leur rôle dans la sécurité d’approvisionnement ». C’est-à-dire ? Quelle serait selon vous cette juste rémunération ? Dans beaucoup de pays d’Europe, dont le nôtre, les stockages fournissent la moitié des volumes de gaz consommés pendant les pointes de froid. Le marché ne reconnaît qu’une valeur au stockage, le spread saisonnier, qui est désormais durablement très bas. Mais ce spread ne représente qu’une partie de la valeur des stockages. Les stockages permettent également d’optimiser les systèmes de transport gaziers en ne les dimensionnant pas au niveau des pointes. Si tel était le cas, ils seraient sous-utilisés la plupart du temps et coûteraient donc cher au consommateur. Enfin, disposer de gaz disponible sous nos pieds,

« Les stockages sont déterminants pour la sécurité d’approvisionnement au consommateur final et donc pour la compétitivité et l’attractivité du gaz naturel. »

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ENTRETIEN

JEAN–MARC LEROY Diplômé de l’ENSEEIHT, école d’ingénieur qu’il préside depuis 2010, Jean-Marc Leroy débute sa carrière en 1980 chez EDF GDF Services, direction commune à EDF et Gaz de France, où il exerce de nombreuses fonctions opérationnelles et managériales. Il rejoint Gaz de France en 1994. Entre 1997 et 2004, il exerce GPL différentes responsabilités au sein de la direction générale de Gaz de France : directeur de cabinet du président et secrétaire du conseil d’administration, directeur adjoint de la direction de la stratégie, directeur des relations extérieures et de la communication interne. De 2003 à 2005, il occupe le poste de directeur adjoint de la direction transport. En 2005 il devient directeur de la direction des grandes infrastructures de Gaz de France, puis de GDF SUEZ, où il pilote les activités de stockage souterrain de gaz et les terminaux méthaniers. Dans le même temps, il est président de GSE (Gas Storage Europe) à l’échelon européen, une fonction qu’il occupe jusqu’en 2013. Entre 2009 et 2015, Jean-Marc Leroy est directeur général de Storengy. Il est également élu en 2015 président de l’Association des infrastructeurs européens (GIE). En janvier 2016, il est nommé directeur du métier chaîne du gaz au sein du groupe Engie. Le 19 septembre 2017, il rejoint le conseil d’administration de GRDF en tant que président. ©GIE

en cas d’événement imprévu, quelle que puisse être son origine - géopolitique, technique, climatique - est une garantie apportée au consommateur sur la sécurité de son confort. Cette valeur assurantielle n’est pas non plus reconnue pour le marché. Les stockages sont déterminants pour la sécurité d’approvisionnement au consommateur final et donc pour la compétitivité et l’attractivité du gaz naturel. C’est pourquoi je salue la démarche des pouvoirs publics français et de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui, au travers de la récente réforme du stockage, ont permis à la fois de satisfaire les attentes du marché mais aussi de reconnaître la valeur ajoutée des stockages. Pour la première fois depuis bien des années, nous pourrons aborder en France l’hiver prochain sans craindre pour la sécurité d’approvisionnement du pays. Sauvegarder ces actifs stratégiques doit également être une priorité au niveau européen.

« Gaz et électricité renouvelables sont plus que jamais complémentaires. Nous devons oublier nos visions traditionnelles en silo des énergies et développer une vision holistique pour utiliser le meilleur des différentes énergies. »

L’industrie parle aujourd’hui avec une plus grande transparence des émissions de méthane. Quelle est la position du GIE sur cette problématique ? Travaillez-vous avec d’autres partenaires européens sur des solutions d’amélioration ? La position du GIE est très claire : toute molécule de méthane qui s’échappe d’une infrastructure gazière est une molécule de trop. Aussi, même si les chiffres d’émissions des infrastructures européennes sont très bas (moins de 0,07 % du gaz consommé, soit moins de 0,1 % des émissions de gaz à effet de serre européennes en équivalent CO2), nous travaillons activement à les réduire, notamment au travers de la promotion de meilleures pratiques. C’est bien pourquoi le gaz naturel est et restera le meilleur

moyen de réduire rapidement et efficacement les émissions de gaz à effet de serre en se substituant au charbon, aux cotés des énergies renouvelables, dans la production électrique, et aux produits pétroliers au côté de l’électricité dans la mobilité. Vous avez récemment publié une base de données recensant les petites unités de liquéfaction, dites « small scale LNG » Quelle est la place de ces infrastructures en Europe ? Et quel est leur potentiel de développement ? Nous pensons effectivement que le GNL sous toutes ses formes sera un élément essentiel de la transition énergétique. Au niveau des solutions proches du client, le « small scale » est à la fois un atout pour développer une mobilité plus

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ENTRETIEN

« Nous pensons effectivement que le GNL sous toutes ses formes sera un élément essentiel de la transition énergétique. » propre, qu’elle soit maritime, fluviale ou terrestre pour les transports lourds, et aussi une opportunité pour apporter à des clients éloignés des réseaux les atouts environnementaux, de compétitivité et de flexibilité du gaz naturel. Nos collègues électriciens parlent abondamment aujourd’hui de réseau virtuel. C’est un concept connu de longue date des gaziers… grâce au GNL porté. Quel rôle joue aujourd’hui le gaz naturel dans l’intégration des sources d’énergies renouvelables ? Gaz et électricité renouvelables sont plus que jamais complémentaires. Nous devons oublier nos visions traditionnelles en silo des énergies et développer une vision holistique pour utiliser le meilleur des différentes énergies. L’électricité renouvelable est peu coûteuse à produire de façon décentralisée, mais aussi peu flexible et difficilement stockable. Le gaz est très flexible et beaucoup moins cher que l’électricité à transporter sur de longues distances. Par ailleurs, il sera de plus en plus vert, ce qui ajoutera à ses atouts. On observe en effet dans plusieurs pays d’Europe, dont la France, de nombreuses filières de production qui progressivement se mettent en place à l’échelle industrielle pour faire du biométhane une énergie du futur. Les États membres ont signé le 27 février un accord de réforme de l’ETS (système communautaire d’échange de quotas d’émissions) qui couvrira la période 2021-2030. Pensez-vous que ce nouveau système sera plus incitatif pour permettre de développer des solutions énergétiques plus respectueuses de l’environnement ? Il faut bien évidemment saluer ce premier pas positif. Sera-t-il suffisant pour que chaque vecteur énergétique possède une valeur représentative de ses qualités environnementales ? Je ne le pense pas. Certains pays comme la France ou le Royaume-Uni ont une politique de prix du C02 plus volontariste. Il faudrait cependant une harmonisation européenne plus forte en la matière pour préserver la compétitivité de nos industries et accélérer la substitution par le gaz naturel de combustibles moins respectueux de l’environnement.

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Quelle est la vision de GIE sur le futur paquet législatif gaz en préparation à la Commission européenne ? Tout d’abord, avant une éventuelle nouvelle réforme, il faut tirer les leçons objectives de l’implémentation de la troisième directive. Nous avons encore peu de recul sur la mise en place de certains codes réseau. Ne nous précipitons pas pour résoudre des problèmes qui n’existent pas ou qui n’existent plus. En Europe du Nord-Ouest, la convergence des prix est une réalité montrant une réelle fluidité des marchés à laquelle les opérateurs d’infrastructures ont pris une part essentielle. En Europe du Sud-Est, il nous faut encore investir dans les interconnections pour développer cette fluidité et améliorer les options sur les flux gaziers. C’est un prérequis pour une meilleure intégration progressive des marchés. Que faut-il donc améliorer au travers du « Gas Package 2020 » ? Tout d’abord clarifier la place du gaz dans un mix énergétique équilibré. Une simple vision holistique des systèmes énergétiques permettra de tirer le maximum de bénéfices des qualités intrinsèques de chaque énergie. Pour le gaz, il est tout à la fois peu cher, dix fois moins coûteux que l’électricité à transporter sur de longues distances et extrêmement flexible grâce aux terminaux méthaniers et aux stockages souterrains. Le gaz est en effet facile à stocker massivement de façon compétitive, ce qui en fait un atout décisif dans le management des pointes climatiques. De plus, il est respectueux de l’environnement, non seulement en termes d’émissions de CO2, mais aussi d’oxydes d’azote (NOx), de soufre (SOx) ou de particules fines. Et il va devenir de plus en plus vert lui-même grâce au biométhane ou au power to gaz. Le « Gas Package 2020 » doit permettre d’exploiter tous ces avantages en facilitant l’intégration des marchés, le développement de nouveaux usages comme la mobilité et l’intégration accrue des gaz verts dans nos réseaux. Enfin, il doit faire de l’innovation le fer de lance de la compétitivité de notre futur mix énergétique européen. Le GIE contribue - et continuera à participer - aux réflexions et consultations de la Commission européenne sur la structuration des marchés énergétiques. Propos recueillis par Laura Icart


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DOSSIER

DE L’AIR !

Au sommaire de ce dossier : Contexte | Quand l’air tue Sante publique | Alerte aux polluants ! Innovation | Allô la Terre ? Ici Copernicus Interview | Charlotte Lepitre - FNE Infographie | Comment l’Europe respire État des lieux | Une pandémie mondiale Solutions gaz | Le gaz peut-il contribuer à dépolluer l’air ? Présence du monoxide de carbone sur la Terre photographiée par le satellite Sentinel-5P.

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DOSSIER

CONTEXTE

Quand l’air tue La pollution de l’air : un fléau devenu affaire d’État, responsable en 2014 de 6,5 millions de morts dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, c’est même la troisième cause de mortalité après l’alcool et le tabac. Le monde s’asphyxie doucement sous l’effet des polluants atmosphériques qui mettent en péril notre santé et notre environnement. Enquête.

S

i l’air c’est la vie, ce principe de base est aujourd’hui remis en cause principalement par l’activité humaine. De l’agriculture à la production d’énergie en passant par le transport routier et maritime ainsi que l’industrie, tous génèrent des polluants atmosphériques. Particules fines (PM), ozone (O3), dioxyde d’azote (NO2), dioxyde de soufre (SO2), oxydes d’azote (NOx) : derrière ces noms barbares se cache un tueur invisible dont les impacts sur la santé humaine se mesurent chaque jour davantage. Pour y répondre, l’OMS fixe depuis 1987 des lignes directrices qui font office de valeur seuil à ne pas dépasser. Et pourtant, 80 % de la population mondiale vit dans des lieux où les niveaux de qualité de l’air ne respectent pas ces limites. Notre santé en péril ! Véritable enjeu de santé publique, cette pollution se concentre particulièrement dans les grandes zones urbaines qui cumulent densité du trafic routier, densité des industries et pléthore de chantiers de construction. Près de 92 % des citadins dans le monde sont exposés à des polluants atmosphériques dépassant les seuils de l’OMS. Si les pics de pollution ces dernières années sont la partie immergée de l’iceberg, c’est bien l’exposition chronique à des taux de polluants élevés, notamment les particules fines (PM10 et PM2,5), qui contribue au développement d’un grand nombre de pathologies cardio-vasculaires, de maladies respiratoires et neurologiques ou encore de cancers.

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dans le monde meure des effets de la pollution de l’air Source : OMS. o

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Un constat accablant partout dans le monde La Tour Eiffel et les pyramides du Caire sous un smog géant, Djakarta et Islamabad suffocant sous le poids de leur trafic routier, le Taj Mahal et la Grand Muraille de Chine disparaissant presque derrière une épaisse fumée noire qui avale littéralement certains jours New Delhi et Pékin… Et que dire de la Bulgarie et de la Pologne qui payent quotidiennement le poids de leur héritage industriel toxique, avec un air parmi les plus pollués d’Europe. L’Arabie saoudite et le Qatar quant à eux détiennent le triste record du taux de particules fines (PM2,5) le plus important au monde, avec des niveaux dépassant plus dix fois les seuils de l’OMS. La qualité de l’air est très disparate dans le monde et comme souvent ce sont les pays à bas et moyens revenus qui sont les plus impactés. Presque 100 % des habitants des villes de plus de 100 000 habitants respirent un air contaminé. Un pourcentage qui se réduit de moitié si on l’applique aux citadins des villes les plus riches. À peine mieux en Europe En Europe, près de 530 000 personnes sont mortes en 2014 des effets causés par la pollution de l’air et cela même si les émissions de certains polluants ont sensiblement diminué ces dernières décennies, entraînant une amélioration de la qualité de l’air. Il n’empêche que le Vieux Continent a « mal à ses os » et ne semble pas encore à la hauteur de ses ambitions. La législation européenne concernant la qualité de l’air fixe des valeurs limites pour les principaux polluants atmosphériques. Bon nombre de pays ne les respectent pas

92 %

des populations urbaines ne respirent pas un air sain.


DOSSIER

© ISTOCK

Les particules fines, l’ozone et les oxydes d’azote sont les principales composantes du smog, brume plus ou moins dense dans les zones urbaines. alors qu’elles sont pourtant plus faibles, pour certains polluants, que celles fixées par l’OMS. « 7 % de la population urbaine européenne a été exposée en 2015 à des niveaux de PM2,5 supérieurs à la limite européenne » (soit 25 microgrammes – µg/m3 – en moyenne annuelle), relève l’Agence européenne de l’environnement (AEE). Une proportion qui monte à près de 82 % si l’on tient compte du seuil fixé par l’OMS (10 µg/m3). Si, en cas de dépassement de ces valeurs limites, les États membres sont tenus d’adopter et de mettre en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air qui prévoient des « mesures appropriées visant à mettre fin à cette situation dans les plus brefs délais », nombre de pays ne respectent pas les normes. La Bulgarie a déjà été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, et la Pologne semble en passe de l’être. En février, certains pays dont la France ont été rappelés à l’ordre par Bruxelles pour des dépassements réguliers des seuils autorisés. Une situation problématique en Europe, à laquelle l’UE doit à tout prix remédier… Peut-être avec l’aide du satellite Sentinel-5P qui sera en charge pendant sept ans d’observer notre atmosphère. La France : la mauvaise élève ? Depuis 2009, notre pays est régulièrement épinglé par l’UE pour non-respect de seuils. En cause : le NO2 et les particules fines PM10, responsables de 48 000 décès prématurés par an, avec des dommages sanitaires estimés

570 000 enfants

de moins de 5 ans meurent chaque année à cause de la pollution de l’air

par la Cour des comptes entre 20 à 30 milliards d’euros. Ces seuils sont régulièrement dépassés à Toulouse, à Marseille, à Paris ou encore à Valence. Le 12 juillet dernier, le Conseil d’État avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Après le rappel à l’ordre de Bruxelles fin janvier, le gouvernement français a présenté à la Commission européenne son plan d’actions. Si la Commission rendra son verdict au plus tard début mai, Nicolas Hulot a publié le 13 avril des feuilles de route destinées à améliorer localement l’air des quatorze zones française les plus impactées. Il est fort à parier que le volet des transports sera déterminant pour la France, elle qui possède un des parc automobiles les plus « diésélisés » au monde. Quelle place pour l’énergie gaz ? La mobilité est sûrement le secteur où l’énergie gaz peut lutter le plus efficacement contre la pollution de l’air, même si son rôle pour « décarboner » la production d’électricité ou encore dans les solutions de chauffage moins polluantes que le bois ou le fioul n’est pas à occulter. Le trafic routier est le principal pourvoyeur de NOx et de NO2, et les solutions apportées par la mobilité gaz terrestre ont un impact direct sur la qualité de l’air et commencent à s’imposer comme une alternative crédible, notamment dans transport collectifs et de marchandises. Longtemps oublié et pourtant grand pollueur devant l’éternel (SO2, CO2), le secteur maritime voit dans des alternatives comme le GNL carburant une solution de plus en plus prisée pour répondre à la nécessité urgente d’agir. Espérons que l’adoption, le 13 avril à Londres par l’Organisation maritime internationale (OMI), d’une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des navires, soit un signal fort dans un secteur, à l’origine chaque année du décès prématuré de près de 60 000 habitants des zones côtières européennes. Laura Icart

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DOSSIER

SANTÉ PUBLIQUE

Alerte aux polluants ! Si aujourd’hui aucun médecin n’annonce directement aux familles « votre proche est mort de la pollution de l’air », nombre de pathologies comme des accidents vasculaires cérébraux, cardiopathies, cancers du poumon, affections respiratoires chroniques ou aiguës, peuvent être imputables à la pollution de l’air.

M

inuscules et pourtant redoutables, les polluants atmosphériques sont en cas de grandes concentrations de véritables poisons qui asphyxient les grandes villes de la planète. Pour lutter contre ce fléau, l’OMS a instauré en 1987 (révisées en 2005) des « lignes directrices OMS relatives à la qualité de l’air » qui évaluent les effets de la pollution atmosphérique sur la santé et donnent des valeurs seuils au-delà desquelles elle lui est nuisible. Si ces valeurs sont indicatives et doivent permettre aux États d’élaborer des politiques de gestion de la qualité de l’air, elles constituent cependant un objectif à atteindre pour le bien-être des populations. Quels sont les polluants les plus nocifs selon l’OMS et l’UE ? Valeurs seuils à ne pas dépasser fixées par l’OMS et l’UE OMS

UE

Polluants

Moyenne annuelle

Moyenne 24h

Moyenne annuelle

PM2.5

10 μg/m3

25 μg/m3

25 µg/m³

PM10

20 μg/m3

50 μg/m3

40 µg/m³

O3 NO2

Moyenne sur 8h : 100 μg/m3 40 μg/m3

50 µg/m³

Moyenne sur 8h : 120 µg/m³ 40 µg/m³

20 μg/m

3

SO2

Moyenne 24h

20 µg/m³

125 µg/m³

Sources : OMS, Air Parif.

Les particules fines (PM) Qui sont-elles ? Selon l’OMS, les particules en suspension ont plus d’effets sur la santé que tout autre polluant. Composées principalement de sulfates, de nitrates, d’ammonium, de chlorure de sodium, de carbone, de matières minérales et d’eau, elles se composent d’un mélange de substances organiques et minérales, sous forme solide ou liquide. Quels effets sur la santé ? L’OMS observe « un lien étroit et quantitatif » entre l’exposition à des concentrations élevées en particules et un accroissement des taux de mortalité et de morbidité au quotidien aussi bien qu’à plus long terme. Selon les lignes directrices OMS relatives à la qualité de l’air, abaisser la concentration moyenne annuelle en PM10 de 70 µg/m3 à 20 µg/ m3, soit le niveau préconisé par l’OMS, pourrait réduire le taux de mortalité lié à la pollution de l’air d’environ 15 %.

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Les particules ultra-fines mesurent moins de 100 nanomètres, soit 0,01 micron (PM0.1). C’est environ la largeur d’un cheveu découpé en 1 000. Bien qu’elles soient suspectées d’avoir des effets graves sur la santé, elles ne sont toujours pas réglementées aujourd’hui. L’ozone (O3) Qui est-il ? L’ozone est selon l’OMS l’effet de réactions photochimiques entre divers polluants, comme les oxydes d’azote (NOx) émis par les véhicules et l’industrie et les composés organiques volatiles (COV), émis par les véhicules, les solvants et l’industrie. Quels effets sur la santé ? L’exposition provoque des problèmes respiratoires, le déclenchement de crises d’asthme, une diminution de la fonction pulmonaire et l’apparition de maladies respiratoires. Le dioxyde d’azote (NO2) Qui est-il ? Les émissions de NO2 proviennent principalement de la combustion (chauffage, production d’électricité, moteurs des véhicules automobiles et des bateaux). Quels effets sur la santé ? Des études épidémiologiques ont montré que les symptômes bronchitiques chez l’enfant asthmatique augmentent avec une exposition de longue durée au NO2. Le dioxyde de soufre (SO2) Qui est-il ? Le SO2 est un gaz incolore, d’odeur piquante. La source anthropique principale de SO2 est la combustion des énergies fossiles contenant du soufre pour le chauffage domestique, la production d’électricité ou le secteur maritime. Quels effets sur la santé ? Il affecte le système respiratoire, le fonctionnement des poumons et il provoque des irritations oculaires. Et d’autres encore Deux autres polluants méritent aussi de figurer dans cette liste et sont aujourd’hui particulièrement scrutés : l’oxyde de soufre (SOx) et l’oxyde d’azote (NOx) qui accélèrent la formation de particules fines et ultra-fines. Ses principaux pourvoyeurs sont les transports terrestre et maritime. Laura Icart


DOSSIER

INNOVATION

Allô la Terre ? Ici Copernicus Le satellite Sentinel-5P a été lancé par l’Agence spatiale européenne, début octobre, dans le cadre du programme européen d’observation de la Terre baptisé Copernicus, avec pour mission l’étude de l’atmosphère. Après quelques mois dans l’espace à 800 km d’altitude, le satellite a livré ses premiers résultats en avril.

© ESA/ATG MEDIALAB

Sentinel-5P en orbite au-dessus de la Terre, le 29 décembre 2017.

«

Il s’agit du sixième satellite du programme européen Copernicus, mais le premier dédié exclusivement au suivi de notre atmosphère. Ces premières images nous donnent un bon aperçu de ce qui nous attend. Elles ne représentent pas seulement une étape importante pour la mission Sentinel-5P, mais également un jalon important pour l’Europe » déclarait en décembre Josef Aschbacher, directeur des programmes d’observation de la Terre à l’Agence spatiale européenne (ESA). Sentinel-5P mesure la concentration de différents gaz polluants tels que le monoxyde de carbone ou le dioxyde d’azote, produits par la combustion d’énergies fossiles en général, et le trafic routier en particulier. Mais il ne se contente pas pour autant des polluants atmosphériques, il surveille aussi l’évolution de la couche d’ozone et mesure la teneur de l’atmosphère en méthane, un important gaz à effet de serre. Si cette technologie n’est pas pour le moment capable de mesurer la teneur en dioxyde de carbone dans l’atmosphère, l’ESA travaille à intégrer cette mesure pour sa prochaine génération de satellites. Le dernier né du programme Corpernicus renferme en son cœur un bijou de technologie : un instrument hypersensible baptisé Tropomi (abréviation de « Tropospheric Monitoring Instrument »). Cet instrument développé aux Pays-Bas peut cartographier différents éléments polluants comme le dioxyde

d’azote, l’ozone, le dioxyde de soufre, le méthane ou le monoxyde de carbone qui affectent l’air que nous respirons, notre santé et le climat. Début décembre, Sentinel-5P a envoyé ses premières images de la pollution atmosphérique vers la Terre, lui qui est chargé d’établir quotidiennement une carte mondiale des polluants atmosphériques, avec une résolution pouvant aller jusqu’à 7 km par 3,5 pour certains d’entre eux. Grace à Tropomi, le satellite délivre un niveau de précision et de détail jamais atteint auparavant. Si les chercheurs ont salué unanimement la qualité des données, pour la plupart d’entre eux, elles ne font que renforcer l’urgence de la situation. Les premières images montrant la quantité de dioxyde d’azote flottant au-dessus de l’Europe est très inquiétante, tout comme les hauts niveaux de pollution atmosphérique observés sur certaines parties de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Toutes les données recueillies alimenteront la base « Copernicus Atmosphere Monitoring Service » et permettront de réaliser des prévisions de plus en plus détaillées pour aider les États dans la mise en œuvre de politiques environnementales. Si Sentinel-5P semble tenir toutes ses promesses après quelques mois à tourner autour de la Terre, les données transmises nous imposent une indispensable action. Laura Icart

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Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018 • 11


DOSSIER

INTERVIEW CHARLOTTE LEPITRE, France Nature Environnement

« L’impact sanitaire de la pollution de l’air n’est absolument plus contestable ! » Depuis presque trente ans, France Nature Environnement (FNE) dénonce l’importance et les effets de la pollution de l’air. Présente dans de nombreux groupes de travail et commissions au niveau français et européen, l’association met régulièrement en lumière les conséquences sanitaires de la pollution au travers de ses campagnes coup de poing comme « Irrespirable » ou « Rendez-nous notre air ». Gaz d’aujourd’hui a demandé à Charlotte Lepitre, coordinatrice du réseau santé et environnement au sein de l’association, de dresser un panorama des sources d’émissions les plus importantes sur la pollution de l’air, particulièrement en termes de santé publique mais aussi les solutions et les alternatives existantes pour lutter contre un phénomène qui a coûté la vie à près de 48 000 personnes en 2016 dans notre pays.

© FNE

Quels sont les principaux secteurs identifiés par FNE considérés comme fortement contributeurs de la pollution de l’air ? Dans l’imaginaire collectif, la pollution de l’air provient essentiellement du trafic routier. Si le transport routier est effectivement un grand pourvoyeur de polluants atmosphériques, l’agriculture, le chauffage au bois, l’industrie ou encore le trafic maritime en sont des sources toutes aussi importantes. Au sein du réseau santé et environnement de FNE, nous avons souhaité nous placer du point de vue de la santé humaine en ayant une approche sanitaire du problème de la pollution de l’air. Si nous sommes une association multithématiques et que ce sujet est pour nous transversal, nous avons quand même des domaines de prédilection avec une expertise affirmée dans les secteurs du transport routier, du transport maritime mais aussi de l’agriculture. Pouvez-vous nous parler plus spécifiquement du transport routier et du transport maritime, régulièrement pointés du doigt ces dernières années lors des pics de pollution ou dans des études à charge sur le nombre de décès prématurés constatés notamment dans les centres urbains et sur les zones côtières ? Il y a aujourd’hui une véritable volonté politique pour ces deux secteurs. Il est vrai que ces dernières années les effets

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12 • Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018

néfastes de la pollution de l’air ont été beaucoup relayés par les médias, créant de fait une nécessité d’action chez nos dirigeants. Chez FNE, la pollution de l’air liée au transport routier a longtemps été notre cheval de bataille. Nous avons tissé des liens avec les différents acteurs du secteur afin de trouver des solutions constructives et des alternatives au diesel et à l’essence notamment. Pour ce qui est de la pollution générée par le trafic maritime, notre intérêt est récent mais nous sentons sur ce sujet une véritable attrait du ministère de la Transition écologique et solidaire qui a, ces dernières années, et notamment lors de la dernière mandature, mis en place des moyens financiers pour la réalisation d’études. Notamment une étude de faisabilité pour que la Méditerranée devienne une zone de contrôle des émissions comme c’est notamment le cas dans le nord de l’Europe. Cette impulsion politique a donné naissance à huit groupes de travail sur le soufre, les polluants ou encore sur les particules fines mais aussi à un comité d’experts chargé d’assurer le suivi et l’évaluation de cette étude. Nous allons d’ailleurs organiser le 15 mai prochain une réunion sur la pollution de l’air liée au trafic maritime sous l’égide du ministère. Quelle est la part de responsabilité du transport routier dans la pollution de l’air dans notre pays ? Quelles sont vos préconisations ? Les pollutions à l’ozone (O3), à l’oxyde d’azote (NOx) et aux particules fines (PM) sont en France principalement émises par le trafic routier [à hauteur de 60 %, NDLR]. Pour nous, il faut clairement changer de mobilité ! Nous avons bien conscience qu’il est impossible d’interdire l’essence et le diesel dans l’immédiat mais les Français doivent comprendre que la mobilité de demain passe par un changement profond de nos habitudes. La plus dommageable est la pollution de l’air de fond, celle liée à la circulation quotidienne. Nous aimerions d’ailleurs que les seuils de dépassement des polluants atmosphériques soient basés sur ceux de l’Organisation mondiale de la santé et non sur les seuils fixés par


DOSSIER

l’Union européenne, beaucoup trop haut à nos yeux. Il y a urgence à agir, notamment dans les centres-villes ! Il faut mettre en place une politique harmonisée et promouvoir des solutions alternatives ou de transition comme le GNV, l’électricité ou encore l’hydrogène. Ce sont pour nous des solutions intéressantes, bien qu’imparfaites. Nous travaillons avec l’ensemble des acteurs pour les améliorer. Pour ce qui est du transport routier, nous croyons au « report modal ». De nombreuses lignes ferroviaires sous-utilisées pourraient très bien accueillir le transport de marchandises et réduire la pollution atmosphérique liée aux poids lourds. La pollution liée au trafic maritime est moins visible mais elle reste tout aussi néfaste. Quelles en sont les conséquences immédiates ? La pollution de l’air liée au transport maritime est responsable de 400 000 morts par an. Le transport maritime est responsable de plus d’un cinquième de la consommation de carburant mondiale. Il serait donc sage de réglementer de manière plus drastique ses émissions ! Un lien sans équivoque entre les gaz d’échappement des navires et plusieurs maladies cardiovasculaires et respiratoires a d’ailleurs été établi par les recherches de l’université de Rostock en Allemagne et le centre de recherche sur l’environnement allemand Helmholz Zentrum Munich. Chaque année en Europe, ces émissions du transport maritime coûtent environ 58 milliards d’euros aux services de santé et pourraient encore augmenter jusqu’à 64 milliards en 2020. Il faut bien comprendre qu’un seul paquebot génère autant de pollution aux particules ultra fines qu’un million de voitures ! En juillet 2016, vous avez décidé avec l’ONG allemande Nabu d’effectuer des mesures à Marseille pour évaluer la pollution du fond de l’air. Quel était l’objectif de ces essais et le message que vous vouliez véhiculer ? Avec ces mesures nous avons voulu rendre visible une pollution méconnue aux effets pourtant extrêmement néfastes pour la santé et l’environnement. France Nature Environnement, France Nature Environnement Paca et l’ONG allemande Nabu ont décidé d’effectuer des mesures dans la ville de Marseille. Trois appareils de mesure ont été utilisés : un pour les particules fines de 0,3 à 10, un pour les particules ultra fines au dessus de 0,1 et un pour un appareil qui mesure le soufre. Pour évaluer la pollution générée par le transport maritime, nos équipes se sont réunies en 2015 puis en 2016 et 2017 à Marseille et à Nice. Première étape : évaluer la pollution « de fond de l’air ». Dans différents lieux de la ville, nous avons observé une moyenne de 5 000 particules ultra fines par centimètre cube. Puis nous nous sommes rapprochés du port. Dans un quartier résidentiel aux abords, l’air s’est avéré être jusqu’à vingt fois plus pollué avec une moyenne de 60 000 particules ultra fines par centimètre cube. Le pire nous a attendu à bord du navire, où une équipe de l’émission « Thalassa », accompagnant notre expédition en 2016, a vu le compteur

s’affoler : l’air respiré par les croisiéristes et le personnel de bord contient jusqu’à 380 000 particules ultra fines par centimètre cube, soit soixante-dix fois plus de pollution. Quelles sont les solutions préconisées par FNE pour lutter contre la pollution liée au trafic maritime ? La majeure partie de la pollution de l’air des navires s’explique par la teneur en soufre des carburants. Il faut limiter les émissions de soufre en Europe et contraindre à l’utilisation d’un carburant chargé à 0,1 % de soufre comme c’est le cas dans la Manche, en mer du Nord et en mer Baltique (zone de contrôle des émissions de soufre). La limite en vigueur dans les eaux côtières européennes depuis janvier 2015, à savoir 1 % de soufre maximum dans les carburants [0,5 % d’ici à 2020, NDLR] en plus d’être insuffisante ne fait pas l’objet de contrôles strictes. Nous appelons à la création de nouvelles zones de contrôle des émissions de soufre et notamment à l’extension de ces contrôles sur l’ensemble du littoral européen. Il faut aussi arrêter d’utiliser du fioul lourd et tendre vers des solutions alternatives plus écologiques et plus respectueuses de l’environnement. À ce jeu, le GNL carburant nous semble clairement une solution d’avenir. Sa combustion réduit de 100 % les émissions d’oxydes de soufre et des particules fines, de 80 % celles des oxydes d’azote et de 20 % celles du CO2 par rapport au fioul lourd traditionnel. Il intéresse de plus en plus d’armateurs et de croisiéristes. C’est un signe positif ! Nous voudrions aussi que les ports permettent le branchement électrique à quai comme c’est déjà le cas à Marseille et nous souhaiterions encourager la mise en place et l’entretien des filtres et autres technologies de dépollution. Enfin, nous aimerions que les ports eux-mêmes incitent les armateurs à changer de pratiques en appliquant un système de bonus-malus dans les tarifs des droits portuaires. Une mesure initialement prévue par l’Europe dans le cadre de sa stratégie de transport maritime. Propos recueillis par Laura Icart

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Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018 • 13


DOSSIER

Finlande Suède

INFOGRAPHIE

Comment l’Europe respire L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a publié l’année dernière son rapport sur la qualité de l’air en Europe. Elle constate que si elle s’améliore doucement, notamment grâce à des politiques plus volontaristes menées par certains États, les fortes concentrations de polluants atmosphériques continuent d’avoir d’importantes répercussions sur la santé des Européens, notamment parce que les particules en suspension (dites « PM »), le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3), les polluants les plus nocifs, sont aussi les plus présents. La pollution de l’air continue de provoquer le décès prématurés de plus de 530 000 personnes en Europe. Le transport routier, l’agriculture, les centrales électriques, l’industrie et les ménages en sont les principaux responsables. Si les pays les plus denses démographiquement sont aussi ceux qui enregistrent le plus grand nombres de décès (France, Allemagne, Royaume Uni), ils ne sont pas nécessairement les plus pollués, à l’exception de l’Italie qui détient plusieurs records. En 2014, les particules fines (PM2,5) ont été responsables de 428 000 décès prématurés (dont 399 000 dans l’UE) dans 41 pays du continent. C’est en Bulgarie, au Kosovo ou encore en Macédoine que l’on a observé les taux de concentration en PM2, 5 les plus élevés en Europe. L’exposition au NO2 a provoqué quelque 78 000 décès prématurés, dont 75 000 au sein de l’UE. C’est en Italie, en Belgique et en Serbie que le dioxyde d’azote fait le plus de dégâts. Quand à l’exposition à l’ozone, elle a causé les décès prématurés de 14 000 personnes, dont 13 600 au sein de l’UE. Et si l’Italie est toujours sur le podium, c’est en Grèce et en Slovénie que l’O3 est le plus présent. Top 5 des pays qui enregistrent le plus de décès

PM2,5

7,6

NO2

9,9

O3

2 318

PM2,5

7,4

NO2

8,3

O3

1 615 2 250

Belgique

3 990

Norvège

RANG

3e

PM2,5

13,7 21,9 2 297

PM2,5

7,2

NO2

NO2

12,4

O3

O3

2 113

10 400

1 810

Royaume-Uni RANG

3e

PM2,5

11,6

NO2

22,2

O3

1 337

2e

52 240

Irlande PM2,5

9

NO2

6,1

O3

868 1 510

France RANG

5e

PM2,5

11

NO2

17,7

O3

3 786 45 840

Autriche PM2,5

12,9

NO2

19,2

O3

4 423

Portugal

6 970

Top 5 des pays exposés au PM2,5 en μg/m

3

PM2,5

8,7

NO2

13,7

O3

3 519 6 060

Top 5 des pays exposés au NO2 en μg/m

3

Top 5 des pays exposés au O3 en μg/m3 Méthodologie utilisée : les données sont extraites du « Air quality in Europe-2017 report ». Elles ne traitent que des trois principaux polluants PM2,5, NO2 et O3 sur la base de moyennes annuelles établies par une méthode de calcul de l’AEE. Le nombre de décès étant proportionnel à la taille de la population, les pays les plus densément peuplés sont de facto les plus concernés. Pour déterminer les pays les plus touchés par chaque polluant atmosphérique, un ratio nombre de décès/population a été effectué. À noter que le classement s’établit selon les pays présents sur l’infographie. Sources : « Qualité de l’air en Europe », rapport 2017 (AEE), OMS, Eurostat.

Espagne RANG

3e

PM2,5 NO2 O3

Croatie 5e

RANG

5e

10,7

PM2,5

15,6

19,9

NO2

15,7

5 436

O3

4 503

31 520 o

14 • Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018

4 910


DOSSIER

Pologne RANG

Pays-Bas RANG

3e

PM2,5

13,8

NO2

21,9

O3

2 244

4e

PM2,5

23

NO2

15,1

O3

3 425

Estonie 4e

Lettonie

PM2,5

8,6

PM2,5

14,1

NO2

9

NO2

12,3

O3

1 991

O3

2 213

780

2 300

48 690

14 010

Lituanie PM2,5

15,5

NO2

12,5

O3

2 457 3 480

Allemagne RANG 1er

Danemark PM2,5

11,6

NO2

11

O3

2 611

PM2,5

13,4

NO2

20,2

O3

3 287

4e

Slovaquie

81 160

PM2,5

19,1

NO2

15,2

O3

4 344 5 420

Slovénie

3 710

République tchèque PM2,5

18,6

NO2

16,8

O3

3 822

RANG

4e

PM2,5

15,1

NO2

15

O3

5 086 1 850

Serbie

11 670

Roumanie

RANG

5e

PM2,5

21,5

NO2

19,6

O3

2 668 14 470

PM2,5

17,5

NO2

16,5

O3

1 842 26 170

Kosovo RANG

2e

PM2,5

26,4

NO2

13,6

O3

3 149 3 550

Italie RANG

Macedoine 2e

1er

2e

RANG 1er

Grèce RANG 1er

PM2,5

15,8

PM2,5

27,4

PM2,5

17

NO2

22,5

NO2

16

NO2

14,9

O3

5 659

O3

3 215

O3

5 926

79 820

3 490

14 100

Hongrie PM2,5

17,3

NO2

17,1

O3

3 620 13 530

Bulgarie RANG

3e

PM2,5

24

NO2

16,5

O3

2 519 14 560 o

Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018 • 15


DOSSIER

ÉTAT DES LIEUX

Une pandémie mondiale La pollution de l’air est responsable à elle seule de 6,5 millions de décès prématurés dans le monde. Soit trois fois plus de morts que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis, et quinze fois plus que ceux causés par les guerres et toutes les autres formes de violence. C’est ce qu’ont conclu les experts dans une étude mondiale parue dans la revue médicale britannique The Lancet. Si ce chiffre est accablant, c’est aussi parce que ce sont les populations les plus pauvres qui en sont les principales victimes.

«

La pollution de l’air continue de peser lourdement sur la santé des populations les plus vulnérables, à savoir les femmes, les enfants et les personnes âgées », a déclaré en 2016 le docteur Flavia Bustreo, sous-directrice générale à l’OMS. « Pour être en bonne santé, il faut respirer un air pur, du premier au dernier souffle », a-t-elle précisé. Selon l’Unicef, c’est près de 2 milliards d’enfants qui vivent dans des pays où la pollution atmosphérique dépasse entre cinq et dix fois les seuils autorisés par l’OMS. L’Asie du Sud-Est et l’Afrique sont particulièrement concernées. « Dans les pays en voie d’industrialisation rapide, comme la Chine, l’Inde, le Kenya, Madagascar ou le Pakistan, jusqu’à un décès sur quatre pourrait être lié à la pollution de l’air » note The Lancet en octobre 2017, qui déplore non sans une certaine amertume que les gouvernements mondiaux, toujours prompts à parler de développement économique, ne soient pas capables de mesurer « le poids économique de ces vies écourtées chaque année (4 600 milliards, soit 6,2 % de la richesse mondiale) ». Dans un rapport sur la qualité de l’air publié en 2016, les experts de l’OMS notent que les niveaux mondiaux de pollution atmosphérique en milieu urbain ont augmenté de 8 % entre 2008 et 2013. À l’instar de plusieurs États du Golfe : l’Arabie saoudite, le Qatar, ou encore le Koweït payent en polluants le prix de leurs immenses activités dans l’industrie énergétique et s’affichent en haut du classement des pays les plus pollués au monde. A contrario la Chine, qui a souvent fait ces dernières années, et à juste titre, la Une des journaux internationaux, confrontée à des épisodes de smogs persistants, occupe le 17e rang des pays à l’air le plus pollué (61,83 μg/m3). Un classement plus qu’honorable dans un pays qui compte 1/7e de la population mondiale et qui semble s’être engagé dans la lutte contre la pollution de l’air. Si toutes les villes du monde ont des problèmes de pollution, elles n’ont pas toutes pris les mesures adéquates. Certaines, notamment dans les pays riches, refusent même de communiquer leurs données.

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16 • Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018

Top 10 des pays les plus pollués au monde en PM2,5 (moyenne annuelle) Arabie saoudite

131,5

Qatar

105,32

Égypte

101,84

Bangladesh

89,73

Mauritanie

86,22

Ouganda

80,29

Koweit

78,79

Népal

75,69

Inde

73,63

Pakistan

68,68

0

30

60

90

120

Source : OMS.

Au sein de l’Union européenne, les taux de concentration de polluants atmosphériques ont baissé depuis 2013, mais il n’en reste pas moins que la plupart des personnes qui vivent dans des villes européennes sont exposées à de l’air de mauvaise qualité. Pourtant un grand nombre de villes observent les limites recommandées par l’UE mais aussi par l’OMS. Malgré cela, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estime que l’espérance de vie moyenne des Européens est amputée de 8,6 mois en raison de l’exposition de la population aux particules fines issues de l’activité humaine. En 2015, 9 % de la population urbaine de l’UE était exposée à des taux de dioxyde d’azote (NO2)


DOSSIER

©ISTOCK

Dans les pays en voie d’industrialisation rapide, jusqu’à un décès sur quatre pourrait être lié à la pollution de l’air. supérieurs à la valeur limite annuelle européenne et aux lignes directrices de l’OMS et 30 % à des taux d’ozone (O3) supérieurs à la valeur cible européenne. En Europe, l’ozone est considère comme très préoccupant, d’autant plus que si l’on tient compte des seuils définis par l’OMS, c’est 95 % des citadins européens qui ont été exposés à une concentration bien trop élevée d’O3 en 2015. Focus sur la France : un cas d’école ? En vingt ans, notre pays a enregistré une baisse importante des émissions et des concentrations dans l’air du dioxyde de soufre et du monoxyde de carbone, grâce notamment à une meilleure réglementation du secteur industriel, principal pourvoyeur. Si les émissions de NO2 et de PM10 ont aussi diminué, ils demeurent dans certaines villes françaises au-dessus des seuils journaliers autorisés. Top 10 des villes les plus polluées en France en PM10 (moyenne annuelle) Marseille

32

Annecy

32

Annemasse

32

Martigues

30

Antibes

29

Lyon

29

Reims

29

Saint-Quentin

29

Avignon

29

Lille

29

0

10

20

30

Outre notre pays, ce sont l’Allemagne, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Slovaquie qui sont concernés par le rappel à l’ordre de la Commission européenne. Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire a présenté le 30 janvier dernier un plan d’actions pour lutter contre la pollution de l’air, avec des mesures relatives aux émissions des véhicules et à la circulation et destinées à réduire les émissions liées au chauffage. Le ministre compte principalement sur la mise en œuvre du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa) pour éliminer d’ici 2020 les dépassements en PM10 et fortement réduire les valeurs en NO2. Différentes pistes, comme la prime à la conversion, l’instauration des zones de circulations restreinte (ZCR) ou encore le verdissement des flottes de poids lourds (avec du GNV) ont été proposées par le ministre, qui mise désormais sur les feuilles de route réalisées en concertation avec les territoires pour faire bouger les lignes. Aucun pays dans le monde n’est épargné par la pollution de l’air ! Des plus riches aux plus pauvres, elle nous impacte tous et elle augmente malgré les progrès technologiques et les prouesses scientifiques. Et les perspectives en la matière devraient encore s’aggraver selon l’institut de santé américain Health Effects Institute, qui estime qu’en 2050, avec 65 % de la population mondiale qui sera citadine, c’est la santé de près de 10 milliards d’individus qui sera en jeu face au problème de la pollution de l’air. Laura Icart

40

Source : OMS. o

Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018 • 17


DOSSIER

SOLUTIONS GAZ

Le gaz peut-il contribuer à dépolluer l’air ? Il est vrai qu’on ne penserait pas au premier abord au gaz dans la lutte contre la pollution de l’air. Et pourtant c’est une énergie qui offre une palette de possibilités : dans la mobilité, dans le résidentiel et le tertiaire, dans la production électrique… Une énergie qui pourrait demain en surprendre plus d’un. Principal vecteur des polluants atmosphériques dans nos villes, le secteur des transports et le trafic routier charrient quotidiennement les particules fines les plus nocives qui soient pour notre santé. À Paris, par exemple, 60 % des dioxydes d’azote (NO2) sont générées par le trafic routier. Le gaz naturel véhicule (GNV), dont la filière particulièrement dynamique en France pourrait être une alternative sérieuse face à l’essence et au diesel infiniment plus polluants, s’est structuré à la vitesse grand V ces dernières années en ouvrant près de 97 stations d’avitaillement. Il en est prévu 250 d’ici 2020.

énergie face au diesel. Enfin, de plus en plus de communes annoncent la conversion de leurs bus du diesel au biogaz. La dernière en date, Angers Loire Métropole, envisage même de convertir la moitié de sa flotte. Souvent ignorés face à la pollution automobile, les dommages causés par les émissions dans le secteur du transport maritime sont pourtant impressionnants. Les experts estiment qu’un seul navire pollue autant qu’un million de voitures. Ici aussi, le gaz semble promis à un bel avenir qui devrait lui permettre de faire voguer de nombreux navires sur les mers et les fleuves de la planète.

Pourquoi peut-on miser sur le GNV ? Tout d’abord, et c’est suffisamment nouveau pour être souligné, le GNV est désormais adoubé par les pouvoir publics qui se sont convaincus qu’il était un carburant particulièrement adapté pour les poids lourds, les flottes utilitaires et les transports collectifs. Un autre atout de ce carburant alternatif est lié à la mise en place du dispositif Crit’Air, dont Nicolas Hulot a annoncé vendredi 13 avril qu’on avait franchi le cap symbolique des 10 millions de vignettes distribuées dans notre pays. Les véhicules GNV comme les véhicules GPL d’ailleurs arborent la vignette 1 qui leur donne droit à des modalités de stationnement favorables et la possibilité de circuler en tout temps. Autre élément en faveur de la mobilité gaz, la mise en place des zones de circulation restreintes qui bientôt interdiront l’accès aux centres-villes aux véhicules les plus polluants, comme c’est déjà le cas à Paris et à Grenoble. Il n’est d’ailleurs pas rare dans ces deux villes de croiser des camions Carrefour, Monoprix ou Casino roulant au GNV. Une dynamique qui devrait encore s’amplifier, notamment avec les deux mesures présentées par la France dans son plan d’actions pour la qualité de son air, à savoir un dispositif de sur-amortissement pour l’achat ou la location de poids lourds de plus de 3,5 tonnes roulant au GNV ou au bioGNV (dispositif qui a été adopté dans la loi de finances 2018 et qui sera prolongé), ainsi que le gel de la fiscalité du GNV afin de préserver la compétitivité de cette

Le GNL carburant peut-il changer la donne ? Le transport maritime représente plus de 90 % des marchandises acheminées dans le monde et entre 3 et 5 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. La faute à des teneurs en soufre très fortes dans les carburant, 3 500 fois plus élevées par exemple que le diesel des voitures et qui, une fois brûlé, rejette le très toxique dioxyde de soufre (SO2). Pourtant, c’était le seul secteur jusqu’à présent à n’avoir ni objectif, ni plan pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à ne pas être contraint par l’accord de Paris. Devant l’urgence de la situation - et non sans mal -, l’Organisation maritime internationale (OMI) a annoncé, le 13 avril, la signature d’un accord visant à réduire « d’au moins 50 % » les émissions de CO2 du transport maritime d’ici 2050 par rapport au niveau de 2008, elle qui s’était déjà engagée à faire passer le plafond international de la teneur en soufre du fioul lourd de 3,5 % à 0,5 % en 2020. Cette dernière décision avait d’ailleurs poussé les armateurs à s’adapter et à utiliser d’autres types de carburants comme le GNL. Depuis, la CMA CGM, leader en matière de transport maritime, a annoncé durant la COP23 son choix d’utiliser du gaz naturel liquéfié (GNL) pour les moteurs de ses neuf porte-conteneurs qui seront livrés en 2020. Brittany Ferries a annoncé la construction de L’Honfleur, un navire propulsé au GNL qui devrait prendre la mer en 2019. En France, où la filière démarre à peine, une plate-

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18 • Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018


DOSSIER

© RENAULT TRUCKS

La filière GNV s’est considérablement développée ces dernières années : 250 stations d’avitaillement sont prévues d’ici 2020. forme a été créée l’année dernière, pour structurer l’offre et convaincre les ports comme les armateurs que le GNL carburant est une solution capable de répondre aux nouvelles exigences environnementales mais aussi une chance pour l’industrie et l’attractivité des ports français. Si la mobilité gaz, qu’elle soit terrestre ou maritime, est sans doute le secteur le plus susceptible d’avoir un impact sur la pollution de l’air, la conversion au gaz naturel d’un bâtiment, d’une usine, ou tout simplement du chauffage individuel d’un foyer, a également des effets à plus ou moins long terme sur l’air que nous respirons. Des études qui parlent pour le gaz Depuis quelques années, l’Union internationale du gaz (UIG) produit tous les six mois une série d’études de cas qui décryptent l’impact sanitaire de la pollution de l’air dans quatre villes qui font l’objet d’une attention particulière de l’OMS. La dernière, publiée le 26 mars, traite de Shanghai, Pékin et Urumtchi en Chine, et de Santiago au Chili. Le moins que l’on puisse dire est que les avantages découlant d’un passage généralisé du charbon au gaz naturel dans la production d’énergie résidentielle et industrielle dans un pays qui enregistrait en 2015 près de 4 000 décès par jour à cause des particules fines, sont très significatifs. En 2014, Pékin enregistrait des concentrations de particules proche de 85,9 μg/m3 (près de neuf fois la limite de l’OMS). Un smog quasi permanent flottait au dessus de la capitale chinoise, forçant le gouvernement chinois à mettre en place une politique agressive de substitution du charbon au gaz. Depuis, les concentrations de particules ont chuté à 58 μg/m3. 2016 a été une année charnière pour la ville puisque 4 450 chaudières au charbon ont été fermées et 900 000 ménages sont passés du charbon au gaz depuis 2013. Alors qu’elle était l’une des villes les plus polluées, Shanghai fut la première ville de Chine à entreprendre un programme de rénovation de ses chaudières au charbon en 2012. Des travaux ont été entrepris pour acheminer et distribuer le gaz naturel. En 2016, l’utilisation du gaz naturel a entraîné une réduction de tous les principaux polluants atmosphériques : la concentration de PM2,5 s’est améliorée

de 15,1 % par rapport à 2015 et de 27,4 % par rapport à 2013. Les concentrations de PM10 ont chuté de 14,5 % par rapport à 2015. Même constat pour les villes d’Urumtchi et de Santiago qui, en adoptant des solutions gaz, ont amélioré sensiblement la qualité de leur air. Point de vigilance : le méthane Ce redoutable gaz à effet de serre (CH4) est aussi le principal composant du gaz naturel. Des fuites de méthane sont constatées lors de l’extraction ou du transport du gaz naturel. « De nombreuses études ont montré l’importance de réduire rapidement les émissions de méthane si nous voulons répondre à la demande croissante en énergie et atteindre de multiples objectifs environnementaux », déclarait en 2017 Mark Radka, le directeur de l’énergie et du climat à l’ONU. Depuis, l’industrie gazière a pris des engagements, comme réduire ses émissions de méthane, améliorer l’exactitude des données sur les émissions de méthane ou encore faire preuve de plus de transparence. L’industrie gazière a clairement un rôle à jouer dans la transition vers un avenir à faible teneur en carbone. Les mesures qu’elle prendra sur les émissions de méthane seront déterminantes pour l’avenir. Pour répondre aux enjeux dictés par la pollution de l’air, la seule énergie gaz n’est sans doute pas suffisante mais elle offre cependant aujourd’hui une diversité de solutions dans le secteur des transports, de la production énergétique ou encore dans nos foyers, qui lui permettre d’être force proposition et d’innovation. L.I.

Pour produire 1 kilowattheure d’énergie en brûlant : • Le gaz naturel rejette 234 g de CO2 • Le fioul rejette 300 g de CO2 • Le charbon rejette 384 g de CO2

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INFRASTRUCTURES

RENCONTRE Dominique Mockly, président-directeur général de Teréga

« Teréga évoque à la fois les territoires sur lesquels nous opérons, les réseaux que nous développons et bien sûr le gaz, énergie clé de la transition énergétique »

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Le 4 avril, quelques jours après la destruction des deux dernières cheminées du bassin de Lacq, TIGF a annoncé son changement de nom : le gestionnaire de réseau s’appelle désormais Teréga. Retour sur cette nouvelle identité et sur les ambitions de l’entreprise avec son président-directeur général Dominique Mockly.

Parlez-nous de votre nouvelle marque Teréga : impulse-t-elle une nouvelle stratégie d’entreprise ? Depuis plusieurs années, le secteur énergétique connaît une profonde mutation. Nous pensons que le gaz peut faire le lien entre le modèle historique, reposant en grande partie sur une production centralisée et essentiellement fossile, et le modèle du futur, à empreinte carbone nulle grâce à un mix énergétique diversifié, à dominante renouvelable, provenant de sources plus délocalisées. Pour accompagner le défi de la transition énergétique, nous avons choisi de nous appeler Teréga. Ce nom, à la sonorité puissante, contemporaine et facile à mémoriser, évoque à la fois les territoires sur lesquels nous opérons, les réseaux que nous développons et bien sûr le gaz, énergie clé de la transition énergétique. Cette nouvelle marque, cette nouvelle identité, nous l’avons voulue ancrée dans la transition énergétique avec un positionnement plus clair, tourné vers l’innovation, le digital et surtout au plus proche de nos clients. Nous avons construit notre projet d’entreprise « Impacts 2025 » avec cette même ambition. Avec notre programme « BE Positif », nous nous fixons comme objectif d’atteindre une empreinte environnementale nulle à l’horizon 2020 et positive dès 2025. Pour cela, nous appliquons le fameux « éviter, réduire, compenser » avec une devise : avoir un impact minime sur l’environnement. Aujourd’hui, nous devons faire des choix : décarboner l’énergie, créer des synergies entre les énergies mais aussi décarboner la mobilité. Chez Teréga, nous avons la conviction que le gaz a un rôle clé à jouer pour répondre aux défis énergétiques français et européens de demain.

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Le 1er novembre 2018, il y aura en France une zone de marché unique du gaz appelée TRF (Trading Region France). Quels sont ses avantages ? Cette TRF ouvre-t-elle de nouvelles opportunités pour Teréga ? La TRF, c’est une révolution vis-à-vis du marché du gaz puisque le 1er novembre nous allons unifier la France en termes d’accessibilité marché et fluidité. Une zone de marché unique du gaz avec un seul point d’échange de gaz : le PEG. Co-construite avec le marché par Teréga et GRTgaz, ce sera l’aboutissement de la construction du marché du gaz initiée en 2005. Aussi, tous les fournisseurs pourront accéder à l’ensemble du marché français et les consommateurs paieront le même tarif de transport quelle que soit la région où ils se trouvent. Le fonctionnement qui a été retenu entre GRTgaz et Teréga, c’est la mise en place d’accords qui permettent de gérer la zone France dans son ensemble, à la fois en termes commercial mais aussi en termes d’équilibrage des flux. Pour cela, nous échangeons nos données journalières à la maille France. Teréga attend beaucoup de cette TRF car nous allons pouvoir proposer nos services au-delà de notre territoire historique et même au-delà de nos frontières. La réforme de l’accès des tiers aux stockages de gaz naturel souterrain est une étape importante de franchie. Quel bilan fait Teréga alors que se sont clôturées début avril les enchères de capacités ? Si nous avons accueilli avec prudence cette réforme, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui la page est belle est bien tournée ! Un plus grand nombre d’acteurs du monde l’énergie nous ont sollicités : nous avons eu 22 clients au lieu des 16 traditionnels. Le fait d’avoir un tarif unique facilite les échanges. Pour ce qui est des enchères, elles ont toutes été souscrites à un tarif relativement faible mais


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dont nous pouvions espérer plus compte-tenu du prix de réserve. Ce qui signifie que le tarif transport devra compenser l’essentiel des revenus des stockeurs cette année. La CRE a fixé notre revenu maximum autorisé à 154 millions alors que nous sommes plus proches de 175 millions d’euros habituellement, mais l’important demeure qu’aujourd’hui les stockages sont pleins. On est même arrivé à un niveau de souscriptions jamais atteint depuis 2012, qui devrait nous assurer un hiver serein. Si cette réforme nous conduit à un peu moins de revenus, elle nous apporte plus de visibilité et de nouveaux objectifs. Désormais nous allons concentrer nos investissements pour sécuriser les capacités. Nous avons déjà entamé avec la CRE une discussion autour de notre projet de porter à 60 bars la pression du gaz dans les cavités, nous espérons qu’elle aboutira rapidement. Du stockage aux gaz verts, il n’y a qu’un pas. Quelle est votre stratégie en la matière ? Et quelles sont les perspectives ? Nous ouvrons les champs des possibles ! Comme l’ensemble des acteurs gaziers, nous travaillons à concevoir de nouvelles solutions autour des filières vertes issues du biométhane, mais aussi sur la technologie du power to gas via le démonstrateur Jupiter 1000 ou encore sur l’impact que pourrait avoir l’hydrogène dans le méthane sur l’ensemble de nos infrastructures. Nous travaillons aussi sur la capacité des stockages à accepter le biométhane. L’année dernière, nous avons d’ailleurs démontré avec Storengy que le biométhane agricole était compatible. Ensuite, nous nous préoccupons de la façon dont nous pouvons raccorder des installations de biométhanes à nos réseaux. Notre politique est de mettre en location-vente des installations d’injections de gaz. Dans le Sud-Ouest, deux sites de productions injectent sur le réseau de Térega [Villeneuve-sur-Lot et à PréchacqNavarrenx, NDLR]. Nous avons recensé près de 70 projets en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. Le potentiel est indéniable ! Avec notre objectif d’être 100 % vert à l’horizon 2025, nous aurons peut-être, et sous réserve de validation de la CRE, nos propres installations de biométhane pour couvrir nos besoins de consommation. Nous avons également l’ambition d’ici 2025 de convertir toute notre flotte au GNV. Trois véhicules ont déjà été mis en service. Quelle est votre position vis-à-vis de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ? Nous serons naturellement attentifs à la fixation par le régulateur et le législateur des capacités nécessaires en termes de stockage et de transport pour assurer les besoins en gaz de notre pays. Nous pensons que cette PPE ne devrait pas avoir un impact très significatif par rapport à la précédente. Pour nous, les capacités qui ont été définies doivent être maintenues. Pour ce qui est du stockage lui-même, il nous semble que la partie impactée sera celle qui est déjà aujourd’hui sous cocon. Si la fermeture de certains sites a été évoquée, l’irréversibilité de cet acte à une époque où il semble bien compliqué d’avoir des prévisions météorologiques exactes, une estimation des

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besoins en gaz adéquat, sera l’une des grandes difficultés à laquelle sera confronté notre gouvernement. Sans oublier que demain les besoins en gaz peuvent être beaucoup plus importants dans leur capacité à stocker l’énergie au sens large. Quels sont les réseaux de demain pour Teréga ? Ces sont des réseaux en interface les uns avec les autres ! C’est une synergie inter réseaux ! En 2025, ce sont des réseaux dans lesquels on aura fait un certain nombre de modifications qui permettront de faciliter les interfaces avec du biométhane, qui faciliteront la connexion avec le gaz naturel véhicule, ce sont des réseaux qui pourront accueillir des stations d’injection de biométhane porté. Aussi dans les réseaux il y aura des distributions publiques qui recevront du gaz et des distributions publiques qui injecteront du gaz sur le réseau au travers du rebours. Ce sont des réseaux dans lequel il y a aura tout à la fois : des distributions publiques qui reçoivent et des distributions qui injectent des gaz sur le réseau au travers des systèmes de rebours. Il faudra aussi compter sur le power to gas soit à partir d’hydrogène, soit à partir de méthane. Pour résumer, les réseaux seront toujours plus intelligents et « accélérateurs d’avenir ». Propos recueillis par Laura Icart

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INFRASTRUCTURES

DÉCRYPTAGE

Cinq clés pour comprendre la réforme de l’accès des tiers aux stockages souterrains de gaz naturel Le 5 mars 2018, une campagne de commercialisation des capacités de stockage « nouvelle formule » voyait le jour. Cette commercialisation est le fruit de longues années de débats et de concertations entre fournisseurs, clients, opérateurs, pouvoirs publics et régulateur en vue de l’évolution du régime de l’accès des tiers aux stockages qui est passé de « négocié » à « régulé ». Pour comprendre les enjeux liés à cette réforme, retour sur cinq fondamentaux à retenir !

Les stockages souterrains de gaz naturel participent à la sécurité d’approvisionnement En l’absence de production gazière significative, la sécurité d’approvisionnement en gaz repose sur les importations au travers des points d’interconnexion et des terminaux GNL. Le système gazier français est dimensionné pour faire face à une pointe de froid pendant trois jours successifs telle qu’il s’en produit statistiquement une tous les cinquante ans – pointe au risque 2 %. Les douze sites de stockage présents sur le territoire français permettent d’accroître la flexibilité du système gazier et sa résilience en cas de crise. Un objectif : remplir les stockages La réforme est née d’un constat : le cadre réglementaire mis en place en 2014 et qui reposait sur une obligation de réservation de capacités individuelles des fournisseurs en fonction de leur portefeuille ne permettait pas de constituer des niveaux de stocks de gaz suffisants. La réforme, qui fait suite à de nombreuses sessions de concertation, a pour objectif d’inciter les acteurs à réserver plus de capacités et à diversifier les catégories d’acteurs présents au moment de la commercialisation, tout en apportant de la transparence quant aux coûts du stockage et en supprimant la complexité liée au système précédent. L’entrée dans le monde régulé La loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (dite « loi hydrocarbures ») prévoit, à partir du 1er janvier 2018, la régulation des opérateurs de stockage dans le monde régulé. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a pour mission de calculer la base d’actif régulé. Le niveau de revenu autorisé retenu pour les trois opérateurs de stockage a été publié dans la délibération de la CRE en date du 22 février 2018.

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Les revenus autorisés des opérateurs pour l’année 2018 sont de : • 523,1 millions d’euros pour Storengy ; • 153,4 millions d’euros pour TIGF ; • 38,1 millions d’euros pour Géométhane. Le coût total du stockage de gaz sera ainsi de 714,6 millions d’euros pour l’année 2018, hors régulation incitative. Le cadre tarifaire régulé est prévu pour quatre ans mais débute avec une période transitoire de deux ans. La commercialisation des capacités se fait aux enchères avec compensation des opérateurs via le tarif de transport. Les capacités de stockage sont commercialisées aux enchères et la différence, positive ou négative, entre les recettes majoritairement issues des enchères et le revenu régulé des opérateurs de stockage est compensée, au sein du tarif d’utilisation du réseau de transport de gaz naturel (dit « tarif ATRT »), par un terme tarifaire dédié. Les modalités d’enchères sont fixées par la CRE après proposition des opérateurs. Plus d’obligations pour les fournisseurs Un niveau minimal de stock est fixé par arrêté par le ministre tous les ans sur la base d’une méthodologie transparente qui estime les besoins de stockage en débit pour assurer les pointes de froid. Le niveau pour l’hiver 2018-2019 est le suivant : 1 990 GWh/j en débit de soutirage dans les infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel. Si les enchères ne permettent pas de remplir les stockages au niveau de stockage minimum prévu par le ministre, un filet de sécurité est prévu qui contraindra les fournisseurs à prendre des réservations complémentaires. Madeleine Lafon


ÉCONOMIE ET FOURNITURE

GÉOPOLITIQUE

Ça gaze en Méditerranée orientale !

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sraël, l’Égypte, Chypre et la bande de Gaza dont les gisements sont déjà connus, le Liban où l’exploration est en cours et laisse présager un beau potentiel mais aussi la Turquie, la Syrie et la Jordanie qui sont de grands consommateurs de gaz, composent cette région et ce melting pot de cultures, de conflits et d’immenses ressources énergétiques qu’est la Méditerranée orientale. Le bassin gazier du Levant C’est au début des années 2000 que d’importants gisements gaziers ont été découverts en Méditerranée orientale et dont Zohr (« prospérité » en arabe), mis à jour en août 2015 par l’italien Eni, fut le point d’orgue médiatique qui braqua les caméras du monde sur cette région. Il faut dire qu’avec ses 850 milliards de mètres cubes de gaz, ce gigantesque gisement avait de quoi faire rêver le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, pour arriver, à plus ou moins long terme, à réaliser l’indépendance énergétique de son pays. C’est en 2009 que le premier gisement, Tamar, qualifié d’important, est découvert au large des côtes israéliennes par la société américaine Noble Energy et l’israélienne Delek. Suivront les découvertes de Leviathan en 2010, également en Israël, et d’Aphrodite en 2011, à Chypre. À ce jour, seul Tamar (en 2013) et Zohr (fin 2017), dont le potentiel est plus grand que tous les gisements réunis, sont entrés en production. Aucun programme de développement n’a été défini pour Aphrodite, ce qui s’explique avant tout par les spécificités politiques de Chypre. Si Leviathan a fait l’objet de nombreuses discussions ces dernières années, ralentissant considérablement son exploitation, un accord financier a finalement été trouvé et le champ devrait produire d’ici 2019. Il est encore trop tôt pour percevoir la manne gazière mais pas trop tard pour qu’un nombre incalculable de projets, d’accords politiques et de battages médiatiques germent tout autour du bassin du Levant, baptisé par certains spécialistes comme le nouvel eldorado gazier. Le gaz peut-il être un facteur de paix ? C’est la grande inconnue de la Méditerranée orientale et la principale question en suspens : ces découvertes gazières pourraient-elles être vectrices d’apaisement dans la région ? Depuis des décennies, ces pays sont en conflit(s) : plus d’un demi-siècle de haine et de violences qui se poursuivent toujours, avec en toile de fond le conflit israélo-palestinien.

Et comment ne pas penser à la guerre en Syrie, aux tensions régulières entre le Turquie et la Grèce (qui se disputent Chypre depuis 1974), entre le Liban et Israël. Pourtant, le gaz peut jouer un rôle de coopération et de paix entre ces pays selon Francis Perrin, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et expert en géopolitique : « Les États ont un intérêt commun à valoriser ce gaz. S’ils ne le font pas, ils seront tous perdants. » Et c’est bien cela l’enjeu : réussir à travailler ensemble pour valoriser le gaz, qui pourrait contribuer de manière significative au développement économique et à la stabilité des pays de la région. Car la réalité pour l’expert est bien que tous ces pays ont besoin du gaz pour leurs ressources propres et les recettes qu’il peut générer. « L’Égypte, qui était encore au début de cette décennie un pays exportateur net de gaz, a besoin des ressources de son gisement géant de Zohr pour satisfaire sa consommation intérieure. Israël a besoin d’accroître son autonomie énergétique grâce à ses champs de Leviathan et Tamar. Le Liban a besoin de financer sa reconstruction. Chypre, membre de l’Union européenne, peut, avec son champ prometteur Aphrodite, jouer un rôle dans la politique d’union de l’énergie que poursuit la Commission européenne pour réduire la dépendance de l’Europe envers la Russie. » Selon l’Institut d’études géologiques américaine, le potentiel gazier du bassin du Levant est loin d’avoir livré tous ces gisements, puisque les experts parlent d’une estimation d’environ 9,2 billions de mètres cubes (bcm). Les découvertes gazières dans le bassin du levant Syrie

Chypre

240 bcm

141 bcm en cours d'exploration

Israël

Liban

en cours d'exploration

1 424 bcm

Égypte 1 840 bcm

Palestine 28,3 bcm

Source : US Geoligical Survey, Noble Energy, EIA - Ifri. o

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ÉCONOMIE ET FOURNITURE

Le bassin méditerranéen est un vivier de ressources énergétiques. À la lisière entre trois continents, cette région du monde aiguise l’appétit de ceux qui voient dans son sous-sol et ses importantes réserves prouvées une nouvelle « province gazière ». État des lieux.


ÉCONOMIE ET FOURNITURE

Israël le grand gagnant ? Le potentiel gazier total d’Israël pourrait s’élever à 1 500 milliards de mètres cubes. Ses gisements constituent les plus grandes découvertes de gaz en eaux profondes du monde réalisées entre 2001 et 2010. Face à ces immenses champs (Tamar, Leviathan), les découvertes plus modestes du début des années 2000 (Noa, Mari-B, Dalit, Tanin…) offrent et offriront un jour à Israël une indépendance énergétique, un possible statut d’exportateur d’hydrocarbures mais surtout une réelle possibilité de se prémunir contre d’éventuels boycotts énergétiques que peuvent exercer certains États dans un pays qui restait jusque-là très dépendant énergétiquement de ses voisins arabes, particulièrement l’Égypte. Israël est même devenu en septembre 2016, sur le papier du moins, un pays exportateur de gaz. L’État hébreu a signé avec son voisin jordanien un contrat estimé à environ 10 milliards de dollars pour l’exportation vers la Jordanie de gaz issu du champ de Leviathan. Les livraisons devraient débuter en 2019. Mais le vrai succès pour Israël date de quelques mois seulement. Le 19 février, le Premier ministre israélien a annoncé en grande pompe « un accord historique » entre son pays et l’Égypte. Un joli pied de nez à l’histoire lorsque l’on sait que l’État hébreux importait en 2008 près de 40 % de son gaz du pays des pharaons. Un accord conclu par un consortium composé du texan Noble Energy (principal  découvreur des gisements dans le Levant) et l’israélien Delek avec la compagnie égyptienne Dolphinus pour fournir près de 64 milliards de m3 de gaz en provenance de Leviathan et de Tamar, pour un montant estimé à environ 12 milliards d’euros. Un accord commercial entre des entreprises privées soulignent les autorités égyptiennes, mais qui satisfait néanmoins l’Égypte qui, en attendant que sa production de Zohr atteigne une pleine capacité (pas avant début 2020 selon les spécialistes), doit répondre aux exigences de son marché intérieur, friand de gaz, et satisfaire ses obligations contractuelles avec l’Angleterre et l’Espagne notamment, mises à mal par les tensions politiques de ces dernières années. La montée en puissance de l’Égypte Tout à son rêve de faire de son pays un hub énergétique régional, le président égyptien a certes signé en attendant la montée en puissance de Zohr un contrat avec Israël, mais n’oublie pas que son pays possède un emplacement stratégique sur les principales routes commerciales, une proximité avec des pays riches en ressources naturelles et dont les marchés intérieurs sont relativement saturés et des infrastructures d’exportation récentes. Si Le Caire a également annoncé être entré en négociations avec Chypre, la mise en production par BP le 13 février du champ de gaz d’Atoll (découvert en 2015), situé dans le delta du Nil oriental, est une bonne nouvelle pour le pays. Estimé à 42,5 milliards de m3, ce champ fait partie du vaste projet de BP intitulé « Delta du Nil occidental » d’un potentiel de 141 giga mètres cubes, qui devrait fournir environ 25 % de la production actuelle de gaz égyptien une fois toutes ses phases terminées.

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Des coopérations nécessaires Une coopération entre pays voisins semblent indispensable si les États concernés veulent un jour optimiser les gisements de gaz de la Méditerranée orientale. Au gré des découvertes, des coopérations et des accords ainsi que des projets ont vu le jour. En décembre 2017, Chypre, la Grèce, Israël et l’Italie ont signé un protocole d’accord pour la construction du plus long pipeline sous-marin de gaz naturel au monde pour fournir l’Europe. Le projet assurera une voie directe d’exportation à long terme depuis Israël et Chypre à la Grèce, l’Italie et d’autres marchés européens. Il aura une capacité annuelle d’environ 0,3 à 0,45 milliard de m3 et pourrait être achevé d’ici 2025. Il reliera le champ de Leviathan à celui d’Aphrodite, à la Crète, la Grèce et l’Italie. Pour la première fois de son histoire, le Liban a signé le 9 février plusieurs contrats d’exploration offshore, avec un consortium mené par Total avec l’italien Eni et le russe Novatek. Le pays du Cèdre espère lui aussi découvrir dans ses eaux un trésor similaire à ses voisins. À peine quelques jours plus tard Eni et Total ont annoncé la découverte d’importantes réserves sous-marines de gaz au large de Chypre. Une dynamique qui d’après les spécialistes devrait se poursuivre de longues années encore. Laura Icart


ÉCONOMIE ET FOURNITURE

PERSPECTIVES

GRDF à l’heure du bilan Le principal opérateur de distribution de gaz français GRDF a présenté, le 22 mars, par la voix de son directeur général Édouard Sauvage, le bilan de l’année écoulée, mais aussi les perspectives de GRDF pour 2018. Avec un seul mot d’ordre : le verdissement du gaz. Rencontre.

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Le gaz est la solution idéale pour améliorer la qualité de l’air et pour améliorer la vie de nos concitoyens » a déclaré Édouard Sauvage lors de la présentation des résultats financiers, donnant d’entrée la tonalité du message de GRDF : le verdissement du gaz et le rôle de premier plan qu’il doit jouer dans la réussite de la transition énergétique sur nos territoires. Des résultats stables Si le chiffre d’affaires de GRDF (3 652 millions d’euros) a peu évolué par rapport à 2016 (- 1,6 %), le résultat net en revanche a été divisé de moitié : 150 millions d’euros contre 302 millions en 2016. Une baisse qui s’explique notamment par un effet fiscal imposé par la loi de finance rectificative de 2017. Les investissements (en progression de 12,6 %) avoisinent les 858 millions d’euros qui ont été consacrés au développement, au renouvellement et à la sécurité du réseau. Incontestablement lié à cette hausse d’investissements, le compteur communicant Gazpar (voir Gaz d’aujourd’hui 3-2017) qui, après plusieurs années d’expérimentation, a commencé son déploiement (600 000 au 31 décembre 2017) et permettra à terme (2023) aux presque 11 millions de clients GRDF d’avoir accès à leurs données de consommation. 2017 fut aussi une année record pour GRDF qui a enregistré plus de 22 000 clients supplémentaires raccordés à son réseau après les 16 500 clients déjà enregistrés l’année dernière. De bons augures pour le distributeur qui espère que cette dynamique va encore s’amplifier dans les années à venir. Cap sur 2018 C’est donc fort d’un résultat que GRDF juge « conforme à ses attentes » que le distributeur de gaz se tourne vers 2018 avec en ligne de mire le développement de la filière méthanisation et l’essor de la mobilité gaz. Toujours plus de biométhane dans les réseaux... Sur les 48 sites d’injection de biométhane en France - qui ont d’ailleurs permis l’évitement de près de 76 400 tonnes de gaz à effet de serre en 2017 -, 41 sont exploités par GRDF. Ils étaient 26 en 2016. Ils seront très probablement 73 à la fin de cette année. Si la loi de transition énergétique pour une croissance verte a fixé à 10 % la part du gaz renouve-

lable dans le mix énergétique français en 2030, GRDF, comme l’ensemble des principaux acteurs du secteur gazier, souhaite porter cette ambition à 30 %. Une ambition « qui n’en est pas une », selon Édouard Sauvage, persuadé que ce chiffre est parfaitement atteignable si les pouvoirs publics mettent en place des mesures suffisamment incitatives pour un développement à plus grande échelle. Convaincu que le biométhane offre « une énergie renouvelable et compétitive pour se chauffer, cuisiner et se déplacer », le directeur de GRDF pense qu’en 2030, il pourra représenter un quart des investissements du distributeur. ... et des poids lourds qui roulent au GNV « Aujourd’hui, plus d’un poids lourd sur deux vendus en Europe roulant au gaz est vendu sur notre territoire. La France est le marché le plus actif sur ce segment ! » a souligné Édouard Sauvage qui a précisé que « plus de 16 000 véhicules roulent déjà au gaz ». Si la France comptait 78 stations publiques fin 2017, celles-ci devraient se chiffrer à 250 à l’horizon 2020 et permettre selon GRDF de démontrer le GNV et le bioGNV sont « des solutions complémentaires et économiquement viables dans le cadre d’une mobilité diversifiée », présentant en outre de sérieux atouts pour la lutte que livrent actuellement les métropoles mondiales contre la pollution de l’air. L.I.

En 2017...

10,9 millions de clients GRDF

76 400

tonnes de gaz à effet de serre évitées grâce au biométhane

41

sites d’injection de biométhane en France exploités par GRDF

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Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018 • 25


UTILISATIONS ET MARCHÉS

RENCONTRE

Une nouvelle « bible » pour les gaziers ! Le nouvel arrêté daté du 23 février 2018 sur les installations de gaz dans les bâtiments d’habitation a été publié le 4 mars dernier au Journal officiel. Quarante ans après une première réglementation (1977), il vient couronner les efforts de la filière gaz, et plus particulièrement ceux du Centre national d’expertises des professionnels de l’énergie gaz (CNPG), dans sa volonté de maintenir un haut niveau de sécurité et de développer un plus grand potentiel d’innovation. Gaz d’aujourd’hui a demandé à Philippe Schönberg, président du CNPG, de décrypter pour nous ce nouvel outil réglementaire.

UTILISATIONS ET MARCHÉS

Quel est ce concept ? Il allie à la fois le « réglementaire », avec un texte qui fixe les exigences essentielles à satisfaire, les interdictions et les obligations strictes et le « pédagogique », avec des guides techniques approuvés préconisant des solutions techniques dont le respect vaut pour les installations concernées présomption de respect des dispositions de l’arrêté.

© GRDF

Pourquoi était-il nécessaire de modifier l’arrêté du 2 août 1977 ? L’arrêté du 2 août 1977 ne répondait plus aux caractéristiques de construction actuelles. Mais il était surtout un frein au développement de l’innovation dans notre secteur, tant concernant l’amélioration des technologies existantes que la mise en place de nouvelles solutions techniques. Depuis sa création en 2012, le CNPG s’est employé lors des travaux de réécriture de ce fameux arrêté à proposer un nouveau concept réglementaire entre droit dur et droit souple. Notre mot d’ordre : moderniser le corpus réglementaire et favoriser l’innovation.

Parlez-nous du nouvel arrêté...… Le nouvel arrêté, qui porte sur les installations intérieures de gaz dans les bâtiments d’habitation individuels et collectifs, devrait être mis en application au deuxième semestre 2019 et au plus tard au 1er janvier 2020. Le texte réglementaire fixe les exigences à atteindre pour respecter les règles de sécurité et d’implantation des matériels gaz. Quelques nouveautés sont à retenir : la mise en place de nouveaux sites de production d’énergie (SPE) qui permettront de tester des technologies innovantes, des canalisations de liaison qui permettront d’alimenter les bâtiments d’habitation collectives qui présentent des concepts architecturaux innovants, la prise en compte de l’alimentation en gaz naturel comprimé des véhicules automobiles (GNC) ou encore les nouveautés du GPL. Il sera complété par des guides d’application volontaire, approuvés par les pouvoirs publics, qui apporteront les solutions techniques adaptées. Ces guides, qui sont au nombre de cinq (un guide général et quatre guides thématiques) sont en cours de rédaction par le CNPG. Il ne reste que dix-huit mois pour les soumettre à l’administration. Ces guides ont pour objectif de faciliter la vie des installateurs pour deux raisons principales. Premièrement, s’ils choisissent d’appliquer l’une des solutions techniques proposées dans le guide, ils seront assurés d’avoir mis en œuvre une solution qui permet d’atteindre l’exigence réglementaire et donc d’être protégés juridiquement. Deuxièmement, ces guides permettront d’intégrer les nouvelles technologies au fil de l’eau – en moins de six mois, contre près de six ans aujourd’hui, ce qui en font en quelque sorte un passeport pour l’innovation ! La filière est désormais dotée d’une réglementation innovante pour une énergie d’avenir. Propos recueillis par Laura Icart

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UTILISATIONS ET MARCHÉS

INNOVATION

Trains au GNL : vamos ! C’est en janvier que la société ferroviaire espagnole Renfe a annoncé le début des tests pour le premier train européen de passagers fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL). À terme, le gouvernement ibérique espère pouvoir substituer le GNL au diesel et réduire l’impact carbone du réseau ferré ainsi que ses coûts d’exploitation. Décryptage.

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oordonné par l’Institut Cerdà, ce projet pilote a été initié en novembre 2016 par Gas Natural Fenosa, Enagas, Bureau Veritas et la Renfe. Intégré au plan stratégique 2014-2020 sur les carburants alternatifs du gouvernement espagnol, il répond également aux ambitions de la directive européenne AFI et vise à évaluer les impacts économiques et environnementaux liés à l’utilisation du GNL dans le transport ferroviaire. Pour la Renfe, ce projet constitue un enjeu de taille. L’opérateur public espagnol, qui enregistre plus de 32 % de locomotives fonctionnant au diesel, compte bien sur la réussite des tests pour faire du GNL le nouveau carburant de sa flotte. Une première en Europe Les premiers essais de traction en Europe d’un train alimenté au GNL ont commencé le 5 janvier en Espagne, pour une durée de quatre mois. Le ministre du Développement de l’Espagne, Íñigo de la Serna, et le ministre de l’Énergie, du tourisme et de la stratégie numérique, Álvaro Nadal, ont assisté au lancement de l’expérience. Cette phase d’essais a pour objectif de tester la faisabilité de l’adaptation des véhicules ferroviaires à l’exploitation de moteurs et réservoirs GNL. Elle permettra aussi de mesurer l’impact technique, juridique, économique et environnemental de cette conversion sur le réseau ferroviaire espagnol et, à plus long terme, européen. Des tests pour viabiliser le système Les essais avec le moteur GNL ont été programmés dans un train automoteur du parc diesel Feve (2600) sur une distance d’environ 20 kilomètres entre la station Trubia et la station Baiña avec extension à Figaredo, dans la région des Asturies. Le moteur diesel de l’une des deux unités automobiles jumelées a été remplacé par un autre qui consomme du gaz naturel pour sa propulsion. Les différentes phases de circulation permettront de mettre en contraste les résultats obtenus, à la fois pour la technologie diesel et gaz, puisqu’une unité de traction est maintenue avec chaque type de carburant dans le même train. Chaque semaine, c’est un camion battant pavillon Molgas Energia qui transporte le GNL nécessaire au fonctionnement du train.

© RENFE

Avitaillement du train de la Renfe en GNL par l’entreprise Molgas Energia. Les résultats de ces tests attendus à la fin du mois devront pouvoir mettre en exergue les exigences techniques du GNL, notamment en termes d’autonomie mais aussi le gain environnemental et l’impact sur les coûts de fonctionnement. S’il s’avère concluant, une deuxième phase de tests devrait être lancée par la Renfe, avec un moteur cette fois-ci 100 % GNL. Ces tests sont sans conteste un nouveau pas franchi par l’Espagne. Fortement engagé dans l’intégration du gaz naturel dans les transports, le pays, qui possède d’importantes capacités d’approvisionnement en GNL, pourrait être le premier à proposer à ses usagers le train le plus vert d’Europe. L.I.

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UTILISATIONS ET MARCHÉS

RENCONTRE Emilio Joulia, directeur de Molgas Energia

« Répondre à la demande en GNL partout en Europe » Implantée depuis cinq ans en France, la société espagnole Molgas Energia s’est taillée en quelques années la part du lion dans le marché de détail du GNL, au point d’occuper les tout premiers rangs dans notre pays et plus généralement en Europe du Sud.

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az d’aujourd’hui a demandé à Emilio Joulia, directeur de Molgas Energia France, de nous raconter l’histoire de sa société, indéfectiblement liée à la création du réseau gazier espagnol et spécialisée depuis dans la distribution du GNL pour l’industrie mais pas seulement. En quelques mots, pouvez-vous nous faire la genèse de Molgas Energia ? Créée il y a une vingtaine d’année en Espagne, Molgas est née pour répondre à un besoin d’alimentation en gaz dans un pays où il n’y avait pas de réseau gazier. Avec la construction des terminaux méthaniers, Molgas a joué le rôle de facilitateur entre le port méthanier et l’arrivée du gaz dans © MOLGAS ENERGIA FRANCE le réseau de ville. Nous avons alimenté pour le compte d’Endesa ou de Gas Natural Fenosa des villes de 150 000 habitants avec une unité mobile et nos camions. Lorsque le réseau arrivait, nous reprenions la route. Quand sa construction fut achevée, nous avons continué à répondre à la demande en GNL des industriels en Espagne, puis notre activité s’est développée au Portugal et en France depuis cinq ans. Quelle est votre principale activité ? La fourniture en GNL de sites industriels est notre principale source de revenus. En France, nous en exploitons vingt. Nous avons été chargés par ArcelorMittal de convertir du GPL au GNL son usine de sidérurgie à Saint-

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Chély-d’Apcher. Si ce site représente environ 35 GWh, le plus important de notre portefeuille a une capacité de 64 GWh. Molgas transporte 60 % des volumes de GNL de Montoir-de-Bretagne et 30 % de ceux de Fos-sur-Mer. Nous sommes aussi présents en Italie et depuis le début de l’année en Angleterre. Avec douze camions porteurs de citernes au GNL, nous avons constitué ces dernières années la flotte la plus importante d’Europe. Vous êtes également présents sur le marché des stations-service GNL ? C’est une activité en pleine expansion pour nous, portée particulièrement par le dynamisme du marché français ces dernières années. Nous avons ouvert notre première station ce mois-ci à Donges (Loire-Atlantique) et nous comptons en ouvrir entre sept et dix d’ici la fin de l’année. Nous avons également cinq projets dans le nord de l’Italie. En Espagne, où nous exploitons cinq stations, l’une d’elle, située dans la ville de Madrid, est aussi la plus grande d’Europe, avec une fréquence d’avitaillement de soixantecinq camions par jour. Et des activités de bunkering ? Avec le développement du GNL carburant marin, nous avons de nouvelles opportunités à saisir. Nous assurons une activité de bunkering sur quelques sites en Europe. Nous avons la charge d’assurer l’avitaillement de la ligne Transbalèar qui relie Barcelone aux îles Baléares. Nous avons également un contrat avec le croisiériste Aida pour alimenter son bateau dans les différents ports où il fait escale (Rome, Marseille, Barcelone…). Nous alimentons aussi les bateaux GNL qui transportent du ciment pour le groupe Lafarge en Espagne et au Portugal. Molgas est également présent en Hollande. La réflexion est entamée en France, avec le port de Brest notamment, les premières études ont été lancées et nous espérons pouvoir développer cette activité dans les prochains mois. Propos recueillis par Laura Icart


UTILISATIONS ET MARCHÉS

ÉTUDE

L’hydrogène : un nouveau départ ? L’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (Afhypac) a dévoilé le 4 avril les résultats d’une étude prospective intitulée « Développons l’hydrogène pour l’économie française ». En plein débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la filière française de l’hydrogène (H2) met en avant ses atouts environnementaux et technologiques pour peser de tout son poids dans le débat. Analyse.

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n 2050, l’hydrogène pourrait représenter 20 % de la demande énergétique française et alimenter 18 % de la flotte de véhicules en circulation en France. C’est en substance les principaux résultats de l’étude prospective menée par l’Afhypac, le Commissariat aux énergies alternatives et à l’énergie atomique (CEA) et dix partenaires industriels de premier plan comme Air Liquide, Total, Engie ou Alstom. Cette étude doit apporter selon Philipe Boucly, président de l’Afhypac, « une perspective sur le système énergétique français dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone et de la nouvelle PPE ». « Elle contribuera aussi à enrichir la feuille de route française de l’hydrogène voulu par le ministère de la Transition écologique et solidaire », précise t-il. Cette vision ambitieuse mais réaliste selon les acteurs de la filière qui estiment qu’il faudrait investir près de 8 milliards d’euros dans la chaîne de valeur, met en évidence le potentiel des technologies de l’hydrogène décarboné et des piles à combustibles pour répondre aux objectifs de la France dans la lutte cotre le réchauffement climatique mais aussi l’ouverture de réelles perspectives de croissance écologique dans l’industrie française. Décarboner l’économie L’hydrogène décarboné - produit par électrolyse de l’eau à partir d’énergies renouvelables (EnR) - présente sans surprise, outre sa capacité à stocker les EnR sous forme de gaz, la possibilité de réduire les émissions de carbone en décarbonant les utilisations finales que sont les énergies pour l’industrie, le transport, ou encore le chauffage, et comme source de carbone sans carbone. D’après l’étude de l’Afhypac, la demande annuelle d’hydrogène pourrait atteindre environ 220 térawattheures (TWh) à l’horizon 2050 alors qu’elle est aujourd’hui d’environ 36 TWh, soit près de 20 % de la demande d’énergie finale. Elle serait alors portée par le potentiel que pourrait représenter le H2 décarboné dans le secteur des transports, en alimentant près de 18 % du parc des véhicules pour le transport de passagers et de fret, elle pourrait également représenter près de 12 % de la demande de chauffage et d’électricité des ménages et environ 10 % de la demande de chaleur et d’électricité.

Le secteur des transports est sans conteste la vitrine du développement du H2 puisque la filière prévoit quelque 200 000 véhicules électriques à piles combustibles et près de 400 stations d’ici 2028. Les transports lourds tels que les bus ou les camions seront d’ailleurs en première ligne. Un avis également partagé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui, dans une note datée du 3 avril, souligne que cette technologie apporte des « solutions nouvelles » pour les véhicules lourds et garantit « autonomie et disponibilité pour des véhicules utilitaires légers ». L’Ademe précise toutefois qu’une priorité doit être donnée « aux véhicules à usage professionnel, qu’ils soient terrestres, maritimes, fluviaux ou ferroviaires ». Doper l’industrie française C’est l’autre pendant de cette publication : les atouts des solutions H2 pour créer une nouvelle filière industrielle française qui, selon l’étude, pourrait représenter un chiffre d’affaires de 8,5 millions d’euros en 2030 et près de 40 000 emplois. Des chiffres qui pourraient encore augmenter d’ici 2050 si la France, toujours d’après l’étude, se donne les moyens d’exploiter son potentiel en la matière tant dans sa capacité de produire le H2, que dans sa capacité à fabriquer les équipements nécessaires à son exploitation. Un potentiel qui pourrait aussi lui ouvrir de nouvelles opportunités à l’exportation de l’ordre de 6,5 millions d’euros d’ici 2030, particulièrement en Asie, où le marché du H2 a le vent en poupe. La filière hydrogène est confrontée depuis ses débuts prometteurs à la difficulté d’allier potentiel technologique et coût. Cependant, à l’heure de la transition énergétique, portée par des exigences européennes et mondiales de plus en plus strictes, la nécessité d’investir dans des technologies plus sobres en carbone semble en train de convaincre pouvoirs publics, industriels et établissements financiers de donner leurs chances à ces technologies émergentes dont l’hydrogène fait partie. En créant notamment pour elles un cadre réglementaire facilitant leur déploiement à plus grande échelle et permettant l’émergence d’un modèle économique viable. L.I.

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INSTITUTIONS ET ENVIRONNEMENT

FILIÈRE AGRICOLE

La méthanisation à tout bout de champ

INSTITUTIONS ET ENVIRONNEMENT

Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, a dévoilé le 26 mars les quinze conclusions du groupe de travail « méthanisation ». Elles ont pour objectif d’accélérer l’installation d’unités de méthanisation partout en France mais aussi de répondre aux objectifs fixés par le plan climat pour décarboner la production d’électricité. Décryptage.

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arement un sujet ne semble avoir trouvé pareil consensus. C’est du moins l’impression que l’on a lorsque l’on écoute Sébastien Lecornu présenter les résultats du groupe de travail « méthanisation ». Tout juste deux mois après sa mise en place (1er février), tous les acteurs de la filière ont approuvé les propositions faites par le gouvernement français pour accélérer le développement de la méthanisation dans notre pays. Un développement fondamental car étroitement lié à la filière agricole française, qui voit en la méthanisation un moyen régulier de complémenter ses revenus. De nouvelles sources de revenus pour les agriculteurs C’était bien tout l’enjeu de ce groupe de travail : permettre aux agriculteurs de diversifier leurs activités et de trouver de nouvelles sources de revenus sur leurs exploitations. Pour permettre l’intégration de projets qui n’entrent pas dans le cahier des charges des appels d’offres existants, un appel d’offres spécifique sera lancé d’ici l’été. Auront une chance d’être retenus des projets qui permettront d’accroître la production de biogaz sur des sites existants comme la transformation d’une installation de cogénération en installation d’injection dans le réseau ou encore des projets de biométhane porté pour lesquels plusieurs installations de production mutualisent un même point d’injection. L’État s’est également engagé à simplifier les règles de soutien tarifaire avec la création d’un tarif de rachat à guichet ouvert pour les installations de taille moyenne de 500 kW à 1 MW.

Autre engagement, autre enjeu de taille : l’accessibilité au crédit pour la méthanisation agricole fait aujourd’hui clairement défaut. La faute à une grande frilosité des banques face aux garanties apportées jusqu’à présent par ce type de technologie. Un déficit que le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert espère inverser, alors qu’il vient d’annoncer que 100 millions d’euros sur le grand plan d’investissement (GPI) seront consacrés pour financer un fonds de garantie BPI (Banque publique d’investissement) au bénéfice des projets de méthanisation agricole. Le secrétaire d’État a également annoncé, sans toutefois s’avancer sur le délai, qu’une norme spécifique dédiée au digestat serait élaborée ainsi que la possibilité qu’il puisse sortir de son statut de déchet et être reconnu comme un support de valorisation pour les sols. Un coup de pouce pour l’utilisation ou la production du bioGNV ? Dans cette course à la décarbonisation du secteur des transports, le bioGNV a clairement une carte à jouer et les conclusions de groupe de travail semble aller clairement dans ce sens puisqu’un soutien financier devrait être mis en place pour les méthaniseurs qui alimentent les véhicules (bus, camions). La possibilité dans « un avenir proche » d’utiliser le bioGNV dans les engins agricoles a également été relevé, un travail est déjà en cours au niveau européen pour modifier des textes réglementaires s’y référant.

405

+ 14 %

La France compte aujourd’hui 405 installations de méthanisation, dont 230 à la ferme.

La puissance électrique des installations de méthanisation a connu une augmentation de 14 % en 2017.

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INSTITUTIONS ET ENVIRONNEMENT

Créer une filière française d’excellence...… La formation est un enjeu clé pour développer la filière dans notre pays. À ce titre le groupe de travail a annoncé la mise en place d’un plan de formation dédié à l’apprentissage « des bonnes pratiques de la filière » pour l’ensemble des acteurs. À noter que le ministère de l’Agriculture pilotera directement celles destinées au monde agricole. Afin notamment de favoriser le dialogue local et faciliter l’acceptation des projets sur nos territoires, le gouvernement a demandé à tous les acteurs de rédiger une charte structurante permettant d’encadrer l’ensemble des futurs porteurs de projets. L’enjeu, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, est de structurer la filière afin de « permettre à chaque acteur de la chaîne de valeur (investisseurs, porteurs de projets, bureaux d’études, équipementiers, opérateurs) de s’adapter au contexte français multi-intrants et de s’insérer dans un modèle économique pérenne ». L’idée principale étant de rassurer les investisseurs en créant une démarche qualitative offrant des garanties de traçabilité (labels, normes…). Autre outils désormais mis à disposition du grand public cette fois : le portail national de ressources sur la méthanisation. Alimenté par les organisations professionnelles, il permettra de vulgariser et de diffuser des connaissances sur la méthanisation auprès d’un public moins averti. ... pour optimiser au plus vite sa rentabilité Si la structuration de la filière passe par un encadrement des pratiques, elle passe aussi et surtout par la simplification de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Aujourd’hui les délais d’instruction des dossiers sont très – trop - longs comparés à nos voisins européens et pénalisent considérablement l’essor de la filière. L’État s’est donc engagé à réduire les délais d’instruction de 1 an à 6 mois et à augmenter le seuil applicable à l’autorisation ICPE (100 tonnes par jour contre 60 tonnes par jour). Un régime qui sera également étendu à l’ensemble de l’activité de méthanisation ICPE, en plus du régime de déclaration possible pour la méthanisation agricole.

Pour alléger la procédure d’instruction, l’État propose la création d’un guichet unique « méthanisation » afin d’instruire les dossiers réglementaires relatifs aux méthaniseurs mais aussi la simplification de la réglementation « loi sur l’eau ». Désormais les méthaniseurs seront soumis au régime de l’enregistrement où ils ne seront, de fait, plus soumis à l’étude d’impact ni à l’enquête publique. Si l’État espère avec une procédure simplifiée stimuler le développement de la filière, il entend aussi augmenter son potentiel en l’élargissant aux gisements à méthaniser (déchets d’industries agro-alimentaires, bio-déchets, biogaz de décharge, boues de stations d’épuration) et en autorisant leur mélange pour optimiser les performances, avec une vigilance renforcée pour les terres agricoles en cas d’épandage du digestat. À noter que l’utilisation de digestat résultant d’un mélange de boues de stations d’épuration avec des bio-déchets sera soumis à un arrêté préfectoral avec des décisions au cas par cas. Toujours dans cette recherche de potentiel à méthaniser, le gouvernement souhaite généraliser la méthanisation des boues de grandes stations d’épuration (22 % d’entre elles sont méthanisées à ce jour). Un travail va être engagé avec les collectivités pour exploiter au mieux cette manne. Il s’est également engagé à publier d’ici l’été l’arrêté permettant la réfaction des coûts de raccordement des installations de méthanisation au réseau de transport de gaz naturel. Autre annonce phare de ce groupe de travail, la création d’un « droit à l’injection dans les réseaux de gaz naturel dès lors que l’installation de méthanisation se situe à proximité d’un réseau existant pour éviter que des projets ne soient bloqués faute de capacités ». L’État a chargé les gestionnaires de réseaux d’effectuer les investissements nécessaires pour en assurer la faisabilité. Laura Icart

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8 TWh

La production de biométhane injectée dans les réseaux de gaz naturel a doublé en 2017.

de capacités des installations de méthanisation pour fin 2023, pour l’injection dans les réseaux de gaz selon la programmation pluriannuelle de l’énergie.

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INSTITUTIONS ET ENVIRONNEMENT

PROSPECTIVES

Quand le gaz se met au vert Le Syndicat de l’énergie renouvelable (SER) et les opérateurs gaziers de transport et de distribution français (GRDF, GRTgaz, SPEGNN et Teréga) ont publié le 5 avril le troisième opus de leur « Panorama du gaz renouvelable ». Une étude qui confirme le potentiel de la filière d’injection de biométhane et laisse présager de belles perspectives pour les années à venir.

© GRTGAZ VILLOTTE SEBASTIEN

Vue aérienne du site de méthanisation agricole de Bassée Biogaz (Seine-et-Marne), raccordé au réseau de transport GRTgaz.

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018 sera-t-elle l’année du biométhane ? De nombreux signaux nous le laissent penser. Une étude publiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) début février laissait présager un beau potentiel en indiquant que « la France dispose des ressources naturelles et des infrastructures pour pouvoir produire et consommer un gaz 100 % renouvelable en 2050 ». La publication au printemps du « Panorama du gaz renouvelable » vient confirmer cette tendance. Les opérateurs de réseaux gaziers et le SER sont très optimistes et affichent fièrement leur ambition commune de 30 % de gaz renouvelable injecté dans le réseau d’ici à 2030. Et cela alors que le biométhane ne représente aujourd’hui que 0,1 % de la consommation française. On vous explique pourquoi. Une progression constante À la fin de l’année 2017, notre pays comptait 592 unités de production de biogaz dont 44 le valorisent sous forme de biométhane. Si la majorité de la production est utilisée aujourd’hui pour fabriquer de l’électricité et de la chaleur par cogénération, la valorisation en injection dans le réseau voit chaque année sa part augmenter (+ 70 % en 2017). Autorisée seulement depuis fin 2011, l’injection du biométhane dans nos réseaux, bien que jeune et mo-

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deste de surcroît, a révélé pourtant en 2017 un potentiel des plus prometteurs avec 18 nouveaux sites en service et un volume injecté avoisinant les 406 GWh en 2017 contre 215 GWh en 2016 (+ 90 % !), correspondant à la consommation d’environ 34 000 foyers. Des chiffres qui sont encore plus significatifs si l’on tient compte de la capacité maximale annuelle du parc français qui atteint fin 2017 les 682 GWh (+ 66 %). En 2017, si le gaz renouvelable ne représentait que 0,1 % de la consommation de gaz naturel française, « son potentiel est ailleurs » souligne Jean-Louis Bal, président du SER, qui précise qu’avec « 361 projets en file d’attente pour une capacité maximale cumulée de 8 TWh par an, la part du gaz renouvelable dans la consommation française pourrait, d’ici deux à cinq ans, atteindre 2 % ». L’optimisme est donc de rigueur et semble assez logique lorsque l’on sait que la centaine de nouveaux projets déclarés en 2017 a permis d’accroître la capacité de production de biométhane de 3 TWh, soit une augmentation de 60 % par rapport aux projets déclarés en 2016. Une ambition revue à la hausse...… Si le gouvernement français planche actuellement sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui avait fixé un objectif de production pour l’injection de biométhane de 8 TWh en 2023, les opérateurs de


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réseaux et le SER, portés par le dynamisme de la filière et par les récentes prises de position du gouvernement, affichent un nouvel objectif de 60 TWh pour 2028 et de 90 TWh en 2030. Avec près de 70 TWh, la méthanisation sera le principal levier de la production de biométhane, le restant (entre 15 et 20 TWh) sera du gaz renouvelable de synthèse issu de procédés tels que la pyrogazéification ou le power to gas. Des procédés sur lesquels les gaziers misent aussi beaucoup dans les années à venir. …... portée par des usages diversifiés...… C’est la volonté des acteurs de la filière : diversifier les usages afin de maximiser le potentiel du biométhane. À ce titre, la mobilité est particulièrement concernée « puisqu’elle constitue le principal débouché du biométhane », souligne Édouard Sauvage, directeur général de GRDF, qui n’hésite pas rappeler qu’aujourd’hui « un poidslourd sur deux est immatriculé au GNV dans notre pays ». L’offre de stations GNV permet à l’heure actuelle d’approvisionner en carburant bioGNV la flotte française constituée de 16 125 véhicules, dont 1 285 poids lourds et 3 064 bus. Si la PPE a fixé la part du bioGNV dans le GNV à 20 % d’ici 2023, elle atteint déjà 8,7 % en 2017. Les gaziers estiment que cet objectif peut lui aussi être revu à la hausse, pour atteindre 30 % en 2028. Outre la méthanisation, seule technologie véritablement mature aujourd’hui, les acteurs de la filière gazière ont les yeux tournés sur deux technologies qui sont encore en phase d’expérimentation mais qui s’annoncent très prometteuses à moyen et long terme : la pyrogazéification de la biomasse sèche et des combustibles solides de récupération (CSR). Cette filière, dont les premiers projets sont attendus à partir de 2020, aurait selon des études un potentiel de près de 180 TWh en 2050 de gaz renouvelable. Le power to gas, dont la valorisation par injection directe dans le réseau ou après conversion en méthane de synthèse par méthanation, devrait, grâce à ses deux démonstrateurs pilotes (Gryhd et Jupiter 1000), injecter dès cette année de l’hydrogène dans les réseaux, possèderait un potentiel technique avoisinant les 140 TWh, équivalent à celui de la méthanisation. …... et le soutien des pouvoirs publics La filière biométhane bénéficie, depuis 2011, de deux outils économiques majeurs, à savoir un tarif d’achat réglementé et garanti pendant quinze ans pour les producteurs et un système de garanties d’origine assurant la traçabilité du biométhane et permettant sa valorisation auprès du consommateur. Le panorama précise d’ailleurs que 75 % des garanties d’origine ont été utilisées sous forme de bioGNV depuis la création du registre en 2012. En 2017, la filière a connu deux autres mesures favorables à son développement : une réfaction tarifaire sur les coûts de raccordement au réseau de distribution et l’ouverture de l’accès aux stockages souterrains. À cela il faut ajouter les quinze mesures du groupe de travail « méthanisation »

Évolution du potentiel d’injection de biométhane en France 800 682

700 600 500 410

400

406

279

300

215

200 82

100 0

6

30

NC

2014 Nombre de sites

44

26

17

2015

2016

Volume injecté (GWh)

2017

Capacité installée (GWh)

Sources : Ademe, « Panorama du gaz renouvelable » 2017, 2016, 2015.

rendues publiques en mars dernier par le secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Sébastien Lecornu, qui ont fait consensus au près des acteurs et dont les gaziers espèrent qu’elles seront rapidement mise en œuvre. Si aujourd’hui la filière biométhane semble avoir les faveurs des pouvoirs publics pour répondre aux objectifs qu’ils se sont fixés, les acteurs gaziers ont besoin de visibilité sur le long terme. Ils demandent notamment que le tarif d’achat actuel d’injection de biométhane soit maintenu jusqu’à ce que la filière soit jugée suffisamment mature, également la mise en place d’un mécanisme de soutien adapté pour les sites existants souhaitant passer à l’injection ou souhaitant faire de la valorisation mixte, plus encore conforter le système des garanties d’origine, et enfin la filière demande que l’usage du bioGNV soit exonéré de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). En 2017, 90 000 tonnes de CO2 ont été évitées grâce au biométhane. À l’horizon 2050 la filière des gaz renouvelables permettrait d’éviter les émissions de presque 20 millions de tonnes de CO2 par an. Accélérer le développement de la filière biométhane serait donc clairement un atout dans la bataille qu’à lancé la France pour se « décarboner » tout en maintenant une attractivité économique sur ses territoires. Laura Icart

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BUTANE ET PROPANE

GPL

Oryx Énergies, champion d’Afrique

BUTANE ET PROPANE

Depuis quinze ans Oryx Énergies promeut le GPL comme une alternative économique mais aussi un vecteur de développement en Afrique subsaharienne. L’entreprise est aujourd’hui un leader incontesté dans cette partie du monde. Retour sur une success story à l’africaine.

© ORYX

La dernière station d’Oryx Énergies a ouvert le 12 avril en Zambie.

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a multinationale est presque inconnue en Europe, il est pourtant l’un des milliardaires suisses les plus puissants et, surtout, l’un des vendeurs de GPL les plus importants d’Afrique. Jean-Claude Gandur, 69 ans, est le dynamique patron d’AOG (Addax-Oryx Group), qui a fêté ses trente années d’existence début 2018. À ses débuts, en 1987, le groupe est actif dans le négoce pétrolier en Afrique de l’Ouest. Rapidement, il acquiert avec sa filiale Addax Petroleum des parts dans des champs d’huile. L’homme, réputé pour son flair, ne se trompe pas : il produira jusqu’à 150 000 barils par jour rien qu’au Nigeria, où ses activités sont les plus importantes, soit près de 10 % de la production du pays. Après la vente en 2009 de ce fleuron suisse pour 5 milliards de dollars au chinois Sinopec, il réoriente ses activités vers les dérivés de pétrole et l’immobilier. Délesté de son navire amiral Addax Petroleum, il décide en 2012 de reprendre les rennes de son autre filiale, Oryx Énergies, spécialisée dans le stockage et la distribution de lubrifiants, de carburants et de GPL, depuis déjà une petite dizaine d’années, mais avec un succès mitigé. Son objectif : devenir le leader de la distribution de GPL en Afrique, un marché en pleine croissance et où l’utilisation du gaz bouteille est encore peu développée, mis à part dans quelques capitales. Il investit près de 300 millions d’euros, notamment dans le stockage (GPL et de carburant), à Las Palmas (Espagne), en Côte d’Ivoire, en Tanzanie et en Afrique du Sud. Pour la

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distribution du précieux combustible, la filiale d’AOG, devenue depuis membre du comité d’industrie de l’Association mondiale du GPL (WLPGA), s’appuie sur un petit réseau de stations-service qu’elle décide d’étendre. De 187 actuellement, dans 19 pays, elle ambitionne encore d’en ouvrir plus de 200 supplémentaires d’ici 2021. Si le patron d’AOG, connu pour être l’un des plus grands collectionneurs d’antiquités égyptiennes au monde, n’a pas encore atteint ses objectifs en termes de GPL - en 2012, il annonçait une production de 450 000 tonnes d’ici cinq ans -, il n’est pas moins devenu le principal fournisseur sur quelques gros marchés d’Afrique subsaharienne comme le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, la Zambie et l’Afrique du Sud. Secouée par de multiples crises politiques et économiques, la nation arc-en-ciel, première puissance économique du continent, a justement été l’un des pays qui n’a pas tenu ses promesses. Mais avec la fin du mandat du président Jacob Zuma, accusé de corruption, et l’arrivée de l’homme d’affaires milliardaire Cyril Ramaphosa, Jean-Claude Gandur espère des jours meilleurs dans le pays de Nelson Mandela. Quoi qu’il en soit, l’Afrique et son milliard d’habitants (ils seront 2,5 milliards sur le continent en 2050) reste pour lui le continent où il faut investir. « Car, dit-il dans ses rares interviews, quand une famille a abandonné le bois ou le charbon pour le GPL, elle ne revient plus en arrière. » Laura Icart


BUTANE ET PROPANE

PRODUCTION ÉLECTRIQUE

GPL : une solution à la carte pour les zones insulaires À l’heure de la transition énergétique et compte tenu des enjeux de réduction du coût de production et du contenu carbone de l’électricité produite, la question du recours au propane pour la production d’électricité dans les zones non interconnectées (ZNI) françaises a été plusieurs fois évoquée. Face à des contraintes économiques et environnementales bien réelles, le gaz de pétrole liquéfié (GPL) peut-il être une alternative compétitive pour répondre aux besoins spécifiques de ces territoires ?

S

i la France s’est dotée ces dernières années d’outils législatifs pour lutter contre le réchauffement climatique, préserver l’environnement tout en renforçant son indépendance énergétique, la problématique posée par les zones insulaires conduit les pouvoirs publics et les industriels à imaginer les systèmes électriques de demain avec une production moins carbonée et moins polluante tout en assurant la sécurité énergétique et un service économique pour ses habitants. Les enjeux du système électrique des ZNI Très différentes du territoire métropolitain, les ZNI françaises1 présentent des caractéristiques techniques et économiques qui leur sont propres : spécificités climatiques et géographiques, infrastructures limitées, systèmes électriques de petite taille perméables et sensibles aux perturbations. Ces contraintes rendent généralement la production d’électricité plus coûteuse et plus carbonée qu’en métropole. C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a prévu que les ZNI se dotent chacune d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) spécifique. Si la Corse est le premier territoire à avoir adopté sa PPE fin 2015, l’île a été suivie en 2017 par la Guyane, la Réunion, la Guadeloupe et par Mayotte. À l’heure actuelle, seule Mayotte semble avoir évoqué la possibilité de recourir au GPL dans sa production électrique. Quelle place pour le GPL ? Selon une étude2 commanditée par le Comité français du butane et du propane (CFBP) et réalisée par le cabinet d’audit Ernst & Young et associés (décembre 2017) à laquelle Gaz d’aujourd’hui a eu accès, le GPL aurait clairement une carte à jouer dans les ZNI. Les résultats présentent le GPL comme un combustible permettant d’atteindre « des niveaux de coûts attractifs […], favorisant la transition énergétique sur les territoires » et « complémentaire avec le déploiement des EnR ». Un bilan en adéquation avec les prévisions établies par l’Association française du gaz dans son scénario de demande gazière à l’horizon 2030, qui évoquait « la disponibilité

© ISTOCK

Vue aérienne de l’île de Mayotte. des GPL, leur flexibilité et leur facilité d’approvisionnement ». Le GPL pouvant clairement occuper une place de choix dans la production d’électricité en zone insulaire. Le syndicat gazier évaluait même « le taux de pénétration du propane dans la production d’électricité à 15 % à l’horizon 2030 ». Les principaux enseignements de l’étude L’objectif de cette étude était de permettre selon les auteurs « d’identifier dans quelles circonstances le recours au GPL était une alternative compétitive ? ». Ils ont analysé les forces et les faiblesses du GPL par rapport au diesel et au GNL. S’il existe plusieurs projets de production d’électricité à partir de GPL dans le monde (130 unités), ayant recours à des technologies moteur ou turbine, le GPL reste une solution marginale souffrant d’un déficit de notoriété. Les résultats obtenus montrent que le GPL présente tout de même « des atouts qui pourraient le rendre attractif en fonction de la puissance à installer et du type de besoin de production d’électricité ».

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BUTANE ET PROPANE

Production variable

Zones de compétitivité potentielle des différents combustibles étudiés pour la production d’électricité en ZNI

3

Production de base

1

2 20 MW

GNL

4

GPL

diesel

200 MW Source : EY.

Quel positionnement stratégique pour le GPL ? L’étude analyse donc les conditions de compétitivité potentielle du GPL selon quatre zones : petites capacités produisant de manière stable ou variable (zone 1), capacités moyennes (entre 20 MW et 200 MW) fonctionnant en production stable (zone 2), capacités moyennes (entre 20 MW et 200 MW) fonctionnant en production variable (zone 3) et enfin les puissances élevées (supérieures à 200 MW, zone 4). Le GPL apparait comme potentiellement compétitif dans les deux premières zones et comme solution de transition en zone 4. Dans la zone 1, la transportabilité du GPL lui permettrait d’alimenter de petits moyens de production diffus (moteur, micro-turbine) localisés par exemple dans les zones non raccordées au réseau principal. De plus, ces moyens réactifs de par leur taille pourraient couvrir localement les pics de consommation ou venir pallier aux intermittences des énergies renouvelables, sans compter qu’ils offrent un bilan environnemental meilleur que celui du diesel. Toutefois, cette solution GPL (en production de base ou de pointe) ne sera envisageable que si le territoire concerné possède déjà des infrastructures et une chaîne logistique dédiées à d’autres usages du GPL, car les auteurs relèvent que « les volumes en jeu ne devraient pas justifier la construction d’infrastructures ». En zone 2, le GPL pourra être envisagé pour alimenter des systèmes de conversion de type turbine, servant pour une production électrique de base. Les spécificités du territoire devront être étudiées pour déterminer si cette solution est plus compétitive qu’une solution GNL. Elle pourrait a priori l’être car elle permettrait de limiter les Capex (dépenses d’investissement) dans les infrastructures de transport et de stockage, avec un impact environnemental moindre par rapport au diesel.

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En zone 3, c’est une limitation technologique qui rend le GPL moins compétitif que le GNL ou le diesel. En effet, à ces niveaux de puissance, la technologie moteur est privilégiée, or selon l’étude les moteurs GPL sont limités à une puissance unitaire de 10 MW, alors qu’elle est de 20 MW environ pour les deux autres. Enfin, la puissance élevée des projets en zone 4 et les volumes en jeu devraient engendrer des investissements dans des infrastructures de cryogénisation et de regazéification de GNL dédiées et de fait ne devraient pas justifier économiquement l’utilisation du GPL ou du diesel. En revanche, dans certains cas spécifiques, le GPL pourrait être envisagé pour servir de bridge en attendant un futur basculement en alimentation GNL. Les territoires les plus propices Les auteurs ont également réalisé plusieurs études de cas complémentaires afin de mesurer le niveau d’attractivité du GPL dans les ZNI. Pour les sélectionner, ils ont établi une liste de dix critères tels que l’évolution de la demande 20152030 dans les ZNI en GWh, la visibilité du type d’énergie primaire choisi pour les projets de centrales annoncées ou encore la facilité pour la ZNI d’être desservie en GPL. À la lumière des dix critères, les auteurs ont étudié spécifiquement cinq territoires : la Corse, la Guadeloupe, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui ont recueilli un niveau d’attractivité entre « très élevé » et « plutôt élevé ». Ces études de cas ont permis d’établir quantitativement des niveaux de coûts actualisés de l’électricité (LCOE) propre à chaque projet sélectionné et de calculer les émissions de gaz à effet de serre évitées annuellement en comparaison d’un projet diesel ou charbon. Aussi les résultats obtenus montrent que les estimations des LCOE des projets varient entre 157 euros/MWh pour la Corse à 193 euros/MWh pour Mayotte. Ils mettent aussi en évidence « les abattements significatifs d’émissions de CO2 ». En Nouvelle-Calédonie par exemple, la mise en place d’un projet de centrale alimentée au GPL d’une capacité de 180 MW permettrait d’éviter annuellement environ 120 000 tonnes de CO2 par rapport au diesel, et 300 000 par rapport au charbon. Même constat en Polynésie française où la substitution d’un projet de 50 MW alimenté au GPL contre celui existant au fioul permettrait d’éviter 34 000 tonnes de CO2. Les contextes énergétiques de chaque ZNI semblent rendre impossible l’uniformisation d’une seule solution pour produire de l’électricité. Le GPL apparaît comme l’une d’entre elle, qui présente des atouts sur certains territoires et qui à ce titre est une alternative crédible pour contribuer à « décarboner » la production électrique sur les territoires français. Laura Icart 1 Mayotte, Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, les îles du Ponant et de Chausey. 2 « Analyse stratégique du recours au GPL dans la production d’électricité en zones non interconnectées », décembre 2017.


BUTANE ET PROPANE

TERRITOIRE

Au plus près du monde paysan C’est au cœur du Sommiérois, dans le Gard, qu’a été lancé le 13 février dernier le partenariat entre la Fondation GoodPlanet, le réseau Civam (réseau national des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) et le gazier Antargaz Finagaz, portant sur les agricultures durables en Méditerranée et plus particulièrement sur un projet autour de la fertilité des sols. Rencontre.

D

epuis près de dix ans, l’entreprise Antargaz Finagaz est engagée auprès de la Fondation GoodPlanet pour développer des projets agro-écologiques sur le territoire français. Après un projet de boisement pour la protection de captage d’eau en Bretagne, un projet d’agroforesterie dans le Pas-de-Calais et dans le bassin Adour-Garonne, c’est désormais en Occitanie et en Provence-Alpes-Côtes d’Azur que ce quatrième projet dédié aux pratiques agricoles durables a vu le jour. Un projet pour et avec les agriculteurs qui réjouit Antoine Willaume, directeur de la communication d’Antargaz. « Nous avons une affinité particulière avec le monde agricole car nous lui fournissons l’énergie mais nous tenons aussi à valoriser nos territoires et nos terroirs à travers des projets qui font sens », a-t-il confié à Gaz d’aujourd’hui. Préserver les sols méditerranéens C’est l’ambition de ce nouveau projet qui, en s’appuyant sur l’expertise du réseau Civam, doit permettre l’émergence, la mise en pratique et la diffusion de solutions techniques et territoriales destinées à favoriser la préservation de la fertilité des sols en Méditerranée. Un projet d’une durée de trois ans qui s’articulera autour d’actions de formation, de rencontres, de retours d’expériences et de valorisation de pratiques agricoles plus durables. Le 13 février, tous les partenaires du projet étaient réunis pour son lancement officiel. Une journée ponctuée par la visite de deux fermes produisant du compost de déchets verts dans le cadre d’un accord avec la communauté de communes de Sommières qui leur fournit les déchets végétaux des communes environnantes. Ce broyat de végétaux, une fois devenu compost (après neuf à douze mois) leur permettra d’enrichir et d’amender leurs terres. Une cinquantaine d’agriculteurs pourront bénéficier de ce projet qui devrait permettre la valorisation de 20 000 tonnes de déchets verts en trois ans et qui travaillera également à développer d’autres pistes d’amélioration de la fertilité des sols (mise en place de couverts végétaux, agroforesterie…), nous précise Antoine Willaume.

1 question

à Claire Sellier, chargée de projets action carbone solidaire à la Fondation GoodPlanet.

C’est le quatrième projet que vous menez avec Antargaz Finagaz. Expliquez-nous la longévité de ce partenariat.

© GOODPLANET

C’est un partenariat qui a du sens pour nous d’autant plus qu’Antargaz est par son cœur de métier impliqué dans le monde agricole et s’intéresse à ses problématiques. Il s’inscrit dans le prolongement de leur engagement à nos côtés depuis une dizaine d’années. Leur soutien est d’autant plus appréciable que c’est une entreprise qui comprend l’importance de donner du temps à un projet, notamment pour les formations et les temps d’échange entre les différents acteurs impliqués sur le terrain. Nous apprécions de pouvoir travailler avec des entreprises qui n’ont pas un objectif de résultats sur du court terme. Après trois projets d’agroforesterie, celui-ci est résolument tourné vers l’agriculture durable et la valorisation de pratiques agricoles innovantes et plus respectueuses de notre environnement. L.I.

Antargaz Finagaz tournée vers le monde agricole : « C’est un partenariat qui a du sens pour nous. » o

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VIE DE L’AFG

CONVENTION DE L’AFG

Bilan et perspectives gazières

VIE DE L’AFG

Le 14 mars dernier, l’AFG réunissait autour de son nouveau président, Patrick Corbin, 150 personnes dans l’auditorium de la Sacem à Neuilly-sur-Seine, pour sa traditionnelle édition de sa convention annuelle « Bilan et perspectives gazières ». Décryptage.

© GAËL KAZAZ

Les solutions énergétiques dans le logement et la question du stockage ont été débattues lors de la convention 2018.

L

e thème de cette matinée était concentré sur l’évolution de la réglementation et la place offerte au gaz dans ce contexte, avec deux axes forts : le gaz dans le logement et le gaz et la sécurité énergétique. Patrick Corbin a ouvert la séance en soulignant que l’industrie du gaz a beaucoup à offrir à la collectivité pour atteindre les objectifs du plan climat du gouvernement, notamment au travers de trois filières d’excellence défendues et portées à l’AFG. Ces trois filières sont : le développement du biométhane et des gaz renouvelables pour décarboner le mix énergétique français, la montée en puissance de la mobilité terrestre au gaz avec le transport routier de marchandises comme tête de pont, et puis l’usage du GNL carburant marin et fluvial en France dans les ports et les flottes de bateaux et de navires. Le président de l’AFG a insisté sur le fait que ces actions sont indissociables d’une action concertée avec tous les acteurs concernés, que ce soit le monde agricole, le monde du transport de marchandises routier ou maritime et le monde portuaire.

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Table ronde 1

Bilan et perspectives : zoom sur le logement La première table ronde, animée par Thierry Chapuis, délégué général de l’AFG, a été l’occasion de faire un point sur les solutions énergétiques existantes dans le logement. Florence Lievyn, déléguée générale de Coénove, a tout d’abord expliqué que le secteur du logement est clé pour appréhender le secteur énergétique car il dimensionne fortement la pointe énergétique et les besoins en puissance électrique de la France. Les choix faits aujourd’hui seront cruciaux pour demain, a-t-elle précisé, ajoutant qu’il fallait veiller à maintenir de la diversité dans les solutions énergétiques retenues, qui permettrait de répondre aux besoins de puissance fortement dimensionnés par les usages chauffage et à la diversité des bâtiments. Attention aux choix qui excluraient le gaz. Alain Mille, directeur du développement à GRDF, a quant à lui insisté sur le fait que la RT 2012 rééquilibrait l’usage chauffage en énergie et permettait ainsi de rééquilibrer justement le phénomène de pointe en France, qu’il fallait


VIE DE L’AFG

donc réduire les consommations et mettre en place des actions d’efficacité énergétique. L’usage de la chaudière à condensation gaz est plébiscité partout en Europe. Si on généralisait son usage en France, on pourrait atteindre sans difficulté les objectifs de la transition énergétique, soit - 30 % d’énergie en 2030 et - 54 % d’émissions de CO2, toujours en 2030. De son côté, Régis Luttenauer, directeur général de Vaillant Group France (Saunier Duval), est revenu sur les innovations gaz et sur la nécessité de se réinventer, notamment sur un marché de la rénovation où il n’est pas possible d’installer toutes les solutions gaz. À court terme, il a rappelé les trois dimensions de la recherche et développement dans sa société, à savoir : optimiser l’espace existant pour installer une chaudière condensation, la connectivité en travaillant notamment sur le comportement de l’utilisateur et enfin sur le couplage du gaz avec les énergies renouvelables. À moyen terme, à horizon 2050, il a précisé que ses équipes travaillaient également sur la pompe à chaleur gaz. Enfin, Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction au ministère de la Transition écologique et solidaire, a indiqué que le logement est un axe prioritaire du gouvernement et a rappelé les priorités du plan de rénovation énergétique du bâtiment. La première étant de massifier la rénovation des logements, avec notamment l’objectif de rénover annuellement 150 000 passoires énergétiques occupées par des propriétaires modestes mais aussi accélérer la rénovation des bâtiments tertiaires, en particulier dans le parc public, en ciblant les bâtiments du quotidien des Français, enfin d’accompagner l’évolution des compétences de la filière du bâtiment et le développement de l’innovation pour l’essor de solutions industrielles compétitives.

Table ronde 2

La réforme du stockage : les conditions du succès La deuxième table ronde a été l’occasion de faire le point sur la réforme de l’accès des tiers aux stockages qui venait tout juste de se mettre en place avec le déclenchement de la commercialisation aux enchères le 5 mars. Anne-Florie Coron, sous-directrice de la sécurité d’approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques à la direction générale de l’énergie et du climat, a rappelé les grands principes qui ont orienté le cadre réglementaire de cette réforme, à savoir la volonté de garantir la sécurité d’approvisionnement de la France en permettant aux stockages souterrains d’être  remplis. Domitille Bonnefoi, directrice des réseaux à la Commission de régulation de l’énergie (CRE), a rappelé l’action de la CRE qui s’est structurée autour de deux axes : le calcul du revenu autorisé pour les trois opérateurs de stockage que sont Storengy, Teréga et Géométhane et la mise en place des règles de commercialisation pour les enchères. Elle a également rappelé que les opérateurs seraient compensés au travers d’un titre stockage intégré dans le tarif d’utili-

sation des réseaux de transport (connu à partir du 1er avril). Le tarif stockage est défini pour deux ans. Cette période est transitoire. Les autres acteurs présents à cette table ronde ont tous insisté sur le fait que cette réforme était fortement attendue car elle a apporté de la transparence. Nelly Nicolli, directrice commerciale et dispastching à Storengy, a insisté sur le fait que la campagne de commercialisation se déroulait bien avec un niveau de réservations de capacités intéressantes. Pour elle, il faut garder en tête que les stockages sont des outils indispensables à la sécurité énergétique, très sensibles, et qui ne peuvent être réhabilités si on les ferme. Pour Gilles Doyhamboure, responsable du département tarification, économie, régulation chez TIGF, la base d’actif régulée prise en compte par la CRE n’est pas au bon niveau car elle ne prend pas en compte les investissements récents consentis par Teréga pour renforcer la performance des installations. La commercialisation s’est également bien passée pour les stockages du Sud-Ouest, elle a même permis d’attirer de nouveaux acteurs étrangers. Pour Manuel Cabanillas, directeur général France de Gas Natural Fenosa, il faudra être vigilant quant aux contours du filet de sécurité qui pourrait être déclenché si les enchères ne permettent pas d’atteindre le stock minimal fixé par les autorités. Ce filet de sécurité est vécu par les fournisseurs comme une obligation de moyens supplémentaire. Enfin, Thérèse Silva Marion, administratrice au Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité (CLEEE) a exprimé la voix des clients raccordés aux réseaux qui ne sont pas forcément exonérés de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et qui perçoivent dans la construction du tarif stockage, avec la mise en place d’une compensation pour les opérateurs, un risque fort de voir le prix du gaz pour les industriels être renchéri. En résumé, si la première année de campagne de commercialisation avec ce nouveau régime s’est bien déroulée, la nécessité de maintenir un discours et un dialogue entre les acteurs en constituant des organes de concertations dédiés est très fort. Matthieu Orphelin, député La République en marche de Maine-et-Loire, est venu clôturer cette matinée gazière pour évoquer les choix énergétiques de la France et saluer la volonté des acteurs gaziers de fournir à l’horizon 2050 un gaz 100 % vert. Une avancée décisive selon lui dans le verdissement de leur énergie. Madeleine Lafon

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Gaz d’aujourd’hui • n 2-2018 • 39


VIE DE L’AFG

NORMALISATION Brèves • Le BNG a illustré par l’exemple les nombreux cas où les normes contribuent à la fourniture d’outils ou de solutions techniques favorisant une mise en œuvre optimisée du plan climat : www.afgaz.fr/news/climat_bng_2018.htm • Plusieurs nouveaux sujets de travail ont été proposés par la France et acceptés : - spécification du GNL marine - ISO/NP 23306 (animé par Marc Perrin d’Engie) ; - spécification de l’acier pour les réservoirs de GNL à bord des navires - ISO/NP 23430 (animé par Nicolas Laurain de GTT) ; - flexibles GNL - révision de l’EN 1474-2 (animé par Renaud Le Devehat de TechnipFMC). • Le nouveau président français pour l’ISO/TC 67/SC9 sur les équipements et installations GNL est Stéphane Dubois-du-Bellay (Total), en remplacement de Max Nussbaum (Engie).

• Le nouvel arrêté du 23 février 2018 applicable aux installations intérieures de gaz dans les bâtiments et leurs dépendances (refonte de l’arrêté du 2 août 1977 modifié) a été publié au Journal officiel du 4 mars 2018. Les guides d’application du Centre national d’expertise des professionnels de l’énergie gaz (CNPG) qui donneront présomption de conformité aux exigences essentielles de l’arrêté sont en cours d’élaboration. Ils s’appuieront notamment sur le corpus normatif « gaz » selon les principes établis par les pouvoirs publics en application du code de l’environnement. C’est le cas du guide Appareils et matériel gaz qui fournira la liste des normes et autres documents normatifs « produits gaz » gérés par le BNG qui donneront présomption de conformité aux exigences essentielles de l’arrêté. Ce concept reconnait la valeur ajoutée des normes dans le nouveau dispositif réglementaire (applicable au 1er janvier 2020).

• À l’initiative du Bureau de normalisation du gaz (BNG), un groupe de travail est en cours de création au forum sectoriel gaz « utilisations » du Comité européen de normalisation (CEN) pour élaborer un guide de mise en œuvre des exigences essentielles du règlement appareils à gaz 426/2016/UE. Ce guide, destiné aux comités techniques qui élaborent les normes « produit », aux représentants de la Commission européenne et aux consultants CEN « nouvelle approche », facilitera l’harmonisation des normes européennes au règlement. La première réunion du groupe de travail aura lieu le 25 mai 2018, au BNG.

Normes récemment publiées NF EN 15 069, 22 décembre 2017 (publiée le 10 janvier 2018) : dispositifs de raccordement de sécurité pour appareils à usage domestique utilisant les combustibles gazeux et alimentés par tuyau métallique onduleux.

NF EN 12 309, 2 mars 2018 : appareils à sorption fonctionnant au gaz pour le chauffage et/ou le refroidissement de débit calorifique sur PCI inférieur à 70 kW – partie 2 : sécurité.

ISO 20 729, octobre 2017 (1ère édition) : gaz naturel – détermination des composés soufrés – détermination de la teneur en soufre total par la méthode par fluorescence U.V.

NF EN 16 905, 4 avril 2018 : pompes à chaleur à moteur endothermique alimenté en gaz, partie 1 : termes et définitions ; partie 4 : méthodes d’essai.

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