LA REVUE DU GAZ NATUREL, DU BIOMÉTHANE, DU BUTANE ET DU PROPANE ÉDITÉE PAR L’ASSOCIATION FRANÇAISE DU GAZ WWW.AFGAZ.FR
N° 4 2017 / NOVEMBRE-DÉCEMBRE
SPÉCIAL
CONGRÈS DU GAZ 2017 REVUE TRIMESTRIELLE DE L’AFG / ABONNEMENT ANNUEL : 120 EUROS TTC
ÉDITO
C
e dernier numéro de l’année de Gaz d’Aujourd’hui est consacré au Congrès du gaz. Les 19 et 20 septembre dernier, ce sont près de 600 professionnels du secteur gazier mais aussi du monde l’énergie en général qui se sont réunis à Paris pour porter haut la voix du gaz face aux défis énergétiques qui nous attendent. Patrick Corbin, le nouveau président de l’Association Française du Gaz est l’invité de notre Grand Entretien pour nous faire part de ses ambitions pour l’AFG mais aussi de la place incontestable qu’occupera le gaz pour accompagner un secteur énergétique en pleine mutation. Le premier numéro de l’année 2017 était consacré à la mobilité terrestre gaz, un sujet au cœur de l’actualité qui fait aujourd’hui écho auprès des décideurs politiques, sur les territoires notamment. Le Congrès du gaz aura permis de mettre en avant les multiples atouts de notre énergie avec des solutions techniques innovantes, au travers de nos réseaux et équipements intelligents et connectés, mais aussi avec le développement des gaz renouvelables et bien sûr en misant toujours davantage sur plus d’efficacité énergétique. En tant que nouveau délégué général de l’AFG, je souhaite appuyer le développement de solutions et filières industrielles au cœur de la transition énergétique. L’AFG ambitionne de travailler avec le monde agricole pour développer la filière gaz renouvelables et particulièrement le bio-méthane, d’être l’un des acteurs des nouvelles mobilités en industrialisant et aidant au développement la mobilité au gaz. Enfin le travail engagé par l’AFG avec les armateurs, ports et acteurs du secteur maritime et fluvial portera ses fruits et favorisera l’émergence du gaz naturel liquéfié carburant dans les flottes maritimes et fluviales française de demain et de toutes les activités connexes qui dépendent de la présence de bateaux dans nos ports. Je tiens également à remercier mon prédécesseur Georges Bouchard, Jérôme Ferrier ancien président de l’AFG mais aussi tous les permanents de l’AFG. Les uns comme les autres ont contribué à faire progresser la place du gaz en France mais aussi dans le monde. Le congrès de l’Union International du Gaz qui a désigné le 25 octobre la Chine et Madame Li Yalan ancienne élève de l’AFG première présidente de l’UIG en est le symbole. Et enfin un dernier mot pour vous remercier tous de votre présence et de votre participation à ce 125e congrès du gaz qui fût une belle réussite pour notre industrie. Je vous souhaite une bonne lecture
Thierry Chapuis Directeur de la publication
Novembre - décembre spécial Congrès du gaz 2017 La revue du gaz naturel, du biométhane, du butane et du propane
REVUE TRIMESTRIELLE ÉDITÉE PAR : AFG, Association française du gaz 8, rue de l’Hôtel de Ville - 92200 Neuilly-sur-Seine www.afgaz.fr Code Siret : 784854820 00023 Code APE/NAF : 9412Z Président : ����������������������������������������� Patrick Corbin Vice-présidents : ������������������������ Emmanuel Billiard ������������������������������������������Fernando Herrera Castro Trésorier : ����������������������������������������� Joël Pedessac Délégué général : ��������������������������� Thierry Chapuis Directeur de la publication : ���������� Thierry Chapuis Rédactrice en chef : ��������������������� Madeleine Lafon Email : ����������������������������madeleine.lafon@afgaz.fr Rédactrice en chef adjointe : ����������������� Laura Icart Email : ������������������������������������� laura.icart@afgaz.fr
SOMMAIRE #Congrèsgaz2017 Le rendez-vous des parlementaires
Entretien
Patrick Corbin, Président de l’AFG
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Création et maquette : Eric Leuliet pour Pension-complète. Relecture : Pomme Larmoyer. Rédaction : Laura Icart.
Ouverture
Les opinions formulées dans les articles de Gaz d’aujourd’hui sont celles de leurs auteurs. Elles n’engagent en rien la responsabilité de l’AFG.
Discours
© Couverture : Arnaud CAILLOU © Reportage photo : Arnaud CAILLOU ADMINISTRATION DES ABONNEMENTS : AFG Tél. : +33 (0)1 80 21 08 00 Fax : +33 (0)1 80 21 07 96 E-mail : marisa.gomes@afgaz.fr Prix au numéro : 33 euros TTC Abonnement annuel France : 120 euros TTC Abonnement annuel étranger : 120 euros TTC Bulletin d’abonnement : p. 100 RÉGIE PUBLICITAIRE : FRANCE EDITION MULTIMÉDIA 70, avenue Alfred Kastler CS 90014 – 66028 Perpignan cedex sdachez@francedit.com IMPRIMÉE PAR : PURE IMPRESSION™ 451 rue de la Mourre - ZAC Fréjorgues Est 34130 Mauguio (France) Tél. : +33 (0)4 67 15 66 00 Impression et dépôt légal : Novembre/décembre 2017 - N° 4 - XXXXXXXX
p. 4
Jérôme Ferrier, Président de l’AFG
Didier Holleaux, Directeur Général Adjoint, Engie
Table ronde 1
COP 21, 2 ans après
Atelier 1
La transformation digitale : quels enjeux pour le secteur du gaz ?
Atelier 2
Quels acteurs, quelles politiques pour lutter contre la précarité énergétique ?
Atelier 3
Développement du gaz : quels signaux fiscaux ?
Atelier 4
Le transport terrestre : bilan et perspectives
Atelier 5 Atelier 6
Les usages industriels
p. 10
p. 16
p. 22
p. 26
p. 31
p. 35
p. 39
Introduction de la Table ronde 2 Laurent Vivier, Directeur Gaz, Total
Table ronde 2
p. 8
p. 12
La perception du gaz par les consommateurs LISTE DES ANNONCEURS Édition du signe ����������������������������� 3e de couverture ENGIE ��������������������������������������������� 4e de couverture
p. 6
Les perspectives du GNL maritime et fluvial
p. 44
p. 45
Discours
Pierre Gattaz, Président, Medef p.50 ISSN 00 16-5328 Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 1
SOMMAIRE Discours
Carole Delga, Présidente de la région Occitanie
Table ronde 3
Territoires, les nouveaux décideurs
Atelier 7
Quelle Réglementation énergétique pour demain ?
Atelier 8
Comment réussir à injecter de plus en plus de gaz vert ?
p. 52
p. 54
p. 59
p. 64
Atelier 9
Digital, data et technologies émergentes (drones, blockchain,..) : quels enjeux et applications pour les réseaux de gaz ?
Atelier 10
Le stockage souterrain du gaz naturel : une infrastructure d’avenir ?
Atelier 11
Sécurité d’approvisionnement : quelle nouvelle coopération ?
Atelier 12
Le Power-to-gas : un nouvelle voie de valorisation de l’énergie
Table ronde 4
Gaz et électricité, synergies gagnantes
Table ronde 5 L’Europe du Gaz
Discours
Jean-François Carenco, Président, CRE
Clôture
Keisuke Sadamori, Director in charge of Energy Markets and Security, IEA
2 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
p. 68
p. 72
p. 78
p. 83
p. 88
p. 91
p. 95
p. 97
JOUR 1 19 septembre 2017 MATIN
« LE GAZ, UNE ÉNERGIE DE SOCIÉTÉ » APRÈS-MIDI
« LES NOUVEAUX USAGES DU GAZ »
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 3
PANORAMA
#CONGRÈSGAZ2017 Le rendez-vous des parlementaires
Thierry Chapuis, Délégué Général de l’AFG, Fabienne Keller, Sénatrice du Bas-Rhin et Jérôme Ferrier Président de l’AFG devant le stand de l’AFG à expogaz
#DIGITAL
#DEMAINLEGAZ #MÉTHANISATION
#GNV
#SYNERGIE
Jean Claude Girot, président de l’AFGNV, Jerôme Ferrier, président de l’AFG, Julien Aubert député LR 5e circonscription de Vaucluse et Dominique Mockly, Directeur général de TIGF.
#GAZVERT
#INNOVATION
#TERRITOIRES
#BIOGAZ
#GAZIER
#BIOMETHANE #COP21 #DECARBONNER
Stéphanie Kerbarh, députée LREM de la 9ème circonscription de Seine-Maritime et Bruno Lechevin, président de l’ADEME lors du déjeuner organisé par GRTgaz et GRDF, le 20 septembre au Congrès du gaz.
François-Michel Lambert, député LREM de la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône sur le stand de TIGF à Expogaz. 4 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
PANORAMA
Ladislas Poniatowski, sénateur LR de l’Eure lors de son intervention à la table ronde 3 « Territoires, les nouveaux décideurs » au Congrès du Gaz, le 20 septembre.
#GNL #EUROPE
Christophe Bouillon, député de la cinquième circonscription de la Seine-Maritime, également intervenant à l’atelier 8, Edouard Sauvage, Directeur Général de GRDF et Florence Berthelot, Déléguée Générale de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) au déjeuner organisé par GRDF et GRTgaz le 20 septembre au Congrès du Gaz.
#TRANSITIONÉNERGÉTIQUE
#CLIMAT
#STOCKAGE
#MOBILITÉGAZ #COGÉNÉRATION
#POWERTOGAS #GAZ
Florence Lasserre David, députée MODEM de la 5e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, Thierry Chapuis, DG de l’AFG, Pierre Astruc, Secrétaire Général de GRTgaz, Jerôme ferrier, président de l’AFG et Thierry Trouve, DG de GRTgaz.
Aude Luquet, députée MODEM de la 1re circonscription de Seine-et-Marne et Jérôme Ferrier, Président de l’AFG au déjeuner organisé par TIGF le 19 septembre au Congrès du gaz.
Fabienne Keller, sénatrice du Bas Rhin visite le terminal de Fos sur Mer grâce aux lunettes connectées d’Elengy. Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 5
ENTRETIEN
PATRICK CORBIN Nouveau président de l’AFG Élu lors du conseil d’administration de l’AFG le 19 septembre dernier, Patrick Corbin expose à Gaz d’Aujourd’hui sa vision du secteur gazier de deman et ses ambitions pour l’AFG.
« À l’AFG, nous voulons incarner la filière gaz dans ses multiples composantes ! » Vous êtes un gazier depuis longtemps. Quelles sont pour vous les évolutions notables traversées par le gaz depuis la découverte du gisement de Lacq en 1951 ? Première évolution : le gaz en France s’est développé dans un contexte concurrentiel extrêmement sévère. Un contexte lié chez les particuliers au chauffage électrique et chez les industriels au fait que l’électricité est à un prix compétitif. Deuxième évolution : l’industrie gazière a été innovante. Très tôt, elle a développé le GNL, en 1964 avec une première chaîne en Algérie, avec des entreprises qui ont marqué l’histoire, comme GTT, leader sur les cuves de méthaniers. Enfin, la volonté continue de la France de diversifier les ressources pour sécuriser l’approvisionnement qui est une vraie force pour notre pays. Le Congrès du gaz s’est achevé il y a quelques semaines à Paris. Placé sous le signe de la transition énergétique et des territoires, le gaz trouve désormais un écho dans le discours politique mais aussi auprès des pouvoirs publics. Comment l’AFG peut contribuer à le rendre encore plus visible ? L’AFG était à l’origine une association technique. Sa transformation progressive vers une association professionnelle de défense des intérêts de ses membres [sept membres titulaires, trente-trois membres associés et cinq partenaires, NDLR] et de l’industrie gazière en France a été un vrai changement. Nous avons notamment pris position lors du débat sur la transition énergétique avec la publication d’un document intitulé « COP 21, la contribution du gaz pour lutter contre le changement climatique », mais aussi pour les élections présidentielles où l’AFG a publié
6 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
un livre blanc avec les dix propositions de l’industrie gazière à l’attention des candidats. Nous avons la volonté de produire de nouveau une contribution de l’industrie gazière sur le plan énergie climat à l’intention du nouveau gouvernement. Je voudrais d’ailleurs saluer l’action de mon prédécesseur Jérôme Ferrier et de l’AFG pour les actions menées ces quatre dernières années. Quels sont selon vous les grands défis qui attendent l’AFG ces prochaines années ? Le gaz est une énergie d’avenir ! Et nous devons le faire entendre au plus grand nombre ! Nous avons pour les prochaines années trois combats à mener : le premier est de renforcer la place de biométhane dans le mix énergétique. Aujourd’hui, il est inscrit à hauteur de 10 % dans la loi en 2030. Est-ce qu’on peut aller plus loin et plus vite sur ses objectifs ? Le deuxième défi est de faire en sorte que le GNV soit une vraie réalité pour le transport terrestre [transport de marchandises et véhicules de plus de 3,5 tonnes, NDLR]. Le troisième défi est la place du GNL dans le transport maritime. Ce seront nos principales contributions à porter tous ensemble dans le débat avec toutes les parties prenantes. Ces trois objectifs, on ne les atteindra qu’en bonne synergie avec l’ensemble des membres. Il est extrêmement important que les membres contribuent aux différents travaux de l’AFG pour les soutenir. Si l’on répond aux attentes de l’industrie ainsi qu’à leurs propres attentes, nos membres verront que leurs intérêts sont bien défendus et que leur coopération avec notre association est efficiente. À l’AFG, nous voulons incarner la filière gaz dans ses multiples composantes !
ENTRETIEN
PATRICK CORBIN Patrick Corbin est un ancien élève de l’École polytechnique et ingénieur de l’École des mines de Paris. En 1978, il intègre Gaz de France en tant que responsable technique des technologies transport, avant de devenir directeur-adjoint puis directeurGPL du Centre d’études et de recherches où il pilote plusieurs projets de dimension européenne en matière de sécurité des réseaux de transport. En 1997, il est nommé directeur du Centre Alsace en charge des activités de distribution d’électricité et de gaz dans cette région, pour le compte d’EDF GDF Services. En 2001, il est nommé directeur général de CGST Save puis président du directoire de Savelys, filiale d’Engie spécialisée dans le domaine des services énergétiques aux particuliers. En 2009, il est nommé directeur des régions puis directeur exécutif, membre du Comex GRDF où il assume la responsabilité des régions Île-de-France, Ouest, Sud-Ouest et Centre.
L’essor de la mobilité gaz, le développement du gaz renouvelable sur nos territoires ont été l’objet de plusieurs annonces du ministre Nicolas Hulot, dans le cadre notamment du plan climat. Comment l’AFG compte-t-elle accompagner ces mesures ? On a créé une task force pour apporter une contribution gazière au plan climat. Elle doit produire un document d’ici le 1er décembre. La production est une chose, il faut ensuite porter les messages aux bons interlocuteurs et il est important de les porter avec d’autres partenaires. Par exemple, nous pouvons porter des messages concernant le GNV avec la Fédération nationale des transports terrestres (FNTR), nous pouvons porter des messages sur le GNL avec les armateurs ou les ports… L’AFG a tout intérêt à intégrer toutes les parties prenantes pour montrer que le gaz est au service d’un secteur, d’une activité. Plus nous serons transversaux, plus nous auront une crédibilité et une force pour porter des messages d’intérêt général. À ce titre, la pollution de l’air est par exemple un sujet qui nous concerne tous, bien au-delà de l’industrie gazière, mais sur lequel avec le GNV et le GNL nous pouvons apporter des solutions concrètes et disponibles.
L’AFG a publié le 20 septembre un livret : « De COP21 à COP23, des engagements aux actions ». Il répertorie les actions de ses membres pour lutter contre le changement climatique. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Ce nouveau livret met en avant les réponses et les actions concrètes de l’industrie gazière et des membres de l’AFG depuis sa prise de position en décembre 2015, lors de la COP21. L’industrie gazière mondiale a désormais pleinement intégré le défi majeur que représente les émissions fugitives de méthane et les différentes actions qui ont été mises en place par les opérateurs de transports et le réseau de distribution pour mesurer, analyser et surtout réduire ces émissions. Des projets de captage et de stockage de CO2 sont également à l’étude en France. La création en avril 2017 de la plateforme GNL carburant marin et fluvial - une initiative de l’AFG - afin de développer une filière émergente est également une réponse concrète pour promouvoir et renforcer la place du gaz naturel carburant. Enfin, l’essor de la filière de méthanisation, avec plus de trente-cinq sites qui injectent du biométhane sur le territoire français, résultat de la forte mobilisation des acteurs, est une belle réussite.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 7
OUVERTURE
Jérôme Ferrier, président de l’AFG
M
esdames et Messieurs les congressistes, chers amis, c’est un réel plaisir de vous retrouver aujourd’hui. Je crois que la famille gazière avait hâte de se retrouver : voilà quatre ans que nous n’avions pas tenu de congrès. En effet s’était tenu à Paris en juin 2015 le Congrès mondial du gaz : la France avait eu le privilège d’être élue en 2008 pour assurer la présidence de cette organisation internationale. Si la France avait été choisie, ce n’est pas parce qu’elle est un grand pays producteur – sa production est aujourd’hui marginale – ni parce qu’elle est un grand pays consommateur – nous sommes en dessous de la moyenne européenne –, mais parce qu’il est reconnu à la France une histoire gazière. Grâce aux deux grands groupes internationaux que sont Total et Engie, nous bénéficions d’une présence internationale et d’une reconnaissance dans le domaine de l’innovation et de la recherche, qui ont probablement joué dans cette élection. En 2015, le contexte était encore défavorable au gaz, qui continuait à être assimilé aux autres énergies fossiles. Nous avions beaucoup de mal à nous faire entendre et à porter nos différences. Au moment du Congrès mondial du gaz, les discours favorables au gaz comme énergie du futur avaient du mal à passer. Ces messages ont fait face à la même difficulté lors du sommet climatique de décembre 2015, pour lequel nous avions pourtant préparé de nombreux arguments. En 2016, cependant, nous avons commencé à être entendus par les élus, qui ont pesé pour modifier le texte de la loi de transition énergétique après un premier projet très
8 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
tourné vers les énergies renouvelables, l’électricité et l’efficacité énergétique. Dans la loi de transition énergétique, le gaz est reconnu comme une énergie fossile différente. Les carburants alternatifs, dont le gaz et les GPL, sont considérés comme pouvant constituer un complément aux véhicules électriques, dont chacun sait qu’ils ne pourront tout faire avant longtemps. À la fin de l’année 2016, lors du sommet du G20 en Chine, le gaz naturel a été mentionné pour la première fois dans les conclusions : l’une des résolutions indiquait ainsi explicitement que le G20 coopèrerait avec l’industrie gazière, la moins émettrice des industries fossiles. Cette résolution est essentielle, en ce qu’elle marque la reconnaissance du fait que notre rôle sera déterminant dans le cadre de la transition écologique. Cette tendance a été confirmée dans le plan climat de juillet 2017, qui comportait au moins quatre des propositions que nous avions formulées dans le livre blanc que nous avions publié en septembre 2016. Ce document s’était focalisé sur dix propositions d’actions très concrètes et nous avons été satisfaits de retrouver quatre de ces thèmes dans la feuille de route du gouvernement : la rénovation énergétique, la lutte contre la précarité énergétique, la mobilité propre et l’aide à la recherche et à l’innovation. De fait, notre congrès arrive au bon moment, car nous vivons une dynamique forte, tant en France que dans le monde – il restera à convaincre l’Europe et telle sera la tâche de ceux qui nous succèderont. Si le gaz est désormais bien positionné dans le dispositif de la transition écologique, ce positionnement est assis sur quatre piliers, quatre vecteurs de développement, qui seront déclinés pendant les deux journées de notre congrès. Tout d’abord, le climat et le gaz naturel, thème qui fera l’objet de notre première table ronde ce matin. Le gaz est l’allié, le complément naturel des énergies renouvelables. Nous avons aujourd’hui en France treize centrales à cycle combiné au gaz – une quatorzième sera prochainement mise en fonction. Ces centrales ont fonctionné au maximum de leurs capacités au moment des pointes de froid de février, générant un apport de génération d’électricité de 13 % : il s’agit là d’une réelle démonstration de ce que le gaz est en mesure d’apporter en complément. Telle est la raison pour laquelle l’AFG a lancé une task force pour préparer le sommet de Paris du 13 décembre, auquel nous apporterons une contribution. La deuxième thématique est celle du biogaz. Il s’agit d’un élément fondamental, car il correspond à notre composante
OUVERTURE
« Le gaz joue un rôle déterminant pour réduire la pollution et décarboner le système énergétique » durable, qui nous vaut la reconnaissance de notre appartenance aux énergies durables. Certes, il est aujourd’hui modeste : une trentaine de projets sont aujourd’hui en fonctionnement, contre 600 en prévision. Le biogaz représente 1 % de l’apport à l’ensemble des 500 TWh d’une consommation gazière. Nous avons décidé d’accompagner l’objectif de 10 % en 2030 : cet objectif est atteignable, même si les efforts seront importants. Les élus sont derrière nous sur les territoires comme au niveau national, mais il demeure quelques oppositions locales. Le troisième thème porte sur la mobilité, avec le gaz naturel véhicule qui, bien que modeste en France, connaît une tendance très dynamique, avec une soixantaine de stations ouvertes au public. 60 % des villes de plus de 200 000 habitants en France disposent d’une part de leur flotte de bus roulant au gaz naturel. L’objectif est de passer à 180 stations à la fin 2018 et à 250 à l’horizon 2020. La France est en retard par rapport à l’Allemagne et à l’Italie, qui comptent aujourd’hui près de 1 000 stations. Cependant, la couverture du territoire est aujourd’hui suffisante pour lancer le marché du gaz naturel véhicule pour les particuliers. Les pétroliers ont décidé d’accompagner ce mouvement, ce qui a été déterminant, en particulier la position prise par Total. Enfin, la quatrième thématique concerne le gaz naturel liquéfié carburant marin et fluvial, sur lequel tout reste à faire. Personne ne parlait de ce sujet avant 2014, jusqu’aux contraintes imposées par l’Union européenne sur les émissions d’oxyde de soufre dans la zone mer du Nord, Baltique et Manche. Cette restriction a provoqué une vraie prise de conscience de l’importance du gaz naturel liquéfié dans le marin et le fluvial : l’AFG a ainsi créé une plateforme GNL carburant marin et fluvial avec l’ensemble des acteurs concernés. Lancée en avril, cette plateforme compte déjà vingt-huit partenaires, avec des contributeurs financiers, les fournisseurs de gaz, les grands ports, les armateurs et les équipementiers. Les commandes ont basculé sur des pans industriels entiers, à commencer par les croisiéristes : les quatre bateaux de Carnival construits par STX seront au gaz naturel liquéfié. La famille maritime bascule donc sur ce produit, avec des perspectives formidables. J’ajoute une cinquième thématique, incontournable dans un congrès tel que le nôtre : le gaz et l’Europe. Nous considérons que le gaz n’est pas traité par l’Europe comme il devrait l’être, ce qui demeure une problématique forte. L’industrie gazière doit faire face à quelques difficultés,
à commencer par les émissions de méthane. Pendant longtemps, la communauté gazière a eu du mal à communiquer sur ce thème, car il n’existait pas de consensus à son sujet. La situation a évolué, car il n’est plus possible de cacher cette réalité. Il s’agit désormais de faire preuve d’une plus grande transparence et de répondre aux questions. L’Agence de protection de l’environnement américaine a communiqué un document mesurant la contribution du méthane à l’effet de serre : cette contribution est évaluée à 16 %, contre 76 % pour le CO2. Sur les 16 % de contribution du méthane, l’industrie pétrolière et gazière est responsable à hauteur de 10 à 20 %. De fait, l’industrie gazière contribue à hauteur de 1 à 2 % à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre. Chacun sait que la majorité des manifestations de méthane est liée à la déforestation et à l’exploitation agricole. L’innovation par la recherche sera au cœur des futurs développements du gaz, tant dans les domaines traditionnels de la performance et de l’efficacité énergétique que dans les domaines novateurs comme le power to gas, qui permet de gérer l’électricité excédentaire des renouvelables et la réutilisation du CO2 pour produire de l’hydrogène vert et du méthane de synthèse. C’est à ce prix que le gaz sera reconnu comme partie prenante de la transition écologique. J’accueille à présent Didier Holleaux, directeur général adjoint d’Engie, que je remercie pour sa présence parmi nous.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 9
DISCOURS
Didier Holleaux,
directeur général adjoint d’Engie
en charge des Business Unit Elengy, GRDF, GRTgaz, Storengy, Asie-Pacifique, Chine et GTT
M
esdames, Messieurs, chers collègues, chers amis, notre congrès se déroule durant la climate week, ce qui explique que je remplace Isabelle Kocher, qui accompagne le président Macron à New York : je serai donc, ici, son interprète. C’est à la fois un honneur et un plaisir de vous retrouver. Tous les êtres complexes ont trouvé une solution pour allier liberté de mouvement et capacité de résistance aux éléments extérieurs : cette solution est la colonne vertébrale. Il en est de même de notre système énergétique. Nous sommes convaincus que le système gazier est le vecteur qui donne à notre système énergétique à la fois sa souplesse et sa résilience. À ce titre, il est absolument indispensable et nous devons promouvoir son rôle comme complément des énergies renouvelables. En effet, si chacun s’accorde à considérer que nous devons de plus en plus passer aux énergies renouvelables, que nous devons décarboner notre système énergétique, nous estimons que cette colonne vertébrale est indispensable pour soutenir le système. Comment pourrions-nous équilibrer des usages futurs de l’énergie que nous n’imaginons peut-être même pas aujourd’hui et des énergies renouvelables qui, pour l’essentiel, sont intermittentes ? Comment pourrions-nous assurer l’équilibre des réseaux et la stabilité de la fréquence si tout reposait directement sur le réseau électrique et si toutes les énergies s’y déversaient directement sans autre ordre ? Comment faire face avec souplesse, réactivité et sobriété à des consommations d’énergie qui peuvent varier de un à quatre entre l’été et l’hiver sans surdimensionner les infrastructures ?
10 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Nous sommes aujourd’hui au carrefour de ces défis. Pour nous, la transition énergétique dans sa première phase est extrêmement simple : l’ennemi public numéro un est le charbon et le deuxième est le diesel. Dans cette perspective, le gaz joue un rôle déterminant pour réduire la pollution et décarboner le système énergétique. Cette conviction est confirmée par tous les acteurs qui travaillent sérieusement sur le sujet, notamment des ONG comme Greenpeace. La seule façon de décarboner rapidement, dans les décennies à venir, consiste à donner un rôle important au gaz naturel. Dès que nous remplaçons une centrale électrique à charbon par une centrale à gaz, nous économisons entre 30 et 80 % des émissions de CO2. Dès que nous remplaçons un produit pétrolier par du gaz dans les transports, nous réduisons de 25 % les émissions de CO2, de 60 à 90 % celles d’oxydes d’azote (NOx), de 95 % celles de particules fines et la quasi-totalité des émissions d’oxydes de soufre. Telle est la raison pour laquelle Engie promeut activement le GNL carburant pour les transports internationaux et pour le fret maritime et fluvial, et le GNV pour les usages de flottes, les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers. Le gaz naturel est donc dès aujourd’hui une solution bas carbone, bien moins polluante que le charbon et le pétrole, indispensable pour respecter les objectifs de l’accord de Paris et réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre. Mais utiliser le gaz naturel permet également de consolider l’équilibre du système électrique à moindre coût. En effet, les infrastructures gazières sont déjà construites, largement amorties. Elles permettent déjà d’alimenter les clients en eau chaude, en chauffage, pour la mobilité ou les usages industriels. Elles permettent de disposer de centrales électriques pouvant démarrer rapidement. A contrario, toute substitution importante du gaz par des productions électriques directes conduirait à des investissements de réseau considérables, notamment pour la pointe, ceci aux dépens de nos concitoyens qui en paieraient le coût additionnel. Si un scénario électrique, 100 % renouvelable, est techniquement possible, il est aberrant d’un point de vue économique. L’équilibrage du système, d’après les études de l’Ademe et de l’université de Stanford, aboutirait à des surcoûts de l’ordre de 73 % par rapport aux situations alternatives utilisant le gaz naturel comme moyen d’équilibrage, de secours et de complément aux énergies renouvelables. Il faudrait en effet renforcer le système électrique en moyens de production et de stockage et en lignes de transport, ce qui aboutirait à un accroisse-
DISCOURS
« Le gaz joue un rôle déterminant pour réduire la pollution et décarboner le système énergétique » ment de l’énergie gaspillée en période de surplus, avec des risques de défaillance difficiles à couvrir. En tant que gaziers, nous savons qu’une canalisation de bon diamètre couvre facilement entre cinq et vingt fois plus de transport d’énergie qu’une ligne à très haute tension. Le stockage de gaz représente en France de l’ordre de cent à trois cents fois plus que la capacité de stockage électrique. Le rôle du gaz pour minimiser le coût de notre système énergétique est donc essentiel. Cette infrastructure gazière, déjà construite, est adaptable, avec un réseau qui a déjà su se convertir au gaz naturel et qui commence à transporter du gaz vert. Au-delà de son rôle immédiat de stabilisation du système énergétique national et européen, le gaz, de plus en plus vert, permet d’esquisser une solution durable, au-delà des premières décennies de la transition énergétique. Grâce au gaz vert, de nombreux problèmes de déchets qui, jusqu’à présent, ne disposaient pas de solutions, pourraient demain ne plus représenter une charge pour l’environnement, mais une ressource, une opportunité de produire du biogaz, celui-ci devenant une énergie renouvelable, abondante, stockable. Une fois épuré, ce biogaz devient du biométhane, que nous pouvons injecter dans les réseaux, retrouvant dès lors tous les avantages du gaz naturel et son rôle de colonne vertébrale dans la transition énergétique. Chez Engie, nous sommes très optimistes quant au développement du gaz vert. Nous pensons que, dès 2030, les usages de gaz pour le chauffage urbain et les transports pourraient être entièrement couverts par le gaz vert et le biométhane. En 2050, nous pourrions atteindre 70 % des usages et jusqu’à leur intégralité dans la décennie suivante. Nous agissons dans ce but : chacun d’entre vous peut choisir dès aujourd’hui de souscrire chez Engie une nouvelle offre, « Mon gaz vert », permettant de disposer d’une partie de gaz renouvelable dans la fourniture de gaz, avec la possibilité de choisir le lieu de production. Pour atteindre l’objectif de 70 % de gaz vert en 2050, plusieurs générations de biogaz seront nécessaires. Nous sommes déjà très actifs sur la première génération. Le ministre monsieur Hulot est venu visiter notre installation pilote de biogaz de deuxième génération en juin. La troisième génération se profilera peut-être avec la production à partir de micro-algues. Il existe une autre solution, avec le power to gas : Engie est confiante dans le développement futur de l’hydrogène, tant en production de masse qu’à partir des surplus d’électricité actuellement inutilisés lorsque la demande est insuffisante. L’électrolyse, qui permet de produire cet hydrogène, est bien connue dans son principe : il convient d’en
diminuer très significativement les coûts, afin de faire de l’hydrogène le vecteur du développement futur du système gazier. Les gaziers n’ont pas peur de l’hydrogène : nous avons su prendre dans les années 60 le virage du gaz naturel et nous saurons prendre celui de l’hydrogène le moment venu. Pour commencer à promouvoir l’économie de l’hydrogène, notre filiale indépendante GRTgaz soutient le projet « Jupiter 1000 ». Notre autre filiale indépendante, GRDF, soutient le projet « Grhyd » à Dunkerque, qui vise à produire de l’hydrogène avec les excédents d’énergie renouvelable afin de l’injecter dans les réseaux et de produire un carburant pour des bus dédiés. À ce stade, il ne s’agit que d’expérimentations : le potentiel de l’hydrogène est cependant élevé et nous pensons qu’il viendra beaucoup plus tôt que prévu contribuer significativement à résoudre les problèmes de l’intermittence et du stockage de l’électricité et à contribuer à l’économie circulaire à laquelle nous aspirons tous. Dans cette économie, les surplus, les déchets, seront recyclés sous forme d’énergie et contribueront à la structure et à la fiabilité de notre système énergétique. En outre, un gaz 100 % vert sera un produit local, valorisant les territoires, l’activité agricole et réduisant le risque d’approvisionnement extérieur. Il viendra donc à la fois renforcer la sécurité de l’approvisionnement, le développement économique et notre indépendance énergétique. Le gaz est donc le partenaire idéal, moderne, incontournable du solaire, de l’éolien et des autres énergies renouvelables. Mais il est également un contributeur au développement des territoires et à notre indépendance. Substitut aux énergies polluantes dans la production d’électricité et le transport, allié de l’intégration des énergies renouvelables dans le système énergétique et pilier d’un système d’économie circulaire sous forme de gaz vert, le gaz, naturel aujourd’hui et vert demain, n’est pas seulement le moyen de réussir la transition énergétique : il est la colonne vertébrale d’un système énergétique plus sobre et plus harmonieux. Solidement appuyés sur cette conviction, les gaziers que nous sommes doivent sans hésiter revendiquer, face aux marchands d’illusions et leurs scénarios simplistes et irréalistes, que le gaz, essentiellement naturel pour les deux à trois décennies à venir, essentiellement vert pour les décennies suivantes, est et restera cet élément qui fait tenir debout notre système énergétique. Telle est la conviction d’Engie qui, en France et dans le monde, directement et à travers ses filiales, continuera d’œuvrer pour une transition énergétique fiable, économe, où le gaz dispose d’une place de choix.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 11
TABLE RONDE 1
COP 21, deux ans après Participants Hervé Casterman, directeur environnement, Engie. Dominique Mockly, directeur général, TIGF. François-Régis Mouton, président du comité gaz, International Association of Oil and Gas Producers (IOGP). Mel Ydreos, directeur exécutif, Union internationale du gaz (UIG). Table ronde animée par Jean-Philippe Moinet, auteur et chroniqueur.
12 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 1
Présentation Jean-Philippe Moinet Le 12 décembre 2015 fut adopté l’historique accord de Paris pour le climat. Plus de 190 États se sont retrouvés pour proclamer leur intention de limiter activement le réchauffement climatique, en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un mouvement mondial, inédit. Il convenait dès lors de passer des intentions aux actes. Avec les intervenants de cette table ronde, nous ferons en sorte de mesurer les contributions concrètes de l’industrie gazière à cet objectif.
Mel Ydreos
Le rôle des États-Unis dans la ratification Mel Ydreos L’UIG a participé à la COP21 et deux ans plus tard, 167 des 190 parties qui ont signé l’accord de Paris ont ratifié leurs engagements. Bien que les États-Unis quittent l’accord, ils font toujours partie des États qui l’ont ratifié. Il est possible de renégocier l’accord plutôt que de le quitter. Les États-Unis sont l’un des leaders de la réduction des émissions de carbone. Au moment de leur transmission INDC [intended nationally determined contribution, NDLR], ils avaient atteint 50 % de leur objectif, grâce au gaz naturel. En 2016, les émissions de CO2 aux États-Unis ont baissé de 1,7 %, tandis que le PIB augmentait de 1,7 %. En 2005, les émissions de CO2 ont baissé de 2,7 %. De 2005 à 2016, les émissions de CO2 ont été réduites de 14 % sur le territoire américain. Au cours des trois dernières années, les émissions globales de CO2 ont stagné, principalement à cause des États-Unis et de la Chine.
Allier le gaz naturel et les renouvelables François-Régis Mouton L’industrie gazière européenne était présente à la COP21
en 2015, ce qui constituait alors une première, via le stand de GasNaturally dont j’étais à l’époque le président. Cette démarche a été permise par une prise de conscience à la fin des années 2000 : la consommation gazière a fortement chuté entre 2008 et 2014 au sein de l’Union européenne, avec une baisse de plus de 20 % sur la période. À Bruxelles, chaque association gazière menait sa propre activité, sans coordination ni lieu d’échanges. La crise nous a permis d’identifier tant nos enjeux que nos ennemis. Au début des années 2010, nous estimions encore que les énergies renouvelables étaient nos ennemies : une révolution culturelle interne a donc été nécessaire avant d’envisager un renversement des alliances. Désormais, le gaz n’est plus une énergie fossile, mais un allié des renouvelables. Il s’agit d’un changement de paradigme et nous nous devons de le faire valoir aux politiques. Le gaz naturel peut être remplacé dans tous ses usages : dans ce contexte, seules la régulation et la valorisation des avantages du gaz naturel peuvent constituer une solution. Lors de la COP21, une trentaine de délégations sont venues nous rencontrer, car nous avions décidé de promouvoir l’alliance gaz et renouvelables. Dans ce but, nous avons organisé une conférence commune avec le président de Solar Power Europe et le directeur exécutif de Wind Europe. Ce message a été très fortement reçu. Depuis la COP21, nous développons ce dialogue de manière très volontaire du côté des énergies renouvelables, avec des résultats observables dans les propositions législatives. Mi-2016, une enquête sectorielle de la direction générale de la concurrence de la Commission a été menée sur les mécanismes de rémunération de capacité. Nous avons souhaité ajouter un critère CO2 à cette enquête et la Commission a retenu cette proposition. L’alliance entre le gaz et les renouvelables est très positivement perçue par les politiques à Bruxelles, ce qui offre des perspectives favorables, si toutefois cette stratégie d’entente est poursuivie entre les industries gaz, éolien et photovoltaïque.
Un système résilient Hervé Casterman L’ambition de la COP21 était forte, car il s’agissait de trouver une suite au protocole de Kyoto, signé en 1997, qui avait eu le mérite de lancer l’action de lutte contre le changement climatique, mais qui avait mis de côté un certain nombre d’acteurs tels que la Chine, l’Inde et les États-Unis. L’accord de Paris a été un succès, en raison de l’implication des différents acteurs, notamment les émergents et les pays insulaires. Il convient également de saluer l’habileté de la diplomatie française, ainsi que la mobilisation des acteurs non étatiques : ONG, territoires, villes et entreprises. En amont de la COP, un dialogue a associé des patrons de groupes internationaux et des gouvernants, ce qui a permis de constituer des coalitions d’entreprises qui sont intervenues pour faire évoluer les dispositifs règlementaires pour favoriser le déploiement rapide des solutions. L’industrie gazière a participé à des coalitions amont et
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 13
TABLE RONDE 1
François-Régis Mouton aval : l’AFG a ainsi publié une brochure présentant une dizaine d’actions visant à lutter contre le changement climatique. Le premier volet porte sur l’exemplarité de l’industrie elle-même : un certain nombre d’actions présentent ainsi des dispositifs permettant de réduire les émissions de méthane sur le réseau, notamment pour limiter les mises à atmosphère lors de travaux ou pour optimiser le fonctionnement des stations de compression sur un réseau de transport. Une deuxième brochure a été publiée, qui présente la mise en œuvre de ces actions. Le deuxième volet se concentre quant à lui sur les solutions apportées par l’industrie gazière : l’utilisation du gaz permet de lutter contre le changement climatique. Le passage du charbon au gaz constitue l’une de ces solutions, ainsi que les actions sur le gaz carburant et le gaz vert. Le changement climatique est déjà en cours : il sera donc nécessaire de s’y adapter, ce qui suppose des coûts extrêmement élevés. Or, le système gazier est beaucoup plus résilient que le système électrique : réfléchir à un système gazier totalement autonome, capable de fonctionner quand le système électrique est interrompu, constitue une piste de recherche intéressante.
Prendre la mesure de la situation
et des investissements pour réduire les émissions de CO2 et de méthane, mais aussi en se tournant vers les nouvelles applications du gaz, telles que le biométhane ou bien le gaz naturel véhicule. L’objectif est d’inscrire le gaz dans l’économie circulaire. On imagine que le CO2 et l’hydrogène peuvent être combinés dans une problématique de stockage de gaz. Mais, quand on utilise une pile à combustible au méthane, le CO2 qui en sort est propre : pourquoi ne pas l’utiliser à nouveau pour fabriquer du méthane et le réinjecter dans la machine ? Le gaz doit entrer pleinement dans l’industrie et l’économie circulaire. La France avance plus rapidement que les autres grâce à une réelle prise de conscience dans ses territoires ces dernières années. Cependant, du point de vue des technologies, nous sommes en retard : aux États-Unis, le gaz est l’énergie clé dans la transition écologique, tandis que nos modèles restent anciens. L’innovation vient aujourd’hui de l’extérieur et c’est bien cette dynamique-là qu’il faudrait inverser.
Débat De la salle La question insulaire est un sujet, car ces territoires ne sont pas accessibles aux réseaux de gaz. Si, en France, le GPL fait partie du discours de l’AFG, nous l’entendons moins au niveau européen et au niveau international. L’enjeu, pour les îles, est de trouver une alternative à la production d’électricité par le fuel : les centrales au gaz peuvent-elles constituer une réponse ? Mel Ydreos Le GPL jouera un rôle important dans la pénétration des marchés du monde en développement, qui sera suffisamment vaste pour permettre la construction d’infrastructures de gaz naturel. Hervé Casterman Nous allons vers une électrification massive des usages énergétiques un peu partout dans le monde. Il est relative-
Dominique Mockly La COP21 a certes initié une dynamique toujours présente, avec une mobilisation des acteurs privés aux côtés des gouvernements, mais sa mise en œuvre n’est pas assez rapide face à l’ampleur du défi : le climat continue de se dégrader et un certain nombre de pays n’a pas encore basculé. Il y a urgence, il faut agir aujourd’hui et renforcer notre action. Chez TIGF, nous avons réuni l’ensemble de notre innovation pour être un acteur énergétique responsable avec pour objectif de réaliser un bilan environnemental global positif. En misant sur une efficience énergétique accrue et en devenant un incubateur de nouvelles technologies, notre objectif est de réaliser un bilan neutre en carbone en 2020, et positif en 2025. Depuis la COP21, nous avons diminué de 30 % nos émissions de gaz à effet de serre et nous ciblons 60 % de baisse globale de nos émissions en 2020. Cette stratégie est fondée sur des actions sur le réseau Dominique Mockly 14 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 1
ment facile, en effet, de décarboner le secteur de la production d’électricité, notamment au regard de l’évolution rapide des technologies. Cependant, il est nécessaire de tenir compte de la résilience des systèmes, tant dans les îles que dans certaines régions continentales : des réflexions sont à engager pour la complémentarité des différents systèmes énergétiques. De la salle La roadmap 2050 de l’Union européenne envisageait tout d’abord une augmentation de la part du gaz pour produire de l’électricité, avant sa disparition complète dans les années 2035-2040 pour favoriser les énergies renouvelables. Cette vision européenne a-t-elle été infléchie, ou est-il nécessaire de mener une action de lobbying importante pour donner au gaz naturel et au gaz renouvelable toute leur place dans la stratégique énergétique de l’Europe ? François-Régis Mouton L’électrification est toujours considérée comme étant la panacée. Il existe cependant une inflexion, dans le sens où le gaz est davantage vu comme devant d’abord remplacer le charbon. L’inflexion porte davantage sur l’accès à l’énergie et la précarité énergétique : en moyenne et au kilowattheure, l’électricité est trois fois plus chère que le gaz en Europe. L’accès au gaz est donc primordial. Dominique Mockly L’outil économique reste essentiel pour accroître la compétitivité du gaz par rapport aux autres énergies en intégrant le coût du CO2. Tant que nous n’aurons pas de prix du CO2, nous ne réaliserons pas nos objectifs environnementaux. Jean-Philippe Moinet Le gaz peut être vendu comme un substitut au charbon dans certains pays européens et en Chine. Comment les convaincre d’accélérer cette transition ? Hervé Casterman La solution passe par le prix du carbone. Nous militons sur ce sujet depuis des années, car il s’agit de la façon la plus vertueuse de réunir tous les acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique. En Europe, il existe un marché de quotas qui ne donne cependant pas les objectifs attendus. Au niveau international, de grands économistes ont recommandé pour 2020 un prix du CO2 de l’ordre de 40 à 80 dollars la tonne. Nous en sommes encore loin en Europe. Tant que le prix du carbone ne sera pas plus élevé, les producteurs de charbon continueront à l’utiliser. Mel Ydreos Depuis 2009, le taux de réduction des émissions de CO2 en Allemagne est resté plat, ce pays préférant le charbon au gaz naturel et annulant par-là même ses hauts niveaux de déploiement d’énergies renouvelables. Le Canada a introduit un prix national du charbon, mais les provinces peuvent
Hervé Casterman
choisir la tarification du charbon. Certaines provinces plafonnent les échanges, d’autres ont introduit un impôt direct. En novembre dernier, le Premier ministre indien Modi a déclaré que l’Inde allait privilégier l’industrie du gaz, afin de se conformer aux objectifs liés aux changements climatiques, de régler les problèmes de qualité de l’air et d’alléger la pauvreté énergétique. Le président allemand du G20 a affirmé que le G20 s’était entièrement consacré à la production énergétique et qu’il aurait dû considérer les émissions de CO2 de manière plus holistique. Cette année, aux États-Unis, les émissions de CO2 dans le secteur des transports sont supérieures à celles du secteur de la production d’énergie. Dominique Mockly La France et l’Allemagne devraient prendre l’initiative d’un prix plancher du CO2, ce qui aurait un effet entrainant sur les pays limitrophes. Cette solution a fonctionné en Angleterre. Jean-Philippe Moinet Quels que soient les discours étatiques et les systèmes, démocratiques ou non, force est de constater l’émergence d’une logique d’administration locale, avec des pressions issues des habitants. Cette donnée est fondamentale. De la salle Le discours mériterait d’être complété d’un point relatif à l’utilisation du gaz directement chez le client final, ce qui permet de réduire d’autant plus les émissions de CO2. En Europe, il existe 100 millions de chaudières et donc 100 millions d’installations de gaz directement chez le client final. L’utilisation finale du gaz contribue à la décarbonation.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 15
ATELIER 1
La transformation digitale : quels enjeux pour le gaz ? Participants Isabelle Drochon, responsable programme données, GRDF. Catherine Brun, direction système d’information (DSI), GRTgaz. Patrick Alibert, secrétaire général, Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav). Stéphane Gagnat, président OGGA. Mathieu Salmon, directeur général délégué, Alerteo. Atelier animé par Pierre-François Chenu, directeur des relations externes business unit France business to consumer, Engie.
16 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 1
Présentation Pierre-François Chenu Le digital peut susciter des méfiances et le philosophe Eric Sadin parle dans son dernier ouvrage d’une « silicolonisation » du monde et d’un numérique qui nous éloignerait des valeurs humanistes. À notre niveau, celui de l’énergie, on conçoit le rapprochement qui peut se faire entre numérisation et électricité, mais l’exercice est plus complexe s’agissant du gaz. Quoi qu’il en soit, le numérique s’implante dans notre secteur, par trois voies : la voie législative (loi de transition énergétique, sur l’ouverture des données notammen, loi de la république numérique, décrets de mai 2017 sur l’accès aux données de consommation des compteurs, nouvelles directives européennes sur la protection des données) ; la voie des entreprises et des produits connectés ; le client (consommateur, autre entreprise, collectivité locale) et ses usages. Je vous propose un débat en trois temps, suivi d’une discussion avec la salle. Bruno Patino, journaliste, estime que l’on est passé d’un capitalisme de production à un capitalisme de données et que 90 % des données créées par l’humanité l’ont été au cours des deux dernières années. Qu’en faisons-nous dans le domaine du gaz ? Isabelle Drochon, le déploiement des nouveaux compteurs Gazpar a démarré le 1er mai et vous visez à terme 11 millions de boitiers installés. Combien de compteurs fonctionnent déjà, quel type de données collectez-vous et comment circulent-elles ?
Comprendre les données Isabelle Drochon Le déploiement des compteurs communicants a démarré en phase industrielle au 1er mai et nous en sommes à plus de 350 000 compteurs installés. 220 000 d’entre eux communiquent et remontent des données quotidiennes de consommation et peu à peu chaque compteur posé sera communicant, sans délai. Nous atteindrons 700 000 compteurs à la fin de l’année, 2 millions fin 2018 et 11 millions en 2022. Nos compteurs Gazpar remontent des données quotidiennes auprès de GRDF, qui les traite, les met à disposition du consommateur via son espace personnel sur grdf.fr et pourra demain les communiquer à l’ensemble des acteurs que le client aura désigné pour lui apporter des services personnalisés. Pierre-François Chenu Alerteo, est spécialisée dans la collecte de données, pour une clientèle tertiaire principalement. Quel en est le principe ? Mathieu Salmon Notre métier consiste à apporter à nos clients de la visibilité sur leurs données de consommation, dans le gaz comme dans les autres énergies, ce que nous faisons au travers
Isabelle Drochon du portail web Noé, développé dans cette optique. Aujourd’hui, nous relevons plus de 18 000 compteurs par jour, ce qui représente environ 1,5 million de données horaires quotidiennes. Concrètement, nous fournissons sur cette base des solutions de suivi de la consommation. Demain, la collecte impliquera Gazpar, avec des échanges informatiques de données. Pierre-François Chenu GRTgaz collecte chaque jour 28 millions de données sur le gaz et vous avez lancé une plateforme Réseau énergies. Que faites-vous de cette ressource ? Catherine Brun Nous avons ouvert en avril la plateforme Open data réseaux énergies, en liaison avec l’autre transporteur TIGF et avec RTE. Elle est destinée aux territoires, qui sont pour nous des parties prenantes, tandis que nos clients sont ceux qui acheminent le gaz sur les points d’entrée du réseau français, mais aussi des industriels et les distributeurs. Cette plateforme vise à obtenir le point de vue de l’utilisateur de la donnée. En l’occurrence, le territoire veut avant tout disposer d’outils lui permettant de structurer ses projets énergétiques et de bâtir des prévisions. Nous avons ajouté sur cette plateforme des informations sur les projets de biogaz et déchets ménagers résiduels (DMR), ainsi que les stations de GLV. Pierre-François Chenu Faut-il une connaissance spécifique du traitement de données pour utiliser vos outils ? Catherine Brun La plateforme propose plusieurs niveaux de données, suivant le profil de l’utilisateur et l’objet de sa recherche : fichiers de consommation par région, par secteur industriel, présentation de projets, productions de biogaz, etc.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 17
ATELIER 1
Pierre-François Chenu Google traite la donnée comme un capital, dans une logique financière. Quelle est la place de la donnée, pour vous ? Estce un centre de coût ou un centre de bénéfice ? Catherine Brun Pour GRTgaz, la donnée est clairement un capital, à proposer sous forme d’open data, conformément aux règles de régulation. GRTgaz met de nombreuses données à disposition pour aider ses clients à piloter leurs contrats et pour appuyer le développement du marché du gaz. Plusieurs systèmes sont à l’œuvre : Smart GRTgaz, plateforme Transparency, Transaction. Notre parti pris est de mettre des données à disposition. Mathieu Salmon Pierre-François Chenu Qu’en est-il de la protection des données ? Catherine Brun Les données mises à disposition respectent les critères d’ICS (informations commercialement sensibles) et la plateforme ne permet pas d’obtenir d’informations détaillées identifiables. Pierre-François Chenu De manière similaire, GRDF a réussi à réunir 170 acteurs de l’électricité et du gaz pour partager de la data. Isabelle Drochon Effectivement. Précisons qu’il existe trois grandes familles. Celle des données open data, qui sont anonymes et agrégées. Celle des données agrégées à « petite » sensibilité (article 179 de la loi de transition énergétique pour les collectivités locales, données agrégées d’immeubles, etc.). Et celle des données individuelles, extrêmement confidentielles, qui impliquent un accompagnement de la gestion du consentement du client. Pierre-François Chenu 52 % des Français considèrent que les objets connectés sont une menace pour leur vie privée. Isabelle Drochon Le distributeur qui collecte la donnée a deux rôles majeurs : faciliter l’accès à la donnée pour contribuer à la transition énergétique ; en garantir la confidentialité. Les 170 distributeurs électricité et gaz ont considéré qu’ils devaient constituer un guichet unique - l’agence Orée - pour proposer un accès facilité aux données. Il s’agit aussi de proposer un service avant que Google ne s’en empare, pour les gros comme les petits acteurs.
18 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Isabelle Drochon GRDF considère que la donnée n’est qu’un outil au service d’enjeux plus forts : l’efficacité énergétique des territoires, la smart city. Notre rôle de distributeur est de fournir cette donnée le moins cher possible. Les utilisateurs créeront ensuite la valeur et nous sommes dans une approche négociée avec la Commission de régulation de l’énergie d’avoir des prestations « sans surcoût » - finalement, ce sont nos 11 millions de clients qui payent ces services. L’enjeu est crucial en gaz, car la donnée gaz est nécessaire pour que le secteur joue un rôle dans les outils de planification énergétique. Pierre-François Chenu Patrick Alibert, les produits dont vous assurez la maintenance semblent à l’écart de cette logique d’échanges de données. Y a-t-il des initiatives concourant à l’élaboration d’un langage commun ? Patrick Alibert Les sociétés de maintenance, situées au bout de la chaîne, sont en capacité de récupérer les données issues des chaudières connectées mais au travers des applications des fabricants et ils sont très nombreux. C’est pourquoi nous travaillons à déterminer quelles sont les données utiles pour les sociétés de services après vente. Les codes défauts sont bien sûr des données primordiales et à terme notre souhait est de pouvoir utiliser ces informations avec une application unique.
Nouveaux usages autour du gaz Pierre-François Chenu Mathieu Salmon, quels sont les usages nouveaux qui séduisent les clients ? Mathieu Salmon Il s’agit d’anticiper des dysfonctionnements sur les équipements grâce à des algorithmes d’analyse qui fonctionnent de manière automatisée. In fine, le but est de « mieux consommer » : pour ce faire, nous proposons des services de maintenance prédictive, de pilotage des demandes d’intervention, de suivi de la qualité des interventions, etc.
ATELIER 1
Pierre-François Chenu En quoi vos produits sont-ils intéressants pour le gaz ? Mathieu Salmon Rappelons qu’Alerteo n’est pas dans une démarche spécifique au gaz, mais s’intéresse à tous les fluides. Soulignons que GRDF et Isabelle Drochon ont mené un travail collaboratif remarquable pour la mise à disposition des données de consommation. Nos outils analysent ces données en temps réel et détectent automatiquement tout type de dérive (de la fuite d’eau à la consommation de gaz ou d’électricité pour le chauffage en plein été par exemple). Pierre-François Chenu Stéphane Gagnat, vous êtes président d’OGGA, spécialiste du learning machine. Selon un sondage Ifop, seuls 41 % des Français éteignent le chauffage en cas d’absence prolongée. En l’occurrence, vous plaidez pour la diffusion de produits « auto-apprenants ». Stéphane Gagnat OGGA a un champ d’action macro : résidences collectives, bâtiment complet. Dans un monde numérique basé sur des objets connectés, notre but est de favoriser la diffusion des avancées technologiques, par la coopération notamment. Nous avons travaillé avec des bailleurs sociaux et des acteurs du Synasav afin de concevoir une learning machine consensuelle : l’occupant doit « oublier » le concept d’efficacité énergétique. Concrètement, le système apprend, localement – c’est-à-dire sans Internet -, les habitudes d’occupation du logement et identifie ses caractéristiques thermiques, pour devenir un thermostat automatique. Pierre-François Chenu … L’équivalent du Nest de Google, dont les résultats ne sont pas significatifs. Stéphane Gagnat Pour notre part, nous nous adressons à des promoteurs et bailleurs sociaux, à qui nous proposons en complément un compteur d’énergie RT 2012 ainsi qu’une première brique de logement intelligent et connecté. Les bailleurs doivent tirer de l’outil des économies pour leurs occupants et améliorer leurs relations avec les sociétés de maintenance. Pierre-François Chenu Quels sont les services proposés à travers les nouvelles chaudières communicantes ? Patrick Alibert Les informations disponibles sont diverses : température d’eau chaude, température de consigne du chauffage ou information de défaillance, voire la consommation, et pour les entreprises de SAV le type de défaut. On peut envisager également un rappel de l’entretien. Il n’aura jamais été aussi simple de piloter son chauffage de manière intuitive.
Catherine Brun Pierre-François Chenu La profession se transforme : techniciens 3.0, diffusion des chaudières connectées, etc. Quels sont les atouts du dispositif communicant pour les techniciens de maintenance ? Patrick Alibert Les sociétés de maintenance sont déjà entrées dans le numérique avec les outils de mobilité de gestion des clients, de leurs tournées, les modalités de paiement, les valises de combustion. C’est une opportunité pour que le métier termine sa mutation vers un métier 3.0, le web 3.0 étant l’Internet des objets. La relation client sera également plus axée sur les conseils en efficacité énergétique. C’est une opportunité afin de renforcer l’attractivité du métier auprès des jeunes, métier de technicien de maintenance qui ne manque pas d’attraits et d’évolutions possibles. Quant à la place de la maintenance prédictive, elle reste à développer afin de dépasser le premier niveau de dépannage. Pierre-François Chenu GRTgaz fait du prédictif en mesurant les pouvoirs calorifiques. Catherine Brun Dans le transport, nous avons un projet « exploitant 3.0 », dont le but est de prévoir les pannes pour optimiser les maintenances. Nous utilisons la data science pour prévoir les pannes sur matériel. Nous utilisons l’instrumentalisation des réseaux. Aujourd’hui, nous fournissons à nos clients industriels des données de qualité gaz, mais de manière rétroactive. Notre but est de passer à un mode prédictif, pour les aider à adapter leurs process en avance de phase. Pierre-François Chenu Mais le prédictif n’est-il pas un peu intrusif, finalement ?
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 19
ATELIER 1
Patrick Alibert L’acte d’entretien annuel des chaudières est obligatoire. La sécurité de l’installation ne pourra s’apprécier par la connectivité, car la visite d’entretien comporte un nombre important de contrôles visuels sur l’environnement immédiat de la chaudière, la qualité des raccords cuisine, la ventilation, etc. Avec les nouvelles technologies, le client devient acteur de son confort tandis que le technicien prend un rôle d’accompagnement en plus des actes de maintenance ou de réparation.
Patrick Alibert Stéphane Gagnat OGGA est adhérente de la Commission nationale de l’informatique et des liberté (Cnil) et adhérente de la Fédération Internet nouvelle génération, qui préconise que chaque individu soit propriétaire de ses données. La communication de ces données doit se faire en échange d’un service d’intérêt, selon un usage réversible. Nous nous interdisons de faire un usage commercial des données. Localement, notre système peut définir les habitudes de consommation et programmer des alertes.
Impact pour nos entreprises : disruption ou coopétition Pierre-François Chenu J’ai l’impression qu’Alerteo pourrait « uberiser » GRDF en proposant des systèmes utilisant ou non Gazpar et pourquoi pas « uberiser » à l’avenir les entreprises de maintenance. Mathieu Salmon Nous utilisons des données mises à disposition – dans un cadre sécurisé - sur différents portails. Alerteo est rattaché au groupe Hervé - spécialiste de la maintenance et des travaux dans le génie climatique - et lui apporte des outils pour le développement des services de maintenance prédictive et l’enrichissement du BIM (maquette numérique), notamment dans son volet exploitation (Herve Thermique a d’ores et déjà lancé des expérimentations de pilotage des infrastructures et de la maintenance associée, en utilisant les données de consommation en association avec la maquette numérique). Pierre-François Chenu La maintenance prédictive peut-elle remplacer l’intervention des techniciens ?
20 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Pierre-François Chenu GRTgaz a réuni des start-ups pour imaginer un avenir numérique du secteur. Parlez-nous de quelques expériences innovantes… Catherine Brun Les acteurs réunis autour de la thématique de l’utilisation des données de l’énergie au sein des territoires ont promu deux projets innovants : un projet de plateforme d’échanges d’information à destination des collectivités territoriales et un projet de rénovation énergétique de quartier. Pierre-François Chenu Où en est GRDF dans ses réflexions sur la fourniture de gaz ? Isabelle Drochon GRDF a lancé le projet « GRDF Adict », comme « accès aux données individuelles des clients par des tiers ». Cette expérimentation réunit quinze acteurs aux profils différents : outre OGGA et Alerteo, on y trouve EcoCO2 (accompagnement pédagogique à la maîtrise d’énergie), des exploitants de chaufferie (dont l’objectif est l’efficacité de leur parc), Direct Énergie (autour du circuit distributeur-fournisseur) ou encore une start-up, HelloWatt (un comparateur d’offres, qui fait aussi du conseil). Pierre-François Chenu Le modèle des comparateurs d’offres ne risque-t-il pas d’être mis à mal par des accords commerciaux ? Isabelle Drochon Il revient aux acteurs du marché d’organiser la régulation. Nous sommes aussi en contact avec le médiateur national de l’énergie et l’UFC-Que Choisir, qui ont aussi lancé leur comparateur d’offres. GRDF se porte garant de l’accès équitable et confidentiel à la donnée.
ATELIER 1
Débat De la salle Les marchés de l’électricité et du gaz, organisés en places de marché, connaissent des phénomènes de pointe et l’on peut même y trouver des prix négatifs à certains moments. Les fournisseurs peuvent-ils optimiser les fournitures gaz et électricité grâce aux nouvelles technologies ? Catherine Brun Les gisements de traitement des données disponibles à des fins opérationnelles sont considérables et il conviendra pour cela d’associer des experts de la data science et des experts métiers pour « faire parler » les informations au bénéfice du client final – ce qui suppose que ces informations soient véritablement en temps réel. Isabelle Drochon Le réseau de gaz vient en complémentarité du réseau électrique et doit entrer dans la dynamique d’analyse des données au service d’un équilibre global des marchés. La réalité du pilotage énergétique se fera au niveau d’un territoire, dans une logique multi-fluides. Stéphane Gagnat OGGA teste actuellement un appareil qui peut enregistrer les données et créer un historique. Le but est de proposer un outil pour monsieur Tout-le-monde, donc le moins cher possible. En l’occurrence, le coût du nouveau compteur est mutualisé. De la salle Google peut être une menace comme une opportunité, preuve en est son apport gratuit dans le domaine géographique avec Google Maps. Conservons une approche gagnant-gagnant dans ce type de rapports. Monsieur Gagnat, la confidentialité des données s’applique-t-elle à un immeuble sous contrat, ou à chaque particulier ? Madame Brun, GRTgaz fait-elle payer la prédictivité de ses données ? Stéphane Gagnat Nous travaillons de deux manières : directement avec l’utilisateur présent dans le logement, qui peut décider de faire appel à nos services, auquel cas il nous transmet ses données dans un cadre standard ; avec un bailleur qui récupère lui-même des données sur son parc, ces données sont alors agrégées et rendues anonymes, conformément aux recommandations de la Cnil.
Stéphane Gagnat Catherine Brun Les réflexions techniques sont en cours, tout comme le débat sur l’opportunité de faire payer les données prédictives. De la salle Quid de la protection des données et des appareils connectés ? Comment garantir la qualité de la donnée tout au long de la chaîne ? Mathieu Salmon La qualité de la donnée est fondamentale à la qualité des solutions proposées. Il revient aux opérateurs de traitement des données de mettre en œuvre de bons processus de fiabilisation des données. Quant à la protection des données, essentielle à la bonne marche de la filière, la réglementation française oblige à la sécurisation des données sur les serveurs. La sécurisation des données est un domaine évolutif, l’enjeu restant bien de préserver l’anonymat : notre filière a ce savoir-faire. Isabelle Drochon Les données de Gazpar sont cryptées de bout en bout, sans référence aux données d’identification du compteur. En termes de qualité de la donnée, l’enjeu porte sur la normalisation du format des données et la mise en place d’identifiants de référence communs aux différents fluides, électricité, gaz et eau.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 21
ATELIER 2
Quels acteurs, quelles politiques pour lutter contre la précarité énergétique ? Participants
Patrick Bayle, directeur des relations externes, consommateurs et solidarité du marché des particuliers, EDF. Isolde Devalière, chef de projet précarité énergétique, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Vincent Perrault, responsable du programme « Habiter mieux », Agence nationale de l’habitat (Anah). Julien Tognola, sous-directeur des marchés de l’énergie et des affaires sociales, direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Audrey Zermati, directrice stratégie, Effy. Atelier animé par Laura Icart, rédactrice en chef adjointe, Gaz d’aujourd’hui.
22 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 2
Présentation Laura Icart Dans cet atelier, nous allons parler de précarité énergétique : quels acteurs, quelles politiques pour lutter contre un phénomène croissant dans notre pays, puisqu’il concerne près de 12 millions de personnes. Quel visage a la précarité énergétique dans notre pays ?
Le constat de l’ONPE Isolde Devalière Les études réalisées par l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) révèlent que celle-ci possède différentes facettes. En augmentation constante depuis 2006, elle concerne aujourd’hui 20 % des ménages français, ce qui devient préoccupant. La précarité énergétique est une pauvreté exacerbée par un mal-logement ; un inconfort très coûteux pour ceux qui la subissent. Les ménages en précarité énergétique affichent des revenus annuels moyens de 15 000 euros, soit 5 000 euros de moins que les 30 % des ménages les plus pauvres. De surcroît, leur facture énergétique représente 1 600 euros, soit 600 de plus que les trois premiers déciles. La conjonction de différents facteurs (faibles revenus, mauvais équipements de chauffage, usages inadaptés, etc.) explique la situation. Tous les types de ménages sont concernés, mais certaines catégories sont surreprésentées. Les jeunes de moins de 30 ans perçoivent de faibles revenus et résident dans des logements « accessibles » dont la plupart possèdent une qualité thermique laissant à désirer. Les personnes âgées, inactives et/ou seules représentent également une catégorie exposée à la précarité énergétique. Les inactifs conjuguent deux facteurs aggravants : une durée d’occupation du logement importante et de faibles revenus. Les enquêtes nationales « logement » réalisées par l’Insee montrent que nombre de ces ménages déclarent avoir eu froid au cours de l’hiver précédent. Selon le baromètre
Isolde Devalière énergie-info du médiateur national de l’énergie, 71 % des ménages se disent préoccupés par leur facture d’énergie et, ce, malgré une légère baisse des dépenses d’énergie domestique depuis 2013. Cette évolution peut découler de plusieurs facteurs, dont la stabilité des prix de certaines énergies ou l’auto-restriction de la consommation de certains ménages. Sur ce dernier cas, le Secours catholique parle des « pauvres silencieux ». Le parc de logement des ménages en précarité énergétique a bien souvent été construit avant les années 60. Il est chauffé au gaz, au fuel ou à l’électricité. Les logements sont en général de petite taille, étant donné qu’il s’agit souvent de ménages constitués d’une seule personne. Ce mal-logement engendre des conséquences sanitaires (asthme, rhinites, bronchites, moisissures, etc.) qui ne doivent pas être négligées. L’ONPE a été créé dans le cadre de la loi Grenelle 2 de 2012. Il a vocation à : observer le phénomène ; alerter les différents acteurs ; mesurer l’impact des actions lancées ; mener des travaux et études permettant de mieux comprendre ce phénomène de masse ; formuler des recommandations destinées à améliorer les dispositifs en place. Je vous invite à consulter le site de l’ONPE pour vous tenir informés de l’actualité de la précarité énergétique, un phénomène s’aggravant d’année en année.
Comment lutter contre la précarité énergétique Julien Tognola Deux types d’outils sont mobilisés dans la lutte contre la précarité énergétique. Premièrement, des outils d’aide à la rénovation thermique peuvent être activés, pour réduire la consommation des ménages les plus fragiles et ainsi le montant de la facture dont ils doivent s’acquitter. Deuxièmement, des aides au paiement des factures d’énergie existent : les tarifs sociaux de l’énergie (chèque énergie) en expérimentation dans quatre départements. La précarité énergétique résulte de deux facteurs : une consommation plus élevée que le reste de la population et un niveau de revenus souvent faibles. Plusieurs dispositifs de rénovaJulien Tognola Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 23
ATELIER 2
énergie…). Enfin, il convient de sensibiliser les ménages précaires aux dispositifs d’aide à la rénovation thermique. Le chèque énergie sera généralisé en 2018 et son montant sera compris entre 150 et 200 euros à partir de 2019. Laura Icart Le programme « Habiter mieux » est le programme phare de l’Anah. Il a débuté il y a six ans (2011), où en est-on aujourd’hui ?
Vincent Perrault tion des logements sont en place depuis plusieurs années : les dispositifs de l’Anah, le crédit d’impôt transition énergétique, l’éco-prêt à taux zéro, les certificats d’économie d’énergie (tranche précarité), etc. Le 18 septembre, le ministre de la Transition énergétique a annoncé un certain nombre d’aménagements afin d’améliorer l’efficience de ces différents outils. L’objectif est de permettre aux ménages les plus précaires de participer pleinement à la transition énergétique. Par exemple, il est envisagé l’instauration d’une prime renforcée, notamment pour le remplacement d’une vieille chaudière au fuel par une chaudière renouvelable ou une pompe à chaleur. En outre, le crédit d’impôt transition énergétique sera simplifié, pour que les ménages les plus en difficulté perçoivent les sommes plus rapidement. Enfin, la prime de remplacement des véhicules diesel datant d’avant 2006 peut atteindre 2 000 euros. Le chèque énergie a été créé par la loi de transition énergétique. Il a vocation à remplacer les deux types de tarifs sociaux de l’énergie (tarif nécessité pour l’électricité et tarif de solidarité pour le gaz). L’objectif est de proposer un dispositif plus équitable entre les différentes énergies et d’atteindre un plus grand nombre de ménages précaires. Le chèque énergie est basé sur un critère fiscal unique (fichiers fiscaux). Les ménages éligibles reçoivent automatiquement à leur domicile un chèque énergie, pouvant être utilisé pour payer une facture de gaz, de fuel, de bois etc., ou pour financer des travaux de rénovation thermique. Le fournisseur renvoie alors le chèque énergie à l’Agence de services et de paiement, laquelle lui verse une compensation. Le dispositif a été testé dans quatre départements au cours de l’année 2016 et les retours d’expérience sont positifs. En effet, les ménages se sont correctement approprié le chèque énergie et le taux d’utilisation est d’environ 80 %. Toutefois, des améliorations sont possibles. Tout d’abord, l’information des bénéficiaires et des relais doit faire l’objet de toutes les attentions, afin que les ménages potentiellement éligibles puissent être correctement orientés. De plus, les modalités d’usage doivent être simplifiées et diversifiées (utilisation en ligne du chèque
Vincent Perrault Le programme « Habiter mieux » est issu du plan de relance de 2009 et de la loi Grenelle 2 de 2012. Le prochain plan climat comportera un axe important sur la résorption des passoires thermiques, en l’occurrence les logements dont la performance énergétique est comprise entre F et G. Ces derniers renvoient aux ménages les plus fragiles. Cette année, le programme « Habiter mieux » a été élargi aux copropriétés présentant des signes de fragilité, pour y impulser des travaux de rénovation énergétique qui permettront de réduire les coûts pour les collectivités publiques locales ou nationales. Le programme est ajusté en permanence et représente une source d’externalités positives. Son impact économique est important, puisqu’il est à l’origine de plus de 4 milliards d’euros de travaux de rénovation thermique entre 2011 et 2016. Le programme « Habiter mieux » constitue l’un des moteurs de la politique nationale de rénovation énergétique. Le contexte budgétaire des pouvoirs publics nécessite de repenser la mobilisation de tous les acteurs, publics et privés, pour relever le défi collectif du traitement en masse de la rénovation énergétique. Il convient de briser le cloisonnement des politiques publiques entre elles et avec le secteur privé, afin de créer des parcours d’intervention sur le bâti. Le modèle du programme « Habiter mieux », qui a prouvé son efficacité, doit être revu à l’aune du nouveau contexte. Laura Icart Quelles solutions concrètes apporte un fournisseur d’énergie comme EDF à ses clients en situation de précarité énergétique ?
Patrick Bayle 24 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 2
Accompagner, maîtriser, rénover Patrick Bayle La précarité énergétique représente l’une des dimensions d’un problème plus vaste : la précarité. EDF collabore à la lutte contre la précarité énergétique, tout en tenant compte de l’ensemble des problématiques. Sur ses 25 millions de clients, 3 millions sont potentiellement en précarité énergétique. Depuis plus de trente ans, EDF travaille à faire en sorte que les factures d’énergie ne soient pas un élément aggravant les difficultés économiques et sociales des ménages les plus précaires. Les pouvoirs publics élaborent une réglementation destinée à protéger ces populations fragiles et qui doit être respectée par les fournisseurs. Outre ces obligations réglementaires, EDF s’appuie sur trois piliers : l’aide au paiement, l’accompagnement des personnes et la prévention. L’aide au paiement nécessite une collaboration étroite et de confiance avec les acteurs sociaux afin de trouver la solution la mieux adaptée aux ménages en difficultés ; il existe plusieurs dispositifs d’aides au paiement comme les aides fonds solidarité logement, les tarifs sociaux et, demain, le chèque énergie. L’accompagnement des personnes consiste à proposer aux clients en difficulté un « accompagnement énergie » (diagnostic de la situation, aides possibles, diagnostic énergétique, programmes de travaux, etc.). Pour information, plus de 800 000 accompagnements énergie ont été réalisés en 2016. La prévention permet d’aider les personnes à mieux consommer et donc à mieux maîtriser leur consommation d’énergie ou à mieux comprendre leur facture. Dans ce cadre, nous développons des kits MDE (pour « maîtrise de la demande d’énergie ») dédiés. Via nos partenariats, nous participons par ailleurs à des travaux de rénovation énergétique réalisés chez des ménages les plus fragiles. Laura Icart Audrey Zermati, il y a de nombreux acteurs qui agissent pour accompagner les ménages précaires. Beaucoup d’ailleurs sont complémentaires entre eux. Quelles sont les améliorations à apporter pour optimiser cette prise en charge ? La mise en place de certificats d’économie d’énergie (CEE) dédiés à la précarité énergétique va-t-elle dans le sens de cette optimisation selon vous ?
Améliorer la performance énergétique Audrey Zermati La société Effy accompagne les entreprises et les particuliers dans l’amélioration de leur performance énergétique. Pour ces derniers, notre intervention comporte trois phases. Premièrement, nous aidons les particuliers à choisir le bon professionnel et à réaliser les travaux les plus adéquats. Nous les orientons également vers les aides auxquelles ils sont éligibles. Deuxièmement, nous intervenons au moment de la phase de travaux, avec l’offre « pacte énergie solidarité ». Troisièmement, nous sommes présents pendant la phase post-travaux, dans l’accompagnement des usages. Depuis
Audrey Zermati 2013, Effy a fait de la lutte contre la précarité énergétique une priorité. Elle a créé une offre d’isolation des combles perdus à l’intention des ménages éligibles, pour seulement 1 euro. Plus de 30 000 travaux d’isolation des combles perdus ont été réalisés. Ils ont permis de dégager une économie d’énergie de 25 %, ce qui est appréciable. Pour encourager les ménages à lancer des travaux de ce type, il paraît important de les accompagner et de faire preuve de la plus grande pédagogie. En outre, il convient de réduire le reste à charge pour le ménage. C’est tout l’intérêt de proposer une offre à 1 euro. En effet, 85 % de nos clients déclarent que sans cette offre, ils n’auraient pas enclenché de travaux. Enfin, il est important de garantir la qualité des travaux. À cette fin, les professionnels sont contrôlés et évalués par un bureau d’étude indépendant.
Débat De la salle Monsieur Tognola, avez-vous des statistiques sur l’utilisation du chèque énergie ? Pouvez-vous nous communiquer les éléments financiers liés à la généralisation de ce dispositif ? Julien Tognola Le taux d’utilisation du chèque énergie a atteint 80 % lors de la première année d’expérimentation. Peu de chèques énergie ont été utilisés pour financer des travaux. Il est vrai que les ménages concernés sont dans une grande précarité (revenu annuel pour une personne seule inférieur à 7 500 euros) et nous n’avons pas beaucoup communiqué sur ce dispositif. La généralisation du chèque énergie nécessite un effort budgétaire de 150 millions d’euros, ce qui n’est pas anodin vu le contexte.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 25
ATELIER 3
Développement du gaz : quels signaux fiscaux ? Participants Richard Lavergne, référent énergie et climat, membre permanent du Conseil général de l’économie (CGEIET), ministère de l’Économie et des finances. Jacques Percebois, professeur émérite, université de Montpellier. Laurent Yana, direction de la stratégie groupe, Engie. Atelier animé par Jean-Eude Moncomble, secrétaire général, Conseil français de l’énergie (CFE).
26 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 3
Présentation État des lieux
Jacques Percebois Jacques Percebois Il convient de rappeler que la fiscalité, quand elle est établie, relève d’une logique budgétaire et économique et non d’une logique climatique. Aujourd’hui, la montée des préoccupations environnementales modifie ces priorités. En France comme en Europe, cette tendance favorisera le gaz en amont de la filière, dans la production d’électricité, mais pourrait le pénaliser dans les usages. En amont, il est nécessaire d’associer un prix à l’émission de carbone avec un véritable prix du CO2. Le prix actuel est insuffisant : une augmentation sensible du prix du carbone permettrait de générer un effet de substitution et un effet de revenu, ce qui permettrait de financer le renouvellement des équipements. Pour atteindre cet objectif, il convient soit de mettre en place des quotas, soit de fixer un prix plancher du carbone, comme l’ont fait les Anglais. En France, cette option n’a pas été retenue, car les simulations montraient qu’elle risquait de favoriser les importations allemandes : le seul système possible consiste donc à fixer un prix plancher au niveau européen. Or, le poids des centrales à charbon dans le mix énergétique allemand est tel qu’il ne sera pas facile de convaincre notre voisin. Une autre option consisterait à modifier la réglementation. Le « winter package » publié en novembre 2016 par la Commission européenne recommande à terme d’imposer comme émission maximale de CO2 550 grammes par kilowattheure. Ce niveau est intéressant car si le gaz satisfait à ce seuil, tel n’est pas le cas du charbon. La réglementation peut donc faire office de substitut à un prix plancher du carbone. En aval, la structure du prix TTC payé par un consommateur final en électricité se décompose comme suit : 36 % de coût de production, 30 % de coût du réseau et 34 % de taxes. En gaz, cette répartition est respectivement de
42 % pour la fourniture (approvisionnement et commercialisation), 37 % pour la distribution (transport et stockage) et 21 % pour les taxes. L’électricité est donc plus taxée que le gaz pour les ménages. Certains envisagent donc d’accroître la contribution climat énergie (CCE), ce qui permettrait d’éviter une croissance trop soutenue de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui finance les renouvelables. La CCE est aujourd’hui fixée à 30,5 euros par tonne de CO2 : elle devrait monter à 56 euros en 2020 et à 100 ou 140 euros en 2030. Le gaz pourrait donc, dans les usages, être pénalisé par la fiscalité. La réglementation thermique 2012 est plutôt favorable au gaz dans les usages, notamment pour le chauffage, car on raisonne en énergie primaire et non en énergie finale. Si on repasse à l’énergie finale dans la prochaine réglementation comme cela semble envisagé, le gaz serait défavorisé par rapport à l’énergie électrique. Il convient également de mentionner l’utilisation du fuel dans le chauffage, qui reste importante chez les personnes modestes. Les études montrent que les meilleurs systèmes de remplacement des centrales au fuel sont la pompe à chaleur et la chaudière à gaz, devant la chaudière à bois. C’est donc sur la substitution entre le fuel et le gaz dans les usages finaux que devrait porter l’essentiel des efforts dans les prochaines années. Trois éléments me semblent essentiels : les perspectives du gaz sont redevenues bonnes au niveau de la production d’électricité en Europe. Par ailleurs, si la fiscalité est un paramètre important, elle doit être couplée à d’autres mesures, notamment réglementaires. Enfin, le gaz doit se positionner sur les usages les plus performants : GNV, stockage et biogaz.
Fiscalité énergétique en France et en Europe Richard Lavergne La fiscalité énergétique est un sujet complexe, mais qui produit des effets sur les comportements des citoyens, ce qui suppose de diffuser des signaux politiques clairs et cohérents. La fiscalité énergétique repose aujourd’hui sur quatre piliers : la contribution au service public de l’électricité (CSPE), la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE), la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Ces quatre taxes représentent environ 36 milliards d’euros par an : il s’agit de la quatrième source de revenus de l’État. La question de l’équilibre entre les différentes formes d’énergie du point de vue de la fiscalité se pose. Force est de constater que cet équilibre n’existe pas sur le plan du mégawattheure final ou du contenu en CO2, même si cette comparaison est rendue difficile par des usages et des pertes différents, sans compter les exonérations et subventions. Les revenus des pouvoirs publics dépendent des consommations : plus la consommation est élevée, plus les revenus s’accroissent, ce qui pose la question des conséquences des
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 27
ATELIER 3
Vigilance sur le prix du carbone
Richard Lavergne économies d’énergie qui devront être réalisées à l’avenir. Depuis 2014, une composante carbone a été intégrée dans la fiscalité énergétique, à hauteur de 30,5 euros par tonne de CO2 en 2017. Les différents gouvernements ont annoncé et maintenu une trajectoire à long terme, avec une prévision de 100 euros par tonne en 2030 – cette trajectoire pourrait être accélérée à partir de 2022. L’OCDE a réalisé un diagnostic sur la fiscalité énergétique française, en s’interrogeant sur la place de cette fiscalité par rapport à la fiscalité du travail. La France se singularise par le poids des taxes sur le travail, tandis qu’elle s’inscrit dans la moyenne pour les taxes énergétiques. Cette situation génère un désavantage en termes d’investissements et d’innovation. La fiscalité européenne de l’énergie pose également problème, car le prix du quota de CO2 sur le marché EU-ETS (marché européen du carbone) est très faible (7 euros la tonne de CO2). Les pouvoirs publics français souhaitent renforcer ce signal prix, quitte à enlever des quotas ou à établir un prix plancher – ce que l’Allemagne ou d’autres États membres pourraient refuser. Jean-Eude Moncomble La structure de la fiscalité sur l’énergie est-elle très différente en France ? Richard Lavergne La fiscalité énergétique est très encadrée. Deux directives européennes fixent des taux minimums par type de produit. Les écarts ne sont donc pas très significatifs entre les États membres. Une directive européenne, préparée depuis 2011, permettrait d’introduire une composante carbone dans l’ensemble des États membres, comme c’est le cas en France. Cependant, la Pologne et l’Allemagne n’en veulent pas.
28 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Laurent Yana La nécessité d’atteindre la neutralité carbone en 2050 impose d’utiliser l’ensemble des instruments disponibles : la fiscalité en est un d’importance. La politique fiscale applicable aux ménages français recourant au gaz dans ses usages traditionnels, telle qu’elle est définie dans la loi de transition énergétique (LTE), repose sur un dispositif équilibré dans ses principes, donnant aux acteurs une visibilité suffisante pour déclencher les investissements bas carbone. Cependant, il convient de faire preuve de vigilance en ce qui concerne son calendrier et sa cohérence avec les dispositifs européens. Dans ses principes, les consommations finales d’énergies fossiles des ménages sont taxées au prorata de leur contenu carbone, tandis que les consommations finales d’électricité ne le sont pas : en effet, le cadre européen définit le signal de prix carbone au niveau de la production par le dispositif ETS. Or, les prix carbone définis dans la LTE sont en fort décalage avec ceux de l’ETS, ce qui pourrait générer d’importantes distorsions pouvant nuire à l’ensemble du dispositif. L’introduction d’un prix plancher carbone en cohérence avec la fiscalité projetée en France fait face à des obstacles, notamment allemands. Faute de cette mise en concurrence, la position du gaz face à l’électricité serait considérablement dégradée, ce qui pourrait conduire à un basculement massif sur le chauffage électrique et donc à un renforcement de la production en pointe d’électricité à partir d’énergies fossiles. Nous recommandons de réévaluer régulièrement la trajectoire du prix du carbone pour éviter ces distorsions et diminuer la pointe électrique, quitte à rééchelonner le calendrier en fonction du mix des énergies et de la manière de produire la pointe en Europe. L’augmentation des recettes devrait s’accompagner d’une réflexion intégrant pleinement l’apport du gaz dans la transition énergétique : dans un certain nombre de cas, la conversion au gaz apporte un bénéfice immédiat et à moindre coût, tant en termes de réduction de l’empreinte carbone que sur le plan de la santé publique. Il en est ainsi dans la mobilité, avec une réduction importante des émissions. Le biogaz doit également être favorisé et l’usage du gaz dans l’industrie plébiscité en remplacement des autres énergies fossiles. La contribution demandée au client gaz augmentera sensiblement chaque année : il serait souhaitable que la loi étende les domaines dans lesquels est mis en place un financement à partir du compte d’affectation spécial ou les dispositifs incitatifs visant principalement la rénovation dans l’habitat. Dans l’ancien, la fiscalité peut constituer un levier important : les dispositifs actuels ont montré leurs limites.
ATELIER 3
Débat Jean-Eude Moncomble Quelles politiques énergétiques ont été mises en place par les autres pays européens ? Jacques Percebois En dépit d’un marché global, les politiques et les fiscalités sont différentes. L’Allemagne fait face à un problème, avec ses 30 gigawatts de charbon dont il est difficile de sortir. Le Royaume-Uni, qui partait d’une position très libérale, est parvenu à mettre en place un prix plancher du carbone. Une uniformité des politiques énergétiques européennes est aujourd’hui nécessaire. De la salle La CSPE est redistribuée aux systèmes électriques : en neutralisant ce prélèvement, aurions-nous une vision différente de la pression fiscale différenciée entre énergies ? Richard Lavergne La fiscalité énergétique n’a pas qu’une vocation environnementale : il convient de tenir compte par exemple de la péréquation tarifaire ou de la sécurité des approvisionnements. Jacques Percebois Lors du développement des renouvelables, la première idée fut de fixer des prix d’achat garantis relativement rémunérateurs. Ces énergies étant électriques, il était convenu de faire payer leur prix au consommateur d’électricité. Aujourd’hui, la tendance consiste à aller vers une fiscalité fondée sur la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui conduit à cesser d’augmenter la fiscalité CSPE et à élargir la base : indirectement, l’électricité renouvelable serait ainsi financée par les consommateurs de gaz. De la salle Nicolas Hulot a récemment indiqué qu’une prime serait donnée en cas de remplacement d’une chaudière fuel par une chaudière bois. Le gaz n’a pas été cité. Jacques Percebois Le meilleur système pour décarboner dans le chauffage est la pompe à chaleur. Le deuxième est le chauffage à gaz à condensation, avant le bois. Il conviendra donc d’interroger le ministre sur ce sujet. De la salle En 2014, la fiscalité des GNV et bio-GNV a été modifiée : aujourd’hui, ces deux carburants ne sont pas taxés différemment. Est-il envisagé de valoriser les bio-GNV ?
Laurent Yana Richard Lavergne Pour l’instant Bercy ne souhaite pas distinguer les taxes sur ces produits. Les pouvoirs publics sont régulièrement sollicités sur ce sujet : la réflexion est en cours, mais des difficultés techniques existent pour la caractérisation du gaz vert. De la salle Le système de stockage du gaz n’est pas économiquement viable pour les entreprises concernées. Quelles mesures seront prises sur cette question ? Y aura-t-il des dispositions fiscales incitatives ? Richard Lavergne Il existe un projet de loi portant principalement sur l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures en France et permettant la transposition de la directive européenne rejetée par le Conseil d’État. Laurent Yana Ce sujet compte deux aspects : le premier vise à rééquilibrer la régulation des stockages, en permettant que la valeur purement vue du marché, aujourd’hui insuffisante, soit complétée, par une valeur de sécurité d‘approvisionnement qui soit payée par le marché à hauteur du service qu’elle apporte. Le second aspect concerne l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, qui taxe les infrastructures énergétiques à hauteur de leurs capacités et non de leur activité. Certaines infrastructures de gaz ont ainsi été taxées alors même qu’elles avaient été mises sous cocon. De la salle Existe-t-il des subventions tendant à favoriser les énergies carbonées ?
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 29
ATELIER 3
Richard Lavergne L’OCDE a identifié l’an passé 48 milliards d’euros de subventions dommageables à l’environnement en France, soit 2 % du PIB. Il s’agit essentiellement d’exonérations.
Jean-Eude Moncomble Si vous aviez un conseil à donner en matière fiscale sur le gaz, quel serait-il ?
De la salle Quand le gaz est utilisé comme combustible et non comme carburant, il existe une exonération de TICGN pour le biogaz pour les clients industriels. Comment ajouter de la cohérence à ce système ?
Jacques Percebois La première préoccupation des gouvernements est de lutter contre le réchauffement climatique : il est donc nécessaire de militer pour l’instauration d’un vrai prix du carbone. Par ailleurs, il convient de raisonner par usage et non par énergie.
Richard Lavergne L’incohérence est issue d’une difficulté administrative à taxer ce produit : il n’existe pas de taxe carbone au sens pur, car elle est incluse dans la taxe intérieure sur la consommation. Il est donc difficile de faire des exceptions.
Richard Lavergne L’urgence est de remédier au déséquilibre du marché européen de l’énergie. L’Europe n’est pas audible sur le plan fiscal : nous devons donc convaincre nos voisins pour obtenir leur adhésion.
De la salle L’électricité utilisée par les véhicules est taxée à 34 %. Le pétrole utilisé comme carburant est taxé à 80 %. En cas de substitution, le manque à gagner pour l’État sera très important.
Laurent Yana Le gaz apporte des gains immédiats dans certains de ses usages. Le développement du biogaz permet d’envisager un avenir optimiste. La fiscalité a besoin de cohérence et de stabilité.
Jacques Percebois L’impact portera davantage sur les collectivités locales. Il serait nécessaire d’étudier la fiscalité usage par usage et non énergie par énergie. Il est important que le biogaz ne soit pas taxé. Richard Lavergne Les prochaines années verront une mutation profonde de l’économie : les bases d’imposition actuelles seront donc conduites à évoluer substantiellement.
30 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 4
Le transport terrestre : bilan et perspectives Participants Émilie Coquin, responsable affaires publiques et communication, Comité français du butane et du propane (CFBP). Vincent Rousseau, directeur de la mobilité gaz, GRTgaz. Véronique Bel, chef de projet mobilité durable GNV-bioGNV, GRDF. Jean-Philippe Mazet, Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Philippe Bihan, membre du conseil d’administration du réseau Réunir. Atelier animé par Gilles Durand, secrétaire général, Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV).
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 31
ATELIER 4
Présentation Le GPL carburant : une solution disponible et accessible
France leurs modèles GPL. L’annonce de l’État sur la prime à la conversion en est un, puisque les véhicules GPL sont Crit’air 1, qu’ils soient neufs ou d’occasion, même si cette prime ne cible pas directement les solutions gaz. Donner de la visibilité sur le long terme est primordial pour développer l’utilisation des énergies alternatives. Cela peut passer par une communication de l’État qui souligne l’existence de toutes les énergies alternatives. Un tel signal permettrait à la fois d’informer les usagers sur les différentes opportunités et choix en matière de mobilité durable en fonction de leurs besoins, de rassurer les industriels dans leurs choix d’investissement et ainsi de soutenir le développement de toutes les filières alternatives.
Les typologies des marchés du GNV
Émilie Coquin Émilie Coquin Le CFBP est l’association professionnelle qui représente la filière de distribution du butane et du propane, et du GPL en tant que solution de mobilité. Le GPL est en fort développement en Europe et dans le monde : 25 millions de véhicules y roulent au GPL, dont 7,5 millions en Europe. Le nombre d’immatriculations a augmenté de 40 % en cinq ans dans l’Union européenne. Cette solution est de plus en plus plébiscitée par les pouvoirs publics nationaux et locaux pour lutter contre les émissions de CO2 et les polluants atmosphériques, car c’est une solution disponible et accessible au plus grand nombre, qui ne nécessite pas d’investissements publics importants. En France, la filière bénéficie de nombreux atouts, avec une grande disponibilité sur le territoire et en étant une solution économique tant à l’achat qu’à l’usage. Le véhicule GPL est moins cher à l’achat qu’un véhicule diesel et bénéficie d’incitations comme le certificat d’immatriculation gratuit ou à 50 % dans dix régions sur onze. À l’usage, rouler au GPL permet de réduire de 27 % son budget carburant comparé à l’essence. C’est une solution disponible avec un réseau de 1 750 stations réparties sur l’ensemble du territoire. Pour autant, le développement de cette solution a souffert du manque de visibilité face à d’autres énergies alternatives qui ont également besoin de soutien pour se développer. Face aux objectifs de réduction des émissions de CO2 et de polluants atmosphériques, des constructeurs comme Fiat et Dacia se mobilisent en faveur du GPL et de ses atouts écologiques et proposent une gamme de véhicules GPL aux automobilistes français. Il manque toutefois un signal fort de la part des pouvoirs publics en faveur de toutes les solutions alternatives pour inciter les autres constructeurs à commercialiser en
Vincent Rousseau En Europe, on observe la coexistence de deux marchés différents du GNV : d’une part les pays qui prolongent une dynamique initiée il y a plusieurs années sur le segment des véhicules légers (Italie, Allemagne, avec un réseau de stations résolument tourné vers ce segment) et les pays où le GNV se développe de manière très récente sur le segment des véhicules lourds : parmi ces pays, la France présente la dynamique la plus importante en Europe. En termes de réglementation européenne, un mobility package a été lancé le 31 mai dernier dans le but de réviser une dizaine de textes (directives et règlements) propres au transport en Europe. Le premier de ces textes concerne un règlement qui encadre les émissions de CO2 des véhicules légers et des utilitaires, avec un premier projet de révision prévu pour novembre. La version actuelle de ce règlement impose aux constructeurs de respecter une émission maximum de CO2 de 95 g CO2/km d’ici 2020, sous peine de payer des pénalités.. Au-delà de cette date, rien n’a encore été fixé : NGVA (association promouvant le GNV) participe aux débats bruxellois pour souligner la pertinence du gaz pour définir les nouveaux objectifs pour la période 2021-2030. Pour les poids lourds, il n’existe pas aujourd’hui d’objectif de CO2. Un texte prévu pour novembre 2018 qui encadrera les émissions pour ces véhicules.
Vincent Rousseau 32 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 4
De la salle Pourquoi certains pays sont-ils plus axés sur les voitures et d’autres sur les poids lourds ? Vincent Rousseau Ce sont des choix en grande partie impulsés par les constructeurs et de leurs décisions d’investissement pour développer ou non des motorisations GNV : Fiat et Volkswagen ont été à la pointe en la matière, ce qui explique que leur marché domestique (respectivement Italie et Allemagne) sont plus développés qu’ailleurs. Gilles Durand Y a-t-il un outil permettant de visualiser ce réseau de stations ? Vincent Rousseau Une application a été créée afin de dresser une carte du réseau des stations gaz en France, l’objectif étant notamment d’inciter les industriels à investir dans cette solution. Pour fin 2020, la filière s’est assigné un objectif de 250 points d’avitaillement, contre 50 début 2016.
Le bioGNV a le vent en poupe Véronique Bel GRDF est le principal gestionnaire du réseau de distribution en France, qui exploite 200 000 kilomètres de réseau. La promotion de l’usage du gaz naturel et le développement de la mobilité au gaz relèvent de ses missions de service public. L’État a également confié à GRDF la gestion du registre des garanties d’origine. Le biogaz est produit à partir de la fermentation de bio-déchets, qui peuvent être de source agricole ou industrielle, voire être issus de stations d’épuration ou d’ordures ménagères. Épuré pour atteindre la qualité du gaz naturel, ce biogaz devient du biométhane qui, utilisé comme biocarburant, devient du bioGNV. À fin septembre 2017, 38 sites injectent du biométhane dans les réseaux de distribution et de transport de gaz naturel. Les capacités de production représentent la consommation de 2 000 camions roulant en-
Jean-Philippe Mazet tièrement au bioGNV. Plus de 300 projets d’injection correspondant à 7 térawattheures (TWh) de biométhane sont actuellement dans le portefeuille. Nous devrions atteindre une injection de 8 TWh de biométhane en 2023, ce qui est l’objectif de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Les opérateurs de réseaux doivent trouver des solutions pour maximiser l’injection de biométhane dans les réseaux. Les freins sont principalement financiers, les banques étant parfois timides en dépit de la rentabilité de ces projets.
Le GNV et le bioGNV : un atout dans la transition énergétique Jean-Philippe Mazet La Fédération du commerce et de la distribution regroupe la plupart des grands distributeurs alimentaires et des distributeurs spécialisés en France. Pour ces acteurs, la transition énergétique est un enjeu majeur. Pour réduire les émissions de CO2, il s’agit en premier lieu de travailler sur les fluides réfrigérants, l’éclairage des magasins et le transport. Les plateformes logistiques ont été rapprochées des magasins : la grande distribution alimentaire fonctionne selon un système régional. Quant au matériel, son utilisation doit être optimisée. Le GNV et le bioGNV sont les carburants les plus adaptés à nos modèles.
Une démarche citoyenne Philippe Bihan Réunir est le premier réseau de PME de transport de voyageurs en France, réunissant une centaine d’entreprises certifiées Afnor Engagement de service, 7 500 véhicules roulants et 9 000 salariés. La transition énergétique est donc un sujet prioritaire pour nos entreprises qui doivent trouver des solutions alternatives au diesel : le GNV et surtout le bioGNV s’inscrivent naturellement dans cette démarche. À ce titre, il serait intéressant que les prochains appels à projets de l’Ademe se concentrent également sur les véhicules de transport en commun. Véronique Bel Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 33
ATELIER 4
Gilles Durand L’étude de la NGVA Europe précise que 20 % de bioGNV dans le GNV permettrait d’économiser 40 % d’émissions de CO2 sur les véhicules qui utiliseront ce mélange. L’effet de levier est manifeste.
Philippe Bihan
Débat Gilles Durand Le CFBP a réalisé des mesures embarquées sur des véhicules utilisant le GPL. Émilie Coquin En effet. Le premier test a été mené sur une Fiat 500 L (modèle constructeur), ce qui a permis de constater qu’en GPL le véhicule n’émet pratiquement pas d’hydrocarbures, de monoxyde de carbone, de particules et d’oxydes d’azote (NOx), et émet jusqu’à 20 % de CO2 en moins que l’essence. Le même test a été réalisé sur un véhicule équipé en seconde monte : en GPL, même un véhicule Euro 5 répond aux exigences de la norme Euro 6, ce qui démontre les qualités environnementales de ce carburant. Le développement du bioGPL permettra de renforcer ces performances. Jean-Philippe Mazet Il convient d’ajouter l’absence de particules fines et la réduction du bruit, qui sont des avantages lors de l’entrée des véhicules lourds dans les centres-villes. Véronique Bel Le projet « Équilibre », créé par un consortium de transporteurs, vise à mesurer la performance environnementale et la performance économique du GNV. Les premiers résultats, publiés en avril, montrent les très bonnes performances des véhicules gaz, avec trois à quatre fois moins de NOx en fonction des usages et une réduction forte des émissions de CO2. Les pouvoirs publics ont mené un exercice, la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui donne une vision du mix énergétique à l’horizon 2023 avec une trajectoire en nombre de véhicules. Ils ont également anticipé une part de bio dans le GNV : l’objectif indiqué est de 20 % en 2023, contre 6 % aujourd’hui. La tendance devrait permettre d’atteindre cet objectif. En 2023, 3 % des poids lourds rouleront en GNV, contre 10 % en 2030.
34 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Vincent Rousseau L’avantage du gaz est qu’il permet de passer progressivement du tout fossile au tout renouvelable de façon relativement neutre du point de vue des investissements : les véhicules et les stations qui auront été financés en s’appuyant sur le caractère bon marché du gaz fossile (qui au passage permet déjà de gains significatifs en matière d’émission de CO2 par rapport au pétrole) seront compatibles avec une introduction progressive des gaz renouvelables dans le mix gazier. Véronique Bel Le développement du bioGNV bénéficie d’initiatives locales : ainsi, l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) de la région Nouvelle-Aquitaine aidera les stations qui proposent du bioGNV afin que ce dernier affiche le même prix que le GNV, avec du biométhane produit localement. De la salle TIGF a lancé une politique de suppression du diesel sur l’ensemble de son parc transport, ce qui a conduit à lancer un appel d’offres. Or, l’offre est pauvre en France. Comment faire évoluer le marché ? Vincent Rousseau Certains constructeurs disposent de véhicules mais ne les proposent pas en France car les stations y sont encore trop peu nombreuses. Dans le cadre de d’un récent appel d’offres pour le renouvellement des véhicules de la flotte de GRTgaz, nous avons reçu des propositions de constructeurs allemands pour des modèles GNV, ce qui n’a pas été le cas par le passé, signe que les choses évoluent aussi sur ce segment. Véronique Bel Les constructeurs attendent de la visibilité sur le développement du marché en France pour proposer des véhicules qui existent ailleurs en Europe. Le développement des stations GNV sur le territoire devrait permettre d’améliorer la situation. Émilie Coquin L’offre commerciale du GPL n’est pas aussi forte en France qu’en Europe. Les constructeurs français fabriquent des véhicules GPL et les commercialisent dans tous les pays, mais pas – ou peu – en France. D’où l’importance du signal donné par les pouvoirs publics pour inciter les constructeurs à commercialiser leur gamme GPL sur le territoire français.
ATELIER 5
La perception du gaz par les utilisateurs Participants Philippe Angoustures, associé énergie et économie numérique, PMP Conseil. Roland Bouquet, président régional, Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav) Rhône-Alpes. Frédérique Coffre, directrice générale des services, médiateur de l’énergie. Marie Fresnel, chef de pôle communication à la direction du développement, GRDF. Atelier animé par Joël Pedessac, délégué général, Comité français du butane et du propane (CFBP).
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 35
ATELIER 5
Présentation
cinquante ans encore ni que le gaz renouvelable existe. Nous devons accentuer notre message sur trois atouts phares : le confort, le multi-usages (cuisine, chauffage, nouveaux usages, couplage avec le solaire, etc.), sa compétitivité.
La vision du médiateur national de l’énergie
Marie Fresnel
Synthèse d’enquêtes de perception du gaz Marie Fresnel Nous avons compilé les résultats de différentes études de perception des utilisateurs du gaz. Selon une étude du Credoc, 29 % des Français choisiraient le gaz naturel s’ils avaient la possibilité de choisir leur énergie sans contrainte. C’est une amélioration d’un point, juste devant l’électricité (28 %, + 2 points) et le bois. Le gaz reste l’énergie préférée des Français. Opinionway a révélé que 72 % des Français ont une bonne image du gaz naturel. Cette bonne image est meilleure (87 %) chez nos clients, qui recommandent cette énergie à 79 %. L’image est cependant plus faible sur certaines cibles : les femmes, les jeunes de moins de 35 ans. Il ressort des enquêtes que le gaz naturel est une énergie pratique, facile à utiliser. Son image progresse, mais les usages et avantages de l’électricité sont mieux connus. Pour l’eau chaude, l’énergie solaire est plébiscitée cette année. S’agissant des idées reçues, la question de la sécurité reste prégnante : 16 % des Français associent gaz à danger (fuites, explosion, intoxications, etc.). En particulier, l’odeur particulière du gaz qui alerte et la matérialisation du gaz via des flammes visibles sont sources d’inquiétude. Pour autant, les clients ont conscience qu’une bonne installation et une bonne maintenance sont un gage de sécurité. Rappelons que le nombre d’accidents domestiques en gaz est bien plus faible qu’en électricité. 11 % des Français associent le gaz naturel à un prix élevé : c’est la raison majeure des résiliations au gaz. L’empilement des prix (prix à l’installation, puis à l’usage, à la maintenance) semble constituer un frein important. Le gaz apparaît aussi comme une énergie du passé, alors qu’il existe des solutions high-tech : 46 % estiment que le gaz naturel est une énergie d’avenir, contre 69 % pour l’électricité. C’est aussi une énergie jugée éphémère et le grand public ne sait pas que nous avons identifié des réserves pour deux cent
36 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Frédérique Coffre Le médiateur national de l’énergie est une autorité publique indépendante qui a onze ans. Les questions de pédagogie et d’information sur les énergies font partie de ses missions, en plus de gérer les litiges entre consommateurs et fournisseurs. Depuis août 2015, notre champ de compétences a été élargi, pour couvrir désormais toutes les énergies de consommation et plus uniquement l’électricité et le gaz naturel. Le baromètre énergie-info, consacré à la connaissance de l’ouverture des marchés, montre que la population qui utilise le gaz naturel est plutôt âgée et urbaine. Ce marché est plus ouvert que celui de l’électricité, avec la moitié des clients qui ont quitté les tarifs réglementés. Enfin, les consommateurs de gaz naturel sont mieux informés sur leurs droits au changement de fournisseur et les modalités afférentes. Le taux de litiges du gaz naturel est un peu plus élevé que celui de l’électricité (un tiers des litiges de 2016, pour un quart des compteurs) et la typologie des dossiers traités est classique : facturation, paiements/règlements, pratiques commerciales, suspensions de fourniture, etc. Le marché du gaz étant plus ouvert, plus dynamique (plus d’information sur les prix, campagnes commerciales « achats groupés », changements de prix plus fréquents, etc.), les clients gaz sont plus attentifs à leurs factures, ce qui contribue à expliquer ce taux de litiges plus élevé. Quoi qu’il en soit, certains litiges sont spécifiques au gaz naturel : répartition des consommations avant et après un changement de prix (les compteurs communicants doivent y remédier, grâce à un index télé-relevé lors des dates de changement de prix) ; manque de conseil sur les options tarifaires ; erreurs de coefficient de conversion ; problèmes liés à des délégations de paiement pour les contrats de vente de gaz réparti (VGR), etc. Nous instruisons très peu de litiges touchant aux aspects de sécurité et le GPL (2 % des litiges) est un sujet plus récent, donc moins connu – les sujets problématiques concernent les fins de contrat et la comparabilité des prix. Le Conseil d’État a récemment jugé que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel étaient contraires au droit européen de la concurrence et leur suppression est prévisible. Aujourd’hui, plus de 5 millions de contrats résidentiels sont concernés. Tous les acteurs de la filière devront accompagner les consommateurs dans ce processus de sortie.
ATELIER 5
Le point de vue des installateurs Roland Bouquet Le Synasav regroupe les entreprises de la maintenance chez les particuliers et mon témoignage a essentiellement une dimension terrain. Je dirige une entreprise de 20 personnes, dont 15 techniciens chargés de l’entretien des chaudières de nos clients. Au global, le Synasav représente 12 millions de chaudières entretenues chaque année, dont 6 millions sous contrat d’entretien. Effectivement, des idées reçues perdurent sur le gaz, certaines étonnantes – « la France achète le gaz de Poutine », alors que seulement 11 % du gaz provient de Russie. Le prix est un sujet de discussion majeur et je pense que la forte augmentation du tarif réglementé (+ 80 % entre 2005 et 2012) y est pour beaucoup, même si le prix affiche une baisse de 15 % depuis 2013. Nos techniciens – que nous formons à une « culture gaz », via des partenariats avec GRDF notamment - nous rapportent aussi que nos clients ne connaissent pas le biogaz. Sur le plan technologique, les clients estiment qu’à part la chaudière à condensation, qui a plus de dix ans, le secteur souffre d’un manque d’innovation. Nous devons renouveler nos matériels : micro-cogénération (autoconsommation de la production d’électricité), biogaz et gain énergétique (mise en avant de la logique circulaire), etc. Joël Pedessac La notion du coût de l’énergie est un enjeu, mais vos techniciens ne semblent pas remonter d’éléments de perception négative sur la sécurité. Peut-être le prisme des médias, autour d’accidents exceptionnels, est-il en cause.
Perspectives Philippe Angoustures Je vais pour ma part vous parler du rapport des utilisateurs aux acteurs du gaz, selon trois volets touchant au digital. Le digital permet aux acteurs d’améliorer l’expérience usager. Les acteurs du champ concurrentiel de l’énergie recourent à quatre leviers principaux pour se différentier : le
Roland Bouquet produit, le prix, la marque et la notion d’expérience client. Si le prix est finalement peu différentiant, car il est « copiable », l’expérience client constitue une vraie barrière à l’entrée, car ses composantes traduisent l’organisation, les processus, les systèmes d’information, la culture client). Via le digital, de nombreux services facilitent la vie des usages : relève d’index, analyse de consommation, signaux de tarification, etc. Le digital enrichit la proposition de valeur. L’acte de déménager est particulièrement concerné par les réflexions sur la fidélisation du client et le digital apparaît comme un facteur différentiant sur une telle question. Opportunités et menaces du digital. L’uberisation et le big data sont des sujets d’inquiétude, car bon nombre de secteurs économiques ont subi des déplacements de valeur entre des acteurs historiques et des nouveaux venus. Dans le domaine du gaz, l’expérience client pourrait-elle être apportée par de nouveaux acteurs ? De manière générale, les nouveaux entrants de l’ère digitale fonctionnent par économie de plateforme (ils génèrent de l’usage, parfois gratuitement, en pariant sur de la valorisation indirecte) et par désintermédiation (entre l’usager et l’opérateur historique). La donnée est au cœur de ce modèle, mais dans le domaine de l’énergie, la menace n’est pas immédiate : aujourd’hui, les données issues des compteurs communicants ne permettent pas de désagréger tous les usages. À court terme, les nouveaux acteurs ne nous semblent pas être une menace pour les acteurs du gaz. Ceux-ci disposent d’un temps de réaction pour mettre en place des canaux digitaux, récupérer de la data et l’analyser pour proposer des services aux clients. L’internet des objets et l’open data. Les opérateurs doivent rendre publiques un grand nombre de données, sous couvert du contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). En principe, l’open data ne doit pas conduire à retrouver un individu. Cependant, l’intelligence artificielle pourrait permettre de passer des données Iris aux données du logement, puis à celles du foyer, pas de façon déterministe – on ne pourra pas en tirer une facture -, mais de manière suffisamment précise pour investir la chaîne de valeur du conseil. Les collectivités, pour leur part, reprennent la
Frédérique Coffre Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 37
ATELIER 5
main sur leur destin énergétique, ce qui a des impacts sur le consommateur final : le choix d’installer un réseau de chaleur est structurant, par exemple, et les cahiers des charges émis par certaines collectivités sur les projets de data montrent que l’ambition est aussi de conseiller les usagers, d’évaluer la performance d’un bâtiment, de faire de la maîtrise de la dépense énergétique, de définir une stratégie d’aménagement urbain, etc. Par ces projets, les acteurs bâtissent des modèles économiques, agrègent de la donnée, la revendent aux collectivités. Celles-ci conçoivent alors une stratégie de planification énergétique qui a des conséquences sur le client final.
Débat De la salle L’image du gaz reste désuète, en dépit de l’arrivée de nouveaux matériels très modernes. N’est-ce pas un frein à la montée en gamme des installateurs ? Roland Bouquet Il existe des chaudières à condensation, des chaudières connectées : elles consomment beaucoup moins, mais la différence viendra de la micro-cogénération ou de nouveaux services. En la matière, la formation des installateurs sera prépondérante et pour leur part les entreprises du Synasav – focalisées sur la maintenance – mettent en place des qualifications et des formations. Joël Pedessac Gardons à l’esprit que l’électricité creuse l’écart en termes de perception générale. La modernité de l’image du gaz est un enjeu majeur, ce qui renvoie aussi à la communication. Marie Fresnel GRDF valorise les nouveaux équipements connectés et les nouveaux usages comme les cheminées au gaz. L’entreprise est aussi partenaire de l’Émotion gaz, l’association qui fédère fabricants et installateurs de cheminées au gaz. De la salle Ma question concerne le retard de la France en matière de desserte gaz. Quels sont les plans de GRDF pour améliorer l’acheminement du gaz ? Marie Fresnel Nous desservons déjà 11 millions de clients, cherchons à raccorder le maximum de clients possibles et procédons à des extensions de réseau lorsque les calculs de rentabilité le permettent.
38 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Joël Pedessac Environ 9 200 communes sont raccordées au réseau de gaz naturel, sur les 35 000 communes françaises. Cela couvre 75 % de la population, ce qui ne signifie pas que chaque maison, chaque immeuble de ces zones est raccordé. De la salle Quels sont les moyens dont disposent les promoteurs du gaz dans le secteur immobilier ? Marie Fresnel Nous devons agir en amont, en accompagnant les promoteurs immobiliers au plus près du terrain et des projets. C’est un enjeu quotidien pour les équipes de développement GRDF. Joël Pedessac La réglementation thermique a fait sortir le gaz du marché du neuf dans les années 90, mais la RT 2012 lui redonne plus de visibilité. Marie Fresnel Les derniers chiffres sont plutôt bons, avec 190 000 logements collectifs en gaz sur 2016. Nous visons 200 000 désormais. De la salle Madame Coffre, vous évoquiez la fin des tarifs réglementés de vente et le risque associé pour l’énergie gaz. Le médiateur national de l’énergie informe-t-il les particuliers ? Quelle est la position du médiateur vis-à-vis de l’avis du Conseil d’État – lequel ne concerne pas l’électricité ? Frédérique Coffre Pour l’heure, les tarifs réglementés ne sont pas supprimés. Les services du médiateur informent les consommateurs qui ont des questions sur le sujet. Avant la décision du Conseil d’état, le médiateur avait exprimé son attachement au maintien des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz naturel. La décision du Conseil d’État va conduire à la suppression des tarifs réglementés de gaz naturel. Il ne nous appartient pas de la commenter. Nos services accompagneront les consommateurs pour les informer lorsque leur disparition sera programmée.
ATELIER 6
Les usages industriels Participants Claude Conrard, président de la commission pétrole et gaz, Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden), et directeur affaires publiques énergie, Solvay Energy Services. Patrick Laugier, directeur efficacité et rénovation énergétique, Cofely Services France. Laurent Maalem, directeur commercial GNL/GNV France, Gas Natural Europe. Ronan Scavennec, responsable du service marketing B2B et B2C, Butagaz. Atelier animé par Jean-François Daubonne, directeur commercial France, Gas Natural Fenosa.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 39
ATELIER 6
Présentation
Claude Conrard Jean-François Daubonne Bonjour à tous et bienvenue à cette session dédiée aux usages industriels du gaz.
Les usages du gaz dans les entreprises Claude Conrard Le premier usage du gaz est en tant que matière première, pour des réactions chimiques ou physiques. Le deuxième usage est la production de chaleur et le troisième concerne la production combinée de chaleur et d’électricité, qui est une activité distincte. L’extrait de « Gas in focus » projeté en séance met en lumière une consommation de gaz des industriels français en 2015 en baisse. Malgré une remontée en 2016, cette tendance baissière a vocation à se poursuivre. L’un des principaux postes de consommation pour l’usage du gaz en tant que matière première concerne le reformage de la vapeur d’eau pour donner de l’hydrogène et du monoxyde de carbone (CO). Ce procédé sert essentiellement à désulfurer les essences de nos véhicules et nécessite un fort apport de chaleur. 80 % du méthane (CH4) est transformé chimiquement dans ce processus et 20 % sert à apporter de la chaleur. La consommation du reformage est d’une douzaine de térawattheures (TWh) par an. La synthèse de l’ammoniac (fertilisants), également basée sur le reformage, permet de combiner l’hydrogène avec de l’azote pour obtenir de l’engrais. Sa consommation annuelle est également de 12 TWh. Elle nécessite une teneur en hydrogène constante, ce qui impose une régularité du contenu CH4 entrant dans le reformeur ou une analyse régulière des flux des pipelines. Cette filière a subi un fort mouvement de délocalisation, avec la baisse en quinze ans d’une dizaine d’unités à seulement quatre unités sur le territoire national. Les fertilisants cherchent actuellement à décarboner leurs procédés, mais le procédé power to ammonia resterait pour l’instant deux fois plus onéreux.
40 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
La solution hybride électricité/gaz naturel n’est pas encore au point. La consommation des chlorométhanes est d’un demi-TWh. La synthèse des polyamides a pour sa part des applications dans la fabrication de matériaux composites et impose une teneur en méthane régulière. Nous observons également une délocalisation progressive de cette filière, du fait d’un prix du gaz naturel aux États-Unis deux fois inférieur à celui de la France. De nombreuses installations chimiques y ont en outre été construites grâce au gaz de schiste. Je vous annonce par ailleurs qu’il vient d’être annoncé que l’activité de polyamides de Solvay (6 térawattheures) est susceptible d’être cédée à l’allemand BASF. Enfin, la filière du gaz comme matière première se complète en chimie de plus petits procédés tels que le sulfure de carbone (un demi-TWh) ou l’acide cyanhydrique. Le gaz naturel est également utilisé dans la sidérurgie (7 TWh), la verrerie (5 TWh) et la fabrication de chaux vive. Au total, le gaz consommé en tant que matière première est de l’ordre 30 à 35 TWh par an. Ces consommations subissent une pression à la baisse et nécessitent par contre des contraintes de qualité (contenu en CH4, régularité). Certains (pétro-) chimistes s’inquiètent de la teneur en méthane inconstante du biogaz, pour lequel la France s’est fixé des objectifs extrêmement ambitieux. L’harmonisation de la qualité du gaz naturel en Europe représenterait par ailleurs obligatoirement un nivellement par le bas et constituerait un problème insoluble pour certains industriels. La deuxième utilisation du gaz concerne la production de chaleur. L’industrie du verre est ainsi attachée au gaz naturel, qui produit une flamme douce. Les contraintes qualité portent sur la nécessité d’un PCI honorable et un indice de Wobbe constant. La pression du réseau n’est toutefois pas fondamentale. L’industrie est également attachée à l’odorisation, qu’il serait bon de maintenir en France sur les réseaux haute pression. La production combinée de chaleur et d’électricité présente des exigences similaires, auxquelles s’ajoute une pression réseau élevée. La situation est toutefois problématique en ce qui concerne les unités de cogénération qui ont bénéficié de l’obligation d’achat pendant douze ans et qui ne fonctionnaient que cinq mois sur douze. L’Etat français aide encore les petites cogénérations, mais celles de plus de 12 mégawatts (MW) sont actuellement sans aucun support. Or ces équipements exigent une maintenance périodique très coûteuse et donc en l’absence de visibilité sur leur rentabilité à terme, les industriels choisissent de les fermer. D’un point de vue législatif, la réforme du stockage de gaz naturel épargne pour l’instant les grands consommateurs industriels, l’infrastructure gazière existante suffisant à leur consommation et les soutirages hivernaux concernant uniquement les consommations à courbe « en cloche » c’està-dire climatiques. L’industrie considère que son caractère non protégé, donc délestable, doit être pris en compte dans la réforme du stockage. Le second sujet est l’évolution de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN). Enfin, le gaz naturel remplacera les chaudières au fuel, mais il est à noter que les sites utilisant actuellement du charbon ne se convertiront pas au gaz naturel, car ils ont choisi le
ATELIER 6
combustible le moins cher (lors de la relance du charbon sous la première présidence Mitterrand dans les années 80) pour produire des « commodités » à faible marge.
La cogénération et usage du gaz vapeur pour le chauffage Patrick Laugier L’industrie représente actuellement 117 TWh d’électricité et 310 TWh de combustible, dont le gaz naturel. Le chauffage des locaux ne représente que 6 % de sa consommation de combustible. L’usage principal concerne les process, fours et séchages. En France, trois régions monopolisent l’essentiel des besoins en gaz, le Nord et le Grand Est représentant à elles seules plus de 50 % des consommations. Le marché du gaz naturel en France est d’environ 500 TWh. L’industrie représente un total de 150 TWh, mais sa consommation est en baisse constante. Les cogénérations ont une consommation de 73 TWh, le résidentiel et le tertiaire de 200 TWh. Les principaux sujets de discussion avec les industriels sont l’efficacité énergétique et la décarbonation. Les résultats de l’industrie présentent une baisse de consommation de 2,5 % par an et une diminution de la consommation finale de 2 % par an. Cette tendance est liée à la fois aux délocalisations d’usines et à la tertiarisation de l’industrie française. Si notre indice d’efficacité énergétique est comparable à celui de l’Allemagne, notre consommation électrique est plus importante que partout ailleurs. En outre, alors que nous n’avons que très peu de cogénération, cet outil qui représentait quatre tranches nucléaires ne fonctionne plus qu’au tiers et est en voie d’extinction. Depuis trois ans, nous constatons une baisse des investissements du fait des coûts bas de l’énergie. L’environnement fiscal (nouvelles normes comptables, absence de fonds de garantie) se combine en effet à un manque de mesures de soutien à l’industrie en France et au faible prix du CO2. La loi de transition énergétique de 2015 prévoyait une contribution climat-énergie de la TICGN de 100 euros la tonne en 2030, contre 30,5 euros actuellement. Nicolas Hulot souhaite à présent augmenter cette trajectoire, ce qui impliquerait une contribution de 100 euros la tonne dès 2022. Nous attendons la loi de finances pour en savoir plus à ce sujet. Je militerais pour ma part pour une valeur élevée, qui pose toutefois le problème de la compétitivité des industriels. Le marché des certificats d’économie d’énergie est inefficace pour l’industrie, bien qu’il crée des effets d’aubaine dans la rénovation. Nous constatons en outre un faible développement des marchés des contrats de performance énergétique (CPE). Le dernier frein porte sur le besoin de flexibilité des industriels et sur les débats entre court et long terme. Le chauffage urbain est un sujet d’importance pour les consommations d’énergie. Il représente environ 15 TWh de consommation de gaz naturel, première énergie utilisée par les réseaux. Les énergies renouvelables (EnR), usines de valorisation énergétique (UVE) et biomasse pèseront prochainement environ 50 % du bilan
Patrick Laugier énergétique. Les projections de la loi de transition énergétique prévoient de multiplier par cinq la part des EnR dans le bouquet énergétique du chauffage urbain, en passant de 8 TWh à 40. Nous devrions donc passer de 5 à 6 % de part de marché du chauffage urbain à 20 %. Nous considérons toutefois que le gaz naturel a toute sa place comme énergie d’appoint, en particulier en cogénération. Les 2,5 gigawatts de cogénération gaz naturel actuellement installés en France sont en cours de démontage. De nombreuses installations ont déjà été mises à l’arrêt et une partie des réseaux de chaleur sont passés en « dispatchable ». En effet, la France a soutenu la cogénération de 1997 à mai 2016, puis a mis fin à ce soutien sur injonction de l’Europe. En dessous de 300 kilowatts (kW), le régime d’obligation d’achat au guichet est relativement intéressant et privilégie les petites installations. Entre 300 kW et 1 MW, le système de complément de rémunération bénéficie d’un tarif connu. Au-delà de 1 MW, des appels d’offres doivent encore être lancés. Au-delà de 12 MW, le prix de marché s’applique. De ce fait, seul le marché de la mini et de la microcogénération se développe. Le marché industriel a été tué, le seuil de rentabilité étant actuellement de 5 MW. En synthèse, le gaz naturel est à notre sens le meilleur allié de la transition énergétique. La politique de soutien à la cogénération doit être revue pour les réseaux supérieurs à 1 MW. L’efficacité énergétique sur les réseaux de chaleur et la chaleur fatale doivent être soutenues, le montage avec les tiers investisseurs développé.
L’usage du GPL dans l’industrie Ronan Scavennec 27 000 communes en France ne sont pas raccordées au gaz naturel. Le propane peut s’adresser à leurs industries. Butagaz a été fondée en 1932 en France et distribue du méthane et du propane. Nous recensons 60 000 clients professionnels gaz en citerne en France et 5 000 à 6 000 clients industriels. Nous sommes depuis deux ans filiale du groupe DCC. Principal marché du propane en France,
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 41
ATELIER 6
Ronan Scavennec l’agroalimentaire se complète du chauffage des locaux industriels par convection et rayonnement, et de marchés tels que les blanchisseries industrielles ou le séchage pour les industries liées à l’automobile ou à l’aéronautique. Nous ciblons particulièrement la conversion fuel, en mettant en avant la maîtrise des coûts, la performance environnementale et la simplicité de cette transition. Nous pouvons ainsi promettre aux industriels une réduction de leurs coûts de 40 % grâce à la réduction des arrêts de maintenance et au coût de l’énergie, ainsi qu’une baisse de 50 % de leurs émissions de CO2. Les industriels connaissent mal la possibilité de passer au propane, dont le prix est très proche du fuel lourd et bien plus avantageux que celui du fuel domestique. Notre analyse du cycle de vie du propane sur treize critères démontre sa nette performance environnementale sur douze d’entre eux. Le seul critère défavorable concerne l’épuisement des ressources minérales, nos citernes étant enduites de zinc pour éviter la corrosion. Le marché total est très faible par rapport à celui du gaz naturel, mais présente des perspectives de croissance intéressantes, avec une contribution significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’introduction de biopropane ou de bio-GPL est une piste supplémentaire pour laquelle Butagaz a signé un partenariat avec Global Bioenergies, qui développe un procédé de conversion de sucre en isobutène. L’utilisation de l’isobutène auprès de nos clients industriels permettra de réduire encore davantage l’impact environnemental de notre produit.
L’usage du GNL dans l’industrie Laurent Maalem Le GNL est un méthane sous forme liquide. Tout comme le propane, il permet de desservir les industries non raccordées au réseau. Fournisseur historique de gaz en Espagne, Gas Natural Fenosa y était pionnier en la matière et a commencé à développer ce marché en France il y a cinq ans. Nous détenons à date environ 40 % du marché du GNL industriel. Le GNL est distribué par le biais
42 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
d’un réseau virtuel sur la route. Récupéré au niveau des champs gaziers, il est stocké dans des terminaux méthaniers, puis amené par camion-citerne jusqu’au stockage cryogénique installé chez nos clients industriels. Le GNL est essentiellement utilisé pour les process. La molécule est beaucoup moins chère que le fuel lourd et a un prix un peu inférieur à celui du propane. Au regard des investissements nécessaires (stockage cryogénique), nous considérons que cette conversion est rentable à partir d’une consommation annuelle de 5 à 50 gigawattheures, afin de ne pas entrer dans les contraintes Seveso. Le stockage peut être horizontal ou vertical. Le gaz est réchauffé par vaporisation atmosphérique ou avec de l’eau chaude pour le rendre liquide, puis odorisé. Il est ainsi notamment utilisé en cogénération pour les serristes, qui vendent l’électricité produite et utilisent la vapeur de réchauffage du gaz pour chauffer leurs serres. Il est par ailleurs à noter que le GNL peut être utilisé comme carburant. Il s’agit d’un marché nouveau, la première station datant de 2014.
Débat Jean-François Daubonne L’augmentation de la taxe CO2 pourrait-elle accélérer le remplacement du charbon par le gaz ? Claude Conrard Je n’en suis pas certain. En effet, le charbon est un mode d’alimentation complexe d’un point de vue logistique. De ce fait, seuls les industriels qui n’avaient pas d’autre solution se sont tournés vers ce combustible contraignant, mais peu cher. Augmenter le coût du CO2 ne pourra que conduire à la délocalisation de ces industries à faible valeur ajoutée, sauf si elles parviennent à adopter une autre solution non carbonée, par exemple l’incinération de déchets. Il pourrait donc être intéressant de rapprocher les incinérateurs d’industries lourdes qui ont besoin de chaleur, pour remplacer le charbon. Jean-François Daubonne Est-il possible d’inciter les pétrochimistes partis aux ÉtatsUnis à revenir en France ? Claude Conrard Les nombreux équipements récemment construits aux États-Unis devront fonctionner à plein régime pour rentabiliser l’investissement, participant donc à la suprématie de ce pays en matière de pétrochimie. Nous nous préparons donc à des années difficiles. Jean-François Daubonne Est-il possible de relancer la cogénération en France ?
ATELIER 6
Patrick Laugier Le plan de programmation pluriannuel sur l’énergie parvient à échéance en 2018. Il est donc nécessaire de se rapprocher de vos élus afin que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) relance des appels d’offres en cogénération. Le lobbying auprès de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et de la CRE est la seule solution pour sauver ce marché. De la salle Avez-vous des exemples d’incidents industriels liés à la mauvaise qualité de la biomasse injectée dans le réseau ? Claude Conrard Non, je n’ai pas entendu parler d’exemple. En 2030, nous devrions produire 30 TWh de biogaz, ce qui représente une progression phénoménale. Tout dépend du lieu d’injection du biogaz et de sa dilution dans le réseau standard. De la salle Gas Natural Fenosa a-t-il étudié la possibilité de délocaliser des micro-liquéfactions de gaz pour des zones éloignées des terminaux méthaniers, afin d’améliorer la pénétration auprès des industriels de l’est de la France ? Laurent Maalem Non, car peu de sites non raccordés au réseau seraient concernés. Les études menées en Allemagne et en Suisse ont été rapidement abandonnées. Des stocks déportés avec un transport de GNL par train depuis des terminaux pourraient toutefois être envisagés, avec des stockages de l’ordre de 10 000 à 40 000 mètres cubes. De la salle L’augmentation de la proportion de dihydrogène dans les tuyaux de gaz pourrait-elle poser problème dans les utilisations industrielles du méthane ? Des tests ont-ils été effectués ?
Laurent Maalem Jean-François Daubonne Certains pays réfléchissent à intégrer jusqu’à 10 % d’hydrogène dans les tuyaux. Des expérimentations sont en cours en Norvège et nous verrons probablement ce mode de stockage de l’électricité se développer. Claude Conrard Cette idée peut être développée pour des pipelines de très fort débit. Du fait du fort effet de dilution, elle ne poserait pas de problème majeur. Jean-François Daubonne La situation est complexe pour les industriels et nous ne pouvons qu’espérer que les évolutions réglementaires ne les impacteront pas davantage. Le gaz naturel est un facteur important d’amélioration de l’efficacité énergétique et il mériterait d’être plus utilisé, même si nous avons vu dans les présentations qu’un usage plus important dans l’industrie à venir soit incertain.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 43
INTRODUCTION
Laurent Vivier,
directeur gaz, Total
B
onjour à tous. Je suis ravi de répondre à cette invitation pour évoquer le GNL soute. Cette activité fait partie des moyens que nous tentons de mettre en place pour développer la demande de gaz et de GNL dans le monde. La régulation constitue le moteur des changements du secteur depuis 2015. De nouvelles normes ayant pris effet sur les transports terrestres, mais aussi sur la génération électrique dans certains pays, le transport maritime s’est mis en ordre de bataille sur ces sujets, forçant les armateurs à choisir entre trois voies : celle qui consiste à changer de carburant - ce choix a l’avantage de la visibilité, mais cultive une incertitude sur le prix des carburants ; le choix du scrubber, qui consiste à réaliser un traitement des fumées au niveau de la cheminée ; celui du GNL, et il s’agit là de la solution de long terme.
Cependant, nous ne sommes pas encore parvenus à attacher au GNL une notion de compétitivité auprès des armateurs et dans la génération électrique. Nous disposons aujourd’hui d’une véritable opportunité de travailler sur le discours et l’image de ce carburant. Notre discours porte sur les performances environnementales convaincantes du GNL et sur sa disponibilité croissante. Au GNL est également associé un enjeu logistique, puisqu’il nécessite un investissement capitalistique conséquent. Lorsque nous agissons sur de courtes distances, le discours tenu auprès de l’armateur est facilité. Or pour développer l’activité, nous devons aussi nous positionner sur le marché international en agissant sur les longues routes maritimes avec des points de chargement multiples. Qu’en est-il du prix de la demande de GNL ? S’agissant de la demande mondiale, le GNL grandit et la croissance s’annonce soutenue dans les cinq années à venir. La demande mondiale ne représente néanmoins qu’une part marginale dans la demande générale de GNL et ne changera donc pas les ordres de grandeur des prix. Cependant, les niveaux de prix et la visibilité accrue sur la demande de GNL tendent à accélérer la matérialisation de cette demande. C’est le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne, où le charbon est dépassé par le gaz. Chez Total, certains points de demande, tels que le GNL pour soute, requièrent un investissement logistique et une certaine créativité en matière d’outils. Nous serons en mesure d’investir dans cette partie aval, ce qui nous permettra de répondre à la demande des armateurs sur les grandes routes commerciales.
« Nous disposons aujourd’hui d’une véritable opportunité de travailler sur le discours et l’image du GNL »
44 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 2
Les perspectives du GNL maritime et fluvial Participants Jean-Marc Roué, président, Armateurs de France et Brittany Ferries. François Bouriot, délégué général, Comité des armateurs fluviaux. Jean-Baptiste Goüin, directeur de la relation client, port de Nantes Saint-Nazaire. Bernard Brousse, responsable du small scale LNG, Engie. Tessa Rodewaldt, directrice, plateforme maritime GNL allemande. Table ronde animée par Alain Giacosa, directeur de la plateforme GNL carburant marin et fluvial.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 45
TABLE RONDE 2
Présentation
ports, où ils effectuent leur soutage. Pour ce faire, nous devons disposer d’un nombre suffisant de ports équipés. Par ailleurs, compte tenu de l’évolution de la réglementation prévue pour le 1er janvier 2020, l’État français doit mettre en place des mesures incitatives, afin que les armateurs lancent un plan de renouvellement de leurs flottes. L’outil d’incitation le plus pertinent est l’Ademe.
Un cadre réglementaire établi
Alain Giacosa Alain Giacosa Je suis directeur de la plateforme GNL carburant marin et fluvial pour la France depuis mi-juillet. Cette plateforme est une initiative de l’AFG visant à réunir l’ensemble des acteurs du secteur autour de la problématique du développement du GNL marin en France. J’aurai le plaisir de donner la parole à Jean-Marc Roué, président d’Armateurs de France et de Brittany Ferries, puis à François Bouriot, délégué général du Comité des armateurs fluviaux, à Jean-Baptiste Goüin, directeur de la relation client au port de Nantes Saint-Nazaire, à Bernard Brousse, responsable du small scale LNG au sein d’Engie et à Tessa Rodewaldt, directrice de la plateforme maritime GNL allemande.
Le GNL au service de la transition écologique Jean-Marc Roué S’agissant de notre filière de transport et de services maritimes, le choix n’est pas simple en matière de transition énergétique, puisque le moteur diesel est devenu très performant. Chez Armateurs de France, nous militons pour que le plus de futurs navires possibles choisissent le GNL. En effet, nous sommes convaincus que le GNL représente la seule solution technique envisageable pour assurer la transition écologique pour le transport maritime mondial. En outre, le maritime représentant 80 % des transports de marchandises à travers le monde et nous ne pourrons pas atteindre les objectifs en matière d’émission fixés à 2050 par le règlement européen sans réaliser la conversion énergétique du maritime. Par ailleurs, la crise de septembre 2008 a engendré un développement du shortsea grâce aux politiques publiques européennes et nationales. Ce transport nouvellement créé doit opérer sa transition énergétique. Nos bateaux ont vocation à se rendre dans des
François Bouriot Le Comité des armateurs fluviaux est la fédération professionnelle qui représente les entreprises de transport fluvial de frets, mais aussi de passagers. S’agissant du GNL carburant, la Commission européenne a publié un règlement sur les motorisations des engins mobiles non routiers, notamment le fluvial et le ferroviaire, qui impose une réduction drastique des normes d’émissions des moteurs fluviaux. Les pouvoirs publics français se sont aussi saisis du sujet GNL avec la publication de quatre rapports. En parallèle, l’autorisation d’utiliser le GNL comme carburant a été accordée en décembre 2016 par la commission centrale de navigation du Rhin. Une évolution est prévue pour l’ensemble des fleuves européens. Le cadre réglementaire est donc fermement établi pour une utilisation du GNL comme carburant fluvial. Mais dans les faits, seuls une dizaine de bateaux naviguent en Europe avec du GNL carburant. Plusieurs facteurs expliquent ces freins. Tout d’abord, les premiers bateaux ayant utilisé le GNL comme carburant misaient sur un retour de rentabilité, compte tenu du différentiel de prix entre le gaz et le pétrole. Ensuite, la citerne consomme donc une partie de l’espace réservé à la cargaison, diminuant la rentabilité du transport. Par ailleurs, la conversion des moteurs nécessite un surcoût d’investissement pour respecter les nouvelles normes européennes. Enfin, la question des infrastructures d’avitaillement en GNL se pose. S’agissant du GNL comme cargaison, les acteurs voient deux utilisations possibles du GNL comme : servir d’avitailleur pour le soutage des navires dans les
Jean-Marc Roué 46 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 2
sure d’appréhender le marché, la réglementation et les évolutions liées à l’exploitation. Nous travaillons également avec l’AFG pour identifier les besoins futurs des marchés.
Accélérer le développement du marché du GNL marin
François Bouriot ports maritimes et assurer la distribution pour les routiers ou les activités industrielles dans les ports ou sur les quais intérieurs. Rappelons que le fluvial offre des garanties de sécurité (accidentologie quasi nulle) et de faculté de pénétration en cœur de ville. La voie d’eau n’est pas saturée, le Rhône et la Seine peuvent absorber quater fois le trafic actuel sans investissement en infrastructure. Sous la responsabilité de la CEE-ONU, l’accord ADN (accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par voies de navigation intérieures) a été amendé pour autoriser le transport de GNL par citernes sur les voies fluviales à partir de janvier 2015. Il reste une modification à apporter pour permettre au transport fluvial de déployer toute son activité : permettre l’utilisation de la technologie membrane, permettant d’optimiser le volume transporté pour le transport de GNL en fluvial et donc de renforcer la compétitivité du mode. Nous travaillons sur ce sujet avec le ministère des Transports.
Offrir de nouveaux services Jean-Baptiste Goüin Le port de Nantes Saint-Nazaire est le premier port de la façade Atlantique, où environ 25 millions de tonnes transitent par les différents terminaux. Il reçoit un grand nombre d’escales de navires shortsea, effectuant des tournées-connexions en Europe ou en Méditerranée à des fréquences importantes. Ces activités shortsea nous permettent d’être en mesure de servir de grands acteurs industriels et représentent plus de 50 % de nos trafics en volume. Nous disposons d’un terminal méthanier implanté dans le port de Nantes Saint-Nazaire depuis les années 80. Aujourd’hui, le terminal d’approvisionnement s’est transformé en hub maritime capable de charger et recharger des navires méthaniers dans le cadre d’une chaîne logistique globalisée, mais aussi de mettre du GNL à disposition pour charger les camions. Le port s’est impliqué sur le sujet GNL carburant dès 2012. Nous avons tout de suite travaillé avec l’opérateur du terminal méthanier Elengy pour être en me-
Bernard Brousse Je partage entièrement le point de vue des intervenants, il y a très peu de résultats concrets en France. Tous les acteurs de la filière doivent donc se mobiliser pour pousser le développement du marché du GNL sur la partie maritime. Engie s’intéresse à ces marchés depuis plus de quatre ans, au marché maritime avec la même intensité qu’au marché des transports routiers. Les mesures d’incitation fiscales et gouvernementales mises en place pour le transport routier, marché qui a décollé, mériteraient d’être envisagées pour la partie maritime. Le groupe Engie propose aujourd’hui un ensemble de solutions de soutage, sur le marché du shortsea, deepsea et aussi sur celui du fluvial : par navire souteur, comme le Engie Zeebrugge d’une capacité de 5 000 mètres cubes, par infrastructure portuaire dédiée, bientôt dans le port d’Anvers, et par camions isocontainers à partir des terminaux méthaniers français, belge ou anglais. Pour les clients nécessitant des soutages en plus grande quantité et ne pouvant se déplacer sur un quai dédié, le soutage est assuré par navire souteur. Le groupe Engie compte également des filiales qui participent au développement de ce marché (GTT, leader du stockage de GNL par membrane), mais aussi des filiales de services (Engie Gazocean qui, entre autres expertises, propose des formations qualifiantes GNL pour les marins, Engie Fabricom, Engie Endel) et une filiale d’ingénierie (Tractebel Engie). À travers son partenariat mondial avec les sociétés japonaises Mitsubishi et NYK sous la marque GAS4SEA, Engie propose aussi ces services aux clients et prospects en Asie et en Amérique. Parmi nos clients, les précurseurs sont ceux qui transportent des passagers. Mais les sociétés transportant des containers montrent un intérêt croissant. Nous devrions voir émerger
Jean-Baptiste Goüin Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 47
TABLE RONDE 2
leurs émissions tandis qu’ils stationnent dans les ports. Des blocs d’alimentation GNL ont été développés pour fournir de l’électricité aux porte-conteneurs. La plateforme a fait des recherches sur les navires de propriété publique. Les ministères fédéraux allemands possèdent environ deux cent cinquante navires et la plateforme a pu identifier lesquels sont adaptés à l’utilisation du GNL. De nombreux navires allemands appartenant au domaine public ont plus de trente ans et possèdent des moteurs diesel.
Bernard Brousse cette année une ligne de porte-containers équipés pour utiliser du GNL carburant. Le groupe Engie souhaite favoriser le développement de ce marché maritime en adaptant en permanence son offre à la demande des clients.
Un carburant de transition, une technologie mature Tessa Rodewaldt La plateforme maritime allemande GNL est une coalition d’environ cent membres et partenaires qui a pour but d’établir et de promouvoir le GNL en tant que carburant alternatif dans les environnements portuaires et de livraison. La coalition a été créée il y a trois ans. Les adhésions à la plateforme représentent tous les aspects de la chaîne d’approvisionnement GNL. En sa qualité de voix nationale pour l’utilisation du GNL en Allemagne, elle est aujourd’hui un partenaire officiel du gouvernement allemand. Le message de la plateforme est que le GNL est le carburant de transition et la technologie de transition pour un avenir durable. C’est une technologie mature qui réduit grandement les émissions. Le message doit être clairement communiqué au niveau européen. Après dixhuit mois de coopération et de conseil auprès du gouvernement fédéral, le gouvernement a enfin publié un programme de financement pour les propriétaires de navires afin de financer, en partie, la rénovation et la construction de nouveaux navires alimentés au GNL. Les coûts associés au GNL sont partiellement couverts par le gouvernement allemand, à hauteur de 40 à 60 %, jusqu’en 2020. Le programme a pour objet d’encourager le secteur maritime à investir dans le GNL. Nous devrions nous inspirer des exemples réussis des Pays-Bas et de la Scandinavie, notamment la Norvège, où le GNL a tout d’abord été introduit comme carburant maritime. Le GNL peut être utilisé de diverses manières innovantes. La barge d’alimentation GNL du port d’Hambourg fournit de l’énergie générée grâce au GNL aux bateaux de croisière, leur permettant d’arrêter leurs moteurs diesel et de réduire radicalement
48 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Alain Giacosa La flotte publique peut effectivement initier le mouvement. En outre, un projet de conversion d’une drague au GNL est en cours. Jean-Baptiste Goüin La drague Samuel de Champlain intervient dans les différents estuaires français. Elle est principalement basée à Nantes Saint-Nazaire et appartient au GIE Dragage-Ports. Afin de mieux appréhender la durée d’exploitation du navire, il a été décidé d’adapter la propulsion en optant pour le dual powering (gasoil-GNL). Le changement devrait intervenir d’ici fin 2018. Nous sommes en train de finir les études relatives aux problématiques de sûreté liées au soutage du navire avec des camions citerne, mais nous sommes techniquement d’ores et déjà opérationnels.
Débat De la salle Why have you not considered inland vessels, and is the programme considering infrastructures as well as ships? Tessa Rodewaldt The funding programme is directed to sea going ships because the EU emission levels for inland shipping are becoming tighter. The German government is inviting inland ship owners to apply for pilot project funding as part of the Federal Government’s mobility and fuel strategy. Bernard Brousse Je vous garantis qu’Engie sera en mesure d’assurer la fourniture de GNL dès lors qu’il y aura des clients. Alain Giacosa Qu’en est-il des navires équipés de scrubbers ? Jean-Marc Roué La concurrence est rude pour le GNL, puisque le moteur diesel est extrêmement performant. Pour répondre aux normes environnementales, nous disposons d’outils de filtration de fumée. Ce procédé n’est pas novateur et pose des difficultés financières et techniques. Dans la société que je
TABLE RONDE 2
préside, nous avons équipé six navires de filtres à fumée, dont trois sur des navires anciens respectant strictement la norme et trois sur des navires plus récents, équipés d’un prototype français. Ces dispositifs de filtration ont la capacité d’aller au-delà de la norme en filtrant une partie des particules fines et en retenant tout ce qu’ils filtrent. Ce dispositif est cependant pénalisant, puisque l’investissement s’estime en millions d’euros. La transition écologique ne peut pas s’opérer uniquement par la filtration de fumée. Le GNL représente en effet 25 % de CO2 en moins, presque 0 % d’oxydes de soufre, un doublement de la diminution des oxydes d’azote et surtout zéro émission de particules fines. Il nous manque cependant une incitation pour créer en France et en Europe une véritable industrie du GNL. De la salle Les ports s’entendent-ils entre eux et avec Engie pour obtenir une cartographie cohérente des terminaux ? Jean-Baptiste Goüin Nous travaillons sur cette démarche depuis un certain temps avec les ports français de la façade atlantique, puisque qu’il n’existe pas de terminal méthanier partout. Depuis 2014, nous travaillons avec Elengy pour appréhender ces escales et la mise en place de services. Aujourd’hui, nous sommes passés à un niveau supérieur, puisque la démarche s’appréhende à l’échelle européenne. De la salle J’ai l’impression que l’état des lieux a été compris. Or le gouvernement n’investit pas. Qu’est-il prévu en matière d’Advocacy ? S’agissant des investissements, quid de la partie Total ?
Tessa Rodewaldt Alain Giacosa En conclusion, la plateforme existe, le GNL est disponible et représente la solution permettant de répondre aux incitations réglementaires et d’aller au-delà. Nous traitons en GNL des problématiques de santé publique telles que les particules fines. Les acteurs sont prêts et les infrastructures sont disposées à investir dès lors qu’il y a des clients. Les ports français (maritimes et fluviaux) doivent offrir le service de soutage pour continuer à se développer et à recevoir du trafic. Les enjeux sont considérables en matière de volumes.
Jean-Marc Roué Le Premier ministre a l’intention de présider un conseil interministériel de la mer avant les assises de l’économie de la mer, qui se tiendront au Havre le 21 et le 22 novembre. Je souhaiterais que ce conseil interministériel soit l’occasion de procéder à un arbitrage et de lancer un appel à projets avec une incitation financière pour le renouvellement de la flotte avec conversion ou construction neuve. Un dispositif à hauteur de 80 millions d’euros a été mis en place dans le passé, mais le résultat a été inexistant. Il convient de modifier les méthodes de décision et de les confier aux personnes qui savent évaluer les projets, c’est-à-dire à l’Ademe.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 49
DISCOURS
Pierre Gattaz,
président du Medef
L
’AFG est très présente dans les travaux du Medef, y compris les plus techniques. Nous souhaitons voir ces synergies s’intensifier au cours des prochains mois. Le Medef est mobilisé autour de la réussite des réformes structurelles à l’échelle nationale, mais aussi au niveau des bassins d’emplois. Cette dynamique demande des efforts, une vision partagée et nécessite d’instaurer un climat de confiance entre le gouvernement, les partenaires sociaux, les parties prenantes et les Français. L’entreprise a un rôle central à jouer pour affronter les défis de la planète, puisque c’est la recherche et l’innovation des entreprises qui permettent de faire émerger des solutions. Ces défis constituent autant d’opportunités de renforcer le leadership international des entreprises françaises, et donc de développer la croissance et l’emploi. La transition énergétique représente une opportunité pour diversifier intelligemment notre mix, favoriser les économies d’énergie les plus rentables et définir une stratégie au service de la croissance et de l’emploi. Notre pays possède un grand nombre d’atouts pour y parvenir et tient une position de pointe dans la lutte contre le changement climatique. Réussir cette transition suppose de remplir trois conditions : éviter toute rupture et s’appuyer sur le patrimoine énergétique existant, tout en s’assurant de son évolution, s’inscrire dans la durée et fixer des objectifs ambitieux, mais atteignables, sans affecter notre compétitivité. Et cela en agissant sur quatre leviers : garantir un cadre réglementaire lisible, si possible international, et qui préserve la compétitivité ; améliorer la gouvernance des instances
50 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
de concertation et de décision pour assurer un dialogue environnemental efficace ; privilégier la recherche, l’innovation et les outils de mesure et de vérification ; structurer la démarche de transition énergétique en envoyant des signaux clairs. Que faut-il penser du plan climat annoncé le 6 juillet par Nicolas Hulot ? Ce plan conforte l’avance de la France dans le domaine climatique et donne aux entreprises un cap à long terme. Il met l’accent sur trois points : le rôle de la recherche, de l’innovation et des filières ; l’efficacité énergétique sur la rénovation énergétique et le développement des énergies renouvelables ; la finance responsable et le rôle à jouer par la place financière de Paris. Les entreprises sont cependant inquiètes des annonces sur l’hydrocarbure, le nucléaire et la fiscalité. L’arrêt de l’exploration minière et de ressources énergétiques fossiles sur le territoire français favoriserait les importations au détriment de nos filières d’excellence, aurait des conséquences négatives sur nos émissions de gaz à effet de serre et impacterait les prix de l’énergie. La fermeture évoquée par le ministre de 25 réacteurs nucléaires d’ici 2025, soit près de la moitié du parc, serait un non-sens. Elle conduirait à fermer des sites industriels rentables pour des raisons purement politiques et condamnerait de nombreux bassins riches en emplois en l’absence de stratégie précise de reconversion industrielle. S’agissant de la fiscalité écologique, la trajectoire de la taxe carbone française, qui pèse déjà lourdement sur l’économie, va s’accélérer. Une telle évolution est inconcevable en l’absence d’études d’impact économique chiffrées. Sur tous ces sujets, le Medef continuera de demander aux pouvoirs publics de bien mesurer l’ensemble des implications économiques, sociales et environnementales, et de préciser la méthode des chiffrages. La rationalité et le pragmatisme doivent prévaloir sur la communication. Vous pouvez compter sur le Medef pour mener à bien tous ces combats complexes.
JOUR 2 20 septembre 2017 MATIN
« LE GAZ AU CŒUR DES TERRITOIRES » APRÈS-MIDI
« LE GAZ, UNE ÉNERGIE D’AVENIR »
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 51
DISCOURS
Carole Delga,
présidente de la région Occitanie
N
ous devons relever le défi majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Vingt-cinq ans après le sommet de Rio, la COP21 a abouti à un accord historique et de portée universelle, signé par 195 états à Paris en 2015. Si les objectifs de cet accord sont globaux, cet engagement universel sera vide s’il n’est pas rempli par les territoires, au plus près des citoyens. Le défi énergétique permet de lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi contre la précarité énergétique qui touche tant de ménages et contre les inégalités à travers le monde. Il permet aussi de rendre les territoires plus dynamiques au travers du développement d’activités nouvelles. En Occitanie, nous souhaitons faire de la transition écologique et énergétique une priorité politique, un enjeu collectif et une opportunité pour notre avenir. Nous avons décidé de faire de notre région un territoire pilote dans ce domaine et de devenir la première région à énergie positive d’Europe d’ici 2050.
Notre ambition est aussi de faire de la transition énergétique l’un des moteurs de la croissance économique régionale, en mobilisant les leviers de l’innovation, de la formation, de la concertation à l’échelle territoriale et de l’ingénierie financière pour orienter les choix des investisseurs publics et privés. Le choix de limiter le réchauffement climatique et relever le défi des énergies renouvelables impacte chacune de nos politiques régionales (agriculture, transport, éducation…). Il s’agit d’un choix porteur de croissance et pourvoyeur d’emplois non-délocalisables. Nous devons amplifier nos efforts en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Deuxième région française en matière de production d’énergies renouvelables (EnR), l’Occitanie est dotée de gisements riches et diversifiés et dispose d’un écosystème, de structures de formation et de recherche, d’un tissu universitaire, de métropoles ayant fait le choix des EnR pour leurs transports en commun, d’acteurs de l’innovation venant soutenir le secteur et créer une offre de services à forte valeur ajoutée (pôle de compétitivité nationale « Derbi », cluster « Cémater »). La région doit être chef de file en soutenant les projets innovants et constituant un levier de création de services à haute valeur ajoutée. Notre ambition est de voir, d’ici 2050, 100 % de la consommation d’énergie régionale couverte par la production locale d’EnR, ce qui nécessite de s’inscrire dans une action à long terme. Notre objectif est atteignable, à condition de réduire de 40 % la consommation d’énergie et de multiplier par trois la production de renouvelables. Plusieurs leviers d’action s’offrent à nous. La baisse de la consommation énergétique d’une part : nous accompagnons l’ensemble des collectivités locales dans leurs travaux de construction, nos lycées utilisent tous les énergies positives et nous menons une politique à l’attention
« En Occitanie, nous souhaitons faire de la transition écologique et énergétique une priorité politique, un enjeu collectif et une opportunité pour notre avenir. » 52 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
DISCOURS
« Nous comptons également créer un service public régional des transports en 2018. Il s’agit de développer une offre de véhicules à motorisation électrique ou utilisant du gaz d’origine renouvelable et de développer les transports collectifs. » des particuliers (éco-chèque). Nous comptons également créer un service public régional des transports en 2018. Il s’agit de développer une offre de véhicules à motorisation électrique ou utilisant du gaz d’origine renouvelable et de développer les transports collectifs. La hausse de la production d’EnR d’autre part. Nous allons créer une Agence régionale de l’énergie et du climat et de lui confier deux grandes missions : accompagner les collectivités et les particuliers dans la baisse de la consommation d’énergie et les aider dans leurs projets d’EnR ; investir pour accompagner les projets d’EnR. Selon le scénario « Repos » [pour « région à énergie positive 2050 », NDLR], le gaz naturel représentera 30 % de la consommation d’énergie finale de la région Occitanie en 2050. La part du biogaz devrait quant à elle atteindre 10 % de la production régionale, contre 0,3 % en 2015. La région souhaite également impulser des projets exemplaires et innovants en mettant en place des écosystèmes hydrogènes, économiquement viables et pérennes, sur les zones aéroportuaires, urbaines et rurales. Les aéroports Toulouse-Blagnac et Tarbes-Lourdes-Pyrénées ont été sélectionnés pour lancer ce projet. La région sera également partenaire d’un projet initié par l’Ademe et visant à valoriser un circuit court en carburant issu de matières premières renouvelables. Par ailleurs, nous dénombrons trente-cinq projets de méthanisation sur notre territoire. Un centre de ressources du biogaz a également été créé pour contribuer à la structuration de la filière. Enfin, nous avons développé des instruments financiers en faveur des porteurs de projets.
Le soutien des territoires est indispensable pour faire émerger des projets portés par les collectivités, les citoyens ou la force privée, afin que tout projet d’équipement en EnR devienne un projet de développement local, concerté et partagé. C’est pourquoi nous avons lancé un appel à projets visant à soutenir les EnR coopératives et citoyennes. Au-delà des gains énergétiques, l’engagement dans la transition énergétique proposée dans le scénario « Repos » multipliera les bénéfices économiques et sociaux en créant des emplois durables, en favorisant l’indépendance énergétique et en diminuant la précarité énergétique. Nous sommes aujourd’hui réunis, alors que notre planète vit à crédit depuis le 2 août. Agissons collectivement pour assurer à notre planète un avenir. Les énergies renouvelables en constituent une condition essentielle.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 53
TABLE RONDE 3
Territoires, les nouveaux décideurs Participants Jean-Louis Bal, président, Syndicat des énergies renouvelables (SER). Eva Hennig, directrice du département des politiques publiques, Thüga (Munich). Ladislas Poniatowski, sénateur de l’Eure et président du Syndicat intercommunal de l’électricité et du gaz. Edouard Sauvage, directeur général, GRDF. Virginie Schwarz, directrice de l’énergie à la direction générale de l’énergie et du climat, ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie. Table ronde animée par Jean-Philippe Moinet, auteur et chroniqueur.
54 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 3
Présentation
Virginie Schwarz Jean-Philippe Moinet De grands changements ont marqué nos territoires en France, en particulier le redécoupage régional et la redéfinition de certaines compétences. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte place les territoires au cœur de l’action et renforce les moyens d’action des collectivités territoriales. Afin de cerner les impacts de la nouvelle donne territoriale sur l’activité gazière, j’ai le plaisir d’accueillir un panel de cinq personnalités. J’accueille tout d’abord Virginie Schwarz, directrice de l’énergie à la direction générale de l’énergie et du climat au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Repenser le gaz dans les territoires Virginie Schwarz La loi de transition énergétique pour la croissance verte était porteuse d’une vision et d’une énergie plus déconcentrée. En parallèle, le ministère a soutenu les dynamiques locales au travers d’apports financiers. Le plan climat vise également à accélérer et à rendre irréversibles les objectifs de la loi en affichant une nouvelle ambition, celle de la neutralité carbone pour la France à l’horizon 2050. La France a contribué à la réussite de l’accord de Paris et confirme son ambition de le voir se concrétiser le plus efficacement et rapidement possible, à l’international et en France. Ces objectifs nous obligent à repenser la manière d’appréhender le gaz dans les territoires. Deux enjeux ont été évoqués par Jérôme Ferrier : le premier est la perspective de l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz. Elle permet un nouvel usage des réseaux de transport et de distribution et propose une opportunité pour les territoires en développant une offre locale et renouvelable, permettant d’irriguer tout le territoire. La filière se développe, mais nous devons aller plus loin. Nous travaillons ainsi à compléter les panels de
soutien avec un dispositif d’appel d’offres ciblé sur le biométhane injecté. En outre, nous engageons un bilan technique et économique de la filière afin de juger de l’efficacité de ces dispositifs. Le second concerne la mobilité gaz, qui constitue une opportunité de réduire les émissions (CO2, polluants locaux) dans le transport routier de marchandises. S’agissant du parc de poids lourds roulant au GNV, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a fixé un objectif de 10 % en 2030, ce qui suppose le développement d’infrastructures d’avitaillement. C’est pourquoi l’Ademe a lancé un appel à projets pour financer des acquisitions de poids lourds GNV et des développements d’infrastructures. Beaucoup de dossiers ont été déposés, ce qui témoigne du dynamisme de ce secteur. Le relais devrait être assuré par le fonds de mobilité annoncé par le gouvernement. Deux échéances s’annoncent : les assises de la mobilité et la révision de la PPE. Je souhaite à ce propos réaffirmer l’engagement du gouvernement à faire aboutir la réforme sur la régulation des stockages de gaz. Jean-Philippe Moinet Merci pour cette intervention. Je m’adresse à présent à Ladislas Poniatowski, sénateur de l’Eure et président du Syndicat intercommunal de l’électricité et du gaz. Comment avez-vous vécu cette nouvelle donne territoriale appliquée aux activités gaz et électricité ? Quelles sont les perspectives à horizon proche ?
Les acteurs partenaires de la transition énergétique Ladislas Poniatowski Depuis 2005, les syndicats d’électricité ont la compétence de lancer des délégations de service public (DSP) pour étendre le réseau au gaz. J’ai lancé six DSP. Entre 2005 et aujourd’hui, le nombre de communes raccordées est passé de 139 à 164, ce qui témoigne d’un dynamisme modéré de votre part. Heureusement, vos concurrents étaient présents pour installer des mini-réseaux. S’agissant de la
Ladislas Poniatowski Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 55
TABLE RONDE 3
Les territoires décideurs
Jean-Louis Bal loi de transition énergétique, tous les acteurs (producteurs, transporteurs, distributeurs, entreprises) doivent être dynamiques et pas uniquement les collectivités territoriales. Je souhaite transmettre quatre messages : d’une part que les conférences « Nome » (« nouvelle organisation du marché de l’électricité »), qui réunissent dans chaque département, autour du préfet, les syndicats d’électricité et de gaz et les distributeurs, sont très importantes. Ce rendez-vous annuel favorise le dynamisme et la coordination entre les acteurs. Or ces conférences n’ont toujours pas lieu dans une dizaine de départements. D’autre part que la commission consultative paritaire de l’énergie, du gaz et de l’électricité, qui réunit tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans chaque département sous la présidence des syndicats d’électricité et de gaz, est également importante. Elle permet aux syndicats d’aider les collectivités, notamment les communautés de communes, à investir dans la production de gaz et d’électricité. Or la majorité des départements n’ont pas encore installé ces commissions. Également que l’État, les collectivités territoriales, la région, les EPCI et les syndicats ont un rôle fondamental à jouer pour amener les réseaux d’électricité et de gaz dans tous les foyers et les entreprises. Les syndicats peuvent apporter leur conseil, être maîtres d’ouvrages, mais aussi devenir partenaires financiers. Et enfin que l’État doit mener des actions financièrement incitatives auprès des collectivités territoriales pour les aider à mettre en œuvre la transition énergétique, en s’appuyant sur les porteurs des savoir-faire et des moyens financiers. Jean-Philippe Moinet Merci pour cette intervention. Je donne la parole à JeanLouis Bal, président du SER. Merci de nous exposer les champs de développement de votre énergie renouvelable. En quoi les territoires sont-ils aujourd’hui actifs dans ces domaines ?
56 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Jean-Louis Bal Je souhaite tout d’abord rassurer Virginie Schwarz dans l’évaluation des dispositifs de soutien au biométhane injecté : les professionnels répondront. S’agissant des territoires, ils doivent effectivement assurer le rôle de décideurs de la transition énergétique. Cependant, il convient de faire preuve de pédagogie vis-à-vis des élus, la plupart n’ayant pas pleinement mesuré les opportunités de développement offertes par la transition énergétique. Les citoyens souhaitent d’ailleurs s’orienter vers l’autoconsommation et les circuits courts. Les départements et les EPCI constituent la bonne maille pour la mise en œuvre de cette transition énergétique. Les énergies renouvelables sont réparties sur tout le territoire et doivent donc s’insérer dans des projets menés par les territoires. La loi de transition énergétique a d’ailleurs donné de nouvelles responsabilités à ces derniers, notamment aux régions, en créant de nouveaux outils de planification à caractère prescriptif. Le biogaz constitue quant à lui une opportunité de créer une filière avec une véritable dimension territoriale. Pour ce faire, il convient d’organiser durablement l’approvisionnement des producteurs de biométhane en s’inscrivant dans les territoires. Jean-Philippe Moinet Quelles sont les régions motrices en matière d’installations de biogaz ? Jean-Louis Bal Les projets en cours de développement couvrent aujourd’hui toutes les régions, même si la Bretagne et les Hauts-de-France ont été les pionnières. Nous observons par ailleurs un grand effort de structuration de la filière dans le monde agricole. Il existe une immense diversité de types et d’amplitudes de projets de biogaz, qu’il convient d’aborder sans a priori. En conclusion, professionnels et collectivités doivent travailler sur des offres territoriales et inclure toutes les énergies renouvelables, en intégrant leurs complémentarités. Jean-Philippe Moinet Je transmets la parole à Edouard Sauvage, directeur général de GRDF. Quels sont les apports des collectivités territoriales ? Comment agissez-vous en fonction de vos contraintes ?
TABLE RONDE 3
Jouer sur les complémentarités Edouard Sauvage Je souhaitais revenir sur les propos de la présidente de région, qui a évoqué les lycées à énergies positives et son ambition de généraliser les énergies positives dans sa région. Je pense que ces propos résument la complexité de ce monde décentralisé, où la possibilité de produire de l’énergie renouvelable existe à n’importe quelle échelle, contrairement à l’ancien monde où le système était centralisé. La question de la planification territoriale se pose à chaque niveau. Le discours des gaziers, qui insiste sur la complémentarité des modes de distribution et des solutions énergétiques, est donc plus difficile à vendre qu’un discours hégémonique affirmant, par exemple, que l’ensemble du système doit être électrique, ce qui est irréaliste. L’avenir est dans la recherche de complémentarités, comme dans le projet « Flexgrid » en Alpes-Maritimes, qui réunit plusieurs opérateurs (RTE, Enedis, GRDF…) pour trouver les bonnes solutions. Jean-Philippe Moinet J’en déduis que vous espérez une simplification des échelons de décision territoriaux ? Edouard Sauvage Un monde complexe ne se simplifie pas, mais il convient d’en appréhender la complexité par le dialogue. Je rejoins donc le propos du sénateur Ladislas Poniatowski : les instances de dialogue sont indispensables pour que les élus et les administrations mesurent les conséquences économiques de leurs décisions. Pour réduire les émissions de carbone, il faut choisir l’échelle de cohésion la plus pertinente. Celle-ci dépend des consommations et des potentiels, donc des territoires. Pour étendre le maillage et renforcer la pénétration du réseau, il convient aussi de jouer sur les complémentarités entre le monde rural et le monde urbain. Jean-Philippe Moinet Merci beaucoup de ce panorama. Je remercie d’avance Eva Hennig, directrice du département des politiques publiques de Thüga, de dresser une comparaison entre les systèmes allemand et français.
L’exemple allemand Eva Hennig Thüga est une société holding située à Munich, qui possède des actions dans 100 entreprises énergétiques en Allemagne. Elle possède des actions minoritaires dans ces entreprises, limitées à 15-49 %. La majorité de ces entreprises sont toujours la propriété de la municipalité ou de la région. Ces entreprises sont toutes actives dans les secteurs du gaz et de l’électricité. Elles sont pour la plupart impliquées dans le chauffage urbain et un certain nombre
Edouard Sauvage d’entre elles ont des activités liées à l’eau et aux eaux usées. Ce sont des gestionnaires de réseau de distribution (GRD), qui opèrent donc au sein du réseau, mais elles ont également un rôle de fournisseur. Toutes les entreprises sont dégroupées, soit légalement, soit au niveau interne. Thüga est la propriété de ses filiales. 58 des entreprises dans lesquelles nous possédons des actions ont également des actions au sein de Thüga. Il y a 17 000 personnes dans le groupe, qui a 4 millions de clients en ce qui concerne l’électricité et 2 millions en ce qui concerne le gaz. À l’heure actuelle, Thüga regroupe 720 entreprises de distribution du gaz et 870 entreprises de distribution d’électricité. 900 fournisseurs proposent leurs services à des clients finaux pour l’électricité. En 2000, au début de la compétition, les entreprises locales étaient supposées fusionner avec des entreprises plus importantes, mais le nombre d’entreprises est aujourd’hui plus grand que par le passé. Les conseils municipaux choisissent d’autoriser les entreprises à entrer sur le marché ou créent leurs propres entreprises. Il existe un débat quant au lieu de construction locale d’éoliennes et de parcs photovoltaïques. Les communautés veulent s’assurer que leurs consommateurs aient accès à l’énergie dont ils ont besoin. Le gaz est un secteur très compétitif, et son approvisionnement doit être viable d’un point de vue économique. Thüga regroupe 100 à 120 communautés en une région, qui parfois détient des parts minoritaires. Il existe des règles de dégroupage, ainsi que des règles concernant l’organisation de la procédure de commutation et la gestion des données. Thüga aide les entreprises à se conformer à ces réglementations et propose des sociétés de services et de sous-traitance. Elle offre une salle des marchés et des services de gestion des données énergétiques à ses entreprises. Le marché de l’électricité allemand a été dirigé par la décarbonisation. Le réseau électrique allemand est constitué à 33 % d’énergies renouvelables. Au cours des deux dernières années, de nombreuses études ont été réalisées concernant le potentiel du gaz. Une alimentation complète par électricité est plus onéreuse qu’une combinaison optimale
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 57
TABLE RONDE 3
Ladislas Poniatowski La Normandie est impliquée dans l’éolien offshore, mais la production d’électricité maritime a été occultée. Cependant, une réunion a eu lieu hier soir entre la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et le ministère pour évoquer la production d’électricité à partir des énergies renouvelables. Nicolas Hulot se rendra également à Nantes le 13 octobre. Malgré tout, l’implication des collectivités locales demeure insuffisante. J’ajouterai que les associations locales anti-éolien offshore sont aussi dynamiques que sur terre !
Eva Hennig d’électricité, de gaz et de chauffage urbain. Le biogaz a fait ses débuts en Allemagne il y a bien longtemps, et des milliers de petites usines de biogaz produisent du chauffage et de l’électricité. Néanmoins, elles n’injectent pas de gaz dans le réseau, parce qu’elles en sont trop éloignées. Le système de subvention du biogaz ne s’applique que si l’électricité est produite à partir du biogaz. Thüga possède 200 usines qui injectent tout simplement le gaz au sein du réseau. Le biogaz a principalement été produit grâce aux cultures énergétiques, qui ne sont pas soutenues politiquement. Cela signifie que l’avenir du biogaz est incertain. De nouveaux appels d’offres vont être faits. Il est possible de produire de l’hydrogène à partir de cette électricité et d’injecter cet hydrogène dans le réseau. L’électricité peut être transformée en méthane synthétique. Un gestionnaire de réseau de transport (GRT) néerlandais, ainsi qu’un GRT allemand, souhaitent construire une grande usine d’électrolyse dans la mer du Nord à proximité des éoliennes, convertir l’hydrogène et le ramener sur la plage. Les gens envisagent de changer leurs réseaux de gaz naturel en faveur de l’hydrogène. Il est temps pour nous d’agir et de démontrer que ces actions peuvent avoir des résultats.
Débat
Jean-Louis Bal La mer constitue une composante importante du développement territorial des énergies renouvelables. Un travail en profondeur est mené sur les aspects industriels de développement de valeur ajoutée. La région Occitanie se montre active dans le développement de l’éolien flottant. Claude Conrard Pour certains consommateurs industriels, le basculement du charbon vers le gaz représente un risque. Quelles sont les orientations en Allemagne dans ce domaine ? Eva Hennig En Allemagne, une distinction doit être faite entre l’industrie énergétique et les consommateurs industriels. Les grands consommateurs industriels ont déjà des usines de gaz CHP et produisent leur propre électricité. Ces entreprises appartiennent toutes au secteur du système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) et les décisions qu’elles prendront en ce qui concerne le carburant qu’elles utiliseront à l’avenir dépendront du prix du CO2 plutôt que de la réglementation. Le SCEQE doit encourager les consommateurs industriels à faire le choix d’options d’énergie efficientes. Il existe des programmes de subventions étatiques qui encouragent l’efficience énergétique. De la salle Ne craignez-vous pas qu’un certain nombre de sites choisissent de ne pas rester en Allemagne ?
De la salle Quelle est la place des régions dans le développement du GNL marin ?
Jean-Philippe Moinet Quelle est l’articulation entre le point de décision local-national et le point de décision européen ?
Virginie Schwarz L’État travaille actuellement sur la stratégie nationale mer et littoral (SNML), qui traitera des questions gazières et marines et s’attardera sur la coexistence et les usages des énergies renouvelables, mais aussi de l’articulation de leur développement avec celui des autres activités (tourisme, pêche, etc.). Ces travaux auront lieu courant 2018 et donneront lieu à des stratégies façade par façade, afin d’appréhender de manière globale les enjeux de la mer.
Eva Hennig La production de certains types de gaz et d’électricité se fait au niveau local et beaucoup de choses sont donc réalisées au niveau des GRD. De ce fait, la transition énergétique doit être locale, pour obtenir le soutien des citoyens.
58 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 7
Quelle réglementation énergétique dans le bâtiment pour demain ? Participants Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction, ministère de la Transition écologique et solidaire. Alain Mille, directeur du développement, GRDF. André Pouget, bureau d’études Pouget Consultants. Atelier animé par Bernard Aulagne, président, Coénove.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 59
ATELIER 7
Présentation
Emmanuel Acchiardi Bernard Aulagne Depuis la première réglementation thermique en 1974, le secteur du bâtiment a connu six nouvelles réglementations visant à améliorer l’efficacité énergétique et à diminuer les consommations. La RT 2012 est venue placer la France dans le peloton de tête des pays européens en matière d’efficacité énergétique dans la construction neuve. Afin de travailler à sa succession, des travaux ont été engagés il y a quelques mois pour définir la prochaine réglementation environnementale.
Enjeux et termes de la future réglementation environnementale Emmanuel Acchiardi Je vous présenterai ici les travaux préparatoires à la future réglementation environnementale et l’expérimentation du label « énergie positive et réduction carbone ». Plusieurs textes se sont succédés ces dernières années en matière de performance énergétique et environnementale des bâtiments : les lois Grenelle 1 et 2, ainsi que la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 et la stratégie nationale bas carbone, qui fixe un objectif de réduction de moitié des émissions carbone du bâtiment, dans le neuf et dans l’existant à l’horizon 2030. La future réglementation, qui prendra à terme le relais de la RT 2012, s’intéresse au bâtiment neuf. Elle s’appuie sur un référentiel, un observatoire et un label visant à valoriser des projets pilotes. La réglementation thermique actuelle est déjà ambitieuse, le but est d’aller plus loin en matière énergétique et d’avancer sur le sujet des émissions carbone. À terme, la loi prévoit que tous les bâtiments neufs seront dits « Bepos » (bâtiment à énergie positive) et devront préciser leur niveau d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie. La filière doit se préparer à cette échéance
60 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
grâce à un référentiel, c’est-à-dire de nouveaux indicateurs portant sur l’énergie et le carbone et des valeurs cibles, qui constitueront le socle des futures exigences réglementaires. Ainsi, la définition du Bepos s’applique à un bâtiment qui produit autant qu’il consomme. Une approche progressive a été définie, avec quatre niveaux, dont le premier constitue déjà une amélioration de la RT 2012 en vigueur. La performance environnementale est un thème nouveau. Notre but est de travailler sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment grâce à une méthode d’analyse du cycle de vie (ACV) relativement consensuelle, mais à laquelle tous les professionnels doivent se former. Le Bepos vise à minimiser la part d’énergies non renouvelables consommées ainsi qu’à la compenser par la production d’énergie renouvelable. Ce bilan est ainsi nul pour le niveau 4, tandis que les deux premiers niveaux représentent un effort plus modéré par rapport aux exigences de la RT 2012. En phase d’expérimentation, des maîtres d’ouvrage volontaires évaluent leur bâtiment par rapport au référentiel et à la méthode, tant pour le classement Bepos que pour les émissions de carbone. Ils déposent leurs données énergétiques et expérimentales, ce qui permet en outre d’examiner le coût des exigences qui seront imposées. Le référentiel a été élaboré par l’ensemble des parties prenantes du secteur de la construction. La phase d’expérimentation, totalement volontaire, permettra d’apporter des amendements si nécessaire à la méthode. Le label est en outre délivré par des certificateurs, qui accompagnent le maître d’ouvrage dans la saisie et le dépôt de ses données et attestent les niveaux E et C visés. En termes de méthode, l’expérimentation est ouverte aux bâtiments récents construits ou en projet. Le maître d’œuvre doit fournir les données énergétiques (RSET) accompagnées d’une étude environnementale. Nous demandons en outre un certain nombre de données économiques. Deux initiatives de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et du monde HLM visent en outre à promouvoir les ACV et à faire entrer des logements sociaux dans l’expérimentation. Enfin, le bonus de constructibilité et l’exemplarité des bâtiments publics s’appuient également sur ce référentiel. Un guide à destination des acteurs a été édité par le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Une mallette pédagogique de l’Association des ingénieurs en climatique, ventilation et froid (AICVF) est également disponible pour les acteurs. Un outil de MOOC (« massive open online course », formation en ligne) est en cours d’élaboration par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Le programme « objectif bâtiment énergie carbone », porté par l’Ademe et ses directions régionales, a consisté à recruter un référent dans chaque région, qui constituera et animera une communauté de travail.
ATELIER 7
Évaluer la mise en œuvre des nouvelles exigences André Pouget Mon exposé visera essentiellement à vous faire part du ressenti de ces évolutions législatives par le terrain. Les solutions gaz en application de la RT 2012 permettent de parvenir au niveau C1 d’émissions carbone. Pour améliorer ce bilan et parvenir au niveau C2, il est possible d’agir tant sur la construction que sur l’exploitation du bâtiment. En construction, il est envisageable par exemple de recourir à des systèmes mixtes bois et béton. En exploitation, des solutions hybrides peuvent être retenues, par exemple une chaudière à condensation avec une relève en pompe à chaleur. Le recours aux énergies renouvelables est également envisageable dans les flux entrants d’énergie. Ainsi, le réseau existant de gaz permet le stockage d’énergies renouvelables. En panachant ces solutions, il est aisé de parvenir à un niveau intermédiaire entre les classifications C1 et C2. Atteindre le niveau C2 impose pour sa part de recourir à des solutions très onéreuses. S’agissant de l’énergie, l’amélioration du bâti permet d’office d’atteindre la classification E2. L’évolution vers le niveau E3 ou E4 doit cependant être envisagée prudemment et avec parcimonie, sans s’obstiner à atteindre des niveaux de performance complexes ou à mettre en place une production démesurée sur site. Ainsi, de nombreux bâtiments n’ont pas suffisamment de toits pour la production photovoltaïque. La solution peut être la mutualisation entre bâtiments, tant pour l’électricité que pour le biogaz injecté dans le réseau. Il convient en outre de se pencher sur la question du parc existant, dont l’efficacité énergétique se classe selon un ratio de 1 à 100, sachant qu’un mètre carré de construction neuve émet deux fois mois de carbone que l’existant. Je ne suis pas favorable à de nouvelles exigences, mais à une harmonisation des normes existantes. En effet, le parc existant est une chance, car il crée du travail local non délocalisable pour valoriser notre patrimoine et permet de ne pas étendre les constructions sur les terres agricoles. S’agissant de la vision du bureau d’études, ces nouvelles exigences ont un impact non négligeable sur le coût de nos études. Nous sommes contents de faire partie de cette expérimentation, qui nous oblige à tomber de temps à autre sur des difficultés qui permettent de faire évoluer les exigences qui nous sont imposées. Cependant, lorsqu’un maître d’œuvre vient nous demander un bâtiment E2 et C1, nous sommes peu à l’aise en matière de chiffrage préliminaire des émissions carbone. Ainsi, à technique de construction égale, plus le rapport de murs ramené à la surface habitable est grand, plus le bâtiment émet de carbone au mètre carré habitable. Enfin, il convient de travailler au maintien de l’existant. Bernard Aulagne Tout l’enjeu de l’expérimentation est en effet de caler les seuils en termes de performance et en termes de coût pour les différents acteurs.
André Pouget,
Évoluer grâce à la complémentarité du mix énergétique Alain Mille L’évolution de la réglementation vers une approche énergie/carbone, actuellement dans le neuf et certainement dans l’existant à l’avenir, est une bonne nouvelle pour les gaziers, à la condition qu’il s’agisse effectivement d’une approche combinant énergie, carbone et coûts. Raisonner sur le domaine énergétique est à mon sens plus simple en puissance. La courbe annuelle d’appel de puissance en France actuellement projetée démontre l’extrême thermo-sensibilité de notre mix énergétique. Ainsi, les appels de puissance en période de grands froids sont quatre fois supérieurs à ceux de l’été. Nous y répondons par un mix énergétique complémentaire constitué d’électricité en base et de gaz, bois et fuel en hiver. Je pense que ce mix complémentaire a vocation à perdurer à l’avenir, bien que certaines énergies aient vocation à évoluer. L’électricité couvre tout particulièrement les besoins constants, tandis que les besoins hivernaux sont couverts par les énergies stockables ou facilement disponibles (bois, réseaux de chaleur, fuel, gaz). Ainsi, alors que notre système électrique est saturé à moins de 100 gigawatts (GW), le système gazier français permet de délivrer environ 200 GW. Les réglementations dans le neuf et dans l’existant traduiront inévitablement ce nécessaire mix énergétique. Le gouvernement a affirmé sa volonté de réduire le nucléaire et de le remplacer par des énergies renouvelables (EnR). Pour maintenir la couverture des besoins actuels, la baisse par exemple de 15 GW de nucléaire nécessiterait la mise en service de 110 GW d’EnR, du fait de la faible disponibilité en hiver de l’éolien (25 %) et du solaire (2 %). Les solutions telles que le bois, les réseaux de chaleur et le gaz devront être renforcées. Par ailleurs, la seule manière de stocker massivement l’électricité renouvelable surabondante d’été pour une utilisation en hiver est en outre un stockage sous forme gazeuse, en produisant de l’hydrogène par électrolyse. Le gaz est donc appelé à se verdir en stockant l’électricité produite l’été
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 61
ATELIER 7
Emmanuel Acchiardi La réglementation est actuellement basée sur des calculs conventionnels et donc des comportements type et normés. Les commerces, tout comme les gares, ont un flux d’entrées et de sorties continu. Il sera probablement nécessaire de traiter différemment ces bâtiments particuliers. André Pouget Certaines villes interdisent de chauffer les terrasses des cafés.
Alain Mille pour l’utiliser l’hiver. Il est donc nécessaire de conserver un mix énergétique comprenant le gaz. Si le gaz est indispensable au mix en approche énergie, permet-il d’atteindre les objectifs carbone de la loi de transition énergétique ? L’objectif le plus contraignant est la réduction de 54 % des émissions de CO2 pour les énergies fossiles d’ici 2030 et de 86 % d’ici 2050. L’étude Coénove démontre qu’atteindre l’objectif 2030 impose de disposer de 10 % de gaz renouvelable dans le réseau. C’est ce qui est prévu dans la loi. Pour 2050, la loi de transition énergétique prévoit un parc renouvelé « bâtiment basse consommation » (BBC). Il faudra alors 40 % de gaz renouvelable dans les réseaux, objectif tout à fait atteignable. Le gaz est donc indispensable à la stabilité du mix énergétique, qui s’annonce équilibré et complémentaire à l’avenir. Pour garantir la stabilité du mix énergétique, les réglementations ne doivent donc pas orienter massivement le chauffage vers l’électricité. La RT 2012 a été bâtie sur cette logique. La réglementation énergétique de 2018 ou 2020 semble en ligne avec les précédentes orientations et nous en partageons l’approche. S’agissant de l’existant, nous ne saurions pas alimenter un basculement massif des chaudières à gaz vers les pompes à chaleur. La réglementation doit en tenir compte. En synthèse, nous pensons que le mix énergétique de demain restera complémentaire et deviendra de plus en plus renouvelable avec une électricité où le nucléaire diminuera au profit des EnR, une énergie gaz qui quittera progressivement le fossile pour tendre vers le renouvelable et des réseaux de chaleur qui se verdiront à partir du bois et de la géothermie.
Débat De la salle Les nouvelles constructions de commerces du centre-ville de Bordeaux ont leur porte grande ouverte en hiver, avec un rideau d’air chaud électrique. Je suis très surpris que la réglementation ne traite pas de ce sujet et ne réglemente pas les comportements.
62 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
De la salle Le président Macron évoquait récemment une simplification des normes environnementales, y compris dans le bâtiment. Cette simplification peut-elle avoir un impact sur l’expérimentation et la future réglementation ? Cette dernière pourrait-elle être oubliée au profit du maintien du seuil RT 2012 ? Emmanuel Acchiardi Des annonces sont attendues pour les prochains jours. Nous menons actuellement une expérimentation qui vise à préparer une future réglementation environnementale répondant à des objectifs nationaux, européens et internationaux. De la salle Avez-vous pu évaluer les surcoûts de cette future réglementation ? André Pouget Les seuils E1 et E2 sont relativement indolores en termes de surcoût. Les niveaux E3 ou E4 représentent pour leur part des augmentations de coûts exponentielles. Le niveau C1 est également indolore, tandis que le C2 est excessivement cher. S’agissant de la complexification des normes et des nouvelles exigences, il existe aujourd’hui une opportunité de simplification des exigences et de réunion des secteurs du neuf et de la rénovation, ce qui réduirait grandement la complexité. Les exigences carbone sont la somme de la construction ou de la rénovation et de l’exploitation. Le neuf consomme beaucoup de carbone pour la construction, mais en produit peu en exploitation. La rénovation génère moins de carbone que la construction, mais son exploitation est un peu moins efficace. Il est donc nécessaire de prévoir des seuils qui n’excluent aucun dispositif ni aucune énergie, tout en simplifiant considérablement l’approche réglementaire. Bernard Aulagne Cet atelier nous a permis de découvrir les travaux, les perspectives et le mode de travail de la future réglementation, dans une logique d’expérimentation qui permettra de vérifier la pertinence des seuils actuels avant toute prise de décision en matière réglementaire.
L’association française du gaz Le syndicat professionnel du gaz en France
Pour fédérer nos énergies • Lien entre les acteurs de la chaine gazière, l‘AFG contribue à sa promotion et à son développement
www.afgaz.fr
© Visuel : cornelius - fotolia.com / Conception graphique : www.pension-complete.com - 2010
• Créateur de compétences, l‘AFG propose ses services dans les domaines de la normalisation, de la certification et de la formation
ATELIER 8
Comment réussir à injecter de plus en plus de gaz vert ? Participants Christophe Bellet, directeur projet biométhane, GRDF. Christophe Bouillon, député en Seine-Maritime, membre de la commission développement durable et membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Arnaud de Moissac, président de DCbrain. Philippe Garrec, directeur général de Lilibox. Julien Schmit, responsable développement biométhane, GRTgaz. Atelier animé par Bertrand de Singly, délégué stratégie GRDF.
64 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 8
Présentation
Christophe Bellet Bertrand de Singly Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à cet atelier, dont le thème correspond à la septième action du livret COP21 à COP23 de l’AFG (« Asseoir l’envol de la filière méthanisation »). Les intervenants de cet atelier sont pleinement engagés dans cette action. La loi de transition énergétique de 2015 fixe un objectif de 10 % de gaz vert dans les réseaux de gaz en France d’ici à 2030. À ce jour, les gaz renouvelables représentent 0,1 % du gaz français. La filière gaz vert connaît un accroissement très important. Je donne la parole à Christophe Bellet, pour une présentation de la vision des opérateurs de réseau sur le développement du gaz vert ainsi qu’un état des lieux du développement du biométhane.
méthane est important et pour aller largement au-delà des 8 TWh, les obstacles à son essor sont à dépasser. Premièrement, la filière méthanisation suscite des craintes des milieux bancaires. Un projet de méthanisation représente entre 5 et 6 millions d’euros en moyenne, ce qui nécessite de lever une dette représentant 70 % du coût. Les principales institutions bancaires intervenantes sont le Crédit agricole et la BPCE. Les autres banques se montrent quelque peu frileuses et nous devons les rassurer. Deuxièmement, nous devons faire face à un problème d’acceptabilité. Dans de nombreux cas, nous avons des recours. Troisièmement, les procédures d’autorisation d’exploiter sont très lourdes à gérer d’un point de vue administratif. Quatrièmement, les réseaux des opérateurs gaziers ne couvrent pas l’ensemble du territoire, ce qui complique la valorisation d’intrants nécessaire à la production du biométhane. Pour injecter davantage de gaz vert, différentes pistes sont envisagées. Tout d’abord, il convient d’identifier le point d’injection le plus adéquat, permettant de concilier la capacité d’injection, le coût du raccordement et le débit injecté. En outre, il est envisagé de baisser la pression en été, afin de passer les creux la nuit ou le week-end. Puis, il convient d’améliorer le maillage des réseaux de distribution. Ensuite, il est possible de liquéfier le biométhane, pour passer les creux de consommation. Enfin, il est envisageable de faire circuler le gaz en sens inverse, afin de remonter sur des réseaux de transport particulièrement consommateurs. Pour les opérateurs gaziers, le champ des possibles est donc très large. Bertrand de Singly Merci Christophe Bellet pour cette présentation. Je donne la parole à Arnaud de Moissac, pour nous expliquer dans quelle mesure sa start-up, DCbrain, permet d’appréhender le réseau de manière différente, dans le but d’accroître l’injection de gaz vert.
Biométhane : l’état des lieux Christophe Bellet En France, il y a actuellement trente-six sites en injection, répartis essentiellement dans l’Est, le Nord et l’Ouest. Ces derniers injectent chez GRDF, GRTgaz, TIGF, GDS, etc. Différents types projets se sont développés. L’injection de biométhane concerne des marchés très différents les uns des autres, compliquant la visibilité dont nous disposons sur ce gaz vert. La majorité des sites à injection est agricole (fumier, lisier, culture), cinq projets de méthanisation concernent des stations d’épuration, trois projets font de la méthanisation à des plateformes de tri de déchets… Nous injectons également du biogaz épuré de décharges. Ce marché représente un potentiel important. Par ailleurs, le portefeuille actuel comporte plus de 500 projets et nous prévoyons un doublement des sites injectant dans les réseaux, preuve que la filière biométhane connaît une forte croissance. Nous pensons que l’atteinte de l’objectif de 8 TWh de gaz vert injecté fixé dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est atteignable. Le potentiel de développement de la filière du bioArnaud de Moissac Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 65
ATELIER 8
Julien Schmit
Appréhender un réseau complexe Arnaud de Moissac L’accroissement du biométhane renvoie à une problématique commune à tous les types d’énergie. L’enjeu est de passer d’un réseau très hiérarchisé à des réseaux plus distribués et plus dynamiques. De fait, la manière d’opérer les réseaux change et devient plus complexe. Cette complexité vertueuse et nécessaire prouve que la transition énergétique est en cours. Notre but est d’aider les opérateurs à gérer cette complexité. S’agissant du biométhane, GRDF nous a demandé de l’aider à identifier la configuration la plus adéquate et la bonne équation économique, pour poser un point d’injection. Nous devons composer avec les différents profils de consommation et d’injection. Or, les outils ne sont pas pensés pour prendre en compte la complexité. Par exemple, GRTgaz possède des profils horaires, alors que GRDF a des profils mensuels. Ces derniers ne permettent pas de savoir si les creux de consommation interviennent le 10, le 12 ou le 15 août. Il paraît donc pertinent de revoir les caractéristiques des profils de consommation, à l’aide d’outils d’apprentissage. Par ailleurs, des algorithmes permettent de dynamiser le réseau. En somme, nous aidons les opérateurs gaziers à ne pas être submergés par cette nouvelle complexité. Bertrand de Singly Merci Arnaud de Moissac. Le rebours représente l’un des moyens permettant d’accroître l’injection de gaz vert. Pouvez-vous nous en dire davantage Julien Schmit ?
La solution du rebours Julien Schmit Le rebours dont nous parlons concerne deux niveaux de pression différents, dont le but est de faire face à une surcapacité de gaz constatée le plus souvent en été. En France, un rebours distribution-distribution, entre un réseau à 4 bars et un autre à 16 bars, sera réalisé par GRDF en 2018. S’agissant des rebours entre distribution et transport, les deux premiers
66 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
pilotes seront effectués, l’un en Bretagne et l’autre en Pays de la Loire. Si les rebours ne sont pas localisés aux endroits les plus pertinents, des difficultés surviendront en cours d’année. La mise en service est prévue en octobre 2019. Pour la période qui suit, une quinzaine de sites ont été identifiés, pour être l’interface entre GRDF et les opérateurs de réseau de transport (TIGF et GRTgaz). Pour atteindre l’objectif de 10 % de gaz vert d’ici à 2030, nous estimons qu’environ 13 térawattheures (TWh) devront être injectés d’ici à 2025, soit 600 sites d’injection – en majorité sur le réseau de distribution –, soit 2 milliards d’euros d’investissement. Une étude statistique réalisée l’année passée préconise ainsi la construction d’une quarantaine d’installations de rebours, principalement entre distribution et transport, ce qui nécessite environ 110 millions d’euros. Pour information, les stockages de Storengy et de TIGF sont ouverts au biométhane depuis mai 2017. Nous disposons donc de capacités largement supérieures aux objectifs assignés à moyen terme et permettant d’absorber les éventuels surplus de production sur les territoires. Par ailleurs, il convient de donner aux différents acteurs des territoires (régions, FNSEA, chambres d’agriculture, etc.) davantage de visibilité. À cette fin, j’ai introduit un concept appelé pour le moment « Prodig » (plan régional pour le développement des infrastructures pour l’injection de gaz), destiné à créer des modes de fonctionnement entre les différents acteurs d’un territoire, dans le but de leur donner une visibilité et de développer les capacités des réseaux. Bertrand de Singly Je vous remercie. Je donne la parole à Philippe Garrec, qui nous présentera une solution de micro-liquéfaction.
La solution micro-liquéfaction Philippe Garrec Lilibox développe une solution de stockage compact temporaire de biométhane. Le principe est le suivant : lorsque la consommation est inférieure à la production, le surplus est stocké sur place, puis réinjecté dans le réseau, dès lors que la consommation devient supérieure à la production. La liquéfaction du biométhane – cœur de métier de Lilibox – permet de rendre ce gaz ultracompact, ce qui facilite son stockage. Cette entreprise développe des installations réduites captant le surplus de production. Elles combinent un cycle ouvert à l’azote et un système propriétaire d’épuration. Après avoir été liquéfié, le bio-méthane est stocké sous forme cryogénique classique. Avant réinjection, le biométhane est vaporisé, ce qui lui permet de retrouver sa forme gazeuse. Les tests en cours dans le cadre du pilote dureront jusqu’en février 2018. L’été prochain permettra d’éprouver le dispositif en situation réelle, avant une mise en commercialisation prévue à la fin de l’année 2018 ou au début de l’année 2019. Bertrand de Singly Je vous remercie. Je laisse le député Christophe Bouillon nous présenter les différents usages possibles sur les territoires.
ATELIER 8
L’énergie de la transition énergétique Christophe Bouillon Le gaz vert représente le véritable élément « énergie » de la loi de transition énergétique votée par le Parlement. De surcroît, il se trouve à la croisée de différents enjeux : il participe à la lutte contre le changement climatique ; il joue un rôle dans le combat contre les différentes formes de pollution de l’air ; il représente un élément essentiel de l’économie circulaire ; il contribue fortement à une décentralisation de la gestion énergétique. Le ministre de l’Écologie a récemment parlé du gaz vert comme étant l’énergie d’avenir. Il est vrai que les projets de méthanisation participent à la réalisation d’un mix énergétique ambitieux et cohérent avec les logiques territoriales. Ils permettent aux territoires de s’inscrire pleinement dans la dynamique de la transition énergétique, malgré les freins existants. D’ailleurs, la stabilité de la fiscalité représente également un enjeu à ne pas négliger. Le gaz vert représente également une source potentielle de revenus et d’emplois pour les agriculteurs. La question de l’usage des terres et des cultures dédiées mériterait d’être analysée, en tenant compte de cette nouvelle richesse. Les collectivités ont un rôle important à jouer, notamment en matière de commandes publiques. La pollution de l’air revêt également un intérêt économique, notamment pour ce qui est du transport de marchandises. Le gaz vert représente véritablement l’énergie de la transition énergétique. Il permet de passer d’un système très décentralisé, très carboné et peu digitalisé à un mix plus décentralisé, plus digitalisé et plus propre. Bertrand de Singly Je vous remercie pour votre intervention, qui rappelle le rôle des élus en matière de transition énergétique. J’invite l’assistance à formuler leurs questions à nos experts.
Débat
Christophe Bouillon
De la salle Est-il envisagé un dispositif de récupération du biométhane au profit des résidences des particuliers ? Bertrand de Singly À ce jour, il existe un dispositif garantissant que le gaz acheté est « vert ». En outre, un particulier peut devenir producteur. Des projets sont lancés en ce sens dans le Sud-Ouest, grâce à des financements participatifs. Christophe Bouillon Des projets de micro-méthanisation existent par ailleurs. De la salle Le méthane produit et injecté dans le réseau est acheté aux alentours de 100 euros le MWh, dans le cadre d’un marché à 20 euros le MWh. Il existe donc un système de compensation d’environ 80 euros par MWh. Il est envisagé d’injecter plusieurs TWh d’ici à quelques années. Selon vous, quel est le prix acceptable pour produire et injecter une telle quantité de biométhane dans les réseaux ? Christophe Bouillon C’est une question très pertinente, méritant d’être travaillée par la filière industrielle et méthanisation. D’après nos études, nous considérons qu’il est possible de diminuer le coût du biométhane injecté de 30 % d’ici à 2025. De la salle Une production de gaz plus locale engendrera-t-elle une modification de la structure tarifaire actuelle ? Christophe Bouillon Le modèle actuel devrait être adapté. Un travail avec la CRE est en cours sur cette problématique. Bertrand de Singly Je remercie l’ensemble des intervenants de nous avoir éclairés sur les enjeux relatifs à l’introduction de gaz vert.
Philippe Garrec Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 67
ATELIER 9
Digital, data et technologies émergentes : quels enjeux et applications pour les réseaux de gaz ? Participants Hervé Constant, directeur des systèmes d’information, GRTgaz. Cyrille Georget, directeur secteur energy and utilities France, PwC. Martin Levionnois, responsable des activités Europe, Osisoft. Michal Mazur, associé, PwC, Pologne. Atelier animé par Pascale Jean, partner consulting, secteur energy and utilities, PwC.
68 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 9
Présentation
Hervé Constant
Retour d’expérience opérationnel sur la mise en œuvre des nouvelles technologies dans les réseaux de gaz Hervé Constant Trois points principaux concourent à la mutation du marché de GRTgaz : la volonté de digitalisation des clients, l’utilisation de nos données par les parties prenantes (régions, territoires, observatoires locaux) et la transition énergétique et les smart grids. Concrètement, nous participons à des projets régionaux comme « Smile », avec notre expérience de traitement des données ou de gestion intelligente des différentes énergies. Nous participons aussi à des « datathons », à des « hackathons », avec nos partenaires énergéticiens et les collectivités : il s’agit de faire parler les données en favorisant la pluridisciplinarité pour faire émerger des solutions innovantes. Enfin, Réseau énergie, réseau open data mis en œuvre avec RTE, répond à une demande forte des collectivités en termes d’accès aux données. Vis-à-vis des clients, nous allons fusionner nos deux zones (projet « Zéphyr ») et nous avons questionné nos clients expéditeurs en recourant à un jeu de rôles. Nous sommes en train de revoir notre portail client, selon une approche design thinking, calée sur l’usage. Sur la maintenance et l’exploitation, nous avons doté tous nos agents d’appareils nomades – il y a dix ans déjà -, avec aujourd’hui un enjeu de transformation de notre système d’information (SI) vers les applications mobiles. Nous sommes par ailleurs impliqués dans des réflexions poussées sur la maintenance prédictive grâce à la data science. Nous essayons également d’être innovants sur le plan RH, sur le volet recrutement, notamment, mais aussi sur la formation : nous venons de lancer un MOOC (formation en ligne) autour des ambassadeurs du gaz et une équipe de terrain a développé un outil de formation immersive basé sur des lunettes de réalité virtuelle. La réalité augmentée –
la capacité de voir des informations sur écran en surimpression – est un sujet d’étude. On peut imaginer filmer des éléments techniques pour obtenir immédiatement les notices correspondantes ou des informations d’exploitation. L’IoT [l’internet des objets, ou objets connextés, NDLR] est un autre domaine d’expérimentation majeur. Ces technologies existent et nous essayons d’en tirer des cas d’usages afin de répondre aux exigences de time to market exprimées par nos clients. De manière générale, l’exploitation de la data, associée à un SI modernisé, doit nous y aider. In fine, nous avons en ligne de mire des idées autour de l’intelligence artificielle. La prise de décision reposera de plus en plus sur le traitement d’un volume d’informations important. Quant à la blockchain, nous avons quelques cas d’usage, autour de la certification des contrats d’acheminement ou des contrats de raccordement. Pour devenir acteur de ces transformations, j’identifie trois pré-requis essentiels. Les compétences : en particulier la DSI doit se transformer, gagner en compétences data et digital, sachant que nous n’avons pas le pouvoir d’attraction de Google ; les métiers : ils sont les utilisateurs des données et les différents parcours professionnels, y compris RH, doivent acquérir une compétence digitale ; les méthodes de travail : design thinking, méthode agile, etc. – elles allient le lean management avec de la transversalité, du collectif, du des-ilotage, pour aboutir à des équipes autonomes, pluridisciplinaires et en charge de la conception d’un système jusqu’à son exploitation. La pluridisciplinarité, en particulier, implique que l’utilisateur final intervienne au niveau de la conception. Les méthodes basées sur des cahiers des charges cloisonnés est révolue. Dans ce modèle, le management doit passer d’un fonctionnement hiérarchique de prescription à un mode collectif de collaboration. À la direction des SI, nous avons pris le parti de créer un pôle digital qui dédie 10 % de ses effectifs à toutes ces questions. Pascale Jean Merci pour ce témoignage dont je retiens la nécessité de se transformer grandement, au niveau du système d’information, des modes de travail et du management. Les technolo-
Cyrille Georget Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 69
ATELIER 9
Michal Mazur gies sont disponibles et l’un des enjeux est de démontrer la valeur ajoutée des cas d’usages. Michal Mazur va précisément nous expliquer comment les drones ont une application industrielle. Cyrille Georget Précisons au préalable que la digitalisation intervient en circuit ouvert : toutes les industries sont concernées, avec des transferts d’expérience entre elles. De plus, l’enjeu est de passer du POC (démonstration de faisabilité) à une exploitation industrielle : architecture informatique, transformation de l’organisation et des tâches.
Le rôle des drones dans la récolte de données visuelles précises Michal Mazur Les drones nous offrent de nouvelles possibilités pour l’enregistrement des données visuelles. Auparavant, nous utilisions des satellites ou des avions pour prendre des photographies, mais les drones nous permettent d’obtenir des images à plus basse altitude, améliorant ainsi leur qualité. Les réglementations relatives à l’utilisation commerciale des drones sont apparues en 2013 14. La moitié de l’équipe des solutions assistées par drones est constituée de consultants, tandis que l’autre moitié regroupe des scientifiques des données d’image, des photogrammétristes, des experts de l’apprentissage des machines et des ingénieurs. Ils aident les clients de PwC à modifier leurs systèmes opérationnels. Les drones sont utilisés afin de superviser les constructions et d’analyser les sinistres, principalement aux États-Unis, mais aussi en Europe. Ils sont utilisés pour la gestion des biens et la sécurité. Le site de construction est préparé et les informations sont vérifiées afin de garantir qu’il soit conforme à son état antérieur. Les drones sont utilisés pour scanner une zone avant la construction des gazoducs. Des modèles 3D précis au millimètre près peuvent être incorporés au plan. Cela aide les entreprises à identifier les défis. Ces informations peuvent être incluses dans les appels d’offres pour
70 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
les travaux de construction. La conception peut également être réalisée physiquement selon le modèle 3D. Pendant la construction, les drones peuvent superviser les travaux, générer et construire des modèles 3D. Ils peuvent rapporter les progrès, la cohérence, les violations quant aux règles sur la santé, la sécurité et l’environnement. Cela permet d’accélérer les procédés et de les rendre plus précis. En phase post construction, le modèle 3D peut à nouveau être généré, permettant ainsi une documentation précise. Aux ÉtatsUnis et en Allemagne, il est fréquent que les travaux de construction donnent lieu à un contentieux, et les entreprises de construction ressortent souvent gagnantes grâce à leurs données de qualité supérieure. Néanmoins, les investisseurs auront désormais plus de chance de gagner, les drones leur offrant des données plus précises. Les drones peuvent analyser les sites de construction qui ont été endommagés par les inondations, les tremblements de terre ou les ouragans. Ils aident les entreprises à planifier leurs réponses face aux sinistres, leur permettent d’apporter de meilleures preuves aux compagnies d’assurances et de porter des réclamations plus fructueuses. Aux États-Unis, certains conduits se trouvent à la surface, avec des stations de pompage tous les 30 à 50 mètres, permettant l’identification des problèmes tous les 30 à 50 mètres. Le terrain peut être difficile à atteindre pour les camions, mais les drones peuvent transporter un équipement multi-spectral et les équipes peuvent identifier le lieu précis des fuites. Il existe différents types de drones, notamment des modèles multi-rotors ou à aile fixe. Les drones multi-rotors sont utilisés pour capturer les images stables nécessaires à la supervision des constructions. Les modèles à aile fixe sont employés pour les fuites, en raison de leur plus grande vitesse. Des drones autonomes sur lesquels ont été programmés des itinéraires peuvent être utilisés à des fins de sécurité. Ils peuvent être améliorés à l’aide d’intelligence artificielle et en cas d’effraction, ils peuvent patrouiller plus souvent sur les zones concernées. Certains modèles ont une capacité de reconnaissance des lieux et peuvent déterminer si l’effraction a été commise par une personne ou un animal. Une compagnie de chemin de fer européenne a eu recours au drone dans ce cadre et ses vols ont diminué de 70 %. L’apprentissage machine enseigne à l’intelligence artificielle des modules de reconnaissance des objets ; l’un de ces modules peut reconnaître cent objets. Le gouvernement japonais a récemment pris une résolution prévoyant que toutes les constructions financées par des fonds gouvernementaux devraient être sondées par drone d’ici 2019. Les drones ne sont pas dirigés à la main. Un itinéraire de vol est planifié, après quoi le drone est dirigé par pilotage automatique. Cela permet un type et une qualité de données identiques à tout moment. L’utilisation des données est également planifiée. De même, l’ensemble du personnel opérationnel doit accepter de recourir aux drones pour récolter et analyser les données. Les entreprises doivent déterminer avec ces personnes comment les données doivent être utilisées pour améliorer les procédés de prise de décision. Une étude de drone sur 3 kilomètres de conduits fournira 200 gigabytes de données,
ATELIER 9
et ces données doivent être stockées. L’accès aux données ne devrait pas être réservé aux responsables de projet. Les personnels de sécurité, des finances, les sous traitants et le personnel juridique doivent également pouvoir les utiliser. PwC a travaillé avec une entreprise en Europe qui a reçu un financement pour la construction de 2 000 kilomètres de conduits gaziers de transmission. Les sites de construction étaient tous en retard et les dépenses excédaient les budgets alloués. Ils ont commencé à utiliser des drones pour enregistrer leurs données et le centre d’excellence PwC a traité ces informations. L’implémentation a nécessité une année. Les données récoltées ont été intégrées aux plans de construction et aux études antérieures, pour que l’entreprise puisse mesurer ses progrès. Deux ans plus tard, les projets de l’entreprise sont conformes aux délais et aux budgets et le nombre d’accidents a chuté de 91 %. Les travailleurs savaient que l’entreprise utilisait des drones, mais le programme de vol de ces derniers était gardé secret, garantissant ainsi le respect des réglementations. Les dépenses de l’entreprise en matière de contentieux ont également baissé de 6 à 8 % et ses pénalités environnementales ont baissé de 50 %.
L’accès aux données en temps réel Martin Levionnois La donnée en temps réel, autrement appelée « donnée capteur », ou « donnée terrain », est un foyer gigantesque de valeur ajoutée. Seule une infime portion parvient aujourd’hui au niveau managérial. L’industrie a beaucoup travaillé sur l’optimisation financière ou transactionnelle. Il convient désormais de mieux utiliser d’autres données temps réel. Osisoft est une société américaine de la Silicon Valley, fondée en 1981, avec quelques caractéristiques importantes : elle est indépendante financièrement parlant, et reste totalement maître de sa stratégie de produits et de développement. C’est une société monoproduit (le système « PI ») présente dans six secteurs clients : le oil and gas est pour nous essentiel et nous couvrons 95 % des acteurs de l’énergie. De manière transverse, notre objectif est d’industrialiser et de sécuriser la démocratisation de la donnée temps réel de manière à ce que les sociétés puissent en tirer le maximum de clients. Je vais vous présenter un cas concret de maintenance optimisée avec la société TransCanada et le transport
Martin Levionnois gazier en Amérique du Nord. Elle traite de la maintenance conditionnelle, optimisée, améliorée – autrement dit comment tirer profit des données existantes pour optimiser la maintenance. TransCanada est un acteur majeur du transport de gaz en Amérique du Nord, où le maillage est moins dense qu’en Europe. Face à une problématique de distance d’accès, il s’agit d’intervenir de manière pertinente, au bon endroit. En outre, l’infrastructure gazière est aujourd’hui en fin de cycle et requiert des investissements colossaux. L’information sur l’état des assets est de fait essentielle et pour constituer des index de l’état de santé de ses stations de compression, TransCanada a utilisé trois catégories : la disponibilité des actifs, leur performance et la qualité de la donnée. Cette démarche de détection des anomalies s’est doublée d’une estimation des coûts évités – en l’occurrence, 5,3 millions de dollars en 2016 ! De la salle S’agit-il de coûts nets, après prise en compte du coût d’investissement ? Martin Levionnois De mémoire, il s’agit d’un coût net, mais l’investissement est demeuré faible : il n’y a pas eu lieu d’installer de nouveaux capteurs.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 71
ATELIER 10
Le stockage souterrain du gaz naturel : une infrastructure d’avenir ? Participants
Anne-Florie Coron, directrice adjointe à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Bertrand Fauchet, directeur général adjoint de Storengy. Rémi Mayet, chef d’unité adjoint à la Commission européenne. Cyril Vincent, chef du pôle énergie de Gaz de Bordeaux. Table ronde animée par Jean-Loup Minebois, directeur commerce et régulation, TIGF.
72 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 10
Présentation
Jean-Loup Minebois Jean-Loup Minebois L’objectif de cet atelier consiste à se projeter dans l’avenir, sur les dix à vingt prochaines années. La sécurité d’approvisionnement s’intègre dans une approche européenne. En effet, elle ne peut être considérée uniquement à l’échelle nationale. Dans ce contexte, un représentant de la Commission européenne s’exprimera au cours de l’après-midi. Par ailleurs, cette vision à long terme implique la mise en place d’outils. Dans ce cadre, le sujet de la régulation des stockages français sera abordé, lors de la présentation de la DGEC. Rémi Mayet, chef d’unité adjoint de la sécurité des approvisionnements à la Commission européenne, proposera un état des lieux de la sécurité d’approvisionnement, au vu des événements géopolitiques passés et à venir. Par la suite, Anne-Florie Coron, directrice adjointe à la direction de l’énergie en charge de la sécurité d’approvisionnement reviendra plus précisément sur la situation française. Dans ce cadre, les projets de régulation des stockages seront évoqués. Puis, Bertrand Fauchet, directeur général adjoint de Storengy présentera sa vision des stockages dans les dix à vingt prochaines années. Enfin, un acteur du marché, Cyril Vincent, chef du pôle énergie de Gaz de Bordeaux en charge des approvisionnements, présentera sa vision du stockage souterrain du gaz naturel.
de ce projet. En 2016, la Commission a proposé une stratégie européenne sur le stockage souterrain de gaz et le GNL. En même temps elle a proposé au Parlement et au Conseil un règlement pour introduire dans les règles actuelles européennes sur la sécurité des approvisionnements gaziers une véritable coopération et solidarité transfrontalières au niveau régional. Ce règlement vient d’être adopté et offre un nouveau cadre et des opportunités au stockage en Europe. Quelle stratégie européenne sur le stockage de 2016 ? Elle part du diagnostic selon lequel la demande de gaz naturel décroît progressivement. Cette décroissance s’accentuera à partir de l’année 2030. Actuellement, la capacité de stockage en Europe est de l’ordre de 100 milliards de mètres cubes sur les 450 milliards de mètres cubes de consommation. À l’échelle européenne, les besoins de stockage ne devraient pas augmenter, compte tenu de la baisse de consommation. Pour autant, le stockage gardera un rôle important. Premièrement parce que la production interne en Europe est en décroissance et que donc les importations devraient rester stables jusqu’en 2030. Ainsi, la sécurité des approvisionnements extérieurs restera une préoccupation politique majeure en Europe dans les années à venir. Deuxièmement parce que le développement du marché mondial du GNL est certes une bonne nouvelle pour créer plus de flexibilité et de la sécurité dans l’approvisionnement, mais l’acheminement du GNL s’effectue sur plusieurs semaines. Dans ce contexte, le stockage souterrain offre des avantages complémentaires en termes de sécurité et de flexibilité pour répondre aux variations de la demande à très court terme. Enfin, en raison des changements sur le marché et les modes de productions d’électricité. La fermeture des centrales à charbon européennes dans plusieurs États membres réduisent le spectre des possibilités et remettent en fonction des centrales à gaz. En outre, l’essor des énergies renouvelables demandera de nouvelles sources de production d’électricité pour compenser l’intermittence, ce qui place le gaz et la flexibilité du stockage en bonne position. La stratégie européenne sur le stockage établie en 2016 suggérait trois séries d’actions : développer des liaisons transeuropéennes d’interconnexions
Le stockage et la sécurité d’approvisionnement en Europe Rémi Mayet L’Union de l’énergie a pour but de fournir à l’Europe une énergie sûre, abordable et respectueuse du climat. Ce projet politique vise à assurer le bon fonctionnement du marché de l’énergie, promouvoir les interconnexions et assurer la sécurité des approvisionnements, dans un esprit de solidarité entre États membres. Le gaz naturel et le stockage font partie Rémi Mayet Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 73
ATELIER 10
manquantes ; mettre sur un pied d’égalité le stockage avec d’autres sources, par exemple en matière de tarif de transport ; enfin, optimiser l’usage des capacités par la coopération régionale. Quel nouveau règlement européen sur la sécurité des approvisionnements ? Les nouvelles règles européennes sur la sécurité des approvisionnements entreront en vigueur d’ici la fin du mois d’octobre. En effet, suite à la crise rencontrée en Ukraine et en Crimée en 2014, il s’est avéré que les règles en place depuis 2010 ne suffisaient plus. Ainsi, les nouvelles règles européennes introduiront une véritable coopération régionale transfrontalière. Elles fixent des normes d’approvisionnement, mais n’imposent pas de mesures prédéterminées. Les mesures sont définies par les États selon un cadre et des conditions communes. Par exemple, elles ne peuvent pas exiger des infrastructures localisées sur le seul territoire de l’État. Le groupe de coordination du gaz et l’agence européenne des régulateurs commenceront les démarches de mise en œuvre du nouveau règlement dès la semaine prochaine. La coopération transfrontalière régionale introduite est une opportunité pour le stockage qui peut servir pour un autre État membre. Une réunion du groupe de coordination est prévue le 27 septembre à ce sujet. À cette occasion, un atelier orienté sur le futur de la stratégie européenne en matière de stockage est prévu. Dans ce cadre, la question de la valorisation des externalités positives du stockage sera abordée.
Anne-Florie Coron
Quelle réglementation en matière de stockage en France ? Anne-Florie Coron Je propose d’aborder le sujet de la réglementation française à court terme. En France, les fournisseurs de gaz naturel ont l’obligation d’assurer la continuité d’approvisionnement des clients. En outre, ils se doivent d’assurer le stockage du gaz. Les stockages souterrains de gaz naturel constituent un maillon logistique essentiel de l’approvisionnement gazier fran-
74 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
çais. En effet, la constitution de stocks de gaz naturel à proximité des zones de consommation en été permet de réduire les risques de saturation des réseaux lors des périodes de fortes consommations en hiver. Les stocks de gaz constituent donc une flexibilité permettant d’adapter cet approvisionnement à la demande des consommateurs qui se trouve fortement dépendante des températures. Par ailleurs, les stockages souterrains permettent de couvrir environ 50 % des besoins des consommateurs lors des périodes de pointe de consommation. Dans ce cadre, une première réforme du cadre législatif et réglementaire des stockages souterrains avait été mise en place en 2014. Cette réforme a permis la mise en œuvre de l’obligation individuelle de stockage des fournisseurs. Ce cadre est aujourd’hui fragile et contesté. Il a donc été complété cet été par un arrêté sur les instruments de modulation équivalent à des stockages souterrains situés en France, en attendant de mener une réforme de plus grande ampleur. Cet arrêté permet de prendre en compte les stocks de GNL dans les terminaux méthaniers ainsi que les stockages souterrains situés dans des états membres de l’Union européenne pour satisfaire l’obligation de stockage. Ainsi, les capacités souscrites dans les stockages souterrains en France permettent aujourd’hui de couvrir 88 % de l’obligation de stockage. Les stocks situés en France représentent 98 % de l’obligation de stockage. Les 2 % restants correspondent au gaz stocké dans des souterrains situés dans d’autres États membres de l’Union européenne. Afin de valider la prise en compte de ces stocks, la DGEC s’est assurée que le fournisseur disposait bien de la capacité nécessaire à l’acheminement du gaz jusqu’aux consommateurs français pour l’hiver 2017-2018. Par ailleurs, la DGEC travaille à la mise en place de la régulation. La réforme relative au stockage souterrain de gaz naturel permettra d’améliorer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel et d’assurer le bon fonctionnement du système gazier. Dans ce cadre, certaines dispositions législatives devront être modifiées. Il est prévu d’insérer une habilitation à légiférer par ordonnance dans le projet de loi visant à mettre fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures déposé par le gouvernement. Une communication a été présentée au Conseil des ministres à ce sujet le 6 septembre dernier. L’objectif est de finaliser cette réforme cette année pour une application à l’hiver 2018-2019. Une concertation a eu lieu au sujet de ce projet de réforme entre 2014 et 2015. Le nouveau projet d’ordonnance proposé par la DGEC s’inscrit pleinement dans la continuité de cette concertation. Ainsi, le nouveau projet mené par la DGEC prévoit : de déterminer les infrastructures de stockage nécessaires à la sécurité d’approvisionnement en France ; de définir chaque année le niveau minimum de stock nécessaire pour le passage de l’hiver ; de commercialiser les capacités de stockage aux enchères garantissant un accès à l’ensemble des fournisseurs de manière transparente et non discriminatoire ; de réguler les revenus des opérateurs de stockage ; de mettre en œuvre un dispositif de compensation financé par l’intermédiaire du tarif d’utilisation des réseaux de transports dans l’éventualité d’une couverture insuffisante des coûts par le revenu des
ATELIER 10
enchères. Par ailleurs, la programmation pluriannuelle de l’énergie liste les stockages nécessaires à la sécurité d’approvisionnement. Cette programmation a été réalisée pour la première fois à la fin de l’année 2015 et sera revue tous les cinq ans à compter de 2018. Dans le cadre de la mise à jour de la liste des stockages souterrains, les prévisions de consommations sont prises en compte. À l’échelle européenne, une baisse de consommation du gaz en tant qu’énergie fossile est prévue. La diminution prévisionnelle s’élève à 16 %. En outre, les objectifs du plan climat, approuvés par le gouvernement le 6 juillet dernier confirment cette trajectoire. En effet, le plan climat prévoit notamment de sortir des énergies fossiles et de s’engager dans la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans ce cadre, de nouveaux usages des stockages souterrains devraient être envisagés. Par ailleurs, d’autres usages pourront être développés par les opérateurs de stockage dans les années à venir.
Le stockage au service du système gaz Bertrand Fauchet Au risque de vous surprendre, je ne vais pas aborder le sujet du cadre réglementaire du stockage souterrain, même si la réforme envisagée représente un enjeu majeur pour un opérateur de stockage comme Storengy. En effet, je n’ai pas de commentaire à formuler au sujet de la réforme précédemment évoquée, que Storengy appuie. J’insisterai en revanche sur l’importance de mettre cette réforme en place le plus rapidement possible. En effet, en 2017, Storengy n’a vendu que 51 térawattheures (TWh) sur les 102 TWh proposés à la vente. En outre, au début de l’hiver, Storengy anticipe un niveau de stock de 65 TWh, soit 30 de moins que l’année précédente durant laquelle nous avons connu des tensions sur le système énergétique. Dans ce contexte, je ne partage pas l’optimisme de la DGEC et crains le passage de l’hiver à venir. Le futur du stockage de gaz naturel est en premier lieu lié au futur du gaz naturel. Le gaz naturel est indispensable à la réussite de la transition énergétique. Il constitue une solution rapide et économe aux émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, il permet le développement de nouveaux usages, en lien avec la mobilité notamment. Enfin, le gaz naturel est complémentaire aux énergies renouvelables. En effet, étant flexible, il permet de compenser les indisponibilités des énergies renouvelables en cas de pointes de consommation. Et cette flexibilité, c’est avant tout le stockage qui la fournit. Cela a été bien illustré lors de l’importante baisse des températures survenue l’hiver dernier, alors que de nombreux réacteurs nucléaires ont été mis en maintenance et que de nombreuses productions fossiles ont été arrêtées. Dans ce contexte, les centrales à cycle combiné gaz (CCGT) ont été très sollicitées et sont apparues comme un élément indispensable de sécurisation du système électrique. Le gaz, ce n’est pas uniquement du gaz naturel. Vous avez noté à ce sujet que les statuts de l’AFG ont été modifiés afin d’inclure d’autres gaz que le gaz naturel dans son champ de compétences. Il s’agit notamment de gaz renouvelables et sans carbone. Ain-
Bertrand Fauchet si, du biogaz, du biométhane ou du gaz de synthèse seront injectés dans le réseau. Ces gaz devront pouvoir être stockés au sein des installations de stockage. Dans ce cadre, des études, lancées en collaboration avec TIGF, ont été menées par des laboratoires indépendants. Elles ont conclu à la possibilité de stocker jusqu’à 16 % de biométhane de première génération au sein des stockages souterrains en aquifère. Par ailleurs, l’air comprimé constitue une autre manière de stocker l’énergie. Ainsi, bien que le stockage d’énergie par air comprimé (CAES) n’ait pas encore trouvé son équilibre économique, Storengy s’intéresse à cette technologie. L’hydrogène présente également un important intérêt. Storengy et TIGF ont initié un programme de recherches ayant pour but d’évaluer la capacité à recevoir du gaz naturel dans lequel de l’hydrogène a été injecté. Storengy a également initié plusieurs projets et études en France et en Europe concernant l’hydrogène. Par exemple, un projet est en cours de développement avec la communauté d’agglomération Durance-Lubéron-Verdon agglomération. Cette zone géographique étant ensoleillée, elle permet de produire d’importantes quantités d’énergie photovoltaïque. Le projet de la communauté de communes consiste donc à développer une économie complète d’énergie renouvelable sur la base de deux éléments. Premièrement, la production d’électricité renouvelable par l’intermédiaire de panneaux photovoltaïques est envisagée. Deuxièmement, l’énergie fatale pourrait être convertie en hydrogène et valorisée, à travers des usages industriels, de la production d’électricité aux heures de pointe et la mobilité verte notamment. Dans ce contexte, la communauté d’agglomération prévoit la mise en place de bus à hydrogène. Ce projet nécessite la mise en place d’infrastructures de production et de stockage d’hydrogène, projet dans lequel peuvent être valorisés la compétence et les actifs de Storengy, qui est présent localement en tant qu’exploitant du site de stockage de gaz de Manosque, dans le cadre du groupe d’intérêt économique baptisé « Géométhane ». Par ailleurs, Storengy travaille à améliorer l’efficacité énergétique des sites, sur la biodiversité, sur des projets relatifs à l’énergie photovoltaïque, à l’énergie éolienne, sur des projets de méthanisation
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 75
ATELIER 10
et sur la mobilité verte. Pour conclure, les stockages de gaz naturel apportent aujourd’hui un service au système gazier ; ils présentent par ailleurs un potentiel intéressant de nouvelles activités dans le cadre de la transition énergétique. Leur développement a pris du temps et une fermeture serait irréversible. Il faut donc éviter de prendre des décisions trop rapides en matière de réduction éventuelle du parc régulé.
figure, l’équivalent d’un stock stratégique serait constitué par les stockeurs afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement en France. Le stockage apporte une sécurité supérieure aux autres instruments de modulation. Au cours des dix années à venir, je prédis une crise d’ordre géopolitique ou climatique. Une telle crise permettrait de prendre conscience de l’importance du stockage par rapport aux autres instruments de modulation. Ainsi, d’ici l’année 2027, je pense qu’on observera un regain d’attrait pour le stockage, après une période de désaffection. Ce regain d’attrait se traduirait par des souscriptions auprès des fournisseurs ou par l’intermédiaire des pouvoirs publics.
Débat De la salle Quelle est la position de TIGF au sujet du stockage souterrain du gaz naturel ?
Cyril Vincent
Le stockage, pierre angulaire des instruments de modulation Cyril Vincent Historiquement, la société Gaz de Bordeaux est une entreprise locale de distribution. Désormais, la société est uniquement un fournisseur et n’est plus locale. En effet, 80 % de son gaz est vendu à l’extérieur de la Gironde. Avant l’ouverture du marché, le réseau français était dimensionné et optimisé, en prenant en compte les infrastructures de stockage, la sécurité d’approvisionnement reposait sur un fournisseur unique. Or, depuis l’ouverture du marché, une politique d’investissement massive a été adoptée au sein des réseaux de transport, déstabilisant l’ensemble et expliquant pour partie la baisse d’intérêt pour le stockage. Désormais, la sécurité d’approvisionnement est assurée par une collectivité de fournisseurs, eux-mêmes soumis à un certain nombre de règles. L’objectif des fournisseurs consiste à optimiser leurs charges et non à assurer la sécurité d’approvisionnement. Les fournisseurs ont, par exemple, la possibilité de s’approvisionner auprès d’un plus grand nombre de ports méthaniers, ou par plus de capacités aux points frontières qu’auparavant. En France, le stockage devrait prochainement devenir un produit réglementé. Dans ce contexte, des stocks stratégiques pourraient être progressivement constitués. Par ailleurs, le principe de vente aux enchères pourrait être mis en place. Il est possible que cela consiste à une multiplication des produits et des ventes de stockage, afin d’attirer entre autres les traders. Cependant, si la vente aux enchères n’aboutit pas, le stockeur assurerait la sécurité du système. Dans ce cas de
76 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Jean-Loup Minebois La position de TIGF à ce sujet est proche de celle de Storengy. En effet, la direction de TIGF considère que la régulation des stockages doit être réussie. Dans ce cadre, la réflexion de TIGF porte sur la gestion de la transition des entreprises privées. En effet, les entreprises privées s’appuient sur des modèles économiques connus, qui seront transférés sur un régime régulé. Ce transfert nécessitera une phase d’adaptation. TIGF est une entreprise indépendante disposant de son propre modèle économique. Son objectif est de respecter les entreprises, dans le cadre de la mise en œuvre de la transition vers la régulation des stockages. La régulation des stockages doit aboutir. Il en va de la sécurité d’approvisionnement des consommateurs. Bertrand Fauchet La réforme relative aux stockages souterrains prévoit qu’en cas d’échec, les stockeurs assureraient le rôle de fournisseurs en dernier recours. Si cette situation venait à se généraliser, les stockeurs deviendraient acteurs de marché pour d’importants volumes. Or, il ne s’agit pas de leur cœur de métier. De la salle D’ici dix à vingt ans, il existera une interconnexion entre l’électricité et le gaz. Or, actuellement, le stockage de l’électricité par batterie ou sous forme hydraulique est régulièrement évoqué. Dans ce cadre, quels seraient les ordres de grandeur des coûts de stockage du mégawattheure ? Jean-Loup Minebois La question du prix des énergies doit être analysée. En effet, il est nécessaire d’en estimer le coût pour les collectivités et pour la compétitivité des entreprises.
ATELIER 10
Anne-Florie Coron Le coût implicite de l’obligation de stockage actuel pour un consommateur de gaz naturel est estimé à 51 euros par an. Cette somme représente 5 % de sa facture de consommation de gaz. En revanche, je ne dispose pas d’éléments de réponse relatifs aux autres modes de stockage à venir. Bertrand Fauchet En ce qui concerne les autres modes de stockage, les écarts de prix sont considérables. En effet, le stockage de l’hydrogène est plus coûteux que le stockage de gaz naturel. En outre, le mètre cube de stockage d’hydrogène correspond au mètre cube de méthane. En revanche, la capacité calorifique de l’hydrogène est inférieure à celle du méthane. De la salle Quel est le niveau de souscription des capacités de stockage souterrain en France ? Par ailleurs, je souhaite connaître l’opinion des intervenants en ce qui concerne l’arrêté du mois d’août permettant de recourir à des capacités de stockage en dehors de la France. Anne-Florie Coron Au cours de ma présentation, j’indiquais que 88 % de l’obligation de stockage est couverte par des capacités souscrites dans les stockages souterrains français. En réalité, les capacités de stockage souterrain français sont supérieures à l’obligation de stockage globale. Jean-Loup Minebois Pour être opérationnel, un stockage doit être plein. En effet, un stockage à moitié plein ne créera pas suffisamment de pression à l’ouverture de la vanne. Or, le gaz doit être acheminé rapidement. Les obligations portent à la fois sur le volume, mais aussi sur la vitesse de soutirage.
Rémi Mayet Pour ma part, je défends la possibilité de stocker dans un autre État membre. En effet, dans un marché européen, interconnecté et ouvert, cette disposition est logique. La réglementation existante en Europe est claire. Les obligations de stockage peuvent se justifier si elles sont nécessaires et proportionnelles pour assurer la sécurité des approvisionnements, mais pas seulement avec des infrastructures sur le territoire national. Jean-Loup Minebois Je considère qu’il est logique que l’ouverture du marché européen se traduise par l’apparition de nouveaux outils de flexibilité. Néanmoins, la sécurité d’approvisionnement en France et à l’étranger n’est pas équivalente. De la salle J’estime qu’il est nécessaire de se tourner rapidement vers une harmonisation de la formation des prix du stockage en Europe. Sans cette harmonisation, la compensation prévue par la réforme devra être payée par les consommateurs français. En outre, en période de crise, une partie du stockage souterrain pourrait sortir des stockages français afin de partir sécuriser un pays voisin. Rémi Mayet La mise en place de la solidarité européenne devrait aboutir à davantage d’harmonisation. Un atelier de travail est organisé par la Commission européenne la semaine prochaine sur ce thème. À cette occasion, la question de la valeur du stockage sera abordée.
Bertrand Fauchet Je n’approuve pas l’arrêté relatif au stockage du gaz à l’étranger. En effet, la mise en place de ce texte n’a pas fait l’objet de suffisamment de concertations.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 77
ATELIER 11
Sécurité d’approvisionnement : quelle nouvelle coopération ? Participants Sylvie Cornot-Gandolphe, consultante énergie et chercheur associé au centre énergie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Thierry Deschuyteneer, Strategic and Prospective Studies Manager, Fluxys. Daniel Fava, directeur général, Eni Gas and Power France. Philippe Vedrenne, CEO, Energy Global Management. Iouri Virobian, président, Gazprom Marketing and Trading France. Atelier animé par Hubert Gentou, Schwartz and Co.
78 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ATELIER 11
Présentation
Hubert Gentou
Les flux gaziers en Europe Hubert Gentou Bonjour à tous. À mes côtés, plusieurs intervenants débattront de la question de la sécurité de l’approvisionnement au cours de cette table ronde : Sylvie Cornot-Gandolphe, consultante en énergie et chercheur à l’Ifri, Thierry Deschuyteneer représentant Fluxys, l’opérateur de réseau de transport belge, Daniel Fava, directeur général de Eni Gas and Power France, fournisseur énergéticien européen et français, Philippe Vedrenne, directeur Gas Supply and Asset Management de Engie et Iouri Virobian qui parlera pour Gazprom. La sécurité d’approvisionnement est une notion assez large, mais du fait de la forte saisonnalité de la demande gaz naturel, le sujet est surtout concentré sur les questions d’approvisionnement en hiver, du fait principalement de la demande de chauffage. Pour introduire le débat, je vais vous présenter les flux gaziers, les sources d’importations et les outils de flexibilité que les fournisseurs utilisent pour approvisionner les besoins spécifiques en gaz naturel des périodes hivernales. La fourniture de gaz de l’Europe, hors production locale, provient soit de la mer du Nord, soit de la Russie et d’Afrique du Nord, ou sous forme GNL par bateaux. Pour fournir les besoins spécifiques d’hiver, s’y ajoutent les stockages. Pour satisfaire ces besoins d’hiver (décembre à mars), les acteurs du marché disposent de plusieurs options : accroître les importations par pipeline, les achats de GNL, déstocker du gaz ou acquérir du gaz dans un pays limitrophe sur le marché de gros. Chaque pays d’Europe utilise ces outils. Mais, la politique nationale de sécurité d’approvisionnement, la situation géographique (présence de terminaux GNL ou pas), la géologie (stockages souterrains ou pas), ont pour conséquence que, dans chaque pays, les acteurs du marché utilisent ces outils de manière très différente. La publication « Oil and Gas Outlook » réalisée une fois par an par le cabinet
Schwartz and Co présente comment, en Europe de l’Ouest, chaque pays utilise ces outils de flexibilité et d’approvisionnement. Par exemple, l’Autriche utilise uniquement du stockage, l’Espagne profite de sa façade maritime pour importer massivement du GNL, la Grande-Bretagne importe massivement du gaz norvégien. Entre ces extrêmes, la France s’appuie principalement sur ses stockages. La Suisse, le Luxembourg et la Belgique recourent principalement au gaz provenant d’un pays voisin : par exemple, la Belgique recourt beaucoup au gaz issu des Pays-Bas, ne disposant pas de stockage significatif sur son territoire. D’un point de vue global, les stockages (66 %), les importations y compris GNL (25 %) et la production locale sont donc les principaux leviers pour satisfaire les besoins d’approvisionnement spécifiques d’hiver à l’échelle de l’Europe de l’Ouest. Dans le futur, stockages, importations y compris GNL et transport entre pays européens deviendront encore plus prédominants, du fait de la baisse programmée de la production gazière intra-européenne. Ceci va conduire les pays d’Europe à devoir se coordonner de plus en plus pour mieux gérer ces enjeux majeurs. La table ronde concernant les stockages traitant de ce sujet spécifique aujourd’hui, nous nous focaliserons durant les débats principalement sur d’autres thèmes autour du transport et des imports importants pour les prochaines années. Pour commencer le débat, je donne tout d’abord la parole à Sylvie Cornot Gandolphe, pour présenter différents scénarios d’évolution de l’offre et de la demande, un sujet essentiel pour les opérateurs d’infrastructure, et pour nous parler de la réglementation sur la sécurité d’approvisionnement. Je donne la parole à Sylvie Cornot-Gandolphe pour présenter les différents scénarios d’évolution de la demande et de la réglementation au niveau européen.
Les scénarios de l’avenir Sylvie Cornot Gandolphe La sécurité d’approvisionnement représente un sujet majeur pour l’industrie gazière européenne, qu’il convient d’appréhender dans le contexte de l’évolution de la demande et de l’offre de gaz. En ce qui concerne la demande, les différents
Sylvie Cornot-Gandolphe Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 79
ATELIER 11
Thierry Deschuyteneer scénarios d’évolution publiés par l’Agence internationale de l’énergie sont contrastés. Le « new policy scenario » prévoit une stabilité de la demande de gaz jusqu’en 2030, auquel succède un léger déclin entre 2030 et 2040. Le « scénario 450 », qui correspond à une trajectoire compatible avec l’objectif d’un réchauffement climatique limité à 2 ° C, table sur une stabilité de la demande jusqu’en 2025, suivie d’une forte baisse à partir de 2030 (soit une différence de l’ordre de 130 milliards de m3 en 2040 par rapport au niveau du « new policy scenario »), lié principalement à la forte décarbonisation du système électrique et la montée en puissance de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Le « scénario 450 » mise sur un renforcement des efforts d’efficacité énergétique et un prix élevé du CO2 (100 dollars la tonne en 2030 et 140 dollars la tonne en 2040). Le rôle du gaz dans l’approvisionnement électrique diffère significativement selon les deux scénarios. S’agissant de l’offre, nous observons un déclin très rapide de la production européenne, en particulier aux Pays-Bas, en raison des restrictions de production sur le champ de Groningue. Par conséquent, la production européenne sera moins flexible. Les importations vont s’accroître, ce qui renforcera la dépendance du continent vis-à-vis du l’approvisionnement extérieur. Dans ce contexte, il convient de rappeler que les réserves mondiales de gaz sont très abondantes. Une nouvelle vague de projets GNL (Australie, États-Unis, Afrique de l’Est, Russie, etc.) crée une surabondance de gaz et pousse les prix à la baisse. Le gaz est très compétitif pour les importateurs. En outre, de nouveaux pipelines sont en construction pour approvisionner l’Europe (Nord Stream 2, Azerbaïdjan, etc.). Pour autant, des ruptures d’approvisionnement pourraient intervenir en raison de considérations géopolitiques ou à cause d’aléas climatiques. Par exemple, les cyclones sévissant dans le golfe du Mexique bloquent la production de pétrole et de gaz. En ce qui concerne la demande, même dans un scénario de baisse de la demande, la demande de pointe reste élevée. De ce fait, les investissements doivent être maintenus, notamment pour renouveler les actifs vieillissants. Or, le niveau de la demande reste incertain. D’après le « new policy scenario », les capacités électriques gazières passeraient de 212 gigawatts (GW)
80 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
en 2014 à plus de 300 GW en 2040. Cela suppose d’investir dans le domaine, mais le signal prix est absent. La situation est la même pour le stockage, qui joue un rôle fondamental dans la sécurité d’approvisionnement de nombreux pays, mais pour lequel le spread hiver-été ne suffit plus à rémunérer les actifs, encore moins à investir. La Commission européenne a proposé un nouveau règlement sur la sécurité d’approvisionnement en gaz, qui a été approuvé par le Parlement européen en septembre 2017. Il devrait être mis en œuvre d’ici à la fin de l’année. Ce nouveau règlement conserve l’essentiel du dispositif de 2010, tout en introduisant de nouvelles dispositions visant à renforcer la coopération et la solidarité entre pays européens : un mécanisme de solidarité pour les clients protégés (ménages, services sociaux essentiels), une coopération régionale renforcée et une plus grande transparence.
Le contexte règlementaire européen Thierry Deschuyteneer Fluxys est le gestionnaire de réseau de transport en Belgique et des activités de stockage. Le nouveau règlement introduit une dimension régionale qui change le contexte européen. Dorénavant, les documents réglementaires doivent être élaborés dans le cadre d’une coordination entre les États. En outre, le règlement récemment adopté fait émerger le concept d’axe d’approvisionnement. Précisément, tous les pays situés le long d’un corridor d’approvisionnement devront échanger, afin de prévoir un plan d’actions à mettre en œuvre en cas de rupture d’approvisionnement. La Belgique se trouve au carrefour de cinq axes et devra définir, avec ses partenaires, les actions à initier pour chacun de ces corridors. En somme, la Commission européenne donne à la solidarité un caractère obligatoire. La démarche demande une grande coordination entre les différents acteurs (autorités publiques, opérateurs, etc.), pour un résultat qui reste incertain à ce jour. La Belgique est totalement dépendante de l’extérieur mais ne connaît pas de problème de sécurité d’approvisionnement, car elle a diversifié ses sources d’approvisionnement. Son réseau est très bien connecté aux pays limitrophes. Le principal enjeu pour les opérateurs est de maintenir la sécurité des approvisionnements pendant la phase de transformation des infrastructures gazières. L’actualité politique pose un problème de sécurité d’approvisionnement de l’électricité. La sortie du nucléaire sera effective en 2025, un délai très court pour identifier des ressources de substitution. Le gaz représentant une des solutions envisagées, la sécurité de son approvisionnement devient un enjeu majeur.
Penser la solidarité européenne Daniel Fava Pour Eni, fournisseur et producteur de gaz, la sécurité d’approvisionnement représente également un sujet important. Le tarissement de la source hollandaise engendre un accroissement des importations. De notre point de vue, la demande diminuera dans les années à venir, car les consommateurs
ATELIER 11
accepteront difficilement de payer une facture constituée essentiellement de taxes, de frais de transport, de frais de distribution, etc. Il est à craindre qu’ils se tournent vers d’autres sources d’énergie, ce que ne prennent pas en compte plusieurs analyses. La sécurité d’approvisionnement doit être pensée dans le cadre européen, puisque nous serons de plus en plus dépendants des importations. Il est étonnant que la Norvège soit considérée comme un pays à risque. Qu’en sera-t-il de l’Angleterre, au lendemain du Brexit ? Quoi qu’il en soit, il est important que la question de sécurité de l’approvisionnement soit gérée à l’échelle de l’Union européenne. Le nouveau règlement crée sept groupes de coopération régionale qui, malheureusement, semblent avoir été constitués à partir d’affinités politiques et non en fonction de la complémentarité des infrastructures de chaque État. Par exemple, la France est rattachée à l’Espagne, au Portugal et au Benelux. Or, 30 % du gaz consommé en France vient de Russie et transite par l’Allemagne. Il est donc étonnant que ce dernier pays ne soit pas dans le groupe de la France. En outre, la nouvelle réglementation ne précise pas le pays qui assurerait le leadership du groupe, en cas de crise. Par ailleurs, le principe de solidarité rappelle la nécessité de pratiquer des prix acceptables en cas de crise, sans en préciser le montant. En somme, la déclinaison opérationnelle de ce nouveau règlement sera primordiale, si nous souhaitons avoir une réponse efficace au moment d’une crise. La demande augmentera dans le monde entier, sauf en Europe. De ce fait, les investisseurs, les fournisseurs et les producteurs s’interrogeront nécessairement sur le maintien de leurs actifs sur un marché en déclin, au détriment de ceux en croissance. Tous les acteurs conviennent que le gaz possède un rôle important dans la transition énergétique.
Pour une Europe volontariste Philippe Vedrenne Sur le marché international du gaz naturel, il est important que l’Union européenne conserve une place importante. Dans le cadre de la politique de l’énergie de l’Union euro-
Philippe Vedrenne péenne, la place du gaz dans le mix énergétique doit être défendue. La démarche donnerait un signal clair et positif aux fournisseurs européens. En outre, il convient de consolider le marché interne du gaz, pour donner des gages aux consommateurs et assurer aux fournisseurs extra-européens des conditions équitables d’accès à ce marché. Le gaz naturel est convoité par de nombreuses régions du monde : l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique du Sud, etc. Dans ce contexte, l’Europe doit faire preuve de volontarisme et prouver aux acteurs mondiaux que le gaz occupera une place importante dans le mix de demain. Malheureusement, l’Union est divisée entre la partie ouest qui souhaite l’intégration des marchés et la partie est qui s’y refuse. Le projet Nord Stream 2, directement lié au gaz russe, cristallise cette division entre les États membres. De surcroît, l’interventionnisme des États-Unis dans ce dossier est nocif pour l’industrie gazière européenne. Elle pèserait négativement sur les investissements et provoquerait une augmentation des prix pour le consommateur final. L’Union européenne doit revenir à ses fondamentaux, à savoir l’intégration des marchés. Celle-ci permettra de surmonter le clivage est-ouest et donnera des gages d’assurance aux fournisseurs extra-européens. La libéralisation a été bénéfique aux consommateurs. Elle a amélioré la flexibilité et la disponibilité du gaz, tout en réduisant les coûts de la chaîne gazière. À moyen et long terme, le gaz restera abondant. En revanche, la continuité et la sécurité d’acheminement ne sont pas garanties. L’hiver dernier, la défaillance de plusieurs producteurs et la baisse du flux de GNL à Fos ont été constatées. Le réseau a été victime de congestions dans l’alimentation de la région Paca. Cette situation était prévisible et pourrait réapparaître. Dès lors, quelle infrastructure mettre en place pour garantir une livraison du gaz aux clients, au bon endroit et au bon moment ? De notre point de vue, une infrastructure possède trois valeurs (une valeur « marché », une valeur « système » et une valeur assurantielle) qui doivent être recouvrées. Or, la valeur « marché » ne couvre pas la valeur assurantielle.
Daniel Fava Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 81
ATELIER 11
Philippe Vedrenne La baisse du prix du gaz a rendu solvable la demande de nombreux pays, mais il est vrai que la vague de GNL reste en attente. Sylvie Cornot-Gandolphe Par ailleurs, nous constatons le développement de nombreux marchés extra-européens. Les pays asiatiques émergents importent de plus en plus de GNL en raison de son faible prix. En outre, le Bangladesh et le Pakistan développent des terminaux flottants pour importer du GNL. En Europe, l’arrivée du GNL est annoncée depuis deux ans, mais les fournisseurs continueront à s’approvisionner au meilleur prix. Iouri Virobian
Le partenariat russe Iouri Virobian La place du gaz dans le futur mix énergétique européen, et en particulier français, fait débat. Pour les acheteurs, le gaz reste abondant et les capacités de stockage et de transport sont satisfaisantes. De nombreuses études ont été réalisées sur la sécurisation de la demande de gaz. Dans notre contexte, l’attractivité de l’Europe sur le marché du gaz représente un sujet important et je me réjouis qu’un opérateur ait abordé ce sujet. Ce continent a constitué un marché important pour Gazprom, sur les quarante dernières années. Ce fait devrait perdurer, bien que de nouvelles considérations commerciales et politiques doivent être prises en compte. Gazprom a développé ses réseaux d’approvisionnement en gaz ces trois dernières années. En 2016, il a livré près de 180 milliards de m3 en Europe. L’hiver particulièrement rude et l’attractivité des offres de cette société russe expliquent, pour une large part, cette performance. D’ici à 2035, la demande européenne de gaz augmentera de 93 milliards de m3. De ce fait, les acteurs européens et extra-européens sont les bienvenus. Les consommateurs ne se soucient pas de l’origine du gaz. Ils sont surtout attachés à la fiabilité des fournisseurs, à la compétitivité de leurs offres, à leur transparence et aux services après-vente proposés. Gazprom possède des capacités de stockage dans plusieurs pays européens, ce qui lui permet d’être flexible et réactif. S’agissant de Nord Stream 2, ce projet est d’intérêt européen car il renforcera la sécurité d’approvisionnement du continent. D’après nos calculs du coût de transport, il s’agit du projet de livraison de gaz le plus rentable. Il serait donc franchement dommageable de ne pas le faire aboutir. Nous livrons du gaz aux pays d’Europe depuis plus de quarante années et certains contrats ont d’ores et déjà été renouvelés, preuve que la Russie et les pays d’Europe ont des intérêts communs. Nous espérons que les autorités françaises donneront au gaz une place de choix dans le futur mix énergétique de ce pays. Hubert Gentou Tous les acteurs confirment une abondance de gaz. Pourtant, le GNL ne semble pas avoir un impact significatif sur l’offre.
82 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Débat De la salle Monsieur Vedrenne, vous avez parlé du rôle de plus en plus intrusif de la Commission européenne en matière d’approvisionnement de gaz. Partagez-vous ce constat avec vos collègues européens ? Comment agissez-vous pour que la situation s’améliorer pour vous ? Philippe Vedrenne J’échange souvent sur ce point, avec mes pairs, mais nous n’avons pas encore réussi à convaincre la Commission européenne. Nous insistons sur la transformation que l’Europe a réussie mais qu’elle néglige aujourd’hui. Les divisions au sein de l’Union européenne dépassent la simple question gazière et la marge de manœuvre de la Commission reste très étroite. De la salle Monsieur Deschuyteneer, faut-il mettre en place des systèmes de coordination, à l’instar de ce qui est effectué sur le marché de l’électricité ? Les gestionnaires de réseaux d’électricité se rencontrent régulièrement, pour réfléchir à des problématiques communes. Thierry Deschuyteneer Je ne suis pas un spécialiste du système français. De manière générale, la demande de gaz est trop faible (15 % de moins que les prévisions) et la demande de stockage se trouve sur une tendance identique. Néanmoins, la France exporte des capacités de stockage via le marché et paraît bien positionnée pour pallier la fin du gaz hollandais. Un mécanisme doit être défini pour assurer la viabilité du stockage lors de la pointe d’hiver. De la salle L’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement semblent étroitement liées. Croyez-vous possibles des intégrations de marchés transfrontalières ? Iouri Virobian Gazprom soutient le développement des interconnexions entre les différents marchés, car une telle démarche apporte davantage de flexibilité.
ATELIER 12
Le power to gas : une nouvelle voie de valorisation de l’énergie Participants Olivier Arthaud, directeur du Portfolio Asset Management, Storengy. Laurent Bedel, directeur de projet, CEA. Pascal Mauberger, président directeur général, McPhy. Hélène Pierre, direction recherche et technologies, Engie Lab Crigen. Atelier animé par Philippe Madiec, directeur stratégie régulation, GRTgaz.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 83
ATELIER 12
Présentation Philippe Madiec La convergence du gaz et de l’électricité s’est notamment concrétisée par l’arrivée de centrales de cogénération dans les années 1990 et 2000. Le power to gas est en quelque sorte le chaînon manquant permettant de relier les systèmes électrique et gazier.
Laurent Bedel
Rôle, atouts en enjeux du power to gas Laurent Bedel Le power to gas permet de convertir l’énergie électrique en vecteur gazeux (hydrogène ou méthane). Il permet ainsi de faire le lien entre le réseau électrique et le réseau de gaz. L’électrolyse de l’eau depuis le réseau électrique permet de produire de l’oxygène et de l’hydrogène. Ce dernier peut être utilisé pour le transport, injecté dans le réseau de gaz ou combiné avec du CO2. La méthanation permet d’obtenir un méthane de synthèse qui peut être liquéfié, comprimé en bouteilles, injecté dans le réseau de gaz ou retransformé en électricité (gaz to power). Le facteur de charge des énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) est trois à cinq fois plus faible qu’une centrale nucléaire en France. Pour une production d’électricité équivalente, la puissance installée d’éolien et de photovoltaïque sera supérieure et, de ce fait, des surplus d’énergie seront produits lorsque les conditions météorologiques seront favorables. Le power to gas intervient pour leur stockage et leur valorisation. Les questions à prendre en compte sont la difficulté de stockage de l’électricité et la congestion des réseaux, qui limite le transport de l’énergie par le réseau électrique. Pour une consommation électrique estimée de 415 térawattheures (TWh) par an en 2050, les prévisions font état de potentiels surplus d’énergies intermittentes estimés entre 40 et 90 TWh par an (voir le rapport de l’Ademe,
84 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
GRTgaz et GRDF de 2014, étude portant sur l’hydrogène et la méthanation comme procédé de valorisation de l’électricité excédentaire). Le réseau de gaz français a une capacité de stockage de 130 TWh par an. Il a en outre l’avantage d’être interconnecté au niveau européen, pour une capacité de stockage totale de 100 milliards de mètres cubes à échelle européenne. L’Ademe estime le marché potentiel du power to gas entre 20 et 70 TWh d’ici 2050 en France, soit potentiellement plusieurs centaines d’unités sur le territoire national. Le power to gas nécessite une source électrique, de l’eau liquide, une source de CO2 par captage ou récupération, une méthanation, une unité de mise aux spécifications du réseau, des stockages tampons et des compresseurs de gaz, ainsi qu’un réseau de gaz à proximité. Le CO2 peut être capté sur des fumées industrielles, du biogaz, par la gazéification de déchets ou de biomasse, ou par captage atmosphérique. L’électrolyse à haute température permet d’atteindre des rendements de conversion importants, mais nécessite une source de chaleur. Pour la méthanation, il existe deux technologies en cours de développement : la méthanation catalytique et la méthanation biologique. Les évaluations technico-économique donnent un coût de production de méthane de synthèse à environ 250 euros le mégawattheure (MWh) aujourd’hui, contre 150 euros pour l’hydrogène et 20 euros pour le gaz naturel. Ce prix devrait diminuer pour s’établir en 2030-2050 aux alentours d’une centaine d’euros le MWh pour le méthane de synthèse, et de 50 à 60 euros pour l’hydrogène. Des développements technologiques sont nécessaires pour diminuer les Capex (dépenses d’investissement) et Opex (dépenses d’exploitation), ce qui nécessite des projets de démonstration. Le premier démonstrateur power to gas a été construit au Japon dans les années 1980. En Europe, plusieurs ont été construits en cours de construction en Allemagne, en Pologne, en Angleterre, en Suisse et en Autriche. En France, les principaux projets sont « Grhyd » piloté par Engie et « Jupiter 1000 » piloté par GRTgaz. Ce dernier est un projet collaboratif de démonstration d’une puissance de 1 MW, auquel participent GRTgaz, TIGF, la Compagnie nationale du Rhône, RTE, McPhy, Leroux & Lotz Technologies, Atmostat, le port de Marseille Fos et le CEA. La première pierre de ce projet débuté il y a un an et demi sera prochainement posée, pour de premières injections dans le réseau en 2018-2019. Par ailleurs, l’ATEE lance un club power to gas fin novembre.
Les projets en cours Hélène Pierre Les objectifs fixés dans la loi de transition énergétique imposent le développement de ressources renouvelables intermittentes, prévisibles mais non programmables, ce qui implique des périodes de surproduction et d’autres de déficit de production par rapport à la consommation. Disposer de dispositifs de flexibilité et de stockage devient de ce fait impératif. À terme, les moyens de stockage classiques
ATELIER 12
de l’électricité ne seront pas suffisants. L’hydrogène est un vecteur de flexibilité à très fort potentiel, car sa production par électrolyse sur la base de surcapacités d’énergies renouvelables permettra à la fois de stocker et de valoriser cette énergie. L’hydrogène représente une passerelle entre les réseaux électrique et de gaz. Produit à partir d’électricité renouvelable par électrolyse, il pourra être valorisé en mobilité, dans le bâtiment et en industrie. Il pourra être injecté directement dans le réseau de gaz, pour une utilisation dans les usages classiques du gaz naturel, permettant de décarboner cette énergie. Il pourra également être valorisé par méthanation, en injectant une part de méthane de synthèse dans les réseaux classiques. Les surcapacités résiduelles ont vocation à s’amplifier dans les années à venir et pourraient atteindre 15 TWh par an en 2030, selon une étude de l’Ademe. L’injection d’hydrogène dans les réseaux gaz est une filière énergétiquement efficace, mais est limitée à 20 %. Les capacités supplémentaires pourront être traitées par méthanation pour fabriquer du méthane de synthèse, qui pourra être injecté dans le réseau aux spécifications du gaz naturel et permettra d’initier une économie circulaire du CO2. D’autre part, coupler des systèmes de méthanation et de méthanisation permettra d’accroître la production de biométhane sur les installations de méthanisation. Engie est un acteur intégré sur l’ensemble de la chaîne, de la production des EnR à la vente d’énergie et de services, et développe de ce fait une approche systémique dans le power to gas, essentiel à la décarbonation des énergies. Nous travaillons pour ce faire aux côtés des territoires et constructeurs dans des projets ambitieux. Le projet « Grhyd » a pour objectif de développer une nouvelle chaîne énergétique composée d’hydrogène et de gaz naturel pour la ville. Le premier des deux démonstrateurs prévus permettra d’injecter de l’hydrogène dans le réseau de distribution d’un nouveau quartier de 200 logements et de mesurer les bénéfices de cette solution en faisant varier de 0 à 20 %, en volume, la proportion d’hydrogène. Le deuxième concernera les mobilités. Nous avons obtenu l’autorisation du ministère, dans le cadre de cette expérimentation, et la première injection aura lieu dans les prochains mois. Le modèle économique du power to gas reste encore à construire, afin de valoriser à sa valeur réelle l’hydrogène vert injecté dans le réseau gaz. Le projet « Mhyrabel », développé en Lorraine, a pour sa part pour but de développer la notion de hub d’hydrogène avec de multi-valorisations. Le modèle économique du power to methane présente par ailleurs d’importantes opportunités de couplage entre méthanation et méthanisation. Il est porteur d’enjeux majeurs autour de l’approche réglementaire et technique. L’effort de R&D permettra d’en améliorer les coûts et le rendement.
Un processus de valorisation Pascal Mauberger L’hydrogène permet d’apporter la flexibilité nécessaire aux réseaux électriques qui n’ont pas été conçus pour faire
Hélène Pierre face à l’afflux de productions renouvelables, par nature intermittentes, mais pour distribuer une production centralisée déterminée en fonction de la consommation. Au sein du power to gas, les électrolyseurs présentent l’avantage d’être des consommateurs d’électricité extrêmement flexibles. Le power to gas est un processus de valorisation. Ainsi, un kilo d’hydrogène obtenu en consommant 50 kilowattheures se vend en moyenne 10 euros, soit une valorisation du MWh à 200 euros au lieu d’une trentaine d’euros sur le marché de gros. En mobilité, en intégrant le coût de nos systèmes, celui des stations de distribution pour les véhicules et une charge de capital de 15 %, l’hydrogène peut être vendu en station-service à 7,75 euros le kilo. À l’inverse, l’injection de l’hydrogène dans le réseau de gaz détruit de la valeur. Elle est toutefois rémunérée, ce qui améliore le rendement économique. L’accès aux tarifs biogaz la rend en outre rentable. Notre power to gas a une référence de 13,5 MW, soit une production de six tonnes d’hydrogène par jour. D’autres exemples sont les stations de Prenzlau, dans le nord de l’Allemagne (0,5 MW), H2Ber (0,5 MW) ou Hebei en Chine (4 MW). D’autres références en cours de construction sont Energidins, en Allemagne, et Jupiter 1000, qui nous permettra de comparer deux technologies à Fos-sur-Mer. Enfin, nous venons de remporter une référence en Autriche pour un projet de méthanation biologique in situ. Les grands usages du power to refinery permettront en outre aux producteurs de carburants liquides d’atteindre leurs objectifs de carburants alternatifs. Nous parlons ici de marchés de dizaines de milliards d’euros d’ici 2020 ou 2030. Toutefois, si nous sommes des experts, nous restons des nains en termes d’environnement compétitif. Ainsi, Hydrogénix ne représente que 26 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, et McPhy une dizaine de millions d’euros. Lors de la réunion de la filière le 3 août, j’ai interpellé monsieur Hulot sur la nécessité de consolider la filière et de donner la capacité financière aux entreprises françaises de se mettre à l’échelle.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 85
ATELIER 12
Pascal Mauberger
Développer la filière Olivier Arthaud Storengy est le stockeur de gaz naturel d’Engie, avec 21 sites de stockage en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, pour un total de 12 milliards de mètres cubes de stockage. Les projets de stockage de gaz décarboné (hydrogène, méthane de synthèse, biométhane) sont pour nous un vecteur de développement important. Nous nous présentons comme un intégrateur, un investisseur, un ensemblier et un partenaire de tous les spécialistes des briques constituant le power to gas. Notre objectif est de permettre l’amélioration de la rentabilité du stockage d’énergie grâce à ce procédé. Nous envisageons des solutions avec des hubs énergétiques, favorisant la multiplicité des usages et permettant de ce fait une rentabilité rapide du power to gas. Un scénario selon lequel la production d’électricité renouvelable représente 80 % à horizon 2050, les 20 % restants étant produits par l’hydroélectricité et la bioélectricité, est envisageable. Cet enjeu implique des besoins de stockage importants, notamment saisonniers. Nous estimons que l’optimum fait intervenir le power to gas, qui permet de capter facilement le surplus de production d’électricité et de le restituer très rapidement. Nous envisageons d’exploiter au mieux les différents usages de l’hydrogène, qui peut être transformé en méthane de synthèse pour l’industrie et le secteur pétrolier, utilisé pour la mobilité ou combiné au CO2 pour produire du méthane de synthèse. Ce dernier procédé a l’avantage d’exploiter les infrastructures réseaux existantes (transport, stockage, distribution). Dans le cadre de notre projet « Méthycentre » à Céré-la-Ronde, Storengy simule le maximum de courbes de charge en fonction de l’évolution de la production EnR. Notre but est d’utiliser en partie l’hydrogène produit pour la mobilité et de combiner le reste avec du CO2 issu de la méthanisation. Le méthane de synthèse ainsi obtenu sera utilisé pour les usages classiques du gaz naturel et peut être stocké. C’est alors notamment une source très flexible de production d’électricité via les centrales à gaz à cycle
86 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
combiné (CCGT). Nous envisageons ensuite de répliquer ce type de projet entre 2025 et 2030. En utilisant la chaleur issue de la méthanation pour la méthanisation et l’oxygène de l’électrolyse pour le traitement du biogaz, nous optimisons le rendement carbone du méthaniseur. Ainsi, nous parvenons à un bilan carbone d’environ 96 %. Grâce à l’optimisation des briques du power to gas et de leur intégration, nous pouvons envisager une filière rentable d’ici 2025-2030. Notre objectif est d’être un ensemblier accompagnant le développement de la filière, l’optimisation, l’intégration, et la baisse des coûts de chacune des briques de base de la filière. La puissance installée de notre démonstrateur est de 250 kilowatts. Nous envisageons d’ici 2025 à 2030 des réplications de 1 à 10 MW avec des technologies adaptées aux différents projets, telles que la méthanation catalytique du projet « Méthycentre » ou la méthanation biologique que nous souhaitons également tester.
Débat De la salle Quelles sont vos données d’entrée économiques ? Il est nécessaire de disposer de bases permettant des hypothèses industrielles compétitives sur le long terme. Pascal Mauberger Nos données d’entrée sont un coût du MW de 60 euros, une charge de capital de 15 % appliquée aux CAPEX de nos équipements, sur la base de 6 000 heures de fonctionnement par an. Elles sont basées sur un McLyser 200, soit un MW de puissance appelée et une production d’hydrogène de 200 mètres cubes heure. Hélène Pierre En méthanation, nous devons bien entendu tenir compte du coût du CO2. Nous pouvons obtenir un coût bas en optimisant le coût de la récupération auprès du porteur de l’installation de méthanisation. Il convient toutefois d’être attentif à la qualité du CO2 récupéré. Pour un captage sur une installation industrielle, il convient de tenir compte du coût du captage et du traitement du CO2. Pascal Mauberger Sur une installation industrielle, les coûts de captage du CO2 sont de 50 à 100 euros la tonne. Toutes les hypothèses de calcul sont disponibles dans le rapport de l’Ademe. De la salle Comment envisagez-vous la revente du méthane de synthèse produit par les démonstrateurs ? Des appels à projets sont-ils prévus pour faire vivre ces pilotes ? Hélène Pierre Le projet « Grhyd » a pour objectif d’aller jusqu’au déploiement de la solution et doit traiter la problématique de la
ATELIER 12
valorisation de l’hydrogène injecté dans le gaz en réseau. Plusieurs mécanismes sont possibles. Il sera probablement nécessaire de recourir à la garantie d’origine pour tracer la valeur verte de l’hydrogène injecté dans le réseau et décorréler le lieu d’injection et de valorisation. Laurent Bedel GRTgaz est une société régulée qui ne peut être producteur de gaz. Le méthane injecté dans Jupiter 1000 le sera donc gratuitement. Ce projet a pour but de favoriser l’émergence d’une filière française du power to gas. Olivier Arthaud Le projet « Méthycentre » est un démonstrateur qui a pour but de permettre le développement de la filière. Nos hypothèses économiques nous permettent d’envisager un coût du méthane de synthèse au prix de rachat du biométhane d’aujourd’hui. Laurent Bedel Il convient de rappeler qu’un plein d’essence (TTC) coûte bien plus de 100 euros par MWh. Le power to gas pour la mobilité pourrait être un premier marché. L’Ademe est impliquée dans ces démonstrateurs, le but de ces projets de démonstration est de proposer des évolutions de réglementation et de proposer un tarif de rachat d’hydrogène et de méthane de synthèse pour faire émerger cette filière française de power to gas. De la salle Monsieur Arthaud, pensez-vous utiliser vos stockages souterrains actuels pour le stockage d’hydrogène ?
Olivier Arthaud De la salle Ce taux de 20 % n’est probablement pas valable sur le réseau acier. En outre, les véhicules au gaz ne supportent pas plus de 2 % d’hydrogène. Hélène Pierre Le réseau acier lui-même peut accepter une part importante d’hydrogène. Les chaudières domestiques sont d’ores et déjà testées avec 23 % d’hydrogène. S’agissant des véhicules, la question porte sur la composition des réservoirs qui, selon les matériaux, peut accepter une part différente d’hydrogène - les réservoirs des bus du projet « Althytude » à Dunkerque acceptaient 20 % sans problème, mais ce n’est pas le cas de tous les types de réservoirs.
Olivier Arthaud Le stockage d’hydrogène en sous-sol peut prendre place dans des cavités salines, que nous savons rendre étanches. De la salle Le chiffre de 20 % d’hydrogène dans le réseau de gaz est-il porteur de risques pour nos infrastructures ? Hélène Pierre Ce maximum est issu du projet européen « Naturalhy » mené dans les années 2000, qui a démontré que les réseaux pouvaient absorber davantage d’hydrogène. En réalité, la limite est plutôt la modification du comportement du mélange au-delà de 20 % volume d’hydrogène, qui fait que l’on ne peut plus gérer un mélange H2/GN comme du gaz naturel. Notre projet d’expérimentation vise à démontrer la viabilité de ce taux.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 87
TABLE RONDE 4
Gaz et électricité, synergies gagnantes Participants François Brottes, président du directoire de RTE. Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz. Table ronde animée par Jean-Philippe Moinet, auteur et chroniqueur.
88 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 4
Présentation
François Brottes Jean-Philippe Moinet Pouvez-vous nous fournir des précisions concernant le fonctionnement de la synergie des activités de RTE et de GRTgaz sur le réseau ? François Brottes La production d’électricité provenant du gaz est significative. Elle s’élève à 6,6 % de la production du mix électrique. Cet état de fait prouve que cette complémentarité entre le gaz et l’électricité est indispensable et le deviendra davantage dans les années à venir. Thierry Trouvé La présence d’un représentant de RTE au Congrès du gaz est une première. Dix ans auparavant, il n’existait aucune interaction entre le système électrique et le système gazier. En outre, il n’existait pratiquement aucune production d’électricité à partir du gaz. Le système gazier fonctionnait indépendamment du système électrique. En effet, les compresseurs permettant d’acheminer le gaz dans les tuyaux fonctionnaient au gaz. Or, depuis plusieurs années, des cycles combinés au gaz se sont développés de façon significative. Par ailleurs, le défi de la transition énergétique ajoute à la problématique de la variabilité de la consommation l’intermittence de la production d’électricité renouvelable. Du côté de GRTgaz, le parc de compression fonctionne à 50 % à l’électricité. De ce fait, le système gaz de GRTgaz repose en partie sur l’électricité acheminée par RTE. Dans ce contexte, les équipes des deux sociétés ont eu à se rapprocher. S’agissant de la transition énergétique, GRTgaz possède une importante capacité de modulation en puissance. En France, l’écart entre la journée plus creuse observée sur le réseau et la journée de pointe se situe entre 1 et 10 en rapport de puissance. À titre d’exemple, un terminal méthanier moyen fonctionnant habituellement à un quart
de sa puissance, poussé aux trois quarts de sa puissance maximum injectera sur ce réseau l’équivalent d’une puissance de dix centrales nucléaires de 10 000 mégawatts en l’espace d’une heure. Ces performances sont extrêmement intéressantes dans la perspective de la transition énergétique. Dans ce contexte, il s’avère plus que jamais nécessaire de renforcer cette complémentarité entre le système gazier et le système électrique. Et la solution existe : elle passe par la conversion des surplus d’électricité renouvelable en gaz, c’est le power to gas. Je crois également au recours au chauffage hybride dans les logements. Il s’agit de chauffage électrique alterné avec un chauffage au gaz en cas de pointes de consommation. Si les pouvoirs publics décidaient de mettre un terme au chauffage au gaz, il serait nécessaire de doubler la taille du système électrique. Cette solution semble pour le moins difficile à mettre en place, en termes de moyens de production électrique, de réseaux et de systèmes de stockage. Dans ce contexte, le projet « Jupiter 1000 » constitue un autre élément de couplage entre les deux systèmes. Il s’agit d’un projet pilote impliquant huit partenaires, dont TIGF, RTE et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Dans le cadre du projet, de l’électricité du réseau éolien de RTE sera transformée en hydrogène par électrolyse. Cet hydrogène sera utilisé de deux manières différentes. Premièrement, l’hydrogène sera injecté dans le réseau de transport de gaz naturel afin d’être consommé. Deuxièmement, une partie de l’hydrogène sera utilisée en combinaison avec du CO2 issu des cheminées de l’usine Ascométal située à Fos-sur-Mer afin de créer du méthane de synthèse qui sera à son tour injecté dans le réseau de transport de gaz. Le début des travaux relatifs au projet « Jupiter 1000 » est annoncé pour les semaines à venir. Ainsi, les premiers mètres cubes d’hydrogène et de méthane seront injectés dans le réseau de transport de gaz d’ici la fin de l’année 2018. Le choix du nom du projet s’explique par l’importante quantité d’hydrogène présente sur la planète Jupiter.
« La production d’électricité provenant du gaz est significative. Elle s’élève à 6,6 % de la production du mix électrique. »
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 89
TABLE RONDE 4
« il s’avère plus que jamais nécessaire de renforcer cette complémentarité entre le système gazier et le système électrique. Et la solution existe : elle passe par la conversion des surplus d’électricité renouvelable en gaz, c’est le power to gas. » Thierry Trouvé
Débat De la salle
Il est plus important de connaître le coût correspondant à une semaine de froid hivernal que d’évoquer le prix du mégawattheure. Thierry Trouvé Le projet « Jupiter 1000 » n’a pas vocation à être rentable économiquement. Il s’agit d’un pilote visant à tester différentes technologies relatives à l’électrolyse, la méthanation et le captage de CO2. En outre, le projet vise également à valoriser l’apport du power to gas au système électrique français. En outre, dans les années à venir, le prix du mégawattheure est amené à diminuer, grâce notamment à l’électricité photovoltaïque et à l’électricité éolienne. Actuellement, le marché est tourné uniquement vers l’énergie. Pourtant, la puissance et la flexibilité prennent de la valeur. Dans ce contexte, il devient nécessaire de militer pour la mise en place à l’échelle européenne d’un système permettant de valoriser la puissance et la flexibilité de l’énergie.
90 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Jean-Philippe Moinet En France, le processus de synergies est en cours. Je me demande si les autres pays européens suivent cette tendance. François Brottes La France n’est probablement pas précurseur du power to gas. Thierry Trouvé C’est exact. L’Allemagne notamment possède une longueur d’avance sur la France à ce sujet. Cependant, la complémentarité ne doit pas être réduite au seul sujet du power to gas. C’est le sens des travaux qui nous rapprochent sur l’open data par exemple.
TABLE RONDE 5
L’Europe du gaz Participants
Jean-François Carenco, président, Commission de régulation de l’énergie (CRE). Philippe Darmayan, président, Groupe des fédérations industrielles (GFI). Marcel Kramer, président, Energy Delta Institute. Jean-Marc Leroy, président, Gas Infrastructure Europe (GIE). Beate Raabe, secrétaire générale, Eurogas. Table ronde animée par Jean-Philippe Moinet, auteur et chroniqueur.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 91
TABLE RONDE 5
Présentation
Jean-Marc Leroy
hub moins liquide. Néanmoins, dans le cadre de ce scénario, les zones d’équilibrage seraient conservées. Dans le quatrième scénario, les contrats gaziers seraient livrés aux bornes de l’Union européenne. Le choix du scénario sera clarifié au cours de l’année 2018. Les responsables d’infrastructures européens ont pour objectif de maintenir les dispositifs déjà en place. En effet, s’il existe des livraisons aux frontières européennes, des hubs se développeront sur chacun de ces points de livraison. Dans ce contexte, la question de l’impact sur la liquidité des hubs existants à l’intérieur de l’Europe se posera. Par ailleurs, l’objectif des responsables d’infrastructures européens consiste à privilégier des solutions simples et lisibles. La conception du marché doit également s’adapter aux enjeux de la transition énergétique. Dans ce cadre, l’objectif est de favoriser le développement de nouvelles sources de production adaptées au territoire. En outre, la conception du marché doit intégrer des solutions innovantes telles que les gaz verts et le biométhane notamment.
Jean-Philippe Moinet Afin d’aborder le sujet du gaz en Europe, j’accueille JeanMarc Leroy, président de GIE, Beate Raabe, secrétaire générale d’Eurogas, Philippe Darmayan, président de GFI et Marcel Kramer, président d’Energy Delta Institute.
Jean-Philippe Moinet Le bureau d’information de France du Parlement européen a produit un document au mois de septembre indiquant que « les pays voisins devraient gérer ensemble les crises relatives au gaz ». Beate Raabe, pouvez-vous nous faire part de votre analyse concernant la gestion commune du gaz entre la France et l’Allemagne ?
Les scénarios de la Commission européenne
Le gaz en Europe
Jean-Marc Leroy Je souhaite aborder l’étude Quo Vadis, lancée par la Commission européenne. Cette étude prouve que la Commission s’intéresse à la place du gaz dans le mix énergétique. En outre, il existe un courant de pensée au sein de la Commission européenne orienté vers un passage au tout électrique. Cependant, cette solution n’est pas soutenable, d’un point de vie économique et technologique. Dans ce cadre, il est important de réaliser cette étude portant sur la place du gaz dans le mix. Par ailleurs, il est important de prendre en compte les progrès réalisés dans le domaine de l’industrie ces dernières années. Il est fondamental de déterminer la situation existante en Europe et d’identifier les éléments à corriger. Actuellement, la Commission travaille sur des scénarios très contrastés. Premièrement, la elle travaille sur la réforme des tarifs. Il s’agit de supprimer les tarifs aux frontières et d’implémenter un tarif correspondant à l’entrée et à la sortie aux frontières de l’Union européenne. Deuxièmement, la Commission envisage une fusion volontariste entre différentes zones géographiques. Les quatre zones identifiées sont : les pays baltes ; l’Europe du Nord-Ouest, de la Belgique à l’Allemagne ; la Roumanie et la Bulgarie ; la péninsule Ibérique. Troisièmement, la Commission envisage une fusion conditionnelle de zones. Il s’agit de fusionner une zone comportant un hub liquide avec une zone comportant un
Beate Raabe D’importants progrès ont été réalisés en ce qui concerne les codes de réseau. À l’avenir, l’acheminement du gaz en Europe sera facilité. Par ailleurs, des progrès ont été réalisés en matière de sécurité d’approvisionnement. En effet, un règlement a récemment été adopté par le Parlement européen à ce sujet. Ainsi, un marché en bonne santé garantit la sécurité d’approvisionnement. Dans ce contexte, des règles et des codes de réseau ont été mis en place. Cependant,
Beate Raabe 92 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
TABLE RONDE 5
la diminution de la demande de gaz soulève la question de l’intérêt d’investir dans des connexions. La baisse de demande de gaz est due en premier lieu à la crise économique. En outre, la production d’électricité nécessite moins de gaz qu’auparavant. Parallèlement, en Allemagne, le charbon constitue une source d’énergie rentable. Le taux de production de gaz en Europe s’élève à 25 %. Par ailleurs, 25 % du gaz provient de Norvège et 30 % de la production provient de Russie. Parallèlement, le marché du GNL prend de l’ampleur. En effet, en Lituanie et en Pologne, des terminaux de GNL ont été construits, ce qui représente un coût important. Ces terminaux reçoivent du GNL issu des États-Unis et de la Norvège notamment. Il convient de définir la notion de solidarité entre les pays d’Europe. Dans ce contexte, des conditions de livraison doivent être établies. En outre, une société gazière livrant du gaz à l’étranger au détriment de ses propres clients attendra une compensation. Jean-Philippe Moinet Je propose à Philippe Darmayan de livrer son point de vue sur l’avenir proche en matière d’activité gazière en Europe.
Les défis de l’énergie dans l’Union Philippe Darmayan En termes d’harmonisation des conditions dans lesquelles l’énergie est produite, vendue et régulée en Europe, l’attente est très forte. Les problèmes rencontrés par les électriciens sont plus complexes que les problèmes rencontrés par les sociétés gazières. En effet, les électriciens sont soumis à d’importantes évolutions des moyens de production. De ce fait, les centrales nucléaires ont d’importants travaux à réaliser afin de conserver leur compétitivité. Dans le cadre de l’harmonisation européenne, le GFI se concentre sur la recherche de compétitivité. Par ailleurs, en France, j’estime que le projet de taxation du CO2 va à l’encontre de l’harmonisation de l’énergie européenne. Jean-Philippe Moinet Marcel Kramer va évoquer les progrès réalisés en Europe en termes d’infrastructures dans un premier temps. Dans un second temps, il abordera les enjeux de sécurité et d’innovation digitale.
Marchés du gaz en Europe Marcel Kramer Nous disposons désormais d’une capacité beaucoup plus importante pour la regazéification et les options de gaz naturel liquéfié depuis l’extérieur de l’Europe et nous avons davantage d’infrastructures en pipeline ainsi que de capacités de stockage. Nous sommes plus compétitifs et plus accessibles dans les marchés commerciaux. Le dégroupage a créé certaines inefficacités au sein du système, mais il apporte également des avantages, notamment des investis-
Philippe Darmayan sements et d’autres initiatives de la part d’entreprises d’infrastructures autonomes. Les discussions sur les menaces quant à la sécurité du gaz sont parfois plus motivées par la politique que la réalité du marché du gaz actuel. Nous disposons de plus d’énergies renouvelables que ce à quoi nous nous attendions, mais le gaz restera crucial pour des décennies encore pour des applications traditionnelles et, pour une transition énergétique rentable, l’Europe aura des exigences d’importation de gaz significatives et croissantes. Nous voulons répondre à ces exigences grâce à un approvisionnement en gaz compétitif, ce qui signifie que nous ne devons pas aliéner les fournisseurs. Ils doivent également être motivés à investir pour le marché européen. La Norvège n’a pas autant de capacité libre que le système russe et n’est pas aussi flexible dans sa production. Si l’on regarde ses performances, la Norvège peut être considérée aussi fiable que la Russie. La sécurité de l’approvisionnement n’est pas un problème à l’échelle macro, mais nous devons nous assurer de pouvoir répondre de manière régulière aux pics de demandes en gaz en Europe, avec les infrastructures dont nous disposons. Le GNL reviendra normalement au plus offrant, dans le monde entier. Certains, situés en Europe du Nord Est et en Europe du Sud Est, recherchent activement une plus grande diversification des approvisionnements, les sources alternatives de GNL pourraient ne pas répondre à la sécurité d’approvisionnement des gazoducs. L’industrie gazière doit clarifier son rôle dans la sécurité de l’approvisionnement, de la compétitivité et de la transition énergétique en Europe et continuer à montrer un état d’esprit optimiste à l’égard de ces points. Pour garantir la compétitivité, il est crucial d’entretenir de bonnes relations avec une variété de fournisseurs potentiels fiables et d’infrastructures flexibles. Nos systèmes de régulation doivent soutenir l’industrie du gaz dans ses innovations (y compris digitales), ses investissements et ses programmes de maintenance proactifs. Les pays voisins doivent collaborer de manière plus intense pour gérer les problèmes transfrontaliers dans l’intérêt de la compétitivité, de la sécurité de l’approvisionnement et du service à la clientèle.
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 93
TABLE RONDE 5
Beate Raabe La France et l’Allemagne coopèrent en matière d’énergies renouvelables. S’agissant du nucléaire, les points de vue des dirigeants allemand et français divergent. En effet, la chancelière allemande souhaite sortir du nucléaire. En France, l’objectif de diminuer l’activité nucléaire est moins tranché qu’en Allemagne. En ce qui concerne le marché gazier et le marché de l’électricité, la France et l’Allemagne entretiennent de bonnes relations commerciales. Néanmoins, j’attends la mise en place du nouveau gouvernement français et du gouvernement allemand après les élections. Je m’attends à une relation plus approfondie entre la France et l’Allemagne dans les années à venir. Marcel Kramer Jean-Philippe Moinet Récemment, le président de la République a prononcé un discours à Athènes. Il y évoquait l’idée d’une refondation européenne fondée notamment sur la zone euro. Cette dimension, appliquée aux enjeux énergétiques, sera abordée ultérieurement.
Débat Un participant Je souhaite revenir sur l’étude Quo Vadis. Je constate que le prix du gaz a diminué. Or, il doit rester faible afin d’être maintenu dans le mix énergétique. Ainsi, l’opportunité que représente l’étude Quo Vadis devrait permettre aux consommateurs de bénéficier de prix bas, de manière à augmenter la demande. Jean-Marc Leroy Il est important de développer une utilisation efficace des infrastructures existantes. En effet, les infrastructures doivent être utilisées comme des atouts. La vision des régulateurs devient de plus en plus industrielle et orientée sur l’aspect de compétitivité. Ainsi, les objectifs doivent être définis de façon plus claire. Par ailleurs, je crains une application uniforme des solutions européennes. En effet, une approche plus ciblée serait nécessaire. Jean-Philippe Moinet Beate Raabe, pouvez-vous aborder les objectifs fixés par le gouvernement allemand en matière d’énergie ?
94 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Jean-Philippe Moinet Je rappelle que l’Allemagne accueillera prochainement la COP23, à Bonn. Par ailleurs, le président de la République française prévoit un sommet d’étape le 12 décembre à Paris au sujet de la lutte contre le réchauffement climatique. À cette occasion, la France et l’Allemagne pourraient aboutir à une entente. Beate Raabe En effet. S’agissant du climat, il existe de nombreux points de convergence entre la France et l’Allemagne, notamment en ce qui concerne le gaz renouvelable. En effet, il peut contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.
DISCOURS
Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie
C
e congrès est une occasion d’envisager l’avenir. En effet, le secteur de l’énergie évolue constamment. Les problèmes qui lui sont liés sont complexes et nécessitent des solutions collectives. Dans ce contexte, j’ai mis en place un comité prospective. Ce comité aura pour but d’imaginer et d’étudier l’avenir, d’un point de vue collectif. La complexification des solutions abordées au cours de ce congrès impose de réfléchir ensemble. S’agissant de l’avenir du marché du gaz, je souhaite partager deux convictions sur les risques et les opportunités du secteur. La sécurité d’approvisionnement est un pré-requis non négociable. Au-delà du prix de l’énergie, les consommateurs ont des attentes en termes de sécurité. S’agissant
de l’hiver à venir, une rupture d’approvisionnement serait désastreuse à la fois pour les clients et pour l’ensemble de la filière. Ce sujet relève de la responsabilité collective. Le niveau de stockage actuel me semble insuffisant. Ainsi, chaque acteur doit prendre ses responsabilités pour respecter ses obligations en cas de rupture d’approvisionnement. En effet, une telle rupture entraînerait une perte totale de confiance envers les gaziers. Concernant la réforme du stockage, plusieurs étapes législatives doivent être franchies dans des délais courts. Ainsi, au sein de la CRE, des ateliers de travail seront organisés dès le mois d’octobre avec les acteurs du secteur de l’énergie sur la commercialisation des capacités de stockage et sur la compensation de revenus des opérateurs de stockage. Cette réforme de stockage constitue un important changement du paysage gazier français. En outre, elle représente une occasion de revoir le fonctionnement global du système gazier et son avenir. Par ailleurs, le gaz peut et doit prendre sa place dans la transition énergétique. La conversion power to gas représente l’une des solutions d’avenir du stockage de l’électricité. De plus, cette solution constitue un soutien à la production de gaz vert et permet de réduire progressivement la consommation d’énergies fossiles. Les réseaux de gaz sont entrés dans l’ère des réseaux intelligents pour le grand public, avec le compteur communicant Gazpar. Je me félicite que ce compteur n’ait pas suscité la méfiance des consommateurs comme cela a été le cas avec les compteurs Linky.
« La sécurité d’approvisionnement est un pré-requis non négociable. Au-delà du prix de l’énergie, les consommateurs ont des attentes en termes de sécurité. » Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 95
DISCOURS
« Le pilotage du réseau doit être optimisé en tirant parti des technologies modernes pour réduire la consommation d’énergie et son impact écologique. »
En ce qui concerne l’acheminement du gaz, le pilotage du réseau doit être optimisé en tirant parti des technologies modernes pour réduire la consommation d’énergie et son impact écologique. Dans ce contexte, la CRE a également initié un renforcement important des budgets de recherche et de développement des gestionnaires de réseaux. Les GRT doivent préparer l’avenir et s’adapter à la construction d’un monde sans carbone. À l’occasion des travaux tarifaires effectués en 2016, la CRE a favorablement accueilli les projets de transformation des opérateurs. L’innovation constitue l’une des solutions à la transition énergétique. Je félicite les intervenants pour la variété de solutions innovantes présentées au cours de ce congrès. L’avenir du marché du gaz repose sur la compétitivité économique. En effet, le gaz doit conserver une place prioritaire chez les industriels. Dans ce contexte, la CRE veille à la maîtrise des investissements des gestionnaires de réseaux. La création de la place d’un marché unique résulte d’un grand programme de développement lancé il y a dix ans. Le marché unique permet au consommateur final d’accéder au gaz à moindre coût sur l’ensemble du territoire français. Ainsi, au mois de novembre 2018, le prix du gaz deviendra unique pour l’ensemble des consommateurs du territoire. Ce changement est rendu possible par la finalisation des interconnexions avec l’Espagne. En effet, la France est désormais connectée avec l’ensemble des pays européens. Par ailleurs, il est nécessaire d’anti-
96 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
ciper la disparition des tarifs de vente réglementés gaz. Il revient au gouvernement et au Parlement d’organiser cette transition. Dans ce contexte, la création d’une loi s’avérera nécessaire. La mission de la CRE consiste à faire fonctionner les marchés électriques et gaziers dans les meilleures conditions d’efficacité et d’équité. Le rôle de la CRE consiste également à mettre fin aux multiples contentieux qui gênent le développement du marché. Dans un secteur en pleine construction, la consultation des différents acteurs est indispensable. Aujourd’hui, la digitalisation, les évolutions sociétales et la demande des citoyens font que le fournisseur doit apporter un service complet aux consommateurs. Au sein de la CRE, les intérêts à court terme et à long terme sont pris en considération.
CLÔTURE
Keisuke Sadamori,
directeur des marchés énergétiques et de la sécurité, Agence internationale de l’énergie
A
u cours des vingt-cinq dernières années, la demande énergétique a augmenté de presque 60 % et a majoritairement été satisfaite grâce aux carburants fossiles, principalement le charbon. La demande pour la période allant jusqu’à 2040 sera de 30 %, en raison des améliorations d’efficience énergétique. La contribution du charbon et du pétrole diminuera, mais le gaz naturel conti-
nuera à jouer un rôle. Toutefois, les technologies à faible teneur en carbone fourniront près de la moitié de la demande énergétique supplémentaire et la majorité de ces technologies proviendront de ressources renouvelables. La consommation de gaz naturel augmentera de 50 % d’ici 2040. Le gaz bénéficie de la révolution du schiste aux États-Unis et du GNL. Néanmoins, il doit fait face à la forte concurrence du charbon bon marché dans certains pays et des énergies renouvelables d’autres États. On s’attend à ce que le secteur industriel soit le principal demandeur de gaz pour les cinq prochaines années. Le gaz sera également influencé par les changements opérationnels des marchés gaziers au niveau international. Des changements peuvent également être observés dans les tendances des pays importateurs. La Chine, l’Inde et d’autres pays en développement importeront plus de la moitié du GNL existant d’ici 2022. Le nombre de pays importateurs est passé de quinze en 2015 à trente-neuf aujourd’hui et atteindra le nombre de quarante-cinq d’ici 2022. Ces nouveaux importateurs sont plus sensibles aux prix et orientés à court terme que les acheteurs traditionnels comme les usines du Japon et de la Corée. Les émissions globales ont stagné malgré la croissance de l’économie mondiale, ce qui signifie que les émissions
« Le gaz naturel est le combustible le plus propre, à la plus faible intensité carbonique, qui peut soutenir l’intégration d’énergies renouvelables en apportant de la flexibilité aux systèmes de marché énergétique »
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 97
CLÔTURE
« La consommation de gaz naturel augmentera de 50 % d’ici 2040. » globales ont atteint un pic. Les dynamiques de marché et les progrès technologiques jouent également un rôle. Une augmentation a pu être observée en ce qui concerne le déploiement des technologies à vent et solaires, ainsi que pour les véhicules électriques. Les États-Unis ont contribué à cela, avec l’augmentation des énergies renouvelables et le déplacement du charbon et du gaz de schiste. En Chine, les énergies renouvelables et nucléaires ont augmenté, mais le charbon a reculé. On observe également l’abandon du charbon en faveur du gaz dans certaines entités des secteurs industriels, résidentiels et de la construction. Les taux de l’UE restent plats et augmentent pour d’autres pays. Le gaz naturel est le combustible le plus propre, à la plus faible intensité carbonique, qui peut soutenir l’intégration d’énergies renouvelables en apportant de la flexibilité aux systèmes de marché énergétique. La pollution de l’air est à l’origine de 6,5 millions de décès prématurés, ce qui représente un décès sur neuf dans le monde entier. Il s’agit de la quatrième plus grande menace pour la santé humaine. Les conséquences de la pollution de l’air sont concentrées dans le monde émergent, y compris l’Asie et l’Afrique.
98 • Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017
Depuis 1990, les industries à forte intensité d’énergie ont été la source principale de croissance de la consommation finale en Chine, particulièrement en ce qui concerne l’acier et le ciment. Une croissance continue persiste pour les produits chimiques et l’aluminium, mais l’acier et le ciment devraient connaître un certain déclin. En 2040, les secteurs industriels à forte intensité énergétique utiliseront moins d’énergie qu’aujourd’hui, des secteurs moins gourmands se développeront plus vite. D’ici 2030, l’électricité aura supplanté le charbon comme source d’énergie pour l’industrie chinoise. En Inde, la consommation de gaz naturel sera plus importante que prévu. Néanmoins, le gaz a une intensité carbonique trop importante pour continuer à croître dans un monde décarbonisé. Si l’Europe vise un objectif de 2 degrés, la consommation de gaz connaîtra un déclin modéré. Vers 2025, nous atteindrons un point où le gaz sera un combustible à haute teneur carbonique. Le gaz utilisé pour la génération d’énergie sera particulièrement affecté, le secteur énergétique agissant en faveur d’une décarbonisation complète.
leader français et référence européenne de la certification :
de matériel et appareils à gaz selon des référentiels gérés par CERTIGAZ (Marquage CE, Marques NF et Marques ATG) de système de management (offre commune de Certigaz et d’AFNOR Certification, pour la Certification Coordonnée Système & Produits qui comprend la certification sous marque AFAQ).
CERTIGAZ est l’organisme notifié (n°1312) pour le marquage CE des appareils à gaz en application des directives 2009/142/CE « appareils à gaz » et 92/42/CEE « rendement des chaudières ». Cela représente plus de 1000 certificats CE de type émis ou modifiés et plus de 220 sites de fabrication sous surveillance dont près de la moitié hors de France. Le marquage CE est la preuve de la conformité aux exigences des directives européennes applicables à un produit, il permet la libre circulation du produit au sein de l’Union Européenne. La directive 2009/142/CE « Appareils à gaz » concerne principalement : •Les appareils de cuisson (domestique et professionnelle), •Les appareils de chauffage (chaudières, tubes radiants, générateurs à air chaud), • Les appareils de production d’eau chaude, •Les appareils de réfrigération, •Les appareils de lavage, •L’éclairage.
CERTIGAZ gère également les marques ATG au nom de l'AFG dans le secteur du gaz : ATG Bras : alliages d'apport/flux destinés au brasage capillaire et au soudobrasage pour les canalisations gaz en acier ou en cuivre ; ATG Sert : raccords à sertir en cuivre ; ATG PLT : kits de tuyaux onduleux pliables en acier inoxydable ; ATG MH : installations de gaz GPL pour résidences mobiles et kits d’alimentation en GPL.
CERTIGAZ est l’organisme mandaté par AFNOR Certification pour assurer la gestion des dossiers ainsi que la surveillance des sites de fabrication des marques NF dans le secteur du gaz : NF GAZ : accessoires de raccordement des appareils à gaz et accessoires pour installations GPL ; NF ROB-GAZ : aux robinets de gaz pour réseaux de distribution situés en amont du compteur et aux robinets pour installations de gaz dans les bâtiments, ainsi qu’aux robinets à papillon pour installations de gros diamètres et aux joints plats d’étanchéité pour installations de gaz ; NF APE : accessoires pour réseaux en polyéthylène de distribution de gaz et d’eau ; NF REG-GAZ : régulateurs de pression de gaz pour réseau de distribution et branchements.
CERTIGAZ SAS est une société par action simplifiée détenue pour moitié par AFNOR Certification et par l’AFG. Certigaz est accréditée par le COFRAC (Comité Français d’Accréditation, portée disponible sur www.cofrac.fr). Contact : 8 rue de l’Hôtel de Ville 92200 Neuilly Tél : +33(0) 1 80 21 07 40 Fax : +33 (0)1 80 21 07 93 www.certigaz.fr infocertigaz@certigaz.fr
Gaz d’aujourd’hui • n°4 Congrès du gaz - 2017 • 99
Infrastructures. DOSSIER LA REVUE DU GAZ NATUREL, DU BIOMÉTHANE, DU BUTANE ET DU PROPANE
L’association française du gaz
ÉDITÉE PAR L’ASSOCIATION FRANÇAISE DU GAZ WWW.AFGAZ.FR
Le syndicat professionnel du gaz en France
N°1 2016 / JANVIER-MARS
Pour fédérer nos énergies • Lien entre les acteurs de la chaine gazière, l‘AFG contribue à sa promotion et à son développement • Créateur de compétences, l‘AFG propose ses services dans les domaines de la normalisation, de la certification et de la formation
ENTRETIEN
ENTRETIEN
MAROŠ ŠEFČOVIČ
MAROŠ ŠEFČOVIČ Vice-président de la Commission européenne en charge de l’Union de l’énergie
est sur la bonne voie pour réaliser l’ensemble de ses objectifs climatiques d’ici à 20201. Nous avons également convenu d’un plan ambitieux visant à réduire nos émissions d’au moins 40 % d’ici à 2030. Il me semble important de souligner que les réductions d’émissions actuelles enregistrées n’ont pas été atteintes au détriment de la croissance économique. À titre d’exemple, en 2010, nos estimations avaient suggéré que les émissions de l’UE-15 seraient de 10,7 % en dessous du niveau de 1990. La même année, les émissions de l’UE27 étaient d’environ 15,5 % en dessous du niveau de 1990, alors que dans la période allant de 1990 à 2010 le PIB a progressé de + 39 % au sein de l’UE-15 et de + 41 % au sein de l’UE-27. Cela montre que l’UE, tout en étant un leader ambitieux dans la lutte mondiale contre le changement climatique, a connu tout de même une croissance importante depuis 1990. Concernant le risque de délocalisation des grandes industries émettrices, c’est un facteur important que nous avons certainement pris en considération. C’est une des raisons pour lesquelles il était si important d’avoir l’accord de Paris. Celui-ci est sensiblement différent de son préCouv_GA_2016_Vol1.indd 1-2 l’accord de Kyoto parce qu’il représente un décesseur exe • AP_A4_Corporate_UK&FR.indd 2 véritable accord mondial. En décembre 2015, 195 pays ont signé cet accord qui fixe une ambition forte pour l’ensemble des signataires et fournit un cadre transparent pour la mise en œuvre et l’évaluation de l’invenCONTEXTE taire, tout en gérant les impacts du changement climaInterrogé sur les conséquences du Brexit, Maroš Šefcovic n’a pas tique dans les pays où ils sont déjà clairement visibles. souhaité s’exprimer sur ce sujet, se référant à l’article 50 du traité L’accord de Paris signifie à nos yeux qu’une grande sur l’Union européenne définissant la procédure à suivre si un État majorité des États de ce monde ont pris conscience de l’enjeu et de la nécessité de travailler ensemble. C’est de quitter l’Union. Il a tout de même précisé que(GNL), Le marché mondial du gaz entre membre dans unedécide nouvelle ère : l’avènement du gaz naturel liquéfié la découverte de pour cela que nous sommes convaincus que chaque si « gaz l’UE non était conventionnels prête à lancer lesont négociations avec le nouveaux gisements et l’essor des révélé un rapidement potentiel gazier indéniable. Un potentiel Royaume-Uni en ce qui concerne les termes et conditions de son pays agira pour préserver notre planète. présent en grande quantité sur la planète et dont l’exploitation, sujette à des enjeux économiques, techniques et retrait, tant que ce processus n’est pas terminé le Royaume-Uni reste environnementaux, soulève un bien des questions aiguise bienavec des tous appétits. Enquête. membre de l’Unioneteuropéenne, les droits et obligations qui en découlent. » L’accord de Paris a été adopté lors de la COP21. L’Union européenne, troisième émetteur de gaz à effet de serre (GES) au monde, a pris des engagements très forts : réduire de 40 % ses émissions d’ici à 2030, atteindre un niveau de 27 % d’économies d’énergie et une part d’énergies renouvelables à 27 %. Comment comptez-vous y parvenir ? Comment allez-vous gérer le risque de délocalisation d’industries qui sont de grosses émettrices de GES ainsi que les objectifs qui ne sont pas répartis quantitativement par pays ? L’accord de Paris comprend des règles solides sur la transparence et la responsabilité des États à veiller à ce que leurs engagements soient respectés ainsi que sur la possibilité de pouvoir quantifier la réduction de leurs émissions. J’insiste sur le fait qu’une réduction absolue des émissions mondiales est nécessaire pour atteindre l’objectif des 2 degrés et prétendre à aller au-delà. L’UE a pris des engagements forts et elle
www.afgaz.fr
DOSSIER
LES NOUVEAUX MARCHÉS GAZIERS
DOSSIER
Quid du Brexit ?
Nouveaux gaz, nouveaux gaziers
Le 22 avril, à la tribune de l’ONU, François Hollande a incité l’Union européenne à « donner l’exemple » en ratifiant le texte avant la fin de l’année. Quel est le processus que doit mener l’UE pour la mise en œuvre de l’accord de Paris ? Des bruits courent que des États membres pourraient s’y opposer. Qu’en est-il ? Comme le président français l’a justement souligné, l’UE et ses États membres doivent donner l’exemple, surtout que nous avons été les premiers à présenter nos engagements ambitieux pour la COP21. Notre intention et notre volonté c’est que l’UE et ses États membres ratifient l’accord de Paris. En ce qui concerne l’Union européenne, le processus de ratification impliquera un vote à la majorité qualifiée au Conseil de l’UE et un vote positif du Parlement européen. Pour ce qui est des États membres, les processus de ratification sont différents d’un pays à l’autre, ce qui signifie qu’il faudra un certain temps pour qu’ils ratifient tous l’accord de Paris. Néanmoins, en mars dernier, les chefs d’États et de gouvernements ont convenu de tout mettre en œuvre pour le ratifier le plus tôt possible. La Commission poursuit son agenda et nous prévoyons de proposer une révision de la décision partage des efforts [législation européenne fixant des objectifs de réduction d’émissions de GES à chaque État membre en fonction de son poids économique, NDLR] d’ici l’été 2016. La révision est un processus nécessaire qui prendra en compte les
DOSSIER © Visuel : cornelius - fotolia.com / Conception graphique : www.pension-complete.com - 2010
FORMULE
LE TRIMESTRIEL
Maroš Šefcovicč est un diplomate slovaque. Depuis le 1er novembre 2014, il est vice-président de la Commission européenne en charge de l’Union de l’énergie. À ce titre, il dirige l’équipe du projet « Union de l’énergie » au sein de la Commission, composée de 14 commissaires. GPLil a été élu en 2014 membre du Auparavant, Parlement européen. De 2010 à 2014, viceprésident de la Commission européenne en charge des relations interinstitutionnelles et de l’administration, il était précédemment entre 2009 et 2010 commissaire européen à l’éducation, la formation, la culture et la jeunesse. De 2004 à 2009, il était enfin le représentant permanent de la République slovaque auprès l’Union européenne.
« Améliorer la coordination régionale dans l’UE est absolument crucial, non seulement pour gérer les crises, mais aussi pour l’équilibre général de nos différentes régions »
o
Contexte ⎪| Nouveaux gaz, nouveaux gaziers Le dossier en image ⎪| Nouveaux marchés, nouvelles perspectives Australie ⎪| La ruée gazière États-Unis ⎪| Jackpot gazier au pays de l’oncle Sam Interview ⎪| Philip Hagyard, Senior Vice President Gas chez Technip Amérique du Sud ⎪| El señor gas Interview ⎪| Houda Allal, directrice de l’Observatoire méditerranéen de l’énergie (OME)
CONVENTION DE L’AFG
BRUNO LÉCHEVIN Président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
GAZ ET CLIMAT : LES ENJEUX ET LES DÉFIS À RELEVER
REVUE TRIMESTRIELLE DE L’AFG / ABONNEMENT ANNUEL : 120 EUROS TTC
19/01/2016 17:17
o
Gaz d’aujourd’hui • n 4-2016 • 5
04/11/2016 14:01
ABONNEZ-VOUS
© ENGIE
Au sommaire de ce dossier :
ENTRETIEN
Quelle forme, notamment juridique, peut prendre l’Union de l’énergie quand il s’agit d’harmoniser les politiques énergétiques des États membres qui, d’après les traités, sont libres de choisir leur mix énergétique ? L’Union de l’énergie est un cadre qui permet à l’UE d’utiliser à la fois les mesures législatives et non législatives pour s’assurer que l’Union européenne a un marché de l’énergie sûr, abordable et respectueux des enjeux climatiques. Ses cinq piliers - la sécurité d’approvisionnement, l’intégration complète du marché intérieur de l’énergie,
4 • Gaz d’aujourd’hui • n 4-2016
n quelques années seulement, le secteur gazier a connu une profonde mutation : les avancées technologiques ont considérablement amélioré les conditions de production, de transport et aussi d’utilisation du gaz naturel. Elles ont permis en moins de deux décennies de découvrir les champs de Zohr en Égypte, le « pré-sel » au Brésil ou encore Léviathan en Israël et de faire du gaz une source d’énergie extrêmement disponible. Une disponibilité renforcée par les ressources de gaz non conventionnel à propos desquelles nombre de pays affichent un potentiel important : aux États-Unis bien sûr, en Australie mais aussi en Argentine et au Brésil. Par ailleurs, le GNL contribue fortement à la diffusion du gaz naturel et au renforcement de sa disponibilité et de son accessibilité. Il offre une grande flexibilité géographique. Les progrès réalisés récemment avec l’émergence de nouvelles technologies telles que le gaz naturel liquéfié flottant (FLNG) développé entre autre par le groupe français Technip, offrent de nouvelles opportunités et de nouveaux marchés pour les différents acteurs de l’industrie gazière. Le GNL est un vecteur important de la transformation des marchés gaziers.
© CE
résultats de la réunion du Conseil européen d’octobre 2014, où les dirigeants européens ont exprimé leur souhait de poursuivre l’approche choisie dans le cadre de la décision relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions pour la période 2021-2030, dans le but de réduire les émissions dans les secteurs non-ETS d’ici 2030 de 30 % par rapport à 2005 et de répondre à l’objectif global de réduction de 40 % en 2030 par rapport à 1990. La Commission a déjà procédé à une consultation sur la révision de la décision. Nous sommes actuellement en train de mener une étude d’impact sur le sujet. [Un an après le sommet de la COP21, le Parlement européen a approuvé, mardi 4 octobre, l’accord de Paris. 14:35 Celui-ci a approuvé la ratification du texte à20/06/11 une très large majorité (610 voix pour, 38 contre), NDLR.]
ga_2016_vol4.indd 4-5
E
DEMAIN L’AFRIQUE
Le GNL moteur dans la mondialisation des échanges Si la Russie et le Qatar sont encore aujourd’hui les leaders sur le marché mondial de la vente de gaz naturel, les ÉtatsUnis et l’Australie se sont invités sur le devant de la scène. Les cartes de l’offre mondiale vont être profondément redistribuées par ces deux grands pays producteurs, avec un impact à la fois sur les prix mais aussi sur la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les capacités totales de liquéfaction augmenteront de 45 % d’ici à 2021. Au total, 188 milliards de mètres cubes de nouvelles capacités viendront ainsi s’ajouter aux 415 milliards en fonctionnement fin 2015. De l’Australie au Brésil, des États-Unis à l’Égypte, tous ces pays ont révélé ces dernières années un potentiel gazier important. Si l’Australie et les États-Unis sont en passe de devenir des géants gaziers, l’Amérique du Sud, malgré un sous-sol riche, est encore au début de son histoire gazière et souffre d’un manque d’infrastructures. L’Égypte quant à elle pourrait redevenir exportatrice dans les prochaines années et les ressources à peine connues de la Méditerranée orientale laissent présager un avenir gazier radieux dans cette région. Laura Icart
o
À LA REVUE DU GAZ NATUREL, DU BIOMÉTHANE, DU BUTANE ET DU PROPANE
ÉDITÉE PAR L’ASSOCIATION FRANÇAISE DU GAZ - WW.AFGAZ.FR
o
10 • Gaz d’aujourd’hui • n 4-2016
Gaz d’aujourd’hui • n 4-2016 • 11
ga_2016_vol4.indd 10-11
08/11/2016 09:50
Je souhaite m’abonner pour l’année 2018 au tarif suivant : Adhérents AFG, AFG régionales et CFBP (France et étranger) : 90,00 € TTC Adhérents AFG retraités et étudiants (France et étranger) : 40,00 € TTC Plein tarif (France, étranger) : 120,00 € TTC Nom :
Prénom :
Société :
Fonction :
Tél. :
E-mail :
Adresse :
Code postal :
Ville :
règlement joint (facture acquittée adressée dès l’encaissement) paiement à réception de facture adhérent de l’AFG, du CFBP ou d’une AFG régionale
Pays : Date et signature :
Numéro de commande (1) : Code TVA d’identification (2) :
AFG, Gaz d’aujourd’hui, 8, rue de l’Hôtel de Ville, 92200 Neuilly-sur-Seine - Tél. 33 (0)1 80 21 07 36
(1) À préciser si votre service comptable l’exige pour tout règlement de facture. (2) Pour les pays de l'Union européenne.