Paroles 262

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art de vivre

生活的藝術

Un petit tour de France du vin bio 法國有機紅酒簡介 Texte 文 : Eric Sautedé

Il n’y a pas si longtemps encore, le vin bio, et ses différentes incarnations prêtait souvent à sourire, tant, en amont, chez les vignerons conventionnels, qu’en aval, chez les œnologues distributeurs de médailles et de notations. Au mieux, le bio c’était une curiosité produite par de doux rêveurs sans rationalité économique ; au pire, un infâme picrate issu d’un délire d’illuminés dogmatiques. Aujourd’hui, la vitiviniculture bio, même si elle reste minoritaire, s’impose pourtant comme une évidence, bénéficiant de l’entêtement de pionniers qui se battent parfois depuis plus de cinquante ans et d’une révolution citoyenne par la consommation, exigeant toujours plus de respect pour l’environnement et la santé.

cuivre, fongicide autorisé en viticulture bio pour combattre le mildiou et certaines maladies des bois. Mais ces « interdictions », c’était déjà beaucoup, puisqu’aujourd’hui encore, selon L’Usine Nouvelle, « 20 % des pesticides utilisés dans l’agriculture le sont dans les vignes, alors qu’elles ne représentent que 3 % de la surface agricole ».

Côté vignes, en 2019, les vignobles en bio (surfaces certifiées et en conversion, c’est-à-dire en cours de certification s’étalant sur trois années) représentent 14 % du vignoble français, soit plus de 112 000 hectares et 8 039 exploitations. Surtout, entre 2014 et 2019, le vignoble bio a progressé de 70 % ! Côté table, la France est le deuxième plus grand consommateur de vin bio au monde et, selon l’Agence BIO, c’est plus d’un Français sur deux (56 %) qui a une opinion positive des vins bio et quatre sur dix (41 %) qui font du bio un critère d’achat dès lors qu’ils se saisissent d’une bouteille sur un rayonnage. Ironie de l’histoire, au tout début des années 2010, le vin bio ça n’existait même pas, puisqu’en réalité la certification ne s’appliquait pas au produit fini — le vin — mais au mode de production — d’élevage — des raisins. Au mieux, on pouvait boire un vin certifié provenant de la viticulture biologique, c’est-à-dire issu de vignes n’ayant jamais eu maille à partir avec des pesticides, des herbicides ou des engrais chimiques de synthèse et encore moins des OGM. Dans le jargon de la filière, cela signifiait que l’on interdisait tous les intrants de synthèse, remplacés impérativement (et raisonnablement) par des substituts minéraux et naturels. Un seul vrai écart, le

À partir de 2012, et grâce à un règlement européen, il devient possible d’accoler au vin lui-même la mention « vin biologique », ajoutant aux exigences d’élevage des vignes un cahier des charges plus strict s’appliquant à la vinification, laquelle doit devenir globalement plus propre et plus authentique : dans le langage bruxellois, il s’agit « d’exclure de la production de vin biologique les pratiques et procédés œnologiques susceptibles d’induire en erreur sur la véritable nature des produits biologiques ». S’agissant des sulfites, dont les propriétés antiseptiques et antioxydantes sont précieuses mais qui donnent aussi mal à la tête et peuvent facilement dénaturer le goût du vin, la nouvelle réglementation impose des restrictions importantes s’agissant de la teneur maximale. Elle ne supprime cependant pas leur « ajout », contrairement au « vin nature », que l’on appelle aussi « vin sans souffre », ou plus exactement sans souffre « ajouté » car les lies en renferment de toute façon toujours en faible quantité, naturellement. Et sur ce point, le débat demeure, puisqu’un vigneron en biodynamie aussi exigeant et reconnu que Nicolas Joly, de la Coulée de Serrant, en appellation Savennières, remet en cause les substituts soi-disant plus naturels que sont l’acide ascorbique, le sorbate de potassium ou les filtrations stérilisantes, et argumente que la vraie question tient à la teneur en sulfites, à leur mode d’incorporation au vin et surtout à leur origine, privilégiant le soufre volcanique ou de mine. Par souci de simplification, l’on appréhende souvent la question des labels et certifications sous la forme d’une gradation, allant de la viticulture dite durable ou « raisonnée », en passant par le biologique et le label « AB » — mode Union Européenne et certification Ecocert, pour la plus connue —, pour ensuite aller toujours plus loin dans le niveau d’exigence, biodynamie


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