AFRIQUE MAGAZINE
ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE
2018-JANVIER
2019
NUMÉRO DOUBLE EN VENTE DEUX MOIS
DÉCEMBRE
ENQUÊTE
MAGAZINE N o 3 8 7 - 3 8 8 A F R I Q U E www.afriquemagazine.com
35
CE QUE NOUS ÉTIONS, CE QUE NOUS SOMMES DEVENUS !
LE BEST OF
ILS NOUS ONT MARQUÉS AU FIL DES ANS
DES COUV’ POUR L’HISTOIRE !
ET AUSSI
◗ L’EXCEPTION TUNISIENNE ◗ LE MAROC À GRANDE VITESSE ◗ RÉVOLUTIONS DANS LA CORNE DE L’AFRIQUE
INTERVIEW RAY LEMA
« Notre problème est culturel »
ANS NUMÉRO ANNIVERSAIRE Première sortie de votre magazine : décembre 1983. Cela fait donc 35 ans de parution ininterrompue. L’occasion d’un grand voyage dans le temps entre l’Afrique d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain. Et d’un regard critique sur le chemin parcouru.
Fr a n c e 5 , 9 0 € – A f r i q u e d u S u d 4 9 , 9 5 r a n d s ( t a xe s i n c l .) – A l g é r i e 3 2 0 DA – A l l e m a g n e 6 , 9 0 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0
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N°387-388 DÉC. 2018 – JANV. 2019
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Marrakech
Youssef Nabil, Lonely Pasha, Cairo 2002, Courtesy of the artist and Galerie Nathalie Obadia, Paris / Brussels
23-24 FEBRUARY
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ÉDITO par Zyad Limam
D’ICI 35 ANS ?
A
nniversaire d’AM oblige, 35 ans de parution ininterrompue depuis décembre 1983 (date de la sortie de notre premier numéro), une bonne partie de l’édition que vous avez entre les mains propose un voyage dans le temps, entre hier et aujourd’hui. Avec, en particulier, une enquête sur « ce que nous étions, ce que nous sommes devenus ». Sur les évolutions majeures qui ont transformé l’Afrique en un peu plus de trois décennies. Cet édito se propose donc de jeter un œil sur l’avenir, de se lancer dans le début d’une exploration prudente des trois décennies à venir. Ce qui paraît sûr, sans faire preuve d’un grand talent divinatoire, c’est que l’Afrique sera au centre du monde. Et des préoccupations globales. Par la magnitude des défis qu’elle affrontera : plus ou moins 2 milliards d’habitants, immigration, changements climatiques, jeunesse, sécurité et terrorisme, matières premières rares, produits agricoles, eau, terres arables, espace disponible… Les évolutions positives ou négatives du continent auront un impact sur l’ensemble de la planète. Outre le « risque », l’Afrique se retrouvera à nouveau à la confluence des intérêts géostratégiques. Le « système » est à la recherche d’une zone de croissance nouvelle, a new growth area, qui pourrait tirer l’ensemble de l’économie mondiale de la gadoue dans laquelle elle semble s’engluer. L’Afrique est et sera un véritable enjeu pour la Chine et pour l’Asie, pour un Occident affaibli par la perte de compétitivité de son modèle, pour l’Europe en particulier qui demeure sa frontière nord, mais aussi pour les pays du Golfe et du Moyen-Orient, qui seront rudement impactés par le changement climatique. Les liens, là aussi, peuvent évoluer de façon positive, se révéler porteurs de croissance, d’échanges, comme ils peuvent favoriser le renforcement d’un néocolonialisme du XXIe siècle avec la mise en coupe réglée des richesses du continent. AFRIQUE MAGAZINE I 3 8 7 - 3 8 8 – D É C E M B R E 2 0 1 8 - J A N V I E R 2 0 1 9
Paradoxalement, les faiblesses pourraient se révéler porteuses d’un scénario positif, celui du rattrapage et de la croissance. Si l’on en croit les études les plus optimistes, le boom démographique devrait mécaniquement pousser à l’accroissement d’une classe moyenne solvable de plus de 900 millions de personnes. Des villes phares, connectées à l’économie globalisée, pourraient entraîner avec elles le développement de régions entières. Le déficit abyssal des infrastructures serait une opportunité : routes, transports, barrages, équipements, services… Si seulement 5 % des capacités du continent sont exploitées, c’est donc qu’il existe un potentiel de 95 % à concrétiser ! Et que l’Afrique pourrait financer en partie par l’abondance de ses richesses premières et naturelles. La technologie pourrait favoriser des leapfrogs impressionnants, de la nature de ceux l’on a déjà vécu avec la téléphonie mobile, et qui pourraient s’appliquer aux secteurs de l’éducation, de la santé, des loisirs, de la recherche. Et permettre aux entrepreneurs locaux d’être parfaitement connectés avec le reste du monde en matière d’innovation et de technologies de rupture. Ce scénario ascendant n’est pas improbable. Il suppose de ne pas négliger « les bases ». La clé de tout, la bonne gouvernance, la lutte contre les corruptions et les prédations, l’engagement citoyen des élites, la lutte contre la pauvreté, la transparence, l’acceptation de l’alternance. Personne ne demande à l’Afrique de devenir un modèle démocratique et d’efficacité du jour au lendemain, mais de toute évidence pour émerger, survivre et vivre dans le siècle, il faudra gouverner mieux, avec des élites plus soucieuses du bien commun, concentrées sur le développement. Un saut qualitatif au sommet en quelque sorte. Voilà, de notre côté, nous espérons bien accompagner ces nouvelles glorieuses africaines, être le magazine du changement positif et exigeant, que nous soyons imprimés, ou digitalisés, ou hologramisés ! Bonne lecture et à très bientôt dans le futur. ■ 3
p. 60
p. 78
SOMMAIRE
Décembre 2018-Janvier 2019 - n°387-388 ÉDITO D’ici 35 ans ? par Zyad Limam
18
35 ANS, L’ANNIVERSAIRE
ON EN PARLE
32
C’EST COMMENT ?
6
L’Afrique à la une !
par Catherine Faye
10
Musique : Camélia Jordana, la confirmation
12
Écrans : Tout est pardonné ?
14
Agenda : Le meilleur de la culture
par Sophie Rosemont
AFRIQUE MAGAZINE
ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE
NUMÉRO DOUBLE EN VENTE DEUX MOIS
ENQUÊTE
35
CE QUE NOUS ÉTIONS, CE QUE NOUS SOMMES DEVENUS !
LE BEST OF
ILS NOUS ONT MARQUÉS AU FIL DES ANS
DES COUV’ POUR L’HISTOIRE !
ET AUSSI
Z L’EXCEPTION TUNISIENNE Z LE MAROC À GRANDE VITESSE Z RÉVOLUTIONS DANS LA CORNE DE L’AFRIQUE
INTERVIEW RAY LEMA
« Notre problème est culturel »
ANS NUMÉRO ANNIVERSAIRE Première sortie de votre magazine : décembre 1983. Cela fait donc 35 ans de parution ininterrompue. L’occasion d’un grand voyage dans le temps entre l’Afrique d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain. Et d’un regard critique sur le chemin parcouru.
Fr a n c e 5 , 9 0 € – A f r i q u e d u S u d 4 9 , 9 5 r a n d s ( t a xe s i n c l .) – A l g é r i e 3 2 0 DA – A l l e m a g n e 6 , 9 0 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0
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PHOTOS DE COUVERTURE : WORLD HISTORY ARCHIVE/ABACA AMANDA ROUGIER Un encart AM promo de 6 pages est inséré entre les pages 89 et 94.
4
Un double anniversaire !
Livres : À lire entre 2018 et 2019
par Emmanuelle Pontié
34 38
Ambiances AM ! Le best of 2018 par Zyad Limam, Emmanuelle Pontié, Catherine Faye, Fouzia Marouf, Ouakaltio Ouattara et Loraine Adam
par Jean-Marie Chazeau
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Ce que nous étions, ce que nous sommes devenus
par Catherine Faye
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par Zyad Limam, Cédric Gouverneur et Cherif Ouazani
CE QUE J’AI APPRIS Nadine Labaki par Astrid Krivian
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TEMPS FORTS
PARCOURS Michelle Obama
72
130 VINGT QUESTIONS À… Aziz Sahmaoui par Astrid Krivian
Révolutions dans la Corne de l’Afrique par Sonia Le Gouriellec et Zyad Limam
par Catherine Faye
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Une exception tunisienne ? par Frida Dahmani
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Maroc : À grande vitesse ! par Julie Chaudier
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Ray Lema : « Le problème de l’Afrique est culturel »
N°387-388 DÉC. 2018 – JANV. 2019
M 01934 - 387 - F: 5,90 E - RD
par Astrid Krivian
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102 Meryem Benm’Barek : « Plus on a de l’argent, plus on est libre » par Fouzia Marouf
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RICHARD MELLOUL PRODUCTIONS/SYGMA VIA GETTY IMAGES - ONS ABID
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FONDÉ EN 1983 (35e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com
Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
zlimam@afriquemagazine.com
Assisté de Nadia Malouli
nmalouli@afriquemagazine.com RÉDACTION
Emmanuelle Pontié
DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION
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Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com
L’hôtellerie, nouvelle mine d’or ?
Jessica Binois
par Jean-Michel Meyer
sr@afriquemagazine.com
PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Amanda Rougier PHOTO
MADE IN AFRICA
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arougier@afriquemagazine.com
Escapades : São Tomé-et-Principe, doucement magnifique par Luisa Nannipieri
123
Carrefours : Les bâtiments du futur
p. 102
par Luisa Nannipieri
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Fashion : Dakhla, capitale du Fima !
p. 108
VIVRE MIEUX
Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF
par Fouzia Marouf
avec Annick Beaucousin, Julie Gilles. VENTES
VIVRE MIEUX 126
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EXPORT Arnaud Desperbasque TÉL.: (33) 5 59223575 France Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL.: (33)156821200
La goutte, à prendre au sérieux Allergiques au pollen, attention ! Comment échapper au rhume ? Rester en forme en période de fêtes
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ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Loraine Adam, François Bambou, Julie Chaudier, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Camille Deutschmann, Catherine Faye, Annabelle Gasquez, Glez, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Sonia Le Gouriellec, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Ouakaltio Ouattara, Cherif Ouazani, Sophie Rosemont, Alexandra Voeung.
ABONNEMENTS Com&Com/Afrique magazine 18-20, av. Édouard-Herriot - 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : (33) 1 40 94 22 22 - Fax : (33) 1 40 94 22 32
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COMMUNICATION ET PUBLICITÉ Ensuite/AMC 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél.: (33)153844181 – Fax: (33)153844193 GÉRANT Zyad Limam DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE Emmanuelle Pontié regie@afriquemagazine.com CHARGÉE DE MISSION ET DÉVELOPPEMENT Élisabeth Remy AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR 31, rue Poussin - 75016 Paris. PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL : Zyad Limam. Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.
Commission paritaire : 0219 D 85602 Dépôt légal : décembre 2018.
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La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique magazine 2018.
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À lire entre 2018 et 2019 par Catherine Faye
série
érotisme
CE QUATRIÈME TOME de la série au succès mondial L’Arabe du futur, traduite dans 22 langues, couvre les années 1987-1992. Âgé de 9 ans au début de ce volume, le petit Riad devient adolescent. Une adolescence d’autant plus compliquée qu’il est tiraillé entre ses deux cultures – française et syrienne –, et que ses parents ne s’entendent plus. Son père est parti travailler seul en Arabie saoudite et se tourne de plus en plus vers la religion ; sa mère est rentrée en Bretagne avec
NU ET CONTRE-NU
« L’ARABE DU FUTUR 4, UNE JEUNESSE AU MOYEN-ORIENT (1987-1992) », Riad Sattouf, Allary,
288 pages, 25,90 €
les enfants. C’est alors que la famille au complet doit retourner en Syrie. Jusqu’au coup d’État du père… ■
TOUT À FAIT ÉTONNANT et magique. L’auteur du mémorable Meursault, contre-enquête a passé une nuit enfermé au musée Picasso et écrit un texte puissant, jailli de ces heures solitaires, qu’il dédie « aux femmes qui, dans le monde dit “arabe” ou ailleurs, n’ont pas droit à leur propre corps ». Il s’appuie sur la sensualité, les courbes, le désir, le corps-à-corps amoureux, entre volupté et cruauté, des tableaux
« LE PEINTRE DÉVORANT LA FEMME », Kamel Daoud,
Stock, 140 pages, 17 €
de l’auteur de Guernica pour approfondir le débat sur la sexualité dans le monde arabo-musulman. « L’érotisme est une clé, depuis longtemps dans ma vie, pour comprendre mon univers, mes nœuds, les impasses meurtrières dans ma géographie, les violences qui me ciblent ou que je perpétue », écrit-il. Un voyage à travers les méandres des sens. ■
photographie
MAGIE DES LIEUX
« LES ÉTHIOPIES SINGULIÈRES », Georges Courrèges et Alain Sancerni,
Hozhoni, 320 pages, 38 € 6
UN TRÈS BEAU titre pour cette exploration passionnée d’un pays pluriel, ondoyant et insaisissable – de Lalibela à la vallée de l’Omo, de Harar à Aksoum, en passant par Gondar ou le pays Afar. Georges Courrèges, photographe, et Alain Sancerni, écrivain, Éthiopien d’adoption, s’interrogent sur la singularité de ce pays paradoxal, dans lequel la réalité la plus rude se marie avec les spiritualités les plus intenses et un imaginaire flamboyant. Les photographies sont superbes. Puissantes. Ce livre est une belle introduction à l’Éthiopie d’aujourd’hui, où l’étonnante symbiose de ses peuples, de ses régions, de son passé et de son présent, attise l’étonnante attraction qu’exerce ce pays. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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DR - PHILIPPE MATSAS/ÉDITIONS STOCK - DR - GEORGES COURRÈGES - DR
COUP DE THÉÂTRE
ON EN PARLE livres « SALINA, LES TROIS EXILS »,
« LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE », D Nicolas Normand, N
Laurent Gaudé,
Actes Sud, 160 pages, 16,80 €
ode
LARMES DE SEL « CHEZ LES DJIMBA, personne ne bouge. L’enfant est posé sur le sol, sous le soleil, et pleure. Il faut attendre que Sissoko prenne une décision. » Salina est une orpheline dont on ignore les origines. Elle a été déposée par un mystérieux cavalier au seuil d’un village en plein désert… Un roman en dehors du temps et de l’espace où Laurent Gaudé renoue avec la veine mythique et archaïque de La Mort du roi Tsongor. Entre Grèce antique, déserts d’Afrique et fleuves indiens, il déroule son récit riche en rebondissements et digressions. Et confirme, encore une fois, qu’il est l’un de nos meilleurs conteurs. ■
résilience
CHRISTOPHE ABRAMOWITZ - DR (4)
L’ART DE LA FORME MÉDÉE ATTEND son mari dans un aéroport où ils sont en transit pour Sydney. Il s’éloigne un instant, qui soudain s’éternise, et déjà elle comprend qu’il ne reviendra pas. Pour affronter la violence du choc, Médée se fige. Et s’installe dans l’aéroport, où elle se laisse submerger par l’abandon. Puis se redresse, portée par son art. Car cette femme est sculptrice, et c’est là, dans ce territoire qui n’appartient qu’à elle, que Médée retrouve la puissance et la force. Yasmine Chami vit et travaille à Casablanca où elle est anthropologue. Ce troisième roman célèbre la résilience et la capacité à s’extraire de l’accablement par l’art. Lumineux. ■
« MÉDÉE CHÉRIE »,
Yasmine Chami,
Actes Sud, 144 pages, 15,80 €
AFRIQUE MAGAZINE
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Eyrolles, E 240 pages, 2 24,90 €
analyse
TOURS D’HORIZON « ON NE PEUT PLUS IGNORER l’Afrique : c’est au sud du Sahara que se jouent la démographie, la croissance mondiale de demain ou bien les drames humanitaires et écologiques de l’avenir. » Normalien, ingénieur agronome, énarque et ancien diplomate, Nicolas Normand a consacré l’essentiel de sa carrière à l’Afrique subsaharienne, sur le terrain en Afrique du Sud, et en tant qu’ambassadeur, au Mali, au Congo, au Sénégal et en Gambie. Au Quai d’Orsay aussi, en tant que rédacteur pour la Corne
de l’Afrique, conseiller au cabinet du ministre des Affaires étrangères pour l’Afrique, et sous-directeur des affaires politiques. À rebours des idées reçues, il dresse ici un panorama exhaustif de la réalité africaine – histoire et société, politique et sécurité, culture et institutions, économie et développement. « J’en ai lu des livres sur l’Afrique, depuis le temps que je l’aime et que je m’acharne à la comprendre. Peu d’entre eux m’ont autant éclairé », écrit Érik Orsenna, de l’Académie française, dans la préface qu’il consacre à cet ouvrage. Indispensable. ■
poésie
AFRIQUES LYRIQUES Et pourquoi pas un peu de poésie pour dire une Afrique grande, forte et autonome ? Jean Marcel Bedi, jeune Ivoirien, est contrôleur bâtiment au District autonome d’Abidjan. À ses heures perdues, il écrit. En vers. Dans un style épuré et maîtrisé, il dessine les beautés et les trésors du continent, le blanc et le noir, les rêves et leurs écueils et des lendemains pleins d’espoir. « Mon Afrique sera une lune si le Noir sait, mon Afrique sera une puissance si l’on s’unit. » À méditer. ■
« ŒIL DE SAGESSE », Jean Marcel Bedi,
Jets d’encre, 70 pages, 12,50 € 7
« LA BIBLIOTHÈQUE ENCHANTÉE », Mohammad Rabie,
Sindbad-Actes Sud, 176 pages, 19 €
premier roman
ENTRE LES LIGNES
passion
À CORPS PERDU AUDACIEUX, poétique et hors normes, ce premier roman nigérian raconte le destin d’une femme qui va défier les convenances. Lorsque Binta surprend Reza en pleine effraction chez elle, couteau à la main, son destin s’enlace à celui du jeune dealer. C’est une étrange attirance réciproque entre cet homme de main d’un politicien corrompu et la veuve musulmane de trente ans son aînée. Une passion illicite, sensuelle et déchirante. À travers ce couple qui défie les âges, les classes et la religion, l’auteur célèbre la force des sentiments 8
« LA SAISON DES FLEURS DE FLAMME », Abubakar Adam Ibrahim, Éditions
de l’Observatoire, 432 pages, 23 €
face à l’hypocrisie, les violences sociales et politiques. Il nous livre un portrait saisissant de la≈condition féminine et capture l’essence provocante du Nigeria, comme peu d’autres romanciers ont osé le faire. Ardent. ■
récit
PRINCIPES D’IDENTITÉS « J’AVAIS CONSCIENCE de n’être pas un Congolais typique. Je porte un patronyme portugais, j’ai, par ma branche maternelle, des ancêtres bantous et gaulois, et, par la branche paternelle, une ascendance belge. » Huit ans après l’indépendance du Congo, le gouvernement demande à ses cadres de justifier leur filiation, de prouver qu’ils sont bien congolais. Henri Lopes a 30 ans. C’est une déflagration. Il n’a jamais oublié la blessure et l’indignation ressenties. Comment prouver ce que l’on est ? Quelles identités multiples et changeantes composent notre être ? Le roman s’ouvre sur la rencontre avec les descendants d’un certain AFRIQUE MAGAZINE
I
« IL EST DÉJÀ DEMAIN, »
Henri Lopes,
JC Lattès, 350 pages, 22,90 € Michel Voultoury, qui fut le compagnon de la grand-mère de l’auteur, Joséphine Badza. Cet ancien ambassadeur du Congo-Brazzaville en France tire ce fil et part sur les traces de ses aïeuls, de Moscou à Cuba, en passant par les rives du Congo. Un récit superbe, bouleversant, qui nous livre aussi le portrait d’un continent qui n’est dans aucun guide : une Afrique intérieure. ■
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DR - PATRICE NORMAND - DR (2)
CHAHER, jeune fonctionnaire lettré, s’ennuie au ministère des « Biens de mainmorte ». Jusqu’à ce qu’il se voie confier une mission inhabituelle : rédiger un rapport sur une bibliothèque oubliée du Caire, que l’État veut raser pour faire passer une nouvelle ligne de métro. Mais cette curieuse bâtisse labyrinthique précieusement gardée par une poignée de vieux intellectuels nihilistes et cyniques recèle plus d’un secret. Dans ce premier roman, l’Égyptien Mohammad Rabie tisse d’une main de maître une double trame narrative où la voix du jeune fonctionnaire, Chaher, alterne avec celle de Sayyid, qui connaît la bibliothèque comme sa poche mais n’est pas prompt à divulguer ses secrets. Captivant. ■
ON EN PARLE livres
jeunesse BLACK IS BEAUTIFUL MARTIN LUTHER KING, Joséphine Baker, Nelson Mandela, Nina Simone, Pelé, Yannick Noah, Beyoncé… Ils ont en commun d’être noirs, d’avoir marqué le cours de l’histoire, d’avoir cru en leurs rêves d’enfant. Et d’avoir fait avancer la lutte pour les droits des Noirs vers plus d’égalité. Lumineux et joyeux, cet album propose 52 portraits d’icônes politiques, sportives, artistiques, scientifiques, des résistants, des pilotes, des explorateurs, des militants, ou encore des astronautes. Les auteures pointent la nécessité de grandir avec des modèles. Pour que chacun puisse croire en ses propres rêves. Quels qu’ils soient. ■ « I HAVE A DREAM », Jamia Wilson et Andrea Pippins,
Casterman, 64 pages, 14,95 €
pour les petits UNE FILLE À LA PAGE
« MOI, JE RÊVE d’être magicienne quand je serai une adulte. » En attendant, Neïba, 9 ans, n’a qu’une idée en tête : se procurer un téléphone portable pour se venger d’Alban Mortel, le garçon le plus agaçant de tout l’univers… Neïba est une héroïne résolument dans l’air du temps. Elle adore le rose, mais ne comprend pas qu’on ait dû annuler la diffusion de Totally Spies au profit du mariage de Meghan et Harry, elle est drôle,
« NEÏBA JE-SAIS-TOUT (OU PRESQUE), TOME 2 » Madina Guissé & Lyly Blabla, Publishroom,
84 pages, 10 €
curieuse, impertinente, et c’est ce qui fait son charme. Drôle, éducatif et touchant, ce second tome s’adresse aux enfants de 6 à 9 ans. ■
bd
DR (6)
FEUILLES DE ROUTE
« MICHAEL JACKSON ON THE WALL »,
INÉDITE EN ALBUM, la version de Tintin au Congo présentée dans cet ouvrage fut composée par Hergé en 1940 pour le quotidien belge néerlandophone Het Laatste Nieuws. Traduite pour la première fois en français, elle révèle les transformations opérées entre la version noir et blanc d’origine et celle publiée en couleur en 1946. Dévoilant les secrets de l’élaboration et de la publication des différentes versions de Tintin au Congo, Philippe Goddin élargit ses commentaires à la relation entre Hergé et les AFRIQUE MAGAZINE
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Réunion des musées nationaux, 212 pages, 35 €
beau livre
SOUS TOUTES LES COUTURES « LES TRIBULATIONS DE TINTIN AU CONGO», Philippe Goddin,
Casterman, 220 pages, 31,50 €
Africains depuis les débuts du dessinateur au milieu des années 1920 jusqu’à ses ultimes réalisations, à l’aube des années 1980. Passionnant. ■
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LE ROI DE LA POP vu par plus de 40 artistes venus du monde entier. Le catalogue de l’exposition au titre éponyme [voir aussi p.14] présente 140 œuvres d’art contemporain illustrant l’influence de Michael Jackson sur les artistes et plasticiens de 1980 à aujourd’hui, mais aussi l’éclectisme assumé de ses goûts artistiques. Andy Warhol, Rita Ackermann, Yan Pei-Ming, Hank Willis Thomas, Appau Junior Boakye-Yiadom, Mark Flood, Paul McCarthy ou encore Lorraine O’Grady… Autant de grands noms de la scène artistique qui se sont emparés de l’image de cette star singulière. Un livre-objet à feuilleter et à offrir, sans modération. ■ 9
Camélia Jordana
La confirmation Avec Lost, la jeune femme révèle tout le potentiel de sa musique multifacettes et polyglotte dans un disque à la fois pop et radical. Une belle surprise ! par Sophie Rosemont
10
de l’homme. Les 12 titres de Lost sont chantés dans différentes langues. D’abord le français – logique puisqu’elle parle autant des failles que des beautés de son pays natal –, mais aussi l’anglais et l’arabe, lequel prend toute la place qui lui est due : « J’adore cette langue, qui transforme aussi mon timbre… À l’instar de Sexion d’Assaut, qui a laissé voir des possibilités à des personnes de couleur noire, j’ai voulu ouvrir une porte à des artistes arabes. » D’ailleurs, la belle conclusion de « Pas ton temps » met en valeur le don de sa tante Fadila : « C’est la reine des youyous, très aigus, très rapides et très longs ! » ■ « LOST », Camélia Jordana,
cendres des attentats et d’une politique internationale désastreuse : « L’actualité m’a autant renvoyée à du sombre qu’à du lumineux. J’ai ressenti le besoin d’exprimer ce qui me révoltait, ce qui m’enthousiasmait aussi. Ce projet est né comme un témoignage, celui d’une jeune femme de 26 ans, française, arabe d’origine algérienne, qui a vécu à Paris entre 2015 et 2018. » Une jeune femme également sensible à ce qui se passe outre-Atlantique, en témoigne « Freddie Gray », qui évoque cet Afro-Américain tué par des policiers en avril 2015. Si « Girl Like Me » ne cache pas le féminisme de Camélia Jordana, « Empire » ou « Freestyle », eux, parlent du racisme subi en France, le pays des droits AFRIQUE MAGAZINE
Arista/Sony I
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DR
APRÈS DEUX ALBUMS de chansons pop, Camélia Jordana (2010) et Dans la peau (2014), ainsi qu’une entrée fracassante dans le cinéma français qui lui a valu un César pour Le Brio, elle impose sa voix et surtout son style avec Lost. Un album surprenant pour ceux qui voient encore en Camélia Jordana la jeune participante de l’émission La Nouvelle Star, où elle a été révélée il y a bientôt dix ans… Une soul radicale, une électro sous influence trip hop, de l’afrobeat, et surtout des échos de la musique traditionnelle nord-africaine qui habillent autant qu’ils révèlent la chanteuse : Lost est un étrange objet musical qui vaut le détour. D’autant qu’il est très engagé, conçu sur les
ON EN PARLE musique « VILLAGE », Jacob Banks,
Polydor/ Universal
soul
UNE VOIX BRUTE
Entre Londres et Lagos, le son de Jacob Banks parle à notre cœur. JACOB BANKS SORT ENFIN son premier album après une série d’EP plus que prometteurs, et on n’est pas déçus. Enregistré entre Los Angeles et Londres, Village fait briller l’amour que porte le soulman à sa ville d’adoption, la capitale anglaise, dans laquelle on entend aussi bien de la soul que du dubstep ou du hip-hop. Né à Lagos il y a vingt-sept ans, Jacob Banks est arrivé à Birmingham à l’orée de l’adolescence et, en parallèle d’études tout à fait classiques d’ingénieur, s’est toujours passionné pour la musique. Ce qui s’entend dans ces 14 chansons pleines d’âme, où l’on profite aussi de belles voix féminines, comme celle de Bibi Bourelly. Sensuel et cérébral à la fois, Village est d’une grande élégance. ■ S.R.
rap
SOUS LA CAGOULE
GRACE RIVERA - DR (4)
Le PHÉNOMÈNE Kalash Criminel sort son premier album, et il est mordant ! LA FOSSE AUX LIONS, tel est le nom du premier album d’Amira Kiziamina. D’origine congolaise, ce rappeur de 23 ans a grandi à Sevran et s’est fait connaître aux côtés de Kaaris, Jul ou Sofiane sous le nom de Kalash Criminel. Et sous une cagoule… Ne craignant ni le combat ni les morsures, il dégaine un flow plutôt solide, un humour parfois mordant, mais aussi une mélancolie prégnante. De « La Sacem de Florent Pagny » à « Avant qu’je parte », le rappeur ne se soustrait à aucune noirceur, au contraire, confirmant l’espoir soulevé par ses précédentes mixtapes d’obédience hardcore. ■ S.R. « LA FOSSE AUX LIONS », Kalash Criminel, Capitol/Universal AFRIQUE MAGAZINE
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EP
GAËL FAYE, UN ARTISTE MULTITALENT AVEC UN PREMIER ROMAN (Petit Pays, qui a reçu de nombreux prix en 2016) aussi réussi que son premier album (Pili Pili sur un croissant au beurre, en 2013), et avant de livrer un nouveau disque dont l’on attend beaucoup, le chanteur franco-rwandais propose aujourd’hui un EP joliment nommé Des fleurs. La particularité de ces chansons ? « Tropical », « Dinosaures » ou « By » ont été jouées en live sans avoir été enregistrées au préalable. C’est désormais chose faite, et l’on y trouve aussi des inédits, « Jackie Jacky Jack » et une « Balade brésilienne » chaloupée. Entre rap, pop, soul et piano jazzy, Gaël Faye fait de nouveau preuve de son chant poétique et inspiré. ■ S.R. « DES FLEURS », Gaël Faye,
All Points/Believe
groove
PAT KALLA FAIT JONGLER LES MOTS DÈS LE DÉBUT D’« AFRICA DISCO », on sait que l’on a de quoi danser les longues soirées d’hiver à venir. Né à Lyon d’une mère française et d’un père camerounais, à la fois musicien et militant politique, Patrice Kalla se destine très tôt à la musique, qu’il explore via les groupes La Légende d’Eboa King ou Voilaaa – dont il chante le très connu « On te l’avait dit ». Cette fois, il s’assume en solo, accompagné du groupe lyonnais Le Super Mojo. Toujours inspiré par Moni oni Bilé, Jojo Ngallé ou Fela Kuti, ti, Pat Kalla sait marier les mélopées angolaises à l’afro-beat, afro-beat, faisant sant du groove le maître-mot de ce Jongler nglerr à l’énergie fédératrice. dératrice. ■ S.R. « JONGLER ONGLER », Pat Kalla alla & Le Super Mojo, ojo, Favorite 11 11
Dans Forgiven, Forest Whitaker se met dans la peau du Prix Nobel de la paix 1984.
Tout est pardonné ?
brillante au service du mal. Le tournage s’est LE CINÉASTE FRANCO-BRITANNIQUE entièrement déroulé au Cap et en grande partie Roland Joffé adapte au cinéma une pièce dans la prison de haute sécurité de Pollsmoor, de Michael Ashton, The Archbishop and the où Mandela a été emprisonné entre 1982 et 1988. Antichrist. Avec le réalisateur de Mission (palme Forest Whitaker s’est approprié physiquement son d’Or à Cannes en 1986, avec Robert de Niro), personnage, jusque dans ses grands éclats de rire. le manichéisme n’est jamais loin, mais en La mise en scène, parfois appuyée, nous aide à choisissant une confrontation aussi saisissante, comprendre le difficile processus du pardon, qui sur fond historique, il parvient à nous remuer. conduit à des scènes cathartiques où proches L’archevêque, c’est Desmond Tutu, Prix Nobel de disparus et auteurs d’atrocités se font face, de la paix en 1984 et nommé par Nelson Mandela méthode aussi utilisée au Rwanda et au Burundi. président de la commission Vérité et Réconciliation « FORGIVEN » On n’est pas loin de l’hagiographie : on n’évoque en Afrique du Sud en 1995, pour permettre aux (Royaume-Uni) de Roland Joffé. qu’incidemment la part d’ombre de Desmond Tutu, blancs et aux noirs de tourner la page de ce régime Avec Forest mais pour Whitaker, qui a rencontré à plusieurs honni. Face à lui, un personnage de fiction, Piet Whitaker, reprises l’archevêque anglican, ce rôle était dans Blomfeld, ex-membre afrikaner d’une brigade Eric Bana la lignée de la Whitaker Peace & Development responsable de nombreux massacres. Il n’a aucun Initiative, son organisation pour la paix qui l’avait déjà regret, mais demande en prison à rencontrer Monseigneur conduit dans les townships. C’est grâce au talent du comédien Tutu. Le face-à-face qui va s’instaurer fait parfois penser que le film, tendu, réussit à être habité. ■ au Silence des agneaux, tant Blomfeld montre une intelligence 12
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DR (2)
Après avoir joué le dictateur ougandais Idi Amin Dada dans LE DERNIER ROI D’ÉCOSSE (Oscar du meilleur acteur 2007), Forest Whitaker incarne Desmond Tutu, en pleine présidence de la commission Vérité et Réconciliation post-apartheid. Face à lui, un Afrikaner psychopathe… par Jean-Marie Chazeau
histoire vraie
Black & white tour UN PIANISTE DE JAZZ noir se lance dans une tournée dans le sud des États-Unis avec un chauffeur blanc, en pleine ségrégation raciale. Artiste new-yorkais raffiné et réputé, il est applaudi dans les grandes salles chez les riches blancs, mais dans l’Amérique de 1962, quand l’on est noir et que l’on voyage, il vaut mieux avoir en poche un guide des hôtels acceptant les « gens de couleur » (le « green book » du titre)… L’histoire vraie de Don Shirley et de son chauffeur rital et raciste (au début…), subtilement incarnés par Mahershala Ali, l’acteur oscarisé de Moonlight, et Viggo Mortensen, le héros du Seigneur des anneaux. ■ J.-M.C. « GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD » (États-Unis) de Peter Farrelly. Avec Viggo
Mortensen, Mahershala Ali
Le film de Mahmoud Ben Mahmoud a reçu le Tanit d’or.
ON EN PARLE écrans
festival
Le palmarès de Carthage UNE FATWA QUI VAUT DE L’OR : le film tunisien de Mahmoud Ben Mahmoud, coproduit par les frères Dardenne, a reçu la plus haute récompense des Journées cinématographiques de Carthage le 10 novembre. Un père (Ahmed Hafiane, prix d’interprétation masculine) arrive de France pour enterrer son fils, dont il découvre le militantisme islamiste radical… Tanit d’argent pour le film égyptien Yomeddine, lequel concourrait pour la Palme d’or au dernier Festival de Cannes [voir interview du réalisateur A. B. Shawky dans AM n° 386], avec son héros lépreux flanqué d’un orphelin nubien. Du côté documentaire, l’Égyptien Mohamed Siam a reçu le Tanit d’or pour Amal, qui a été censuré au Caire : c’est l’histoire d’une adolescente rebelle depuis la révolution de 2011, et dont le prénom signifie « espoir ». ■ J.-M.C.
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Le Tanit d’argent a été donné à Yomeddine, d’A. B. Shawky.
docu Hip-hop art IL EST AUJOURD’HUI LE PEINTRE NOIR le plus cher de l’histoire de l’art. Mais entre 1976 et 1981, ayant fugué le domicile paternel, Jean-Michel Basquiat, jeune métis haïtien-portoricain, avait trouvé refuge dans les squats d’un New York en faillite, gangrené par la drogue et la violence. Il signait alors ses premiers graffitis du pseudo SAMO, signifiant « SAMe Old shit » (« Même vieille merde »). Les images d’archives inédites et témoignages des protagonistes de l’époque racontent une fulgurante créativité, que le milieu artistique traditionnel mit du temps à comprendre. ■ J.-M.C. « BASQUIAT, UN ADOLESCENT À NEW YORK » (États-Unis) de Sara Driver AFRIQUE MAGAZINE
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Sans titre, Mohamed Kacimi.
rétrospective
Pour quelques mois, le Mucem met en lumière l’œuvre de l’un des plus importants plasticiens marocains d’après-guerre.
ARTISTE NOVATEUR ET ENGAGÉ, instigateur et témoin principal de la mondialisation de l’art contemporain arabe, Mohammed Kacimi (1942-2003) a largement influencé l’évolution de la scène artistique. À travers une sélection de 325 peintures, sculptures, manuscrits, textes, dessins, photographies et vidéos, cette exposition rend hommage au rôle déterminant joué par ce plasticien d’exception. Véritable passeur, il a en effet permis aux nouvelles générations d’artistes issus du monde arabe de sauter le pas vers une contemporanéité nouvelle. On le voit rompre ici avec l’art occidental et les différents courants esthétiques l’ayant influencé durant son parcours, pour ouvrir une nouvelle voie, beaucoup plus personnelle, caractérisée par une expression sans contrainte. Libre. Sa maturité artistique s’épanouit totalement au moment où elle s’accorde avec la prise de conscience de son africanité. Pour cet autodidacte transdisciplinaire, chantre du bleu et des ocres, il était essentiel d’aller sonder sa genèse maghrébine, entre les différentes cultures qui la déterminent, pour y trouver une évidence, originale et authentique. Et participer, à terme, à la construction d’un nouvel imaginaire méditerranéen. ■ C.F. « KACIMI : 1993-2003, UNE TRANSITION AFRICAINE », Mucem, Marseille,
jusqu’au 3 mars 2019. mucem.org
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L’une des œuvres exposées : P.Y.T., Appau Junior Boakye-Yiadom, 2009.
événement
KING OF ART
Le Grand Palais rend hommage à Michael Jackson, roi de la pop, disparu en 2009, à travers les représentations qu’en a fait la création contemporaine. SINGULIER, GÉNIAL, DÉROUTANT, près de dix ans après sa mort, Michael Jackson est plus vivant que jamais. Ses ventes de disques, qui dépassent le milliard d’exemplaires, continuent d’augmenter, ses vidéos sont toujours autant visionnées, ses millions de fans lui restent fidèles, son influence et sa célébrité ne faiblissent pas. Et c’est l’une des personnalités les plus représentées dans les arts visuels. Depuis qu’Andy Warhol a utilisé son image en 1982, de nombreux artistes contemporains, de différentes générations et travaillant dans différents pays, en ont fait de même. L’exposition « On the Wall », en référence à l’album Off the Wall (1979), réunit plus de 120 œuvres de plus de 40 plasticiens – du photographe américain David LaChapelle, qui rend hommage à l’American Jesus avec quatre grands clichés surréalistes, au peintre américain Kehinde Wiley, qui l’a immortalisé en monarque à cheval, en passant par Yan Pei-Ming ou encore Glenn Ligon dont les portraits sont saisissants. Chaque séquence décrit une facette du chanteur qui aurait eu 60 ans le 29 août dernier. La trajectoire hors norme d’un mythe. ■ C.F. « MICHAEL JACKSON : ON THE WALL », Grand Palais, Paris, jusqu’au 14 février 2019. grandpalais.fr AFRIQUE MAGAZINE
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JEAN GRELET/LE LABO PHOTO - DR (2)
Kacimi, une transition africaine
ON EN PARLE agenda
Les mille visages de l’Afrique du Sud.
photographie
Apartheid story Un rendez-vous culturel majeur pour honorer David Goldblatt en Australie.
IL EST LE CHEF DE FILE de la scène photographique sud-africaine, et le Museum of Contemporary Art (MCA) de Sydney lui consacre une exposition présentant soixante-dix ans de son œuvre. « Si la question de l’apartheid est au cœur de mon travail, ma réelle préoccupation, ce sont nos valeurs… Comment en sommes-nous arrivés à devenir ce que nous sommes ? », s’interrogeait l’octogénaire, disparu le 25 juin dernier. Toute sa vie, David Goldblatt a exploré l’Afrique du Sud et son peuple, du début de l’apartheid jusqu’à son démantèlement. Son œuvre, simple en apparence, explore la complexité des structures qui régissent l’existence de ses compatriotes. Plus encore, il cherche avant tout à comprendre et à témoigner, de la façon la plus accessible possible, de l’immense complexité du monde tel qu’il est. Ses images distanciées, dépourvues de manichéisme, révèlent une vision réaliste et sensible de son pays. Et de l’humanité en général. ■ C.F. « DAVID GOLDBLATT : PHOTOGRAPHS 1948-2018 », MCA,
Sydney, jusqu’au 3 mars 2019. mca.com.au
DAVID GOLDBLATT (2) - DR - ARMANDO GALLO/ZUMA STUDIO/RÉA - DR
exposition
Y A D’LA JOIE
« BODYS ISEK KINGELEZ : CITY DREAMS », MoMA,
New York, jusqu’au 1er janvier 2019. moma.org
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LE MoMA consacre une rétrospective au génial autodidacte congolais Bodys Isek Kingelez (1948-2015). L’exposition retrace trois décennies d’une carrière dédiée à transformer les matériaux les plus banals en maquettes urbaines futuristes hors du commun. Des utopies architecturales miniatures délirantes, faites de bric et de broc : canettes, cure-dents, emballages, capsules de bouteilles. Un paysage onirique pour un monde idyllique. C’est incongru et saisissant. ■ C.F.
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Martin Scorsese, l’un des invités de prestige du festival.
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À LA CROISÉE DES MONDES
Programmation éclectique pour la 17e édition du Festival international du film de Marrakech. AVEC 80 FILMS provenant de 29 pays, le Festival international du film de Marrakech (FIFM) se veut encore plus ouvert sur les cinématographies du monde et pose un regard particulier sur l’émergence d’un nouveau cinéma africain. Cette année, il rend hommage à une grande figure du cinéma marocain, Jillali Ferhati, et propose une nouvelle section, « Le 11e continent », qui présentera 14 fictions et documentaires aux écritures singulières et innovantes de cinéastes en provenance de Thaïlande, du Liban, de Croatie, d’Afrique du Sud, d’Autriche, des Philippines et des États-Unis. Sur les 14 films en compétition officielle pour décrocher l’Étoile d’or de Marrakech, six ont été réalisés par des femmes. Ils seront départagés par un jury présidé par l’Américain James Gray. Une édition marquée par la présence d’icônes du cinéma : Martin Scorsese, Robert De Niro, Agnès Varda, Robin Wright, Guillermo del Toro… pour n’en citer que quelques-unes. ■ C.F. FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE MARRAKECH, Maroc, du 30 novembre au
8 décembre 2018. festivalmarrakech.info 15
CE QUE J’AI APPRIS propos recueillis par Astrid Krivian
Nadine Labaki Couronné du prix du Jury à Cannes, Capharnaüm est le quatrième long-métrage de la réalisatrice et actrice beyrouthine. Il raconte l’itinéraire d’un fils de réfugiés vivant dans un bidonville, enragé contre ses parents maltraitants et une société qui l’exclut. Un travail juste, émouvant sur l’Orient contemporain.
› Capharnaüm aborde des sujets très présents dans notre quotidien, et qui sont reliés : l’immigration clandestine, l’enfance maltraitée, les frontières, la nécessité d’avoir des papiers d’identité pour exister… Ces enfants et ces communautés sont complètement marginalisés par le système, au point de devenir invisibles. J’ai transformé ma frustration et essayé de comprendre comment nous en sommes arrivés là. Pourquoi les sociétés acceptent-elles ces injustices ? Quelles sont les coulisses de la vie de ces enfants ? Qui sont-ils ? Comment réfléchissent-ils ? Que ressentent-ils ? Il y a cette tendance à les déshumaniser, à prétexter qu’ils appartiennent à un système à combattre. Mais ce sont eux qui paient le prix des guerres, des décisions politiques. › Les réfugiés syriens constituent presque la moitié de la population libanaise actuelle, il était donc évident que je devais en parler. De même, je voulais montrer la situation injuste de ces femmes immigrées d’Afrique de l’Est, souvent malmenées et victimes de racisme. Pour la plupart, ces familles n’ont même pas assez d’argent pour déclarer la naissance de leur enfant. C’est là que le problème commence, et c’est ce qu’il faut changer. Car cela engendre des mariages précoces, des enfants envoyés dans la rue pour mendier, négligés, n’ayant pas accès aux soins, et qui finissent souvent par mourir.
› Il était essentiel de choisir des acteurs vivant des situations similaires à celles de leur personnage. J’avais un problème avec le mot « jouer ». Je leur demandais d’être ce qu’ils sont dans la vie, de convoquer leur expérience, leur souffrance, et d’être ainsi le plus vrai possible. Afin de donner l’impression aux spectateurs d’observer une véritable vie, le quotidien de tous ces gens que l’on croise tout le temps, et qu’ils s’identifient. › Au cours de mes recherches pour ce film, j’ai rencontré des enfants seuls, livrés à eux-mêmes dans un logement, dans le froid… Comme beaucoup, je blâmais les parents. Mais en écoutant une mère me raconter son vécu, j’ai été chamboulée dans mes convictions : de quel droit la jugeais-je ? Je n’ai pas traversé ses épreuves, je n’ai jamais eu à donner de l’eau et du sucre à mes enfants, comme l’un de mes personnages, ou à les envoyer dormir sans manger car je n’avais rien à leur donner. C’était important de montrer ce changement de perspectives et de constater que les parents sont les premières victimes. Il devient alors compliqué de juger leur négligence. › Je crois profondément au pouvoir du cinéma. Tant de films m’ont moi-même changée. J’accorde beaucoup d’importance à ces 2 heures volées presque chaque jour à ma vie. On s’échappe pour voir un film, donc ce temps doit compter, avoir un impact. Je crois qu’il peut vraiment modifier nos perceptions, ouvrir le débat. Grâce à Capharnaüm, Zain, le jeune acteur, a obtenu l’asile politique en Norvège, il vit dans une maison, il va aller à l’école. C’était son destin d’avoir une vie meilleure que celle qu’il menait à Beyrouth. › La plus belle récompense pour moi, c’est de rendre hommage à toutes ces personnes. Il y a encore quelques mois, elles étaient invisibles aux yeux du monde. Maintenant, on les regarde, on connaît leurs histoires, on s’en émeut. ■
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PHILIPPE QUAISSE/PASCO
« La plus belle récompense, c’est de rendre hommage à ces personnes qui étaient invisibles aux yeux du monde il y a encore quelques mois. » AFRIQUE MAGAZINE
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35 ans. 388 numéros avec celui-ci, que vous avez entre vos mains. Sans interruption, sans manquer une seule parution. Le premier numéro d’Afrique Magazine est sorti en décembre 1983 (sous l’appellation Jeune Afrique Magazine). Décembre 1983-décembre 2018 : c’est quand même une sacrée aventure, un vrai voyage dans le temps, une belle bagarre aussi pour faire face aux vicissitudes de l’entrepreneuriat. Le supplément des débuts est vite devenu un titre à part entière, puis, à partir de 2006, un titre indépendant que nous sommes fiers de produire mois après mois ! Ce numéro anniversaire, nous le dédions avant tout à vous, à nos lecteurs, des plus anciens au plus jeunes, qui nous retrouvent régulièrement. À tous ceux aussi qui ont contribué à la vie du magazine : les auteurs, les journalistes, les photographes, les équipes du siège, rue Poussin à Paris. Les annonceurs et les partenaires qui nous font confiance. Nous le dédions aussi à ceux qui nous ont quittés, toujours trop jeunes, et toujours trop tôt. Et qui, nous le savons, nous encouragent de là où ils sont. Enfin, ce numéro, nous le dédions à notre Afrique, à ce continent où tout change à la fois si vite et si lentement, à ce continent, immense, multiple, prometteur, difficile. 35 ans, c’est presque l’âge de raison, le moment d’envisager l’avenir, les changements, les évolutions avec enthousiasme et détermination. Ce qui compte, que ce soit sur papier, sur le Net, sur les réseaux, sur ce qui adviendra et que l’on ne connaît pas encore, c’est de garder l’esprit Afrique Magazine ! À bientôt, donc. Demain et dans le futur. Zyad Limam
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L’AFRIQUE À LA UNE ! De grands événements, des people flamboyants, du bonheur et des tragédies : l’histoire de ces 35 dernières années défile tout au long de ces 35 couvertures, sélectionnées parmi plus de 500 réalisées au fil du temps. (Il faut tenir compte des éditions multiples !)
N° 1 DÉCEMBRE 1983
N° 8 SEPTEMBRE 1984
Voilà. Il est là. Après plusieurs mois de gestation, c’est la naissance de Jeune Afrique Magazine (JAM), supplément mensuel de l’hebdo panafricain. Le début d’une belle et durable aventure éditoriale !
La superstar nigériane, le roi de l’afrobeat enchaîne les tournées et multiplie les prises de position anti-pouvoir. Quelques jours après la sortie de ce numéro, Fela Kuti est arrêté par le régime du général Buhari et emprisonné pendant deux ans.
N° 3 MARS 1984 L’icône de la pop des années 1980 est au top de sa carrière. C’est l’ère de l’album Thriller. La star est gravement blessée par des feux d’artifice lors du tournage d’un spot publicitaire. AM mène l’enquête. 20
N° 19 SEPTEMBRE 1985 « Mélissa », c’est le tube de Julien Clerc. Une chanson qui pourrait paraître aujourd’hui un brin sexiste… La mannequin Kimi Khan, de son vrai nom Kiane Keita, apparaît belle et dénudée dans le clip. Scandale et débat. AFRIQUE MAGAZINE
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35 ANS
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N° 42
NOVEMBRE 1987 Thomas Sankara meurt sous les balles
le 15 octobre 1987. Émotion en Afrique. Une édition collector avec une enquête du grand reporter Sennen Andriamirado, qui fut proche du leader révolutionnaire. AFRIQUE MAGAZINE
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L’AFRIQUE À LA UNE ! N° 73 SEPTEMBRE 1990 2 août 1990, les troupes de Saddam Hussein envahissent le Koweït. C’est le début de la première guerre du Golfe. Le conflit enflamme les opinions. Et cette couverture sera l’une des plus vendeuses de toute l’histoire du magazine.
N° 46 MARS 1988 En mars, le soulèvement des territoires palestiniens, la première intifada – dite guerre des pierres – entre dans son quatrième mois. La révolte prendra fin en 1993 avec les fameux accords d’Oslo, qui ne résoudront rien. La question palestinienne touche tous nos lecteurs, au nord comme au sud du Sahara.
N° 97 NOVEMBRE 1992 C’est l’exode des Marocains et d’autres Africains vers l’Europe, fuyant la misère par le détroit de Gibraltar. La question des migrants, déjà. Vingt-cinq ans plus tard, le sujet est toujours aussi central, brûlant d’actualité.
N° 68 MARS 1990 On ne connaissait plus son visage. Le plus vieux prisonnier politique du monde est enfin libre ! L’événement mondial fait notre une, évidemment. Nous publions un grand dossier sur le début de la fin de l’apartheid et sur cette nouvelle ère historique qui, quatre ans plus tard, mènera aux premières élections multiraciales en Afrique du Sud. 22
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On recherche un regard particulier, éclectique, ouvert au monde et à la richesse des cultures.
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N° 100 FÉVRIER 1993 10 ans. 100e numéro. Pour marquer le coup de cet anniversaire, le mensuel organise le deuxième concours de Miss Afrique Magazine. La première lauréate, Sadiya Gueye, témoigne de sa formidable aventure.
N° 147 OCTOBRE 1997 Afrique Magazine publie en exclusivité la première interview de la Première dame du Cameroun. Nous l’avons rencontrée au palais d’Etoudi, et cette séance photo a été réalisée dans sa maison de Mvomeka’a, le village du président. Chantal Biya a 27 ans. Elle est first lady depuis trois ans. Et elle pose en maman comblée, en présence de Junior et de la petite Anastasie Brenda.
N° 157 OCTOBRE 1998 Afrique Magazine devient AM. Nouveau logo, nouvelle formule ambitieuse, filialisation au sein du groupe. C’est le début de l’émancipation… Après mûre réflexion, on choisit la star de Kinshasa pour une couverture « vérité ». On accompagne aussi Blaise Compaoré lors d’un voyage à New York, aux Nations Unies. AFRIQUE MAGAZINE
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L’AFRIQUE À LA UNE ! Le magazine aura connu neuf évolutions de son logo
N° 193 OCTOBRE 2001 On est au lendemain du choc des attentats du 11 septembre. AM sort un numéro spécial sur les immenses répercussions de l’événement. C’est la fin d’un monde et le début de la guerre contre le terrorisme…
N° 172 JANVIER 2000 Coup d’État de Noël en Côte d’Ivoire. Le président Bédié est déposé par de jeunes militaires. AM est dans le premier avion qui se pose à Abidjan et retrouve les trois « caporaux » à l’origine du putsch, qui posent sur la couverture. Un véritable scoop.
N° 175 AVRIL 2000
N° 199 AVRIL 2002
C’est l’un des premiers grands chocs démocratiques. Abdoulaye Wade, opposant de toujours, remporte l’élection présidentielle de mars face à Abdou Diouf. C’est l’espoir soulevé par le « sopi », le « changement » à l’aube des années 2000.
Mohammed VI, 38 ans, épouse la jeune Salma Bennani, 24 ans, devenue Lalla Salma. C’est la première fois qu’un mariage royal est officiellement fêté au Maroc. Le 9 mai 2003, c’est la naissance du prince héritier Moulay Hassan.
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au fil des années.
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N° 202 JUILLET 2002 L’équipe du Sénégal bat la France (championne du monde en titre) au premier tour et se hisse en quart de finale. AM et l’Afrique vibrent avec les Lions de la Téranga. Historique.
N° 219 DÉCEMBRE 2003 Déjà 20 ans ! Et un numéro anniversaire avec un portfolio glamour dévoilant la séduisante Halle Berry, dernière James Bond girl en titre ! On s’en souvient !
UNE CAMPAGNE D’AVANT-GARDE Année 2004. En cette période où le sida fait toujours des ravages, AM s’engage avec une série d’annonces chocs, pour lesquelles des stars ont accepté de poser dans le studio du photographe Alain Herman. Tous ceux que nous avons contactés ont accepté, hommes comme femmes. Imane et Chantal Ayissi, Saïd Taghmaoui, Valérie Ka, mais aussi Kiki Touré, Magloire et d’autres ont joué le jeu, bénévolement. Ils ont chacun inventé un slogan et délivré un message personnel au continent.
L’AFRIQUE À LA UNE ! En janvier 2006, le magazine sort du groupe JA et N° 283 AVRIL 2009 La Première dame du Gabon s’éteint le 14 mars après une longue lutte contre la maladie. L’émotion est immense à Libreville, à Brazzaville. Un numéro hommage qui sera aussi l’une des meilleures ventes de l’histoire d’AM.
N°236 MAI 2005 AM évoque (déjà) le grand malaise du monde arabe, entre régression économique et manque de libertés. Six ans plus tard, à Tunis, commencera une révolution…
N°285 JUIN 2009 Deux mois après le décès d’Édith Bongo, le président du Gabon, Omar Bongo, meurt à son tour, après quarante et un ans de règne sans partage. Il avait 73 ans, et le deuil de sa femme l’avait durement frappé. Retour sur un parcours politique hors normes.
N° 278 NOVEMBRE 2008 Élection historique ! Et décalage de la parution pour tenir compte de l’événement avec une couverture à l’américaine. AM aura été l’une des toutes premières publications à croire en Barack Obama. 26
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DÉCEMBRE 2010-JANVIER-2011 Alassane Ouattara
est élu président. Laurent Gbagbo ne cède pas sa place. Mais l’histoire est en marche et la Côte d’Ivoire sort enfin de presque vingt ans d’instabilité. AFRIQUE MAGAZINE
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N° 305 FÉVRIER 2011 Le 14 janvier 2011, c’est la chute du régime Ben Ali, un règne inflexible de vingt-quatre ans balayé après trois semaines de manifestations. AM fait le récit de ces journées historiques. Et mystérieuses. C’est le début des printemps arabes, d’un changement formidable – mais aussi souvent contrarié.
N° 311-312 AOÛTSEPTEMBRE 2011
N° 320 MAI 2012
Il voulait être le roi des rois, le leader incontesté d’une Afrique unie. En été 2011, le chef de la Jamahiriya arabe libyenne mène avec quelques fidèles sa dernière bataille, face aux rébellions et à la révolution. Le 20 octobre 2011, il est tué dans les environs de Syrte. La chute de son régime bouleverse les équilibres régionaux.
AM sonne l’alarme. Toute la région sahélienne est fragilisée. Le Mali est en première ligne. En mars 2012, Amadou Toumani Touré est renversé. Le nord du pays est occupé par les mouvements irrédentistes touaregs alliés aux djihadistes. La route de Bamako est ouverte…
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N° 330 MARS 2013 Elles sont la moitié de l’Afrique ! Et incarnent une grande partie de notre futur. Leur place dans la société est au cœur des thématiques clés d’AM depuis 35 ans. En particulier autour du 8 mars, journée de lutte des femmes pour l’égalité des droits.
Le but : décrypter l’actu et trouver du sens grâce à notre périodicité mensuelle.
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L’ANNIVERSAIRE
N°349 OCTOBRE 2014 En une, la terrifiante épidémie qui menace de ravager l’Afrique de l’Ouest. Nul ne sait si l’on parviendra à l’enrayer. Face à cela, les pays concernés feront preuve de courage et de discipline. Les images sont poignantes. Une couverture dure, mais nécessaire.
N° 350 NOVEMBRE 2014
N° 334 JUILLET 2013 Le monde retient son souffle, suspendu aux bulletins de santé de l’icône sud-africaine. Nelson Mandela, incarnation du combat pour la liberté, se meurt. Il a 95 ans. En juillet, c’est son anniversaire. Il nous quittera le 5 décembre 2013. AFRIQUE MAGAZINE
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Qui aurait pu prédire la chute de Blaise Compaoré, au pouvoir depuis vingtsept ans ? Nous avions rencontré le « stratège de Ouaga » au palais de Kosyam quelques semaines plus tôt. Photos exclusives et récit de trois jours où le Burkina Faso a connu une nouvelle révolution. 29
L’AFRIQUE À LA UNE ! Une période s’ouvre, avec une maquette renouvelée.
N° 369 JUIN 2017 L’élection stupéfiante du jeune président Macron en France nous inspire une enquête transversale sur les âges et la longévité des dirigeants en Afrique, continent du « grand-frérisme » et des « aînés».
N° 355 JUIN-JUILLET 2015 L’Algérie est un grand pays au cœur des enjeux africains. Une histoire lourde, un peuple dynamique, une société immobile. En mai 2018, les autorités retirent AM de la liste des magazines autorisés à la vente dans le pays. Un cas unique.
N° 378 MARS 2018 Au cœur de l’Afrique, un géant fragile de 70 millions d’habitants, sur le fil depuis son indépendance. L’élection présidentielle est prévue en République démocratique du Congo pour le 23 décembre. AM s’attarde sur un scrutin à haut risque, sur la nécessité d’une alternance et sur la fin plus ou moins programmée d’une époque.
N° 364 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017 Well, on s’en doutait… Donald Trump est élu président des ÉtatsUnis, le 8 novembre 2016. AM ouvre le débat de sa relation possible à l’Afrique. Avec un sous-titre qui en dit long sur notre opinion… 30
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En attendant de nouveaux changements !
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N° 383-384 AOÛT-SEPTEMBRE 2018 Plongée au cœur de la mégalopole nigériane, concentré des promesses, des ambitions et de la violence du pays. Une grande enquête qui ouvre aussi le débat sur les questions climatiques, le défi écologique et l’avenir de ces villes immenses, qui marquent dorénavant le continent. AFRIQUE MAGAZINE
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UN DOUBLE ANNIVERSAIRE!
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Le premier édito, en réaction à l’affaire Monica Lewinsky, a été publié en octobre 1998.
tête chaque mois pour trouver une idée nouvelle, et la tourner en dérision sans irriter quiconque. Ce qui n’est pas si simple. Je me suis souvent fait remonter les bretelles par des lecteurs susceptibles, qui s’étaient (injustement) sentis visés. Bref, tant pis pour eux. Comme le dit le dicton : y a que la vérité qui blesse ! Nous fêtons donc 20 ans d’édito, et 35 ans d’Afrique Magazine. Souvenirs, souvenirs. Passons pudiquement sur le coup de vieux (absolument mortel !) que l’on se prend immanquablement en pleine poire lorsque l’on feuillette les éditions d’hier, avec ces petites photos-portraits où l’on a deux ou trois décennies de moins, et où l’on fait vraiment… deux ou trois décennies de moins. (Oui, oui, Zyad Limam, toi aussi…) Mais c’est aussi en parcourant 35 ans de numéros que l’on prend conscience de la formidable aventure que l’on a vécue et que l’on vit encore, au rythme de l’actualité incroyablement dense du continent. AFRIQUE MAGAZINE
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DOM
t voilà, à chaque échéance calendaire, c’est la même galère. Il faut se torturer les méninges pour trouver une idée, un angle, un fil afin d’évoquer les années passées. Essayer de finir sur une touche joyeuse, tournée vers un avenir ensoleillé. Quelle barbe ! Mais bon, pas le choix. D’autant plus que cette fois, on fête quand même nos 35 ans. Ça rigole pas. Et attention, chaud devant ! On célèbre aussi les 20 ans de la rubrique « C’est comment ? ». Vous savez, l’édito caustico-rigolo dont le titre reprend une expression typique d’Afrique centrale, qui signifie l’étonnement, la colère, l’indignation. Au choix, et selon l’intonation choisie. Un titre qui m’avait été inspiré à l’époque par un colonel camerounais (qui avait de l’humour !). Vous vous souvenez ? Le premier « C’est comment ? », c’était en octobre 1998. Avec, dès la première heure, notre fidèle dessinateur Dom ! J’avais plaisanté sur l’affaire Monica Lewinsky, et sur la stupeur générale en Afrique devant les effets ravageurs d’un tête-à-tête sulfureux entre une jeune femme et le président de la plus grande puissance mondiale de l’époque, Bill Clinton. Un ami ministre nigérien s’était exclamé : « Mais c’est quoi ça ? Une histoire aussi banale peut faire virer Clinton ? » D’où le « C’est comment ? » en question. 200 autres papiers sont parus depuis. Un billet sans prétention qui chatouille un peu les travers africains (ou d’ailleurs) et pointe du doigt les petites manies drôles ou les systèmes qui ne fonctionnent pas. Et 20 ans plus tard, je me rends compte que le filon est inépuisable, même s’il faut quand même se creuser un peu la
C’EST COMMENT ? par Emmanuelle Pontié
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On se remémore les coups d’État, comme celui des trois putschistes en Côte d’Ivoire, une veille de Noël, le 24 décembre 1999, en Côte d’Ivoire, où l’on a dû gérer un bouclage en urgence, entre la dinde et les marrons. On se souvient de tous ceux qui sont partis, comme Édith Lucie Bongo, à qui l’on avait consacré une vingtaine de pages rétrospectives tout en photos, dans un numéro émouvant – qui fut l’une des meilleures ventes d’Afrique Magazine. Mais aussi des événements plus gais, comme les jolies mannequins ou les miss AM qui ont arboré leurs formes parfaites dans nos pages, ou encore les dizaines de succès littéraires, de films excellents, d’albums de super-stars, de victoires incroyables d’équipes de foot africaines. Et bien sûr, ces 35 ans ont aussi été ceux des collaborateurs, talentueux ou moins, fidèles ou non, qui sont venus, partis, parfois revenus, restés. Mais à chaque fois, ils ont apporté leur pierre à l’édifice AM, avec leur regard, leur sensibilité, leur professionnalisme, leur connaissance du continent. Afrique Magazine, une école formatrice, pas toujours facile, exigeante. On se souvient aussi des nombreux coups de gueule, des portes qui claquent, des projets et des analyses qui divergent, des personnalités qui s’affirment. Des maquettes et des formules qui changent, évoluent, suivent l’air du temps, s’adaptent aux nouvelles exigences du marché et des lecteurs. On pense encore aux tensions financières et aux crises multiples et variées qui traversent le continent, aux pays qui se ferment et se réouvrent au gré de leur actualité. Et on reconnaît que traverser 35 longues années en caracoAFRIQUE MAGAZINE
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lant toujours en tête de liste des mensuels sur le continent, leader absolu et incontesté à ce jour, c’est drôlement fort quand même ! Alors, pour ce bel anniversaire, qui est d’abord le vôtre (car sans nos lecteurs fidèles, l’aventure n’aurait jamais eu lieu !), je voulais juste vous annoncer une grande nouvelle. La voici : vous allez devoir continuer à compter avec AM pendant de longues années ! Car 35 ans plus tard, nous avons des projets encore plus fous, des idées encore plus audacieuses et une pêche à toute épreuve. Longue vie à Afrique Magazine et à nos super lecteurs, amis, soutiens, annonceurs. Bon anniversaire à tous. Et bonne lecture ! ■
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J’ai une grande nouvelle à vous annoncer : vous allez devoir continuer à compter avec AM pendant de longues années !
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AMBIANCES AM !
Interviews, voyages, rencontres… Une histoire qui défile trop vite, un peu de nostalgie et beaucoup de bonheur. Voilà quelques images de votre magazine et de ses humbles travailleurs, un peu sur tous les fronts.
Dakar, avril 1985. Afrique Magazine est présenté au continent ! Danielle Ben Yahmed, fondatrice du titre, ici avec Madame Elisabeth Diouf, Première dame du Sénégal. Conférence de présentation d’Afrique Magazine à Dakar. Danielle Ben Yahmed à l’extrême droite, avec à ses côtés Madame Diouf et le ministre Djibo Leyti Ka.
C’est la fête de lancement du magazine rue Roquépine à Paris, le 14 février 1984. Danielle Ben Yahmed avec le rédacteur en chef Michel Servet, le couturier Loris Azzaro et l’entrepreneur Faouzi Maherzi. Ci-contre, Michel Servet avec Ekanga Shungu et Francette Brun, premières collaboratrices du titre.
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Septembre 1985. Lors d’un shooting de mode, le stagiaire Zyad Limam pose à côté de la grande Kimi Kane.
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1990. Interview de Yannick Noah, star du tennis devenu chanteur, avec Djeynab Hane-Diallo.
1990. Youssou N’Dour s’affirme comme une grande star planétaire. Entretien avec AM à Paris.
Le grand Mopao à Paris, avec Zyad Limam et Emmanuelle Pontié. Koffi Olomidé fait la première couverture d’AM nouvelle génération en octobre 1998. Mai 1998. Afrique Magazine (avec Emmanuelle Pontié) parraine la 4e édition du Grand Prix de l’amitié France-Afrique à Vincennes. Le Cameroun est à l’honneur, avec la présence de la Première dame, Chantal Biya.
L’IDÉE RESTERA LA MÊME TOUT AU LONG DES ANNÉES. FAIRE UN MAGAZINE OUVERT À TOUTES LES AFRIQUES, BRANCHÉ POLITIQUE MAIS AUSSI BRANCHÉ SUR L’IMAGE, LE RYTHME, LES CULTURES. 1996. Interview avec le président Bongo, à Libreville, la capitale gabonaise, alors carrefour de la diplomatie continentale.
1999. Avec la grande Warda, diva du monde arabe, à Paris.
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AMBIANCES AM !
Février 1999. Finale de la supercoupe d’Afrique à Abidjan, avec Faouzi Mahjoub.
2001. Réunion de rédaction rue Poussin, avec la cinéaste Isabelle Boni-Claverie. Début 2000. La DGA d’Afrique Magazine aux champs, avec l’association des femmes Nkon-Koa, à Nanga Eboko, au Cameroun. 2001. Soirée AM, à Paris, place du Marché Saint Honoré. Avec Catherine Scapula, Yamina Benguigui et Philippe Sawadogo. Johannesbourg en 2002. Le duo d’AM est au jury des Kora Awards. Novembre 2008. Le président Denis Sassou Nguesso feuillette AM à Mpila, après son interview exclusive.
LE PARADOXE PERMANENT : ÊTRE À PARIS, PRODUIRE CHEZ LES GAULOIS ET AVOIR LE CŒUR ET LES ANTENNES EN AFRIQUE. BREF, VIVE L’AVION !
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2012. Interview du candidat Francois Hollande, avec Richard Michel.
Novembre 2017. Au gala de la fondation Children of Africa, à Abidjan, avec notre amie, la Première dame Dominique Ouattara.
Et avec la très jolie Miss Côte d’Ivoire 2017, Gbané Mandjalia. Ils lisent AM, et nous, on les aime ! Alain Mabanckou et l’actrice marocaine Asmaa Khamlichi.
Mai 2018, au Shrine, le lieu mythique de Lagos, lors du voyage d’Emmanuel Macron au Nigeria.
Avril 2018. Changement de job ? AM dans la fameuse salle de presse de la Maison-Blanche à Washington (on cherche Donald Trump…).
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La top Rebecca Ayoko et notre complice de toujours, le styliste Alphadi.
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Pour notre traditionnelle sélection de fin d’année, nous avons voulu célébrer notre anniversaire. Ce sera donc 35 personnages positifs, qui nous ont marqués, émus, qui ont fait bouger les lignes, tout au long de ces 35 ans d’AM. C’est subjectif, évidemment. Tant d’autres pourraient être dans ces pages. Seuls les chefs d’État sont absents (à l’exception de deux symboles, Nelson Mandela et Ellen Johnson Sirleaf). Le pouvoir et la politique sont du domaine de l’histoire…
par Loraine Adam, Catherine Faye, Zyad Limam, Fouzia Marouf, Ouakaltio Ouattara et Emmanuelle Pontié 38
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LE BEST OF
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NELSON MANDELA Le visage de la liberté COMMENT ne pas commencer par lui ? Comment ne pas rendre hommage, faire chapeau bas à cet homme qui aura incarné la résistance à l’apartheid, au racisme institutionnalisé ? Qui aura su survivre à vingt-sept années de prison, pardonner, négocier et associer ses geôliers à l’exercice du pouvoir ? Sans vengeance ? À cet homme qui, lui tout seul, aura redonné la fierté et de l’honneur à un continent souvent abaissé par ses politiciens. À cet homme qui, au faîte de la gloire, des honneurs, de la reconnaissance du monde entier, saura quitter le pouvoir au terme d’un seul mandat. Nelson Rolihlahla Mandela, dit « Madiba », n’était pas un homme parfait, il a fait des erreurs, comme tous, mais il a été et reste un exemple, l’incarnation de ce que l’Afrique a pu donner de meilleur, à elle-même et au monde. Il est né le 18 juillet 1918 à Mvezo (province du Cap) et nous a quittés le 5 décembre 2013 à Johannesbourg. Ses mémoires de combat, de l’enfance à la présidence, Un long chemin vers la liberté, parues en 1995, restent une lecture incontournable et nécessaire. Z.L. AFRIQUE MAGAZINE
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LE BEST OF SALIF KEITA L’autre Blanc S’IL EST UN ARTISTE MALIEN qui met d’accord toutes les générations de mélomanes du Mali et bien au-delà, c’est bien « l’autre Blanc », comme on l’appelle chez lui. Le titre de son dernier album dit bien tout de cet ovni de la musique qui fait cadencer les cœurs de Bamako à La Havane, où son art, sa maîtrise et sa voix à nulle autre pareille le précèdent. Celui qui a annoncé sa retraite musicale à l’orée de ses 70 ans est inscrit au panthéon de la musique universelle. Salif Keita, fils de noble, atteint d’albinisme, n’avait rien qui le prédestinait à cette réussite. Son désir de chanter se développe alors, mais son ascendance et sa « couleur » ne l’y autorisent pas. Sa voix claire et puissante finira par couvrir tous les préjugés. Des places de marché aux plus grandes scènes du monde, ses chansons marquent celui qui les écoute. Salif Keita chante l’Afrique avec un grand A, ses peuples, ses légendes et ses tribulations. Enracinée dans sa culture mandingue, son œuvre résonne comme un hymne à ses pères et pairs qu’il appelle à l’amour et au respect des valeurs sociétales séculaires. O.O.
LEILA ALAOUI La tragédie de Ouaga
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OTHMAN ZINE - VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA
LE 15 JANVIER 2016, alors qu’elle est mandatée par Amnesty International pour réaliser un travail sur les droits des femmes au Burkina Faso, la photographe et vidéaste franco-marocaine est victime des attaques terroristes de Ouagadougou. Femme de convictions, elle laisse derrière elle un riche patrimoine : photographies, vidéos, campagnes humanitaires, carnets de notes… Cet héritage importe autant par sa qualité que par sa diversité. L’artiste portait un intérêt tout particulier aux identités culturelles et à la migration, des réfugiés syriens au Liban aux immigrants marocains prêts à tout risquer pour rejoindre l’autre rive de la Méditerranée. Pour « Les Marocains », l’un de ses derniers travaux, Leila Alaoui et son studio mobile avaient parcouru le pays, capturant sur le vif des portraits dénués de tout artifice, pour montrer le vrai visage du Maroc. Cette série est exposée au musée Yves Saint Laurent, à Marrakech, en partenariat avec la Fondation Leila Alaoui, jusqu’au 5 février 2019. C.F. AFRIQUE MAGAZINE
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WANGARI MAATHAI À l’avant-garde « CELLE QUI PLANTE LES ARBRES » demeure la plus grande figure de l’écoféminisme du continent et la première Africaine à avoir reçu le prix Nobel de la paix en 2004. Fille de fermiers kenyans, née en 1940, elle est aussi la première femme d’Afrique de l’Est à obtenir une licence en biologie aux États-Unis. La militante fut emprisonnée plusieurs fois sous la présidence de Daniel arap Moi, alors qu’elle défendait la préservation forestière et les droits des femmes. Son Mouvement de la ceinture verte, fondé en 1977, a permis la plantation de plus de 40 millions d’arbres. Élue au Parlement kenyan en 2002, elle fonde en 2003 le Parti vert. Mwai Kibaki, le nouveau président, la nomme ministre adjointe à l’Environnement, aux Ressources naturelles et à la Faune sauvage. En 2009, elle devient conseillère honoraire au Conseil pour l’avenir du monde jusqu’à son décès en 2011 à Nairobi, des suites d’un cancer. L.A.
TOBY SELANDER/STELLA PICTURES/ABACA - FABIAN WEISS/LAIF-RÉA
DENIS MUKWEGE Celui qui répare les femmes MILITANT DES DROITS DE L’HOMME, gynécologue et pasteur pentecôtiste, le célèbre docteur congolais qui avait déjà reçu le prix Sakharov en 2014 vient d’obtenir le prix Nobel de la paix 2018. Directeur de l’hôpital Panzi à Bukavu au Kivu, il « répare » les femmes et les enfants victimes de mutilations génitales, car dans cette région où depuis les années 2000 l’on extrait le coltan pour AFRIQUE MAGAZINE
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la fabrication des puces électroniques, le viol collectif est utilisé comme arme de guerre. Il apporte aux femmes une aide médicale, psychique, économique et juridique, et dans l’enceinte de son hôpital, une école accueille les « enfants serpents », nés de viols. Depuis sa double tentative d’assassinat, ce grand humaniste est à 63 ans sous protection étroite de la Mission de l’organisation des nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo. L.A. 41
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AHMADOU KOUROUMA Le conteur FATIMA MERNISSI La première combattante SOCIOLOGUE ET ÉCRIVAINE, Fatima Mernissi a été un modèle et une source d’inspiration pour plusieurs générations de femmes au Maroc et bien au-delà. C’est l’une des premières combattantes, ancrée dans sa culture. Elle mène de front la lutte au sein de la société civile et sa carrière littéraire, elle fonde les « Caravanes civiques » et le collectif « Femmes, familles et enfants », s’attaquant au patriarcat ambiant et plaidant pour un islam qui exhorte à l’égalité des sexes. Une vérité qu’elle s’attache à défendre et à mettre en lumière au fil d’une douzaine d’essais, doublés d’articles qui apparaissent avant-gardistes et provocateurs pour certains : Sexe, idéologie, islam publié en 1985, Le monde n’est pas un harem en 1991. Plus proche de nous, on retient, en 2001, Le Harem et l’Occident. Un combat d’une extrême actualité à l’heure du mouvement #MeToo et de l’entrée en vigueur de la loi 103-13 contre les violences faites aux femmes depuis le 12 septembre dernier dans le royaume chérifien. Son combat et son œuvre ont été récompensés par le prix Prince des Asturies en 2003 et par le prix Érasme en 2004. Originaire de Fez, Fatima Mernissi s’est éteinte à Rabat le 30 novembre 2015. Sa parole et ses écrits demeurent. F.M.
ALI DILEM Sans peurs SES COUPS DE CRAYON qui brocardent la réalité de son pays, son trait d’humour corrosif, ses déclarations un brin provocatrices ont conquis ses concitoyens algériens qui ne s’attablent pas aux terrasses des cafés sans le « Dilem du jour », le dessin quotidien du célèbre caricaturiste, publié dans Liberté (150 000 exemplaires) depuis 1993. Et les téléspectateurs de TV5 retrouvent chaque semaine une sélection dans l’émission Kiosque. Il croque sans complaisance, depuis près de trente ans, le pouvoir algérien, les islamistes, les généraux, les travers de la société… Il collectionne les prix, comme le prestigieux Cartoonists Rights Network Award for Courage in Editorial Cartooning (Denver, 2006). Régulièrement menacé, il affiche 10 000 dessins au compteur, des dizaines de procès en diffamation, de multiples condamnations… Né en 1967 à El Harrach, banlieue d’Alger connue pour être un haut lieu de l’islamisme, Ali Dilem n’a jamais quitté son pays. F.M. 42
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ULF ANDERSEN/AURIMAGES - NAJIB NAFID/HOLLANDSE HOOGTE/RÉA - DOMINIQUE CHARRIAU/GETTY IMAGES/WIREIMAGE
SOUS LA PEAU DU ROMANCIER, l’écrivain malinké, né à Boundiali en Côte d’Ivoire en 1927 et mort en 2003 à Lyon en France, est aussi un conteur traditionnel et un griot. La nature militante de son œuvre, ainsi que sa révolte contre la discrimination raciale, l’assimilation, l’exploitation des Noirs et l’hypocrisie des colonisateurs, trouve toute sa singularité dans son style, une transposition de la littérature orale africaine sous forme écrite. Il est devenu l’un des écrivains les plus renommés du continent africain depuis Les Soleils des indépendances (1970) jusqu’à la consécration par le prix du Livre Inter en 1999, pour En attendant le vote des bêtes sauvages, et le prix Renaudot 2000, pour Allah n’est pas obligé. Enfin, le Grand Prix Jean Giono, pour l’ensemble de son œuvre, lui a été décerné en 2000. C.F.
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ANGÉLIQUE KIDJO La voix
SONIA AND MAURO
ICÔNE DU CONTINENT, la reine de l’afro-pop est un véritable trait d’union entre l’Afrique, où elle est née en 1960, les États-Unis, où elle réside depuis 1998, et l’Europe car elle vécut à Paris une quinzaine d’années. Chanteuse, compositrice et militante, lauréate de trois Grammy Awards et de l’académie Charles Cros, elle est aussi ambassadrice de l’Unicef depuis 2002. Engagée notamment en faveur de la scolarisation des jeunes femmes noires, elle crée la Fondation Batonga. Mêlant intimement musique et combat citoyen, ce n’est pas un hasard si ses modèles sont Aretha Franklin et Miriam Makeba. Entre réflexions sur la crise des migrants, revendication des libertés citoyennes et artistiques et passion pour la musique, Angélique Kidjo partage avec talent sa vision du monde. À Paris, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, elle interpréta Blewu de la Togolaise Bella Bellow en hommage aux troupes coloniales et aux tirailleurs sénégalais, sous les yeux du président Trump qu’elle a toujours violemment critiqué. L.A.
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LE BEST OF ABDERRAHMANE SISSAKO César et 7e art
MALICK SIDIBÉ Le portraitiste
AVEC TIMBUKTU, présenté à la sélection officielle du Festival de Cannes (2014) et première œuvre mauritanienne en lice pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère (2015), Abderrahmane Sissako remporte sept César en 2015 : meilleurs film, réalisateur, scénario original, montage et son, ainsi que meilleures musique originale et photo. Il constitue aujourd’hui une figure majeure de la nouvelle génération des cinéastes africains. Né en 1961 à Kiffa en Mauritanie, il passe son enfance au Mali. En 2002, il obtient le prix de la critique internationale du Festival de Cannes pour En attendant le bonheur. Ce récit inspiré de son propre vécu le propulse sur le devant de la scène internationale. Récompensé dans de nombreux festivals, Sissako signe une œuvre humaniste et engagée, où il raconte l’Afrique, l’exil, le déplacement. Il est également conseiller culturel pour le chef d’État mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz. C.F.
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AMMAR ABD RABBO - PHILIPPE GUIONIE
C’EST L’UN des plus grands photographes africains de la scène internationale. Né en 1936 à Soloba et décédé en 2016 à Bamako où il vivait et travaillait, ce portraitiste humaniste et témoin authentique de la vie quotidienne des Maliens a su saisir avec un style inimitable l’image sensible de ses contemporains. À travers ses clichés en noir et blanc, il rend hommage à tous ceux qui viennent se faire tirer le portrait dans son quasi légendaire petit studio à Bamako, ou, de façon improvisée, en Bretagne ou ailleurs. Reflets de la société africaine par-delà les clichés et les inégalités, ses œuvres sont exposées à travers le monde entier. En 2007, il reçoit un Lion d’or à la 52e Biennale d’art contemporain de Venise. Après toute une vie d’efforts. C.F. AFRIQUE MAGAZINE
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WIDED BOUCHAMAOUI L’entreprise de la paix
NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE
ELLE AURAIT pu mener la vie tranquille d’une femme d’affaires aisée, née dans une grande famille d’entrepreneurs de la région de Gabès, dans ce Sud tunisien complexe et réactif. Et pourtant Wided Bouchamaoui sera Prix Nobel de la paix en 2015, au nom du Quartet du dialogue national, étonnant attelage entre l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), l’Ordre national des avocats et la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Une manière pour le jury d’Oslo de saluer l’exception du pays du Jasmin mais aussi la méthode pour absorber les conflits. Wided Bouchamaoui a du cran et un véritable sens de la négociation, du consensus. En 2011, au lendemain de la révolution tunisienne, elle est élue à la tête de l’UTICA à un moment particulièrement difficile, fait de tensions sociales et de désertion des investisseurs internationaux. Elle cherche à rétablir le dialogue avec les syndicats, pousse le gouvernement aux réformes et voyage pour défendre le made in Tunisia. Première femme à être patron des patrons, elle refuse les offres politiques, mais elle s’investit dans le destin du pays. En 2013, c’est donc la naissance du Quartet. Une instance unique de médiation pour sortir la Tunisie d’une crise politique aiguë et assurer la transition vers les élections libres et démocratiques de la fin 2014. Début 2018, Wided Bouchamaoui a annoncé son départ de l’UTICA. Depuis, on attend avec impatience la nouvelle étape. Z.L.
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LE BEST OF IDRISSA OUEDRAOGO Le passeur d’images AMOUREUX DU CINÉMA, passionné par l’humain, Idrissa Ouedraogo fréquentait assidûment les festivals et les tournages à l’affût de nouveaux projets, animé par le désir de produire de nouvelles images. L’enfant de Banfora au Burkina Faso reste la figure emblématique du cinéma africain des années 19902000. Il est récompensé par le Grand Prix du Festival de Cannes en 1990 pour le magnifique Tilaï, aussi Étalon de Yennenga au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) en 1991. Dès 1987, Yam Daabo conquiert le Fespaco, puis suivent d’autres films qui signent sa fulgurante carrière : Yaaba en 1989, Samba Traoré en 1992, puis Kini & Adams, tourné en Afrique du Sud en 1997. Il est aussi metteur en scène en 1991, quand il monte La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire à la sacro-sainte Comédie-Française. Il refusait qu’on le qualifie de cinéaste africain, il se voulait cinéaste tout court, universel. Il s’est éteint en février dernier, à 64 ans. Mais son œuvre, son engagement et sa veine réaliste continuent de nous habiter. F.M.
ELLEN JOHNSON SIRLEAF Madame la présidente
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DR - PAN SIWEI/XINHUA/RÉA
PREMIÈRE FEMME CHEF D’ÉTAT d’Afrique, élue en 2006 à la tête du Liberia, alors dévasté après quatorze années de guerre civile, cette pionnière, née en 1938 à Monrovia, fut également corécipiendaire du prix Nobel de la paix en 2011. Économiste formée à Harvard, mère de quatre enfants, elle a travaillé pour l’ONU et la Banque mondiale. Au cours de ses deux mandats, celle que l’on surnommait la « Dame de fer » œuvra pour effacer la dette, pour la lutte contre la corruption et la réformation de la plus ancienne république d’Afrique subsaharienne fondée en 1822 par des esclaves noirs affranchis venus des États-Unis. Symbole mondial du leadership féminin, elle reçoit en 2017 le prix Mo Ibrahim pour sa bonne gouvernance. Son mandat a pris fin le 22 janvier 2018 à la suite de l’élection de George Weah. L.A. AFRIQUE MAGAZINE
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ALIKO DANGOTE L’entrepreneur
DENIS/RÉA
BIEN SÛR, il y a l’image, le symbole très « people », de l’homme le plus riche d’Afrique, qui entre dans le classement mondial du célèbre magazine Forbes. Il pèse aux alentours de 15 milliards de dollars, plus ou moins, c’est selon les vertigineuses fluctuations de l’économie nigériane et de la monnaie locale, le naira. Il est originaire du Nord, de Kano (où il est né il y a soixante et un ans). On le dit « politique », toujours inspiré par la bonne alliance. C’est de bonne guerre. Il aurait pu être riche comme d’autres, en étant juste au bon endroit. Mais lui, il bâtit une grande entreprise, à l’échelle du continent. Il investit. Il rêve et projette AFRIQUE MAGAZINE
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en grand. Il incarne en quelque sorte la naissance d’un capitalisme africain authentique. Exemple : la raffinerie en construction aux portes de Lagos, projet de 12 milliards de dollars qui pourra traiter un tiers du pétrole national, 1 % du pétrole mondial, sans parler de la production d’engrais. Si ça marche, ça sera révolutionnaire, comme une sorte de nouveau canal de Suez… Z.L. 47
DEIDRE SCHOO/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
LE BEST OF
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IMAN The top UNE GRANDE JOURNALISTE de mode avait dit d’elle : « Ça, c’est un cou ! » Clairement, c’est elle, la première qui s’impose à l’échelle mondiale, la première mannequin africaine à sortir des frontières, à imposer un style « Black is beautiful » aux quatre coins du monde. Elle reste pour de nombreuses femmes un modèle d’ambition et de talent, charismatique, pétrie de grâce, incarnant un parcours hors normes des podiums internationaux au 7e art, jusqu’à sa nouvelle vie de businesswoman. Iman Mohamed Abdulmajid est née en 1955 à Mogadiscio, à une autre époque, bien avant l’effondrement de la nation. Elle est diplômée de sciences politiques, a vécu en Égypte et parle l’arabe. C’est une rencontre déterminante avec le célèbre photographe Peter Beard à la fac de Nairobi qui la propulse sur le AFRIQUE MAGAZINE
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devant de la scène. Sa personnalité et son évidente beauté lui offrent la chance d’être la muse de Gianni Versace et d’Issey Miyake, d’enchaîner les couvertures de Vogue, de travailler avec Yves Saint Laurent, Annie Leibovitz, Helmut Newton, Irving Penn. Son apparition en reine égyptienne dans le clip de Michael Jackson pour le tube planétaire Remember the time, en 1992, annonce une formidable reconversion dans le cinéma et les affaires. En troisièmes noces, elle épouse la même année une autre star… du rock, David Bowie. F.M.
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LE BEST OF YOUSSOU N’DOUR World music !
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ROGER MILLA Le Lion TOUT LE MONDE se souvient de lui dansant le makossa sur la pelouse italienne, lors de la coupe du monde de 1990. Alors âgé de 38 ans, il emmène l’équipe du Cameroun en quart de finale, première formation africaine se hissant à ce stade. Le « vieux Lion », né à Yaoundé en 1952, est un collectionneur de médailles : deux fois Ballon d’or africain en 1976 et 1990, deux fois meilleur buteur de la CAN (Coupe d’Afrique des nations de football), en 1986 et 1988. En 2004, il est aussi le seul joueur camerounais figurant au FIFA 100. Trois ans plus tard, il est élu meilleur joueur africain des cinquante dernières années avec un CAF Award. Aujourd’hui ambassadeur itinérant pour le sport camerounais, Roger Milla, à 66 ans, connu pour sa voix rauque, son grand sourire et ses colères, s’implique à fond dans le monde du foot. Son dernier coup de sang était contre le retrait brutal de l’organisation de la CAN au Cameroun : « C’est une honte ! » E.P. AFRIQUE MAGAZINE
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TRÈS TÔT, la petite Oumou Sangaré rencontre la musique. Ses premières vocalises datent en effet de la maternelle. Cette fille de nobles aime chanter. Même si cela n’est pas dans son « dakan », son destin, elle suit son chemin, celui de la musique du Wassoulou, d’où elle est originaire, connue grâce aux griots qui défendent les valeurs ancestrales. À 50 ans, Oumou Sangaré est LA voix féminine malienne incontournable, surtout en Occident. Son timbre chaud, ses rythmes dansants et ses mélodies – pour la plupart en bambara – mêlent tradition et modernité. C’est en effet avec une musique hybride, composée d’instruments traditionnels se mêlant à des sonorités contemporaines, mais aussi en abordant des sujets actuels tels que le suicide des jeunes ou l’éternel combat des femmes pour trouver leur place dans la société, qu’elle subjugue un large public. Son dernier album, Mogoya, est aussi le dixième. Sorti en 2017, il n’est que la énième confirmation de son statut de diva. O.O.
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MARCO CASTRO POUR AM - ACTION IMAGES/REUTERS - ED ALCOCK/M.Y.O.P.
C’EST AVEC LUI que la dénomination « world music » prend tout son sens. Né dans la capitale sénégalaise en 1959, Youssou Madjiguène N’Dour est influencé par la musique populaire du pays, le mbalax. Il crée son groupe en 1979, le Super Étoile de Dakar. Très vite, le chanteur aspire à une renommée internationale. Sa chanson « 7 Seconds », en duo avec Neneh Cherry, est un succès mondial. Youssou enchaîne les collaborations avec Peter Gabriel, Paul Simon, Manu Dibango, Alan Stivell, Alpha Blondy, Angélique Kidjo, Axelle Red, Majida El Roumi, Koffi Olomidé… Et il est sur tous les fronts. Il compose des musiques de film, joue au cinéma, organise un concert pour la libération de Nelson Mandela, s’engage auprès d’Amnesty International, est nommé ambassadeur de plusieurs structures de l’ONU, décroche un Grammy et devient ministre de la Culture du Sénégal en 2012. Un an plus tard, il est nommé ministre du Tourisme, puis conseiller avec rang de ministre. Parallèlement à sa carrière musicale, il développe un business. Il organise des concerts, détient des clubs, crée son groupe de médias, sans pour autant abandonner le beat. Respect, son nouvel album, est sorti le 30 novembre dernier. O.O.
OUMOU SANGARÉ La diva
355 ANS ANS
L’ANNIVERSAIRE
L’ANNIVERSAIRE
JULIAN PARKER/UK PRESS VIA GETTY IMAGES
DJIMON HOUNSOU Le beau gosse RÉVÉLÉ DANS AMISTAD de Steven Spielberg, où son interprétation du leader de la révolte des esclaves lui vaut une nomination pour un Golden Globe du meilleur acteur à l’âge de 33 ans, Djimon Hounsou est aujourd’hui l’un des acteurs les plus riches de Hollywood. Rien ne prédestinait pourtant le Béninois à une telle success-story. À 13 ans, il quitte Cotonou pour s’installer à Lyon avec son frère. AFRIQUE MAGAZINE
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Il abandonne rapidement l’école et finit par enchaîner les petits boulots. À 22 ans, il tente le tout pour le tout à Paris, mais son quotidien est difficile, il vit dehors, faute de moyens. Pourtant, il finit par se faire repérer dans la rue par une personne travaillant pour Thierry Mugler. Djimon se lance alors dans le mannequinat et tourne même dans des clips de David Fincher.
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Nommé deux fois aux Oscars pour ses rôles dans In America et Blood Diamond, il est aussi connu pour ses films plus grand public, des blockbusters tels que Les Gardiens de la Galaxie ou même Fast and Furious 7. Aujourd’hui, il s’apprête à incarner le Congolais Denis Mukwege – « l’homme qui répare les femmes » –, prix Nobel de la paix 2018 [voir p. 41], dans un biopic dont le tournage est prévu pour l’été 2019. C.F. 51
LE BEST OF EL ANATSUI L’alchimiste LE « VIEUX SAGE » ghanéen est une fierté nationale au Nigeria, où ce cadet d’une fratrie de 34 enfants, élevé par un oncle révérend, s’est installé pour devenir professeur de sculpture. Mais pas que. Lion d’or 2015 à la Biennale de Venise, prix Praemium Imperiale 2017 au Japon – l’équivalent d’un Nobel des arts –, ce plasticien novateur est aussi l’un des cinq artistes contemporains les plus cotés du continent. Ses immenses draperies, mordorées et ondulantes, exposées en intérieur ou au gré des éléments, ont été imaginées à partir d’un sac abandonné rempli de capsules de bouteilles d’alcool. Des milliers de pièces de métal y sont aplaties et tricotées comme une cotte de mailles par ses assistants. Les lattes de bois qu’il perfore et brûle font aussi référence à l’abstraction globale, à l’histoire de l’Afrique et à la vie comme processus de changement. Fait de malice et d’émerveillement, son art constitué de fragments n’a cependant rien à voir avec du recyclage. À 74 ans, El Anatsui rêve d’ouvrir un atelier au Ghana et un autre à New York. L.A.
L’UNE DES GRANDES VOIX de la littérature post-coloniale est aussi le premier écrivain noir et premier Africain récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1986. L’universitaire nigérian, né en 1932 sous domination britannique, est essayiste, poète, romancier, dramaturge, agitateur, et n’a jamais dissocié son engagement de son œuvre. Prisonnier politique pendant la guerre du Biafra, il sera ensuite contraint à l’exil par le dictateur Sani Abacha. À l’annonce de la victoire de Trump, il quitte les ÉtatsUnis où il résidait depuis vingt ans, travaillant à l’institut des affaires afro-américaines de l’Université de New York, pour s’installer en Afrique du Sud. Militant de l’émancipation définitive des peuples d’Afrique, sa réflexion s’étend au-delà du continent, contre l’érection de tous les murs, d’abord dans les esprits. Wole Soyinka plaide aussi pour la restitution des œuvres d’art à leurs pays d’origine. Aujourd’hui, dans sa résidence d’Abeokuta, sa ville natale, il entretient avec sa collection – comptant plus de 7 000 pièces – le même rapport familier qu’avec les orishas qui habitent ses œuvres. L.A. 52
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CHESTER HIGGINS JR./THE NEW YORK TIMES-REDUX-RÉA - TOM PILSTON/PANOS-RÉA
WOLE SOYINKA Au-delà des murs
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DAVID ADJAYE Le constructeur ON L’A DÉCOUVERT en entrant dans le magnifique et émouvant Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines. Un bâtiment posé comme un vaisseau, où l’histoire tragique de la communauté noire américaine se déroule au long des étages, en partant d’en bas, du plus profond, de l’esclavage, vers le haut, l’émancipation et le racisme contemporain. David Adjaye en est l’un des concepteurs. Né en Tanzanie en 1966, d’un père diplomate ghanéen, devenu depuis britannique, et installé à Londres, il est l’un des plus grands architectes contemporains, africain et global. Son histoire est celle d’une migration réussie, et d’un talent sans frontières. Mais c’est aussi la dynamique d’un retour permanent aux racines. Il est l’auteur d’un livre hors norme, Adjaye Africa Architecture, paru en 2011. Un témoignage unique sur la ville africaine. Pendant près de dix ans, Adjaye a parcouru le continent, avec 53 villes-étapes, photographiant, dessinant, commentant. Un portrait vivant de notre urbanité contemporaine. Z.L.
OUSMANE SOW Les mains du géant
AXEL DUPEUX/RÉDUX-RÉA - SÉBASTIEN CALVET/DIVERGENCE
NÉ LE 10 OCTOBRE 1935 à Dakar, Ousmane est le sixième enfant de Moctar Sow et le troisième de Nafi N’Diaye. En 2013, il devient le premier artiste noir à entrer à l’Académie des beaux-arts, occupant le fauteuil du peintre américain Andrew Wyeth. Kinésithérapeute de formation, il ne se consacrera à la sculpture qu’à 50 ans révolus. Il s’invente un matériau unique à base de plastique recyclé et d’autres matières industrielles. Le succès d’Ousmane Sow est immédiat. Les créations se succèdent. Les Nouba, les Masaï, les Zoulous, les Peuls, les Indiens et les chevaux de Little Bighorn voyagent à travers le monde : Paris, Genève, New York, Tokyo, la Réunion, la documenta, la Biennale de Venise, le Whitney Meseum… Il s’essaie au bronze à partir de 1999. Il réalise La Danseuse aux cheveux courts et coule Victor Hugo dans un moule, une œuvre de 2 m 30. Le 1er décembre 2016, l’artiste est arraché à l’affection des siens sur la terre de ses ancêtres à Dakar, quelques mois après avoir accouché de Merci, une série composée de figures emblématiques, comme Nelson Mandela, Mohamed Ali et Martin Luther King Jr… Il est le plus grand sculpteur contemporain africain. O.O. AFRIQUE MAGAZINE
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LE BEST OF
ALAA EL ASWANY Plume de combat
SIMON NDJAMI L’éclaireur SPÉCIALISTE DE L’ART CONTEMPORAIN et de la photographie africaine, le Camerounais de 56 ans, basé à Paris, est devenu incontournable. Commissaire d’exposition indépendant, professeur, essayiste et critique d’art, sa démarche est d’échapper au regard paternaliste porté par l’Occident sur son continent et ses artistes contemporains. Ses collaborations sont vertigineuses : cofondateur de Revue Noire, conseiller de la fondation Sindika Dokolo (Luanda), directeur artistique de la fondation Donwahi (Abidjan), des Rencontres de Bamako et de la Biennale de Dakar, membre de conseils scientifiques et de nombreux musées, organisateur de multiples expositions, dont Africa Remix, ou encore biographe de James Baldwin et de Léopold Sédar Senghor… Il est toujours en quête d’un art aux identités multiples pour « dire des choses qui vont bien au-delà des limites imposées par le langage ». On trouve dans son sillage la crème des artistes, du Maghreb à l’Afrique du Sud, de William Kentridge à El Anatsui, d’Ouattara Watts à Pascale-Marthine Tayou. L.A.
CHIMAMANDA NGOZI ADICHIE Féministe universelle DEPUIS SON ENVOL FULGURANT à 26 ans avec son premier roman L’Hibiscus pourpre, paru en 2003, cette jeune Nigériane est aujourd’hui l’auteure de best-sellers traduits dans une trentaine de langues. D’une plume caustique, elle aborde les thèmes du racisme, du sexisme, de la domination et des migrations. Conteuse née, elle partage sa vie entre Washington et Lagos, où elle a grandi sur le campus universitaire de Nsukka, avant de poursuivre ses études aux États-Unis. Les droits d’adaptation cinématographique d’Americanah, son quatrième ouvrage, ont été rachetés par Lupita Nyong’o [voir p. 58], qui incarnera le rôle principal aux côtés de Brad Pitt. Chère Ijeawele, son manuel d’éducation féministe, paru en 2017 est devenu un véritable phénomène. Le titre de l’ouvrage, repris par Beyoncé dans sa chanson « Flawless », a aussi été reproduit par Dior sur des T-shirts. En 2017, élue à 40 ans dans les rangs de la prestigieuse Académie américaine des arts et des sciences, elle est saluée comme une féministe universelle. L.A. 54
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MATHIEU ZAZZO - ARNAUD MEYER - WANI OLATUNDE
PARU EN 2002, L’Immeuble Yacoubian est le premier roman d’Alaa El Aswany, un dentiste du Caire passionné de littérature. Pour beaucoup, ce fut une révélation. Une porte qui s’ouvre sur les complexités de l’Égypte, de l’Orient… Le roman raconte la vie des habitants d’un immeuble art déco du centre-ville de la capitale. On y retrouve le réalisme social d’un Naguib Mahfouz, mais aussi un récit cru qui confronte le lecteur à tous les maux de la société égyptienne, avec une immense liberté de ton. Un phénomène d’édition, traduit en plus de 20 langues, qui laisse déjà entrevoir les forces qui animeront les printemps arabes, les grandes manifestations de la place Tahrir. Aswani est un écrivain, un citoyen courageux. Il s’engage dans la lutte pour la chute du régime Moubarak, milite ouvertement contre l’intégrisme religieux. Son dernier ouvrage, J’ai couru vers le Nil, roman d’une révolution échouée, évoque les dictatures toujours à l’œuvre. Z.L.
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L’ANNIVERSAIRE
AÏSSA MAÏGA L’actrice
AMANDA ROUGIER
AÏSSA MAÏGA est à l’origine d’un collectif de 16 actrices noires et métisses, lequel a publié en 2018 le livre Noire n’est pas mon métier pour dénoncer la discrimination dans les rôles qui leur sont proposés. À 43 ans, cette comédienne d’origine sénégalo-malienne, mère de deux enfants, a plus de vingt ans de carrière derrière elle. Révélée au grand public dès 2004 avec Les Poupées russes de Cédric Klapisch, où elle donne la réplique à Romain Duris, elle est nommée aux César en 2007 dans la catégorie meilleur espoir féminin pour son rôle dans le film Bamako, réalisé par Abderrahmane Sissako. À l’affiche du téléfilm Le Rêve français, sur France 2, qui racontait l’épopée de jeunes Guadeloupéens en métropole dans les années 1960, Aïssa Maïga, nommée chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2009, séduit par son intelligence, son optimisme et son humour. C.F.
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C’EST LE SON d’une génération. On reconnaît dès les premières notes. On vibre à l’instant. Son influence sur la musique nigériane actuelle est évidente. Certaines chansons de Wizkid et surtout le titre « Rara » du jeune Tekno Miles sont la continuité des thèmes et musiques de Fela Anikulapo Kuti, le « Black President ». L’afrobeat, qu’il vulgarise dans les années 1970, est né d’une fusion de highlife, funk, rock, jazz et de musique traditionnelle yoruba. Chantée en pidgin (anglais populaire nigérian), sa musique touche du doigt les problèmes sociaux et fustige les gouvernants et les autorités corrompus. Ses textes sont directs et inspirés de la philosophie des Black Panthers et de Malcom X. Ses albums Why Black Man Dey Suffer, Shakara, Gentleman, Underground System, ou même les titres « Kalakuta Show », « Ikoyi Blindness », « Yellow Fever », « Beasts of No Nation », « Zombie », « Expensive Shit », « Unknown Soldier » sont de vrais missiles. Fela a la contestation à fleur de peau. Il fera de la prison. Son antre, le Shrine de Lagos, sera rasé au sol. Né au sein d’une famille bourgeoise à Abeokuta, dans le sudouest du Nigeria, Olufela Olusegun Oludotun Ransome-Kuti décède du sida le 2 août 1997, à Lagos. Reconnu comme la voix des sans-voix, il est accompagné dans sa dernière demeure par plus d’un million de personnes. Aujourd’hui, ses enfants maintiennent la flamme plus vivante que jamais. O.O.
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LENI SINCLAIR/MICHAEL OCHS ARCHIVES/GETTY IMAGES
FELA KUTI Révolution !
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FRÉDÉRIC STUCIN/PASCO AND CO
AZZEDINE ALAÏA Le talent ÉTERNELLEMENT vêtu de son costume noir à col mao, le styliste et grand couturier franco-tunisien, né à Tunis de parents agriculteurs d’origine espagnole, était un hyperactif, discret, malicieux, fantaisiste, indépendant, pudique et généreux. Il rendait les femmes belles et fortes, inventant pour elles des matières les sublimant. Arrivé à Paris comme jeune homme au pair à la fin des années 1950, après un diplôme de sculpture aux beaux-arts de Tunis, Alaïa s’entoure de bonnes fées qui l’aideront à lancer sa marque à l’aube des années 1980. Dans son petit appartement, il confectionne alors ses modèles sur mannequin vivant, afin de mieux sculpter ses robes ultra-moulantes pour Arletty, Greta Garbo, Stephanie Seymour ou encore Tina Turner… C’est lui qui lance Naomi Campbell. Il fera de Farida Khelfa et de Grace Jones ses muses. Loin des tendances, des diktats de la mode, et sans publicité, il entrera dans la très stricte haute couture en 2011 après diverses rétrospectives et deux Oscars de la mode. Cet artiste hors-norme qui s’est éteint en novembre dernier reste une légende. Une librairie vient d’ouvrir dans sa maison historique à Paris, où sont conservées ses archives personnelles et collections. L.A. AFRIQUE MAGAZINE
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ON AURAIT PU vous parler d’autres Marocains, de Saïd Aouita ou de Hicham El Guerrouj. De Haile Gebreselassie en Éthiopie, des Kenyans que rien n’arrête. De flèches ivoiriennes telle que Murielle Ahouré. Mais finalement, sa légende à elle, reste unique. Au Maroc, dans le monde arabe, en Afrique, le nom de Nawal El Moutawakel est toujours rattaché au 8 août 1984, lorsqu’elle devient la première femme afro-arabe à remporter une médaille d’or olympique. Nous sommes à Los Angeles pour les 23es olympiades de l’ère moderne. Elle remporte la finale du 400 mètres haies. Une victoire qui aura un impact majeur sur l’ambition de nombreuses jeunes femmes. Dans les vestiaires, elle reçoit un appel téléphonique du roi Hassan II, monarque resté éveillé toute la nuit pour l’événement. Athlète, militante, féministe, ministre, elle intègre en 1998 le Comité international olympique, où elle joue un rôle très actif. Elle devrait être fortement impliquée dans la coordination des Jeux olympiques de la Jeunesse 2022, à Dakar. Z.L.
FELWINE SARR Le libre penseur CET INTELLECTUEL SÉNÉGALAIS utilise l’esprit et les idées pour bâtir un continent en mouvement. Selon lui, c’est à l’Afrique de tracer sa propre voie. Forgé à l’école de pensée de Nietzsche, de Dante, des philosophes indiens et chinois, il a cofondé, en 2016, avec l’historien et politologue Achille Mbembe, les Ateliers de la Pensée de Dakar et de Saint-Louis, réunissant une trentaine d’intellectuels de l’Afrique et de ses diasporas pour réfléchir aux mutations du monde contemporain. Professeur agrégé d’économie, doyen de la Faculté d’économie et de gestion de l’université Gaston Berger de Saint-Louis et passionné de sciences sociales, il est aussi romancier, musicien, éditeur. En 2016, son livre Afrotopia plaide pour un partage des ressources de la planète, qu’elles soient naturelles ou culturelles. Nommé expert par Emmanuel Macron sur le dossier de la restitution des œuvres d’art aux pays africains, il vient de publier, avec l’universitaire et historienne de l’art Bénédicte Savoy, un rapport en forme de plaidoyer éthique et politique. C.F.
LUPITA NYONG’O Super-héroïne ELLE EST KENYANE, née à Mexico en 1983, où son père professeur exerçait. Lupita Amondi Nyong’o, dont le prénom espagnol est un diminutif de Guadalupe, est actrice et réalisatrice de films et de documentaires. Elle est engagée, décomplexée, aussi à l’aise sur un shooting de mode que dans un débat sociétal. En 2009, elle réalise le documentaire In My Genes, dénonçant les violences subies par les personnes albinos au Kenya. Elle obtient en 2013 un rôle dans Twelve Years a Slave, ce qui lui vaut l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. En 2014, elle est élue femme la plus belle du monde par le magazine People et devient la première égérie noire de la marque Lancôme. Elle enchaîne les rôles, jusqu’au film événement de 2018, Black Panther, qui la propulse au rang de super-héroïne, au cœur d’un royaume africain mythique et puissant, le Wakanda. Un scénario comme une hyperbole de sa propre vie. F.M. 58
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ANTOINE TEMPÉ - ALFREDO CALIZ/PANOS-RÉA - ARMANDO GALLO/ZUMA STUDIO-RÉA
NAWAL EL MOUTAWAKEL, L’or de la piste
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A’SALFO Premier gaou ! À PEINE L’ÉDITION 2018 du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) a-t-elle fermé ses portes que l’édition suivante se préparait. Entre deux concerts, Salif Traoré, dit A’salfo, cale ses rendez-vous pour l’organisation du plus grand festival de Côte d’Ivoire. Désormais homme d’affaires, directeur général de Gaou Production, le lead vocal de Magic System veut ouvrir la voie à ses cadets et aider les plus démunis. Dans le milieu du zouglou, le succès de son groupe est sans pareil. 16 disques d’or, trois disques de platine et plus de 50 dates de concerts par an. Ce n’est pas un hasard si sa chanson « Magic in the Air » est retenue comme hymne officiel par la Fédération française de football lors de la coupe du monde 2018 (et fait danser petits et grands aux quatre coins du monde). Pourtant, l’enfant d’Anoumabo à Marcory (Abidjan), fils d’un père ouvrier, ne s’était jamais imaginé une telle réussite. En 1997, il monte le groupe Magic System avec ses amis Manadja, Tino et Goudé. Les garçons traversent ensemble toutes les voies sinueuses. Après la sortie du tube « Premier gaou », c’est la consécration. La chanson traverse les frontières africaines. Se succèdent des tubes qui s’arrachent comme des petits pains. O.O.
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ALPHA BLONDY Insaisissable et incommensurable DE JAH GLORY (1982) à Human Race (2018), Alpha Blondy totalise 18 albums et une dizaine de compilations et d’enregistrements publics. Seydou Koné, de son vrai nom, 65 ans, se présente comme un « rastaphoulousophe ». Il aime bien jongler entre le Coran, la Bible et la Tora, avec les titres « Sebe Allah Y’e », « Come back Jesus » et « Jérusalem ». Son salut, il le doit à un passage dans l’émission Première chance, de son ami Roger Fulgence Kassy. L’artiste imprime alors sa marque sur le reggae et est le premier à chanter cette musique en langue africaine (dioula, baoulé). Alpha est engagé, complexe, iconoclaste, fragile et fort. C’est un chanteur d’engagement social. Voilà la colonne vertébrale de son patrimoine discographique. Avec le temps, Seydou Koné prône un nouvel alliage culturel fait de différences et de tolérance. S’il n’a pas encore annoncé la fin de sa carrière, il profite des fruits de son succès en s’ouvrant au monde des affaires dans l’immobilier. Il a aussi sa radio, Alpha Blondy FM, où il diffuse sa vision du monde. O.O. AFRIQUE MAGAZINE
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CE QUE NOUS ÉTIONS, CE QUE NOUS SOMMES DEVENUS
Fin 1983, le premier numéro d’AM paraît. C’était il y a 35 ans, comme dans un autre monde, une autre Afrique, en noir et blanc, celle des grands chefs inamovibles. Depuis, tout ou presque a changé : la carte du continent, la démographie, le climat, la politique, le rayonnement culturel… Entre les deux périodes subsiste pourtant une permanence, l’idée d’un potentiel jamais vraiment réalisé. Voyage dans le temps.
Dossier préparé par Zyad Limam, avec Cédric Gouverneur et Cherif Ouazani
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UNE NOUVELLE DONNE GÉOPOLITIQUE RICHARD MELLOUL PRODUCTIONS/SYGMA VIA GETTY IMAGES
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Image d’une autre époque : Mobutu Sese Seko et Omar Bongo assistent au sixième Sommet France-Afrique à Kigali (Rwanda).
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n l’a oublié, mais 1983 fut l’année de la guerre froide la plus tendue depuis la crise des missiles de Cuba. Cette année-là est cruciale sur tout le continent : en Afrique du Sud, une nouvelle Constitution renforce encore l’apartheid. Malgré le boycott international, Pretoria reste une pièce maîtresse du bloc de l’Ouest sur l’échiquier africain du fait de sa guerre contre les régimes prosoviétique et pro-cubain du Mozambique et de l’Angola, et contre la résistance SWAPO au Sud-Ouest africain occupé. Au Tchad, la France lance l’opération militaire Manta contre les rebelles appuyés par le colonel Kadhafi. 61
ÉVOLUTIONS CE QUE NOUS ÉTIONS, CE QUE NOUS SOMMES DEVENUS
Cet allié plus ou moins fidèle de l’URSS finance de nombreux guérilleros sur le continent et, notamment en Ouganda, un certain Yoweri Museveni. Au Zaïre, le maréchal Mobutu, qui a triomphé de Patrice Lumumba, joue de la guerre froide pour perdurer. En Haute-Volta, un jeune capitaine putschiste, Thomas Sankara, tente une révolution affranchie du clivage Est-Ouest. En Éthiopie, le colonel Mengistu, soutenu par Moscou, affame les populations rebelles, notamment les Tigréens et les Érythréens. Dans le Soudan du Sud, les peuples de pasteurs noirs s’insurgent contre Khartoum et son régime « islamiste » – un concept politique alors totalement nouveau… Novembre 1989, c’est la chute du mur de Berlin. Un séisme majeur. Trois mois après, en février 1990, Nelson Mandela est libéré, et la Namibie accède à l’indépendance. Celle du Soudan du Sud n’aura lieu qu’en 2011… En 1991, dans la Corne de l’Afrique, tandis que la Somalie implose, les rebelles tigréens et érythréens l’emportent sur Mengistu : les premiers gouvernent à Addis-Abeba, les seconds prennent leur indépendance en 1993. Les deux anciens alliés se font la guerre de 1998 à 2000, ne se réconciliant qu’en cette année 2018. Le Zaïre devient en 1997 la République démocratique du Congo, avec l’appui du président ougandais Yoweri Museveni, faiseur de rois qui a depuis longtemps troqué Kadhafi pour Washington ! Le Mozambique et l’Angola renoncent eux aussi au socialisme. Au Tchad, en 1990, Paris fait d’Idriss Déby sa pièce maîtresse pour policer une région plus instable que jamais. Car si HauteVolta prend le nom de Burkina Faso dès 1984, l’idéal révolutionnaire de Thomas Sankara (assassiné en 1987) suscite moins de vocations au sein d’une certaine jeunesse désœuvrée que l’islamisme radical, dont les attentats ensanglantent le nord du continent et l’immense bande sahélienne. ■ C.G. 62
Une émergence contrariée : regardons l’Inde et la Chine
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hine, Inde, Afrique. Trois ensembles. Trois mondes où se lisent convergences et divergences. Tous trois ont pâti de la colonisation. Entre les années 1840 et les années 1940, la Chine a dû affronter les impérialismes occidentaux puis japonais. L’Inde a gagné son indépendance en 1947, au prix d’une sanglante partition qui scinda le sous-continent entre l’Union indienne, majoritairement hindoue, le Pakistan et le Bangladesh musulmans. La démocratie fédérale indienne rassemble 35 États et territoires, abritant plus de deux mille groupes ethniques. Seule l’Afrique dépasse l’Inde en termes de diversité de langues, de religions et de cultures. Dirigée par le Parti communiste depuis 1949, la république populaire de Chine est plus homogène : les Hans constituent 90 % de la population. S’y ajoutent des minorités sous très haute surveillance, comme les Tibétains bouddhistes ou les Ouïgours musulmans. Depuis 1983, l’Afrique et l’Inde ont vu leurs populations doubler, tandis que celle de la Chine croissait d’un tiers seulement. Le résultat de la fameuse politique de l’enfant unique, instaurée en 1979 afin d’éviter un emballement démographique. Face au vieillissement de la population, Pékin a lâché du lest.
Depuis 2015, une seconde naissance est autorisée. Sans grand succès, l’enfant unique étant passé dans les mœurs. De son côté, l’Afrique demeure le seul continent où, selon l’Unesco, « plus de la moitié des parents sont dans l’incapacité d’aider leurs enfants à faire leurs devoirs ». En Inde, le taux d’alphabétisation stagne à 63 % au Bihar, État aux structures quasi féodales, mais culmine à 94 % au Kerala, État gouverné par des communistes soucieux d’éduquer les masses. En termes de niveau de vie par habitant, la fiabilité des chiffres de 1983 paraît sujette à caution du fait de la difficulté à l’époque de collecter des données et de prendre en compte l’économie informelle. Toujours est-il que les trois ensembles ont vu, ces quinze dernières années, grossir les cohortes des classes moyennes, vectrices de nouveaux modes de consommation. Mais les données sont rudes. Au début des années 1980, la Chine est moins riche par habitant que l’Afrique. L’Inde également. Sur la période qui suit, l’évolution s’inverse. En Afrique, la croissance des revenus moyens a été deux fois moins rapide qu’en Inde et près de neuf fois moins qu’en Chine, devenue en l’espace d’un peu plus de trois décennies la première économie du monde (en volume). ■ C.G.
AFRIQUE
INDE
1983/2018 Population (millions)
478
1983/2018
1 288
PIB (milliards de $)
340*
Espérance de vie
50 ans 61 ans
PIB par habitant ($) Taux d’alphabétisation
570
38 %
2 740**
+1 000 62 %
CHINE
1983/2018
683
1 368
1 020
1 400
305
2 200
298
9 935
74 %
65 %
95 %
222
3 000
56 ans 69 ans
43 %
307
67 ans
13 800
75 ans
Sources : Banque africaine de développement, Banque mondiale, Census of India, FMI, agences des Nations unies (PNUD, Unesco, Commission économique pour l’Afrique, Perspectives de la Population mondiale). * Données de la Libye indisponibles (source : Banque mondiale). ** Données de l’Érythrée indisponibles (source : Banque mondiale).
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35 ANS
L’ANNIVERSAIRE
Le projet de centrale électrique au charbon, la centrale de Medupi, située à côté de Lephalale, dans la province du Limpopo en Afrique du Sud.
DU CULTE DE LA CROISSANCE AU DÉFI CLIMATIQUE
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
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u début des années 1980, l’Afrique, confrontée à des déficits budgétaires et commerciaux, se voit imposer par le FMI et la Banque mondiale les fameux programmes d’ajustement structurel, qui se traduisent par des coupes dans les dépenses étatiques. Porté par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, l’ultralibéralisme a alors le vent en poupe. En Afrique, cette école de pensée rajeunit le modèle développementaliste fondé sur l’extraction des matières premières, avec le profit pour unique horizon. La notion de préservation de l’environnement a trop longtemps été perçue comme un luxe. En partie parce que, lors de la création des premières réserves naturelles sur le continent du temps de la colonisation, les populations locales des alentours avaient souvent été expulsées. Pourtant, dès les années 1970, des associations africaines militent pour un développement durable. Comme Enda Tiers-Monde, fondée à Dakar, ou le Mouvement de la ceinture verte, lancé au Kenya par Mme Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix 2004. Une première fédération de partis verts africains voit le jour. L’écologie politique connaît ses premiers martyrs, tel en 1995 l’écrivain Ken Saro-Wiwa, porte-parole du Mouvement pour la survie du peuple ogoni, AFRIQUE MAGAZINE
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pendu avec ses camarades par le régime militaire nigérian pour son action contre la pollution du delta du Niger. La mondialisation, la demande chinoise et les guerres du Moyen-Orient attisent la soif de matières premières africaines : pétrole, bois, terres et métaux rares (le coltan des téléphones portables). L’impact sur l’environnement est dantesque : déforestation, érosion des littoraux, pollution des mégapoles… Principaux Aujourd’hui, pollueurs, les pays riches et les bail- malgré leurs internationaux ont, fin 2015, une prise de lors de la COP21, multiplié les enga- conscience gements vis-à-vis du continent. Non générale, sans contradictions : ainsi, la Banque les initiatives mondiale finance d’une main la lutte paraissent contre la déforestation et, de l’autre, insuffisantes. la centrale électrique sud-africaine de Medupi et ses rejets de CO2… Aujourd’hui, malgré une prise de conscience générale, les initiatives paraissent insuffisantes. Le défi environnemental, jadis relégué au rang de préoccupation de riches occidentaux, risque d’être désormais perçu comme trop imposant pour être relevé. ■ C.G. 63
Le leader Mouammar Kadhafi abattu par la révolution libyenne.
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ébut des années 1980. L’Afrique vit, à très peu d’exceptions près, sous le règne des partis uniques, des présidences à vie ou interminables, des « papas de la nation »… L’euphorie des indépendances fait long feu et les promesses démocratiques de la liberté, recouvrée au début des années 1960, ont laissé place aux désillusions. La quasi-totalité des pays du continent vit trois décennies sous le joug de régimes autoritaires légitimés par un parti-État. Un monolithisme, brimant toute expression contradictoire, allergique à la constitution d’une société civile et à tout ce qui pourrait être assimilé à un contre-pouvoir, a remplacé l’administration coloniale. Il faut attendre la dernière décennie du XX e siècle pour voir le régime du parti unique battre en retraite suite aux pressions internationales (comme le discours de François Mitterrand lors du sommet FranceAfrique à La Baule en juin 1990, le FMI et la Banque mondiale conditionnant
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sont indéniables. Si la corruption des élites n’est pas totalement endiguée, la gouvernance s’est nettement améliorée grâce à la vigilance d’une société civile dynamique et à un appareil judiciaire revendiquant son indépendance. Presse et syndicats jouent leur rôle de l’octroi de nouveaux crédits à l’ouverture contre-pouvoirs et l’opposition apprend démocratique) et à des contestations à s’imposer au sein des institutions parcitoyennes contre la corruption des élites lementaires. À partir de janvier 2011, politiques. L’Afrique entre alors en tranl’affaire commence dans le Sud tunisien. sition démocratique, et l’Afrique subLe Printemps arabe, avec ses espérances saharienne invente un nouveau concept et ses échecs, vient confirmer que les politique : la Conférence nationale. Sorte peuples ne veulent plus être tenus par d’assemblée constituante qui ne dit pas une main de fer. La démocratie reste son nom, la Conférence nationale a pour pourtant un long chemin initiatique. vocation d’organiser la transformation L’Economist Intelligence Unit du régime du parti unique a publié le 31 janvier 2018 son en démocratie libérale : plu- Presse, ralisme politique intégral, syndicats et rapport annuel sur l’état de la création de mécanismes de opposition démocratie dans le monde, réputé pour être sévère. Sur contre-pouvoir et principe jouent les 54 pays du continent, six d’alternance au pouvoir à tra- leur rôle dépassent la moyenne requise vers un processus électoral. de contreet obtiennent le label de Cependant, l’exercice s’avère pouvoirs. « démocratie » même « imparpeu évident. L’alternance au faite » : l’Afrique du Sud et pouvoir relève encore du parBotswana en tête, suivis du Ghana, de cours du combattant (malgré de notables la Tunisie, de la Namibie et du Sénégal. exceptions en Afrique de l’Ouest), les Mais ce qui compte, c’est la direction, le élites politiques ont du mal à se renousens. Et sur la démocratisation, l’Afrique, veler et les dinosaures ne semblent pas société et élite, semble avoir résolument pressés de passer la main. Toutefois, entamé le processus. ■ Ch.O. les avancées démocratiques en Afrique AFRIQUE MAGAZINE
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KARL CHOW/EPN/NEWSCOM/SIPA
Gouvernance : l’expansion démocratique
BOOM DÉMOGRAPHIQUE, IMMIGRATION RESTREINTE
JACOB SILDERBERG/PANOS-RÉA
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n mai 1983, la revue médicale Science décrit pour la première fois le « syndrome d’immunodéficience acquise », ou sida. C’est le début de deux décennies de crise démographique en Afrique, dont la population était, en 1980, estimée à 478 millions de personnes. En 2002, l’Onusida évoque un « continent sacrifié ». Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) décime les jeunes en âge de travailler et amplifie les crises alimentaires. En Afrique australe, le taux de prévalence du sida dépasse les 30 %. Pessimiste, l’agence onusienne pronostique que l’espérance de vie ne dépassera pas, en 2010, 43 ans en Afrique du Sud, voire 37 ans au Botswana… Autre bouleversement démographique majeur : l’immigration. Peu après la fin des Trente Glorieuses (1945-1975), les pays européens restreignent leurs politiques d’accueil. Même repli chez les pôles d’attraction africains : en janvier 1983, le Nigeria expulse deux millions d’immigrés ghanéens. En Côte d’Ivoire, la guerre civile (2002-2011) est attisée par les débats sur « l’ivoirité ». En Afrique du Sud, depuis les années 2000, les émeutes xénophobes sont récurrentes. En 2017, l’Afrique compte 1,2 milliard d’habitants. La plupart des pays ont doublé ou triplé leur population. Les sombres perspectives de l’Onusida n’ont pas eu lieu : entre 2000 et 2015, l’espérance de vie a progressé de presque dix ans (contre cinq ans en moyenne dans le reste du monde), tournant désormais autour de 60 ans. L’explication ? Les avancées de la Entre 2000 prévention, et un accès (relativement) faci- et 2015, lité aux antirétroviraux. Entre 2000 et 2017, l’espérance le nombre de nouvelles infections a chuté de vie a de 36 %, et celui des décès de 38 %. À ces progressé progrès s’ajoutent ceux de la lutte contre le de presque paludisme et la mortalité infantile. Même si, dix ans. au sud du Sahara, un enfant sur dix décède encore avant l’âge de 5 ans… Sur le front migratoire, la voie méditerranéenne, très empruntée à partir de 2014, s’avère de plus en plus être une impasse depuis l’infernal chaos libyen jusqu’à l’Italie du néofasciste Matteo Salvini. En Afrique, les expulsions se généralisent. Au sein de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), la libre circulation n’est souvent qu’une promesse. Aussi, de plus en plus de jeunes africains apprennent le chinois dans les instituts Confucius et tentent leur chance au sein de la première puissance mondiale. Pour le continent, le défi démographique a changé de nature. Dans les années 2050, la population de l’Afrique devrait atteindre entre 2 et 3 milliards d’habitants, puis 4,4 milliards en 2100. Le défi en matière d’éducation, de santé, de formation ou encore d’emploi sera immense. ■ C.G.
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Le marché d’Oshodi à Lagos, Nigeria.
DE LA CROISSANCE URBAINE AUX MÉGAPOLES En 1983, alors que seule une poignée de militants « écolos » pointait du doigt le risque climatique, la croissance exponentielle de Kinshasa ou de Lagos inquiétait déjà… L’Afrique comportait alors une quinzaine de villes de plus d’un million d’habitants. Pourtant, le continent le moins urbanisé du globe est aussi celui qui détient les rythmes de croissance urbaine les plus soutenus : dans les années 1950, l’Afrique ne comptait que deux villes de plus d’un million d’habitants (Le Caire et l’agglomération de Johannesbourg). Démographes et experts des années 1980 se montraient pourtant déjà préoccupés : d’anciens comptoirs coloniaux, de gros villages conçus pour n’abriter que quelques milliers, au pire quelques centaines de milliers d’habitants, sont en passe de devenir de (très) grandes villes, sans que ne suivent ni le développement économique, ni les infrastructures… « Les effets de vitesse et de masse rendent difficilement maîtrisable l’expansion urbaine », écrivait par exemple le géographe Robert Escallier. Kinshasa, 2,6 millions d’habitants, et Lagos, 2 à 3 millions, paraissaient déjà invivables. Aujourd’hui, en 2018, une centaine de villes du continent dépasse le million d’habitants. Selon les Nations unies, l’Afrique comptait 472 millions d’urbains en 2015, et ils seront un milliard en 2035. Certains chiffres, dignes du scénario du film Blade Runner (1982), auraient donné des sueurs froides aux démographes des années 1980 : Lagos, 22 millions d’habitants. Le Caire, 20 millions. Kinshasa, 10 à 12 millions ! Deux tiers des urbains africains vivent dans des bidonvilles. Ces mégapoles présentent des défis colossaux en termes de gestion des déchets, d’assainissement, d’eau potable, de transports [voir notre dossier spécial « Africités », n° 386]. Sans oublier des problématiques qui, dans les années 1980, ne figuraient pas encore à l’agenda des responsables politiques : pollution aux particules fines, accumulation des déchets plastiques, effets du réchauffement climatique (submersion des côtes, sécheresse…) Des défis vitaux qui imposent de repenser entièrement la ville de façon durable : « écoquartiers », reforestation et reconstruction des mangroves, tri sélectif des déchets, bannissement des sacs en plastique, véhicules électriques… ■ C.G. 65
ÉVOLUTIONS CE QUE NOUS ÉTIONS, CE QUE NOUS SOMMES DEVENUS
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éritage de gouvernances et de stratégies approximatives, l’Afrique a accumulé les retards en matière de développement économique, avec en particulier un énorme déficit en infrastructures (routes, hôpitaux, universités…). À la fin des années 1980, seuls 1 % des habitants du continent disposaient d’une ligne téléphonique. Trente ans et une révolution numérique plus tard, l’Afrique contribue à la consolidation de la croissance mondiale dans l’économie digitale avec 6,5 % de croissance contre une moyenne mondiale de 4,1 %. Les nouvelles technologies ont permis aux pays africains de s’affranchir du processus de développement traditionnel pour sauter des étapes (leapfrogging), accélérer leur croissance économique, améliorer la gestion de leurs ressources et étendre l’accès aux
services essentiels à leurs populations les plus vulnérables. Aujourd’hui, 46 % des Africains ont souscrit à une offre de téléphonie mobile, ce qui représente près de 560 millions d’abonnés uniques ! La révolution numérique a bouleversé plusieurs secteurs d’activité en Afrique : la finance, les matières premières, l’agriculture, la santé, les transports, les énergies renouvelables et l’éducation. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont contribué à ouvrir de nouvelles perspectives, dont l’accès à l’information grâce à la téléphonie mobile. Le marché des télécoms a explosé avec l’arrivée des smartphones low cost accessibles à des centaines de millions d’utilisateurs africains, facilitant leur quotidien. Parmi les services que propose le mobile, l’e-banking qui, en démocratisant l’accès à la bancarisation, contribue à réduire les méfaits de Aujourd’hui, près de 46 % des Africains ont souscrit à une offre de téléphonie mobile, ce qui représente près de 560 millions d’abonnés uniques.
l’économie informelle (70 % du PIB du continent). Effet secondaire de la démocratisation du smartphone : une sensible amélioration du taux de connexion à Internet. Selon une étude du cabinet Deloitte, en 2018, deux tiers des foyers africains sont connectés à Internet via les technologies mobiles et 21 % via un Internet fixe. Seuls 13 % n’ont pas de connexion Internet à la maison. Autre effet de la révolution numérique : l’explosion audiovisuelle. La fin de l’analogique a permis l’émergence de nouvelles chaînes de télévision locales avec d’importants besoins en programmes locaux [lire Nollywood mon amour ci-après], une bénédiction pour les producteurs et animateurs de talk-shows, les réalisateurs, techniciens et comédiens de films et séries télévisées. Enfin, comme partout ailleurs, les réseaux sociaux ont bouleversé les communications traditionnelles, en particulier en milieux urbains : politique, business, vie civique, démocratie, rencontres amoureuses… Tout est différent, connecté. Et l’Afrique n’est pas à l’abri non plus des fake news et de la cybercriminalité [voir p. 118]… ■ Ch.O.
FEMMES, ENCORE UN SI LONG CHEMIN
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n n’est plus au début des années 1980, mais globalement (si l’on peut généraliser), les Africaines restent des citoyennes de second rang, soumises aux traditions et à l’autorité des hommes, bridées par une myriade de contraintes et de limites. La polygamie reste fréquente, l’accès aux responsabilités publiques et politiques encore très complexe. Pourtant, elles constituent la force de travail de l’agriculture du continent (70 % des travailleurs). Elles nourrissent l’Afrique sans pouvoir, le plus souvent, accéder à
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Communications : « leapfrog » pour un futur digital ?
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SVEN TORFINN/PANOS-RÉA
Une étudiante infirmière dans la bibliothèque de son école à Monze, en Zambie.
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la propriété… Pourtant, ici, comme pour l’éducation, une révolution est en marche, en particulier en milieu urbain. La scolarisation des jeunes filles connaît une progression spectaculaire. L’urbanisation et la croissance économique ont libéré des énergies hors des systèmes de contrôle traditionnels. Au Maghreb en particulier, mais de plus en plus en Afrique subsaharienne, les femmes des villes travaillent, apportent un revenu supplémentaire au couple, ce qui accentue la formation des classes moyennes. Progressivement, elles investissent la sphère publique, au gouvernement, dans la société civile. Elles
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sont entrepreneures aussi, et elles se montrent aussi efficaces que les hommes. Pourtant, selon un rapport des Nations unies, « les lacunes en matière de protection dans les domaines de la santé, du mariage et des relations familiales sont particulièrement frappantes ». Le chemin à parcourir est encore très, très long. Mais la question féminine est désormais au cœur de l’agenda africain. L’histoire le montre. Il n’y a pas de modernité sans égalité des sexes, sans promotion des droits, sans une politique active des États. En clair, pas d’émergence africaine sans l’émergence des Africaines. ■ Z.L.
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i l’Africain exporte sa musique depuis plus d’un siècle, il en est autrement pour ses images. Onéreux, le cinéma n’a jamais été une spécialité africaine. Les grilles des chaînes de télévision, souvent uniques et monopoles d’État, proposaient des programmes conçus et produits ailleurs, offerts par Canal France International (CFI) pour l’Afrique francophone, et BBC pour l’anglophone. Puis survient, à la fin des années 1990, le phénomène Nollywood (le N de Nigeria remplaçant le H de Hollywood), une industrie cinématographique low cost qui inonde le continent de films, séries et feuilletons usant de langues nationales (yoruba, haoussa…) ou de pidgin (sorte de créole anglais). Les coûts de production sont modiques (10 000 euros en moyenne pour un long-métrage) avec support vidéo, tournage en décor naturel, rythme de production infernal, scénarios inspirés du quotidien du citoyen africain. En quelques années, avec plus de 2 000 films produits par an, Nollywood occupe la seconde place mondiale en termes de production cinématographique et devient, avec son million d’emplois créés, le troisième employeur du Nigeria derrière le secteur pétrolier et l’État fédéral. Paradoxalement, le phénomène du piratage des œuvres de Nollywood a contribué à sa prospérité, assurant une large diffusion des cassettes VHS, puis des DVD. Nollywood a son académie des « Oscars », l’Africa Movie Academy Awards (AMA Awards), qui récompense les œuvres du cinéma africain. C’est la principale source de programmes de chaînes de télévision africaines apparues depuis le début des années 2000. Mieux : Après Nollywood TV, chaîne satellitaire nigériane, un Netflix africain est en cours de constitution. Cœur de cible : les centaines de millions de téléspectateurs subsahariens. ■ Ch.O.
Musique, un son universel
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e blues né au sud des États-Unis, le jazz de la Nouvelle-Orléans, le reggae de Kingston, la salsa de Santiago de Cuba ou la samba de Rio ont une inspiration commune : le son africain ! Guerres et disette, sécheresse et catastrophes naturelles ont durement frappé le continent, mais n’ont jamais empêché « l’autosuffisance musicale ». En matière de son, l’Africain consomme africain. Ce son mue, s’adapte, se transforme, apprivoise de nouveaux instruments, de nouvelles technologies et continue de séduire. Au fil des années, le balafon se fait synthétiseur, le guembri se transforme en basse, le tambour devient batterie, puis boîte à rythme. C’est ainsi que la rumba congolaise devient soukous puis n’dombolo, que le griot (conteur de la musique mandingue ouest-africaine) devient slameur, que le raï sort de l’underground maghrébin pour faire danser les foules à Paris, Tokyo, Dakar ou Montréal, et que le rap naija (nigérian en argot de Lagos) supplante l’afrobeat de l’icône musicale, l’étoile filante feu Fela Kuti. Toutefois, la modernisation ne signifie pas pour autant reniement de la tradition. Aucun synthétiseur n’arrive à reproduire le son de la kora, celui du n’goni ou encore
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celui, magique, du moffou (flûte traditionnelle des bergers du Sahel). Si on consent à amplifier le son, on ne renonce pas à son authenticité. Chaque terroir a son genre musical, mais celui-ci est écouté dans toutes les régions du continent. Mieux : la fusion est une spécialité africaine. Le n’dombolo, né au lendemain des indépendances, s’est fait coupé-décalé au début des années 2000 grâce aux platines de DJ abidjanais. L’Algérien Khaled se fait « premier gaou » quand ses mélopées arabo-andalouses se fondent dans le son des Ivoiriens de Magic System. Le rock touareg, incarné par Tinariwen ou Imarhan, a ses fans en Australie, au Canada ou au Japon. La multiplication des chaînes de télévision musicales en Afrique, au milieu des années 1990, a fait émerger une nouvelle industrie : le clip vidéo. La révolution numérique, avec l’apparition de plates-formes d’hébergement de vidéos (principalement YouTube) et les sites de streaming musical (Spotify, Deezer ou Apple Music), confirme le statut universel du son africain. Aujourd’hui, il n’est plus diffusé uniquement en Afrique ou consommé par la seule diaspora, mais partout et par tous. ■ Ch.O. AFRIQUE MAGAZINE
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Des élèves de l’école Little Prince à Kibera (Nairobi, Kenya), l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique, attendent de jouer leur pièce de théâtre.
ÉDUCATION, LA (DEMI-)RÉVOLUTION SILENCIEUSE
ANDREA SIGNORI/PARALLELOZERO-RÉA
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e cliché est toujours là. L’Afrique serait un désert éducatif. Comme dans les années 1980, avec de rares écoles et de plus rares universités. Pourtant, globalement, c’est bien une révolution silencieuse qui est en marche. Le continent est en passe de réussir le défi de l’accès à l’éducation pour tous. L’analphabétisme recule, surtout depuis la fin des années 1990. Le taux d’alphabétisation des 15-24 ans a atteint 76 % en 2016. Avec un rythme inédit dans l’histoire, en particulier en ce qui concerne la scolarisation des filles au primaire. Les choses avancent, même si les défis sont immenses : 170 millions d’enfants supplémentaires devront être scolarisés d’ici à 2030. Et surtout, il faut résoudre la question de la qualité : en Afrique subsaharienne, six enfants sur dix en fin de primaire restent en dessous du seuil minimum de compétences en lecture et en mathématiques. À ces éléments de base viennent s’ajouter les perspectives qu’offre la technologie, et en particulier les applications digitales. Les applis, les tutoriels, les universités on line AFRIQUE MAGAZINE
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deviennent courants. Une connexion Le Internet grâce à une énergie délocalisée continent (comme un panneau solaire) permettra est en passe à une école reculée d’accéder à du matéde réussir riel pédagogique contemporain. Autre le défi de évolution majeure, l’intervention du l’accès à secteur privé. Dans de nombreux pays, l’éducation le développement de l’éducation payante pour tous. vient contrebalancer les défaillances de l’État et les faiblesses du secteur public. En particulier dans le réseau secondaire et supérieur. Cette évolution permet également de mieux financer tout un écosystème, en particulier celui des enseignants, limitant ainsi la fuite des cerveaux. Évidemment, ces évolutions ne permettent pas de répondre aux défis que posent encore les populations pauvres. Et pour les classes moyennes émergentes, cette privatisation des services publics concernant l’éducation ou la santé provoque un véritable défi financier. ■ Z.L. 69
PARCOURS par Catherine Faye
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VÉRITABLE MODÈLE pour de nombreux Américains qui la verraient même présidente des États-Unis, l’ex-first lady révèle tout (ou presque) de sa vie privée dans Devenir, un livre-confession.
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orsqu’elle entend pour la première fois, à 9 ans, la chanson You and I (We Can Conquer the World), Michelle Robinson ne sait pas encore que les paroles de Stevie Wonder la conduiront, dix-neuf ans plus tard, jusqu’à l’autel de l’église de la Trinité du South Side, au bras de Barack Hussein Obama, futur 44e président des ÉtatsUnis. Cette chanson, la petite fille, née en 1964 dans le quartier noir de Chicago, la répète à tue-tête. Inlassablement. Comme un présage qui dessine déjà un avenir hors du commun, pétri de deux composantes essentielles : la famille et le travail. Très tôt, cette élève surdouée a le sens du contexte. « Ce que j’ai compris, confie-t-elle à Oprah Winfrey, dans une interview, c’est qu’il était important de réussir […], et que si vous ne faisiez pas vos preuves, surtout si vous étiez un enfant noir du South Side de Chicago avec des parents prolétaires, les gens avaient vite fait de vous ranger dans la catégorie des incapables. Je voulais que l’on voie que j’étais une bosseuse. » La méritocratie, elle en connaît un rayon. Plus encore, ses parents lui apprennent à penser librement. Par elle-même. « Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? C’est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent », écrit Descartes dans Méditations métaphysiques. Je pense donc je suis. Voilà le ciment de son existence. Acharnée, l’arrière-arrière-petite-fille d’une esclave sur une plantation en Géorgie s’élève à la force du poignet, étudie à l’université de Princeton, puis le droit à Harvard, commence une carrière d’avocate dans le prestigieux cabinet Sidley Austin, à Chicago. Elle y est alors chargée de superviser une nouvelle recrue : « Barack est arrivé en retard le premier jour. Dans mon bureau du 47e étage, je l’attendais sans l’attendre », raconte-t-elle. Pour lui, c’est le coup de foudre ; elle est un peu plus méfiante. « Ma sœur nous avait entendus, mon père et moi, dire que l’on peut connaître la vraie nature d’un homme en le testant sur un terrain de basket. Elle m’a demandé d’emmener jouer Barack, je lui ai dit : “Ce gars est formidable” », se souvient son frère. Barack et Michelle se marient en 1992, Malia naît en 1998, Sasha en 2001, non sans difficultés ; ils ont recours à des fécondations in vitro, révèle-t-elle. « Il se trouve que même deux fonceurs motivés, unis par un profond amour et une solide éthique de travail, ne peuvent pas faire un enfant par la seule force de leur volonté. » Cet ancrage dans la vraie vie est fondateur, pour elle, comme pour Barack Obama, dont l’ascension fulgurante ne l’empêche pas de concilier vie d’avocate et vie de mère de famille. Tout en tapant du poing sur la table quand ses absences se font trop pesantes : « Il remplissait sans cesse son agenda. Comme un jongleur qui fait tourner des assiettes au bout d’une perche et qui ne s’excite que quand l’une d’elles menace de tomber. Il fallait faire quelque chose, aller voir quelqu’un. » Voilà le couple qui se lance dans une thérapie. Et tandis que son mari accède inéluctablement au pouvoir, Michelle mène tambour battant son parcours professionnel, n’hésite pas à remettre en question sa carrière d’avocate, enchaîne différentes fonctions – au bureau du maire de Chicago, à l’université, au centre hospitalier de l’université –, crée une antenne Public Allies (une entreprise qui aide les jeunes à entreprendre une carrière dans la fonction publique)… Avec la campagne présidentielle, elle devient rapidement un personnage médiatique, milite pour de nombreuses causes. Drôle, chaleureuse et charismatique, aussi à l’aise en voyage diplomatique que dans les talk-shows, elle n’hésite pas à se lancer dans un rap ou à danser avec des marionnettes pour défendre ses engagements. Le 20 janvier 2009, au pied du Capitole, elle tient la Bible sur laquelle Barack Obama prête serment. On la dit influente. Très influente. Pendant huit années, elle a su marquer les esprits et continue à inspirer les États-Unis. Son cheval de bataille ? La responsabilisation et l’optimisme. Regard franc, la tête sur les épaules, l’ex-Première dame des États-Unis est, à 54 ans, aujourd’hui un symbole. ■
Sortie en France le 13 novembre dernier, son autobiographie s’est vendue à plus de 1,4 million d’exemplaires dans le monde en une semaine.
Devenir, Michelle Obama, Fayard, 520 pages, 24,50 euros.
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GÉOPOLITIQUE
RÉVOLUTIONS DANS LA CORNE DE L’AFRIQUE Sous pression, le géant éthiopien cherche à changer radicalement, entre réformes ambitieuses en interne et politique de la main tendue assez stupéfiante vis-à-vis de l’adversaire historique érythréen. Une véritable remise à plat des enjeux de la région. par Sonia Le Gouriellec*, et Zyad Limam
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reste particulièrement tendue. Depuis janvier 2018, le pays a enregistré un million et demi de déplacés du fait de violences interethniques et entre régions fédérales. Pour de nombreux observateurs, le fédéralisme ethnique éthiopien avait pu tenir grâce à la main de fer du gouvernement central et la dictature éclairée d’un Meles Zenawi (disparu en 2012). La libéralisation entraîne la hausse des revendications et des conflits. Malgré une croissance économique spectaculaire, l’Éthiopie, 100 millions d’habitants, reste un pays pauvre et institutionnellement fragile. ■ Z.L.
En juillet 2018, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed accueille le président érythréen Issayas Afewerki à l’aéroport d’Addis-Abeba.
TIKSA NEGERI/REUTERS
Addis-Abeba, l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed Ali, nommé Premier ministre en mars 2018, est apparue comme une révolution de velours. Un homme jeune, issu du système, décidé à transformer son pays, prenait les rênes. Pour la première fois aussi depuis l’avènement du Derg et la chute du vieil empire, les Tigréens acceptent de laisser le pouvoir. De père oromo musulman et de mère amhara chrétienne, Abiy Ahmed incarne à lui seul une possible réconciliation nationale. Il faut aussi et surtout libéraliser une société marquée par des décennies d’autoritarisme et une économie qui étouffe sous le poids des rigidités et des cartels de la corruption d’État. Il faut sortir de l’impasse nationale. Le pouvoir ouvre de manière spectaculaire le chemin de la paix avec le voisin érythréen, ennemi juré depuis l’indépendance d’Asmara (1993) et le conflit sanglant de 1998. Rien ne prouve pourtant que le processus de paix avec l’Érythrée avance sans heurts et le passif entre les deux pays est lourd. Et la situation politique interne de l’Éthiopie
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LES IMAGES D’ISSAYAS AFEWERKI, le président érythréen, foulant le tapis rouge de l’aéroport d’Addis-Abeba resteront un symbole fort des reconfigurations en cours dans la Corne de l’Afrique sous l’impulsion du nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Une étape décisive a été franchie dans le rapprochement entre les deux frères ennemis qui ne parvenaient pas à régler leurs différends depuis presque vingt ans. Si cette paix est symbolique et particulièrement médiatisée, la nouvelle politique lancée par Abiy en Éthiopie est tout aussi historique. Le pays était plongé dans l’incertitude depuis la mort de Meles Zenawi en 2012. Le successeur de Meles n’ayant pas convaincu, Abiy Ahmed est devenu le premier Premier ministre oromo à accéder à la tête du pays, où la minorité tigréenne tient les principaux leviers du pouvoir depuis le début des années 1990 et le troisième chef de l’exécutif du régime depuis 1995. L’une de ses principales réformes a été de libéraliser l’économie, ce qui est révolutionnaire pour un pays où l’État a traditionnellement toujours été un acteur économique important. Les mouvements sociaux qui s’enchaînent et rassemblent de façon inédite Oromos et Amharas dénoncent justement la non-répartition des 74
richesses issues du développement du pays. En Éthiopie, il existait des entreprises privées mais dont le conseil d’administration était composé principalement de membres du parti au pouvoir, le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF) et de hauts fonctionnaires. L’État était l’investisseur principal et gardait le contrôle sur le secteur financier et les télécoms. Le secteur privé n’était encouragé que lorsqu’il correspondait aux priorités définies par le gouvernement. Deux plans quinquennaux – Growth and Transformation Plan (GTP) – ont été adoptés en 2010, puis en 2015. Ils devaient permettre à l’Éthiopie de devenir un État à revenu intermédiaire à l’horizon 2025. La Corée du Sud et Taïwan étaient souvent cités comme des exemples par le pouvoir. Le facteur économique pèse donc lourd dans les transformations en cours. Même s’il a l’une des plus fortes croissances économiques du continent, le pays subit une crise monétaire importante. La stabilité de sa monnaie a été assurée de justesse par un versement de 3 milliards de dollars des Émirats arabes unis. Pourtant, plus que le modèle économique, c’est le modèle politique sans alternance qui montre ses limites et que contestent les manifestants. S.LG. AFRIQUE MAGAZINE
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Quelles sont les motivations profondes de la nouvelle politique éthiopienne ?
À Asmara, une petite fille regarde un T-shirt sur lequel sont imprimées, côte à côte, des photos d’Issayas Afewerki et d’Abiy Ahmed.
Le détroit de Bab-el-Mandeb, centre névralgique du commerce mondial.
GOOGLE MAP
Peut-on croire à la paix et aux réformes internes ? LA VITESSE DE CES RÉFORMES a de quoi étonner. Ces changements brutaux et sans effusion de sang rappellent les grandes transformations des années 1970 après le coup d’État et la chute de l’empereur Haïlé Sélassié avant que la révolution ne se fossilise. Abiy est parvenu à faire face aux crises en cours, mais des défis systémiques restent à relever. Comme l’expliquent Jean-Nicolas Bach et Jeanne Aisserge dans L’Éthiopie d’Abiy Ahmed Ali : Une décompression autoritaire (Observatoire de l’Afrique de l’Est, CEDEJ Khartoum-Sciences Po CERI, novembre 2018), il est trop tôt pour évoquer une démocratisation du pays, tout du moins on peut observer « une décompression autoritaire ». Le régime a survécu et montré de nombreux signes d’ouverture depuis avril 2018 : fin de l’état d’urgence, libération de prisonniers politiques, nomination de femmes à la présidence, au ministère de la Défense, à la Cour suprême, nomination d’une opposante à la tête de la commission électorale, retour des opposants, rapprochement avec l’Égypte sur le partage des eaux du Nil ou encore liquidation des contentieux avec les voisins. Il s’agit tout de même de nuancer les transformations en cours. Le nouveau Premier ministre est charismatique et communique de façon efficace en multipliant les AFRIQUE MAGAZINE
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discours apaisants et conciliateurs. La réception de ces discours est inédite. Une atmosphère de liesse les accompagne et semble indiquer une victoire des mouvements contestataires sans élection et sans changement de régime. Est-ce une véritable rupture et une transformation en profondeur du régime, ou une stratégie qui use de la communication pour reconquérir les bailleurs internationaux et impulser un enthousiasme populaire afin de sauver un régime au bord du gouffre ? Les prochaines élections se tiendront en 2020 et il s’agit pour Abiy de les préparer en renversant le jeu politique, notamment par la libération de prisonniers politiques et en donnant plus de place aux partis de l’opposition. Cette nouvelle configuration du jeu politique provoque l’hostilité d’une partie de l’oligarchie au pouvoir. Et tout l’enjeu sera pour le nouveau Premier ministre d’apaiser les tensions. Un retour de la violence n’est pas exclu, d’autant que les arrestations de caciques corrompus du régime se multiplient et que des nominations et des changements importants ont eu lieu au sein de l’état-major et des services de renseignement. Mais Abye est un produit du système, il vient des services de renseignement et est, pour le moment, parvenu à contrer les tentatives de déstabilisation. S.LG. 75
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Quel est l’impact de la politique éthiopienne sur l’Érythrée ? L’ÉRYTHRÉE EST ACTUELLEMENT L’INCONNUE de l’équation régionale. Si le temps de la paix est enfin venu, les rouages du système politique érythréen n’ont plus lieu d’être. Le pays est décrit depuis vingt ans comme un État totalitaire, un paria, ou encore un État récalcitrant par rapport au système international. Effectivement, après le refus éthiopien d’appliquer la décision de 2002 et de retirer ses troupes d’une partie du territoire érythréen, le régime s’est radicalisé. Il n’y a toujours pas de Constitution, pas d’élection, le président n’est pas élu, l’Assemblée nationale ne s’est pas réunie depuis 2002, la presse est absente et un service national obligatoire a été mis en place pour faire face aux menaces extérieures, provoquant une véritable hémorragie migratoire des jeunes en direction des pays voisins et de l’Europe. Le régime maquisard s’est renfermé sur lui-même en entretenant une pensée paranoïaque. Le geste éthiopien de rétrocéder la ville symbolique de Badme a été une décision politique considérable qui a permis d’ouvrir les discussions. Il intervient à une période où le régime a commencé à renouer le dialogue avec la communauté internationale. Avec l’Union européenne, qui souhaite voir la crise migratoire se régler, et avec les pays du Golfe, qui voient dans ce petit pays bordé par la mer Rouge une base naturelle pour leurs opérations militaires au Yémen. Ces dernières années, les Émirats arabes unis ont ainsi fourni des ressources économiques et militaires vitales à la survie du régime. Mais le président se fait vieux et les contestations internes se multiplient comme l’atteste la tentative de putsch militaire en 2013, qui avait abouti au désarmement d’une partie de l’armée au profit d’une garde prétorienne d’origine tigréenne. Le président a tout intérêt à passer à une nouvelle logique, à reprendre place dans le jeu international, à développer les potentialités économiques du pays afin d’affaiblir ses ennemis internes et de préparer une succession à son avantage. Avec ce processus de paix, l’obstination d’Issayas Afewerki semble avoir payé et il redevient le maître de la partie de billard à plusieurs bandes qui se joue actuellement dans la Corne de l’Afrique. Reste que le pays est très secret et qu’il est difficile d’analyser les jeux de pouvoir en cours. Le contrôle de la population ne se justifiant plus, comment le régime va-t-il évoluer ? Comment les généraux vont-ils réagir ? Il est encore bien trop tôt pour répondre à ces questions. S.LG. 76
Quel est l’impact de la politique éthiopienne sur Djibouti ? À PREMIÈRE VUE, le grand absent des reconfigurations en cours est le pays qui a pourtant construit son identité sur son rôle de médiateur régional, de havre de paix et de stabilité dans une région troublée par les conflits. Les recompositions d’alliances semblent s’opérer sans que Djibouti ne soit vraiment à la manœuvre ou « dans le coup ». Pour de nombreux observateurs, le conflit avec le géant dubaïote concernant le port de Doraleh affaiblit la position djiboutienne, au moment où se joue une véritable bataille des ports et d’influence pour le contrôle de la mer Rouge. Pour faire face à la crise économique et surmonter leurs dettes, les États de la région sont sensibles aux ambitions des pays du Golfe qui cherchent, eux, loyauté politique, contrôle des routes maritimes et un accès aux ressources naturelles. En soutenant activement le processus de réconciliation, les pays de la péninsule arabe et les ÉtatsUnis ont renforcé leur influence sur la région. L’apaisement des relations entre l’Éthiopie et l’Érythrée offre de nouvelles opportunités d’accès à la mer au géant éthiopien. Djibouti n’est plus l’unique point d’accès vers l’extérieur. Les responsables djiboutiens se défendent pourtant d’être dépassés par les événements en cours : « Nous ne sommes nulle part mais nous AFRIQUE MAGAZINE
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sommes partout », ou encore : « Ce qui se passe actuellement est possible grâce à notre action depuis des années. » Pour le régime d’Ismaïl Omar Guelleh, la partie est serrée, mais le pays a encore de nombreuses cartes en main. Djibouti reste géographiquement incontournable sur le détroit de Bab-el-Mandeb, véritable vigie du trafic, qui remonte de l’Asie vers le canal de Suez. Le litige avec DP World devra bien un jour trouver sa solution hors des prétoires. La position de Djibouti sur ce dossier, l’indépendance des intérêts stratégiques nationaux, connaît aussi des échos positifs dans le monde émergent et en Afrique. En attendant, Doraleh est opérationnel, un second port a ouvert, le Multi-Purpose, et la Chine investit dans la construction d’une grande zone de libre-échange à proximité. En matière portuaire, le pays a des années d’avance et reste un partenaire incontournable pour l’Éthiopie. Pour l’Érythrée (et plus encore pour une Somalie fragmentée), il faudra du temps et énormément d’efforts pour pouvoir proposer une alternative viable. L’appui massif de la Chine, qui a fait de Djibouti l’une des pièces maîtresses de son initiative des nouvelles routes de la soie et qui y a installé sa première base militaire hors du sol national, a donné au pays une véritable profondeur stratégique. Reste évidemment l’impérative nécessité pour la diplomatie djiboutienne de rassurer les partenaires traditionnels du pays, comme la toute-puissante Amérique, le voisin et ami saoudien et, dans une moindre mesure, la France, qui redécouvre son intérêt pour cet ancien territoire lointain de la République. Z.L.
Ci-dessus, le port de containers de Doraleh, à Djibouti. Ci-dessous, le président Ismaïl Omar Guelleh.
* Maître de conférences en science politique à l’université catholique de Lille.
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PERSPECTIVES
UNE EXCEPTION TUNISIENNE ? Les grands rêves de la révolution se sont envolés, les partis s’entre-déchirent, l’économie ne redémarre pas, et pourtant, il se passe quelque chose. Une petite flamme démocratique, de vraies élections, un débat vif sur les identités, les cultures, les minorités, le vivre-ensemble.
par Frida Dahmani
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i Amérique, ni Qatar » scandaient les Tunisiens en 2011 ; ils venaient de renverser vingttrois ans de pouvoir de Ben Ali et revendiquaient leur souveraineté assortie de « liberté, dignité et emploi ». Dans la dignité, ils se sont emparés de leurs libertés et ont jeté les bases d’une démocratie. Huit ans plus tard, l’exaltation est retombée, la politique s’en est mêlée, mais un sentiment de fierté prévaut ; sans ressources, leur petit pays fait exception, quitte à indisposer des plus puissants. En d’autres temps, la visite officielle d’un membre de la famille régnante saoudienne aurait été traitée avec révérence, mais la donne a irrémédiablement changé. Les mouvements protestataires dénonçant la venue à Tunis de Mohammed Ben Salmane, prince héritier des Saoud, ont réduit ce déplacement initialement prévu pour vingtquatre heures à une escale de trois heures. La diplomatie a cédé à une rue tunisienne qui, depuis la révolution de 2011, dérange le pouvoir wahhabite puisqu’elle 78
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Le nouveau gouvernement de Youssef Chahed a été approuvé par le Parlement tunisien, le 12 novembre 2018. AFRIQUE MAGAZINE
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destitue ses raïs et s’exprime en tant que citoyenne, et non en tant que sujet. Une position unique dans le monde arabe, paradoxalement initiée par Bourguiba, lequel n’a jamais cédé un iota de souveraineté dans les relations avec l’Arabie saoudite, qui n’appréciait pas ses positions modernistes, notamment par rapport à la femme et au contrat social engagé dès l’indépendance. L’exception tunisienne est faite de confluences historiques, où les acquis ont été un tremplin pour conquérir d’autres champs, dont les libertés et la démocratie. Si Michel Camau, politologue spécialiste de la Tunisie contemporaine, considère qu’elle est « un mythe », il se passe pourtant bien quelque chose dans ce pays pour que celui-ci mérite autant d’attention. Cette exception a toujours été énoncée par rapport au monde arabe, mais en matière d’acquis – l’abolition de l’esclavage en 1846 ou les droits conférés aux femmes en 1956 –, la Tunisie, aussi étonnant que cela soit, a été avant-gardiste à plus d’un titre au regard de l’Occident. Dans le sillage réformiste des Lumières et de celui de l’ijtihad (effort de compréhension et d’interprétation du Coran à chaque époque), la Tunisie s’est affranchie de plusieurs tabous et a levé de nombreuses barrières. C’est sa singularité. LE TEMPO DES EXIGENCES S’ACCÉLÈRE Ce qui s’y déroule actuellement n’est pas un phénomène embryonnaire ou occasionnel, les lois appuient désormais les demandes populaires et lèvent les hypothèques, notamment idéologiques, sur l’avenir. La nouvelle Constitution inscrit les droits et les libertés les plus larges, et pose des garde-fous aux dérives. Les acquis de l’indépendance en matière de santé et d’éducation sont devenus des fondamentaux que nul ne remet en question. Le pays passe à autre chose, la conquête des libertés et des égalités, mais surtout la libération de toutes les potentialités. Elles s’expriment à travers une société civile, qui après avoir été sur tous les fronts, n’en a pas moins réduit sa voilure et s’est en quelque sorte spécialisée, en étant très active sur le front de la défense des droits de l’homme ou la mise en place des outils de contrôle de la démocratie. Un processus permanent depuis 2011 accompagné d’énergies incroyables ; une évidence pour les jeunes, une victoire sur la dictature pour les plus âgés. Ce mouvement s’opère sans que les élites interviennent – ou du moins celles supposées l’être et qui semblent encore sidérées par les changements. Elles ont bien tenté d’en être, mais ont fini par se lasser. À l’opposé, dans les régions, les populations « ont la perception d’un changement, mais ne savent avec quels outils l’aborder », précise Shiran Ben Abderrazak, directeur de la Fondation Rambourg à Tunis. Depuis la chute de l’ancien régime, le tempo des exigences s’accélère, à tel point que le vers d’Abu Qasim al-Chabbi « Si le peuple un jour veut vivre, il lui faut s’approprier le destin » – qui figure à l’hymne national – est devenu un slogan, comme si les 80
Les menaces réelles viennent de l’intérieur ; difficile de faire cohabiter libertés et crise économique. Tunisiens étaient enfin acteurs de leur histoire, ou du moins qu’ils n’entendaient plus qu’elle leur soit dictée. Le pays entre ainsi dans un nouveau cycle, non exempt de conflits, de tensions et de quête d’équilibres, un temps de rupture qui s’oppose à une continuité du système. Dans un monde arabe qui étouffe sous les interdits et les lois rétrogrades, l’exception tunisienne dérange. Mais les menaces réelles viennent de l’intérieur ; difficile de faire cohabiter libertés et crise économique. D’autant que la liberté d’entreprendre est toujours contrecarrée par des procédures lourdes et obsolètes et que les jeunes peinent à crever le plafond de verre qui les sépare de l’emploi. « La liberté ne me donne pas à manger, mais je ne m’en passerai pas », assène Moez, un technicien en génie civil au chômage, qui dénonce un système qui n’a pas su se renouveler à la cadence des espérances. D’autres s’inquiètent de la montée du conservatisme, repli dû à la crise économique mais également à la puissance des réseaux islamistes qui opèrent un travail de prosélytisme constant. « On n’a pas à s’inquiéter de l’islam en Tunisie, il est le référent de la population », assure un dirigeant d’Ennahdha (« Mouvement de la renaissance »). Dans les faits se pose la problématique de l’islamisme, qui tend à islamiser la politique plus que d’être soluble dans la démocratie. Une donne nouvelle qui utilise la trame de systèmes anciens en se fondant sur l’idéologie religieuse. Ennahdha a bien essayé de convaincre de son ouverture et de sa mue en partie civile, mais la pratique montre que plus que tout programme, l’idéologie religieuse est le substrat essentiel qui réunit ses électeurs. Malgré les tiraillements politiques, les difficultés économiques et la pression de l’idéologie religieuse, une mutation, sur laquelle il sera difficile de revenir, s’opère en Tunisie. N’empêche que les tentatives de restauration se traduisent également à travers les difficultés de renouveler le personnel politique et de produire des propositions innovantes. Le pays semble jouer aux chaises musicales mais cherche ses repères, conscient que, vis-à-vis des générations futures et de l’opinion AFRIQUE MAGAZINE
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REMI OCHLIK/IP3/BUREAU 233
20 janvier 2011. Manifestation à Sidi Bouzid devant le siège du gouvernorat, à l’endroit même où Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, le 17 décembre 2010.
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internationale, il ne peut revenir en arrière et doit résoudre les problèmes restés en suspens ; une manière de se mettre en accord avec son histoire et de contraindre les élites à réfléchir aux questions qui fâchent, dont celles assez complexes relatives à l’ancien régime. Pour certains, ce temps est formidable. Ils n’auraient jamais pu imaginer le vivre malgré une conjoncture difficile qui achoppe sur des contre-performances économiques et mettent le pays sous le diktat des bailleurs de fonds internationaux. Pour d’autres, la liberté et la démocratie sont inutiles quand les fractures régionales, la pauvreté, la corruption et le chômage n’ont pas été résolus au moins partiellement. « On attendait des jours meilleurs ; finalement, faute de progrès économique, le pays se vide ; les jeunes migrent en masse ; même les spécialistes s’en vont. » La démocratie et la liberté semblent peser peu face aux besoins de conditions de vie décentes et de perspectives d’avenir. Entre pragmatisme et idéal, la réalité de l’exception tunisienne ne suffit pas à rendre les Tunisiens heureux.
Libertés
Réclamées à hauts cris par la rue, les libertés, dont celle d’expression, ont été le premier signe visible et tangible d’un changement irréversible. Elles ont précédé le législateur comme une revanche contre des années d’oppression et se sont émancipées de tous les freins, quitte à prendre les voies de l’anarchie. Les médias ont été parmi les premiers à donner le ton, ils ont bouleversé leur approche éditoriale et ne se sont plus départis du « tout est bon à dire ». Huit ans plus tard, les libertés d’expression, de conscience et de disposer de soi sont protégées par la Constitution, elles sont indéboulonnables mais menacées par des confusions dans l’interprétation des textes ou la persistance de vieux réflexes. « Quand certains policiers considèrent qu’une fille seule le soir dans la rue est une atteinte aux bonnes mœurs ou qu’une personne est interrogée pour un post sur les réseaux sociaux, c’est qu’un message n’est pas passé », assène Lobna, vice-présidente de l’association des jeunes du Kef. En cause, une mise en adéquation des lois
Les enjeux de 2019
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our la cinquième fois en huit ans, la Tunisie va tenir des élections libres. Une exception dans la région et une démarche qui confirment l’avènement d’une démocratie, qui avait été exigée par la révolution. Ce second scrutin législatif et présidentiel depuis l’adoption de la Constitution de 2014 sera le temps clé de 2019. Un moment déterminant dans l’évolution politique du pays, mais qui prendra jusqu’aux élections des allures de bataille rangée entre les différentes formations. Toutes veulent leur part, d’autant que le seuil de représentativité électorale risque d’être amené à 5 %, contre 3 % actuellement. Une manœuvre qui risque de consolider la bipolarisation du pays avec à la clé deux partis majeurs : Ennahdha, et une formation dite moderniste. Cela sera sans doute suffisant pour éviter les blocages au Parlement, mais insuffisant pour juguler l’instabilité politique puisque les rangs de l’opposition seront renforcés. Mais les bisbilles ou les affrontements politiques sont inhérents à la démocratie et à son apprentissage. Certains doutent que le processus engagé aboutisse : « C’est une utopie vers laquelle on tend sans l’atteindre », assure Elyes Chhimi, étudiant en finances. Cependant, la transition démocratique n’est pas un mirage, même les partis voudraient avoir une démocratie taillée à ses propres mesures. En cause, le système politique, qui, à vouloir se prémunir contre un retour de la dictature, finit par perdre de vue la pratique de la démocratie. Résultat,
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la Tunisie peut ressembler à une tour de Babel où tout le monde s’invective sans jamais s’entendre, mais jusqu’à présent, au bout de longues batailles, les droits finissent par l’emporter. L’adoption de la Constitution en 2014 est l’aboutissement d’une dynamique qui a dépassé les querelles. Toutefois, sans certaines instances comme la Cour constitutionnelle, la situation de la démocratie peut sembler fragile, voire précaire. La transition est toujours en cours mais traverse un moment délicat. Dans un contexte de situation économique nettement dégradée, le pays cherche désespérément à renouer avec la croissance, sans pour autant s’ancrer à ses fondamentaux. UNE ÉQUATION INSOLUBLE Le patronat dénonce une désindustrialisation et l’octroi de franchises tous azimuts qui pèsent sur la balance commerciale impactée par une sévère dévaluation du dinar, tandis que les syndicats dénoncent la cherté de la vie traduite par une inflation à 8 %. Une équation insoluble pour le gouvernement pris entre ses engagements avec le Fonds monétaire international (FMI) et le mécontentement général des Tunisiens. En attendant les élections, le temps des promesses est venu, dans l’optique de contenter tout le monde, et au risque de complètement déséquilibrer le pays. La démocratie se fait au prix d’une certaine pondération politique et d’une certaine audace des dirigeants. Oser, c’est aussi ce qui contribue à l’exception tunisienne. ■ F.D.
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De confession juive, René Trabelsi est le ministre du Tourisme depuis le 14 novembre 2018.
L’association tunisoise L’Art Rue intègre les habitants de la médina à toutes ses actions.
Le film Fatwa, de Mahmoud Ben Mahmoud, a été maintes fois récompensé. avec les principes constitutionnels qui tarde à se faire. Mais l’essentiel est là, les Tunisiens sont « enfin libres », comme le clamait un tag sur l’avenue Bourguiba en 2011.
DR - VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE-RÉA - DR
Égalités
Elles sont aujourd’hui au cœur d’une polémique. Paradoxalement, elles sont admises dans les principes, mais dans les faits, les égalités entre Tunisiens et Tunisiennes achoppent sur les traditions et l’idéologie religieuses. L’égalité successorale, proposée sur une initiative du président de la République en août 2016 dans le droit fil de l’élan réformiste tunisien, est l’un des derniers tabous que la Tunisie moderne n’a pas fait tomber. Bien que les Tunisiennes aient depuis 1956 acquis les droits les plus larges du monde arabe et soient actives à tous les niveaux de la société, l’héritage reste un territoire patriarcal même si, dans les faits, les familles contournent le problème en opérant des donations du vivant. Un projet de loi – adopté par le Conseil des ministres le 23 novembre et déposé à l’Assemblée, qui l’examinera en janvier – propose que le légataire choisisse de son vivant entre l’application classique de la loi coranique et l’égalité entre ses enfants, filles et garçons. Faute de consignes, l’égalité sera appliquée. Une loi qui permet de satisfaire les conservateurs et les modernistes, mais qu’Ennahdha rejette, tandis que cette formule à la carte provoque un tollé dans les pays arabes et un débat sociétal soutenu, qui n’en est pas moins salutaire et laisse percevoir une mutation profonde en cours.
Minorités
Déconsidérées, oubliées, les minorités se sont battues pour arracher certains droits. Les homosexuels sont considérés comme des citoyens comme les autres du moment que « chacun est libre de faire ce qu’il veut chez lui », tel que se plaît à le souligner le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi. Mais la dernière victoire des minorités a été l’adoption en octobre 2018 AFRIQUE MAGAZINE
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d’une loi contre la discrimination raciale, un combat mené par l’association Mnemty qui n’a cessé de dénoncer les abus et les coercitions dont sont victimes les Noirs tunisiens. Un temps fort qui doit être confirmé par l’intégration des personnes de couleur dans les sphères actives. L’attribution du portefeuille du tourisme en novembre 2018 à René Trabelsi, Tunisien de confession juive, est également à inscrire dans cette intégration et cette reconnaissance des minorités comme citoyens à part entière. La Tunisie n’a pas oublié que le vivre-ensemble est aussi à la base de son exception.
Culture
Sous Ben Ali, elle était un moyen d’expression, une sorte de bulle d’opposition plutôt élitiste, d’autant que la culture restait dépendante des fonds alloués par l’État-providence et de la censure. Depuis 2011, malgré des moyens limités, on n’a jamais publié autant de livres, créé de nouveaux festivals, tourné autant de films, porté autant d’intérêt à la photographie ni monté autant d’expositions d’arts plastiques. Libre, la culture, portée par les jeunes, s’est répandue partout en Tunisie avec succès, mais elle doit beaucoup à l’initiative privée qui prend le risque d’oser investir dans les régions. Le festival Sicca Jazz au Kef (Nord-Ouest) est l’un des plus courus, comme Rouhaniyet à Nefta (Sud-Ouest) ou la Fête des bergers sur le mont Semmama (Ouest), tandis que les films tunisiens, comme récemment Fatwa de Mahmoud Ben Mahmoud, sont régulièrement récompensés à l’international. Une émulation qui contraint l’État à revoir sa politique et à accompagner le mouvement en élevant la qualité des événements qu’il organise. Résultat, la Cité de la culture, inaugurée à Tunis en mars 2018, est devenue un réel pôle attractif de la capitale. « Il y a une culture humaine unique aux formes variées », explique l’opinioniste Farhat Othman ; c’est ce qu’essaie d’illustrer l’association L’Art Rue qui intègre les habitants de la médina à toutes ses actions. Une proximité qui produit un renouveau et une pérennité. ■ 83
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Le 15 novembre dernier, la première ligne TGV du royaume et d’Afrique a été inaugurée entre Tanger et Kénitra. Une première spectaculaire. Et une ambition qui ne va pas sans poser de vraies questions. Enquête à bord. par Julie Chaudier I AFRIQUE MAGAZINE
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Lors des essais, le nouveau train a dépassé les 352 km/heure, mais il circulera à 320 km/heure en fonctionnement normal.
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et Agadir, il est apparu que cela ne pouvait être utile et rentable qu’avec une LGV. Vu le relief montagneux, un train à vitesse traditionnelle n’aurait circulé qu’aux environs de 80 km/h et n’aurait pas été compétitif face à la desserte autoroutière alors en projet », explique Karim Ghellab, ministre des Transports de 2002 à 2011. Un schéma directeur des lignes à grande vitesse est imaginé dans les années qui suivent. Le projet se concrétise soudainement avec la visite, en octobre 2007, de Nicolas Sarkozy, nouvellement élu à la présidence française. Quelques semaines plus tôt, le Maroc a décidé d’acheter 26 F-16 américains plutôt que 18 Rafale français, provoquant l’ire de Paris. « Après le refus du roi d’acheter l’avion de combat de Dassault, Rabat négocie avec l’Élysée la fourniture du TGV. Le geste royal permettrait de maintenir la visite, fin octobre, de Nicolas Sarkozy au Maroc », écrit le 3 octobre 2007 le journal économique français La Tribune. Dans ce contexte, la décision d’acheter le futur TGV à Alstom pour près de 400 millions d’euros est prise sans appel d’offres. « Le choix d’une négociation directe se justifiait notamment par le fait que la France accordait un financement exceptionnel couvrant 50 % du montant global avec un taux de concessionnalité de 40 % équivalant à un don français de 4 milliards de dirhams. De plus, la concurrence mondiale extrêmement limitée entre les fournisseurs maîtrisant la grande vitesse a encouragé davantage le choix d’une procédure négociée », se souvient Karim Ghellab. Si l’accord de gré à gré permet au Maroc un financement exceptionnel de la France, il lui coûte également la participation de plusieurs institutions financières internationales. Finalement, il faudra que la France remette au pot, mais aussi le secours des prêts des pays du Golfe pour boucler le financement de la LGV. En septembre 2011, quatre ans après la signature de l’accord entre Nicolas Sarkozy et Mohammed VI, le roi peut enfin lancer, aux côtés du président français, les travaux du premier TGV africain. Loin des hourras, la visite de Nicolas Sarkozy semble surtout avoir donné le coup d’envoi de la critique. En février 2012, plusieurs associations, dont ATTAC, Cap Démocratie Maroc et Transparency Maroc, lancent le mouvement AFRIQUE MAGAZINE
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hez l’épicier de l’avenue El Hadj Ahmed Cherkaoui, le petit poste de télévision suspendu au plafond diffuse en direct l’inauguration du TGV. Sur les images, à la gare de Tanger-Ville, le roi Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron embarquent à bord d’Al Boraq, du nom de la fabuleuse monture ailée de la tradition islamique, siglé aux couleurs du Maroc, en vert et rouge. Pendant ce temps, à côté de l’épicerie, quelques voyageurs égarés entrent encore dans la petite gare de RabatAgdal, avec ses murs blancs et son toit de tuiles vertes. À peine plus loin sur l’avenue, la nouvelle gare, un bloc de verre aux dimensions gigantesques, surplombe les voies. De l’autre côté, des centaines de personnes se sont amassées derrière les barrières de sécurité pour assister à l’arrivée des deux chefs d’État. Le 15 novembre 2018, une heure et vingt minutes après être montés à bord du TGV, Emmanuel Macron et Mohammed VI posaient pied sur le quai de la nouvelle gare de Rabat. En réalité, la LGV ne parcourt que le tronçon entre Tanger et Kénitra, située immédiatement au nord de la capitale, mais en roulant à près de 320 km/h, le TGV a presque divisé par trois le temps habituellement nécessaire en train pour relier Rabat, la capitale, à Tanger, la ville du détroit. Juste avant l’ouverture commerciale de la ligne, les Marocains se sont vu offrir l’aller-retour Casablanca-Tanger en TGV pendant trois jours, du 26 au 28 novembre. Une opération marketing certainement destinée à faire oublier les sept années de chantier, dont trois années de retard. Celui-ci est surtout lié à la libération des 3 800 hectares du tracé des nouvelles voies. Dans le contexte post-révolutions arabes, l’État n’a en effet pas voulu recourir aux expropriations et a traité le cas de chaque terrain à l’amiable. Au total, plus de 250 familles habitant sur place ont été déplacées. Le chantier est colossal : plus de 22,9 milliards de dirhams (2,46 milliards d’euros) sont mobilisés. « La SNCF International a joué le rôle d’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès de l’Office national des chemins de fer (ONCF). Nous avons accompagné toutes les étapes de la réalisation depuis les études, la conception, jusqu’aux travaux et à la préparation à l’exploitation, explique Kian Gavtache, chef du projet LGV Maroc à la SNCFI. J’ai dirigé une équipe à Rabat qui est allée, en dix ans, jusqu’à 55 personnes. En back-office, en France, nous avons également eu recours à plus de 300 experts. » Au total, 5 000 ouvriers ont été mobilisés. Si les travaux ont donc duré sept ans, il aura fallu en réalité près de seize ans pour voir aboutir le premier TGV africain car l’idée germe, en réalité, dès le début des années 2000. « Lorsqu’en 2002, nous avons réfléchi à l’extension du réseau ferroviaire, notamment entre Marrakech
Un chantier colossal de près de 2,5 milliards d’euros. Au total, plus de 5 000 ouvriers ont été mobilisés.
Le chef de l’État Emmanuel Macron et le roi Mohammed VI lors de l’inauguration, à Rabat.
Ci-dessus, les larges fauteuils rouges de l’un des compartiments de 1re classe.
La billetterie design de la gare de Tanger.
Ci-contre, l’espace Grands Voyageurs de la gare de Tanger. 87
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ET DANS LE RESTE DU CONTINENT ? L’EXPRESSION « train à grande vitesse » ou « high speed train » est utilisée dans d’autres pays d’Afrique. Depuis mai 2017, le Madaraka Express relie Mombasa à Nairobi au Kenya sur 470 km en quatre heures et demie, contre douze heures par l’ancien chemin de fer. Au Nigeria, un train relie les 18 km qui séparent Abuja et Kaduna en une heure et quart depuis juillet 2016. En Afrique du Sud, le Gautrain inauguré en août 2011 effectue en une demi-heure les 70 km qui séparent Pretoria de Johannesbourg. L’Éthiopie a inauguré une nouvelle ligne de 759 km entre Addis-Abeba et Djibouti où le train va de 80 km/h pour le fret à 120 km/h pour les passagers. Tous sont qualifiés de TGV ou high speed train au regard des gains de temps considérables qu’ils permettent aux voyageurs, mais leur vitesse, proche de 150 km/h, est de moitié inférieure à celle d’Al Boraq, le TGV marocain. Un seul projet appartient au même ordre de grandeur. En 2010, Jacob Zuma, alors président de l’Afrique du Sud, lance l’idée de construire une véritable LGV entre Durban et Johannesbourg qui circulerait à 300 km/h pour réduire le temps de trajet de plus de moitié. Problème : ce TGV utiliserait en deux heures la même quantité d’énergie que celle actuellement utilisée pour alimenter Johannesbourg et Durban pendant une semaine. Le projet a donc été remis à plus tard. L’écart entre les autres projets « grande vitesse » africains et la LGV marocaine semble considérable, mais il faut garder à l’esprit que tous les trains au Maroc circulaient jusqu’ici à une vitesse semblable à celle des autres trains africains. Loin de leurs 160 km/h de capacité, ils roulent à près de 80 km/h. Ainsi, entre Tanger et Rabat, le tracé de la ligne classique qui fait un détour par Souk El Arbaa, exploité à une vitesse de 130 km/h, aurait donné un temps de parcours de 2 h 20 minutes contre 3 h 45 à l’origine et 1 h 20 à présent avec la LGV. ■ J. C. Le Madaraka Express, qui relie Mombasa à Nairobi au Kenya.
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Stop TGV. Il publie une infographie choc : sur un tableau noir d’école sont dessinés autant d’hôpitaux, d’usines et de médiathèques que le Maroc aurait pu s’offrir pour la même somme. Aujourd’hui, Omar El Hyani, membre du mouvement, pointe également du doigt l’effet d’éviction des investissements dans la LGV. « Elle a concentré tout le budget de l’Office national des chemins de fer et les voies classiques manquent de maintenance. Les pannes de matériel se succèdent. » Enfin, les opposants au TGV craignent que la ligne ne soit pas rentable. « Pour atteindre l’équilibre financier, nous avions calculé que le prix du billet devrait atteindre 500 à 600 dirhams par trajet. Avec un tel prix, il n’y aura pas de passagers. L’ONCF va donc être obligé de subventionner le prix du billet, en plus du coût exorbitant de l’investissement de base. C’est un non-sens économique », soutient Omar El Hyani. L’avenir lui donnera-t-il raison ? Aujourd’hui, alors que l’État marocain célèbre enfin son triomphe et que le TGV emmène ses premiers passagers, le schéma directeur national des lignes à grande vitesse pour 2040, qui prévoit 1 100 km de voies à grande vitesse, semble avoir été mis en suspens. « Nous devons d’abord digérer tout ce qui a été finalisé, à savoir la LGV, le triplement de la voie Kénitra-Rabat, le doublement de Settat-Marrakech, le système de signalisation… C’est le contrat-programme qui devra préciser le prochain plan de développement de l’ONCF », a expliqué Mohamed Rabie Khlie, directeur général de l’ONCF, à Médias 24. L’Office table sur une augmentation du trafic de 3 à 6 millions de passagers annuels sur le parcours du nouveau TGV. Avec l’augmentation de moitié appliquée au prix du billet, la nouvelle ligne doit être rentable d’ici trois ans. La croissance anticipée du trafic reste cependant incertaine dans la mesure où l’ensemble de la fréquentation du réseau ferroviaire marocain ne cesse de baisser depuis 2015. Saturation des lignes actuelles ou atteinte du maximum permis par le marché marocain, les trains de l’ONCF ont accueilli 38 millions de passagers en 2017 contre 40,5 millions en 2015. Sauf enjeu politique majeur, l’État devrait donc attendre de voir comment évolue la fréquentation de la première LGV avant de se lancer dans de nouveaux investissements en grande vitesse. Le triplement des voies entre Kénitra et Casablanca, qui est toujours en cours, et le doublement de la voie normale entre Marrakech et Casablanca qui vient de s’achever laissent également penser que l’État n’a pas l’intention, à court ou moyen terme, de les redoubler, une nouvelle fois, par de la grande vitesse. Ces liaisons apparaissaient pourtant, à l’origine, comme prioritaires dans le schéma directeur des lignes à grande vitesse. Pour l’heure, en attendant les résultats de la mise en exploitation, et le nouveau contrat-programme de l’ONCF, « on étudie désormais les lignes Rabat-Meknès, Kénitra-Settat et Marrakech-Agadir. Nous faisons également une revue d’études Agadir-Laâyoune », a confié Mohamed Rabie Khlie à TelQuel. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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CAMEROUN
KEPSEU JEAN-PIERRE
LE DÉFI DE L’OR VERT
Culture irriguée de la banane, dans la Société des plantations de Mbanga (SPM).
CAMEROUN, LE DÉFI DE L’OR VERT
Agropastoral : la promesse des fleurs Poumon de l’économie, le secteur agricole fait l’objet de nombreuses mesures d’accompagnement.
PRÈS DE 15 000 JEUNES ONT ÉTÉ FORMÉS, FINANCÉS ET INSÉRÉS DANS DIVERS MÉTIERS AGRICOLES ET HALIEUTIQUES.
Cueillette du thé. Sa production augmente chaque année et atteignait 5 560 tonnes en 2016.
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ous allons réaliser une véritable “révolution agricole” en modernisant nos moyens de production et en transformant davantage nos produits agricoles. Cela devrait aller de pair avec la mise à disposition de nouveaux équipements, magasins de stockage et routes d’accès. Ainsi pourrait se conforter notre statut de grenier de l’Afrique centrale. » Voilà la promesse faite par Paul Biya lors de son discours de prestation de serment. Ces dernières années, la nouvelle impulsion pour une agriculture de seconde génération a déjà connu ses premières déclinaisons. Globalement, les objectifs de la politique agricole camerounaise visent à garantir la sécurité alimentaire du pays, à contribuer à la couverture des besoins des pays voisins – compte tenu de la forte demande émanant des pays de l’Afrique centrale et du Nigeria –, à approvisionner le pays en devises grâce aux exportations, et à contribuer à la réduction du chômage rural à travers la création d’emplois. Finalement, à apporter de quoi contribuer à la paix et à la stabilité sociale. Depuis plusieurs années, des stratégies sont mises en œuvre pour améliorer la productivité agri-
cole, promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes dans le secteur et exécuter les projets dédiés au développement de certaines cultures spécifiques à fort potentiel. Avec, comme axes principaux, l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des filières et celle de la qualité des intrants et des produits agricoles, en vue de la certification desdits produits. « Dans cette dynamique, les semences mises à la disposition des producteurs ont fait l’objet de contrôle systématique à travers l’inspection des parcelles », explique un cadre du ministère de l’Agriculture. Un plan directeur de l’hydraulique agricole a également été lancé, avec l’intensification de la micro-irrigation, l’élaboration de la carte de vocation des sols du Cameroun ainsi que du code rural, et la mise en œuvre du programme d’Appui à la sécurisation et à la gestion intégrée des ressources agropastorales au Nord Cameroun (ASGIRAP). D’autres mesures d’incitation ont consisté à moderniser les infrastructures du monde rural et de la production agricole. Rien qu’en 2017, les producteurs ont bénéficié d’environ 5 milliards de francs CFA en appui direct. D’autre part, plusieurs tracteurs et lots de matériels agricoles ont été octroyés à de nombreux
3 000 jeunes en situation post-primaire et 1 800 techniciens supérieurs ont été formés aux métiers agropastoraux dans le cadre du programme d’Appui à la rénovation et au développement de la formation professionnelle (AFOP). Il s’agit là de formations complémentaires à celles déjà offertes par les écoles d’agriculture. » Une démarche vitale selon le membre du gouvernement, qui rappelle que l’agriculture reste pour le pays un important levier de croissance.
GUENAY ULUTUNCOK/LAIF-RÉA - PRC- KEPSEU JEAN-PIERRE
acteurs, comme les organisations de producteurs, les institutions universitaires, les écoles et autres centres de formation agricoles. Grâce à ces incitations, on a pu constater un véritable engouement pour la création de nouvelles exploitations chez des jeunes et des opérateurs économiques, notamment dans le cacao, le palmier à huile, le bananier plantain, ou encore en ce qui concerne le développement de cultures maraîchères (pastèque, piment, etc.). Près de 15 000 jeunes ont été formés, financés et insérés dans divers métiers agropastoraux et halieutiques grâce au programme de Promotion de l’entrepreneuriat agropastoral des jeunes (PEA-JEUNES) et au Programme d’appui à l’installation des jeunes agriculteurs (PAIJA). De son côté, la National Cocoa Academy a formé quelque 1 000 autres jeunes à la production et à la transformation du cacao. Par ailleurs, explique le ministre de l’Agriculture et du Développement rural (MINADER), « des écoles de formation aux métiers agropastoraux, sous la tutelle du MINADER et du MINEPIA (ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales), délivrent des diplômes d’entrepreneur et de conseiller agropastoraux. Au cours de l’exercice 2017, plus de
Lors du Comice 2011 à Ebolowa, le président Paul Biya teste une machine à égrainer le maïs.
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Dr Taïga, ministre de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales
Améliorer les systèmes de production d’élevage Comment abordez-vous la problématique des maladies animales et de la protection sanitaire des cheptels ? Dans le but de réduire l’impact des maladies animales et d’assurer une protection des cheptels, le gouvernement a mis en place un réseau d’épidémiosurveillance (RESCAM) visant à intensifier la surveillance épidémiologique et une procédure d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments à usage vétérinaire, ainsi que des services spécifiques dédiés aux maladies de la faune sauvage et des espèces aquatiques. Je dois également citer la création des annexes régionales du Laboratoire national vétérinaire (LANAVET) à Yaoundé, Bafoussam et Ngaoundéré, pour faciliter la détection rapide des maladies, et ainsi améliorer la couverture sanitaire du territoire. Nous avons signé des contrats
entre l’État et les organismes sous tutelle, à l’instar du LANAVET, pour un montant de 3,6 milliards de francs CFA, et adopté des plans stratégiques de lutte contre quatre maladies prioritaires, à savoir : la peste porcine africaine et celle des petits ruminants, la maladie de Newcastle et la fièvre aphteuse. Depuis 2016, nous avons mis en place au LANAVET une unité de contrôle de qualité des médicaments et augmenté la capacité de production des vaccins contre les épizooties majeures du bétail et de la volaille, portée à plus de 40 millions de doses, toutes valences confondues. Nous organisons des campagnes annuelles de vaccination des cheptels et avons constitué un stock de sécurité de 6,5 millions de doses de vaccins de première nécessité. Par ailleurs, nous travaillons à une meilleure protection du consommateur, en garantissant la qualité sanitaire des denrées alimentaires d’origine
NOUS TRAVAILLONS À UNE MEILLEURE PROTECTION DU CONSOMMATEUR, EN GARANTISSANT LA QUALITÉ SANITAIRE DES DENRÉES ALIMENTAIRES D’ORIGINE ANIMALE.
animale et halieutique mises sur le marché. Pour cela, nous procédons à l’estampillage des carcasses dans 108 sites d’abattage d’animaux destinés à la consommation humaine. Enfin, nous organisons des campagnes annuelles de lutte contre la rage. Qu’est-ce qui est fait pour stimuler l’aquaculture ? Nous menons plusieurs actions. Le Projet de promotion de l’entrepreneuriat aquacole (PPEA) vise à promouvoir les entreprises aquacoles économiquement rentables et créatrices d’emplois. Le projet d’appui au développement de l’élevage du tilapia en cage a été lancé avec le concours de la FAO (Food and Agriculture Organization). Par ailleurs, nous sommes en charge de l’encadrement de milliers d’aquaculteurs et du suivi de plusieurs centaines d’étangs, équivalant à 1 200 hectares. Nous avons enfin mis en place une unité moderne de production d’alevins à Logbaba (Douala), qui sert de centre de formation et d’apprentissage à la pratique de l’aquaculture moderne. Mais je dois surtout signaler la signature
d’un contrat de plan entre l’État et la Mission de développement de la pêche maritime (MIDEPECAM), destiné à la relance de ses activités pour un montant de 1,5 milliard de francs CFA. Votre ministère fait face à des défis tels que la faible productivité du cheptel, des revenus bas et peu diversifiés pour les éleveurs, un accès limité aux marchés internationaux pour l’export. Et à l’inverse, la facture d’importation de produits laitiers et de poissons est lourde. Que faire pour corriger toutes ces difficultés ? Le gouvernement vient de conclure avec la Banque mondiale le Projet de développement de l’élevage (PRODEL), qui est une réponse holistique aux financements des activités de l’élevage.
Ce projet est en cours de mise en œuvre dans les 10 régions du Cameroun. Tous les acteurs de la chaîne de valeurs des filières avicole, bovine, porcine, petits ruminants et apicole sont vivement conviés à se rapprocher des délégations régionales et départementales de notre ministère pour tirer avantage de ce programme. Il présente quatre composantes : tout d’abord, l’amélioration de l’accès aux services essentiels à l’élevage, incluant l’accès aux services de santé animale ainsi qu’aux intrants de qualité et au matériel génétique performant. La seconde composante du programme concerne l’amélioration de la productivité pastorale, l’accès aux marchés et la résilience des communautés pastorales dans 30 communes sélectionnées dans
les régions de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Adamaoua et de l’Est (Lom-etDjérem et Kadey). L’objectif final est une augmentation de la contribution de l’offre nationale en viande rouge des zones pastorales (spécialement pour les marchés urbains), tout en améliorant les systèmes de production d’élevage pour les personnes pauvres et les communautés affectées par des conflits. Les deux dernières composantes concernent l’appui au développement des chaînes de valeur de l’élevage, et ce afin d’augmenter leurs contributions à l’approvisionnement de la demande nationale en produits des chaînes de valeur ciblées (viande, œufs, lait, miel, etc.), et la coordination, la gestion, la communication, le suivi et l’évaluation du projet.
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Le cheptel de bovins a augmenté de 8 % par an depuis 2011.
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Élevage de porcs à Tchitchi, un village à l’ouest et, ci-dessous, le complexe avicole de Mvog-Betsi, à Yaoundé.
BOVINS, PORCINS, VOLAILLE…
Des chiffres à la hausse
A LE GOUVERNEMENT A MIS EN ŒUVRE DES INITIATIVES EN FAVEUR D’UN PLUS GRAND DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS PASTORALES.
idé par une culture ancestrale de l’élevage répandue à travers tout le territoire, le gouvernement n’a pas eu de peine, ces dernières années, à mettre en œuvre des initiatives en faveur d’un plus grand développement des activités pastorales et halieutiques. Notamment dans toutes les filières à fort potentiel de croissance et créatrices d’emplois. En conséquence, on a pu constater une tendance régulière à la hausse des cheptels, en matière de bovins, ovins, caprins, porcins et volailles. L’effectif de bovins a connu une augmentation moyenne de 8 % par an, partant de 5,08 millions de têtes en 2011 pour atteindre 7,4 millions en 2016, soit une hausse remarquable de 46,4 %. Sur la même période, on note une hausse de 14 % de l’effectif des ovins, de 2,9 millions de têtes en 2011 à 3,3 millions. Quant aux caprins, ils connaissent une croissance moyenne de 1,1 % par an, portant leur effectif de 6,05 millions à 6,4 millions. Les porcins et les volailles ont connu une croissance annuelle respective de 4,6 % et 4,7 %, entraînant une augmentation du cheptel porcin de 2,8 millions à 3,5 millions de têtes, et celui des vo-
lailles de 65,3 millions à 81,9 millions d’unités. Selon le ministre de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales, Dr Taïga : « L’augmentation de la production de viandes est réelle. De 2011 à 2016, on note une augmentation globale de la quantité de viande produite de 9,78 %, passant de 313 000 tonnes en 2011 à 344 000 tonnes en 2016. La viande de volaille représente une proportion importante de cette production, avec environ 34,38 % de la quantité totale de viande produite. » Dans cette dynamique, on note que les autres produits d’élevage sont également en hausse. Par exemple, la production de lait est passée de 109 000 tonnes à 172 000 tonnes, et celle des œufs de 63 000 tonnes à 74 000 tonnes. La production halieutique, elle aussi, est en constante croissance. Elle connaît une évolution à la hausse, passant de 205 000 tonnes à 285 000 tonnes. Ce qui se justifie, explique le ministre Taïga, par de nombreuses actions menées, et notamment un meilleur contrôle de la façade maritime, la réduction des pertes après capture et le développement d’une aquaculture commerciale par l’introduction de nouvelles techniques et technologies.
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MUSIQUE
Ray Lema
«Le problème de l’Afrique est culturel»
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ans le home studio de sa maison en région parisienne, il y a des claviers, un piano – « une vie ne suffit pas à en faire le tour, c’est ça la beauté » –, des guitares et des percussions. Rappelons qu’il fut maître-tambour en République démocratique du Congo (RDC). Des piles de livres ornent aussi l’habitation de celui qui se considère à 72 ans comme un éternel étudiant, un humain en devenir. Sur son bureau veille la figure tutélaire de Grand Kallé, père de la musique congolaise moderne qui fit danser l’Afrique avec sa rumba « Indépendance cha-cha » en 1960. Né « sous le signe du voyage » – sa mère lui a donné la vie dans la gare de Lufu-Toto, à l’ouest du pays –, Ray Lema est un aventurier, explorant en plus d’une vingtaine de disques de multiples territoires musicaux. Une quête qui le mena à diverses collaborations, de la transe gnawa marocaine aux voix bulgares, en passant par les sonorités brésiliennes. Transcendance, son nouvel album, est à l’image de son univers inclassable : il gravite autour du jazz pour y convier l’afrobeat, les flûtes pygmées, le rock, la rumba… Et raconter ses révoltes face aux injustices actuelles.
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Pour le pianiste, le jazz est un espace de liberté dans lequel il accorde ses amours musicales, affranchi des genres. Son nouveau disque, Transcendance, exprime sa révolte face aux plaies béantes de sa RDC natale. propos recueillis par Astrid Krivian photos d’Amanda Rougier pour AM
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MUSIQUE RAY LEMA : « LE PROBLÈME DE L’AFRIQUE EST CULTUREL »
AM : Transcendance est à l’image de votre approche artistique, laquelle est affranchie des étiquettes… Ray Lema : Jusque-là, je marchais un peu sous la dictature des magasins de disques. Quand je suis arrivé en Europe, on m’a automatiquement classé dans le bac « World music ». Puis ils se sont plaints : il est un peu trop tordu ce musicien, sa musique n’est pas assez simple, on devrait plutôt le ranger dans « Jazz ». Ceux qui gèrent ma carrière m’ont alors suggéré d’être plus jazzy. J’ai fait cet effort, car j’aime aussi le jazz. Mais aujourd’hui, à 72 ans, je dis « Basta ! » et je mets tous mes amours sur la table. Je tombe facilement amoureux de musiques, de grands musiciens. Par exemple, j’adore le rock. Parce que je suis catalogué « World », je ne pourrais donc pas en faire ? Avec ce disque, je transcende toutes ces barrières. Si mes amours vous semblent coupables, illégaux, vous me direz ! Vous aimez citer Miles Davis : « Le jazz n’est pas une musique mais une attitude. » Quelle est cette posture selon vous ? La liberté. Quand on fait de la chanson, on n’est pas vraiment libre, il faut accompagner le « patron », le chanteur. Tout le monde est sur des rails. On ne change pas les arrangements en musique classique non plus. Mais en jazz, l’instrumentiste peut exécuter le même morceau très différemment, d’un concert à l’autre. Cette liberté est son essence. C’est ce que j’expérimente ici : il y a un peu de rumba, de musique pygmée, de rock… Cette phrase m’a permis de me sentir jazzman et de me présenter comme tel. Il faut voir en France le prix que l’on paie pour écouter un jazzman américain, par rapport à un Français. Celui-ci serait-il donc un sous-jazzman ? Alors, imaginez la considération envers un jazzman congolais ! Beaucoup de puristes estiment qu’il faut faire des accords tordus, et que c’est seulement là que l’on reconnaît un vrai jazzman ! Et puis, rappelons que le jazz est la rencontre des Noirs et des Blancs, qui a donné naissance à toutes ces harmonies. Ce n’est pas la musique des Noirs, elle n’est pas sortie comme ça d’Afrique. J’ai d’ailleurs essayé d’introduire certains accords dans les musiques africaines, et les Africains détestent ces dissonances jazz ! Miles Davis a aussi déclaré : « La véritable musique est le silence, et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence »... C’est magnifique, je l’adopte à 100 % ! Elle définit la philosophie de notre musique en Afrique centrale : l’art du leader, du maître-tambour, c’est de gérer les notes autant que les silences. Souvent, au sujet de mes disques jazzy, on me faisait la réflexion d’être en retrait, alors que c’était quand même un album de Ray Lema ! J’ai dû leur expliquer notre concept musical. Notre architecture rythmique, ce sont des superpositions de phrases, que l’on appelle des claves, jouées par des enfants, formant une roue qui tourne. Le maître-tambour, paradoxalement, est celui qui parle mais qui fait le moins de notes. Il donne des directions à cette roue lan98
Fela Kuti, inventeur d’un style basé sur les messages qu’il transmettait, m’a beaucoup impressionné. » cée à toute vitesse et calcule les silences, qui donnent la trame, le lyrisme. Car si tu parles sans cesse, tu n’es pas lyrique. Chez nous, le leader n’est pas une vedette à l’américaine, un demidieu qui ferait le plus de notes possible alors que les autres musiciens seraient estampillés simples accompagnateurs. Quelle est cette danse interne, cette transe qui vous habite quand vous jouez ? C’est un héritage des musiques africaines en général. Les Occidentaux ont développé l’harmonie, les Africains, le rythme. Les deux forment la science de l’organisation vibratoire, avec simplement des octaves différentes. L’Occident a créé cet instrument extraordinaire, le piano, à partir duquel toutes les harmonies modernes sont conçues. Ils ont inventé les 12 demi-tons, cette coupure des notes en partie égale, qui n’existe pas dans la nature. Et à mon humble avis, c’est dans le jazz que cette science des harmonies à partir des demi-tons a atteint son summum. Nous, nous avons poussé l’organisation rythmique d’une société à son paroxysme. L’Afrique est immense, donc je parle ici du RD Congo, que j’ai étudié : le rythme est collectif, le village est structuré. Chacun a sa place et joue sa phrase rythmique avec la vitesse de son métabolisme, de son tempérament, et ces différentes pulsations s’ajoutent les unes aux autres. Ce qui n’est pas permis en Occident, où l’on compte le rythme de façon linéaire : un, deux, trois, quatre… En Afrique, personne ne fait ça ! Vous dédiez un titre éponyme à Fela Kuti, le père de l’afrobeat. Que représente-t-il pour vous ? Ce n’est pas mon premier morceau en son honneur. Ce grand Africain, inventeur d’un style basé sur les messages qu’il transmettait, m’a beaucoup impressionné. Je l’ai vu la première fois sur scène en 1977 à Lagos dans son club, le Shrine. Un terrible nuage de ganja occupait la pièce, tu étais stone sans avoir fumé. En caleçon, Fela chantait dans le micro de son saxophone. AFRIQUE MAGAZINE
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Installé dans le home studio de sa maison en région parisienne, Ray Lema explore le champ des possibles sur l’un de ses nombreux claviers. À mes côtés, nos deux géants de la musique congolaise, Franco et Tabu Ley Rochereau, étaient cloués sur place ! Plus tard, quand Fela fut emprisonné, je vivais à Paris, et nous avons créé un orchestre pour sa libération. Il est venu nous remercier, une fois libéré. J’étais sidéré par sa manière de parler dans la vie : on croyait entendre un British, rien à voir avec l’anglais de sa musique ! Il m’a dit : « Bien sûr, j’ai fait toute mon éducation à Londres. Quand je veux, je peux être comme un Blanc. Mais sur scène, en Afrique, j’ai moi-même créé et incarné ce personnage pour parler à mon peuple. » Cet artiste engagé au point d’aller en prison m’inspire un grand respect. Il me guide toujours. En quoi son combat est-il toujours d’actualité ? Il n’y a qu’à regarder l’état actuel de notre continent : un grand foutoir. L’Occident a persuadé l’Africain que son problème est économique. Alors qu’il est culturel, il est dans nos têtes ! C’est ce que nous devons changer. Il faut apprendre à décoder tous ces messages que l’on nous a fourrés dans le crâne. Et pour ça, il faut que les Africains apprennent d’où ils viennent. Il y a deux ans, j’ai été le porte-parole de l’Unesco dans le cadre de son projet Histoire générale de l’Afrique. Je devais échanger avec les artistes pour convaincre les dirigeants africains de l’importance de cet enseignement. Le peuple doit désormais accéder à ces neuf volumes de 1 000 pages chacun, écrits par des historiens noirs, et se réapproprier leur histoire. Aujourd’hui, l’Afrique ne sait pas où elle est ni où elle AFRIQUE MAGAZINE
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va, parce qu’elle ne sait pas d’où elle vient. Mais comme le monde est devenu un micmac, avec ce rêve américain qui se propage, ces individus qui s’enrichissent à l’infini pendant que d’autres s’appauvrissent à l’infini, ils pensent que la richesse est une reconnaissance divine, un cadeau de Dieu, c’est leur compréhension de la Bible ! Mais ils ne parlent pas des laisséspour-compte. Puisque l’être humain a sans doute besoin d’aller dans le mur pour s’arrêter et comprendre les choses… Alors, allons-y, prenons-nous ce mur en pleine face. Votre chanson « Le bout du chemin » raconte le parcours d’un immigré fuyant son pays, à qui l’on refuse l’accueil… L’immigration est un problème très présent dans notre environnement. Mais on n’entend pas les présidents de ces immigrants parler à ce sujet ! Pourtant, les chefs d’État occidentaux et africains en connaissent les causes. L’hypocrisie de la France me choque. Elle parle d’humanisme, mais accepte tous les investissements de ces présidents corrompus, qui ont volé l’argent à leur peuple. Les services secrets français savent au centime près ce qui provient d’Afrique. En plus, la monnaie de certains pays est fabriquée ici. S’il s’agissait de particuliers, la France serait un gros receleur ! Mais non, dans le cas des politiciens, c’est normal. Et l’on donne même l’impression d’aider l’Afrique en lui accordant des prêts, des aides… qui reviennent ensuite ici ! Ça ne dérange personne. Même si je ne raconte pas ça directement dans cette chanson, je voulais que l’on me pose 99
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une question à son sujet, comme vous le faites, pour soulever ce problème. Il y a eu une France courageuse, laquelle a beaucoup lutté pour les droits de l’homme. Pour ça, je suis très fier d’avoir la nationalité française. Au cours de son histoire, ce pays a connu des humanistes magnifiques qui ont inspiré le monde. Mais aujourd’hui, les politiques jouent le jeu de l’hypocrisie avec une maestria déconcertante… À quoi se réfère le morceau « 3e bureau » ? C’est un homme qui se plaint de sa femme, qu’il appelle son 3e bureau, car elle est en train de lui soutirer de l’argent, de l’endetter… Moi je veux dire à chaque femme que l’on traite de « bureau » de tout faire pour spolier leur mec jusqu’à ce qu’il se retrouve en caleçon, tiens ! Non, mais c’est quoi ça ? Plusieurs pays africains ont adopté cette expression. C’est honteux, l’on trouve normal que les femmes africaines soient réduites à des bureaux, que l’on se réfère à elles comme à des objets sexuels qui ont juste le droit de se taire. On voit des femmes avec des perruques des plus extraordinaires pour tenter de séduire un homme qui leur donnerait de l’argent… Je suis très choqué, il est temps d’éduquer notre peuple, les femmes ont un autre rôle que celui-là ! « Kivu’s Blues » vous a été inspiré par cette région de l’est du RD Congo, où sévissent depuis plus de vingt ans des guerres, des massacres, des viols de femmes et d’enfants. Vous évoquez aussi le silence du monde à ce sujet… Aujourd’hui, nous en sommes à plus de 6 millions de morts au Kivu. Quelle autre partie du globe peut supporter un nombre pareil sans que la machine ne s’arrête pour que l’on en parle ? Il y a la Monusco [Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo, ndlr] la plus importante et la plus coûteuse du continent. Ça ne change strictement rien à la situation. Le président est incapable de diriger, son incompétence est connue de tous, ici et là-bas. Le gouvernement
DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE 2018 : Transcendance 2016 : Riddles 2014 : Nzimbu 2011 : V.S.N.P. 2010 : 99 2010 : Jazz Sinfonica De Sao Paulo ◗ 2006 : Paradox ◗ 1983 : KinshasaWashington DC-Paris ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗
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n’exploite pas les mines de coltan [minerai utilisé pour la fabrication d’appareils électroniques, ndlr], il vend des terrains aux Chinois, aux Américains, aux Français… Et tout le monde les exploite en employant des enfants congolais, qui creusent des mines, des couloirs, qui s’effondrent régulièrement et font des milliers de morts. Kinshasa, la capitale de ce pays qui possède le coltan, le manganèse, le cuivre, l’eau, la forêt, est l’une des capitales les plus sales au monde. Dès que tu sors des quartiers des gouvernants, des expatriés, c’est un champ de boue. Quand je l’ai quittée en 1979, on l’appelait « Kin la belle ». Aujourd’hui, les Kinois la nomment « Kin la poubelle ». Quand il pleut, des enfants portent les gens en costume pour traverser les rues, afin qu’ils ne se mouillent pas. As-tu déjà entendu parler d’un métier pareil ? Aujourd’hui, ça existe à Kinshasa. Il paraît qu’il y a un président là-bas… Qu’il parte et laisse le peuple tranquille. Parce que les multinationales ont besoin de nos minerais, il faudrait garder ce pays dans cet état ? C’est abject, inhumain. Il faut que l’Occident ait pitié de nous, qu’il relâche son étau. Les armes de ces groupes qui pillent et violent les femmes ne sont fabriquées ni au RD Congo ni en Afrique. Elles viennent d’Occident, qui par ailleurs a des satellites très performants pour suivre à la trace les personnes. Malgré ça, il ne voit pas les 6 millions de morts. L’Afrique est assise sur une malle d’or et elle fait la manche, dites-vous… Oui. Encore une fois, notre problème n’est pas économique mais culturel. L’Africain est l’homme le plus facile à corrompre aujourd’hui. Tous ces dictateurs africains sont entourés d’une armée d’intellectuels, qui étudient ici, repartent avec des diplômes et commencent à mettre le pays en coupe réglée. Le dixième volume d’Histoire générale de l’Afrique est consacré aux diasporas africaines. Il raconte que ce ne sont pas les autres peuples qui sont venus prendre des gens pour les réduire en esclavage, mais que ce sont les Africains eux-mêmes qui ont collaboré avec des marchands. Il n’y avait pas de système de prisons. Si un enfant était jugé dangereux pour la communauté, on le vendait en esclavage à un autre peuple. C’est devenu une coutume de vendre allégrement tout ce qui dérangeait, à travers le monde. Actuellement, c’est la même logique. Les dirigeants africains ont vendu ceux qui étaient un peu trop intelligents, comprenaient un peu trop de choses. C’est ce qui se passe, avec cette immigration qui se retrouve coincée en Libye dans des camps, après une longue et pénible traversée du désert, tombant entre les mains des passeurs… C’est abominable, et c’est sur le sol africain, en 2018, pendant que les présidents se pavanent sur les réseaux sociaux avec leurs épouses. Vous regrettez aussi cette méprise envers les musiques traditionnelles, qui ne sont plus transmises aux jeunes… Ça fait partie de notre problème culturel. Le modernisme musical en Afrique est arrivé au même moment que l’explosion du show-biz, inventé par les Américains. Le sens AFRIQUE MAGAZINE
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Les musiciens traditionnels sont en train de mourir dans l’anonymat, ne laissant aucune vidéo à transmettre aux jeunes. » du concept est clair : le business du paraître. Et l’Afrique s’y est engouffrée ! La culture musicale américaine est d’une grande profondeur : ils ont les meilleurs orchestres symphoniques, de jazz, etc. Les grands musiciens sont célébrés. On ne les verra jamais dans un clip au bord d’une piscine avec une Maserati et des filles en bikini ! Mais l’Afrique a seulement perçu les paillettes de Beyoncé, et les transpose sur le continent, avec des musiques qui n’ont aucun lien avec la tradition. Les musiciens traditionnels sont en train de mourir dans l’anonymat, ne laissant aucun fichier audio ou vidéo à transmettre aux jeunes. Seuls quatre pays anglophones, le Ghana, le Kenya et un peu le Nigeria et l’Afrique du Sud, ont fait l’inventaire de leurs musiques traditionnelles pour les transcrire et les préserver. Dans la région du Sahel, il y a aussi un respect envers ces musiques, mais on ne les reporte pas pour les enseigner ensuite dans les écoles. En Afrique centrale, le peuple et les dirigeants appellent cela le folklore ! Elles sont amenées à disparaître, et on va se retrouver seulement avec le show-biz ! Je ne suis pas contre Beyoncé et les paillettes, mais il faut être conscient du plantage dans le sol. Nous avons un continent magnifique, des cultures très riches, avec des valeurs humaines très profondes. On ne peut pas jeter tout ça. Vous avez justement étudié ces musiques. En 1974, le gouvernement vous confie le poste de directeur des musiques du Ballet national du Zaïre, nom d’alors du RD Congo… Je suis parti à la découverte des musiques traditionnelles et de ses artistes, que je ramenais à Kinshasa. J’ai eu la chance de sillonner ce pays magnifique ! Quelle tristesse de le voir aujourd’hui bradé par Joseph Kabila et ses gouvernants. Le RD Congo est si vaste, avec cette forêt équatoriale… Cela devrait être une priorité de le faire connaître à ses habitants, AFRIQUE MAGAZINE
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car beaucoup l’ignorent. J’ai par la suite quitté ce poste car ils voulaient créer un opéra sur l’histoire de Mobutu et son parti, le Mouvement populaire de la révolution (MPR). Du jour au lendemain, on m’a tout repris : voiture, maison, tout ! J’étais redevenu un indigent [rires]. Sur ces entrefaites, j’ai été invité par la Fondation Rockefeller aux États-Unis. Puis j’ai vécu en Belgique, avant de m’installer en France, et ne suis retourné au RD Congo que trente-cinq ans plus tard. Quelle est la quête que vous poursuivez depuis votre entrée au séminaire, où vous avez appris la musique ? Adolescent, je voulais devenir prêtre. Depuis mon enfance, je suis fasciné par cet être que l’on appelle Dieu. Aujourd’hui, je suis toujours croyant, mais je n’ai pas de religion. Je posais souvent cette question au père recteur de ce séminaire chrétien catholique : d’après la Bible, si Dieu est omniscient, omnipotent et omniprésent, comment expliquez-vous l’existence de Satan ? C’est une erreur de Dieu ? Ou Satan est-il devenu si puissant que Dieu ne parvient plus à le calmer ? Ou Satan se cacherait-il là où Dieu n’est pas ? Mais puisqu’il est omniprésent… Ses trois qualités annihilent Satan. On ne peut donc pas parler de Satan si l’on parle de Dieu. Je reproche aussi aux religions de l’humaniser, ce serait un vieux monsieur, d’autres croient qu’il a créé un super jardin où il demeure, entouré de femmes. Il faut arrêter ce folklore ! Et l’on ne suppose pas que Dieu est une femme bien sûr, ce serait abominable pour certains ! Il faudrait dépasser cette manière de vivre la réalité divine, c’est la préhistoire de l’humanité. Puisqu’il est omniscient, omniprésent, omnipotent, il n’a pas besoin d’écrire des livres pour se faire connaître de nous. Nous sommes Lui. Ma quête n’en est plus une, et je n’ai pas besoin d’aller dans un temple : Dieu est partout. ■ Transcendance, Ray Lema, One drop/L’autre distribution, 2018
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Meryem Benm’Barek
«Plus on a de l’argent, plus on est libre»
Consacrée internationalement pour Sofia, la réalisatrice dresse un portrait sans concessions de son pays, un Maroc aux prises avec les pressions sociales, où femmes et jeunesse restent des sujets très « encadrés ». propos recueillis par Fouzia Marouf
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OLIVIER METZGER
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nstantanément, elle brise la glace. Sourire franc, AM : Comment êtes-vous venue au cinéma ? regard bleu azur, cascade de boucles blondes, Meryem Benm’Barek : J’aspirais à me tourner vers une voie Meryem Benm’Barek vous claque chaleureuseartistique, après l’obtention de mon baccalauréat arts plasment la bise dans un café populaire parisien. Une tiques. Comme le théâtre m’intéressait, j’ai débuté sur les grâce… Kelly des temps modernes, débordante planches en tant que comédienne, puis j’ai enchaîné des rôles de charisme, avec en prime un faux air d’Ingrid sur des plateaux, tout en écrivant en parallèle car l’écriture ne Bergman. Rompue au jeu d’actrice dans une m’a jamais quittée. Je ressentais fortement le besoin d’écrire, première vie, passée par les planches, la jeune car le jeu d’actrice ne me nourrissait pas suffisamment. Être femme montre une inclination pour l’écriture, actrice, de plus, est difficile puisque nous sommes soumises à qui l’emmène naturellement vers la réalisation. l’attente, au désir d’un autre. Je suis de nature très active, donc Née à Rabat en 1984, elle a partagé sa vie entre la France répondre uniquement à ce désir ne me comblait pas. Et c’est et le royaume chérifien, témoin des enjeux liés à l’émancipal’écriture qui m’a menée à la réalisation. tion des femmes, avec l’entrée en vigueur de la Moudawana, Pourquoi avez-vous choisi de revenir vivre ou aux mutations d’un néo-Maroc post-Printemps arabe sous au Maroc après vos études ? l’éveil du Mouvement du 20 février, écho contestataire d’une Je suis née à Rabat, et j’ai quitté le Maroc à l’âge de 5 ans. jeunesse ayant soif de liberté. Son troiMa mère ayant décidé de vivre en France, sième court-métrage, Jennah, réalisé dans j’ai alors fait ma scolarité à Paris, puis je le cadre de ses études de réalisation, avait suis allée à Bruxelles pour faire l’INSAS été sélectionné pour les Oscars 2015 sous (Institut national supérieur des arts du les couleurs du Maroc. Tourné à Bruxelles, spectacle), mais je n’ai jamais totalement il relatait le doute dans l’esprit et le corps coupé les liens avec le Maroc, auquel je suis d’une adolescente, cherchant sa place entre fortement attachée. Nous y retournions l’image renvoyée par sa mère et l’absence plusieurs fois par an pour les vacances. Et de son père. Son diplôme obtenu avec sucje n’ai jamais vécu cela comme un boulecès, Meryem décide de poser ses valises, versement. Après mon baccalauréat, j’ai ses livres, dans la mythique cité du détroit, ressenti le besoin de m’installer à CasaTanger, terre de passage, de brassage, de blanca durant un an et demi, puis après métissage. Et continue « d’observer et de mes études de cinéma, on m’a proposé de vivre au cœur de la société marocaine, travailler à la Cinémathèque de Tanger tiraillée entre tradition et modernité ». comme cheffe de projet. Entière, engagée, fidèle à un cinéma à la Ce thriller social, qui suit une mère Comment est née l’idée de Sofia ? veine naturaliste, elle a signé Sofia, drame célibataire (Maha Alemi), a reçu le J’y pensais depuis longtemps, mais qui ne cesse d’alimenter les colonnes de la Prix du meilleur scénario – Un certain j’avais envie de représenter les femmes critique parisienne, dithyrambique. Sorti regard au Festival de Cannes 2018. dans le monde arabe différemment. À en France et au Maroc en septembre dernier, ce thriller qui mes yeux, il manquait un élément à la représentation actuelle, réunit Lubna Azabal et Faouzi Bensaïdi suit les pas d’une mère car elles sont toujours associées au diktat du patriarcat. Je célibataire, joué par Maha Alemi, dans les venelles sombres de voulais proposer un autre regard, placer les femmes au cœur la métropole casablancaise. Récompensé par le Prix du meildu contexte socio-économique. Cela m’a permis d’aborder la leur scénario au Festival de Cannes 2018 dans la section Un façon dont l’argent est plus que jamais lié à la liberté dans la certain regard et le Valois du scénario au 11e Festival du film société marocaine. Vous déconstruisez l’image de femmes soumises francophone d’Angoulême, Sofia a également été couronné en montrant de façon suggestive des héroïnes qui par une pluie de prix à la 29e édition des Journées cinématiennent un rôle important dans le Maroc actuel… tographiques de Carthage, dont le prix TV5Monde, le prix Je voulais montrer la réalité, et non pas une vision biaisée. Taher Cheriaa et une mention spéciale. Quant à Sarah Perles, Il me tenait à cœur de traiter cette histoire avec pudeur à tranouvelle coqueluche du septième art marocain, qui joue la vers une mise en scène sobre, car je ne voulais pas que Sofia cousine de Sofia, elle vient d’être nommée dans la catégorie soit censuré au Maroc. Ce film suggère mon observation, mon Meilleur espoir féminin aux Césars 2019. Y aurait-il une griffe questionnement, je n’ai pas non plus la prétention d’y apporter Benm’Barek, qu’impose définitivement ce premier long-méde remède. Ma principale préoccupation est qu’il soit vu par trage ? En tout cas, Sofia est une quête de vérité sur les maux le plus grand nombre. et la pression sociale des femmes, des hommes au quotidien…
WIAME HADDAD (2)
Sofia évoque l’absurdité du système judiciaire. La jeune mère célibataire a 24 heures pour fournir les papiers du père de l’enfant avant l’alerte aux autorités, qui risquent de la condamner… C’est un prétexte scénaristique qui m’a permis d’introduire un thriller social et d’insuffler à mon film une dimension populaire, qui le rend plus accessible. Comme le font Asghar Farhadi et Nuri Bilge Ceylan, dont j’aime la sobriété. La mère de Sofia ne cesse de l’appeler pour savoir où elle est après son accouchement. Le drame familial est posé. Ses parents sont plus préoccupés par les origines sociales du père de l’enfant que par l’enfant lui-même. Diriez-vous que Sofia est un film sur la fracture sociale au Maroc ? Absolument. C’est cette réalité qui m’intéressait, ce film traite de la fracture sociale actuelle. Le déshonneur n’est pas lié au fait d’avoir des relations sexuelles hors mariage, mais à la classe sociale dont est issu Omar. Les parents de Sofia se demandent rapidement, en faisant sa connaissance, s’il va les élever ou les abaisser socialement. Omar, jeune homme natif de Derb Sultan, un quartier très populaire de Casablanca, est aussi victime de sa condition sociale. Cette question m’interpellait. Le statut de victime est-il lié au genre ou au statut social ? En observant le monde actuel, on se rend compte que les femmes sont victimes par rapport aux lois économiques. Mais Sofia montre Omar, un homme à l’état de proie car il se trouve au bas de l’échelle sociale. Épouser Sofia, issue de la classe moyenne, lui assure un meilleur statut. Quel a été l’accueil du film depuis sa sortie au Maroc le 19 septembre dernier ? Le public l’a aimé, les avis ont été plutôt partagés dans la bourgeoisie. Quant à la presse, elle s’est gardée d’évoquer la fracture sociale, pourtant thème principal : les médias arabophones l’ont perçu comme une œuvre qui déconstruit les clichés, et côté francophone, il a été qualifié de « film cliché » en s’arrêtant au fait que le personnage de Sofia ne parle pas français et porte une djellaba. A-t-il suscité le débat ? Libérer la parole des femmes ? Aïcha Ech-Chenna, féministe et fondatrice de l’association AFRIQUE MAGAZINE
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En haut, Sofia et sa famille (Faouzi Bensaïdi joue son père, tout à droite) sont issus de la classe moyenne… … à l’inverse du père présumé de l’enfant, Omar (Hamza Khafif, ci-dessus), qui se trouve au bas de l’échelle sociale.
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Solidarité féminine, qui défend depuis plus de trente ans les mères célibataires, a soutenu votre film. Oui, Sofia a heureusement alimenté le débat à l’issue de plusieurs projections, qui se sont tenues dans différentes villes. Je n’irai pas jusqu’à dire que les langues se sont franchement déliées, mais j’ai eu de longs échanges avec le public sur la notion de parole, car il y avait des femmes issues de la bourgeoisie qui ne comprenaient pas que le viol reste impuni, que Sofia utilise le système afin de s’en sortir sans dénoncer son agresseur. Or, c’est ce que je m’attache à mettre en évidence. On m’a parfois reproché de ne pas dénoncer le viol. Et je montre à travers le récit comment ce même système pousse une femme victime d’un crime à se taire. Au-delà de cet aspect, je pense que le film ne m’appartient plus, il va à présent à la rencontre de divers publics, libres de réfléchir à la fin ouverte. Certains l’ont mal interprété en disant que les riches y sauvent les pauvres. Au contraire, je dirais que c’est justement un film qui dénonce l’oppression du faible par le fort. Finalement, chacun a sa propre lecture, d’autant que j’ai choisi de recourir au sous-texte, aux non-dits tout au fil de la narration, car ils font partie intégrante de nos sociétés. J’ai de plus été très touchée et honorée de voir Aïcha Ech-Chenna assister à l’une des projections. C’est une femme dont l’engagement depuis plusieurs années auprès des mères célibataires marocaines force le respect. La sortie de Sofia correspond à l’entrée en vigueur le 12 septembre dernier de la loi 103-13 contre les violences faites aux femmes… Je salue bien évidemment cette loi qui est une réelle avancée. C’est très louable, mais le plus difficile est à venir, la société doit favoriser l’évolution des mentalités. Autre étape cruciale et décisive qui va de pair avec cette loi si l’on veut qu’elle entre vraiment dans les faits. Cela nécessitera encore du temps. Vos films relatent le destin de femmes issues de différents milieux sociaux et générations confrontées à des bouleversements identitaires ou aux prises avec l’hypocrisie de la société. Avez-vous une fascination pour les problématiques féminines ? Je ne parlerais pas de fascination pour les sujets féminins, mais j’ai grandi au sein d’une famille où les femmes sont omniprésentes. J’ai été principalement entourée par ma mère, mes tantes, mes cousines, qui incarnent des femmes fortes et accomplies. Par conséquent, j’ai assisté à leurs bouleversements, je les connais mieux, et c’est pourquoi les hommes en sont effacés car j’avoue les connaître très peu. Ils restent un grand mystère pour moi, je ne sais pas comment ils fonctionnent. J’ai perdu mon père très jeune. On puise toujours au cœur de ce que l’on connaît. Jennah, votre troisième court-métrage, a représenté le Maroc dans la course aux Oscars 2015. Sofia 106
a reçu le Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes 2018 dans la section Un certain regard ainsi que le Valois du scénario au Festival du film francophone d’Angoulême. Qu’est-ce que cela vous inspire ? C’est un profond soulagement doublé d’une belle récompense. Ces prix sont des baumes qui me rassurent, car s’engager dans la voie de la réalisation exige beaucoup d’abnégation et de sacrifices au quotidien : il est difficile de vivre du cinéma, même si c’est ma passion. Ma vie n’a pas changé, je vais prendre des cafés à République, à Paris, avec mes copines, mais avoir ce genre de reconnaissance m’encourage et me procure la sensation d’avoir bien accompli ce que je souhaitais. Paradoxalement, cela implique aussi une forme de pression puisque le scénario représente la première étape marquante d’un film. En fait, j’essaie de ne pas trop lire les critiques pour rester en accord avec moi-même, être sincère : ça touche davantage les gens. Je ne veux pas travestir mon art, je veux rester intègre. Vous filmez de manière réaliste un autre personnage emblématique, Casablanca, une métropole puissante, violente, impitoyable. Le choix de Casa s’imposait naturellement. C’est la ville marocaine que je connais le mieux. Elle représente le poumon économique dans un violent rapport de force et de pouvoir, dans une frénésie incessante. Elle reste la mégacité où tous les Marocains affluent en quête d’un avenir meilleur. AFRIQUE MAGAZINE
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« Nous sommes face à une jeunesse sans
perspective
ni horizon, désœuvrée et livrée à elle-même et au pire. »
CLAIRE DUMAS/GETTY IMAGES
Le long-métrage a été récompensé du Valois du scénario au Festival du film francophone d’Angoulême, en août dernier.
Vous montrez sans filtre des personnages bien sous tous rapports, politiquement corrects, être capables des pires crimes sans aucun état d’âme. Sofia est une radioscopie du Maroc, qui révèle la façon dont l’argent et le pouvoir priment sur une société dénuée de morale. Il s’agit là de la question de la liberté, qui se déploie selon différents degrés en fonction du milieu auquel on appartient. Plus on a de l’argent, plus on est libre. Et aussi libre au Maroc qu’on peut l’être à Miami. C’est réellement une déclaration que j’ai entendue à Casablanca. On est au cœur de la question fondamentale du film : comment une société qui fonctionne comme un rouleau compresseur pousse-t-elle les individus à prendre des décisions, ou à agir sans foi ni loi ? Jusqu’à en arriver à des situations dramatiques. Cela nous emmène à la séquestration et au viol de Khadija [nouveau drame survenu dans le village d’Oulad Ayad fin août, ndlr] : nous sommes face à une jeunesse sans perspective ni horizon, désœuvrée et livrée à elle-même et au pire. C’est le résultat d’une société pleine d’inégalités, dénuée de justice, qui laisse sa jeunesse en proie à de profondes frustrations. Ces jeunes ont besoin de se projeter, de créer, de s’élever, d’être soutenus et accompagnés dans leurs projets, et non d’être écrasés. Lorsque vous viviez au Maroc, avez-vous ressenti en tant que femme seule le regard intrusif, voire oppressif de la société ? AFRIQUE MAGAZINE
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[Éclat de rire.] La réponse se trouve dans votre question. Bien entendu ! J’ai quitté Tanger car je trouvais que les choses reposaient sur un modèle dicté par le groupe. Or, la notion d’individualité ne peut s’accomplir au nom du groupe. Je suis quelqu’un de foncièrement indépendant. Je ne m’y sentais pas apaisée, je ressentais constamment les regards intrusifs à mon égard. J’étais encore jeune à cette époque, je refusais de m’en accommoder, alors que certaines personnes le peuvent. Notamment ceux qui vivent au sein d’un milieu privilégié, comme en Europe. Je pense à une poignée de personnes liée à la sphère artistique au Maroc. Mais Tanger est une petite ville qui offre un microcosme restreint. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que ce regard a changé, les gens parlent de moi par rapport à mes films, et non plus pour s’immiscer dans ma vie privée. Que faites-vous pour vous évader ? J’adore passer du temps avec ma famille, ma mère, mes sœurs et mes amis. C’est quelque chose dont j’ai fortement besoin pour me ressourcer. J’avoue ne plus en avoir le temps depuis la tournée internationale du film. Je ne peux pas être aux côtés de ceux que j’aime. Je me suis engagée pour une durée de présentation en festival de trois mois, à Tunis, Berlin, au Caire, au Soudan et à Stockholm. Ensuite, je retournerai auprès de mes proches et à l’écriture d’un nouveau long-métrage. Je ne sais pas encore si l’histoire se déroulera au Maroc ou en France. ■ 107
LE GRAND DÉBAT
L’HÔTELLERIE, NOUVELLE MINE D’OR ? De 2 000 à 3 000 hôtels à construire, soit environ 350 000 nouvelles chambres, c’est l’estimation vertigineuse des besoins du continent. Un potentiel convoité par les géants mondiaux du secteur. Mais aussi par les outsiders locaux.
par Jean-Michel Meyer
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out un symbole. Le mythique palace de Marrakech La Mamounia est à privatiser partiellement. Le gouvernement marocain envisage d’introduire à la Bourse de Casablanca de 5 à 10 % du capital du joyau de l’hôtellerie de luxe marocaine en 2019. Fierté des Marocains, le prestigieux établissement a été sacré, le 9 octobre, « meilleur hôtel au monde » et « meilleur hôtel en Afrique », dans le classement 2018 des 50 plus beaux palaces de la planète, établi par le magazine américain Condé Nast Traveler. Signe que le marché hôtelier africain suscite des convoitises, il ne s’agit pas, cette fois, de la cession d’un gisement minier ou de la privatisation d’un opérateur télécom. Qui mettra un pied dans le palace cinq étoiles, le plus ancien hôtel de Marrakech ? Les ténors mondiaux sont à l’affût d’opportunités en Afrique. L’année 2018 a été rythmée par les annonces d’investissements. Avec un pic, début octobre, lors du Forum africain des investissements hôteliers, à Nairobi (Kenya). Ibis Styles Nairobi, Adagio Abidjan, Novotel Alger, Pullman Ikoyi à Lagos… le groupe AccorHotels, l’un des leaders mondiaux, a annoncé une année record de développement en Afrique. « Au fil des années, grâce à notre croissance organique et à nos acquisitions, dont la plus récente est celle de Mövenpick Hotels & Resorts [un groupe suisse racheté en septembre 2018 pour 482 millions d’euros, ndlr], nous nous sommes développés sur l’ensemble du continent, opérant désormais dans 24 pays, avec plus de 150 hôtels », précise à Afrique Magazine Mark 108
Willis, le nouveau directeur général d’AccorHotels MoyenOrient et Afrique, arrivé en septembre. Une opération qui a permis au groupe d’ajouter 50 hôtels à son portefeuille africain. Mais c’est en juillet dernier qu’AccordHotels a frappé fort. Associé au mastodonte qatari Katara Hospitality, actif dans 100 pays avec près de 4 500 hôtels, le groupe français a lancé un fonds d’investissement dédié à l’Afrique subsaharienne. D’une capacité d’investissement supérieure à 1 milliard de dollars, il devrait permettre à AccorHotels de piloter un réseau de 250 établissements d’ici à 2025.
BOULIMIE D’INVESTISSEMENTS
L’américain Marriott International n’est pas en reste. Il gère déjà près de 140 hôtels dans 21 pays du continent et compte plus de 60 établissements en développement. L’objectif est d’atteindre les 200 hôtels et 38 000 chambres en exploitation ou en projet dans les cinq ans. « Ce qui devrait générer 12 000 nouveaux emplois », a complété le groupe dans un communiqué, le 1er octobre 2018. Autres acteurs historiques sur le continent, Hyatt se renforce par le haut de gamme avec six nouveaux hôtels Hyatt Regency dans les deux ans, tandis que Hilton totalise 53 établissements en développement sur le continent. Démarche identique pour Radisson Hotel Group. La filiale du conglomérat chinois HNA veut porter sa capacité d’accueil à plus de 23 000 chambres aménagées dans 120 hôtels d’ici à 2022. Cette boulimie d’investissements se traduit dans les AFRIQUE MAGAZINE
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Une suite du palace La Mamounia, à Marrakech.
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TOP 10 DES CHAÎNES HÔTELIÈRES EN AFRIQUE Groupes
1
AccorHotels
65
8 794
111
19 600
2
Hilton Worldwide
36
8 501
39
11 192
Radisson
38
7 683
109
12 925
34
7 338
32
7 083
26
5 765
34
9 631
10
2 409
2
759
17
2 329
-
-
8
2 292
9
2 000
19
1 997
6
547
7
1 866
23
5 155
260
48 974
347
65 297
3 4 5 6 7 8 9 10 Total
Marriott
Starwood Rotana
Mangalis FRHI
Swiss
Mövenpick
chiffres. Selon le baromètre 2018 du spécialiste du marché africain W Hospitality Group, 418 hôtels sont en construction ou en développement sur le continent cette année, en hausse de 14 % par rapport à 2017. Ce qui correspond à 76 322 chambres supplémentaires pour cette année. En 2009, année où « l’Afrique commençait à peine à devenir le centre d’intérêt des chaînes hôtelières », note le rapport, le pipeline de projets s’élevait à 144 établissements pour 30 000 chambres. La marge de progression demeure considérable. « Le besoin est estimé entre 2 000 et 3 000 hôtels ! Soit environ 350 000 chambres », précise Olivier Jacquin, le directeur général du groupe hôtelier Mangalis [voir interview page 112]. Ce qui explique la bagarre que se livrent les géants du marché. Car seulement 6 % de l’offre en Afrique appartient à des groupes hôteliers. L’essentiel du marché est tenu par des hôtels indépendants.
PROGRESSION DE LA DEMANDE
« L’Afrique est l’un des continents dont la croissance est la plus rapide au monde. Au cours des vingt prochaines années, 25 % de la population mondiale sera sur ce continent. De pair avec cette croissance exponentielle, nous nous sommes engagés à porter notre réseau de 8 % à plus de 25 % de notre activité en Afrique », enchaîne Mark Willis. « L’amélioration des liaisons aériennes et la croissance économique robuste soutiennent la demande dans l’hôtellerie sur le continent et incitent ces dernières années les grands groupes mondiaux à investir pour se développer en Afrique subsaharienne », complète le groupe Marriott. Outre la réduction des contraintes pour obtenir un visa sur le continent et le développement d’infrastructures, l’Union africaine a lancé, en février 2018, le système de transport aérien unique en Afrique (Open Sky). Il doit améliorer les connexions intra-africaines et favoriser l’essor du secteur. Et en attendant l’émergence d’une classe 110
Destinations les plus demandées selon les réservations
International 40 % Afrique 60 % Origine des voyageurs
Loisirs 20 %
Affaires 80 %
Profil des voyageurs
Réservations par standing d’hôtels 6%
*
27%
**
44%
***
19%
4%
**** *****
moyenne et le boom annoncé du tourisme africain, qui pèse pour 8 % du PIB du continent, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a comptabilisé 63 millions d’entrées internationales sur le continent en 2017, en hausse de 9 % par rapport à 2016. Ce contexte élargit le spectre de la demande, à la fois pour des infrastructures hôtelières aux normes internationales et AFRIQUE MAGAZINE
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Rang
ALGÉRIE MAROC CÔTE D’IVOIRE NIGERIA KENYA
À VENIR EN SERVICE Hôtels Chambres Hôtels Chambres
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pour des établissements plus économiques. « Nous couvrons tous les segments du marché avec 15 marques présentes », détaille Mark Willis. « L’Afrique est un continent d’une telle complexité et d’une si grande richesse culturelle qu’il ne pourrait exister une unique marque qui conviendrait à tous », justifie-t-il. Pour s’adapter, autant solliciter les compétences locales. En 2014, Marriott s’est emparé du sud-africain Protea, à la tête de 116 hôtels. « Nous considérons comme primordial de collaborer avec les partenaires locaux en faisant appel à leur expertise et leur connaissance du marché », confirme Mark Willis. En avril dernier, AccorHotels a pris une participation de 50 % dans le conglomérat sud-africain du voyage et de l’hôtellerie, Mantis Group (lodges cinq étoiles, boutiques d’hôtels, écolodges, croisières de luxe, tourisme d’aventure, etc.). Les groupes hôteliers africains ne sont pas forcément condamnés à devenir les proies ou les faire-valoir des géants mondiaux. Plusieurs acteurs n’ont pas à rougir. Le pionnier, Azalaï Hotels, du Malien Mossadeck Bally, s’étend dans six pays d’Afrique de l’Ouest avec une dizaine d’hôtels. Le groupe veut doubler de taille d’ici à 2022 avec des ouvertures à Dakar, Conakry, Niamey et Douala. Quant au dernier venu, en 2012, Mangalis, il propose une offre allant du deux au cinq étoiles. Ces outsiders ont un atout de taille. Leur offre est plus adaptée à une clientèle africaine. Car c’est par le tourisme d’affaires, avec des établissements de quatre et cinq étoiles, en se concentrant sur les capitales et en privilégiant un développement côtier, que les marques internationales ont conquis l’Afrique. Mais l’explosion démographique du continent constitue un immense appel d’air pour une offre hôtelière, quasiment inexistante, à l’intérieur des terres, dans les villes de 100 000 à 1 million d’habitants. Ces villes secondaires auront besoin de deux et trois étoiles, de 40 à 50 chambres. Un créneau qui n’attirera pas les grands noms, la norme internationale impose un minimum de 60 chambres. « À nous d’apporter des solutions », lance Olivier Jacquin. Reste que des obstacles demeurent. Dans un hors-série sur le « secteur hôtelier et touristique en Afrique, un marché en plein essor », publié en juin 2018, Proparco, filiale de l’AFD (Agence française de développement), tente de les relever : instabilité politique, manque de visibilité sur les principaux marchés, absence d’un cadre institutionnel et administratif incitatif, inexistence quasi totale de formations de personnel en hôtellerie, absence de structure financière dédiée, développement de filières d’hébergement informel, poids des taxes, coûts élevés de services de base (eau, électricité, télécommunications), instabilité des débits Internet qui rend aléatoire les paiements en ligne, non-respect des normes de construction, etc. Une étude conduite en début d’année par le cabinet de consultants Hotel Partners Africa sur les établissements construits dans des villes clés révèle que les retards d’ouverture sont en moyenne de quatre ans en Afrique subsaharienne. AFRIQUE MAGAZINE
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L’hôtel Hilton, dans le quartier d’Upper Hill, à Nairobi.
Le Noom Hotel de Conakry.
L’hôtel Hyatt Regency de Johannesbourg.
« Le problème, c’est que les prestataires peu qualifiés et inexpérimentés sont souvent aussi les moins chers », relève dans ce hors-série de Proparco David Harper, responsable des services immobiliers de Hotel Partners Africa. Enfin, « les risques liés à l’insécurité ternissent l’image des destinations et limitent les flux touristiques », note Mossadeck Bally, président du groupe Azalaï Hotels. « Les procédures de sécurité ont bien entendu été considérablement renforcées. La problématique de la sécurité concerne aujourd’hui toutes les régions du monde, et ne se limite pas uniquement en Afrique », insiste Mark Willis. ■ 111
INTERVIEW
OLIVIER JACQUIN DIRECTEUR MANGALIS HOTEL GROUP
« Proposer une offre africaine » propos recueillis par Jean-Michel Meyer
L’homme dirige depuis 2014 Mangalis, la division hôtelière de la holding africaine Teyliom, présidée par Yérim Sow. Teyliom Group est aussi présent dans la banque, l’immobilier, l’énergie, l’agro-industrie et les télécoms.
112
AM : Que recouvre votre offre hôtelière en 2018 ? Olivier Jacquin : Nous répondons à une offre globale couvrant la quasi-totalité des besoins du secteur. Du segment économique avec une dominante lifestyle que propose l’enseigne Yaas au moyen de gamme réinventé avec la marque Seen pour finir dans le haut de gamme avec Noom et sa nouvelle inspiration du segment premium. À travers nos trois enseignes, nous cherchons toujours à nous différencier tant sur le design que sur la partie opérationnelle. Nous avons dans notre ADN la volonté de collaborer avec les meilleurs, sans faire de compromis. Ainsi nous travaillons avec le cabinet d’architectes sud-africain Saota, l’un des plus grands d’Afrique, ou encore avec FutureBrand à Paris pour la partie branding. Il faut faire du voyage d’affaires en Afrique un plaisir, pas une contrainte ! Votre terrain de développement, c’est essentiellement l’Afrique de l’Ouest ? Nous sommes présents de Dakar à Kinshasa, notre marché source c’est l’Afrique de l’Ouest, avec deux zones principales d’activité que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Mangalis, c’est combien d’hôtels ? Pour nos hôtels en propre, propriétés du groupe Teyliom, nous avons dix projets dont trois ouverts en 2016 et 2017, avec chronologiquement le Noom Hotel Conakry, suivi du Yaas Hotel Dakar Almadies puis du Seen Hotel Abidjan Plateau, soit une offre de 423 chambres. Et votre calendrier d’ouvertures en 2019 ? 2019 constituera une année pivot avec l’ouverture de quatre nouveaux hôtels. D’abord le Noom Hotel Niamey au Niger en mai, prévu pour le sommet de l’Union africaine de juillet 2019, puis le Noom Hotel Cotonou au cœur de la capitale économique béninoise en juin. Suivra en
octobre l’ouverture de notre flagship : le Noom Hotel Abidjan Plateau, une tour de 24 étages en plein cœur de la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Et finalement le lancement du Noom Palms Assinie, notre premier resort sous cette enseigne, dans le spot balnéaire renommé à une heure d’Abidjan. Quels sont vos projets à plus long terme ? Aujourd’hui, nous nous attelons à attirer des partenaires privés ou institutionnels qui souhaitent investir dans l’hôtellerie en leur faisant bénéficier de notre expertise, avec notre cahier des charges et la passion qui nous anime. Beaucoup d’entrepreneurs africains veulent diversifier leur portefeuille d’activités. Avoir un investissement immobilier, un hôtel donne du sens à un patrimoine. Le secteur du tourisme va connaître un fort développement en Afrique et la rentabilité est très bonne. Quel est le montant des investissements ? L’investissement nécessaire pour la réalisation d’un Yaas est de 70 000 à 80 000 euros la clé selon les destinations. Pour un projet Seen, il faut compter environ 100 000 euros la clé et pour un projet Noom, entre 140 000 et 150 000 euros. Nos projets varient entre 90 et 250 chambres pour des coûts de construction et livraison clé en main entre 7 et 30 millions d’euros. Quelles sont les perspectives du marché hôtelier africain ? C’est la question fondamentale. L’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050 ! C’est phénoménal. Mais quelle est la réponse en matière hôtelière ? En Afrique de l’Ouest, seulement 6 % de l’offre est gérée par des groupes hôteliers contre 44 % en Europe et 70 % aux États-Unis. Autre chiffre du cabinet d’expertise W Hospitality, le pipeline 2018 est de 418 hôtels pour 76 000 chambres, en construction ou en
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développement, pour le continent tout entier avec des ouvertures prévues entre 2019 et 2022. Ce n’est rien comparé au besoin estimé par les experts qui oscille entre 2 000 et 3 000 hôtels ! Soit environ 350 000 chambres. Le défi hôtelier n’est-il pas plutôt à l’intérieur des terres, ou dans les villes secondaires ? Les capitales et villes principales sont généralement bien équipées en hôtels quatre ou cinq étoiles et certaines villes comme Conakry, Cotonou, N’Djamena ou Niamey, pour ne citer qu’elles, ont rattrapé leur déficit. C’est dans les segments dits deux ou trois étoiles qu’il y a un manque crucial dans les grandes villes et les villes secondaires et tertiaires. À titre d’exemple : le Sénégal va lancer un vaste projet de cinq cités universitaires à travers le pays, il faudra des petits hôtels adaptés pour le corps professoral et autres prestataires. En Côte d’Ivoire, dans la ville de Soubré et son nouveau barrage ou dans la ville portuaire de San Pedro, l’offre est insuffisante et ne correspond pas aux standards d’aujourd’hui. Est-ce sur ce marché que les groupes africains ont une carte à jouer ? Complètement, et c’est notre créneau avec la marque Yaas. S’il faut réaliser un hôtel de 40 ou 45 chambres, nous saurons apporter une soluAFRIQUE MAGAZINE
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tion technique et opérationnelle, ce qui n’est pas dans le cahier des charges des grands groupes. L’essor du tourisme est-il une autre piste ? L’Afrique possède des destinations fortes qui regorgent de spots exceptionnels. Il faut apporter dès lors des projets novateurs, structurants et à fortes valeurs ajoutées afin de faire de ces destinations de vraies alternatives aux Caraïbes ou à l’Asie. Nous avons deux projets en réflexion au Sénégal qui apporteront un souffle nouveau et qui s’inscrivent pleinement dans la nouvelle politique de redéploiement du tourisme principalement supportée par l’ouverture du nouvel aéroport international Blaise-Diagne. Les clients africains participeront-ils à cet envol touristique ? Le volet touristique passera bien entendu par les Africains eux-mêmes. Or aujourd’hui, les classes moyenne et supérieure ne passent pas de vacances en Afrique, mais à Dubaï, en Europe ou aux États-Unis. Notre objectif est de contribuer à ce que les locaux s’approprient les pays du continent, le tourisme de loisirs aura alors des années exceptionnelles devant lui ! Dans cinq ans, comment parlera-t-on du groupe Mangalis ? J’espère comme le groupe régional de référence en Afrique. ■
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C’est dans les segments dits deux ou trois étoiles qu’il y a un manque crucial dans les grandes villes comme dans les villes secondaires et tertiaires.
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FOCUS
LE SÉNÉGAL FACE AU PARADOXE DE L’ABONDANCE Le pays pourrait devenir le 5e producteur de pétrole d’Afrique de l’Ouest à partir de 2022. Attendant cette manne, il se prépare à gérer le cash-flow. Reste à échapper aux effets pervers de la rente…
L
e compte à rebours est engagé. À partir de 2022 ou 2023, le Sénégal devrait basculer du statut de pays qui consacre environ 10 % de son PIB à sa facture pétrolière à celui d’un pays qui regorge d’or noir et de gaz. « En intégrant les récentes découvertes en Côte d’Ivoire, au Liberia, au Ghana et en Mauritanie, il est envisageable que le Sénégal devienne le 5e eldorado pétro-gazier de l’Afrique de l’Ouest à l’horizon 2023. Les réserves sont en effet estimées en 2018 à 473 millions de barils de brut et 700 milliards de mètres cubes de gaz naturel », relève Stéphane Essaga, le directeur du Centre africain de recherche sur les politiques énergétiques et minières (Carpem). Et selon une estimation établie en juin dernier par le directeur général de la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen), les recettes attendues s’élèvent à plus de 16 000 milliards de francs CFA (25 milliards d’euros) sur trente ans. Comment négocier ce virage sans sortie de route ? Le Sénégal attend sa manne pétrolière depuis des décennies. Avant la découverte des premiers gisements exploitables à partir de 2014, plus de 20 compagnies pétrolières ont réalisé, à terre et en mer, près de 168 forages entre 1952 et 2014 pour plus de 760 millions d’euros investis, d’après la Petrosen. Après tant d’années à ronger son frein, le pays saura-t-il gérer sa rente pétrolière avec 114
discernement pour échapper au fameux syndrome hollandais ? Les autorités s’y préparent depuis des années, mais cela suffira-t-il quand jaillira l’or noir ? « Dès mon accession à la magistrature suprême en 2012, j’ai placé la gouvernance transparente des ressources naturelles au rang des priorités du gouvernement », a rappelé le président de la République du Sénégal, Macky Sall, le 1er novembre 2018, lors de la Conférence africaine sur « la transparence de la propriété réelle », coorganisée par le gouvernement sénégalais et l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), une organisation internationale chargée de veiller à ce que les revenus des ressources naturelles soient gérés de manière transparente.
croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général ». « Je me suis engagé à rendre publics tous les contrats pétroliers et miniers », a martelé Macky Sall le 1er novembre. Le registre du commerce et du crédit mobilier recueillera les données sur les bénéficiaires effectifs des entreprises pétrolières, gazières et minières. Par ailleurs, le Code pétrolier est en cours de révision pour intégrer les nouvelles exigences de transparence et mieux encadrer les projets pétroliers et gaziers. « Dans la même dynamique, je soumettrai très prochainement à l’Assemblée nationale un projet de loi d’orientation sur le partage des recettes tirées de l’exploitation future des hydrocarbures, et un projet de loi sur le contenu local », a insisté Macky Sall. « L’exceptionnel destin énergétique sénégalais a attiré toutes sortes d’attentions, les pouvoirs publics, les bailleurs de fonds internationaux et la société civile… Cette attention jointe à un activisme de tous les instants conduit à ce que j’appellerais une “enflure technique” : la multiplication des instances de propositions dans le cadre de l’amélioration du Code pétrolier conduit à des propositions trop importantes pour être toutes absorbées car parfois contradictoires, subjectives ou précipitées », analyse Stéphane Essaga. Autre risque de confusion et de contentieux : la multiplication des
NOUVELLES EXIGENCES
Et le chef de l’État d’invoquer une loi en 2012 sur la transparence dans la gestion des finances publiques, l’adhésion du Sénégal à l’ITIE en 2013 et la création de l’OFNAC, une autorité administrative indépendante dans la lutte contre la fraude et la corruption dotée d’importants pouvoirs d’investigation. Et en mars 2016, la Constitution a été révisée par référendum pour ajouter un alinéa à l’article 25-1 qui stipule que « l’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une AFRIQUE MAGAZINE
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En 2022, l’État devrait regorger d’or noir.
opérateurs pétroliers, surtout des petits acteurs inconnus de ce secteur. « La variété des opérateurs est source d’originalité. À des compagnies internationales confirmées telle Total ou moyennement connues telle Kosmos Energy se joignent un ensemble de petites sociétés pétrolières n’ayant pas la même expérience », relève le directeur du Carpem.
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GESTION DES RESSOURCES
Malgré les garde-fous mis en place par les autorités en matière de transparence, la question de la gestion des ressources pétrolières et gazières reste explosive. L’année 2019 devrait être déterminante. D’autant que le sujet coïncide avec la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 24 février 2019. La société publique du pétrole, Petrosen, a annoncé l’attribution de dix blocs pétroliers au premier semestre de l’année prochaine. Et l’opposition met systématiquement en doute la volonté de transparence affichée par le chef de l’État. « C’est parce qu’il y a une nébuleuse totale dans la gestion de AFRIQUE MAGAZINE
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L’opposition politique met systématiquement en doute la volonté de transparence affichée par le chef de l’État. ces ressources », lançait le 1er novembre Thierno Bocoum, candidat de l’Alliance générationnelle pour les intérêts de la République (AGIR). La nomination par Macky Sall, en 2012, alors qu’il est fraîchement élu, de son beau-père Abdourahmane Ndiaye comme président du conseil d’administration de Petrosen a marqué les esprits. Tout comme, la même année, les conditions d’attribution encore obscures de deux blocs à Petro-Tim Limited, représentée par le frère du chef de l’État, Aliou Sall. Le Sénégal est au pied du mur pour savoir si le pays se sortira du « paradoxe de l’abondance », qui voit souvent, dans les pays qui tirent une forte rente de l’exploitation du pétrole, le développement de la corruption, une
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faible redistribution vers la population, et la fragilisation du tissu économique, de la cohésion sociale et des institutions politiques. Le pays de la teranga apprendra vite aussi s’il lâche la proie pour l’ombre. « Le Sénégal, contrairement à beaucoup de pays africains, a été chanceux de ne pas avoir de pétrole », provoque Philippe Chalmin. Le professeur d’histoire économique à l’université Paris-Dauphine discerne « une corrélation entre la maturité politique du Sénégal et le fait que depuis son indépendance il n’y a pas eu de coup d’État ni de guerre civile. Cela peut être expliqué par le fait qu’il n’y avait pas de pétrole ». Au Sénégal de prouver dorénavant que pétrole et démocratie sont compatibles en Afrique. ■ J.-M.M. 115
PERSPECTIVES
BOURSE AGRICOLE
Le Ghana veut sa Bourse verte
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remières cotations pour la Ghana Commodity Exchange (GCX). Depuis le 7 novembre 2018, le Ghana a lancé à Accra une Bourse de produits agricoles. Au cours des douze prochains mois, elle facilitera l’échange d’aliments de base : maïs, soja, riz, haricots secs, mil, sorgho et arachide, avec l’objectif de favoriser la sécurité alimentaire du pays. Détenue à 100 % par l’État ghanéen, la Bourse envisage de commercialiser entre 30 000 et 50 000 tonnes de produits pendant sa première année d’existence. Après un ou deux ans d’exploitation, elle étendra son activité aux produits échangés sur les marchés internationaux, comme le café, le cacao,
116
en Afrique : la South African Futures Exchange (SAFEX), fondée en 1990 (blé, soja, maïs, etc.), et l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX), qui a vu le jour en 2008 (café, haricots, maïs et blé). En attendant de se hisser sur la scène régionale, la GCX doit d’abord servir à soutenir le million d’agriculteurs ghanéens qui nourrissent un pays de 29 millions d’habitants. « Beaucoup d’agriculteurs n’ont qu’une connaissance limitée de la valeur réelle de leurs produits. Et la plupart des transactions s’effectuent oralement. Souvent, aucun accord contractuel formel n’est mis en place, ce qui entraîne de nombreux contentieux commerciaux », a déploré le chef de l’État. Selon les autorités, un
la noix de cajou, mais aussi du bois d’œuvre ou du beurre de karité. Et d’ici trois ans, des métaux, des minéraux, du pétrole et du gaz devraient être cotés sur la GCX.
VENDRE AU MEILLEUR PRIX
« La Ghana Commodity Exchange, plate-forme d’achat et de vente de produits, est la première du genre en Afrique de l’Ouest et l’une des trois seules à opérer sur le continent africain », a insisté le président de la République Nana Akufo-Addo, en donnant le départ des premières transactions électroniques de maïs blanc et jaune. La GCX rejoint ainsi le cercle fermé des deux Bourses de produits de base AFRIQUE MAGAZINE
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JANE HAHN/PANOS-RÉA
L’objectif : sécuriser le revenu des agriculteurs, et structurer toute la filière agricole. Ce qui pourrait, à terme, créer 200 000 emplois.
million d’agriculteurs seront intégrés à la Bourse, un marché réglementé basé sur des contrats à terme. Ils seront informés en temps réel sur les cours et ils pourront ainsi vendre au meilleur prix des produits qui seront récoltés dans plusieurs mois. L’agriculteur comme l’acheteur seront protégés par la baisse ou la hausse des cours futurs. Pour accéder à la plate-forme d’échanges, les agriculteurs bénéficieront d’un dispositif de stockage sécurisé. Il sera mis en place dans les dix-huit mois, avec la construction d’entrepôts à Kumasi, Wenchi, Ejura, Tamale et Sandema.
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C H I F F R E S par Jean-Michel Meyer
milliards de dollars, c’est le montant des engagements en faveur des infrastructures en Afrique pour l’année 2017 (montant 2016 : 66,9 milliards de dollars).
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HAUSSE DES ÉCHANGES
Le Ghana s’est fortement inspiré de la Bourse éthiopienne. Après trois ans d’existence, cette dernière reposait fin 2011 sur 55 entrepôts répartis dans 17 sites régionaux. Les échanges étaient passés de 140 000 tonnes à plus de 500 000 tonnes. La valeur des échanges grimpait de 300 % en 2010 pour atteindre 1,1 milliard de dollars en 2011. Fin novembre 2010, la salle des marchés d’Addis-Abeba gérait 200 contrats au comptant de produits de base avec des coopératives agricoles représentant 2,4 millions de petits exploitants ! Lancer une Bourse de produits agricoles dans un pays où 56 % de la population vit directement de l’agriculture est un projet qui rejaillit sur l’ensemble de l’économie. « La Bourse de produits du Ghana devrait créer environ 200 000 emplois parmi les agriculteurs et les négociants en matières premières, mais également dans d’autres secteurs, hautement qualifiés ou non, comme des emplois d’analystes de données, de gestionnaires de risques, de conseillers en gestion, de commerçants, d’agents de crédit, mais aussi de conditionneurs, de chargeurs, de transporteurs, etc. » a énuméré le ministre des Finances, Ken Ofori-Atta. ■ J.-M.M. AFRIQUE MAGAZINE
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MILLIARDS DE DOLLARS
C’est ce qu’aurait globalement coûté l’épidémie d’Ebola qui a touché plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest à partir de 2014, selon The Journal of Infectious Diseases (Oxford).
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13 % des projets PIB
L’Afrique du Sud continue à représenter la première destination pour les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique.
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C’est le nombre de barils de pétrole produits par jour au Nigeria, qui reste en 2018 le premier pays producteur d’Afrique, juste devant l’Angola (1707000 de barils) et l’Algérie (1641000). L’économie nigériane perdrait environ 19 milliards de dollars par an en raison des contraintes liées à la congestion des ports du pays. 117
PERSPECTIVES
NUMÉRIQUE
L’Afrique se connecte à la cybersécurité
Les sociétés veulent se protéger. Un marché estimé à 2 milliards d’euros en 2020.
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Entre 2017 et 2018, le nombre global d’attaques sur le continent a augmenté de 20 à 30 %. virus qui crypte les données d’un ordinateur et dont les pirates vendent la clé de déchiffrage contre une rançon, ndlr] ou ont été piratées », affirmait en 2017 Mack Coulibaly, le directeur général du fournisseur de services Internet Jighi.
UN ENJEU MAJEUR
Selon le PDG de la société de sécurité informatique ivoirienne Talentys, Auguste Diop, la cybercriminalité a extorqué 2 600 milliards d’euros dans le monde en 2015. Ce montant devrait doubler d’ici à 2021. Et l’Afrique ? Peu de chiffres existent. À titre d’indication, lors de l’Africa CyberSecurity Conference d’Abidjan, Lawal Aribidesi, responsable risques chez Visa Afrique de l’Ouest et centrale, expliquait que « chaque attaque coûte en moyenne 1,2 million de dollars ». Et les
conséquences ne sont pas que financières. D’après l’étude PwC Africa Business Agenda de 2017, 93 % des dirigeants africains estiment que les cybermenaces constituent un obstacle majeur à la confiance placée par leurs clientèles en leurs établissements. Selon Orange Cyberdefense, les attaques par ransomware sur le continent ont doublé en un an, alors que le nombre global d’attaques a augmenté de 20 à 30 %. Face à la menace, le marché se structure. Le rapport Africa Cyber Security Market estime que le marché africain de la cybersécurité passera de 1,16 milliard d’euros en 2017 à un peu plus de 2 milliards d’euros en 2020. « La cybersécurité devient un enjeu majeur pour les entreprises et les administrations », expliquait Orange Cyberdefense, dans un communiqué du 24 octobre 2018 AFRIQUE MAGAZINE
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annonçant son implantation au Maroc début 2019, à Casablanca. La filiale de l’opérateur français de télécom prévoit de recruter une cinquantaine de spécialistes d’ici à 2020. À côté du hub marocain, Orange Cyberdefense créera dans la foulée des filiales en Tunisie, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. « Notre objectif est de construire le leader de la cybersécurité en Afrique francophone », annonce Michel Van Den Berghe, directeur général. Le marché n’a pas échappé à la Chine. Le think tank américain Freedom House a décortiqué comment Pékin se servait de son grand projet d’infrastructures « Nouvelles routes de la Soie » pour imposer ses réseaux de fibre optique et ses dispositifs de cybersurveillance pour maîtriser, à terme, les flux d’informations du continent. ■ J.-M.M.
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ieux vaut prévenir que risquer de tout perdre ! Juin 2018, la compagnie d’assurances sud-africaine Liberty Holdings subissait une cyberattaque. Des pirates informatiques lui dérobaient des données sensibles sur ses clients dans le but de lui extorquer de l’argent. « Si l’Afrique n’était pas jusqu’à présent une cible privilégiée pour les hackers de tout ordre, les cybermenaces n’ont plus de frontières », alertait Michel Bobillier, responsable d’une unité d’experts en sécurité d’IBM, la Tiger Team, lors de la 3e Africa CyberSecurity Conference d’Abidjan, fin octobre. Liberty Holdings n’est pas une exception. En Afrique de l’Ouest, « 61 % de toutes les institutions gouvernementales, des télécoms et des banques montrent une vulnérabilité critique aux cyberattaques et 45 % des grandes entreprises ont été victimes de ransomware [un
LES MOTS
FINANCES
McKinsey reste optimiste
Le célèbre cabinet de conseil continue à parier sur l’avenir du continent.
DOUG MCGOLDRICK
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lus qu’une certitude, le cabinet McKinsey a une profonde conviction dans le développement de l’Afrique. Le continent « est sur la voie d’une accélération sans précédent de sa croissance économique, similaire à celle qu’ont connue les marchés asiatiques ». C’est ce constat qui a motivé McKinsey dans son nouveau rapport intitulé « Africa’s overlooked business revolution » (La révolution économique négligée en Afrique). La rédaction de l’ouvrage a été confiée à Acha Leke et Georges Desvaux, deux senior partners de McKinsey, et Mutsa Chironga, dirigeant de la banque sud-africaine Nedbank. « Nous ne prétendons pas que l’Afrique est un endroit où il est facile de faire des affaires, compte tenu de sa complexité géographique, de ses infrastructures insuffisantes et de sa relative volatilité économique et politique », notent les auteurs.
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Kevin Sneader, PDG de McKinsey. Mais « l’Afrique représente un marché de 1,2 milliard de personnes sur le point de connaître une croissance transformatrice. Il y a déjà plus de grandes entreprises que vous ne l’imaginez, mais il y a de la place pour beaucoup plus », assurent-ils. Pour appuyer leur plaidoyer, les auteurs s’intéressent à l’essor des technologies en Afrique. Il y a déjà 122 millions d’utilisateurs actifs de services financiers mobiles. Le nombre de connexions par smartphone devrait doubler, passant de 315 millions en 2015 à 636 millions en 2022, pas très loin du nombre total en Europe. Au cours de la même période, le trafic de données mobiles devrait être multiplié par sept. Les auteurs ont analysé plus de 400 entreprises africaines qui réalisent un chiffre d’affaires annuel d’un milliard de dollars ou plus pour déterminer quatre facteurs clés de réussite : dessiner une stratégie résolument africaine ; construire des business models innovants ; garantir une capacité de résilience des activités et parier sur les talents. ■ J.-M.M.
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Le développement, c’est le ciment sans lequel tous les autres grands principes sont vains. PAUL KAGAME, PRÉSIDENT DU RWANDA
L’Afrique doit parier sur l’émancipation des femmes via le numérique. BRUNO METTLING, PRÉSIDENT D’ORANGE AFRIQUE
L’Afrique n’est pas encore partie. BÉCHIR BEN YAHMED, PRÉSIDENT DU GROUPE JEUNE AFRIQUE MEDIA
Un franc investi par le secteur privé crée plus d’emplois et plus de richesse et de développement que ce même franc investi par les États. Sur un franc investi par l’État, la moitié ou les trois quarts sont gaspillés en Afrique. PATRICE TALON, PRÉSIDENT DU BÉNIN 119
destination
SÃO TOMÉ-ET-PRINCIPE, DOUCEMENT MAGNIFIQUE Ce micro-État africain est situé dans le golfe de Guinée, au large des côtes du Gabon.
L’hôtel Pestana Equador, sur l‘îlot de Rolas.
Encore épargné par le tourisme de masse, cet archipel volcanique aux plages de sable fin et à la nature luxuriante ne s’étend que sur 1 000 km2, mais cache une richesse extraordinaire.
Le marché municipal traditionnel de São Tomé.
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SUR LES 10 DESTINATIONS à ne pas rater en 2019 sélectionnées par l’éditeur de guides Lonely Planet, deux se trouvent en Afrique. Et cette perle de l’océan Atlantique est l’une d’entre elles : São Tomé-et-Principe, l’un des plus petits États africains, situé dans le golfe de Guinée. Surnommé pendant longtemps « les îles du milieu du monde », l’archipel est aussi connu sous le nom « îles du chocolat » : cette ancienne colonie portugaise était en effet le premier producteur mondial de cacao au début du XXe siècle. Abandonnées après l’indépendance, les roças, d’immenses plantations de cacao, recouvrent encore une bonne partie du territoire. Elles sont petit à petit remises au goût du jour par des producteurs AFRIQUE MAGAZINE
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HARDY MUELLER/RÉA - DR - SHUTTERSTOCK
par Luisa Nannipieri
CYRIL NDEGEYA
MADE IN AFRICA escapades avides d’un produit de qualité et respectueux de l’environnement. On trouve par exemple des fèves de cacao chez Claudio Corallo, une référence mondiale, qui a ouvert une boutique-laboratoire au cœur d’une ancienne maison coloniale de la ville de São Tomé. Capitale de cette petite république, celle-ci a pris son nom de l’île principale de l’archipel. Une terre généreuse, comme ses habitants métissés et chaleureux, recouverte de forêts équatoriales et constellée de volcans. Le plus haut sommet de l’île, le pico de São Tomé, dépasse les 2 000 mètres, dont 600 mètres de paroi verticale à couper le souffle. La destination idéale pour une randonnée spectaculaire. Le long des côtes escarpées du nord, une savane de baobabs s’étend jusqu’à la Lagoa Azul, une lagune cristalline et un populaire spot de plongée. Juste en face de la côte sud, l’îlot de Rolas offre aux voyageurs des plages de LES BONNES ADRESSES carte postale et la possibilité ✔ L’hôtel Pestana Equador, de marcher sur la ligne sur l’îlot de Rolas de l’équateur. Le point zéro ✔ L’hôtel Bom Bom Island est l’une des attractions Resort, à Principe, touristiques de ce caillou sur la plage de 3 km2 qui ne compte ✔ La Roça São João, qu’un petit village de sur la côte est de São Tomé, pêcheurs et un hôtel resort pour y savourer un calulu aux airs de paradis. ✔ Claudio Corallo, à São Plus au nord, l’île Tomé, pour y goûter le cacao de Principe est un joyau le plus pur du monde écologique, reconnu réserve de ✔ L’hôtel Roça Sundy, biosphère par l’Unesco. Entre à Principe, où a été prouvée forêts et anciens volcans, on la théorie de la relativité y découvre une multitude de petites plages isolées, au bord d’une mer calme et transparente, où l’on peut s’imaginer pendant quelques heures en Robinson Crusoé. Beaucoup moins peuplé que São Tomé, Principe peut se targuer d’accueillir la plus petite capitale du monde, Santo António. Une ville où le temps semble s’être arrêté au XVIIIe siècle et où la vie s’écoule au rythme du gospel, donnant corps à la devise du pays : « Léve, léve », c’est-à-dire « doucement, doucement ». Un adage qui s’est même emparé de la gastronomie locale. Pour préparer le plat national, le calulu (une spécialité locale à base de poisson), il faut compter au moins six heures. Entre-temps, on peut se poser et profiter d’une bonne pinte de bière locale pour plonger un peu plus dans l’ambiance santoméenne. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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voyage
La petite compagnie qui caresse de grandes ambitions
RwandAir a inauguré cet été de nouveaux vols et ne compte pas s’arrêter là. LES DIRIGEANTS de la compagnie rwandaise n’ont pas de doutes : elle « sera rentable d’ici quatre ou cinq ans ». Confiants dans le potentiel de l’entreprise, ils ont inauguré cet été des vols vers Abuja (Nigeria) et Le Cap (Afrique du Sud), et ont annoncé l’achat de quatre nouveaux avions, qui s’ajoutent aux douze actuels. Ces aéronefs lui permettront d’élargir son réseau sur le continent et d’ouvrir de nouvelles liaisons vers New York et la Chine. Un quatrième vol par semaine entre Kigali et les aéroports de Bruxelles-Zaventem et Londres-Gatwick entrera en service pendant l’hiver, de la mi-décembre à la fin janvier. À l’échelle régionale, RwandAir a toujours été prête à nouer des partenariats privilégiés, par exemple avec le Bénin ou le Togo. Aujourd’hui, la CEO Yvonne Manzi Makolo dévoile « la liste prioritaire » des prochaines destinations, qui comprend Bamako, Conakry, Addis-Abeba et Djibouti. Afin d’assurer son développement, la compagnie construit également une académie qui compte actuellement 25 pilotes rwandais et de nombreux expatriés. ■ L.N. 121
design
Le tri, c’est chic
Des créations de haute couture faites à partir d’objets industriels ? Alinfini combine conception française et savoir-faire marocain. Transformer des ceintures de sécurité de voiture ou d’avion en objets de mode singuliers, c’est la mission d’Alinfini, une marque haut de gamme lancée au Maroc en 2012 par la designer française Sandrine Dole. La bande synthétique un peu rugueuse est retravaillée à partir de techniques traditionnelles, et ainsi métamorphosée en objet sophistiqué, au toucher délicat et aux couleurs satinées. Le matériel demande dextérité et force aux maîtres artisans marocains, qui ont développé la soixantaine de modèles de la marque. Sacs, ceintures, colliers, trousses ou porte-clés sont confectionnés à partir de chutes de productions ou de ceintures usagées, pour un résultat écologique et élégant qui ne néglige pas les aspects pratiques d’utilisation. Robuste, chaque accessoire peut passer à la machine à 40 °C. Quant au style, l’esthétique d’Alinfini joue entre sobriété des lignes et originalité insoupçonnée, laquelle ressort de chaque objet. Après douze ans passés au Maroc, la designer est fortement influencée par la culture du pays, que l’on devine dans certains détails de ses objets, comme les franges, pompons ou tresses, et dans certaines créations, comme les ceintures
Les sacs de Sandrine Dole mêlent écologie et mode. taille haute caftan. Au départ pensées pour un public féminin sophistiqué, les pièces signées Sandrine Dole sont maintenant disponibles en version unisexe. La dernière collection sortie des ateliers de Marrakech, Latitude, propose sept modèles couleur orange tonique, qui confère à la gamme un style très urbain. Du sac à dos au crossover, en passant par la besace ou le porte-documents, la bichromie des éléments fait ressortir les finitions ou les poches des créations. Les volumes amples et les bandoulières réglables sont pensés pour le confort des usagers et pour s’adapter à toutes les occasions. Après avoir conquis le marché local, la marque d’éco-luxe made in Maroc vient de lancer sa boutique en ligne. Les créations Alinfini sont aussi en vente dans plusieurs boutiques en Europe, Australie, Chine et Japon, où la qualité africaine commence à se faire une place. alinfini.bigcartel.com ■ L.N.
LE LIEU : TABLE MÉTIS
Avec ses burgers végans et ses tapas originales, cette nouvelle table dépoussière la cuisine classique d’Afrique ET SINON ? de l’Ouest et y ajoute Un bar où siroter une touche frenchie. Si l’on des cocktails exotiques. veut se régaler avec les POUR QUI ? créations du chef Romuald Les afro-descendants Métellus, la carte propose et les curieux loin des assiettes sur le pouce à des clichés. midi et un menu dégustation le soir. Ouvert en septembre dernier par Sylvain Ajavon, un Français aux origines ivoiriennes et togolaises, le resto a déjà quelques plats très prisés : les acras QU’EST-CE ?
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de haricots rouges, les maniocchis (des gnocchis de manioc poêlés avec des shitakés), ou le KFC (un poulet frit servi avec une incroyable sauce ketchup AFRIQUE MAGAZINE
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aromatisée au bissap). Le tout est à manger avec du vin d’Afrique du Sud, sélectionné par le patron. ■ L.N. 40 rue des Boulets, 75011 Paris. tablemetis.com
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Un paradis parisien des tapas afro-contemporaines.
MADE IN AFRICA carrefours
architecture
Le village-maternité conceptualisé par MASS Design, au Malawi.
Les bâtiments du futur
Pour le Rwandais Christian Benimana, il faut penser les projets sur le long terme.
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Cette association à but non lucratif tente de construire le monde de demain. DERRIÈRE LE PROJET MASS DESIGN se cache un groupe d’étudiants de la Harvard Graduate School of Design. Née à Kigali en 2008, la MASS – pour Model of Architecture Serving Society – n’est pas une association à but non lucratif comme les autres. D’abord, celle-ci est gérée par un conseil d’administration, lequel veille à ce que toute opération soit en accord avec la charte de l’agence et dans l’intérêt du public. Ensuite, l’organisation s’est développée au Rwanda, où se trouvent la plupart des bâtiments conçus par l’équipe d’architectes, ingénieurs, designers et experts dans différents domaines. C’est notamment le cas de leur tout premier grand succès, l’hôpital de Butaro, inauguré en 2011. Avec son architecture holistique, la structure a pour but de réduire la diffusion des maladies transmissibles par voie aérienne. Sa conception encourage les patients à passer du temps à l’extérieur, ce qui a un impact important sur leur état de santé. Aujourd’hui, l’agence compte deux bureaux supplémentaires, à Boston et à New York, mais l’Afrique reste la priorité. AFRIQUE MAGAZINE
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« Le secteur du bâtiment est en pleine croissance sur le continent », rappelle le Rwandais Christian Benimana, 36 ans, qui a intégré MASS en 2010, après ses études. « Nos projets en cours de réalisation seront des références de l’architecture africaine. La façon dont nous concevons les bâtiments est la clé pour façonner le futur de notre société. Il faut penser sur le long terme, parce que ce que nous construisons aujourd’hui a vocation à durer. » Directeur du Africa Design Centre, qui met en contact et instruit les jeunes générations d’archis, d’ingénieurs et de designers, Christian a entre autres chapeauté la construction d’un village-maternité au Malawi, qui devrait aider à réduire la mortalité : « Le but était de créer un milieu accueillant, où séjourner au contact des professionnels. Un lieu qui pousse les femmes à revenir, pour les conseiller. » Un pari qu’il a été possible de gagner en allant au plus près des populations intéressées, en écoutant leurs besoins et en imaginant leurs exigences futures. ■ L.N. 123
Esprit glam-rock et cuir signé Hisham Oumlil pour la marque Lot 151.
créateurs
Dakhla,
capitale du Fima ! CIEL AZUR, SOLEIL ÉCLATANT, de nombreux bivouacs sont dressés à perte de vue à Dakhla, la perle du Sud marocain aux portes du désert, célèbre pour son championnat mondial de kitesurf. Plus de 70 créateurs venant de l’Afrique tout entière se sont réunis du 21 au 24 novembre, afin de présenter leurs collections pensées exclusivement pour la 11e édition du Festival international de la mode africaine (Fima), laquelle coïncide avec son 20e anniversaire. Mannequins et festivaliers enturbannés de chèches se sont croisés afin de rencontrer le styliste Alphadi, surnommé le « magicien du désert » pour avoir créé la 1re édition en 1998 dans les dunes de Tiguidit, au Niger. À l’heure où le continent suscite un regain d’intérêt, 124
le Fima incarne une belle vigueur, l’occasion de connecter l’Afrique au reste du monde, d’autant que le royaume chérifien a soutenu l’événement dès la première heure : « Notre combat est celui de tous les Africains convaincus de leurs capacités à relever les grands défis du moment. L’Afrique a besoin de cadre, de professionnels, de cohésion et d’unité pour construire une paix définitive, gage d’un développement durable », nous confie-t-il, entouré de Noémie Lenoir et Esther Kamatari, princesse burundaise de la dynastie Ganwa, également écrivaine et mannequin. Encourager, fédérer, tisser des liens entre ces jeunes stylistes qui incarnent la nouvelle école du design made in Africa, tels sont les mots AFRIQUE MAGAZINE
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DR - ABDELMJID RIZKOU (5)
Alphadi.
Imaginé par Alphadi, styliste nigérien engagé et passionné, le festival a fêté ses 20 ans au Maroc en réunissant 3 500 invités. par Fouzia Marouf, envoyée spéciale
MADE IN AFRICA fashion
Deux créations d’Alia Baré : une pièce alliant Afrique et Asie (à gauche), et une composition masculine (à droite). d’ordre de cette édition. Conférences et ateliers ont ponctué les jalons de ce rendez-vous : des professionnels issus de l’industrie culturelle ont discuté du financement de la mode en lien avec l’art et l’artisanat touareg et berbère. Et du digital, puisque le Fima a accueilli la 1re édition de Hack & Pitch Haské, consacrée aux textiles et à la beauté à travers des applications mobiles. Chaque créateur invité a présenté huit modèles inspirés du continent. Parmi eux, Siwana Azevedo, native d’Angola et lauréate de la 1re édition d’African Fashion Talents, organisée à Casablanca en mai dernier par les stylistes Nawel Debbouze et Zaineb el Kadiri, a illuminé la scène le 23 novembre. Passionnée par « la transformation du vêtement », Siwana, qui vendait déjà des habits de poupée à ses amies lorsqu’elle était enfant, a lancé sa marque, Rogue Wave, cofondée avec Telma Ingles il y a sept ans : « Elle s’adresse aux femmes, aux hommes quels que soient leur statut, leur race, leur religion et leur mode de vie », précise la styliste. Elle a choisi le bel Alpha Roméo, mannequin sénégalais, pour mettre en lumière ses pièces masculines. Une autre créatrice phare de sa génération, Alia Baré, originaire du Niger et vivant à Dakar, a fait sensation avec sa collection alliant Afrique, Asie et Europe lors du défilé du 24 novembre. Férue du savoir-faire des artisans marocains, Alia, qui a vécu en Algérie et au Japon, a déniché des boutons au marché de Casablanca pour sublimer ses créations : AFRIQUE MAGAZINE
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Noémie Lenoir en Alphadi.
Belle création ethnique chic de Siwana Azevedo. « J’aime la diversité, mélanger le stretch avec le pagne tissé, le wax, qui sont des matières faciles à porter. Ma marque a été conçue pour des femmes actives qui doivent se sentir à l’aise. » Côté Maroc, toujours fidèle à son esprit indépendant, le créateur Hisham Oumlil, pape du costume sur mesure basé à New York, a proposé lors du défilé de clôture une nouvelle tenue à travers sa griffe féminine, Lot 151, fraîchement lancée l’été dernier. Ses pièces résolument sportswear et cuir, alliant confort et prêt-à-porter, avec une touche glam-rock, ont été mises en avant par la mannequin Khadija Neumann, représentant haut les couleurs du Sénégal. Entre les shows de Magic System et d’Alpha Blondy, les prix des concours jeunes créateurs – dont les stylistes Youssef Drissi (Maroc), Kévin Yao (Côte d’Ivoire) et Ben Isak (Burkina Faso) – et top models ont marqué la cérémonie de clôture. Cette édition du Fima a valorisé la mode made in Africa, hors des frontières, tout en prenant en compte le développement de l’industrie du textile, futur enjeu à développer sur le continent pour l’avenir et l’embellie des marques. ■ 125
LA GOUTTE, À PRENDRE AU SÉRIEUX
La fréquence de cette maladie augmente de façon préoccupante. Le plus souvent, les habitudes alimentaires modernes sont en cause.
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Une grosse consommation de bière, même sans alcool, est un gros facteur de risque. Les personnes ayant une prédisposition génétique familiale, faisant que l’élimination de l’acide urique n’est pas parfaite, risquent d’être atteintes par cette maladie.
Le gros orteil très souvent touché Durant longtemps, un excès d’acide urique peut ne provoquer aucun symptôme. Il se produit à bas bruit des dépôts, en particulier au niveau des articulations, sous forme de petits cristaux. Un jour, ces amas provoquent brusquement une inflammation, en général la nuit : c’est la crise de goutte. Elle touche la plupart du temps le gros orteil qui devient extrêmement douloureux et ultrasensible au toucher : il augmente de volume, sa peau est rouge, voire violine, AFRIQUE MAGAZINE
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LA GOUTTE EST UNE FORME D’ARTHRITE. Cette maladie inflammatoire est due à un excès d’acide urique dans le sang persistant depuis un bon moment. Autrefois, on la disait maladie des « bons vivants », maladie des rois. En effet, elle était liée à une alimentation abondante en viande, abats, gibier, charcuterie… Autant de denrées riches en purines, dégradées en acide urique. Aujourd’hui, la goutte touche toutes les catégories sociales. Surtout les hommes, mais aussi les femmes, plutôt à partir de 50 ans. Elle est favorisée par le surpoids – les reins éliminent alors moins bien l’acide urique – et par l’alimentation moderne (de types industrielle et fast-food), trop calorique et trop grasse. Sont également en cause les boissons sucrées, très consommées : leur fructose se transforme en glucose dans l’organisme, et celui-ci fabrique de ce fait de l’acide urique.
VIVRE MIEUX forme & santé
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pages dirigées par Danielle Ben Yahmed avec Annick Beaucousin et Julie Gilles
et chaude. Plus rarement, des articulations, comme la cheville, le genou, ou parfois la main ou le poignet, peuvent être touchées. Pour soulager cette crise de goutte, un traitement à base de colchicine ou d’anti-inflammatoires est prescrit. Parallèlement, outre le repos, l’application de froid (une poche de glace, par exemple) sur l’articulation est recommandée. Mais il ne faut en rester là ! L’excès d’acide urique est diagnostiqué par analyse de sang, et chaque fois que possible par ponction de liquide articulaire. Une échographie peut aussi laisser entrevoir des dépôts d’acide urique sur une articulation. Pour combattre le mal, il convient de modifier son alimentation en évitant les mets néfastes, sur les conseils d’un médecin (en fonction des habitudes de chacun), de s’hydrater beaucoup, et de consommer des laitages qui sont bénéfiques. Il faut également perdre du poids. À noter que certains traitements qui font augmenter le taux d’acide urique (comme des diurétiques, utilisés contre l’hypertension) pourront être modifiés par le médecin. Il est capital que la goutte soit bien prise en charge, pour prévenir non seulement d’autres crises, mais aussi de répercussions sur la santé en général. En effet, si l’acide urique reste anormalement élevé, cela peut abîmer peu à peu les articulations au niveau du cartilage, et engendrer des douleurs, une gêne parfois importante pour la mobilité. D’autres conséquences moins connues sont possibles. Des problèmes rénaux peuvent survenir, avec la formation de calculs (ou cailloux), entraînant des crises de coliques néphrétiques. À long terme, il ne faut pas ignorer le danger d’un dysfonctionnement des reins, pouvant conduire à de l’insuffisance rénale avec nécessité de séances de dialyse. Il peut également y avoir des répercussions sur le plan cardiovasculaire : la goutte accroît le risque d’hypertension artérielle et d’infarctus. C’est dire si cette affection ne doit pas être prise à la légère. Heureusement, elle se traite bien aujourd’hui. Lorsque les mesures diététiques ne suffisent pas à faire revenir à la normale le taux d’acide urique et que les crises de goutte se répètent, un traitement de fond au long cours est préconisé. Plusieurs médicaments sont disponibles et efficaces. À condition d’être prescrits à doses suffisantes, ils permettent de guérir la maladie. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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ALLERGIQUES AU POLLEN, ATTENTION !
Certains compléments alimentaires sont à éviter. VOUS FAITES PARTIE des nombreuses personnes qui sont atteintes d’un « rhume des foins » aux beaux jours à cause des pollens ? Cela vous paraît sans doute un peu lointain, mais prudence durant cette période de l’année justement… Certains d’entre nous ont coutume de faire des cures de gelée royale ou de propolis pour renforcer leurs défenses immunitaires contre les infections respiratoires et tonifier leur organisme. Des produits naturels, et souvent bénéfiques il est vrai. Sauf que… Pour les allergiques aux pollens, ils sont vivement déconseillés. En effet, la consommation de ces compléments alimentaires à base de produits de la ruche peut entraîner des réactions allergiques parfois sévères, comme de fortes difficultés à respirer. Des pollens peuvent en effet se retrouver tant dans la gelée royale que dans la propolis, même si cela n’est pas clairement signalé. Il est aussi recommandé aux personnes prédisposées aux allergies ou à l’asthme d’éviter de consommer ce type de produits, par précaution. ■ 127
Comment échapper au rhume ?
Cette année, on ne le laisse pas nous boucher le nez, ni nous fatiguer !
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LES ANTI-INFLAMMATOIRES NATURELS
Soigner ses douleurs autrement, c’est possible.
LES MÉDICAMENTS ANTI-INFLAMMATOIRES sont efficaces. Mais en prendre au long cours pour un mal chronique génère souvent des effets indésirables. D’autres solutions peuvent aider. Au rayon plantes, l’écorce de saule blanc est efficace pour toutes sortes de douleurs : ses vertus anti-inflammatoires viennent de son acide salicylique (composé de base de l’aspirine). La reine-després contient le même principe actif. Les huiles essentielles sont également intéressantes : eucalyptus citronné, menthe poivrée… Elles sont à diluer dans de l’huile végétale pour une action locale. On peut préférer des produits avec des mélanges tout prêts, comme les rollers Articulations ou les capsules à avaler Aromalgic de Pranarôm. Côté alimentation, certains nutriments ont une action anti-inflammatoire reconnue. C’est le cas des acides gras oméga-3 : mélange d’huiles de colza et d’olive pour assaisonner, poissons gras (sardine, anchois, maquereau, saumon, thon) au moins une fois par semaine, et oléagineux (amandes, noix, noisettes). On fait aussi le plein d’antioxydants avec des fruits et légumes, en particulier jaunes, orange et rouges pour leurs caroténoïdes anti-inflammatoires. À noter que l’ananas frais est bénéfique grâce à sa richesse en broméline. Côté épices, on mise sur le curcuma, à l’action démontrée. À mettre dans des plats, et même en vinaigrette : le mélange avec l’huile et le poivre noir favorise l’assimilation de ses principes actifs. Au besoin, on trouve ces différentes substances dans des compléments alimentaires. ■ Pour en savoir plus : Le Grand Livre de l’alimentation anti-inflammatoire, de Laetitia Proust-Millon et Alix Lefief-Delcourt, Leduc.s Éditions. Avec recettes et menus.
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SE PRÉMUNIR CONTRE LE VIRUS du rhume – et en même temps contre ceux d’autres infections ORL – passe d’abord par l’hygiène de vie. Une bonne dose de sommeil (8 heures en moyenne) est essentielle pour que le système immunitaire soit au top. De même qu’un peu d’activité physique chaque jour rend le corps plus résistant. L’alimentation doit être variée, en mettant l’accent à cette période sur les fruits et les légumes, colorés notamment, pour la vitamine C, stimulante de l’immunité. On veille aussi à engranger du magnésium (légumes secs, oléagineux, chocolat noir) et du fer (viandes, poissons, fruits de mer, légumes et fruits secs) : en cas de carence en ces minéraux, le corps fatigue et résiste moins bien aux agressions virales. Amateurs de gingembre, on n’hésite pas à en consommer davantage : c’est un bon stimulant immunitaire. En revanche, on évite les excès de sucre (confiseries, boissons…) : cela a tendance à anéantir nos défenses. Rien n’empêche de recourir en plus à la gelée royale ou à la propolis pour donner un coup de fouet à l’immunité (sauf restrictions, voir notre article « Allergiques au pollen, attention ! »). Enfin, on n’oublie pas ces règles de base préventives : on se lave les mains quand on arrive de l’extérieur (on attrape souvent des virus par leur intermédiaire), et on aère son intérieur et son lieu de travail au quotidien, d’autant plus quand les mouchoirs commencent à être de sortie. Si malgré tout, le rhume pointe le bout de son nez, on réagit aussitôt ! Pour libérer les voies respiratoires et avoir en même temps un effet antiseptique, on boit des infusions de thym. En inhalation, on mise sur l’eucalyptus, avec une poignée de feuilles dans l’eau ou une formule toute prête (en gouttes ou en comprimés à dissoudre dans l’eau). Pour contrecarrer plus vite l’infection, on opte pour des gélules ou des comprimés d’échinacée (elle peut aussi être prise en cure en prévention), ou de l’extrait de pépin de pamplemousse en gouttes, qui aide également à se remettre d’aplomb rapidement. ■
VIVRE MIEUX forme & santé
Rester en forme en période de fêtes Voici les bons réflexes à adopter !
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Contrairement à une mauvaise habitude, on ne jeûne pas avant ou entre les repas festifs : immanquablement, on risque de manger plus lors de ceux-ci et de s’en remettre plus difficilement, avec un grand inconfort digestif. Le corps risque de stocker davantage les graisses et les sucres, d’où une prise de poids. Alors, on mange, mais léger, avec notamment des potages, des légumes et des sources de protéines.
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On s’hydrate beaucoup pour compenser les agapes et nettoyer l’organisme avec de l’eau et des tisanes, par exemple de badiane pour faciliter la digestion, ou de romarin pour stimuler le travail du foie. Le thé de Noël, mélange d’épices, d’agrumes et de thé bien sûr, est un vrai régal qui aide à digérer. On peut aussi boire du citron pressé tiède, qui favorise l’élimination des toxines. Tout comme le jus d’artichaut ou de radis noir, moins bons néanmoins.
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On se bouge à l’extérieur, quel que soit le temps : faire de l’activité physique accélère le travail digestif. Et le sommeil est ensuite plus réparateur.
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On n’abuse pas des chocolats et autres marrons glacés reçus : on a le temps pour les déguster, pas la peine d’en rajouter ! En cas de fatigue, et pas seulement durant les fêtes, on s’impose de longues nuits d’affilée, et on peut se booster avec une cure de magnésium, dont l’on manque souvent, voire de compléments multivitaminés. À commencer au moins 15 jours avant les festivités. ■
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À LIRE Stop aux croyances alimentaires ! Nous sommes inondés de recommandations qui se contredisent. Protéines, gras, sucre, féculents, régime, hydratation, produits laitiers… Florence De Le Rue, psychonutritionniste et diététicienne, décortique dans ce livre très amusant les fake news et idées reçues sur la nutrition. À dévorer pour adopter un équilibre alimentaire sain, dans lequel le plaisir a toute sa place. L’Anti-mythe alimentaire, par Florence De Le Rue, éd. Albin Michel, 13,50 euros.
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Un site de référence Un sommeil de qualité permet d’assurer le bon développement, tant physique que psychique, des 0 à 18 ans. Le Réseau Morphée (réseau de santé consacré à la prise en charge des troubles du sommeil) propose un site de référence dédié à cette tranche d’âge : sommeilenfant.reseau-morphee.fr. Découpé en trois parties (le sommeil de bébé, de l’enfant et de l’adolescent), ce site fait intervenir des experts reconnus, et délivre des conseils pour favoriser le retour à un sommeil serein et réparateur. En complément, une aide personnalisée et anonyme est proposée grâce à trois forums.
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LES 20 QUESTIONS propos recueillis par Astrid Krivian
1. Votre objet fétiche ? Un bijou en argent, avec les noms gravés de ceux qui me sont chers.
15. La dernière rencontre qui vous a marqué ? Des gens à qui il manque un membre, mais qui font des activités incroyables, sport, danse… Une leçon de courage et d’espoir.
2. Votre voyage favori ? Quand on s’extrait de soi-même, qu’on fait le vide dans sa tête. 3. Le dernier voyage que vous avez fait ? Le Maroc, pour mon projet Mbokka, avec des musiciens marocains, maliens, sénégalais et ivoiriens.
5. Un morceau de musique ? J’adore le tajwid, chanter avec l’intention de bien faire, de se perfectionner. 6. Un livre sur une île déserte ? La République de Platon.
Aziz Sahmaoui Pour son nouvel album d’une beauté magnétique, Poetic Trance, il nourrit la sève gnaouie de son Maroc natal de sonorités ouest-africaines, de rock planant… Avec son groupe University of Gnawa, le chanteur, joueur de mandole et de n’goni, installé en France, compose l’accord parfait entre l’Europe et l’Afrique.
7. Un film inoubliable ? Tous les Chaplin. J’aime sa critique, sa vision, son ironie… Intemporel, extraordinaire !
10. De jour ou de nuit ? Du crépuscule. Cette fusion du jour qui rentre dans la nuit, quelle magie !
8. Votre mot favori ? Hamdoulah, Dieu merci ! Je me le dis souvent, aussi dans des situations difficiles. Car c’est grâce aux obstacles qu’on embellit le lendemain, que la beauté a un sens.
11. Twitter, Facebook, e-mail, coup de fil ou lettre ? Facebook et e-mail pour mes échanges professionnels, donner mon avis sur la musique que les gens m’envoient. J’aime aider.
9. Prodigue ou économe ? Je ne m’attache ni à l’argent, ni au matériel. Je ne veux rien gagner.
12. Votre truc pour penser à autre chose, tout oublier ? La méditation. Contempler la nature, le vent dans les
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arbres, les vagues qui se cassent sur les rochers… 13. Votre extravagance favorite ? J’aime rire de moi, déconner. On peut ne pas se prendre au sérieux et être très exigeant, perfectionniste. 14. Ce que vous rêviez d’être quand vous étiez enfant ? Je ne me projetais pas. Pour moi, le rêve, c’est l’instant qui dure, à l’infini. Je rêve éveillé. AFRIQUE MAGAZINE
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17. Votre plus beau souvenir ? Le son des tambours qui t’attrapent, t’appellent, comme une prière, une célébration. 18. L’endroit où vous aimeriez vivre ? Un village près d’une réserve d’oiseaux, en bord de mer, dans le Sud marocain. 19. Votre plus belle déclaration d’amour ? Celle à l’être humain. J’aime aller vers les gens, les surprendre, voir leur beauté. Et gagner leur amour, leur amitié, leur respect. 20. Ce que vous aimeriez que l’on retienne de vous au siècle prochain ? Que j’adoucis le moment, l’amertume, que j’apaise les énergies négatives. ■ Aziz Sahmaoui, Poetic Trance, Blue Line Productions, sortie le 25 janvier 2019.
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THOMAS DORN
4. Ce que vous emportez toujours avec vous ? Le feeling, qui nous dicte notre comportement. Souvent, on se bagarre avec lui : je l’écoute ou pas ? J’aime cette voix qu’il faut protéger.
16. Ce à quoi vous êtes incapable de résister ? À cette dualité qui s’affronte constamment en nous.
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