ÉDITO
Kinshasa,enattente par Zyad Limam
DÉCOUVERTE
ÉDITO
Kinshasa,enattente par Zyad Limam
DÉCOUVERTE
La grande promesse
Un dossier spécial de 33 pages. DÉCOUVERTE
ÉMERGENCE
Unegouvernance en panne
Selon la FondationMoIbrahim, lesconditionsdevie de troisquarts desAfricains se sont dégradéesdepuisdix ans.
BIENNALE
DAK’ART2024
L’Afriqueenéveil collectif
Le Premierministre sénégalaisest au cœur de la révolution en cours. Àlafoissouverainiste et panafricain,conservateur et pragmatique, il porte surtoutl’espérance de changement d’une grande partiedelapopulation…Tentative de portrait. ET AUSSI
Soukaïna Oufkir, Felwine Sarr, Abou Sangare, Kiyémis, KarimMiské
PA R ZYAD LI MAM
C’est la capitale de la République démocratique du Congo. Disons 20 millions d’habitants (un million au virage des années 1970…), l’une des villes les plus peuplées du monde, la première francophone, devant l’agglomération du Grand Paris Une conurbation dopée par le choc démographique et l’exode rural. Un chaos urbain, qui pourtant semble avoir ses propres règles mystérieuses d’auto -stabilisation Le voyageur de passage est dépassé par la taille, la densité, la magnitude. Presque 10 000 km2 de superficie (la taille du Liban), un stupéfiant mélange de rares grands boulevards (le fameux 30 Juin) et des rues-routes largement défoncées, où le carrefour, généralement sans feu rouge, apparaît comme l’expérience ultime de la circulation. Les embouteillages sont dantesques. Paralysent l’activité. Quand il pleut, ce qui est fréquent, c’est pire – les lacs se forment, des rivières urbaines empor tent presque tout sur leur passage Les Kinois passent leur journée, réellement, à tenter de se déplacer, d’aller de chez eux au travail Ils dorment peu, le sujet est plus que politique…
Le co nc ier ge de l’hôte l vo us le di t co mm e une év ide nc e : à ce rtai ns mom ents , il fa ut bi en qu atre, cinq heures pour rejoindre l’aéropor t, pour tant distant d’à peine 20 km. L’aéroport lui -même, c’est toute une histoire. Un grand hangar rafistolé, enchâssé dans un im me nse qu ar ti er pop u la ire, Ndji li Ma lg ré la déc répitude, le tarmac est encombré de gros -por teurs des grandes compagnies internationales, et de jets privés et de 747 Cargo… Clairement, business is business, malgré les obstacles.
Il y a le fleuve Congo, puissant, qui traverse toute l’Afrique et qui passe ici majestueusement, en chemin vers la mer. La capitale d’en face, Braz zaville, sembl e si petite et si calme, à moins de 7 kilomètres à vol d’oiseau Des hôtels de luxe, qui rassemblent une population interlope de pirates internationaux, de chercheurs d’or, de cobalt ou de cuivre, d’entrepreneurs qui sirotent des cock tails en rêvant de fortune. Le tout nouveau centre financier de Kinshasa, voulu par le président Tshisekedi, construit en un temps re cord, projet te ses lumières et souligne les ambitions du pays Et puis il y a le son, omniprésent, celui de la rumb a rock, celui de Fally Ipupa, de Ferre Gola, du pasteur Mike Kalamb ay et d’autres stars incontournables. On y pense en passant devant le
my thique stade des Mart yrs, monument d’architecture sino -africaine (comme, d’ailleurs, le palais du Peuple, quelques kilomètres plus loin). On y pense aussi en voyant la multiplication des églises pentecôtistes, qui promettent si facilement aux fidèles un monde meilleur… Kinshasa est surtout la porte d’entrée vers un pays géant, instable, sur une corde, et pour tant central dans tous les sens du terme. 110 millions d’habitants, 2 millions et demi de kilom ètres carrés, l’ équivalent de l’Europe occidentale, un point de jonction entre toutes les Afrique – du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du Sud. Des frontières avec neuf pays, dont une de 2 50 0 km avec l’Angola. Un pays modelé par l’histoire coloniale et postcoloniale, où plane toujours la figure légendaire et tragique de Patrice Emery Lumumba, un pays- continent aux 26 provinces, une stupéfiante diversité ethnoculturelle, des quasi-nations et des peuples autochtones, mais aussi une incessante compétition ethnique, pour les ressources, pour la terre. Un pay s nom in ale me nt ri ch e, dé te nt eu r d’un e grande partie du patrimoine naturel mondial, avec 60 % des forêts du bassin du Congo. Un puits de carbone vital pour toute l’humanité. Pour tant, chaque année, la RDC perd un demi-million d’hectares de ce couvert végétal. C’est le pays du fleuve, aussi, avec son formidable potentiel hydraulique – à l’image de la tant at tendue rénovation- ex tension du barrage d’Inga C’est le pays des mines, du cobalt, du cuivre, du zinc, de l’or, certainement du pétrole et du gaz… Et pourtant, le géant reste encore pauvre – moins de 70 0 dollars par an et par habitant, et un PIB global (65 milliards de dollars) inférieur à celui de la Côte d’Ivoire (80 milliards de dollars).
Depuis la fin de l’ère Mobutu, et le génocide rwandai s, c’est au ssi un e nat ion en gu erre plus ou mo ins permanente De Kinshasa, cette guerre paraît à la fois si proche et si lointain e. À l’est, dans les provinces du Nord -Kivu et de l’Ituri, elle a fait des ravages. Alimentée par des mouvements plus ou moins directement liés au Rwanda Un processus de paix avance laborieusement Les violences communautaires sévissent un peu par tout ailleurs Sporadiques ou structurelles
La République est meurtrie. Le pays est difficile Pourtant, l’enjeu est là. Il faut s’y engager. L’Afrique a besoin de ce géant. L’Afrique a besoin de son cœur, en quelque sorte, pour pouvoir émerger réellement ■
Meilleurs vœux 2025 ànos lectrices, lecteurs et partenaires!
N° 45 9- 46 0–D ÉC
3 ÉDITO
Ki nshasa,enattente parZyadLimam
8 ON EN PARLE
C’EST DE L’A RT, DE LA CU LT UR E, DE LA MODE ET DU DESIGN Trésorschérif iens àDoha
29 C’ESTCOMMENT ?
Réveillon made in Africa ! parE mmanuelle Pont ié
30 PA RCOURS
Rachel Seidu parAstridKrivian
130 VINGTQUESTIONS À… Hanane Harrath parAstridKrivian
TEMPS FORTS
32 Coup de freinsur la bonnegouvernance parCédricGouverneur
42 Sénégal: L’énig me Sonko parZyadLimam
84 Bien nale Dak’Ar t2024: L’Afriqueenéveil collecti f parShiranBen Abderrazak
92 Soukaïna Ou fk ir : Unevoixlibre parSoundoussE lKasri
98 FelwineSar r: «Noussom mesdes êt res de l’incomplétude » parAstridKrivian
104 Kiyémis: «L’art de la joie » parAstridKrivian
110 Abou Sangare: « Je fais ma vielàoùje suis » parJean-Mar ie Chazeau
114 KarimMiské :« Le mal estu ne vraieq uestionhumaine » parCatherine Faye
51 Nigeria:
La grande promesse parE mmanuelle Pontié, avec MoïseGomis et OkechukwuUwaezuoke
58 Wale Edun :« Parier su rl’avenir,protéger lesplusfragiles»
62
La réfor me en avanttoute
66 Armst rong UmeTakang: «Nousdevonst rouver dessolutionslocales »
68 Au Nord,laprior ité sécu ritaire
72 Pour uneagricultu re de pointe
76 Bosu nTijani: «Unv iv ierdetalents »
78 Deslicor nes made in Nigeria
80 Afrobeatsetstar-system
AfriqueMagazine estinterd it de diffusionenA lgér ie depuismai 2018.Une décisionsansaucunejusti cation.Cet te grande nation africaineest la seuleducontinent(et de toutenot re zone de lect ure) àexercer unemesuredecensu re d’un autretemps Le maintien de cettei nterdictionpénalise noslecteursalgér iens avanttout, au moment où le pays s’engage dans un gra nd mouvement derenouvellement. Nosa misalgér iens peuvent nous retrouversur notresiteI nter net : www.afriquemagazine.com
120 L’AGOA sous la menace du tr umpisme
124 Ronak Gopaldas : « Tout dépendra de laquelle des intentions cont radictoires nira par dominer »
126 Air Côte d’Ivoire veut voler plus loin
127 La RDC ne renonce pas à l’or noir
128 L’A fr iq ue menacée par une croissance molle
129 La Côte d’Ivoire pro te de la hausse du caoutchouc par Cédr ic Gouver neur
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Zyad Limam
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Shiran Ben Abderrazak, Jean- Marie Chazeau, Catherine Faye, Moïse Gomis, Cédric Gouverneur Dominique Jouenne, Soundouss El Kasri, Astrid Krivian, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont, Okechukwu Uwaezuoke.
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C’est ma in te na nt , et c’est de l’ar t, de la cu ltu re , de la mo de , du de si gn et du vo ya ge
Le fa meux MI A, Musée d’ar t isla mique, célèbre en gra nd LE PATR IMOI NE
AV EC quelque 200 objets, manuscrits anciens, bijoux, photographies et instruments de musique, dont certains n’ont jamais été exposés auparavant, l’exposition « Splendeurs de l’Atlas » rend hommage aux nombreux courants, inspirations, productions artisanales d’exception et réalisations artistiques qui ont façonné l’identité du royaume du Maroc jusqu’à nos jours. Présentée au Musée d’art islamique (MI A), à Doha, qui abrite l’une des collections d’art islamique les plus complètes au monde, elle s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle Qatar-Maroc 2024 – une initiative qui vise à renforcer les liens entre les pays Ce voyage à travers un savoir-faire unique met en lumière l’influence des principales villes marocaines dans la promotion de l’érudition religieuse et des avancées scientifiques, ainsi que le rôle importan que l’artisanat a joué dans la formation de l’ensemble des caractéristiques du pays. Parmi les œuv res inédites, une coiffe alaouite ornée de plaques d’or et de pierres précieuses, des bijoux amazighs en argent, ainsi que des poutres en bois datant du XIe au XIIIe siècle, originaires d’un bâtiment de Fès, proviennent des musées du Qatar, du MI A et du futur musée Lusail L’exposition présente également une sélection de photographies et d’œuvres d’art contemporaines de Bruno Barbey, Ir ving Penn, Lalla
Essaydi, Mous Lamrabat et Mounir Raji. Et s’adosse à un autre événement proposé au MI A, « Ektashif : Maroc » (jusqu’au 26 février 2025), qui met en avant les œuvres de sept artistes et designers qataris ayant travaillé auprès d’artistes et d’artisans experts du ro
Ci -c ontre, brace let (nba la ou ta nba lt).
Ci -d essous , couvre -c he f (‘a sa ba) ser ti d’or et de p ier re s précie us es
« SPLENDEURS DE L’ATLAS : UN VOYAGE À TRAVERS LE PATRIMOINE MAROCAIN », Musée d’ar t islamique, Doha (Qatar), jusqu’au 8 mars 2025. mia.org.qa
BA RRY WINDSORSMIT H, AdastrainAfrica, Delcou rt, 52 pages, 15,50 €.
Un RÉCI TGRA PH IQUE àl irecom me unefable su rL ALUT TE POUR L’IN DÉPENDANCE et l’autonomie.
CE CONTEdormait dans lesdossiersdeBarry Windsor-Smith, jusqu’àcequ’il décide de le réécrireetdeletransposerenun épisodedelajeunessedelaprincesseAdastra,exiléesur terre parsamère,lareine Organa.Pourrappel, cettemajestueuse divinité estlepersonnagelepluspopulaire de sa série Young Gods,unmélange subtil entrepièce shakespearienneetbande dessinée cosmique, publiéedanssarev ue révolutionnaire Stor yteller.Plusconnu pour sontravail dans l’universdes comics Marvel,ledessinateur anglaisanotamment adapté en bande dessinée le personnage de fiction créé parl’écrivainaméricain Robert Er vinHoward, ConanleBarbare,unaventurierdont l’ambition se résume àjouir de la vieetdumomentprésent.Dans ce nouvel ouvrageàl’esthétiquecaptivante, l’héroïne, de retour en Afrique, essaie d’apporter la prospérité àunv illagefragilisé parlasécheresse. L’hommeblanc estpassé parlàetalaissédes machines agricolesqui ne fonctionnent plus fautedecarburant et de pièces. Dès lespremièresplanches, véritables pépites en noir et blanc, celuiqui aapporté un romantisme contemporain au mondedes comics de super-hérosnord-américainspropose unefable étrangeinf usée de questionsexistentiellescomplexes. Il se sert du récit pour porter un regard curieuxsur l’effetdela foietsur lesvaleurs desautochtones,dansunquestionnement constant surl’ordre établi et l’ordrenaturel deschoses. Sans compterunclind’œil explicite àlaformule latine Pera spera ad astra.Par desvoiesarduesjusqu’auxétoiles ■ C.F.
Àécouter maintenant !
BlackP umas
Li ve Fr om Br ooklyn
Para mount, ATO/[PIA S].
C’estlorsdeleur dernière tournéeque le chanteur Eric Burton et le guitariste Adrian Quesadaont enregistré leur performancedeBrook ly n. Ilsont bien fait :enl’espacededeuxalbums (Black Puma s et Chronicles of aDiamond), lestubes ne manquentpas.Etils sont convoquésici avec l’énergie dontle duoatoujours fait preuve grâceà de multiples inspirations –lasoul, d’abord, mais aussileblues et le funk.
Dodi
El Sherbi ni AveC esar, Kidder mi nster.
Depuis sonpremier album, Fictions (2020), et sescollaborationsavecdes pointures commePhoenix,onconnaît l’aptitude du musicien français àmanier sy nthétiseurs et textes malins.Coproduit parlegroupedepop rockfrançais Rallye, cettenouvelledémonstration d’obédiencepsychédélique baptisée Ave Cesar détourne lescodes de la variété avec uneélégance irrévérencieuse.
Héri ta ge,Tra nsgressiveRecord s/[PIA S]
Sort ie le 17 ja nv ier.
C’estunfolkd’une beauté cristallineque nous livre, avecson quatrièmealbum Héritage,lequartet malien forméàBamako, mais dont les origines se trouvent àTombouctou.En unedécennie, Songhoy Bluess’est imposé commel’une desfigures de prouedu bluestouareg.Son secret :force guitares électriques et voixhabitéespourraconter lesravages du terrorisme…comme les bienfaitsdelamusique. ■ SophieRosemont
La saga connaîtu nnouvel épisode, avec UN CI NÉASTE AFRO-A MÉRICA IN au xmanet tes.
EN 2019,Disneymettait en scène uneversion réaliste de son blockbuster animésorti vingt-cinqans plus tôt, Le Roi lion –enfait, desbêtes 100% numériques,sansqu’il s’agisse de dessinsoudecréationsen3D, dans la tradition del’adaptation en prises de vues réelles(live action)deses classiques d’animation.Devrais-fauxanimaux,bluffants de réalisme (saufqu’ilsparlent…), quivivaientl’histoire de Simbaaffrontantson oncleScarpourlasuccession au trône deson père Mufasa.Cinqans après, voicilasuite sous forme de préquel, expliquant lesoriginesdelalégende de Mufasa Si l’on retrouve en grande partie lesmêmes personnages (avecenVOles voix de DonaldGlover ou Beyoncé; en VF celles de JamelDebbouzeouDanielKamwa), ce n’estplus JonFavreau quiorchestre, mais Barr yJenkins.Leréalisateur afro-américain de Moonlight,filmd’auteurmulti-oscarisé, ahésitéplusieurs jours avantd’accepter de dirigercette superproduction.C’est l’esprit de cetépisode,plongeantau
MU FASA, LE ROI LION (États-Unis), de Barr yJen ki ns. Avec lesvoi x de TaharRah im, Jamel Debbou ze, Daniel Kamwa.
En sa lles le 18 décembre
plus profonddel’âme africaine, quil’auraitconvaincu.Autre nouveauté: dans la versionfrançaise, TaharRahim assure la voix de Mufasa adulte,après avoir déjàtransformélasienne cetteannée dans Monsieur Aznavour.Lesuccèsde2019 utilisaitdes techniques révolutionnaires se basant surle matériel récoltélorsd’unsafaridesix mois pour observer la fauneetlaf loreauKenya et en Tanzanie (240 000 photos). En 2024,cenouveau mixdeprisesdev uesréelles et d’images numériques metencoreplusenvaleurles paysages du continent, avecdelaneige et deszones tropicales inspiréesduBost wana.Leréalismedes expressions sur lesgueules desanimaux et leur façondebougercomplète àmer veillelavoixdes acteurs,etmontre la maîtrise techniquedes équipes Disney.Une odeaux familles (età l’accueildes «parias»)scandée pard’inévitables chansons (etlamusique du sud-africain Lebo M),qui offreune vision somptueuse de la nature en Afrique. ■ Jean -MarieChazeau
ES SA I
Une réflex ion su r
l’ histoi re des systèmes
D’EX PLOI TAT ION mis en place pa r
l’ homme su r l’an imal – et su r ceux qu’i l considère comme tel.
DÈS LES PR EMIÈRES pages, cet essai ultra-documenté frappe fort. Difficile de ne pas penser à Chien blanc. Dans ce plaidoyer contre tous les racismes, Romain Gary narrait sa tentative de sauver un chien qui avait été dressé pour attaquer les Noirs américains dans un pays bouleversé par la lutte pour les droits civiques Un demi-siècle plus tard, Kaoutar Harchi part elle aussi d’un événement vécu quand elle était enfant pour dérouler sa trame : l’un de ses camarades, Mustapha, est mordu par un berger belge malinois de la police. En mêlant littérature autobiographique, recherche historique et théorie politique, l’écrivaine et sociologue souhaite repolitiser la question de la domination « Dominer ne fut plus dominer […] On transforma le réel. L’Occident abrita en son sein toutes les formes lointaines de vie et devint l’arbitre de ces dernières. Ainsi, des choses furent dites des animaux colonisés L’on dit : ces animaux sont nos ennemis. Et l’on dit aussi : ces animaux sont nos amis. Et des choses furent faites à ces mêmes animaux » À travers notre rapport aux bêtes, l’autrice de L’Ampleur du saccage et Comme nou s existon s livre une histoire politique et poétique de la domination des animaux et explore, en miroir, l’histoire occidentale de la période moderne à nos jours. De fil en aiguille, le texte met en lumière le processus d’une déshumanisation répétée des populations, invariablement contrôlées ou exploitées : de l’esclavage au fascisme, en passant par la lutte des classes, la condition de la femme, les minorités raciales, la colonisation et le capitalisme. Sans toutefois totalement désespérer : « Si je sais la force requise pour parvenir à s’élever au-dessus des horizons bouchés de la domination et entrevoir, ne serait-ce que par le bout de la lorgnette, le champ des possibles qui, nous devons le croire, demeure ouvert bien qu’étroit, je sais aussi que le temps des animaux viendra. » ■ C.F.
KAOU TA R HA RCHI, Ainsi l’animal et nous, Actes Sud, 320 pages, 22,50 €
CU ME NT AI RE
Ba nn ideson pays pour avoi rexposéles réalitésduR ÉGI ME
D’APARTH EI D, ER NEST COLE estm is àl ’hon neur pa rRaoul Peck.
DEPUIS Lumumba, la mortd’unprophète (1990), RaoulPeckpoursuituntravail de mémoire décentré du regard occidental.Familier desluttesanticoloniales, il avaitdéfilécontre l’apartheid dans lesannées1970. Aussilorsque la familled’ErnestColevientletrouver aprèslesuccèsde sondocumentaireinspiré desécritsdeJames Baldwin, IAmNot Your Negro,lecinéastehaïtien se souvientdulivre de photos House of Bondage (La Maisondes servitudes), paru en 1967.Des clichésdevenus iconiques, réalisés parcejeune photographesud-africain de 27 ans, quiavait dû quitterson pays pour avoirainsi révélélaréalité sordidedusystème érigé parlepouvoir blancà Pretoria.Exilé auxÉtats-Unis, sans espoir de retour,iltentera unenouvellecarrière sans succès, invité àfairedes reportages surles Afro-A méricainspauvres quandilserêvaitphotographede mode et de publicité. Sontravail capteàmer veilleles regardsetles attitudesdelapopulation desruesaméricaines,maisn’est pasreconnu.Ilmeurt àNew York en février1990,quelques jours seulementavant la libération de Nelson Mandela… RaoulPeckrestituesaparoledans un récit àlapremière personne,qu’il contelui-mêmedanslaversion française(c’estlavoix du rappeuraméricain LakeithStanfield dans la VO), illustrépar lesimagesduphotographe, dont beaucoup d’inédites.En2017, 60 000 négatifs ontété retrouvésdansune banque…à Stockholm. Quiles yamises ?Qui apayéleloyer du coffre pendantprèsdetrente ans? Ses ayants droitont du malàles récupérer,d’oùleurappel au cinéaste haïtien. Le réalisateur, partiàlarecherche de celles et ceux quiont côtoyéErnestColeaux États-Unis et en Suède, ressuscite ainsi le parcours unique et injustementoublié d’un véritableartiste africain ■ J.-M.C
ER NEST COLE, PHOTOGRAPHE (États-Unis), de Raou lPeck. En sa lles.
Ci -d essus , un administrateu r de s pla ntations su iss es de ta ba c au x côté s de so n fil s, Kota ri, en 1921
Ci -c ontre, figu rin e re présenta nt la ve nte d’un e pe rsonn e ré duite en esclavag e.
En 18 85, à De li su r l’ îl e de Sumatra , ma ison de Ka rl Kr üs i da ns la pla nta ti on Ma ry land, ba pt is ée du nom de sa fe mme Ma ry
retrace l’impl icat ion de la confédérat ion da ns le système colonial, question na nt le déni collecti f su r le sujet.
LA SUISSE n’a jamais eu de colonies. Pourtant, les citoyens et les entreprises de la République helvétique ont entretenu pendant quatre cents ans des liens étroits avec le système colonial. L’inédite et poignante exposition du Landesmuseum Zürich, « Colonialisme, une Suisse impliquée », lève le voile sur cette histoire effacée de la mémoire collective, à travers des objets, des œuvres d’art, des photographies, des témoignages et des documents. On y présente avec sobriété ces firmes, ces privés et ces communautés qui ont pris part à la traite et ont fait fortune grâce à l’exploitation des esclaves. Les banques, qui ont mis à disposition le capital nécessaire à ces entreprises. Les missionnaires suisses et les mercenaires, qui ont participé aux conquêtes coloniales à travers le globe et écrasé la résistance des peuples indigènes. Sans oublier les spécialistes, qui ont mis leur savoir au serv ice des puissances coloniales et des universités de Zurich et Genève, qui ont enseigné et diff usé la pensée raciste qui a serv i à légitimer le colonialisme. Un regard critique éclairée, pour une exposition puissante et nécessaire ■ Lu is a Na nnip ier i « COLONIALISME, UNE SUISSE IMPLIQUÉE », Landesmuseu m, Zürich (Suisse), jusqu’au 19 janvier 2025 landesmuseum.ch
Trau matisé pa rson djihad en Sy rie, un jeunepaysa n tu nisien rent re au pays…UnDRA ME FA MI LI AL doublé d’uneenq uête policière. Envoûtantetd ’u ne grande beauté.
YA-T-IL UN LIEN entreune sériededisparitionsdansunvillage du nord de la Tunisieetleretourd’exild’unhomme et sonépouse en niqab? C’estl’enquête quiparcourtcepremierfilm de la CanadoTunisienne Meryam Joobeur, quin’a pourtant rien d’un polar. On estd’abord en immersiondansunpaysagearide et venteuxenbord demer,chezdes éleveurs de moutonsqui ont vu deux de leurs trois enfantspartirenSyrie,rejoindre Daesh… Troisgarçons au physique peubanal dans la région,rouxetauvisagecouvert de taches de rousseur.Lacinéasteavait fait desdeuxaînés,authentiquespaysans, lesprotagonistes d’un court-métragenommé auxOscarsen2020 (Brotherhood). On lesretrouve, avec leur petitfrèredesix ans, aux côtésd’acteurs professionnelscomme Adam Bessa(LesFantômes, de Jonathan Millet). Mais ce sont bien lesfemmes, àcommencer parlamère (SalhaNasraoui, intense),qui sont au cœur de ce récit éclaté,plein de non-dits,dedouleurs,maisaussi d’humanité Un contesur lesdégâtscollatéraux du djihadisme ■ J.-M.C
LA SOURCE (Tun isie-FranceCanada),de Meryam Joobeu r. Avec Salha Nasraoui,Malek Mechergu i, Adam Bessa. En sa lles
La collection neuse ivoi ro-l ibanaise a créé un ESPACE ARTIST IQUE INCONTOU RNABLE da ns le paysage abidja na is.
SITUÉE AU PL ATEAU, à Abidjan, la Galerie Farah Fakhri met en valeur des artistes contemporains de renom comme des talents émergents, du continent et de la diaspora Créée en 2022, cette plate-forme nécessaire s’engage dans les échanges culturels, l’accompagnement des artistes, leur reconnaissance sur la scène mondiale.
AM : Quelle est votre ligne artistique ?
Farah Fakhri : Nous exposons le travail d’artistes établis (Abdoulaye Konaté, Joana Choumali, etc.) comme émergents (Chada, Keren Lasme, etc.). Ce dialogue crée des échanges intergénérationnels, enrichit l’expérience du public et des collectionneurs. Nous sommes sensibles à l’impact des œuv res dans un contexte artistique et sociétal, à celles qui ouvrent des perspectives, suscitent des réflexions sur des sujets tels le panafricanisme, l’exil, l’immigration, la spiritualité, la mémoire. Les pratiques et techniques sont diverses, souvent complémentaires – peinture, photo, vidéo, installation, sculpture, textile. Et nous construisons des relations sur le long terme avec les artistes que nous représentons Quelles sont vos ambitions ?
Créer un lieu de rencontres, de réflexions, contribuer à l’influence des artistes du continent et de la diaspora sur la scène internationale À travers une démarche éducative, nous collaborons avec les Beaux-Arts d’Abidjan, Marseille, Tétouan, en vue de soutenir la formation et l’éducation artistique de jeunes talents. Nous organisons aussi des ateliers de découverte, de création, des sy mposiums, des événements culturels, des rencontres au sein de la galerie et de la résidence. Nous formons des partenariats avec les institutions d’autres pays, ce qui enrichit nos projets et amplifie leur portée En réunissant les perspectives, en partageant les ressources, on ouvre des voies d’échanges culturels, de soutiens. Parlez-nous des résidences
Constituée d’un comité curatorial, composé de curateurs, collectionneurs et artistes, la résidence est un espace de création et d’opportunités pour les artistes, qui s’immergent dans un nouveau contexte culturel et social, afin d’ap-
profondir leurs recherches ou d’explorer d’autres pratiques. Elle est ouverte aux curateurs et doctorants pour des résidences de recherche, qui se concrétiseront par des sy mposiums Nous travaillons aussi avec la Fondation Montresso au Maroc, afin d’organiser ensemble des résidences croisées. En tant qu’ancienne directrice de la communication auprès de la maison Chanel, ma mission consiste à diff user et faire rayonner le travail des artistes sur notre continent et le monde. Et nous avons également un rôle à jouer dans l’accompagnement d’artistes de la diaspora qui souhaitent (re)découv rir le continent de leurs aïeux et y travailler
Quels sont les enjeux pour l’art ivoirien ?
D’abord, la création d’infrastructures, qui joueront un rôle clé dans la transmission et contribueront à la reconnaissance du travail des artistes. À l’international, l’enjeu est de garantir une présence institutionnelle sur les rendez-vous mondiaux, tels que les biennales Le soutien public, indispensable, permettrait de mettre en lumière d’autres artistes galeriefarahfakhri.com ■ propos recueillis par Astrid Krivian
« Nous sommes sensibles à l’impact des œuvres dans un contexte artistique et sociétal, à celles qui ouvrent des perspectives. »
RY TH ME S
Entrejazzett radition ma nd ingue, le nouvel al bu mdusaxophoniste frança is n’ag uère besoin de pa rolespou rexpri mer sesPASSIONSSONOR ES.
ANA LY SE
HOWA RD W. FR ENCH, Noiresorigines. L’Afriqueetla création du monde moderne 1471-1945, Ca lman n-Lévy, 550pages, 25,90 €
Si xsiècles d’ histoi re où
le cont inenta fr icai nret rouve unePLACE CENT RA LE da ns le récitdumonde moderne.
«SIR ÉPANDUES quesoient cesgrandes découvertesdansl’imaginairepopulaire, concevoir les débuts de l’histoire moderneàleuraune[…] rev ient àocculterlavéritésur l’essor du monde “moderne”etànepas comprendrecomment les différents points du globesesonttrouvés liés et commetissésles uns avecles autres.» Depuis plusieurs années,lejournaliste américainHoward W. French se consacre àdésoccidentaliser l’histoire desrelations internationales, notammentàpartir de l’étudedel’A frique.Publiéen2021aux États-Unis et finalisteduprixPulitzer en 2022, Born in Blackness, traduitaujourd’hui en français,réinterprète l’histoire mondiale en plaçantlecontinent et sespopulations au centre du récit.L’auteurmet en lumière desfigures méconnues, telles que lesempereursayant tenu tête auxpuissances européennesdu XV IIe siècle,les riches marchands commerçantavecl’A sieoules héros de la libération desesclaveshaïtiens. Dépassantl’analyse purement verticaledes rapports de domination,l’ouv rage fait comprendreles bouleversementssocio-économiques liés au commercedel’or, du sucre, du tabacetdu coton, et àlatraitedemillions d’Africains. ■ C.F.
DEPUIS SONPREMIER album, Suites af ricaines (2009),nourri de duos avec balafonetkora, le saxophoniste,compositeur, producteur et arrangeurfrancilienrêvaitderemonter aux sourcesdeses inspirations.C’est chosefaite avec Racines, quiallie le jazz,qu’il adécouvert et appris àNew York,àla musiquemandingue,qui le passionne depuis toujours.Saxophoniste de TikenJah Fakoly,entre autres, JB Moundele (dontlenom s’inspire de l’expressionlingala moundele ndombi,« le Blancnoir»)s’illustreen parallèledansplusieurs projetset collaborations,deSalif Keïta àOumou Sangaré. Cettefois, il s’entouredes instrumentistesMbady DiabatéetBruno Desbiolles pour signer le superbe Racines,fortdedélicatessestant musicalesque ry thmiques,tellesque «Moptysanko»,au groove bienbalancé, et le subtil «Sankosong ». ■ S.R JB MOUNDELE, Racines, Inou ïe Distri bution DR (3)
DE SI GN
Avec Kente Project Ar t La b, entre Pa ris et Lomé, ESTELLE YOMEDA crée des pièces un iq ues de mobi lier et de text ile au x lignes épurées et sensuelles.
ARTISTE PL ASTICIENNE devenue bottière, la FrancoTogolaise Estelle Yomeda a découvert à travers la création de chaussures son amour pour le travail manuel Une passion qui la pousse, en 2017, à lancer le Kente Project Art Lab : un laboratoire nomade, entre Paris et Lomé, à l’intersection de l’art, du design et de l’artisanat. Alors qu’elle découv re et retisse des liens avec le Togo du père, elle est fascinée par la dimension sy mbolique, identitaire et esthétique du tissu kente, par son graphisme ancestral et intemporel. Pour ses premières créations textiles, elle
reprend donc la technique, mais conçoit ses propres motifs et coloris dans l’optique de réinventer la tradition à l’aune de la contemporanéité. Aujourd’hui, elle se fait remarquer pour ses éléments de mobilier en bois aux silhouettes sensuelles et, en même temps, presque brutes. Ses « séries différenciées » comprennent des pièces entièrement faites à la main, caractérisées par un mélange d’essences et de textures qui témoigne du savoir-faire des artisans togolais. Élégantes et espiègles, ses créations ont été remarquées lors de la Design Week parisienne et seront bientôt proposées par la galerie Maria Wettergren, dans le quartier du Marais, à Paris. kenteproject. com ■ L.N.
Aprèsu ne poig néed ’EP, la jeune
chanteuseetrappeusef ra nco-ivoi rien ne livreu na lbum d’uneBELLE DENSIT É SONORE et très person nel… justement nommé B.O. d’unevie.Rencont re.
AM : Comment estné B.O. d’unevie ?
Eesah Yasuke : D’aussiloinque je me souvienne,j’aitoujoursvoulu écrire àproposdemon histoire, surmon parcours très at ypique. Depuis plusieurs années, je caresse l’idée de faireunfilmsur mes jeunes années, mesplacements en foyers et en familled’accueil, notamment… Il me semble que B.O. d’unevie estlapremière pierredeceprojet. Je dirais même quej’aiinversél’ordre deschoses: j’ai composélabande originale de ma vie, avantmêmed’enécrire le scénario !Cet albumest né de ma conv iction qu’ilfautrompre un cercle vicieuxpouraller vers le vertueux,etchaquemorceau prov ient d’uneimpulsion de nommer pour soigner. Ma seulevolonté, c’étaitque ce premieralbum me ressembleetqu’il corresponde àmes multiples facettes En quoi vosracines africaines et lesmusiques commelarumba, quevousécoutiez enfant, ont- ellesinfluencé votrecréativité ?
Je penseque le simple fait d’avoirbaignédansces mélodies entraînantesm’a éduquéesur la volontédemeser virde la musiquepourexprimerdes conv ictionsetdes valeurs très fortes.Jepense parexemple au morceau« Migrantdes rêves » de FallyIpupa,qui possèdedeux
niveauxdelecture :s’y manifestent àlafoislemessageengagéetla voix eniv rantedel’artiste,qui nous font passer un moment délicieux. Cetalbum a-t- il pu jouer un rôle cathar tique dans votreexistence ?
Dèsledépart,lamusique l’aété pour moi. Mais davantageencore dans B.O. d’unevie,oùj’ailiv ré desparties de moiplusintimes qu’à l’accoutumée. Il m’apermis de frayer deschemins quejen’avais jusqu’alorspas ou peuexplorés… Pour tout vous dire,j’aiconnu une grosse panned’inspiration.Etc’est pendantcette périodedifficile quej’aidécouvert quelapeinture pouvaitêtresourcede guérison,ce quim’a redonné de l’élan créatif. C’estenpartiegrâce àellesicet albumexisteaujourd’hui ■ propos recueillispar Sophie Rosemont
EESAHYASUKE, B.O. d’unevie, Blessi ng Product ion. Sort idepuis le 15 novem bre. En concer tle19décem bre àlaMaroq uiner ie (Paris)
s
MODE
MA ISON KA NTY’S rempor te le pr ix Jeune Ta lent de l’Abidja n Fash ion Week avec une collection du ra ble et ch ic, qu i célèbre LES TEXT UR ES ET LES MATI ÈR ES.
LA PREMIÈRE ABIDJAN FASHION WEEK, organisée par le designer Elie Kuame en octobre dernier, a été un véritable succès. Au-delà d’offrir aux créateurs confirmés de la scène ivoirienne (de Lafalaise Dion à Kente Gentlemen) une plate-forme d’exception, elle a aussi permis de mettre en avant les jeunes talents locaux avec un prix dédié.
Le prix Marie-Thérèse-Houphouët-Boigny, d’une valeur d’un million de francs CFA, a été décerné au duo d’amis William MacKenzie et Thierry Aguy pour Djôlôh, la première collection femme de leur label Maison Kanty’s. Djôlôh, qui signifie « chance » en langue bété, comprend en tout 17 pièces aux teintes beige et ivoire, faites à partir de coton et de lin tissés artisanalement dans l’atelier de la
marque, et inspirées des couleurs et des paysages d’Afrique du Nord. Kanty’s a été lancée en 2019, mais elle proposait jusque-là surtout du prêt-à-porter et des tenues de ville. Cette collection représente donc le premier projet véritablement créatif du duo de designers, âgés d’une trentaine d’années et passionnés de mode depuis l’enfance. Seulement une dizaine de pièces ont défilé lors du concours, mais ces quelques silhouettes ont suffi à convaincre le jury de leur talent et à leur ouvrir les portes de la Fashion Week de Dakar, où ils sont invités en décembre.
Les couturiers ont fait un travail remarquable sur les textures et les matières, à partir des franges qui ont été créées à la main avec la technique de l’effilochage
Ci -d es su s, dé fil é de l a coll ectio n Djôl ôh. Ci -c ontre, à ga uc he, la ro be Cy nthia.K ; à droi te, la ju pe du lo ok Baf lan as sor ti e à la ve ste du look
Frédériqu e Lei nin ge r.
du coton brut et de la mise en avant de textiles déstructurés. Guidés par les principes de la production circulaire, ils ont par ailleurs veillé à découper chaque tissu de façon à pouvoir ensuite utiliser les chutes pour créer d’autres pièces, faisant preuve d’inventivité et de finesse. La robe Cynthia.K (les noms des looks célèbrent des femmes ivoiriennes qui ont lutté contre le cancer, Octobre rose étant le thème du concours), avec son col haut et son design moderne, est un parfait exemple d’une mode à la fois sophistiquée et durable. @lamaisonkant ys ■ L.N.
À
MAUR ICE, ces deux hôtels haut de ga mme accuei llent DES TA BLES EM BLÉM AT IQUES et ra ff inées pour se fa ire plaisi r en fa mi lle ou en tête-à-tête.
LE BLUE MA RLIN est la table my thique du Paradis Beachcomber, un resort de rêve sur la péninsule du morne Brabant (sud-ouest). Placé en front de mer, il offre une vue imprenable sur le lagon, dans un décor relaxant et contemporain entièrement refait en 2023 Les lignes arrondies du mobilier, l’installation artistique accrochée au plafond et le carrelage, qui évoquent des écailles argentées, sont autant de détails qui rendent hommage au célèbre poisson. Le chef y propose une cuisine du monde créative, qui interprète avec audace des classiques et sublime les produits de la mer. Idéal aussi pour un midi gastronomique décontracté au bord de la plage, à base de tempura du lagon ou de filet de berri avec palmiste croquant, champignons à l’huile d’argan, asperges vertes et salsa de coquillages
le dialogue culturel entre l’Amérique latine et le Japon à travers un mélange culinaire fait d’une étonnante variété d’ingrédients, de textures et de méthodes de cuisson. Chaque élément, du décor sophistiqué et authentiquement péruvien au choix des boissons (mention spéciale pour le Pisco), valorise les saveurs élaborées par le chef Pedro Burgos. Des ceviches au bœuf Wagyu, version anticucho, fumé sur le gril avec sauce chimichurri, ou lomo saltado, de qualité extrême, jusqu’au bar en réduction de parihuela (soupe de poisson) et raviolis aux crevettes, tout y est délicieux ! beachcomber-hotels.com luxresor ts.com ■ L.N. SP OT S
À l’autre bout de l’île, le LU X* Grand Gaube accueille la première table péruv ienne de l’océan Indien : INTI – le dieu du soleil – est un lieu emblématique, qui célèbre
Avec trois fois rien, le st ud io RA MOS CAST ELLA NO a constru it un musée éton na nt, qu i célèbre et promeut la créativité boui llon na nte des îles.
LA FAÇA DE à pois bariolée du Centre national d’ar t et de design (CNA D) se détache sur le paysage urbain de Mindelo, la capitale culturelle du Cap-Vert. Le musée – le premier ouvert dans l’archipel après l’indépendance – a été entièrement rénové par le cabinet local de Moreno Castellano et Eloisa Ramos, porté par un projet visionnaire qui met en avant la créativité et la débrouillardise locale et qui est déjà une icône internationale. Notamment grâce aux brise-soleil orientables de l’annexe, créés à partir des couvercles des barils utilisés pour l’importation de marchandises. L’intervention du studio, qui a rénové aussi la maison coloniale qui constitue le corps du CNAD, a permis de recoudre le tissu urbain, transformant un espace vide
et délaissé en un patio public vivant et un vieux hangar en un bâtiment de cinq étages, doté d’une librairie, d’un atelier, d’une résidence ar tistique et de deux espaces d’exposition. Le duo en a aussi dessiné le mobilier, réalisé par des ar tisans cap-verdiens à partir de vieux déchets et matières locales. « Il a été difficile de convaincre les institutions que l’on peut faire de l’architecture impactante et de qualité à partir d’ordures. Que cette “folie” était faisable », expliquent les architectes depuis Bamako, où ils travaillent à la scénographie de la 30e édition des Rencontres. Aujourd’hui, le CNAD est un pôle d’attraction pour l’île et un lieu où le potentiel créatif des CapVerdiens s’exprime et se concrétise. ramoscastellano.com ■ L.N.
À cette période de l’an née, l’Af rique se révèle mu lt iple et propice au voya ge. Spor ts naut iq ues, vi rées en mont ag ne, cu lt ure vodu n et croisière su r le Ni l…
VOICI QUAT RE EX EM PL ES
D’ESCA PA DES BÉNÉFIQU ES !
Da ns le s hau teur s de la station d’Ou ka ïm ed en
LA FIN ET LE DÉBU T de l’année sont les meilleures périodes pour visiter le continent : dans le Sud, on peut savourer l’été austral ; au Nord-Est, la météo douce est parfaite pour des excursions urbaines, tandis que les montagnes peuvent se couv rir de neige et attirent les amateurs de sk i. Et si la chaleur peut quelquefois devenir étouffante dans l’Est, où les pluies verdissent néanmoins les paysages, on n’a qu’à mettre le cap vers le Nil et la mer Rouge pour se relaxer au bord d’une eau à la température idéale. Ce sont aussi les mois de la saison sèche pour une bonne partie des pays tropicaux, comme le Bénin, où l’on peut se ressourcer en contact avec la nature ou redécouvrir l’histoire et la culture de la région. Voici quelques idées de voyage pour profiter au mieux de cette belle saison
EN AFRIQUE DU NOR D, la montagne attire de plus en plus de touristes et de passionnés de sk i. C’est le cas de la majestueuse chaîne du Djurdjura, à environ 150 km d’Alger, où la station de Tikjda culmine à 1 478 m d’altitude et offre une vue imprenable sur les pics enneigés et les paysages lunaires de l’Atlas algérien Cet endroit féerique est pour l’instant conseillé aux adeptes du sk i de randonnée et des balades dans la neige, le projet de rénovation des remontées mécaniques étant repoussé d’année en année. Plus accessible, l’Atlas marocain abrite la station de Michlifen, surnommée La Petite Suisse marocaine, à environ 1 heure de route d’Ifrane Pour un séjour en chalet alpin de luxe, au milieu des forêts de cèdres, le Michlifen Resort & Golf, avec spa et piscine intérieure,
est le bon choix. La station la mieux équipée et la plus prisée du pays est toutefois celle d’Oukaïmeden : un paradis blanc qui atteint les 3 200 m d’altitude à seulement 70 km de Marrakech. L’endroit parfait pour profiter de la nature un jour et de la ville rouge le suivant. michli fen.com
EN FIN d’année, les températures sont idéales pour visiter la vallée des Rois ou la py ramide de Khéops, mais aussi bronzer sur les rives de la mer Rouge. Pour un séjour qui conjugue douceur de vivre et tourisme culturel, naviguer sur la vallée du Nil est une év idence. En attendant la mise en serv ice du train Guardian of the Nile, qui reliera Le Caire à Assouan
– en 2027, dit-on –, on peut découv rir les sites de l’Ég ypte antique depuis une dahabiya, un bateau de croisière ou un vapeur édouardien de grand st yle. Pour une pause gastronomique le long du fleuve, on conseille la cuisine créative du Al Moudira, à Louxor, qui organise aussi des dîners sur-mesure dans certains temples et sites archéologiques, ou la terrasse du my thique Old Cataract d’Assouan. Pour un plus petit budget, les plats faits maison du Nubian Dreams Restaurant & Cafe (A ssouan) sont imbattables et la vue sur le fleuve est magnifique Plusieurs opérateurs touristiques, via Voyageurs du monde, proposent un séjour d’exception à l’occasion du Nouvel An, avec soirée de réveillon et dîner sur l’eau. moudira.com/sofitel.accor.com
LE PAYS revendique depuis quelques années son statut de berceau du vaudou : il développe des parcours touristiques culturels, comme la route des Couvents voduns, et investit dans la construction du futur musée international du Vodun à Porto-Novo Il célèbre aussi cet héritage avec un festival annuel dédié aux arts, à la culture et à la spiritualité à Ouidah. La deuxième édition des Vodun Days (du 9 au 11 janv ier) prévoit des concerts et spectacles en bord de mer, près de
la Porte du non-retour, mais aussi des parades en l’honneur des divinités vaudoues, des animations dans la cité historique – où se trouve le renommé temple des Py thons – et des stands d’artisanat local. La ville côtière, qui accueille déjà le musée de la Fondation Zinsou d’art contemporain et son agréable café, vit par ailleurs une révolution urbaine, qui vise à en faire une destination culturelle autour de la mémoire de la traite. Les travaux sur ce front sont loin d’être terminés, et le musée international de la Mémoire et de l’Esclavage n’a toujours pas ouvert, mais l’histoire d’Ouidah vaut à elle seule le détour @ vodundays/ fondation -z insou.org ■ L.N.
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PA R EM MAN UE LL E PON
Et si, pour une fois, à l’occasion des fêtes de fin d’année, on arrêtait de se ruiner en achetant la dernière Game Boy à son fils ? Si on cessait de réserver le voyage à la mode vers Dubaï ? Si on stoppait la commande d’huîtres ou de saumon fumé impor tés ? Et si, enfin, on choisissait ne pas por ter une robe du soir grif fée de Paris ?
Il su ff it de le décider. Et de se dire très fort que tout cela est devenu ringard. Le must, cette année, c’est de consommer local, de promouvoir son propre patrimoine et de privilégier les circuits cour ts ! Et franchement, le continent regorge de tout ce dont on a besoin pour passer un réveillon made in Africa
Primo, ceux qui fêtent Noël oublient le sa pi n ve rt en pl as ti qu e et sa fausse neige, et couvrent plutôt de guirlandes les palmiers et les cocotiers du jardin ou n’impor te quelle jolie plante locale en pot dans la maison. Au pied, on dépose des cadeaux, comme un awale et ses graines, ou un Monopoly City of Lagos commercialisé par une entreprise nigériane. À l’occasion du réveillon du 24 pour certains, et du 31 pour tous les autres, on s’habille local – et si l’on veut frimer, on peut se payer une robe du soir de chez Gilles Toure ou José Esam, un costume
Elie Kuame, une robe de princesse Alphadi ou encore un drapé noir chic d’Imane Ayissi, pour ne citer qu’eux La liste est infinie, tant la création africaine regorge de talents.
Et si vous décidez de vous payer un petit voyage, franchement, là encore, le choix des destinations sur le continent subsaharien est incommensurablement varié ! Depuis la croisière en bateau sénégalais vers Saint- Louis au lodge sud- africain, en passant par un trek en Pays Dogon, une plage de sable blanc en Mauritanie ou une visite aux gorilles à dos argenté dans les montagnes rwandaises…
Et enfin, côté agapes , absolument tous les plats traditionnels locaux sont une fête à eux tout seuls ! Un gbekui togolais et ses ablos, un foléré du Nord Cameroun ou une sauce graine à Abidjan composeront pile comme il faut votre repas de réveillon Allez, on peut même mettre des huîtres des palétuviers sénégalaises en entrée, le tout arrosé d’un vin de palme frappé ou d’un puissant vin rouge sud- africain.
Pour plus de dépaysement, le Gabonais pourra choisir un mafé malien et le Burkinabè un saka -saka congolais L’essentiel, c’est de consommer afro Ça sera trop bien, vous verrez : il faut lancer la mode ! Bonnes fêtes et meilleurs vœux pour l’année qui s’annonce ! ■
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