AFM 457 FREE

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ALLY IPUPA

enfantdeKinshasas’est imposé comme unestar internationale,dépassantdeloinles frontières de son pays et du continent.Une success-story musicale et personnelleunique.

LE RETOUR DE LA PAUVRETÉ ?

Il y a eu presque trois décennies magiques entre le milieu des années 1980 et le début des années 2010. Poussés par la mondialisation, le libre- échange, le commerc e international, la re che rche de délocalisations « prod uctives », le s pays pa uvres so nt deve nu s mo in s pa uvres. De s na tio ns so nt deve nu es ém erge nte s, la Chine et l’Inde, d’autres, se sont hissées dans l’échelle de s rich esses du mond e. Le s éc ar ts de PI B entre le s No rd s et les Su ds se so nt ré du it s. Les pays non OC DE sont passés de moins de 30 % du PIB mondial à près de 60 % aujourd’hui. Des centaines de millions de gens sont sortis de la précarité. La pauvreté ex trême a chuté, la santé publique et l’éducation se sont améliorées, avec une forte diminution des décès dus aux maladies endémiques. Des classes moyennes sont nées, l’urbanisation a entraîné la modernisation des mentalités, l’explosion de la créativité culturelle. Une véritable révolution à l’échelle de l’humanité.

Depuis le courant des années 2010, ce mouvement transformateur a pourtant fortement ralenti. Les plus défavorisés ont cessé de croî tre plus rapidement que les plus riches, voire prennent à nouveau du retard. Les indicateurs de santé publique se sont dégradés après la pand ém ie de Co vi d-19. Le pal ud is me a tu é pl us de 60 0 000 pe rson ne s par an da ns le s an né es 2020, revenant au niveau de 2012 La mor talité infantile, qui avait chuté entre 20 00 et 2012 de 53 à 35 décès pour 1 000 naissances, plafonne aujourd’hui à 28

Pour les 3,5 milliards de personnes restant statistiq uemen t pauvres (l a mo it ié de l’ hu ma nité), le s pe rs pectives de lib érat ion s’ él oig nent… L’Af riqu e su bs aha ri en ne es t la zo ne la plus to uché e pa r ce ra le nt is se me nt, re pr ése nt an t pl us de la mo it ié de la pa uv ret é ex tr êm e mon di al e (3 89 mi lli on s de personnes) – tendance alimentée, entre autres, par une démographie insuffisamment maîtrisée.

Les causes de ce « retour de la pauvreté » sont nombreuses . Évidemment, il y a l’impact du Covid et ses conséquences. Et puis, la faiblesse structurelle de l’aide internationale au développement, qui bénéficie aux pa ys fr ag il es En 20 23 , l’ai de de s me mbr es de l’OCDE s’est, certes, élevée à un montant historique de 224 mi ll ia rd s de do ll ar s. Ma is ce chif fre re prése nte à peine 0,4 % du revenu national brut combiné de ces pays

(et l’enveloppe inclut l’appui à l’Ukraine) Les secteurs comme la santé publique et l’éducation (dont les retours sur investissement sont longs) sont ceux qui souf frent le plus de ce manque de capitaux « concessionnels ».

Les manifestations de plus en plus évidentes du changement climatique, en particulier dans des pays à faibles émissions, aggravent le phénomène. Tout comme le refus des pays riches d’assumer leurs responsabilités Et une ju st e par t de l’ én or me in ve sti ss em en t de transformation né cessaire pour les pays des Suds La compétition pour les capitaux sera brutale : les pays des Nords chercheront avant tout à sauver leur peau…

Globalement, la mondialisation, qui avait largement alimenté le développement des économies des Suds, connaî t une spectaculaire régression. Depuis 20 09-2010, le commerce international ne progresse plus Les pays riches cherchent à se réindustrialiser et se réapproprier les lignes de production, en particulier dans des secteurs décrits comme « stratégiques » (pharmacie, technologies digitales, mobilités, etc.). Et les investissements vers les Suds baissent mécaniquement.

Ces mêmes pays riches multiplient les barrières ta ri fa ir es et les normes d’acc ès à leurs marchés Les réglementations prévues sur la déforestation impactent des diza in es de productio ns ag ricol es (c aca o, ca fé, élevage, etc.) sans véritable compensation La patronne de l’OMC, Ngozi Okonjo -Iweala, a dénoncé la croissance continue des restrictions et barrières à la globalisation des échanges – dix fois plus impor tantes aujourd’hui que dix ans plus tôt. De nouveaux « murs » qui par ticipent directement à ce nouvel appauvrissement de l’humanité. L’une des clés pour sort i r de la na sse serai t évidemment de re construire l’architecture financière internationale. Mais en at tendant ce miracle, plus de justice mondiale, chaque pays des Suds a aussi sa part de re sp on sa bi li té À chacun de mai nte nir le ry thm e de la ré fo rm e, de pari er su r le dé ve lopp em en t, la modernisation, d’encourager l’entreprise, la concurrence et la créativité À chacun de lutter contre les prébendes, le s pr ote ct ion s, le s su bv en tio ns in uti le s. À ch ac un de m et tre la go uver nanc e au ce nt re de s polit iq ue s publiques. Et d’ou vrir aussi le champ des id ées et du dé ba t po ur êt re, mê m e à petits pas, au cœur de ce siècle. ■

3 ÉDITO

Le retour de la pauv reté ? par Zyad Limam

6 ON EN PARLE

C’EST DE L’A RT, DE LA CU LT UR E, DE LA MODE ET DU DESIGN Entre deux mondes vaudous

28 PA RCOURS

Fabrice Ng uena par Astr id Kr ivian

31 C’EST COMMENT ?

Molière vs Shakespeare par Emmanuelle Pont ié

56 PORTFOLIO

Visa pour l’image 2024 : Dans l’œil de ceux qui voient l’horreu r par Zyad Limam

86 CE QU E J’AI APPR IS Abdoulaye Kouyaté par Astr id Kr ivian

98 VINGT QU ESTIONS À… Souad Massi par Astr id Kr ivian

TEMPS FORTS

32 Corne de l’Afrique : Les passages en force d’Abiy Ahmed par Cédr ic Gouver neur

42 Fally Ipupa : Une histoire congolaise par Zyad Limam et Emmanuelle Pontié

50 Joseph Oleshangay : L’injustice faite au x Massaïs par Cédr ic Gouver neur

62 Alaa El Aswany : La révolution continue par Catherine Faye

P.50

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68 Am ira Ghen im :

« L’histoire est écrite par ceux qui osent en raconter des frag ments » par Astr id Kr ivian

74 Gaël Faye :

« La littérat ure est mon pays » par Astr id Kr ivian

80 Jacky Ido :

« Le slam fait avant tout partie d’une famille qui aime les mots » par Emmanuelle Pontié

BUSINESS

88 L’inexorable croissance du e-commerce

92 Francis Du fay :

« Notre business model est conçu pour s’adapter »

94 Au Nigeria, la raff nerie Dangote manq ue de pétrole

95 Sauver la rivière Falémé des or pailleu rs au Sénégal

96 Le virus Mpox pourrait impacter le tour isme en Afrique

97 La première raff nerie d’or bientôt certifée au Ghana par Cédr ic Gouver neur

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ON EN PA RL E

C’est ma in te na nt , et c’est de l’ar t, de la cu ltu re , de la mo de , du de si gn et du vo ya ge

RE ND EZ -V OU S

ENTRE DEUX MONDES VAUDOUS

Voyage da ns les LI MBES DU VISI

BLE

et de l’invisi ble, au x sources du my the du zomb

LOIN DES ÂMES errantes du cinéma et de la pop culture, de La Nuit des morts-vivants à World War Z, en passant par la série The Walking Dead ou le clip Thriller de Michael Jackson, les zombis vont et viennent entre l’ici et l’ailleurs, déambulent dans les rues haïtiennes lors de fêtes religieuses et païennes, hantent l’œuvre de Dany Laferrière, se livrent aux interrogations de scientifiques Que nous disent-ils sur nous-mêmes, et surtout d’où viennent-ils ? Si le mot « zombi » (nzambi en langue bantoue) désigne un mort-v ivant ou le fantôme d’un défunt, sa signification évolue considérablement en traversant l’Atlantique lors de la traite des esclaves, portée par la combinaison des croyances traditionnelles africaines, caribéennes et catholiques En Haïti – territoire exclusif de ces figures à la croisée des chemins entre le monde des vivants et celui des trépassés ou de leurs esprits –, ce mot recouvre de nombreux sens, à la fois anthropologiques et sociologiques. Entre savoir et fiction, l’exposition donne ainsi à voir les réalités qui se cachent derrière la peur de ce

troublant « non-mort ». Et part sur les traces d’un my the, le vaudou haïtien, à la fois une religion à part entière, mais aussi une culture, une façon de vivre. Une exploration à la fois universelle et intime, à l’aune des mots de Philippe Charlier, médeci légiste, anthropologue et commissaire de l’exposition : « Le monde est rempli d’une énergie circulante, de courants et de forces qui naviguent, et quelques autres qui sont cristallisés » Passionnant. ■ Catherine Faye

Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Paris (France), jusqu’au 16 février 2025. quaibranly.fr

Pe rsonna ge li é aux rite s de s soc iété s secrète s Bi za ng o d’Ha ït i.
Myrlan de Con s ta nt, Ba nn ière Bawo n, 20 05, Ha ït i.

DELPHIN E MINOUI, Badjens, Seui l, 160pages, 18 €

POINGLEVÉ

La révolte d’unejeu ne fi lle iran ienneracontéesousfor me de MONOLOGUE INT ÉR IEUR.

IL YA NEUF ANS, DelphineMinoui, grandreporterau Figaro, spécialisteduProche et Moyen-Orient,racontait sesannées iraniennes,de1997à 2009,souslaforme d’unelettreposthume àson grand-père (Je vous écrisdeTéhéran,Seuil). Elles’y remémorait cesversdeHafez,poète persan :« Celui quis’attache àl’obscurité apeurdelavague./Le tourbillon de l’eaul’effraie./Et s’il veutpartagernotre voyage,/Il doit s’aventurer bien au-delàdu sablerassurant du rivage.» En 2017,son récit LesPasseurs de livres de Daraya filait la métaphoreducourage et donnaitlaparoleà de jeunesrévolutionnaires sy riensayant fait le pari de créer une bibliothèqueclandestine.Dansson nouveauroman,ellenous plonge au cœur de la révolte« Femme, Vie, Liberté»,menée à l’automne2022pourprotestercontrelamorttragiquedeMahsa Amini, arrêtéepour« port du voilenon conforme àlaloi », où une Iraniennede16ans escalade unebenne àordures,prête àbrûler sonfoulard en public.L’héroïnes’appelle Bad-jens :littéralement, mauvaisgenre.Enpersandetousles jours :espiègle ou effrontée. De nouveau, la lauréate du prix Albert-Londresen2006, qui prônelepouvoir desmots, dans desrégions où ilssont souvent étouffés,célèbrel’audaceetlarésistance. Un texteféministeet politiquecontre le poidsdelareligion et le patriarcat. Pour porter le combat d’unenouvellegénération en pleine ébullition ■ C.F

SO UN DS

Àécouter maintenant !

TheLijadu Sisters

Hor iz on Un li mi te d, Nu meroGroup/Modulor

On ne présente plus lesjumellesnigérianes

TaiwoetKehinde Lijadu,dont le mélangedes st yles,entre af robeat, funk et reggae saupoudré de yoruba, fait date,endépit d’un dommageable manque de reconnaissance. Ce que prouve cettecollection de rééditions remastérisées, s’ouvrantaveccelle de Hor izon Unlimited,par ue en 1979 Féministe, rev igorant, exigeant!

El Khat

Mute, Gl it terbeat /Modulor

Avec ce troisième album, le groupe mené parlev ioloncelliste(et inventeur d’instruments, commele gallon bleu !) israéliend’origine yéménite

Eyal el Wahab, désormaisbaséà Berlin, confirme la puissancedeses mélodies, inspiréespar lesorigines de sonleader. Clav iers,percussions et cuiv res, arrangements somptueux, propos immédiat : Mute estunappel à l’ouvertureetàlaliberté de l’esprit

Áf rica Negra

Ant ol og ia volume 2, Le sD isques Bongo Joe/ L’Autred istribut ion.

Fondée au débutdes années 1970 parHoracio et Emidio Pontes,lavaleursûredeSão Tomé est revenue,dotéed’undifférentline-up, surscène àlafin desannées2000. Le second voletdel’anthologieconsacrée àÁ fricaNegra parles bons soinsdu labelBongo Joepropose desinédits datant de 1979 et 1990,oùl’onentend lesvoixdeJoãoSeria ou encore Sergio Fonseca. Must have ! ■ SophieRosemont

SU SP EN SE

LE LIVREUR DE MENSONGES

UN SA NS-PAPIERS GU IN ÉEN pa rv iend ra-t-i l à obteni r l’asile politique ? L’acteur est bouleversa nt da ns ce rôle de semi-composition.

« C’EST PLUS COMPLIQU É de tour ner à Paris qu’à Bang ui ! », ex pliquait Boris Lojk ine en présentant son film au dernier Festival de Cannes, récoltant au passage le pr ix du jury et le pr ix d’interprétation masculine pour son acteur pr incipal dans la section Un certain regard Le cinéaste français a d’abord été documentar iste avant de réaliser des fictions, parmi lesquelles Camille (2019), portant sur une photorepor ter en Centraf rique incarnée par Nina Meur isse, que l’on retrouve dans son nouveau film en agent de l’Ofpra, l’organisme chargé d’accueillir les réf ug iés en France Et ce nouvel opus, dans la droite ligne de Hope (2014), qui traitait des migrants, s’im merge avec réalisme dans la capitale française, au x côtés d’un des nombreu x livreurs à vélo qui la sillonnent dans le fracas des klaxons et des sirènes. Souley mane, Guinéen qui utilise l’identité d’un Camerounais pour pouvoir réaliser des courses à la sueur de son front, livre toujours plus vite un repas chaud au x clients qui n’ont pas le temps (ou ont la flemme…) de sortir ou de se faire à manger… Son objectif : obtenir l’asile politique et régulariser sa situation pour pouvoir travailler plus facilement en

France. La caméra ne le lâche pas au milieu du flot de la circulation et le suit pendant les deux jours précédant l’entretien qui doit lui permet tre d’obtenir le stat ut de demandeur d’asile. Il doit apprendre par cœur les détails de la fausse histoire d’un migrant persécuté dans son pays, puisés dans un dossier four ni par un intermédiaire af ricain plus ou moins véreux… Le suspense est maintenu jusqu’au bout, à un ryt hme qui nous embarque et év ite tous les pièges du film militant : le héros, plutôt taiseu x, ne cherc he pas à être sy mpat hique, entièrement tour né vers sa quête du précieux sésame, au pr ix de mensonges qu’il doit intég rer entre deux livraisons Face à lui, peu d’hostilité, il n’est pas vict imisé. Pour l’incarner, Abou Sangare, jeune Guinéen de 23 ans lui-même sans-papiers, découver t dans la rue lors d’un casting sauvage, est comme une év idence, et sa présence rayonnante rend l’épopée de son person nage bouleversante. À chacun de se demander si Souley mane a choisi la bonne voie et s’il mérite qu’on lui accorde l’asile politique. ■ Jean -Marie Chazeau

L’HISTOIRE DE SOULEYMA NE (France), de Boris Lojk ine. Avec Abou Sa ngare, Ni na Meurisse, Alpha Ou ma r Sow. En sa lles

MUSTAFA LE FOLK CONSCIENT

Remarqué dès l’enfance pour ses poèmes, CET ARTISTE CA NA DIEN issu de la diaspora soudanaise raconte, avec Dunya, son rapport à la foi.

« LE MONDE dans tous ses états » : c’est ce que signifie Dunya en arabe. Un monde dans ce qu’il a de plus bouleversant, de la passion au deuil, en passant (surtout) par une indéfectible foi en Dieu et en l’humain, malgré tout C’est ce que raconte Mustafa Ahmed dans ce nouveau disque, délicat entrelacs de folk imaginé aux côtés de pointures de la scène nord-américaine – Nicolas Jaar ou encore Aaron Dessner, collaborateur de Taylor Swift, du groupe The National L’important étant, d’après le chanteur, « d’être en compagnie de gens qui ne se soucient pas d’être populaires et qui ne se trahiront pas pour avoir du succès » : « J’ai besoin que l’on partage mes valeurs artistiques, que mon équipe et mes amis croient en ce que je crée. » S’il n’a que 27 ans, il a déjà plus de quinze ans de carrière derrière lui. Il rentrait à peine au collège

MUSTAFA, Dunya, Jagjag uwa r. Sort i le 27 septem bre.

qu’il faisait ses débuts sur scène, à Toronto, comme apprenti poète. En 2021, son premier album, When Smoke Rises, impose la subtilité de sa narration musicale. En anglais, mais aussi en arabe, volontiers accompagné d’un oud, l’artiste narre

de sa superbe voix ses ressentis, rendant hommage à ses racines. Une grande partie de sa famille est encore établie au Soudan, bouleversée par la tragique situation actuelle. « Ils me disent qu’ils ne perdent pas espoir, parce qu’ils croient en l’espace qui les attend au-delà de cette existence », commente Mustafa, qui explore tout au long de Dunya son rapport à l’islam. Quant à la conclusion, « Nouri », elle rend hommage à sa mère : « Elle a toujours été très pudique sur sa vie avant de venir vivre au Canada, elle répond peu à nos questions. Ma mère souffre d’une profonde anxiété sociale, dont je ne sais si elle a toujours été présente ou si elle s’est développée à son arrivée dans le monde occidental Cette chanson, je l’ai écrite comme si je voulais en savoir plus sur elle… Et sur les rêves qu’elle aurait laissés là-bas, au Soudan » ■ S.R.

AL BU M

HOM MA GE

L’AFRIQUE CÉLÈBRE WOLE SOYINK A AU MAROC

Le 9 ju illet, à Ra bat, l’Académ ie du royaume du Ma roc a fêté LES 90 ANS DU PR IX NOBEL DE LI TT ÉR AT UR E 1986.

COLLOQUES, SÉMINA IR ES, journées d’étude rythment l’année académique sur des enjeux tels que l’historiographie du continent, les perspectives de l’espace méditerranéen… L’ambition panafricaine de l’Académie s’illustre aussi au sein de la Chaire des littératures et des arts africains, qui a célébré Wole Soyinka cet été. Lancée en 2022, administrée par l’écrivain et universitaire camerounais Eugène Ébodé, sa mission est de décloisonner les aires linguistiques, géographiques et culturelles sur le plan continental. AM : Que représente pour vous cet anniversaire au sein de l’Académie du royaume du Maroc ?

Wole Soyinka : Je suis ému par l’esprit de cet événement. Quand Léopold Sédar Senghor a fêté ses 90 ans, je l’ai rencontré à Paris lors de l’hommage qui lui était fait : « Un jour, ce sera ton tour ! », m’avait-il dit. Ce n’est pas un choc, mais c’est difficile à assimiler. Nous, écrivains, artistes, servons à tisser des liens entre les cultures, les nations. Un tel événement nous rappelle que des relations autres que politiques ou économiques existent entre les

peuples À mes yeux, le Maroc constitue un pont entre les Africains noirs et la civilisation arabe.

Qu ’aviez-vous à cœur d’exprimer dans votre dernier roman, Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde ?

En tant qu’écrivains, nous devons parfois dénoncer la société. Nous accusons les États, réfutons leur leadership, les traduisons en justice, et il le faut Or, les dirigeants ne sont pas les seuls coupables. Le peuple, très souvent, est un criminel envers lui-même Il est crucial de tendre un

L’ACADÉMIE DU ROYAUME DU MAROC :

UNE INSTITUTION DE SAVOIRS ET D’ÉCHANGES INTERNATIONAUX

LÉOPOLD SÉDA R SENGHOR ou Neil Armstrong en sont des membres éternels. Créée en 1977 par le roi Hassan II, l’Académie du royaume du Maroc n’est pas qu’un cénacle de penseurs ; elle est aussi un lieu d’intelligence collective, de production de savoirs, de publications, de dialogues interculturels et multidisciplinaires (sciences humaines, économie, arts…) dédié aux grandes questions contemporaines Impulsée par le roi Mohammed VI, l’implication de la jeunesse est au cœur de ses actions, permettant une transmission intergénérationnelle. Constituée de trente académiciens marocains et de trente membres du monde entier, tissant des partenariats avec des instances étrangères pour échanger les expertises, l’Académie est dotée de divers instituts pour réaliser ses missions, soutenir la recherche, mener des projets communs, tels l’Instance supérieure de traduction, l’Institut royal de l’histoire du Maroc, ou encore l’Institut des arts, chacun œuvrant à la promotion de son sujet sur le continent et à l’international. ■ A.K.

miroir à la société, aux citoyens, et de dire : regarde ce que tu es devenu, ce que tu fais aux autres, à toi-même, regarde l’héritage que tu laisses. L’humanité se détériore, le cy nisme se répand et n’est pas l’apanage du pouvoir. En quoi l’écriture oscille -t -elle entre douleur et libération ?

L’écriture s’apparente à un processus d’exorcisme pour les auteurs. Toute personne sensible évolue entre la douleur et l’effort pour s’en délivrer, ou au moins la mettre à distance pour continuer à vivre avec Raconter ne serait-ce qu’une fraction de ce qu’il se passe dans notre environnement est une source de soulagement et de liberté. Quelles différences y a-t- il entre les combats de votre génération et la nouvelle ?

Le présent n’est pas pire que le passé. Mais ce qui demeurait dans l’ombre hier est aujourd’hui exposé au grand jour. Prenez l’exemple des réseaux sociaux : ils sont à la fois un outil de libération, mais aussi le théâtre de cruautés et de mensonges. Pour la jeunesse en particulier, il est difficile de s’y retrouver entre les faits et la fiction, la manipulation. Quelque chose a été perdu, et j’accuse la société d’avoir détruit la valeur positive de ce nouveau média, qui a été utilisé de manière constructive lors des Printemps arabes, par exemple. Mais lorsqu’il tombe entre les mains de ceux que j’appelle les brutes, il devient un instrument de tromperie, de terreur. Et la dignité humaine est défiée par d’autres forces que celles du pouvoir étatique

Où avez-vous puisé cette force pour combat tre le racisme, le colonialisme, la corruption au fil de votre vie ?

La réponse peut sembler ironique, mais j’ai un besoin viscéral d’avoir l’esprit tranquille. C’est une quête perpétuelle. Je ne peux pas me sentir en paix si mon environnement est violent, brutal Pour être soi-même, il faut s’exposer, s’engager. Quelle place tient la spiritualité dans votre vie ?

Je crois en l’humanité. Mais quand la spiritualité devient religion, laquelle est parfois employée comme un instrument de domination, de cruauté, contre l’émancipation, elle devient un ennemi. Je trouve ma spiritualité en forêt, où je me sens en paix avec moi-même et avec l’univers. ■ propos recueillis par Astrid Krivian

FI CT ION

ABDELLAH TAÏA, Le Bastion des larmes, Ju lliard, 224 pages, 21 €.

RETOUR AUX SOURCES

EN

LICE

POUR LE

GONCOU RT, le nouveau roma n d’Abdellah Ta ïa cont inue d’ex plorer son en fa nce au Ma roc.

BORJ ADOUMOUE est une place forte sur la rive droite de l’embouchure du Bouregreg. En 1260, la population, alors qu’elle célébrait l’Aïd al-Fitr, y fut victime d’un massacre perpétré par des guerriers castillans. Les remparts de la vieille ville sy mbolisent la frontière entre le passé révolu et le présent troublé C’est ici que Youssef, le héros d’Abdellah Taïa, Prix de Flore pour son livre Le Jour du roi en 2010, fit autrefois une promesse à Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique : un pacte d’amour et de fidélité Ce professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle revient à sa ville natale pour liquider l’héritage familial, qui est aussi celui d’une enfance terrible, d’un amour absolu, pour ses sœurs, à qui il dédie l’ouvrage, et pour sa mère disparue Tout un passé ressurgit, où se mêlent les contradictions et les tensions qui ont marqué sa vie. Comme souvent dans les récits de l’auteur, il est ici question d’homosexualité, de famille, de pauvreté Et des faux-semblants d’une société entravée. ■ C.F

AYOM DU SACRÉET DE LA LIBERTÉ

Le groupe mené par la CH ARISMATIQU EJABU MORALESrevient avec un nouvel album, commeune odeàlavie.

«SAGRA DO »(SACR É),« Liberdade» (liberté et amour), «Valentía» (courage): de cestrois motsest né l’acrony me titrantlenouvelalbum du groupe poly national basé àLisbonne, mené parlachanteuse et percussionniste brésilienneJabuMorales.Composéentrois grands chapitres, il racontecomment,endépit desv iolences racistes,colonialesetmisog ynes,lav ie vaut la peine d’être vécue, pleinement.Toujours sous influence latine et lusitanienne,généreusement habillée d’accordéon(assuré parA lberto Becucci), la musique épouse le propos,del’ouverture «Oxala, PromessaDo Migrante »à« Io Sono Il Vento»,majestueuxduo avec le chanteur portugaisSalvador Sobral,auplusprès desémotions.Ondanse aussisur «Fuzuê Funana » et «Vestido De Fogo ». Enthousiasmant ! ■ S.R

AYOM,
Sa.Li. Va., L’Autre dist ribut ion

« MEHDI QOTBI, UNE VIE, UNE ŒUVRE », Instit ut du monde arabe, Paris (France), du 15 octobre 2024 au 5 janvier 2025 imarabe.org/fr

À l’oc casio n de c et te rétros pe ct ive, le s éditi on s As souli ne pu bl ie nt un be au livre con sa cré à l’œu vre de l’ar ti ste.

EX PO

MEHDI QOTBI, TISSEUR D’ÉCRITURE

L’IM A présente une rétrospect ive su r cet acteur majeur de l’ar t contempora in FR ANCO-M AROCAIN, ma ît re des signes et de la ca ll ig raph ie arabe.

LA FINESSE de ses œuvres épate et hy pnotise. Face à ces toiles où la beauté et le mysticisme de la calligraphie arabe s’allient à un trait moderne et abstrait, on a presque l’impression d’assister à une danse envoûtante du pinceau, qui invite à la méditation Mehdi Qotbi, né en 1951 à Rabat, est un maître de son art, dans la lignée du mouvement hurufiyya – ce courant artistique qui réinterprète les signes de l’écriture arabe dans un langage pictural contemporain, en poursuivant une tradition qui les charge d’une signification intellectuelle et ésotérique (à partir des mots, on dessine le monde) Pour la première fois, l’Institut du monde arabe consacre à cette figure majeure de l’art une belle rétrospective, qui explore son évolution artistique à travers une centaine d’œuv res créées entre le milieu des années 1960 et aujourd’hui. Elle aborde aussi les collaborations avec des écrivains et amis, tels qu’A imé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Octavio Paz et Nathalie Sarraute, dont les textes s’entremêlent aux œuvres. Des partitions à quatre mains où l’alphabet de l’âme met en relation imaginaires et cultures « Explorant la fluidité culturelle d’identités en constante renégociation, son œuvre distille autant de questionnements, d’insaisissables et d’indéterminations », souligne la commissaire de l’exposition, Nathalie Bondil Son œuvre, commente le critique Philippe Dagen, « s’offre et se dérobe. S’offre à la délectation chromatique. Se dérobe à l’interprétation critique Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ». ■ Lu is a Na nni pi er i

CO MÉ DIE DR AMA TI QUE

BLED FANTÔME À PANAME

Un Franco-A lgér ien em ménage à Ba rbès… UN FI LM sola ire, en forme de déclarat ion d’amou r au x bi nationau x et à tout un quar t ier de Pa ris.

L’EX-R APPEUR FI ANSO (Sofiane Zermani, qui a annoncé en août qu’à 38 ans, il préférait « laisser la place aux plus jeunes ») incarne Malek, un informaticien franco-algérien arrivé de banlieue pour s’installer au pied de la butte Montmartre Avec son jeune neveu tout juste débarqué d’Alger, il va découv rir le quartier de Barbès, où la communauté algérienne se serre les coudes tout en s’ouvrant aux autres Ce premier film est signé Hassan Guerrar, attaché de presse bien connu depuis plus de trente ans dans le milieu du cinéma français, qui a décidé de passer derrière la caméra pour rendre hommage à tous ceux qui, comme lui, partagent leur identité entre deux pays. L’occasion d’une belle galerie de portraits, avec deux comédiens bien connus en Algérie : Khaled Benaïssa dans le rôle de Préfecture, bouffon de ce petit village, et Adila Bendimerad, réalisatrice et incarnation de La Dernière Reine (2023), souveraine dans son café Côté binationaux, la Franco-Malienne Eye Haïdara et la comédienne française et princesse italienne Clotilde

Courau ! Filmé par temps de Covid et de confinement, le quartier ressemble souvent à un décor vide, d’où une

ambiance assez fantomatique, à l’image de l’ancien magasin Tati, fermé depuis trois ans et dont la célèbre enseigne trône toujours sur les toits, aussi iconique dans le film que le Sacré-Cœur ! C’est d’ailleurs dans une église du quartier que s’organise une authentique distribution de colis alimentaires par des bénévoles, souvent musulmans, que Malek vient aider. La comédie humaniste va virer au drame au fil d’un scénario assez prév isible et fataliste, mektoub oblige, avec ses secrets de famille et ses emportements virilistes. Mais Sofiane Zermani réussit à incarner avec beaucoup d’allure et de magnétisme un homme qui parv ient à réconcilier ses deux cultures d’origine. À l’image de son metteur en scène. ■ J.-M.C BARBÈS, LITTLE ALGÉRIE (France), de Hassan Guer rar. Avec Sofane Zermani, Eye Ha ïdara, Clot ilde Courau En sa lles

RESTAURATION D’UN FILM ICONIQUE

Une remastér isat ion qu i donne l’occasion de revoir le prem ier long d’Ousmane Sembène.

EM BLÉM AT IQUE et nécessai re.

C’EST LE FILM qui a fait du grand réalisateur sénégalais le « père du cinéma africain ». Premier long-métrage (d’à peine une heure) d’un cinéaste d’Afrique subsaharienne, il raconte les préjugés mutuels entre Noirs et Blancs, en suivant dans le sud de la France la domestique d’un couple de Français rentré du Sénégal et qui a fait venir sa bonne à Antibes. Film dénonçant en 1966 les méfaits du néocolonialisme et les inégalités de classe, c’est formellement un superbe conte en noir et blanc. D’une grande élégance, il est considéré comme

LA NOIR E DE (FranceSénégal), d’Ousmane Sembène.

Avec Thérèse M’Bissine Diop, An ne-Marie

Jel inek, Moma r

Na r Sene

En sa lles

le premier film afroféministe, car il souligne, au-delà du racisme, le sexisme dont est victime Diouana, la jeune héroïne débarquée de Dakar sans parler français et qui va sombrer dans la dépression. Son arrivée dans le port de Marseille, très chic en débarquant d’un paquebot blanc, est devenue une image iconique de l’histoire du cinéma mondial. À (re)découv rir dans sa version tout juste restaurée par la Film Foundation de Martin Scorsese avec l’aide d’Alain Sembène, le fils du réalisateur disparu en 2007 ■ J.-M.C

DANS LES COULISSES DE L’HISTOIRE

L’odyssée d’UN E FEMME

D’EXCEPT ION, Gert rude Bell, qu i a cont ribué à la création du Moyen-Or ient d’aujourd’ hu i.

OLIVIER GU EZ , Mesopotamia, Grasset, 416 pages, 23 €

IL Y A DES NOMS DE LIEU X qui font rêver. Le territoire où nous convie Olivier Guez dans son nouveau roman est une région historique du Moyen-Orient : la Mésopotamie. Une région qui n’a longtemps pas intéressé et qui redevient l’épicentre géopolitique au début du XXe siècle. Cette période charnière constitue, dans une lutte pour la domination internationale, les prémices de notre monde moderne. Le récit commence à Bassora, au début de la Première Guerre mondiale. Les Britanniques y sont arrivés de l’empire des Indes dès novembre 1914 pour protéger le carburant de la seconde révolution industrielle, à savoir les puits de pétrole du sud de la Perse. Pour raconter cet épisode essentiel dans la création du MoyenOrient moderne, l’auteur a centré l’intrigue sur Gertrude Bell, une femme au parcours exceptionnel. Archéologue, écrivaine, espionne, alpiniste, cette aventurière au tempérament complexe fut la femme la plus puissante de l’empire britannique dans les années 19101920 Une personnalité à l’aune du légendaire Lawrence d’Arabie, dont la renommée l’éclipsa, alors qu’ils eurent des rôles assez comparables. Deux figures aux manettes de l’histoire, dont les rêves aboutirent à des revers géopolitiques aux conséquences toujours d’actualité. Olivier Guez rend hommage à celle qui joua un rôle majeur d’agent de liaison lors de la grande guerre, et dont l’influence ne fut pas des moindres dans la création du royaume d’Irak Passionnant ■ C.F.

To p à capu ch e en je rs ey ins pi ré de s si lhouettes toua rè gu es

Entre passé et présent

Avec From Me to You, ISIS-CHR ISTA NA MBANGO ET KH UMO MOROJELE ex plorent le potent iel des tissus recyclés, tout en célébrant les photos et la mode des an nées 1960.

QU’EST-CE QUI LIE une étudiante d’art française formée à l’école de mode de la Casa93, à Montreuil, et un créateur autodidacte d’Afrique du Sud ? Tout d’abord, un programme de mentorat, True Fashion, Tr y On Green, financé par l’Institut français et le Goethe Institut, qui les a conduits à échanger d’un hémisphère à l’autre et à réaliser ensemble des créations pour un défilé au Palais de Tokyo pendant la Fashion Week 2022 Le feeling est tellement bien passé entre Isis-Christana Mbango et Khumo Morojele qu’ils ont continué à travailler ensemble en parallèle de leurs autres projets personnels. Cette année, ils ont sorti leur première collection femme pour le concept store sudafricain Merchants on Long From Me to You comprend six ensembles réalisés en tissus de seconde main – du denim

MOD E
Jup e à im pri mé s mi li ta ires ad apta ble en ve ste po ncho.

au cuir, en passant par le mohair – inspirés des portraits et des tenues des années 1960 en Afrique de l’Ouest et du Sud. En jouant avec l’harmonie et la discordance entre passé et présent, les st ylistes ont voulu connecter les époques et rendre hommage aux techniques et aux silhouettes de la culture vestimentaire du continent. Voici donc un haut sans manches en tricot torsadé avec capuche, qui évoque les foulards des femmes touarègues, assorti d’une jupe en jean et cuir inspirée du kanga liputa, le tissu drapé porté par les femmes au Congo Un classique avec un twist : l’insert en pantalon qui lui donne un aspect contrasté. Ce travail sur les formes plaît particulièrement à Morojele, qui a travaillé à la déconstruction et à la reconstruction des vêtements. Le défi majeur a été pour lui de trouver un équilibre entre fonctionnalité, créativité et approche conceptuelle – par exemple, dans le cas de cette jupe en tissu militaire qui se transforme en veste poncho. Le travail complémentaire d’Isis sur les techniques et les tissus a été fondamental pour créer des silhouettes structurées, mais fluides et confortables. Une collaboration créative parfaite, qui nous réserve sans doute encore de belles surprises. khumomorojele.com/work/frommetoyou ■ L.N.

Ve ste et ju pe longu e en den im et cu ir re cycl és. Cette de rni ère s’in sp ire du ka ng a li puta cong olais

Ro be drap ée agrém enté e d’une é ch arp e à frang es

To p en laine et ju pe en lin et laine ci -d essus

IN TE RV IE W

Victoria Mann et Benjamin Hélion : AK AA cherche un nouvel élan

Cette éd it ion de Also Know n As Af rica accuei llera à Pa ris, DU 18 AU 20 OCTOBR E, 78 ar tistes et 36 ga leries, avec pour thème la scène ultramar ine.

LA NEUV IÈME ÉDITION d’AK AA peut compter sur une équipe en partie renouvelée depuis le départ de l’historique directrice artistique Armelle Dakouo Nous avons fait le point avec la directrice de la foire, Victoria Mann, et le nouveau directeur associé, Benjamin Hélion.

AM : Il y a eu beaucoup de changements au sein de l’équipe d’AK AA , cette année. Que s’est- il passé ?

Victoria Mann : Avec Armelle Dakouo, qui a quitté Paris il y a quelques années, nous sommes arrivées à la fin d’une histoire. Mais c’est à elle que l’on doit la direction artistique, cette année encore Benjamin, qui a toujours travaillé avec nous en coulisses, est arrivé en renfort après son départ Benjamin Hélion : Je travaille avec AK AA depuis six ans. Je connais déjà les partenaires, les exposants et le marché de l’art contemporain africain. Très actif dans le secteur culturel, j’ai, entre autres, cofondé l’agence de communication Sisso, le salon Urban Art Fair et la H Galler y. Mon expertise était déjà à disposition d’AK AA, et il nous a semblé logique de prendre quelqu’un en interne pour assurer cette période de transition. Il convenait notamment de finaliser le choix de l’installation monumentale.

pas la même langue. Il s’interroge : dans quel monde vit-on ?

Comment considère-t-on les matériaux ? Que va-t-on laisser derrière nous ?

Vous mettez le focus sur les territoires ultramarins et les Caraïbes Pour quelle raison ?

VM : Nous poursuivons notre idée d’ouverture sur d’autres scènes internationales et, aujourd’hui, on se penche naturellement sur les territoires ultramarins et les scènes caribéennes. Notre nouvelle chargée de production, Ngemba Tina Mpondani, a beaucoup collaboré avec l’association La Créole Nous avons trouvé des sy nergies, et nous pouvons compter sur la participation de nouvelles galeries de ces régions. Parmi les nouveaux participants, des galeries de Guadeloupe, de Martinique, d’Ouganda, mais moins d’exposants issus du continent Pourquoi, d’après vous ?

Elle a été créée par le Camerounais Malam, à l’avant- garde de l’art contemporain africain, avec des matériaux de récupération. Comment l’avez-vous choisie ?

BH : Nous la voulions aussi monumentale que possible, et nous sommes tombés amoureux de cette œuvre. On choisit toujours des projets produits pour l’événement, ou alors qui n’ont pas encore été montrés en France En l’occurrence, elle est en cours de production dans l’atelier de l’artiste, à SaintDenis.

VM : L’année dernière, un artiste américain d’origine jamaïcaine proposait une installation sobre, subtile, qui parlait d’immigration et d’héritage. Cette année, on a sollicité un artiste qui travaille de manière différente, n’est pas de la même génération, pas de la même culture, ne parle

VM : Notre comité de sélection s’intéresse aux propositions, pas à la provenance géographique. Et nous travaillons avec chacun de nos exposants pour recentrer les projets des galeristes, raconter des histoires, faire plonger les visiteurs dans des univers, dans des dialogues avec des artistes et des œuvres qui se répondent depuis chaque espace. AK AA est aussi une foire de design Quel espace pour ce dernier ?

VM : Nous avons une galerie de design et nous travaillons sur un projet avec l’Ivoirien Jean Servais Somian Aux côtés du curateur franco-r wandais Roger Karera, il a conçu une expérience artistique intitulée ABLA KASSA. La première édition en Côte d’Ivoire a rassemblé plus de 35 artistes émergents et confirmés. AK AA accueillera deux artistes issus de ce premier chapitre : Aboudramane Doumbouya, qui participera à l’exposition blockbuster du Centre Pompidou en 2025, et Yvanovitch Mbaya. Avec le design, les frais de transport sont importants, limitant nos possibilités, alors que l’on tient à cet aspect et que les pièces de design dialoguent bien avec les œuvres. ■ Propos recueillis par Luisa Nannipieri

L’af fiche de la 9e éd itio n du fe stival a été ré ali sée pa r Sa njo Lawa l.

LA CRÉATIVITÉ ARABOFUTURE, D’APRÈS L’IMA

L’INST IT UT DU MONDE

AR ABE a récompensé quat re designers de la rég ion MENA avec un pr ix et une ex position qu i mettent en lu mière leurs ta lents et savoir-fai re.

LE PR IX DU DESIGN de l’IM A naît en 2023 dans le but de récompenser les designers émergents et confirmés qui font la richesse créative du Maghreb et du Moyen-Orient Parmi les nombreux participants à l’appel à candidatures, placé cette année sous le thème « Arabofuturs », dans le cadre de l’exposition éponyme présentée à l’IM A jusqu’au 27 octobre, une trentaine a été retenue et quatre récompensés par un jury international. La Franco-A lgérienne Zineb Kertane, 25 ans, remporte le prix Talent émergent avec son système d’arrivée et de sortie d’eau en carreaux de céramique Bayt el Ma, qui redonne une valeur esthétique à la tuyauterie en utilisant le vocabulaire décoratif du Maghreb. Franco-soudanais originaire de Bordeaux, le st yliste Abdel El Tayeb gagne dans la catégorie talent confirmé, avec sa collection basée sur l’artisanat arabo-soudanais. Le prix Talent impact, qui récompense la capacité à développer des projets qui ont une implication sociale et économique, a été décerné au protot ype de maison antisismique en terre de l’architecte marocaine Aziza Chaouni [lire notre article Archi, ci-après] Le jury a également voulu saluer avec un Grand Prix d’honneur le parcours remarquable des architectes palestiniens Elias et Yousef, du cabinet Aau Anastas. Tous les projets des candidats sélectionnés ont été exposés à Paris courant septembre. ■ L.N.

Zin eb Ker ta ne a re mp or té le pri x Ta le nt ém erge nt avec son systèm e d’ar rivé e et de sor ti e d’ea u Bayt el Ma

VOYAGES CU LI NAI RES AU PAYS DU JASM IN

À La Ma rsa ou dans le Ma ra is , ce s mets ins pi ré s de s dé lic es tun i s ie ns sati sferont toutes le s pa pi ll es.

Ci -c ontre, le d ess er t ch oc olat et ta gète Ci -d essous , la ta rte au citro n dé stru ct urée Atom ic Le mo n.

Deux ta bles où savourer une cu isine moderne et invent ive capa ble de fa ire le lien entre LA FR ANCE, LA TU NISI E et le reste du MONDE.

Aldehyde, du nom de la molécule de la coriandre, est la première adresse de Youssef Marzouk, déjà chef de partie dans le restaurant étoilé de Tomy Gousset et sous-chef au Tout-Paris Dans cette nouvelle table en plein Marais où se mélangent gastronomie française et influences tunisiennes, la cuisine s’ouvre sur une salle élégante et chaleureuse, entre pierres apparentes et murs d’un vert apaisant, et sert des plats étonnants et faussement simples, qui célèbrent les vinaigres (maison), les herbes et les épices Inspiré par ses racines tunisiennes et ses voyages, le chef joue tout

en fraîcheur avec le sucré et le salé Le canapé carotte et cumin, l’agneau en deux façons – rôti rosé, puis laqué d’un suc d’anguille au barbecue – ou le dessert chocolat fumé et tagète invitent à découv rir son univers singulier Les voyages et les racines tunisiennes inspirent également Slim Douiri, qui a inauguré en 2021 le Cult Bistro à La Marsa, inscrit dans la liste 50 Best de la région Dans ce resto qui profite d’une vue à 180° sur la ville, l’ancien finaliste de Top Chef MENA crée une carte qui change au gré de ses inspirations et des disponibilités Originaire du Sud, il s’appuie sur un patrimoine culinaire tunisien moins connu (comme l’assida à la chakchouka) et sur ses expériences en Tanzanie, au Liban et en Arabie saoudite pour imaginer des plats dressés tels des œuvres d’art. Du chou-f leur rôti sauce tahini, miso et graines de courge à l’Atomic Lemon, une tarte au citron déstructurée, en passant par le pain perdu avec chutney de champignons, caramel au beurre salé et noisettes, ses créations sont des explosions de goût et de fantaisie. ■ L.N.

LA TERRE QUI TREMBLE ET QUI BÂTIT

Da ns la RÉGION MA ROCA IN E D’AL HAOUZ, dévastée pa r le séisme, AZIZA CH AOUN I livre un chantier collaborat if de ma ison en terre sû re, in nova nte et à bas pr ix.

À LA SUITE du tremblement de terre du 8 septembre 2023 dans le Haut Atlas marocain, l’un des enjeux majeurs liés à la reconstruction est de proposer des solutions à des prix abordables, qui respectent l’habitat traditionnel de la région et les normes antisismiques. L’architecte marocaine Aziza Chaouni, à la tête du cabinet éponyme connu pour ses projets durables, diplômée de Harvard et chercheuse à l’Université de Toronto, a relevé le défi En un temps record, elle a constitué une équipe de bénévoles – chose exceptionnelle au Maroc – et, aux côtés de l’ingénieure de LafargeHolcim Amal El Abdi Alaoui et du préfabriquant Amine Maachi-Haddou, a réalisé le prototy pe d’une maison en terre battue antisismique à très faible bilan

carbone. Livrée au printemps et déjà multiprimée, la structure de 70 m2 en rez-de-chaussée, qui comprend chambre, salon, cuisine, salle de bains et trois cours internes, a coûté environ 20 000 euros – fosse septique écologique et gestion raisonnée des eaux grises comprises. Le recours au système Durabric d’Holcim (95 % de terre battue), modulé en briques emboîtables, ainsi qu’aux poutres en bois, a réduit drastiquement les besoins en béton, tout en garantissant la sécurité. L’équipe a beaucoup appris au fil du chantier et travaille déjà sur une nouvelle structure avec l’ONG locale Amal Biladi. La « maison des étoiles » de Tajgalt, un centre communautaire pour les enfants et adolescents, sera dédiée aux 22 jeunes morts dans le village lors du séisme ■ L.N.

DE ST IN AT IO N

LE DERNIER MONDE PERDU DE MADAGASCAR

Un SPLENDIDE LA BY RI NTHE de profonds canyons qui cachent une biod iversité unique, loin de toute présence hu maine.

MADAGASCA R est un paradis de biodiversité. Au cours de ses millions d’années d’isolement, la Grande Île a donné naissance à une faune et une flore fabuleuses. Le massif vierge du Makay, avec ses 4 000 km2 de canyons spectaculaires et forêts humides, steppes et hauts plateaux, est l’un des coffres-forts de cet écosystème unique Ce laby rinthe naturel du sud-ouest, grand comme la moitié de la Corse et classé aire protégée

depuis 2017, abrite encore plus d’une centaine d’espèces endémiques, telles que lémuriens, fossas, propithèques de Verreaux ou tortues à cou caché. S’y trouvent aussi les premières peintures rupestres de Madagascar, découvertes lors de récentes explorations scientifiques. Longtemps considérées comme impénétrables et inexplorées, les montagnes n’ont pas encore été entièrement cartographiées, et y accéder demeure, aujourd’hui encore,

Vu e su r le mas si f du Ma ka y, vé rita ble bijo u de l’éc osys tè me mal ga che

complexe. Il est donc recommandé de faire appel à un professionnel du tourisme et de s’appuyer sur les porteurs et guides locaux avant de s’aventurer dans ce sanctuaire écologique, paradis du trek et de la vie en plein air. Ici, pas de lodge ni d’hôtel de luxe : les opérateurs proposent des randonnées avec bivouac de plusieurs semaines, entre les dômes et les sommets érodés par les éléments, les plages de sable blanc et les innombrables ruisseaux. Ils ont tous signé l’ambitieuse charte de l’écotourisme rédigée par l’association Naturevolution, née en 2009 dans le but de préser ver l’écosystème et de développer un

tourisme écoresponsable, qui profite aux populations locales installées à la périphérie de ce château d’eau naturel. Parmi les projets récents de l’asso, on trouve l’initiative des Sentinelles du Makay, qui vise à mettre en place un système d’écogardes dans le massif, et qui est partiellement financé par les recettes du tourisme Et l’un de ses fondateurs, le grand explorateur Ev rard Wendenbaum, est directement impliqué dans l’organisation de certains séjours exclusifs Comme la traversée intégrale du nord au sud, avec descente du Mangoky en pirogue, proposée par Nomade Aventure L’occasion de partir avec un guide d’exception makay.org ■ L.N.

Fabrice Nguena

DANS

AFROQUEER, le militant pour les droits humains met en lumière la trajectoire de 25 personnes LGBTQI+ africaines et afrodescendantes engagées. Narrant leur vécu, leurs luttes, cet ouvrage nécessaire déconstruit les préjugés. propos re cueillis par Astrid Krivian

«C

AfroQ uee r éd iti on s Éc oso ci été, 216 pages, 18 €

’est la différence faite dans la vie des autres qui définit le sens de la vie que nous avons menée. » Ce propos de Nelson Mandela, le militant Fabrice Nguena l’a adopté Dans Af roQueer, il brosse le portrait de 25 personnes LGBTQI+ noires évoluant dans les espaces francophones (A ntilles, France, Québec, Afrique subsaharienne, etc.). Ces profils divers sont tous engagés dans la défense des minorités et le combat contre les discriminations. Dédié aux victimes assassinées en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, cet ouvrage fait entendre la voix de personnes que la société invisibilise, marginalise. « En Occident, elles subissent à la fois le racisme et la queerphobie – stigmatisées au sein même des communautés noires. Dans les pays criminalisant l’homosexualité, elles sont la cible d’agressions, de ly nchages, parfois de meurtres. Leurs récits de vie brisent l’ignorance, contribuent à sensibiliser et à éduquer. L’orientation sexuelle n’est pas un choix », rappelle l’auteur. Af roQueer est aussi un outil d’émancipation adressé aux jeunes noirs et LGBTQI+, afin qu’ils disposent enfin de modèles et s’inspirent de leur histoire. Né en Suisse, Fabrice Nguena grandit au Cameroun, pays de ses parents. Au sein de sa famille, il ne subit pas d’homophobie, au contraire. Son oncle le soutient et le pousse à réussir sa vie professionnelle. « Aujourd’hui, j’encourage les jeunes LGBTQI+ à s’investir dans leurs études ou professionnellement pour acquérir l’autonomie financière. Cela aide grandement à échapper à la violence. » À 24 ans, il découvre la philosophie bouddhiste, qui l’aide à s’accepter « Catholique, je demandais sans cesse pardon à Dieu. Grâce au bouddhisme, je me suis enfin senti respecté, accueilli dans mon entièreté, ma singularité. » Après des études de gestion d’entreprise au Maroc, il travaille au Gabon pendant dix ans en tant qu’ingénieur technico-commercial. Il s’installe ensuite à Montréal, où il s’engage au sein de l’ONG Arc-enciel d’Afrique en parallèle de son emploi dans les assurances Aujourd’hui militant à temps plein, il est gouverneur de la Fondation émergence à Montréal pour les droits des LGBTQI+. Cet inconditionnel de James Baldwin s’insurge contre la croyance selon laquelle l’homosexualité aurait été importée en Afrique par les Occidentaux. « Or, c’est plutôt l’homophobie qui a été introduite par la colonisation, avec ses religions monothéistes, ses lois (code napoléonien, common law). Les sociétés précoloniales étaient plus inclusives Par exemple, au Sénégal, les góor-jigéen [« homme-femme », ndlr] n’étaient pas inquiétés et avaient un rôle social reconnu » Le durcissement législatif récent de certains pays à ce sujet inquiète La montée de l’homophobie contraint de plus en plus de jeunes à s’exiler au péril de leur vie. « Il faut absolument que des personnalités publiques africaines sensibilisent les opinions publiques, qu’il s’agisse de droits fondamentaux, de respect de la dignité humaine. » Fabrice Nguena dénonce l’instrumentalisation de l’homosexualité à des fins politiques, ainsi que la propagande religieuse américaine sur le continent. Il prône l’Ubuntu, philosophie zouloue et bantoue d’interdépendance et de solidarité, aux valeurs humanistes, qui dit en substance : « Je suis, parce que nous sommes. » ■

«Il faut absolument que des personnalités publiques africaines sensibilisent les opinionspubliques. »

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MOLIÈRE VS SHAKESPEARE

Au moment où nous écrivons ces lignes , le XIXe sommet de la francophonie se prépare pour les 4 et 5 octobre. Le grand raout a lieu cette année entre le Grand Palais à Paris et la Cité internationale de la langue française au château de Villers- Cotterêts, dans le dépar tement de l’Aisne Cela fait trente -trois ans que l’événement n’avait plus eu lieu dans l’Hexagone.

Au -delà du rassemblement géant, auquel la plupar t des 88 chefs d’État et gouvernements adhérents de l’Organisation internationale de la francophonie répondront présents, cette nouvelle édition donne l’occasion de se pencher sur la vitalité et l’influence de la langue française dans le monde Et lorsque l’on regarde les stats de l’OIF, on est surpris de constater qu’elles sont plutôt joyeuses. Contrairement aux dires des fossoyeurs chroniques, qui égrènent des propos sempiternellement alarmistes, arguant à qui veut l’entendre que la langue de Molière se meur t peu à peu depuis des décennies, engloutie par celle de Shakespeare

Le saviez -vous ? Il existe 321 millions de francophones dans le monde, dont 47,2 % vivent en Afrique subsahari enne et dans les Caraï bes. Un chi ffre en hausse de 14 % de pu is 2018, nota mm ent chez les jeunes de 15 à 24 ans. Au global, 93 millions d’élèves et étudiants reçoivent un enseignement en français. La langue française est la cinquième mondiale, après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol Et, depuis 2022, la quatrième sur Internet, après l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Elle est en hausse chez les jeunes, elle remonte d’un cran sur la toile… Deux indicateurs de bon augure. Certes, les dernières statistiques datent d’il y a deux ans et, depuis, on sait que le sentiment anti -français, en Afrique de l’Ouest par exemple, pourrait jouer en faveur d’un rejet de la langue au profit de l’anglais – ce dernier continuant à caracoler en tête du hit-parade des polyglottes, et raflant la vedette dans la plupar t des grands meetings, érigé depuis longtemps comme la langue du business international

Pour ta nt, ri en ne mont re que le frança is au ra it perd u des plumes (de coq !) sur les dernières années. Au contraire. Ce qui réjouira le franchouillard, mais aussi les Africains, au final. Puisque, même s’il s’agit d’une langue héritée de la colonisation, elle leur facilite les échanges transrégionaux, commerciaux ou autres, et leur permet de faire par tie intégrante de l’une des plus grandes communautés linguistiques au monde. Ce qui compte aussi. ■

AM vous a offert les premières pages de notre parution

d’Octobre

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