AFRIQUE MAGAZINE
ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE
EN VENTE CHAQUE MOIS
AFRIQUE DU SUD
LA FOLLE SAGA DES FRÈRES GUPTA
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INTERVIEW BLICK BASSY «C’EST À NOUS DE RACONTER NOTRE HISTOIRE» MAGHREB L’ÉGLISE S’AFRICANISE!
RD CONGO
FELIX TSHISEKEDI
BUSINESS COMMENT MIEUX NÉGOCIER AVEC LA CHINE
« N’OUBLIE PAS D’OÙ TU VIENS »
PORTRAIT D’UN CHEF D’ÉTAT SUR UN FIL DOSSIER SPÉCIAL
GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
Croissance forte, climat social en voie d’apaisement… le pays cherche à capitaliser sur ses immenses ressources. N ° 3 9 1 - AV R I L 2 0 1 9 France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 €– Espagne 6,90 €– États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 €– Italie 6,90 €– Luxembourg 6,90 €– Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 €– Portugalcont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
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ÉDITO par Zyad Limam
URGENCES ARABES
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e regardais des images du sommet de la Ligue arabe, qui s’est tenu à Tunis le 31 mars dernier. Et la première chose qui interpelle, c’est l’âge de la plupart des capitaines censés gouverner ce monde de plus de 400 millions d’habitants, qui s’étend des frontières atlantiques jusqu’au cœur du Moyen-Orient, à la frontière de l’Iran, et en descendant à l’Est jusqu’au sultanat d’Oman. Les plus jeunes sont souvent cinquantenaires, à l’exception de Cheikh Tamim du Qatar (36 ans) et du Premier ministre tunisien Youssef Chahed (41 ans). La plupart des autres sont déjà septuagénaires et plus. Béji Caïd Essebsi, le président tunisien, a passé bon pied bon œil le cap des 90 ans. Mahmoud Abbas défend les droits de la Palestine à l’âge de 83 ans. Le roi d’Arabie saoudite a 83 ans. L’émir du Koweït, 89 ans, et Michel Aoun est né en 1935… Une gérontocratie largement patriarcale dans un monde très jeune, où 60 % des citoyens n’ont pas atteint l’âge de 30 ans. La jeunesse en soi n’est pas une qualité, mais l’âge du capitaine entraîne souvent l’âge des élites avec, à la clé, l’exclusion culturelle, sociale, économique et politique d’une grande partie de la population. Or, le choc démographique impactera fortement toute la région pour les vingt ou trente ans à venir. On aurait alors espéré que ces hommes d’expérience réunis autour de la table majestueuse de Tunis évoquent des sujets essentiels pour cette jeunesse. Les questions d’éducation, d’éradication de l’analphabétisme, de formation, d’insertion dans le monde du travail, le développement économique inclusif, la lutte contre les inégalités, les questions sociétales aussi, tellement occultées, celle des mœurs, des libertés, du vivre-ensemble, du rôle des femmes dans la société. En parlant de femmes, c’est-à-dire en parlant de 50 % de la population arabe, on revient vers les images du sommet, et on n’en voit aucune ou si peu au premier rang, ni même d’ailleurs au second ou dans le reste de la salle. C’est frappant. Une assemblée de mâles. En 2019, le monde arabe, à quelques exceptions près, reste un monde d’hommes, dans lequel les femmes sont encore AFRIQUE MAGAZINE
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des citoyennes de seconde classe. La question féminine et la question démographique sont d’ailleurs intimement liées. La fécondité remonte dans de nombreux pays de la région depuis 2011. Pour la plupart des spécialistes, cette situation n’a pas forcément à voir avec la réislamisation des sociétés, mais par le faible pourcentage de femmes au travail. Le taux de femmes dans la population active dans la région MENA se situe aux alentours de 25 %, contre une moyenne mondiale de 50 %. On cherche également autour de la table les représentants de régimes que l’on pourrait qualifier de démocratiques ou de relativement démocratiques. Selon l’Economist Intelligence Unit, la région MENA constitue, chaque année, l’espace géographique où les indices de démocratie sont les plus faibles. La Tunisie apparaît en premier au classement (63e rang mondial), suivie du Maroc (100e). Et il n’y a pas si longtemps, un chroniqueur et journaliste saoudien a été démembré dans son propre consulat, à Istanbul. Durant ce rassemblement, on aura parlé comme d’habitude de « la nation arabe », ce qui peut franchement prêter à sourire. La « nation » est profondément divisée, et elle ne s’entend sur rien, à part lorsqu’il s’agit de protester (sans effets notables) sur la question de Jérusalem ou du Golan. Le Golfe est paralysé par la crise qatarie. La Libye est en pleine décomposition. La guerre ravage le Yémen et la Syrie. La menace djihadiste est omniprésente, de l’Atlantique aux confins du désert irakien. Fin de sommet. Les mondes arabes, les pays arabes ont un besoin urgent de modernité, de changement, de transformation. Les idées viendront peut-être de l’Occident, de ce Maghreb au contact de l’Europe, où les idées démocratiques avancent plus vite, où les sociétés s’émancipent plus activement. Symbole de cette séquence, au moment où les grands chefs s’apprêtaient à quitter Tunis, Abdelaziz Bouteflika (82 ans) s’apprêtait, lui, à quitter le pouvoir, poussé par une rue pacifique et déterminée. Et des citoyens tunisiens étaient dans la rue pour manifester contre le sommet lui-même. ■ 3
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SOMMAIRE Avril n°391 3
ÉDITO Urgences arabes par Zyad Limam
ON EN PARLE 6
Livres : Immortel Bernard Binlin Dadié par Catherine Faye
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Écrans : Dans la forêt des âmes perdues par Jean-Marie Chazeau
ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE
AFRIQUE MAGAZINE EN VENTE CHAQUE MOIS
10
Musique : Solange, new queen on the block par Sophie Rosemont
AFRIQUE DU SUD
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Agenda : Le meilleur de la culture par Alexandra Fisch et Emmanuelle Pontié
« N’OUBLIE PAS D’OÙ TU VIENS »
PORTRAIT D’UN CHEF D’ÉTAT SUR UN FIL
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DOSSIER SPÉCIAL
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Croissance forte, climat social en voie d’apaisement… le pays cherche à capitaliser sur ses immenses ressources. N ° 3 9 1 - AV R I L 2 0 1 9 France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 €– Espagne 6,90 €– États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 €– Italie 6,90 €– Luxembourg 6,90 €– Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 €– Portugalcont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
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ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE
par Fouzia Marouf
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PARCOURS Abdellah Taïa
03/04/2019 17:26
AFRIQUE MAGAZINE EN VENTE CHAQUE MOIS
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TEMPS FORTS 18
Félix Tshisekedi « N’oublie pas d’où tu viens » par Zyad Limam
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Au Maghreb, l’Église s’africanise par Julie Chaudier et Frida Dahmani
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Afrique du Sud : La folle saga des frères Gupta par Cédric Gouverneur
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Blick Bassy : « C’est à nous de raconter notre histoire » par Astrid Krivian
54 Les sens de l’orientalisme par Catherine Faye
60-109
Dossier spécial Guinée : Le retour de l’ambition par Emmanuelle Pontié, Mady Bangoura et Ibrahima Cissé
C’EST COMMENT ? Ne partez plus ! par Emmanuelle Pontié
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Édito
Le monde arabe et ses urgences par Zyad Limam
RD Congo
Félix Tshisekedi, portrait d’un président sur un fil
DOSSIER SPÉCIAL
GUINÉE
Le retour de l’ambition Document
La fin des civilisations selon Amin Maalouf
Arts Les sens de l’orientalisme
Le roi Mohammed VI reçoit le pape François le 30 mars 2019.
MAGHREB
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03/04/2019 21:15
PHOTOS DE COUVERTURES : RDC : BAZ RATNER/REUTERS - VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE-RÉA MAGHREB : FADEL SENNA/POOL VIA REUTERS
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par Zyad Limam
L’arrivée de migrants subsahariens revitalise les vieilles structures héritées de la colonisation. Et interpelle les pouvoirs, en particulier sur la question de la conversion.
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
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LE DOCUMENT Le Naufrage des civilisations, d’Amin Maalouf
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110 L’Afrique peut-elle (mieux) négocier avec la Chine ? par Jean-Michel Meyer
CE QUE J’AI APPRIS Sameh Zoabi par Astrid Krivian
130 VINGT QUESTIONS À… N’Fanteh Minteh par Astrid Krivian
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GULSHAN KHAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-RÉA - PHILL MAGAKOE/POOL VIA REUTERS - THE TIMES/GALLO IMAGES/GETTY IMAGES - KEVIN SUTHERLAND/SUNDAY TIMES/ GALLO IMAGES/GETTY IMAGES - JOAO SILVA/THE NEW YORK TIMES-REDUX-RÉA - SIPHIWE SIBEKO/REUTERS - JUSTICE MUKHELI
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FONDÉ EN 1983 (35e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com
Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
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Assisté de Maya Ayari mayari@afriquemagazine.com RÉDACTION
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Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com
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Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Mady Bangoura, Muriel Boujeton, Julie Chaudier, Jean-Marie Chazeau, Ibrahima Cissé, Frida Dahmani, Catherine Faye, Alexandra Fisch, Glez, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Élise Lejeune, Coline Lucas, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Élisabeth Remy, Sophie Rosemont.
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VIVRE MIEUX
Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF
MADE IN AFRICA
avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.
120 Escapades : Envie de Namibie, soif de liberté
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123 Carrefours : Bâtir la maison de Dieu
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124 Fashion : Karim Adduchi, ouvert sur le monde
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VIVRE MIEUX 126 Les clés pour bien dormir 127 Ebola : un vaccin porteur d’espoir 128 En bonne santé grâce à son assiette ! 129 Vertige : pourquoi la tête vous tourne ?
AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR 31, rue Poussin - 75016 Paris. PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL : Zyad Limam. Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.
Commission paritaire : 0224 D 85602 Dépôt légal : avril 2019.
p.124 AFRIQUE MAGAZINE
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La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique magazine 2018.
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Immortel Bernard Binlin Dadié Emblème de la LITTÉRATURE IVOIRIENNE, cet écrivain, journaliste et homme politique militant s’est éteint le 9 mars dernier, à 103 ans. Il laisse une œuvre engagée et prolifique. par Catherine Faye « ÉCRIRE EST, POUR MOI, un désir d’écarter les ténèbres, un désir d’ouvrir à chacun des fenêtres sur le monde », avait déclaré l’écrivain en recevant le premier prix Jaime Torres Bodet pour l’ensemble de son œuvre, en 2016, des mains de la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova. Selon elle, il est « un pionnier et un géant de la littérature africaine ». Pour ses lecteurs et la scène littéraire internationale, il est le doyen des lettres africaines. Il aura creusé un sillon fondamental dans les consciences, écrit « avec les mots amis, mots de tous les jours, mots de tous les hommes, mots intimes, mots fraternels ». Mais qui est ce patriarche à l’humour contagieux, dont l’énergie et la verve l’ont guidé toute sa vie ? 6
Né sur les rives de l’Atlantique en 1916, il grandit à Assinie, au sud-est de la Côte d’Ivoire. Combatif et fondateur du premier syndicat agricole africain, son père tient tête aux fermiers blancs et à l’administration coloniale, mais il choisit une éducation à l’occidentale pour son fils, et l’inscrit à l’école française. Très vite, l’adolescent est remarqué pour ses dons littéraires et son caractère bien trempé. À 15 ans, alors élève à l’école primaire supérieure de Bingerville, il écrit son premier texte pour la fête de la jeunesse, Les Villes. Un dialogue entre l’ancienne capitale, Bingerville, et la nouvelle, Abidjan. Dès lors, son environnement et ses lectures le ramènent toujours à la lutte contre les injustices, à la reconnaissance de la dignité des hommes noirs et à l’égalité des droits avec les Blancs. Après de brillantes études primaires et secondaires, le jeune homme est admis à la prestigieuse école normale William-Ponty, de Gorée. Il y produit sa première œuvre théâtrale, Assémien Dehylé, roi du Sanwi. Jouée à la chambre de commerce de Dakar en 1936, en présence du gouverneur général François de Coppet, elle est présentée quelques mois plus tard au théâtre des Champs-Élysées, à Paris, à l’occasion de l’Exposition universelle. Bernard Dadié a 20 ans. Les mots et l’action politique seront dorénavant les piliers de sa longue route. Et son œuvre se développe parallèlement à une brillante carrière politique. Après dix ans à l’Ifan (Institut français d’Afrique noire) de Dakar, il rentre chez lui en 1947, et s’engage dans l’activisme anticolonial en militant au sein du RDA (Rassemblement démocratique africain). Les troubles de février 1949 le conduisent en prison. Il y tient un journal, Carnets de prison, seulement publié en 1981. À l’indépendance, il exerce des fonctions au sein de divers cabinets et devient, de 1977 à 1986, ministre de la Culture et de l’Information sous la présidence d’Houphouët-Boigny. Durant toutes ces périodes, il ne cesse d’écrire et aborde tous les genres littéraires : essai, roman, chroniques, contes traditionnels et surtout théâtre. Il se fait connaître comme poète à Paris en 1950, avec Afrique debout ! En 1952, son autobiographie romancée, très critique vis-à-vis du colonialisme, Climbié, est sans doute son ouvrage le plus célèbre. En 1980, son roman Les Jambes du fils de Dieu remporte aussi un franc succès. Deux fois lauréat du grand prix littéraire d’Afrique noire avec Patron de New York (1965) et La ville où nul ne meurt (1968), il refuse la « négritude » comme source d’inspiration. Plus récemment, certaines de ses prises de position en faveur de l’« ivoirité » ont suscité le débat, mais il demeure le grand poète immémorial, rebelle et engagé, en faveur des libertés. Et son « je vous remercie mon Dieu de m’avoir créé Noir » résonnera encore longtemps dans nos esprits. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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JEAN-CLAUDE GISBERT/OPALE/LEEMAGE - DR (4)
Un homme engagé qui a toujours lutté pour l’égalité.
ON EN PARLE livres suspense SOUS LE SOLEIL DE LAGOS DÈS LA PREMIÈRE PAGE, la délicate et jolie Ayoola avoue être une meurtrière et appelle au secours son aînée, Korede, infirmière dévouée au physique peu flatteur. Les chapitres défilent comme des stories Instagram. On pressent la mort de trop lorsque la belle séduit Tade, le charmant médecin tant convoité par sa sœur. Mais rien ne se passe comme prévu… On plonge dans les secrets de famille de la bonne société nigériane,
« MA SŒUR, SŒUR SERIAL KILLEUSE », Oyinkan
Braithwaite, Delcourt, 40 pages, 18,50 €. dans la vie tumultueuse de Lagos. L’écriture est incisive, les personnages manquent un peu de profondeur et certains thèmes (corruption, mâle dominant…) sont déjà vus. Mais la lecture est rafraîchissante comme un cocktail glacé sur le bord d’une piscine. ■ A.F.
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« INTELLIGENCES ARTIFICIELLES : MIROIRS DE NOS VIES », FibreTigre,
Delcourt, 112 pages, 19,99 €.
QUI CROIRE OU AIMER ?
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ILLUSIONS ET RÉALITÉ
Arnold Zephyr et Héloïse Chochois,
premier roman « J’AI VÉCU MON MARIAGE comme un mauvais rêve ; comme un spectateur devant un écran où se projetait un film d’horreur. » Abdou, jeune enseignant d’histoire nigérien, mène une vie ordinaire jusqu’à ce qu’il devienne la victime consentante d’une union arrangée. Frustré, il dérive dans un Niamey festif, en ivresse quasi constante, tiraillé entre son amour platonique pour Rakki (amie et partenaire de jeux de cartes), sa douce
bd DANS UN FUTUR PROCHE se tient un show télévisé d’improvisation poétique. L’un des concurrents est Yurie, une intelligence artificielle créée pour générer des chroniques destinées aux podcasts d’une société. Elle a été nourrie des plus grands textes de la littérature française : Victor Hugo, Alphonse Allais, Blaise Cendrars… Elle en a développé un sexisme crasse et a pris la défense de l’amour courtois à la française. Jusqu’à ce que ses programmateurs passent à la vitesse supérieure. L’histoire de Yurie questionne sur nos fantasmes et nos craintes, sur les enjeux de cette technologie qui nous fascine. Un récit passionnant sur les réalités et les illusions de la conscience. ■ C.F.
témoignage de vie LUMINEUX « LE ROI DES CONS »,
Idi Nouhou,
Gallimard, 128 pages, 15 €. et amoureuse épouse Salima, et une femme mystérieuse, voilée jusqu’aux yeux. Peu à peu, il se laisse embobiner par les trois. Un récit qui vient bousculer les schémas et les stéréotypes… souvent trompeurs. ■ C.F.
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« LE CHANT DES REVENANTS »,
Jesmyn Ward,
Belfond, 272 pages, 21 €.
PAUVRETÉ, DROGUE, racisme, cancer… avec ces ingrédients, le lecteur s’attend à des drames suprêmes, mais c’est un beau témoignage de vie. Dans le bayou, Jojo, 13 ans, est une figure de droiture. Il veille sur sa petite sœur Kayla. Surtout lorsque leur mère, Leonie, les emmène récupérer leur père, sortant de prison. Sans instinct maternel, la jeune femme oscille entre les paradis artificiels et un amour fou pour son compagnon. Un roman magistral sur l’Amérique noire du Sud où se côtoient des personnages forts, des fantômes, des vivants, mais aussi la magie noire (don familial hérité des racines africaines). ■ A.F. 7
Dans la forêt des âmes perdues
Deux soldats doivent survivre dans un environnement particulièrement hostile.
peut signifier la mort : sont-ce des 1998, DEUXIÈME GUERRE alliés ou des ennemis ? C’est pour DU CONGO : un héros tutsi de l’armée dénoncer l’absurdité de la guerre rwandaise et une jeune recrue qui que Joël Karekezi a fait ce film. veut venger la mort de ses parents Ce jeune réalisateur né au Rwanda, s’égarent dans la forêt, sans eau ni sur les rives du lac Kivu, est un rescapé nourriture. Le sergent Xavier et le soldat du génocide. À 8 ans, il a vu les massacres, Faustin ont perdu tout contact avec les cadavres, les machettes… Réfugié à leur bataillon et doivent survivre dans Goma (RDC), il s’est retrouvé au milieu un environnement particulièrement « LA MISÉRICORDE de génocidaires hutus qui fuyaient le hostile. Le spectateur aussi, tellement DE LA JUNGLE », (Belgique-FranceRwanda, dans des camps surpeuplés la caméra est en immersion dans Rwanda), de Joël Karekezi. la jungle : on rampe avec eux dans Avec Marc Zinga, Stéphane Bak. décimés par le choléra. Fort de cette expérience et des témoignages de les taillis filmés au ras du sol, on est ses proches, il a décidé de transmettre son rejet absolu trempés tant le son de la pluie nous imprègne, tout comme de la violence par le cinéma, qu’il a appris seul via Internet. celui du vent dans les arbres et des cris des animaux que Avec ce deuxième film (après Imbabazi, en 2013), l’on ne voit pas… « C’est bien la peine d’être en Afrique pour il y parvient haut la main, sans jamais en rajouter : avoir aussi froid », s’écrit Faustin, transi. C’est l’une des dans cette forêt où l’on se perd, il sait doser les images rares notes souriantes du long-métrage, lequel nous plonge de violence perpétrée par les hommes, pour mieux surtout dans les violences qui gangrènent la région du Kivu. en faire ressortir la terrible aberration. Un thriller À cette époque, les militaires de neuf pays et une haletant et convaincant, couronné de l’Étalon d’or trentaine de milices pillent, violent et tuent (près de de Yennenga et du prix d’interprétation masculine 5 millions de morts estimés, presque autant de déplacés). (attribué à Marc Zinga) au dernier Fespaco. ■ Croiser des civils et leur demander de l’eau et du secours 8
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Vingt-cinq ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, ce film sur les conséquences de ce crime contre l’humanité plonge le spectateur dans l’absurdité de la guerre et les PROFONDEURS DE LA FORÊT CONGOLAISE. par Jean-Marie Chazeau
ON EN PARLE écrans documentaire
La maison d’Amina PRÉSENTÉ COMME le premier film LGBT tunisien, ce documentaire est centré sur la figure d’Amina Sboui, ex-Femen tatouée dont la photo seins nus avait fait scandale en 2013. C’est au nom de la liberté des corps qu’elle accueille dans sa maison de Sidi Bou Saïd des lesbiennes, des gays, des personnes transgenres, mais aussi des femmes battues. L’ambiance bon enfant de colonie de vacances est ponctuée de témoignages accablants sur les blocages de la société tunisienne
et les violences qui ont lieu au sein des familles. Un portrait sur le vif, parfois intrusif, mais généreux. Et une dénonciation de l’article 230 du Code pénal, qui fait qu’à ce jour 147 personnes sont emprisonnées pour « délit d’homosexualité ». ■ J.-M.C.
série
L’ex-Femen (en gris) accueille chez elle des personnes LGBT et des femmes battues.
« UPON THE SHADOW »
(Tunisie), de Nada Mezni Hafaiedh.
En quête de justice
UNE JEUNE JURISTE BRITANNIQUE d’origine rwandaise s’implique dans un dossier qui la replonge dans le génocide tutsi de 1994, dont elle a réchappé. De Londres à La Haye, en passant par Paris et Kigali, l’enquête est intense, parfois complexe, et remet souvent à l’heure les pendules de l’histoire : la cour pénale internationale qui ne juge que certains criminels de guerre, le double jeu de la France lors du déclenchement des massacres… Cette série BBC diffusée sur Netflix se joue parfois de la réalité : le président « BLACK EARTH RISING » (Royaume-Uni), de Hugo Blick. rwandais est une présidente, et les génocidaires ne sont pas toujours ceux que l’on croit – d’où un début de polémique sur une forme de révisionnisme. Avec Michaela Coel, John Goodman, Tamara Tunie. À voir pour le plaisir du thriller, et pour en débattre. ■ J.-M.C.
DR (2) - DES WILLIE/BBC/NETFLIX - DR (2)
remake
L’éléphant poids plume
DU DESSIN ANIMÉ DISNEY DE 1941, Tim Burton a fait une superproduction avec de vrais acteurs. C’est l’histoire d’un éléphanteau qui se sert de ses très grandes oreilles pour… voler, pourvu qu’il tienne une plume dans sa trompe. Vedette d’un cirque familial, bientôt récupérée par le roi new-yorkais des parcs d’attractions, Dumbo va être séparé de sa mère. Émouvant et visuellement très réussi, le film donne également le beau rôle aux personnages féminins, incarnés par la Française Eva Green et la jeune Britannique Nico Parker, fille de l’actrice anglo-zimbabwéenne Thandie Newton. ■ J.-M.C. « DUMBO » (États-Unis), de Tim Burton. Avec Colin Farrel, Danny de Vito, Michael Keaton. AFRIQUE MAGAZINE
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Pour ceux qui en doutaient encore, la petite SŒUR DE BEYONCÉ a non seulement des choses à nous dire, mais un talent ébouriffant. En témoigne son nouvel opus, un hommage à sa ville natale, Houston. par Sophie Rosemont « BLACK SKIN, BLACK BRAIDS / Black waves, black days / Black baes, black things / These are black-owned things / Black faith still can’t be washed away » : Solange n’est pas loin de la psalmodie dans « Almeda », et maîtrise ses paroles plus que jamais. Cette habileté ne concerne pas 10
uniquement les textes puisque la chanteuse a également composé toutes les mélodies de son quatrième album, nommé When I Get Home. Celui-ci rend hommage à la ville qui l’a vue grandir, marotte de la famille Knowles (Beyoncé y a déjà fait allusion dans ses chansons) : Houston.
Columbia/Sony. AFRIQUE MAGAZINE
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MAX HIRSCHBERGER - DR
Solange New queen on the block
Et ce, même si l’enregistrement n’a pas eu lieu uniquement au Texas, mais aussi en Jamaïque et à Los Angeles. Après avoir gagné ses galons sur l’engagé A Seat at the Table en 2016, Solange propose aujourd’hui, à 32 ans, une musique hybride entre R’n’B version deluxe, électro-pop exigeante, soul sophistiquée et même jazz tendance seventies, le tout remarquablement produit. Pour la réalisation, les arrangements et l’instrumentation, elle s’est d’ailleurs entourée des meilleurs : Pharrell Williams, Sampha, Tyler, the Creator, Gucci Mane, Earl Sweatshirt, Raphael Saadiq, Dev Hynes (alias Blood Orange), Panda Bear, Steve Lacy de The Internet ou encore Chassol, génie à l’oreille absolue. Ce qui prouve une fois encore le bon goût de Solange en matière de collaborateurs, et son aptitude à fouiller dans les productions les plus pointues du moment. Ni mainstream ni confidentiel, alignant des titres de courte durée et revendiquant son amour des interludes (format trop souvent ignoré en pop), When I Get Home sait doser ses effets, de « Things I Imagined » à « I’m a Witness », en passant par « Stay Flo » (addictif !) et « Binz ». Parce que le son n’est jamais loin de l’image, Solange accompagne ses 19 chansons d’une vidéo de 33 minutes où, via une succession de tableaux, elle explique son besoin de retour aux sources texanes, doublée d’une musique inventive et audacieuse, comme celle concoctée dans les plus grands studios américains des années 1970. Que l’on se rassure, cet esthétisme réfléchi et léché n’occulte guère la fougue de la musique de Solange Knowles, qui a définitivement tout d’une grande. ■ « WHEN I GET HOME », Solange,
ON EN PARLE musique racines DUDU TASSA & THE KUWAITIS, D’IRAK À ISRAËL
afro-disco
DO THE DANCE
Avec son troisième album, Ibibio Sound Machine continue sa percée. LA SCÈNE AFRO-DISCO contemporaine ne peut plus se passer de ce groupe porté par l’exceptionnelle chanteuse Eno Williams. Entre funk, jazz, dance et électro, les textes en anglais et en ibibio (l’une des langues du Nigéria) pimentent un son déjà puissant. Né à Londres, Ibibio Sound Machine regarde de près l’Afrique et enflamme les dancefloors depuis son premier album du même nom, paru en 2014. Aujourd’hui, ce troisième opus baptisé Doko Mien (« Dis-moi tout ») enfonce le clou avec brio. ■ S.R. « DOKO MIEN », Ibibio Sound Machine, Merge/Differ-Ant.
reggae-funk
FUSION FESTIVE
STEVE GULLICK - DR (4)
K.O.G & The Zongo Brigade va nous faire bouger ! À LA FIN DES ANNÉES 2000, Kweku Of Ghana (K.O.G) quitte son Ghana natal pour le nord « WAHALA de l’Angleterre. Malgré les moments de WAHALA », K.O.G & The Zongo Brigade, découragement et les obstacles bien connus Heavenly de ceux qui sont loin de chez eux, K.O.G s’est Sweetness, L’Autre entouré de sa Zongo Brigade pour enregistrer distribution. un album qui, dès l’ouverture (« For My People »), fait vibrer les cœurs et remuer les jambes. Wahala Wahala (« souci » en swahili) dénonce l’intolérance et les travers des sociétés capitalistes, mais n’oublie jamais la dose d’espoir qu’il faut pour danser sur ce cocktail vitaminé d’afrobeat, de funk, de hip-hop et de post-rock. ■ S.R. AFRIQUE MAGAZINE
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IL ÉTAIT UNE FOIS les frères Al-Kuwaiti, qui figuraient parmi les artistes préférés du roi d’Irak Fayçal II, avant de finalement devoir émigrer en Israël. C’est dans ce pays qu’est né Dudu Tassa, le petit-fils de l’un d’eux. Accompagné des Kuwaitis, il ressuscite en arabe et avec une sincérité enthousiasmante la musique de ses ancêtres, modernes avant l’heure. Tant en Israël qu’en Irak, le succès du groupe est immense, et il a même assuré l’ouverture de Coachella en 2017 ! Oud, kanoun ou violoncelle sont ici servis par une production résolument contemporaine. Et fait d’El Hajar un très beau manifeste de transmission musicale. ■ S.R.
« EL HAJAR »,
Dudu Tassa & The Kuwaitis,
Nur Publishing.
« MALIGASÉ »,
Trans Kabar,
Discobole Records/ Differ-Ant.
traditions TRANS KABAR, OU LE POUVOIR DU MALOYA DEPUIS SA FORMATION en 2017, ce quatuor parisien mélange les sonorités sur une trame narrative offerte par le maloya, une musique traditionnelle de la Réunion – « kabar » étant le nom de fêtes créoles où l’on chante et danse… Au micro, Jean-Didier Hoareau, qui joue du kayamb et entraîne dans sa transe un public déjà acquis en live. Ce dernier ne devrait pas résister longtemps à la folle énergie de ce Maligasé, déjà mémorable. ■ S.R. 11
Les affiches des présentations en cours, au musée d’Orsay (à gauche) et au musée Marmottan Monet (à droite).
La Charmeuse de serpent, Henri Rousseau, 1907.
événements
À PARIS, deux expositions interpellent sur la représentation de l’autre. VISION SOUVENT FANTASMÉE, cette représentation évolue à travers les siècles et les courants de pensée. Le musée d’Orsay reçoit ainsi « Le modèle noir, de Géricault à Matisse ». L’exposition couvre l’abolition de l’esclavage en France (1794) jusqu’à nos jours et se déroule en trois périodes : l’ère de l’abolition (1794-1848), l’Art nouveau jusqu’à la découverte par Matisse de la Renaissance de Harlem (mouvement artistique né dans l’entre-deux-guerres dans ce quartier new-yorkais, foyer de la culture noire), et enfin les débuts de l’avant-garde du XXe siècle et les générations successives d’artistes. C’est l’occasion de s’interroger sur le dialogue entre le créateur et son modèle, ainsi que sur l’évolution de la représentation des Noirs. Cette exposition itinérante a commencé à la Wallach Art Gallery à New York et se terminera au Mémorial ACTe,
Ramsès dans son harem, Jean-Jules-Antoine Lecomte du Noüy, 1886. à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, à la fin de l’année. Pour continuer sur le sujet, on peut d’ailleurs lire le beau livre Noir : Entre peinture et histoire de Naïl Ver-Ndoye et Grégoire Fauconnier, paru aux éditions Omniscience fin 2018. Le charmant musée Marmottan Monet abrite une autre présentation intéressante, « L’Orient des peintres, du rêve à la lumière » [voir article p. 54]. Une soixantaine de chefs-d’œuvre venant de grandes collections privées et de musées européens sont réunis. C’est l’occasion de s’immerger dans l’orientalisme méditerranéen. Et aussi d’aborder de nouveaux éclairages historiques, d’un regard plus actuel porté sur ce mouvement. ■ Alexandra Fisch « LE MODÈLE NOIR, DE GÉRICAULT À MATISSE »,
musée d’Orsay, Paris, jusqu’au 21 juillet 2019. m.musee-orsay.fr
« L’ORIENT DES PEINTRES, DU RÊVE À LA LUMIÈRE » musée Marmottan Monet, Paris, jusqu’au 21 juillet 2019. marmottan.fr
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HAPPY BIRTHDAY !
Vues d’Afrique, festival unique et utile depuis trente-cinq ans, a lieu à la Cinémathèque québécoise, à Montréal. CETTE ÉDITION PROMET D’ÊTRE RICHE. Elle ouvre avec la projection de La Miséricorde de la jungle, de Joël Karekezi [voir p. 8], prix Étalon d’or de Yennenga du Fespaco. Docus, séries, courtsmétrages, animation, tout y est pour nous faire découvrir le meilleur de la production continentale. Pour les familles, le film Tales Of Africa de Djilali Beskri est projeté chaque week-end. ■ A.F. « VUES D’AFRIQUE », Montréal, Canada, du 5 au 14 avril 2019. vuesdafrique.com 12
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MUSÉE D’ORSAY, DIST. RMN-GRAND PALAIS / HERVÉ LEWANDOWSKI / SERVICE PRESSE/MUSÉE D’ORSAY - DR
LE NOIR ET L’ORIENT
ON EN PARLE agenda
spectacles
Ouverture, le 22 février, avec le vernissage de l’exposition « Face à face ».
LE FESTIVAL CFA POUR RIRE
L’humour africain investit les scènes parisiennes.
art contemporain
Une nouvelle galerie à Lomé
Les œuvres monumentales d’Atisso Goha.
La capitale togolaise s’offre un espace dédié aux artistes locaux.
LA GALERIE NÉGRILLIS A OUVERT SES PORTES dans le quartier Tokoin. Aux manettes : la styliste Lydie Pascale et le publicitaire Serge Bouah. Ils disposent d’un espace dédié aux artistes contemporains du cru, aux talents connus ou en devenir, sélectionnés dans le monde de la peinture, de la photo, de la sculpture ou du dessin. Le 22 février, c’est Cristelle Flagbo et son exposition intitulée « Face à face » qui a inauguré le lieu, avec ses œuvres aux multiples visages et son travail étonnant sur les regards et les scarifications. Le 12 avril, ce sera au tour des sculptures monumentales sur bois du jeune artiste plasticien Atisso Goha, dit « Le sculpteur des géants ». ■ Emmanuelle Pontié
L’HUMORISTE NIGÉRIEN MAMANE (Bienvenue au Gondwana) et son compère Jérémy Ferrari lancent Festival CFA, le premier festival d’humour africain de Paris. Après deux éditions réussies du spectacle Sans visa lancé en 2017, la fine fleur des humoristes francophones du continent (Gohou, Digbeu, Ambassadeur Agalawal, Omar Defunzu, Le Magnific, Ronsia, Joël et Mamane) va donc se produire du 16 au 25 avril. Lors de la soirée de gala, l’ensemble de la team se retrouvera sur la scène du Casino de Paris pour Sans visa 3. Puis rendezvous à la Comédie de Paris et à La Cigale pour voir les one-man-show de vos préférés. Une tournée à Bruxelles et dans les grandes villes françaises est ensuite prévue. ■ A.F.
« LE SCULPTEUR DES GÉANTS », Galerie Negrillis, Lomé, Togo,
FESTIVAL CFA, Casino de Paris, Comédie de Paris et La Cigale, du 16 au 25 avril 2019.
du 12 avril au 10 mai 2019. negrillis.com
cfafestival.fr
petit écran
TANDEM DE CHOC
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CANAL+ ORIGINAL vient de lancer une nouvelle série 100 % africaine : Sakho & Mangane. Les ingrédients classiques sont repris : un duo de flics (Issaka Sawadogo et Yann Gaël), des personnalités opposées qui font rire, du suspens… mais à la sauce sénégalaise avec des enquêtes mystiques. La série a été entièrement tournée et montée à Dakar. L’occasion aussi de démontrer que la capitale possède tous les talents techniques pour une telle production. ■ A.F. « SAKHO & MANGANE », sur Canal+ à partir du 25 mars 2019.
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PARCOURS par Fouzia Marouf
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ABDERRAHIM ANNAG – DR
Taïa
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ENGAGÉ, INCISIF, TOURMENTÉ, Abdellah Taïa s’impose comme l’un des écrivains-cinéastes de l’exil, des identités et de la différence. Il publie aujourd’hui La Vie lente, chronique âpre d’une amitié entre deux exclus, au lendemain des attentats de 2015 à Paris.
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a voix est posée, le ton ferme. Abdellah Taïa se confie en toute simplicité dans un café grouillant de vie de Belleville, à Paris. Le regard droit, l’écrivain marocain aborde sa famille de personnages au confluent du Maroc et de la France, où les destins tourmentés de chacun s’entremêlent. Son nouveau roman, La Vie lente, décrit avec réalisme l’amitié entre des marginaux de la République : Mounir, un homosexuel de 40 ans, et Madame Marty, qui en a le double. S’il a choisi les mots pour dire les maux qui le tourmentent et les questionnements qui l’assaillent, l’auteur confie : « J’aime la mélancolie, la dureté de la vie car elles sont porteuses de création. Les êtres qui traversent mes romans sont complexes, mais en phase avec le réel. » Né en 1973 à Salé, jumelle oubliée de Rabat, huitième enfant d’une fratrie qui en compte onze, Abdellah Taïa grandit à Hay Salam, un quartier laissé à l’abandon. Il est confronté à l’adversité dès l’enfance, et les figures de sa mère et de ses sœurs ne le quittent plus. « Elles n’étaient pas soumises, loin de là. Ma mère menait chaque jour un combat pour nous nourrir. Elle rusait avec le poissonnier, le boucher, sans se laisser abattre. Elle était animée d’une rigueur et d’un incroyable sens du devoir. Nous étions unis par la solidarité des marginaux. » Curieux et sensible, le jeune garçon ne veut pas être écrivain, mais réalisateur. Pour concrétiser ce projet, il s’empare de la langue française, qu’il voit comme une planche de salut : « Je devais la maîtriser, y insuffler l’énergie des pauvres pour m’élever socialement. Je me suis toujours inspiré de mon vécu pour écrire. J’ai été violé durant toute mon enfance et je n’ai pas peur d’en parler. » Après l’obtention de son baccalauréat, il s’inscrit donc en littérature française à l’université Mohammed-V de Rabat, grâce au soutien de sa mère qui économise chaque jour six dirhams pour qu’il puisse faire le trajet jusqu’à la capitale. Durant cinq ans, le jeune étudiant tient un journal intime : « C’est ce qui m’a aidé à sortir major de ma promotion, alors que le français n’était pas ma langue maternelle. » Profondément marqué par son histoire familiale, il crée le Cercle littéraire de l’Océan – dont le nom fait écho au quartier de l’Océan, à Rabat. Cet atelier d’écriture de nouvelles provoque en lui une envie insatiable d’écrire. En 1998, sa ténacité et son goût pour l’effort lui permettent de décrocher une bourse d’études et de poursuivre son cursus à Genève. Dans la foulée, il entame un doctorat à la Sorbonne, où il prépare une thèse consacrée au peintre Fragonard et au roman libertin du XVIIIe siècle. Parallèlement à ses brillantes études, il publie en 1999 trois nouvelles dans un recueil collectif, Des nouvelles du Maroc. En 2000 paraît Mon Maroc, un ensemble de récits et de scènes où il se raconte. Cinq années plus tard, son premier roman, Le Rouge du tarbouche, est auréolé d’un succès retentissant dans le royaume chérifien : Abdellah Taïa passe à deux reprises sur la chaîne de télévision marocaine 2M. En janvier 2006, le personnage de son roman étant La Vie lente, Abdellah Taïa, homosexuel, l’hebdomadaire TelQuel lui demande s’il accepte d’évoquer sa sexualité. L’écrivain éditions du Seuil. aborde alors le sujet publiquement dans la presse arabophone et francophone : « J’ai compris que je ne pouvais pas laisser les journalistes dire n’importe quoi. J’ai parlé de mon homosexualité face à la réalité de la société marocaine, et par rapport à ce que je vivais au sein de ma famille. » En 2009, il signe L’Homosexualité expliquée à ma mère, une lettre qui fait grand bruit dans son pays d’origine. Il enchaîne l’année suivante avec Le Jour du roi, récompensé par le prix de Flore. Interdit au Maroc, le livre évoque la guerre des classes au temps de la toute-puissance d’Hassan II, en 1987, à travers la relation, empreinte d’amour, de jalousie et de haine, qu’entretiennent deux garçons (Omar et Khalid) que tout oppose : l’un est pauvre, l’autre est riche. En 2014, ce passionné de cinéma (en particulier égyptien) réalise son premier film, L’Armée du salut (Grand Prix du festival Premiers Plans d’Angers), inspiré par son enfance. En 2017, son roman Celui qui est digne d’être aimé est sélectionné pour le prix Renaudot. Avec La Vie lente, on retrouve les thèmes qui structurent l’œuvre de l’auteur : la nostalgie des origines, la complexité du rapport au Maroc, l’exil, la différence sexuelle et culturelle, l’ambiguïté vis-à-vis de la France et de sa langue. ■
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LES FEMMES CHEZ BOLLORÉ TRANSPORT & LOGISTICS
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¦ ¬ ¦ £ ဠ ¤¢ ¡ £ L’égalité femmes-hommes tend à s’améliorer pour devenir progressivement une réalité au sein des entreprises. Selon l’étude Women in Business 2018 publiée par le cabinet Grant Thornton, la part des postes à responsabilité détenus par des femmes dans le monde est passée de 22 % à 24 % entre 2015 et 2018.
La valorisation ¡ Ŋ £ Ä £
Signée en juin 2018, la charte pour la diversité et l’inclusion sociale vient renforcer l’engagement de chacune des entités de Bolloré Transport & Logistics. En effet, l’entreprise souhaite promouvoir la diversité dans nos métiers via, notamment, la féminisation des emplois. Dans nos entités, les métiers se conjuguent aussi au féminin. Professionnelles et impliquées, les collaboratrices sont de plus en plus nombreuses à oser un métier dans lequel elles ne se projetaient pas forcément. « Je n’imaginais pas exercer ce métier mais Bolloré Transport & Logistics, au regard de mes compétences, m’a encouragée et soutenue tout au long de ma formation » explique Faye Ngoma, Portiqueuse chez Congo Terminal à Pointe Noire.
Un catalyseur ဠĨ ¦¤ ¡¢ á Faye Ngoma, Congo Termial
En 2018, Bolloré Transport & Logistics a été partenaire de différents forums internationaux. Lors de ces rencontres, les femmes de l’entreprise ont pu partager leur parcours, étendre leur réseau professionnel et se former au leadership.
Les métiers du transport et de la logistique sont en général perçus comme étant exclusivement masculins, or la place qu’occupent les femmes dans ce secteur d’activité est croissante. Bolloré Transport & Logistics contribue activement à changer les mentalités. L’entreprise valorise et accompagne les collaboratrices qui souhaitent se former.
#BtELLES
Fière de compter 23 % de femmes managers dans ses effectifs sur le continent africain, la participation de Bolloré Transport & Logistics à ces initiatives contribue à renforcer son engagement aux côtés de ses collaboratrices dans leur parcours professionnel. Dans la même dynamique, les collaboratrices j IRUW SRWHQWLHO GHV ÀOLDOHV LYRLULHQQH HW sénégalaise, ont participé en 2018 à plusieurs forums de networking.
Asta-Rosa Cissé Directrice générale d’Abidjan Terminal
« Le domaine portuaire est un milieu typiquement masculin mais je reste persuadée que la mixité, facteur de complémentarité, est un véritable atout et un formidable levier de performance pour l’entreprise ; c’est un aspect primordial qu’il faut absolument développer pour pouvoir avancer tous ensemble »
Des journées consacrées aux échanges, mettant en avant le parcours de femmes leaders qui incarnent de vrais modèles de réussite pour l’émergence d’une nouvelle génération de femmes «entrepreneures» en Afrique. bollore-transport-logistics.com
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ortiqueuses, cheffes d’ateliers, chauffeuses mais aussi à l’échelle des cadres, dans toutes les fonctions, les femmes de Bolloré Transport & Logistics occupent des postes à responsabilité. Consciente que la responsabilité sociale de l’entreprise est devenue indissociable de sa stratégie globale, elle a depuis de nombreuses années entrepris cette démarche et continue aujourd’hui de multiplier les actions aussi bien en France qu’à l’international.
C’EST COMMENT ? par Emmanuelle Pontié
NE PARTEZ PLUS !
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n entend encore, de-ci de-là, sur le continent, des jeunes qui vous racontent, des étoiles plein les yeux, leur triste rêve : partir ! À tout prix. N’importe où, n’importe comment. Globalement, là où l’herbe paraît plus verte. En Occident, en Europe, en France, ou en Allemagne. « J’ai un ami qui m’a dit… » Qu’il trouverait un boulot, qu’il aurait une belle vie. On peut comprendre. Quand on naît au fin fond d’un bled oublié par les pouvoirs publics, où rien ne pousse sur des zones arides brûlées par le soleil qui darde non-stop, où il n’y a ni formation ni emploi… On s’accroche à l’ordi d’un pauvre cyber poussiéreux, et on se met à rêver d’ailleurs en surfant sur le Net… Pourtant, les temps changent. Vraiment et vite. De plus en plus de jeunes, en Afrique, se lancent à l’aventure… chez eux. Ils économisent en faisant des petits boulots et suivent une idée claire quant à la boîte qu’ils ont envie de monter, de diriger. Dans un domaine qui a le vent en poupe chez eux. Les ambitions s’aiguisent, les idées novatrices, malignes, pile dans l’air du temps prennent corps, se concrétisent. Au détour d’un programme de soutien quelconque à la jeunesse, grâce à l’aide d’un oncle pour un financement familial à l’ancienne, ou encore avec une tontine ou un microcrédit comme coup de starter. Mais il semble que les désirs d’ailleurs s’émoussent, que les gouvernements commencent à prendre la mesure de l’explosion démographique dont tous les experts battent et rebattent leurs tribunes depuis des années. Les exemples de jeunes qui se mettent à leur compte pullulent. Les cas de réussite d’autres ayant fait de belles études à l’étranger et qui rentrent directement au pays aussi. Ils intègrent de grands groupes, et les chasseurs de têtes sont friands de leurs profils. On découvre des parcours incroyables, 100 % local, de femmes et d’hommes trentenaires totalement décomplexés, AFRIQUE MAGAZINE
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qui vivent dans l’aisance, font des enfants, à qui ils inculquent la même confiance en eux, en leur pays, en l’avenir. C’est évidemment un excellent signe. Aux pouvoirs publics de se réveiller et de les soutenir encore davantage. C’est dans l’intérêt de tous. En espérant peu à peu que stoppent ces migrations économiques, vouées à l’échec, et les mirages qui les motivent, avec au bout du chemin rarement autre chose que la honte, la souffrance et l’exil dans des contrées qui, elles, pour le coup, n’ont vraiment plus grand-chose à offrir… ■
Les temps changent. De plus en plus de jeunes, en Afrique, se lancent à l’aventure… chez eux. 17
KENNY KATOMBE BUTUNKA/REUTERS
Entouré de ses supporters à Limete, Kinshasa, en avril 2017.
« Mal élu », le cinquième président de la République devra 18
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Félix Tshisekedi «N’oublie pas d’où tu viens»
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oser et s'émanciper pour pouvoir s'affirmer. par Zyad Limam AFRIQUE MAGAZINE
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RD CONGO FÉLIX TSHISEKEDI, « N’OUBLIE PAS D’OÙ TU VIENS »
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Pour Tshisekedi père, la vérité des urnes n’est plus une stratégie en soi. Pour « remporter » les élections, il faudra contrôler le processus « au sol ». dilettante fait de la politique, il sait où il va. Il torpille la candidature unique de l’opposition, âprement négociée à Genève en novembre 2018. Il ne fait pas de la machine à voter un casus belli. Il s’éloigne de Moïse Katumbi et de Jean-Pierre Bemba qui rejoignent la coalition Lamuka emmenée par Martin Fayulu, qui devient dès lors infréquentable aux yeux du pouvoir. Les jeux sont quasi faits. Et personne ne voit le coup venir. La RD Congo vote dans un calme assez impressionnant le 30 décembre 2018, malgré une Commission électorale nationale indépendante (Ceni) largement contestée. Les premières remontées sont claires pour le clan Kabila : le rejet massif de leur candidat. D’un péril à l’autre, le pouvoir choisit l'opposant avec lequel on dialogue depuis longtemps. Des personnages clés jouent les rassembleurs entre la coalition du Front commun pour le Congo (FCC, qui regroupe les troupes de Kabila) et la coalition Cap pour le changement (Cach) des partisans de Félix Tshisekedi. Les résultats proclamés par une Ceni discréditée, sans le détail par bureau de vote, donne Félix Tshisekedi vainqueur. Malgré les remontées de l’Église et de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) qui donnent Martin Fayulu en tête. À la télévision, le patron de l’UDPS, l’héritier d’Étienne, semble à peine surpris. Félix Tshisekedi est président. D’une certaine manière, c’est une transition pacifique, sans trop de casse ni de violence. La première finalement dans l’histoire de la RD Congo. Patrice Lumumba a été assassiné, Joseph Kasa-Vubu renversé, Mobutu est mort en exil, défait par les forces de Laurent-Désiré Kabila, lui-même abattu par l’un de ses gardes du corps. Chaque « passation » est une tragédie avec son AFRIQUE MAGAZINE
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eut-être faut-il remonter dans le temps pour mieux comprendre ce qu'il se passe aujourd’hui. Remonter fin 2011, après l’échec d’Étienne Tshisekedi, le père, certain d’avoir remporté les élections présidentielles, et pourtant officiellement battu par Joseph Kabila. Pour ce combattant historique, la « défaite » est amère, on lui a volé « l’imperium », l’effectivité du pouvoir, qui devait enfin lui revenir. L’homme a de l’expérience, un parcours. Déjà en lutte contre Mobutu à partir du début des années 1980, il a été le Premier ministre issu de la conférence nationale. Il a été démis, rejeté. Il a lutté contre les Kabila. En 2016, il le sait, le peuple devrait revoter. Ce sera son moment. Mais pour le « vieux » Tshisekedi, la vérité des urnes n’est plus une stratégie en soi. Pour « remporter » les élections, il faudra savoir s’organiser sur le terrain, mobiliser les troupes, contrôler le processus « au sol ». Et négocier s’il le faut avec les usurpateurs, le pouvoir, sans en avoir l’air, sans que son nom ne soit impliqué. L’UDPS (Union pour la démocratie et le paysage social) se met en ordre de bataille. Objectif : triompher d’une manière ou d’une autre, quadriller le terrain et ne pas s’embarrasser de trop de contraintes morales ou politiques. Dans l’entourage d'Étienne Tshisekedi, le fils prend de l’importance, porté, dit-on, par sa mère, Marthe Kasalu. Félix, né le 13 juin 1963 à Léopoldville (futur Kinshasa), se fait donc une place auprès des proches de son père. Et face au pouvoir de Joseph Kabila, la bataille n’est pas facile. Le président en place ne manque pas d’arguments, de moyens, et ne recule pas devant le recours à la force. Étienne Tshisekedi alterne entre menaces et ouvertures. Il se rapproche de Moïse Katumbi, devenu l’ennemi juré de Joseph Kabila. Ce dernier recrute lui aussi chez ses opposants, au Mouvement de libération du Congo (MLC) créé par JeanPierre Bemba, mais aussi et surtout, à l’UDPS. Le 1er février 2015, Étienne Tshisekedi meurt à Bruxelles, épuisé par la maladie. Félix, le fils, endosse sans états d’âme le costume d’héritier. Kabila manœuvre, rallonge son mandat, résiste aux manifestations, réprime, tout en cherchant des canaux pour sortir de son isolement. La « négociationdialogue-bras de fer » apparaît comme un processus continu. Au lendemain de l’accord de la Saint-Sylvestre, on parle de Félix Tshisekedi comme du Premier ministre issu de l’opposition. Ce sera un autre cadre de l’UDPS, Bruno Tshibala, qui le deviendra. Mais la dynamique est là. Félix Tshisekedi mène la bataille en son nom, au nom de son père et au nom de tout le Kasaï : « C’est notre tour. » Celui que l’on décrit trop facilement comme
Étienne Tshisekedi, opposant historique, ancien Premier ministre issu de la conférence nationale, s'était donné comme objectif le scrutin présidentiel de 2016.
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RD CONGO FÉLIX TSHISEKEDI, « N’OUBLIE PAS D’OÙ TU VIENS »
D’une certaine manière, c’est une transition pacifique sans trop de casse ni de violence. La première de l'histoire du pays.
*** Félix Tshisekedi n’est pas comme son père. S’il faut prendre une part de l'imperium, il la saisit. S’il faut s’arranger avec Kabila et ses troupes, on le fera. S’il faut un accord, on le signera. Ce qui compte pour le moment, c’est cette image, le symbole : le passage de témoin ce 24 janvier 2019. Kabila transmet l’écharpe. Félix Tshisekedi peut savourer. Il revient de loin. Être là, au sommet, n’allait pas de soi. C’était, comme on le dit aux États-Unis, « l’underdog », l’outsider que l’on sous-estime, le fils à papa, celui qui ne saura pas s’élever au niveau du défi et de l’histoire. Il y a quelques mois encore, l’opposition congolaise se cherchait un leader. Moïse Katumbi, porté par son aura d’entrepreneur, et Jean-Pierre Bemba, libéré de sa prison hollandaise, prisonnier politique aux yeux des siens, pèsent lourd sur la scène politique. Même s’ils sont éliminés du scrutin par « la loi », ils apparaissent comme des faiseurs de chef. À la réunion de Genève, les principaux candidats de l’opposition sont réunis par la fondation Kofi Annan. Félix Tshisekedi est écarté au profit de Martin Fayulu, perçu comme un nouveau venu, un homme de principe, différent, et qui représente une alternative réelle au kabilisme. Tshisekedi rejette l’accord de Genève quelques heures après l’avoir approuvé. Il fera son chemin en solo, en s’appuyant ostensiblement sur sa région. Ce sera la fin de la « discrimination historique » à l’encontre des communautés originaires du Kasaï et des Balubas, en particulier. On fera de la politique à l’ancienne pour vaincre. 22
Le voilà donc au « pouvoir partiel ». La constitution de 2006 est un corset. Elle accorde des pouvoirs stratégiques à la branche législative, dont celui de censurer le président. Le président du Sénat devenant de facto « le régent ». Institutionnellement, le président est limité. Des postes clés, ceux de souveraineté (affaires étrangères, intérieur, défense…) reviendront certainement à la famille politique du président élu. Mais le Premier ministre sera issu de la coalition qui a remporté les élections législatives et sénatoriales. Et on attend toujours au moment où sont écrites ces lignes sa nomination. La négociation est serrée. Chaque partie veut montrer sa capacité de décision. Sans parler de l’opinion de la communauté internationale et des bailleurs de fonds, États-Unis en tête.
*** Malgré ce « deal », la situation politique du pays est loin d’être figée. Elle est même dangereusement instable. L’Église reste une formidable force politique, et même si certains prélats du Kasaï soutiennent Tshisekedi, une grande partie de l’appareil religieux ne cache pas sa méfiance, voire sa défiance, évoquant déjà la nécessité de préparer une réelle alternance. Pour Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, « la vérité des urnes reste la vérité des urnes ». Mais l'institution elle-même est fragilisée, incarnant une élite souvent dépassée par l’évangélisation des esprits, la « congolisation » du mysticisme aussi. Et la photo du nouveau président agenouillé entouré de pasteurs du réveil aura fait son effet. De son côté, l’UDPS, parti du président élu, est en crise. La débâcle aux élections locales, législatives et sénatoriales, la corruption des élus a laissé des blessures à vif aux militants qui pourraient se montrer de moins en moins enclins à soutenir cette expérience de « coalition » pour demander un changement plus net. Et la position de Joseph Kabila ne manque pas de zones de faiblesses. D’une manière ou d’une autre, celui qui fut président pendant dix-huit ans (de 2001 à 2019) est sous la surveillance de la communauté internationale. Les « dossiers » le concernant sont nombreux ; Kabila doit tenir sa part du marché et on voit mal les puissances accepter une éventuelle reprise en main brutale du pays. Martin Fayulu a de son côté bien du mal à maintenir son discours de « président élu ». Le candidat est un homme de principe, de probité, mais son « succès » est avant tout le reflet du rejet du système. La coalition Lamuka qui l’a soutenu est surtout une coalition de AFRIQUE MAGAZINE
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cortège de victimes. La violence est au cœur du Congo-Zaïre, et le monde s’attend régulièrement au pire. Après quelques réactions plus ou moins outragées, la communauté internationale signe pour ce résultat. La vérité des urnes n’est pas si importante finalement. Ce qui compte, c’est avant tout d’éviter le chaos. Et comme le dit avec réalisme un observateur du système, Félix Tshisekedi est « président de fait ». Il faut en tenir compte. Les résultats détaillés du scrutin ne seront probablement jamais publiés. Politiquement, le deal est en place. Le rejet du système Kabila lors des élections présidentielles s’est étonnamment traduit par un soutien massif aux kabylistes lors des élections locales et législatives. Les proches de l’ex-président rassemblés dans la coalition FCC tiennent l'Assemblée nationale, les assemblées provinciales, et bientôt le Sénat. Étienne Tshisekedi aurait-il accepté ce « partage » ?
Journée de passation de pouvoir, le 24 janvier 2019, avec Joseph Kabila (à droite).
Martin Fayulu, leader de l'opposition, en campagne. Un « succès » qui incarne avant tout le rejet du système.
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RD CONGO FÉLIX TSHISEKEDI, « N’OUBLIE PAS D’OÙ TU VIENS »
circonstances électorales et les signes de dissensions se font sentir. Les électeurs ont du mal à descendre dans la rue pour revendiquer la victoire. Et après tout, il y a bien une forme d’alternance. On se doute aussi que Jean-Pierre Bemba ne restera pas longtemps dans sa position d’attente. Et que les liens anciens entre Tshisekedi et Katumbi devraient se réchauffer. Tout en sachant que l’un et l’autre préparent déjà certainement l’échéance de 2022. Enfin, plus inquiétant, les discours tribalistes ont repris de plus belle. Les Katangais, les gens du Kasaï, les Balubas, le Bandundu, le Kivu, sans parler des possibles subdivisons possibles… La lecture politique se réduit rapidement et dangereusement à une lutte d’influence entre peuples de la République démocratique.
*** Le nouveau président de la RD Congo cherche à agir, à élargir son périmètre : il annonce la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés, un grand plan économique d’urgence. Il voyage beaucoup en Afrique, aux États-Unis. Il se rend à Kigali à la rencontre de Paul Kagamé malgré les risques en termes de politique intérieure. Il s’agit certainement d’apaiser le climat entre les deux capitales et d’obtenir un répit à l’Est. Mais à Kinshasa, les gestes symboliques du nouveau président provoquent une vive controverse : « À quand une commémoration officielle pour les millions de morts congolais ? À quand une mise en cause des forces rwandaises dans notre propre tragédie ? » Avec cette intense activité internationale, avec ses clins d’œil, appuyés en direction de Washington, avec son ouverture vis-à-vis des pouvoirs régionaux, Tshisekedi cherche à se protéger, à s’assurer d’une forme « d’immunité internationale », d'une « ceinture de sécurité diplomatique ».
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Kinshasa, épicentre d'un géant africain menacé de l'intérieur et de l'extérieur.
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Car de toutes parts, on demande au nouveau président d’être un acteur majeur du changement, de transformer le pays, de lui donner enfin un souffle. Et puisqu’il a voulu prendre une partie de l’imperium, on lui demande aussi de prendre les risques qui vont avec… Il doit être le maître d’œuvre d’une « cohabitation » active et non pas celui d'une « coalition passive ». L’idée serait d’assumer pleinement la charge de garant de la constitution. Il y a un rôle pour un « président-institution » qui incarnerait malgré le deal, la « vérité » et cette aspiration du peuple congolais à l’alternance. Les élections de décembre 2018 ont montré une opinion publique mature, soucieuse d’aller aux urnes, de s’inscrire pacifiquement dans un processus électoral. La montée vers l’élection, la pression mise sur l’organisation du scrutin de décembre ont « conscientisé » les « masses ». L’émergence de mouvements citoyens comme la Lutte pour le changement (Lucha) ou le mouvement Les Congolais debout de Sindika Dokolo ont accentué cette prise de conscience.
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De toutes parts, on demande au nouveau président d’être un acteur majeur du changement, de transformer le pays, de lui donner enfin un souffle. AFRIQUE MAGAZINE
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RD CONGO FÉLIX TSHISEKEDI, « N’OUBLIE PAS D’OÙ TU VIENS »
La RD Congo a changé d’époque, de temps politique. Et donc, pour reprendre l’expression de certains, « il faut soutenir le soldat Tshisekedi ». Parce que le destin de Fatshi (abréviation de ses trois prénoms Félix Antoine Tshilombo) c’est aussi celui, à court terme de la République démocratique du Congo, géant africain à la dérive, paupérisé, menacé de l’intérieur et de l’extérieur, objet de toutes les convoitises. Reste à savoir si le soldat Tshisekedi est prêt à relever le défi, à purger le péché originel d’une élection bâclée, à se poser
en rassembleur. Le fil est ténu. Pour Félix Tshisekedi, c’est le moment de l’équilibrisme et du courage aussi, presque physique. Comment satisfaire une opinion avide de changement et éviter de franchir le rubicond vis-à-vis du FCC et de Joseph Kabila, dont on connaît la capacité combative ? Le « patron » est dans une position peu enviable, entre le marteau et l’enclume. Mais il l’a choisie et comme le lui rappelle avec insistance une grande partie de l’opinion, ses adversaires et même certains de ses amis : « N’oublie pas d’où tu viens. » ■
L'accession de Félix Tshisekedi, cinquième président de la République de l’histoire du pays, marque la première passation relativement pacifique du pouvoir depuis l'indépendance. Rappel d'un tragique passé. PATRICE LUMUMBA : C'est la tragédie originelle. Le 30 juin 1960, l'indépendance du Congo belge est proclamée. Joseph Kasa-Vubu devient président et Lumumba, Premier ministre. Le pays sombre rapidement dans l'anarchie. Lumumba est arrêté par les forces proches du général Mobutu. Livré aux Katangais, il est assassiné le 17 janvier 1961, avec la probable complicité d'officiers ou de mercenaires belges. JOSEPH KASA-VUBU : Le premier président officiel de la République est définitivement mis en place par Mobutu Sese Seko. le coup d'État militaire de Joseph Mobutu en novembre 1965.
Assigné à résidence dans le Bas-Congo, il meurt de solitude et de manque de soins le 24 mars 1969. MOBUTU SESE SEKO : C'est le deuxième président de la République d'un pays devenu le Zaïre. Il gouvernera d'une main de fer de 1965 à 1997. Les dernières années de son si long règne sont marquées par le délitement du système et la crise rwandaise. Les rebelles de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, dirigées par Laurent-Désiré Kabila, entrent à Kinshasa le 17 mai 1997. Mobutu, malade, est en fuite. Il meurt à Rabat le 7 septembre de la même année. LAURENT-DÉSIRÉ KABILA : Troisième président de la République, il se fait appeler Mzee, efface le mot « Zaïre » des tablettes. Isolé, autoritaire, aux prises avec les tragédies de la seconde guerre du Congo, il est abattu dans des circonstances obscures par un membre de sa garde le 16 janvier 2001, soit presque quarante ans jour pour jour après l'assassinat de Patrice Lumumba. ■ Z.L. Laurent-Désiré Kabila.
Patrice Lumumba, à gauche, et Joseph Kasa-Vubu, à droite.
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RELIGIONS
Le voyage du pape au Maroc fin mars a mis en lumière le rôle des milliers de jeunes migrants chrétiens subsahariens dans la revitalisation des vieilles paroisses coloniales. Un bouleversement qui a conduit les institutions catholique et évangélique à se remettre en cause. Anciens et nouveaux chrétiens, Blancs et Noirs, cultures occidentales et africaines… De ces oppositions pourrait naître une pratique cultuelle avant-gardiste basée sur un compromis œcuménique.
AU MAGHREB, L’EGLISE S’AFRICANISE
YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS
Le roi Mohammed VI accueille le souverain pontife à Rabat, le 30 mars 2019. AFRIQUE MAGAZINE
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RELIGIONS AU MAGHREB, L’ÉGLISE S’AFRICANISE
Maroc : vers une théologie de la migration Catholiques et protestants cherchent à définir ensemble une approche vis-à-vis des migrants et de la spécificité de leur foi. par Julie Chaudier
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Le représentant du Vatican rencontre des fidèles, à la cathédrale Saint-Pierre de Rabat.
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libres de voyager dans le monde. « On essaie d’organiser des rencontres, raconte le père Daniel. Il y a des échanges, mais c’est toujours un peu un combat, même si nous avons quelques beaux succès. » Comme leurs fidèles européens, les représentants de la communauté catholique ont eux-mêmes été bousculés dans leurs croyances. « Certains jeunes continuent à venir nous [les prêtres, ndlr] voir pour nous faire bénir toutes sortes de choses, comme l’eau, le sel… Alors, nous en profitons pour les éduquer, mais quand nous les critiquons, ils nous rappellent que ce sont les missionnaires chrétiens qui leur ont appris ça, s’amuse le père Daniel. Ils appliquent le christianisme du XIXe siècle alors que nous avons vécu le concile Vatican II, qui a balayé un peu tout ça. » Pour l’institution catholique, l’arrivée de jeunes fidèles africains dans de vieilles institutions blanches semble donc répéter l’histoire. Il s’agit, une nouvelle fois de les éduquer, de les former. L’Église évangélique au Maroc (EAU) a également vécu cette remise en cause théologique par le mouvement pentecôtiste, qui connaît un grand succès en Afrique, très différent de sa tradition presbytérienne. L’ÉGLISE, UNE GRANDE FAMILLE En 2004, l’un des pasteurs de l’EEAM à Rabat a ainsi fondé sa propre Église, l’Assemblée chrétienne de Rabat, emmenant la moitié des fidèles de la paroisse. En parallèle se sont ainsi multipliées les églises de maisons concurrentes, dans lesquelles les fidèles se rassemblent autour d’un pasteur charismatique. Dans ce contexte, « la chance de l’EEAM a été la solidité de ses institutions, avec des statuts qui essaient de tenir le coup au-delà des différentes disciplines ecclésiales », explique Jean-Marie Kasongo, secrétaire général de l’EEAM et pasteur à Tanger. En contrepartie, le dogme doit sans cesse organiser le dialogue entre les différentes tendances qui le composent. « Cette année, nous avons décidé de discuter des “dons et ministères”. Pour les pentecôtistes, par exemple, la prophétie peut aller jusqu’à des dons de prédiction de l’avenir, alors que dans l’Église traditionnelle européenne, il s’agit plutôt de porter la parole divine. Nous discutons également de la guérison car certains pratiquent la délivrance pendant le culte. Nous essayons d’être respectueux de toutes les tendances, car nous sommes tous dans le même panier », explique Karen Thomas Smith. AFRIQUE MAGAZINE
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ans les années 1980, une délégation protestante européenne s’était rendue au Maroc. Elle prévoyait qu’il n’y aurait plus aucun protestant d’ici quelques années. Et elle envisageait de remettre à l’État ses temples et de répartir ses derniers fidèles dans les paroisses catholiques restantes », rappelle Karen Thomas Smith, présidente de l’Église évangélique au Maroc (EEAM). Abandonnés progressivement après l’indépendance, les lieux de cultes chrétiens se sont repeuplés dans les années 1990, grâce à l’arrivée d’étudiants, puis de migrants originaires d’Afrique de l’Ouest. La visite du pape François à Rabat, les 30 et 31 mars 2019, souligne ainsi le renouveau du christianisme dans ce pays. Au total, le royaume compterait près de 30 000 catholiques et plus de 3 000 membres de l’EEAM, auxquels s’ajoute le nombre incalculable de pentecôtistes. Ce regain de ferveur a obligé les deux institutions historiquement blanches et coloniales à s’ouvrir et à s’adapter à un nouveau public de fidèles noirs, jeunes, à la religiosité exacerbée. « Au début, les Blancs étaient un peu racistes, se souvient le père Daniel du diocèse catholique, à Rabat. Un groupe de fidèles européens a même quitté Notre-Dame de Lourdes à Casablanca, en disant : “Nous ne sommes plus chez nous.” » L’arrivée de jeunes subsahariens a ainsi poussé les dignitaires catholiques à mettre en contact deux groupes que tout oppose. D’un côté, des jeunes Africains, souvent désargentés, venus poursuivre leurs études supérieures au Maroc ou tenter leur chance en Europe ; de l’autre, de riches familles européennes
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Cristóbal López Romero, archevêque de Rabat.
De la même façon, l’Église catholique, en dépit de l’autorité doctrinale de ses institutions, n’a pu rester insensible à l’influence des jeunes Subsahariens. Bien loin de la tradition catholique française, nettement plus austère, les chorales sont désormais présentes partout, et les églises font place à cette ferveur très expressive. « Nous devons être à la hauteur des attentes des fidèles, car pour eux, plus qu’ailleurs, nous sommes une famille. Ils peuvent rester des années au Maroc, perdre un proche, sans même pouvoir rentrer chez eux parce que les billets d’avion sont trop chers, explique le père Daniel. Nos fidèles pratiquent ainsi leur religion bien au-delà du dimanche. Pour moi, cela demande d’être à leur écoute et de soutenir leurs initiatives. » La prise en compte par les deux vieilles Églises des orientations des nouveaux fidèles ne s’est toutefois pas traduite par leur intégration formelle dans les rangs des prédicateurs officiels. Celles-ci témoignent à l’unisson de leur difficulté à attirer des pasteurs et des prêtres de l’étranger car, dans la carte mentale de leurs Églises respectives, le Maroc, d’abord musulman, n’existe pas vraiment. Pour autant, elles préfèrent en manquer que de recruter directement en interne. Jusqu’en 2017, l’EEAM comptait seulement quatre pasteurs venus de l’étranger pour 11 paroisses, alors même que par son caractère démocratique, celle-ci a vu très tôt l’intégration des fidèles subsahariens dans ses instances décisionnaires. Au sein de l’Église catholique, la forte hiérarchie qui la constitue a entretenu un immobilisme « blanc ». Dans la paroisse de Rabat, un tiers seulement est d’origine africaine, tandis que la moitié est même française. « Le précédent évêque de Rabat, le père Vincent, ne s’est jamais senti capable de discerner la justesse d’une vocation de prêtre d’un jeune Subsaharien. Il était profondément européen et les jeunes fidèles subsahariens n’ont pas la même culture, la même façon de comprendre la vie, le célibat… », explique le père Daniel. Face à la pénurie de profils étrangers, les deux institutions ont toutefois fini par envisager une forme de promotion interne à travers une formation théologique œcuménique qu’elles ont définie ensemble. En 2013, l’Église catholique et l’EEAM ont ainsi ouvert l’Institut Al Mowafaqa. Chaque cours de théologie est professé à la fois par un enseignant catholique et un protestant. Le cursus a été réfléchi pour ouvrir au maximum l’apprenant sur la pluralité du monde chrétien et son environnement musulman. En 2017, une dizaine de pasteurs issus des rangs des fidèles ont alors pu intégrer l’EEAM. Ainsi, avec l’augmentation du nombre de chrétiens, les deux grandes Églises pourraient se « marocaniser » : pas tant par le nombre de fidèles – la question reste éminemment délicate – que par le parcours très spécifique de leurs nouveaux représentants sur le territoire. Ainsi, comme l’explique la sociologue Sophie Bava [voir interview p. 35], se développe déjà une théologie de la migration. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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LES CHRÉTIENS, LE PAPE ET LE ROI
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ous serions contents si le peuple marocain pouvait bénéficier de la liberté de conscience et de culte ; pas pour en profiter [augmenter le nombre des fidèles, ndlr], mais parce que c’est une bonne chose en soi », a déclaré en conférence de presse Cristóbal López Romero, l’archevêque de Rabat. Si la conversion au christianisme se pose depuis quelques années, l’Église était jusque-là restée silencieuse, marquée par le traumatisme de 2010. Cette année-là, plusieurs dizaines d’évangélistes étrangers avaient été expulsés, accusés de prosélytisme. Après cette affaire, les institutions consacrées, évangélique et catholique, étaient passées de la tutelle du ministère des Affaires islamiques à celle du ministère de l’Intérieur. Elles avaient perdu, jusque très récemment, tout échange avec l’État. Depuis, leurs ouailles – émigrées, pour la majorité – semblaient être mieux acceptées. Jusqu’à ce que la Coordination nationale des chrétiens marocains saisisse le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) pour exprimer leur droit à la liberté de culte, en avril 2017. Ces fidèles veulent pouvoir vivre pleinement leur foi, se marier dans une paroisse, donner des prénoms chrétiens à leurs enfants et bénéficier des rites funéraires. Dans le cadre de la visite du pape, la Coordination a publié un communiqué demandant à ce dernier et au roi de se pencher sur la liberté de conscience des citoyens marocains. « Cette liberté n’est pas quelque chose que nous avons demandé à aborder lors de la visite du pape. C’est la société marocaine qui doit la revendiquer si elle la veut », a conclu Cristóbal López Romero. « Certes, les Marocains chrétiens ont écrit une lettre au pape, mais ils ne réclament pas de rentrer dans l’Église, précise le père Daniel, du diocèse catholique à Rabat. Ils demandent plutôt leur reconnaissance par l’État, c’est différent et compliqué. Je crois beaucoup plus au travail des milliers de Subsahariens croyants qui vivent aux côtés de leurs amis musulmans qu’aux discours doctrinaux de l’État. La liberté de conscience se fera à travers des actions, comme l’ouverture de l’Institut de formation des imams, ou un cours sur l’histoire du christianisme animé par la présidente de l’Église évangélique. » ■ J.C.
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RELIGIONS AU MAGHREB, L’ÉGLISE S’AFRICANISE
La cathédrale Saint-Vincent-de-Paul, sur l’avenue Bourguiba, à Tunis.
Tunisie : l’Église occidentale se métisse
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haque dimanche matin, l’avenue Bourguiba, dans l’hypercentre de Tunis, révèle un nouveau visage aux allures de capitale africaine. Dans un brouhaha joyeux, des Subsahariens, venus le plus souvent de l’Afrique de l’Ouest, se dépêchent, dans des tenues pimpantes et colorées, vers la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul. Pour rien au monde, ils ne rateraient le rendez-vous dominical de la messe. « J’exprime ma foi, mais je retrouve aussi des amis et je noue des connaissances », confie Christiane, une étudiante dont le chapeau fuchsia épate les badauds attablés aux cafés. Comme elle, près de 20 000 catholiques du pays recréent une communauté et redonnent vie à des espaces cultuels progressivement délaissés depuis l’indé32
pendance en 1956. Le phénomène n’est pas nouveau. Le regain de vitalité des paroisses, aussi bien catholiques qu’anglicanes, a été amorcé en 2003 avec l’installation de la Banque africaine de développement (BAD), à Tunis, à la suite du conflit en Côte d’Ivoire. Il a été renforcé par un nombre de plus en plus important de jeunes Africains poursuivant leurs études en Tunisie et par les flux de migrants, pour la plupart irréguliers, en quête d’un passage vers l’Europe. À eux se joignent quelques Européens assez âgés qui n’ont pas quitté le territoire. Les lieux de prière ayant été pour la plupart désacralisés et remis à l’État en 1962, le rituel dominical se déroule à la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul, l’église Jeanne-d’Arc ou celle de Saint-Augustin-et-Saint-Fidèle de La Goulette, mais aussi AFRIQUE MAGAZINE
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SAMUEL ZUDER/LAIF-RÉA
La venue de jeunes Subsahariens redonne une nouvelle vitalité aux pratiques chrétiennes, implantées de longue date. par Frida Dahmani
dans les villes de Sfax ou de Sousse. Sans compter les messes qui se déroulent en petits comités dans des espaces privés. « En Tunisie, nous n’avons jamais été bannis », assure Irma, une descendante de Siciliens, un peu perdue dans la foule subsaharienne. Tandis que les convertis locaux se font plus discrets, par crainte de représailles. Pourtant, l’anthropologue Katia Boissevain estime que « le dynamisme et l’enthousiasme qui émanaient des cultes apparaissaient à certains Tunisiens comme une fenêtre sur une religiosité différente, accueillante et chaleureuse ». Hafedh, un ingénieur, précise : « Nous ne sommes pas bien vus pour avoir choisi de quitter l’islam, et nous pourrions faire accuser l’Église qui s’était engagée en 1962 à ne pas faire de prosélytisme. » Cependant, les dignitaires religieux ont souhaité, lors de la Conférence des évêques de la région Nord de l’Afrique à Tanger, en avril 2016, faire découvrir
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leur vocation, non pas « centrée uniquement sur le soutien spirituel des membres, mais témoin de la charité du Christ pour tous, voulant entrer en relation avec [leurs] frères et sœurs musulmans ». Une démarche nécessaire au vu de l’émergence de l’islamisme et de l’existence d’un certain racisme. « De la confrontation, nous essayons de passer à l’acceptation, voire à l’amitié », assure l’archevêque d’Alger, Paul Desfarges. Il en va de même à Rabat. Le diocèse de la capitale compose avec cette réalité et sait que la religion participe à renforcer l’identité des migrants, sans compter l’aide aux irréguliers qu’apportent des prêtres comme le père David, à Sfax. L’africanisation de l’Église vit de beaux jours, si bien que certains souhaitent un archevêque non occidental en Tunisie. ■
La procession de la Madone de Trapani, à La Goulette.
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La Goulette, l’un des ports de commerce de Tunis, tous les 15 août, le quartier de la Petite Sicile prend des airs de fête. « La Madone s’apprête à sortir », murmurent les enfants impressionnés par la foule de curieux qui reste sur le parvis, faute de place à l’intérieur de l’église Saint-Augustin-et-Saint-Fidèle. Attendent-ils un miracle ? Non, ils patientent pour autre chose. Ici, à l’Assomption, on fête la Vierge dans une curieuse cérémonie où « la messe est récitée en français par un Italien, avec des chœurs ivoiriens dans une paroisse chrétienne qui se situe dans l’ancien quartier juif d’un pays musulman », commentent sur Facebook les inconditionnels de ce cérémonial. Pourtant, la procession de Marie s’avère une tradition assez récente dans l’histoire de l’Église chrétienne tunisienne. Elle est même un phénomène unique. Au début du xxe siècle, l’abbé Salibat instaure l’hommage à la Vierge de Trapani dans ce lieu où vivent des marins souvent originaires de Sicile occidentale. La statue de Notre-Dame de Trapani, portée à bras d’hommes, fendait la foule jusqu’au port, où les bateaux des pêcheurs étaient bénis. Puis, elle reprenait place sur l’autel pour la clôture de la messe dans une atmosphère saturée d’encens et de fleurs. Le défilé, suspendu depuis l’indépendance, a été réinstauré en 2016 et fait l’objet d’une ferveur et d’un engouement général. « Pour de nombreux Goulettois, cette Madone symbolise l’image de la Mère protectrice, de la cohabitation qui favorise la cohésion sociale entre chrétiens, musulmans et juifs », explique le père Narcisse, qui entretient la petite paroisse avec des sœurs missionnaires de la Charité. On vient de loin voir « sortir la Vierge ». Mais dans la coutume locale, que les estivants
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se sont appropriée, cet événement marquait aussi, autrefois, la fin des bains de mer. Une occasion de rendre grâce à Marie – ou Meriem pour les musulmans – et de se sentir, pour un moment, bénis et unis. Ce coin de Tunis, où ces différentes religions ont longtemps cultivé un joyeux vivre-ensemble, reste imprégné par ce brassage de cultures et de fois. Aujourd’hui, le rituel se poursuit, toujours plus inclusif, avec l’arrivée d’Africains. Dans cette fête devenue résolument œcuménique, seuls les chrétiens reçoivent la communion. Cela n’empêche pas les musulmans de prier avec eux, tandis que certains, surtout des femmes, adressent en chuchotant des demandes à sainte Rita, patronne des causes perdues ou impossibles, dont la statue trône dans la nef latérale. « La Madone et sainte Rita portent la baraka et la bonté. Même les non-croyants ont envie d’y croire », exulte Janie, une Française née à La Goulette. ■ F.D.
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La basilique de Notre-Dame d’Afrique est inscrite dans la symbolique de la capitale et accueille 100 000 pèlerins chaque année.
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Algérie : la tentation du repli
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ors de sa rencontre avec les représentants des Églises chrétiennes à Rabat, le 31 mars 2019, le pape François s’est incliné devant le frère JeanPierre, dernier rescapé des moines de Tibhirine. Un geste d’hommage et d’empathie, mais aussi un temps fort de la visite papale. Les deux hommes auraient dû se rencontrer en Algérie le 8 décembre 2018, lors de la béatification à Oran des sept moines de Tibhirine et de douze autres religieux catholiques, tués dans des conditions qui restent obscures, durant la décennie noire en Algérie, dans les années 1990. Selon le ministre algérien des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, le Saint-Père n’a finalement pas fait le voyage à Oran « pour des raisons de calendrier », déléguant un envoyé spécial, le cardinal Giovanni Angelo Becciu. Mais l’incident dit tout le malaise vis-à-vis de la chrétienté du pays, où vivent 45 000 fidèles – essentiellement des étrangers –, et qui a donné, aux IIIe et IVe siècles, deux papes à l’Église romaine, Melchiade et Gelase Ier, ainsi qu’une multitude de saints, dont le plus illustre est Augustin, natif d’Hippone, actuelle Annaba. L’Algérie semble surtout ne pas avoir oublié qu’avec l’armée, l’Église a été le fer de lance de la colonisation française. Sur le fond, et malgré une présence discrète de la communauté catholique, les autorités se méfient. L’Algérie, république officiellement laïque, subit une offensive des évangélistes. Depuis le début des années 2000, les conversions se multiplient, notamment en Kabylie, région sensible qui reven34
dique activement sa berbérité. Pour atténuer les tensions, le pape François a déclaré haut et fort que « les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme ». N’empêche qu’en 2018, plusieurs lieux de culte protestants en Kabylie et dans l’Oranais ont été fermés alors qu’ils avaient pignon sur rue. « Cette situation précaire s’explique par le flou qui entoure le statut juridique du christianisme algérien, lequel devrait en principe profiter de la liberté de culte. Celle-ci est inscrite depuis 2016 dans la constitution algérienne, mais se voit contrainte par certains articles très restrictifs d’une ordonnance de 2006 », précise la sociologue Fatiha Kaouès. Elle spécifie « qu’une majorité d’Algériens n’est nullement opposée au développement d’un christianisme spécifiquement algérien », mais dans un contexte d’instabilité politique et de quête de légitimité, les dirigeants politiques, en général, apprécient les diversions. Le christianisme comme la variation sur le thème du péril de l’étranger sont des sujets tout trouvés, et les conversions de musulmans sont, au terme de l’ordonnance de 2006, particulièrement visées. Le pays est par ailleurs confronté à l’afflux de migrants sahariens, au point que la marginalisation de ces religions s’installe comme l’un des axes de la politique antimigratoire. Entre équivoques et positions paradoxales, le ton se durcit même si, sur les hauteurs d’Alger, la basilique de NotreDame d’Afrique – « Madame l’Afrique » ou « Lalla Myriem » pour les Algérois – est inscrite dans la symbolique de la capitale et accueille 100 000 pèlerins chaque année. ■ F.D. AFRIQUE MAGAZINE
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La marginalisation du christianisme s’installe aussi comme l’un des axes des politiques anti-migratoires.
Sophie Bava « La dynamique musulmane
au Maroc crée des vocations chez les chrétiens » LE CHRISTIANISME A ÉTÉ RANIMÉ au Maroc par l’arrivée de jeunes Subsahariens, étudiants et migrants. Sophie Bava, socio-anthropologue et chercheuse au Laboratoire population environnement développement de l’université Aix-Marseille, explique ce que cette situation particulière implique pour leur foi et leurs Églises.
Propos recueillis par J.C.
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AM : Quelle est l’attitude des migrants et des jeunes en séjour d’études vis-à-vis de la religion ? Sophie Bava : Beaucoup d’étudiants ont renoué avec leur foi en arrivant, parce que le Maroc est un pays très religieux ; la confession a toute sa place dans l’espace public. Le fait de voir les Marocains aller à la prière chaque vendredi et jeûner pendant le ramadan renvoie ces jeunes originaires d’Afrique subsaharienne à leur propre identité religieuse. Alors qu’un musulman qui arrive en Europe aura tendance à se faire petit, la dynamique musulmane sur le territoire crée au contraire des vocations chez les chrétiens. Quel secours les jeunes Subsahariens trouvent-ils alors dans leur religion ? C’est une ressource pour les migrants et les étudiants parce qu’ils y trouvent un réconfort, une ressource spirituelle. La foi permet de surmonter les difficultés, qui apparaissent alors comme des épreuves. Dans toutes les religions monothéistes, mais plus encore dans le christianisme, la souffrance est perçue comme une épreuve nécessaire. « Vous n’êtes pas là par hasard », entend-on souvent dans les églises. Celles-ci offrent également des ressources sociales : elles permettent de retrouver des compatriotes, et donc de retrouver un style de vie familier et rassurant, de se faire des amis… Elles donnent également des ressources matérielles immédiates : de l’aide financière, médicales etc., au nom de la charité chrétienne. La migration donne lieu à une interprétation religieuse, qui donne sens au parcours et aux épreuves. Comment celle-ci aborde-t-elle le fait que les fidèles chrétiens sont minoritaires dans un pays majoritairement musulman ? Dans certaines églises de maison, la théologie mobilisée peut être offensive, comme une théologie « des croisades » :
nous sommes ici chez nous, le Maroc est aussi une terre chrétienne. Ils s’appuient sur l’idée d’universalité : Dieu a créé le monde dans son entièreté, et les territoires sont pour tous les croyants. La plupart du temps, il s’agit d’un combat spirituel plutôt que d’un prosélytisme actif. Quand celui-ci s’exprime, c’est uniquement à travers l’évangélisation de leurs proches, d’autres chrétiens appartenant à d’autres dénominations religieuses. Certains membres de ces églises vont, par exemple, à la rencontre de personnes originaires d’Afrique subsaharienne dans la médina de Casablanca « pour leur apporter la bonne nouvelle », même si une bonne partie est musulmane. Les plus prosélytes, comme le montre Fatiha Kaouès dans Islam-christianisme : L’Activité missionnaire évangélique dans le monde musulman, semblent être des missionnaires américains, qui veulent « convertir le monde arabe », mais pas les migrants. L’interprétation théologique de la migration par les Églises traditionnelles devant cette nouvelle population de fidèles venue d’Afrique subsaharienne s’est-elle produite à l’identique dans les autres pays du Maghreb ? Il y a de grandes différences. Au Maroc, il n’y a pas de pluralité religieuse autochtone, pas de communauté chrétienne – sinon très récemment à la faveur de conversions. Le christianisme n’est que pour les étrangers, contrairement à la Tunisie. Dans ce pays, la colonisation française a en effet apporté l’installation de pères blancs et de sœurs blanches missionnaires, alors qu’au Maroc, le général Lyautey les a tenus éloignés au profit des Franciscains, présents depuis très longtemps et connus pour leur ouverture. En Tunisie, il n’y a aucun projet œcuménique rassemblant catholiques et protestants. En Égypte, les coptes ont accepté de louer leurs lieux de cultes aux nouveaux immigrés chrétiens, mais sans développer, là non plus, de discours ni de réflexion commune. La communion que l’on trouve entre chrétiens au Maroc, liée à la diversité de leurs origines nationales et religieuses, est finalement assez originale. Ailleurs, chacun a tendance à défendre son pré carré. ■
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LA FOLLE SAGA Élections générales le 8 mai prochain au pays de Mandela. Miné par les scandales de corruption, l’ANC, parti historique, pourrait être durement sanctionné. Parmi les affaires retentissantes, le dossier Gupta. Ou comment trois frères indiens ont littéralement fait main basse sur le pays, sous la présidence de Jacob Zuma. L’entraînant dans leur chute (ainsi que quelques grandes entreprises internationales…).
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par Cédric Gouverneur
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d’un portrait cinglant des Gupta dans la revue américaine Vanity Fair, précise que ces fair price shops sont réputés en Inde pour être « des nœuds de corruption », les vivres étant souvent détournés et revendus au marché noir… Soutenus par leur père, les jeunes frères montent à Delhi, puis à Singapour, où ils créent une société d’assemblage d’ordinateurs. En 1993, les voilà qui débarquent à Johannesbourg. Après trois cent cinquante années de féroce domination de la minorité blanche, l’Afrique du Sud s’apprête alors à procéder aux premières élections multiraciales, qui verront la victoire de Nelson Mandela, plus vieux prisonnier politique au monde, avec un total de vingt-sept années passées derrière les barreaux. Malgré l’habilité de Frederik de Klerk, dernier président du régime de l’apartheid, à rassurer les Afrikaners et le don de Madiba pour le pardon et le compromis, rien ne présage de la réussite de la transition. Au contraire : le pays se trouve au bord de la guerre civile. Dans les townships, partisans de l’ANC et militants zoulous de l’Inkatha Freedom Party (IFP) s’entre-tuent, se brûlant vif les uns les autres au moyen de pneus imbibés d’essence. Dans le veld, les Boers néonazis du Mouvement de résistance afrikaner (AWB) prennent les armes pour ériger un État blanc. Il faut donc reconnaître un sacré culot aux Gupta pour oser s’établir en 1993 dans cette Afrique du Sud flottant entre deux eaux, et y investir ! TROIS FRÈRES VENUS DE L’UTTAR PRADESH Mais la chance, dit-on, sourit aux audacieux. À Johannesbourg, Ajay, Atul et Tony poursuivent le business qu’ils exerçaient à Singapour : assembler des ordinateurs à partir de pièces détachées d’occasion. Ils les revendent (avec une belle marge) sous le nom de Sahara Computers. Un hommage à leur ville natale et une référence au désert situé à l’autre bout du continent… Mais c’est également un emprunt grossier : une entreprise informatique indienne porte déjà ce nom ! Les Gupta commencent à prospérer. Et à se montrer. Les trois frères vivent avec leur mère, leurs épouses et leurs enfants à Sahara Estate, une propriété située dans le quartier huppé de Saxonwold, à Johannesbourg, et estimée à 52 millions de rands (3,2 millions d’euros). Cinq chefs cuisiniers et une ribambelle de serviteurs obséquieux sont à leurs petits soins. Fans de cricket, ils invitent les joueurs sud-africains et indiens après leurs matchs, ainsi que des politiciens de la nouvelle classe dirigeante, l’ANC. Ces années-là, le parti de Mandela opère sa mue et se débarrasse de ses oripeaux marxistes : le grand frère soviétique a implosé, on prophétise « la fin de l’histoire », la mondialisation capitaliste triomphe. L’ANC prend un virage néolibéral. La AFRIQUE MAGAZINE
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e 30 avril 2013, un Airbus A330 en provenance de Delhi se pose à Waterkloof, terrain de l’armée de l’air sud-africaine près de Pretoria. À bord, non pas un chef d’État ou des ministres, mais les invités du mariage d’Aakash Jahajgarhia et de Vega Gupta, nièce des frères Gupta, des hommes d’affaires indiens proches du président sud-africain Jacob Zuma. Pour ces noces, rien ne saurait être trop extravagant : les Gupta ont donc affrété un avion de la compagnie indienne Jet Airways afin d’acheminer 217 convives, parmi lesquels des stars de Bollywood. Pourquoi faire perdre du temps aux fêtards en les bringuebalant à l’aéroport de Johannesbourg, où ils devraient s’embarrasser de formalités et côtoyer la populace ? Quoi de plus VIP que d’atterrir sur une base de la South African Air Force ! Et lorsqu’un journaliste sud-africain ose demander à Ajay Gupta, l’aîné de la fratrie, de quel droit de simples touristes étrangers bénéficient d’un tel privilège régalien, uniquement accordé aux délégations en visite officielle, celui-ci l’envoie balader… Quelques jours plus tard, face au tollé provoqué par cet atterrissage, les Gupta assurent naïvement dans un communiqué avoir disposé de « la pleine permission des autorités ». Justement ! Mais le sentiment d’omnipotence et d’impunité des trois frères est alors si stratosphérique qu’ils ne voient pas où se situe le problème… Cet atterrissage allait finalement entraîner le crash de l’empire des Gupta et celui du président Jacob Zuma. Car dans les mois, puis les années, qui suivirent le fastueux mariage, les médias nationaux, aidés par quelques responsables politiques intègres, allaient mettre à jour une affaire de corruption, de népotisme et de favoritisme d’une ampleur insensée. Une affaire résumée par une expression particulière, seule apte à embrasser toute sa démesure : « state capture » – c’est-à-dire « mainmise sur l’État ». « Après l’apartheid, le scandale Zuma-Gupta est le pire crime jamais commis contre le peuple sud-africain », a même comparé l’ancien financier du Congrès national africain (ANC) Mathews Phosa, évoquant un « pillage économique » de la nation arc-en-ciel. Ajay, Atul et Rajesh (« Tony ») Gupta naissent à la fin des années 1960 à Saharanpur, « petite » ville (700 000 habitants tout de même) de l’Uttar Pradesh, un État du nord de l’Inde. Leur père y tient un fair price shop, un magasin à destination des plus pauvres où sont distribués des produits alimentaires de base, subventionnés par l’État. Un gage de générosité ? Pas vraiment. L’écrivain indo-américain Karan Mahajan, auteur
Leur propriété de Johannesbourg, Sahara Estate, est située dans le quartier huppé de Saxonwold.
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Des militants du parti de Julius Malema, EFF, protestent contre les « Zupta » au Cap, en 2017.
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Il faut reconnaître un sacré culot aux Gupta pour oser, en 1993, s’établir dans cette Afrique du Sud flottant entre deux eaux. 39
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classe moyenne noire émergente est choyée, les masses déshéritées laissées à leur sort. Moult cadres de l’ANC, après avoir pris les armes, enduré la clandestinité, la détention, souvent la torture, entendent jouir pleinement de cette nouvelle vie chèrement gagnée. Forts de leur aura de libérateurs et quasiment assurés, par la simple loi de la majorité démographique, de se maintenir au pouvoir, ils basculent dans l’affairisme. Voire dans la corruption. Les Gupta vont rapidement le comprendre et en tirer profit. En 1996, Atul se greffe à une délégation d’hommes d’affaires invités en Inde. Au cours de ce voyage, il fait la connaissance d’Essop Pahad, un Sud-Africain issu de la petite minorité indienne et compagnon de lutte de Madiba. Séduit par le dynamisme de ces entrepreneurs, Pahad Jacob Zuma, au mariage de son fils, Duduzane, avec Shanice Stork, en 2015.
tion. Alors même que le pays est ravagé par le sida et que les campagnes de prévention peinent à lutter contre les croyances traditionnelles, ces propos suscitent la consternation. Il est finalement acquitté. Malgré tout, Zuma prend en 2007 la tête de l’ANC. Il ne faut pas oublier qu’il est zoulou : l’arrivée au pouvoir d’un troisième président xhosa, après Madiba et Mbeki, aurait ainsi pu ébranler la fragile unité de la nation arc-en-ciel… Dès 2003, les Gupta embauchent l’un des fils de leur nouvel ami, Duduzane Zuma. Le jeune homme d’à peine 20 ans est propulsé directeur de plusieurs sociétés de la fratrie. En 2014, ce dandy flambeur plantera sa Porsche dans un minibus, à Johannesbourg, tuant deux passagers. Sa sœur, Duduzile, est nommée directrice de Sahara Computers. Quant à Bongi Ngema-Zuma, l’une des cinq épouses du leader, elle devient responsable de la communication de JIC Mining Services, une compagnie minière des Gupta. En
les présente à Thabo Mbeki, qui succède à Nelson Mandela à la tête du pays en 1999. Ainsi, les Gupta vont multiplier leurs entrées dans les cénacles du pouvoir et, en 2002, réussir à se lier d’amitié avec le vice-président : Jacob Zuma. L’EMPIRE SE MET EN PLACE Né en 1942, ce responsable zoulou de l’ANC – qui a un discours plus « à gauche » que Thabo Mbeki –, a été incarcéré dix ans à Robben Island, où il a côtoyé Madiba. Mais en 2006, soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin en marge d’un contrat d’armement, Zuma est jugé pour corruption. Il en réchappe en raison d’un vice de forme. Son conseiller financier, Schabir Shaik, écope, lui, de quinze ans de prison. La même année, il est accusé d’avoir violé une femme de 31 ans, séropositive, et fille de l’un de ses amis. Polygame et père de 23 enfants, le sexagénaire soutient que la plaignante était consentante et qu’elle était vêtue de façon aguicheuse… Lors du procès, il se targue de ne pas avoir mis de préservatif et d’avoir pris une douche ensuite pour se prémunir de l’infec40
mai 2009, les électeurs sud-africains donnent une nouvelle majorité écrasante à l’ANC, et offrent par là même la présidence de la République au chef du parti, Jacob Zuma. Les trois frères ont misé sur le bon cheval : leur mainmise sur l’État va commencer… En 2010, ils obtiennent un prêt de 250 millions de rands (15 millions d’euros) de la société paraétatique Industrial Development Corporation (IDC), afin d’acquérir une mine d’uranium en perdition. Étrange et hasardeux placement, qui pourrait s’expliquer par le fait qu’ils auraient été informés par leur grand ami Zuma d’un projet d’accord avec la Russie concernant la fourniture de nouvelles centrales nucléaires ! Dans un pays où les sociétés publiques jouent un rôle primordial, les cas de favoritisme vont se multiplier au bénéfice des frères… et au détriment des contribuables. La compagnie ferroviaire nationale Transnet aurait ainsi rémunéré Global Softech Solutions, une société de services informatiques appartenant aux Gupta, à hauteur de dizaines de millions de rands, pour réaliser des prestations superflues. Le directeur de la compagnie nationale AFRIQUE MAGAZINE
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CAPTURES D’ÉCRAN
Les Gupta ont misé sur le bon cheval : leur mainmise sur l’État peut commencer…
Zuma sur le site d’ingénierie de Transnet, à Prétoria, en 2017.
WALDO SWIEGERS/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES
d’électricité Eskom, Brian Molefe, est lui accusé de leur avoir accordé un traitement préférentiel afin qu’ils acquièrent des mines de charbon. Les gêneurs sont écartés : en 2011, Zuma se sépare des chefs – trop regardants – des trois agences sudafricaines de renseignements. Mais il y a pire : le fameux mariage extravagant d’avril 2013, celui par lequel le scandale est arrivé, aurait été payé avec de l’argent public. Trente millions de rands (près de 2 millions d’euros) détournés d’un projet de ferme destiné à dédommager les paysans noirs spoliés par l’apartheid ! En contrepartie, les Gupta savent se montrer généreux : en 2015, ils auraient offert à Zuma une villa de plus de 20 millions d’euros à Dubaï – située juste à côté de celle de Robert Mugabe ! –, et à son rejeton Duduzane, un luxueux appartement dans la célèbre tour Burj Khalifa. LES « ZUPTA » MIS À MAL Il aura fallu l’intégrité de quelques incorruptibles pour démanteler ce que les Sud-Africains (qui raffolent des abréviations) ont baptisé les « Zupta », contraction entre Gupta et Zuma. En mars 2016, le vice-ministre des Finances, Mcebisi Jonas, se décide à parler. En octobre 2015, raconte-t-il, les Gupta l’invitent dans leur propriété de Saxonwold et lui « offrent » le poste de ministre des Finances. Duduzane Zuma est présent. Ajay Gupta confie à Mcebisi Jonas que sa fratrie a « déjà fait 6 milliards de rands » et qu’elle veut « faire au moins 2 milliards supplémentaires », soit passer de 368 à 490 milAFRIQUE MAGAZINE
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lions d’euros. Pour cela, les Gupta ont besoin qu’un homme de confiance tienne les cordons de la bourse. Ajay lui promet aussi un pot-de-vin de 600 millions de rands (37 millions d’euros) s’il se sépare des gêneurs au sein du ministère et les remplace par leurs pions : « Vous devez comprendre qu’on contrôle tout. Et que le vieil homme [Zuma, ndlr] fera tout ce qu’on veut. » Les événements se précipitent. Les révélations du vice-ministre provoquent un énorme scandale, et la famille Gupta dénonce « une campagne de dénigrement »… avant de fuir à Dubaï en avril 2016. C’était sans compter sur les GuptaLeaks ! Des journalistes d’investigation sud-africains, aidés par des lanceurs d’alerte, mettent en ligne près de 200 000 e-mails et documents relatifs à l’affaire. La médiatrice de la République, Thuli Madonsela, produit une véritable bombe : un rapport d’enquête (téléchargeable sur Internet) de 355 pages, State of Capture, qui fourmille de révélations. Vytjie Mentor, députée de l’ANC, y raconte comment les Gupta l’ont convoquée en 2010, et lui ont promis le poste de ministre des Entreprises publiques. La condition ? Qu’après sa nomination, elle se débrouille pour que la compagnie aérienne nationale South African Airways abandonne la liaison Johannesbourg-Bombay, afin que la compagnie indienne Jet Airways la remplace… Lorsque la députée refuse, atterrée, elle est stupéfaite de voir Zuma en personne sortir d’une pièce adjacente, avant de la raccompagner jusqu’à la porte ! La même année, Themba Maseko, responsable des communications du 41
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LE SCRUTIN DE TOUS LES DANGERS POUR CYRIL RAMAPHOSA
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e 8 mai prochain, les électeurs se rendront aux urnes afin d’élire leurs députés au scrutin proportionnel. L’ANC devrait, une nouvelle fois, remporter la majorité absolue. Mais la survie politique du président Ramaphosa dépendra de l’ampleur de ce score : depuis les premières élections démocratiques du 27 avril 1994, l’ANC n’est jamais descendue à moins de 62 % des suffrages. Or, elle pourrait cette fois sérieusement perdre du terrain, notamment en raison des manœuvres du clan Zuma : les supporteurs de l’ex-président n’ont pas digéré son éviction. Fin 2017, cette faction du parti, plus à gauche que le clan Ramaphosa, a imposé une motion préconisant l’« expropriation sans compensation » des riches fermiers blancs. Une mesure applaudie par les Combattants pour la liberté économique (EFF), le troisième parti du pays. Ce mouvement de gauche radicale est mené par Julius Malema, ex-chef de la Ligue de jeunesse de l’ANC et proche de Zuma. Il est bien décidé à mettre un terme à la domination économique de la minorité blanche (moins de 10 % de la population). Déjà fort de 25 députés, l’EFF pourrait accroître son influence au Parlement, notamment en agitant la question agraire. Ramaphosa a promis en février, dans son discours sur l’état de la nation, de mettre en œuvre cette expropriation. Mesure qu’il aura du mal à concilier avec une autre de ses promesses : attirer 100 milliards de dollars d’investissements en cinq ans. Or, remettre en cause la propriété privée n’est pas la meilleure façon de séduire les investisseurs… Qui plus est, cette réforme agraire nécessite une modification de la Constitution par une majorité des deux tiers des députés. L’ANC pourrait donc devoir composer avec l’EFF… Autres défis : rendre attractive une économie atone, lutter contre le chômage de masse (27 %), COMPOSITION boucler le coûteux dossier de South DU PARLEMENT African Airways, et combattre SORTANT, l’insécurité qui empoisonne la vie SUR 400 DÉPUTÉS. des Sud-Africains. S’il échoue, 44 3 3 Ramaphosa pourrait être 6 7 contraint à la démission, 10 dès le prochain congrès 25 du parti en 2020. ■ C.G. O
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gouvernement, reçoit un appel du président : « Les frères Gupta ont besoin de votre aide. » Quelques jours plus tard, Ajay l’invite chez lui. La fratrie est propriétaire d’un journal, The New Age, et veut que les ministères y achètent des pages de pub. Maseko, qui dispose d’un budget annuel de 600 millions de rands (38 millions d’euros), explique, réticent, ne pas pouvoir décider à la place des ministères. Pas grave, réplique en substance Ajay : si un ministre pose problème, il le convoquera… Un vendredi, Maseko reçoit un appel pressant d’un responsable de The New Age qui veut le voir le lendemain. Un samedi. « Cela peut attendre lundi, non ? » ose-t-il rétorquer. L’homme insiste. Ordonne. Agacé, Maseko refuse et raccroche. Ajay Gupta le rappelle, furieux : « Vous allez être viré ! » Il l’est. ATTISER LA HAINE RACIALE POUR FAIRE DIVERSION En cette année 2016, malgré les révélations qui s’accumulent, le président Zuma n’entend pas démissionner. Son clan cherche une riposte. Ou plutôt une diversion. Afin de détourner l’attention, Duduzane Zuma et Oakbay Investments (une société des Gupta) louent les services d’une agence de com britannique, Bell Pottinger. Celle-là inonde les réseaux sociaux de faux comptes, en multipliant le hashtag WhiteMonopolyCapital, afin d’attiser la rancœur envers la minorité blanche, au profit de la gauche radicale animée par Julius Malema [voir encadré]. Dans une nation où la démocratie n’a qu’une génération et où les plaies de l’apartheid sont loin d’être cicatrisées, cette diversion est pour le moins incendiaire… Pour comble, Bell Pottinger était l’agence de relations publiques favorite de Margaret Thatcher, laquelle voyait les membres de l’ANC comme des « terroristes », et défendait le régime raciste blanc ! Effarés par tant de cynisme, les éditorialistes sud-africains demandent aux responsables de Bell Pottinger s’ils dorment correctement. Déjà éclaboussée par plusieurs scandales, notamment pour avoir alimenté le Web en fake news au profit du Pentagone, l’agence est anéantie par cette affaire, et finit par mettre la clef sous la porte en septembre 2017. L’onde de choc du scandale Gupta ébranle d’autres sociétés transnationales : accusée d’avoir fermé les yeux sur les magouilles des Gupta, la direction de la branche sud-africaine du cabinet d’audit néerlandais KPMG doit démissionner. La vénérable société américaine de consulting McKinsey & Company admet, elle, « des erreurs de jugement », mais nie toute corruption, malgré un contrat douteux avec la compagnie Eskom et un partenariat avec Trillian Capital Partners, cabinet de conseil véreux tenu par Salim Essa, lieutenant de la fratrie. En Grande-Bretagne, les banques HSBC et Standard Chartered sont visées par la Financial Conduct Authority (FCA) pour les relations entre leurs filiales sud-africaines et les Gupta. Le parlementaire Peter Hain (Labour) évoque une « possible complicité », soulignant que les « alertes internes ont été AFRIQUE MAGAZINE
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Cyril Ramaphosa en visite officielle à New Delhi (Inde), le 25 janvier 2019, doit désormais faire face à des élections générales.
ignorées ». Citons aussi la société allemande SAP, dont la filiale est soupçonnée d’avoir versé des commissions afin d’obtenir des contrats avec Eskom et les chemins de fer Transnet. Ce qui vaut à SAP, quatrième éditeur de logiciels au monde, de prêter le flanc à une enquête du département de la Justice américain. Le 14 février 2018, après des mois de tensions entre Jacob Zuma, Cyril Ramaphosa et leurs clans respectifs au sein de l’ANC, le président, acculé, contraint et forcé, finit par démissionner. Jacob Zuma et une dizaine de ses proches devraient répondre de leurs actes devant la justice. Une commission d’enquête dirigée par le juge Ray Zondo auditionne des dizaines de témoins et accumule les preuves contre les « Zupta ». En janvier dernier, l’ancien président soutenait encore dans une interview n’être qu’« un bouc émissaire ». Et fin mars devait enfin s’ouvrir le procès de son fils Duduzane, pour l’accident mortel qu’il avait provoqué en 2014. Enfin, selon le Trésor public, 200 millions de rands (14 millions d’euros) auraient été siphonnés depuis les services informatiques gouvernementaux vers des comptes bancaires liés aux magnats indiens ! Le nouveau chef de l’État, Cyril Ramaphosa, promet de nettoyer le pays, et il a du pain sur la planche, sachant que même les Hawks (« faucons »), une unité de policiers d’élite anticorruption, voient leur intégrité mise en doute. L’un des principaux témoins à charge contre les Gupta, l’ex-viceAFRIQUE MAGAZINE
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Le nouveau chef de l’État promet de nettoyer le pays, et il a du pain sur la planche. ministre des Finances Mcebisi Jonas, a raconté à la commission d’enquête avoir subi des pressions de la part de l’un de ces incorruptibles… Quant aux Gupta, ils sont réfugiés depuis trois ans à Dubaï. Cette villégiature pourrait prendre fin, l’Afrique du Sud et les Émirats arabes unis ayant signé en septembre un accord d’extradition… En attendant, les frères profitent de la vie : ils font construire un gigantesque temple hindou dédié à leur défunt père dans leur ville natale, et ont organisé un double mariage, celui du fils d’Atul et celui de la fille de Tony à Abu Dhabi, en février dernier. Une fête au coût extravagant. Les salariés de leurs mines de charbon en déshérence, eux, n’ont toujours pas touché un rand depuis octobre… ■ 43
LE DOCUMENT présenté par Zyad Limam
Tel un Titanic réputé insubmersible… Dans son dernier essai, Le Naufrage des civilisations, l’auteur francolibanais évoque une humanité à bout de souffle et un Orient à la dérive. Un livre à lire pour prendre la mesure de la tempête qui menace notre navire collectif. Un livre à lire aussi pour se donner la force d’éviter les icebergs et les glaces, pour chercher le chemin d’un renouveau.
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le naufrage des civilisations Amin Maalouf, éditions Grasset, 336 p.
L’écrivain a reçu le prix Goncourt en 1993 pour Le Rocher de Tanios, et a été élu à l’Académie française en 2011.
AFRIQUE MAGAZINE
DR - CLAUDE TRUONG-NGOC
l a un incroyable talent d’écrivain et de conteur, fasciné par l’histoire et par son Orient natal. Il est aussi l’un des essayistes les plus aiguisés sur le délabrement du monde. Il est celui qui nous a amenés à comprendre les croisades vues par les Arabes en 1983, celui qui nous a fait découvrir les incroyables aventures de Léon l’Africain en 1986. Il a reçu le prix Goncourt en 1993 pour Le Rocher de Tanios. Romancier au long cours, Amin Maalouf est aussi l’auteur des Identités meurtrières (1998) et du Dérèglement du monde (2009). Dans son dernier ouvrage, il n’évoque guère moins que le naufrage des civilisations, un système à bout de souffle. Un essai puissant et tragique, qui nous mène de l’effondrement moral de l’Orient aux bouleversements idéologiques qui ont marqué l’époque contemporaine. Né à Beyrouth en 1949, Amin Maalouf est un enfant du siècle et des crises. La guerre civile le pousse à quitter, en 1975, un pays ravagé. Départ pour la France, où il entre à Jeune Afrique avant de commencer rapidement une carrière d’écrivain. Neuf romans en tout (l’avant-dernier, Les Désorientés, est sorti en 2012), des essais et des livrets d’opéra. Chacune de ses œuvres est habitée par la tragédie du « minoritaire », par cette impression d’être toujours l’étranger, le chrétien dans le monde arabe, ou l’auteur arabe en Occident. Et par la violence d’un monde sans repères. Une vision pessimiste, mais pour le moment peu contestée par les événements. ■
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Extraits
Prologue Je ne suis pas de ceux qui aiment à croire que « c’était mieux avant ». Les découvertes scientifiques me fascinent, la libération des esprits et des corps m’enchante, et je considère comme un privilège de vivre à une époque aussi inventive et aussi débridée que la nôtre. Cependant j’observe, depuis quelques années, des dérives de plus en plus inquiétantes qui menacent d’anéantir tout ce que notre espèce a bâti jusqu’ici, tout ce dont nous sommes légitimement fiers, tout ce que nous avons coutume d’appeler « civilisation ». Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est la question que je me pose chaque fois que je me trouve confronté aux sinistres convulsions de ce siècle. Qu’est-ce qui est allé de travers ? Quels sont les tournants qu’il n’aurait pas fallu prendre ? Aurait-on pu les éviter ? Et aujourd’hui, est-il encore possible de redresser la barre ? Si j’ai recours à un vocabulaire maritime, c’est parce que l’image qui m’obsède, depuis quelques années, est celle d’un naufrage – un paquebot moderne, scintillant, sûr de lui et réputé insubmersible comme le Titanic, portant une foule de passagers de tous les pays et de toutes les classes, et qui avance en fanfare vers sa perte. Ai-je besoin d’ajouter que ce n’est pas en simple spectateur que j’observe sa trajectoire ? Je suis à bord, avec tous mes contemporains. Avec ceux que j’aime le plus, et ceux que j’aime moins. Avec tout ce que j’ai bâti, ou crois avoir bâti. Sans doute m’efforcerai-je, tout au long de ce livre, de garder le ton le plus posé possible. Mais c’est avec frayeur que je vois approcher les montagnes de glace qui se profilent devant nous. Et c’est avec ferveur que je prie le Ciel, à ma manière, pour que nous réussissions à les éviter.
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Partie I, chapitre 7 Ai-je raison de donner tant d’importance à ma région natale, à ses particularités sociologiques et aux tragédies qui l’ont endeuillée ? Ce qui m’y incite, c’est que les turbulences du monde arabo-musulman sont devenues, AFRIQUE MAGAZINE
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ces dernières années, la source d’une angoisse majeure pour l’humanité tout entière. À l’évidence, quelque chose de grave et même d’inouï s’est passé dans cette région, qui a contribué à dérégler notre monde, et à le détourner du chemin qui aurait dû être le sien. C’est un peu comme si nous avions tous subi une secousse mentale de grande magnitude, dont l’épicentre se situait du côté de ma terre natale. Et c’est justement pour cela, parce que je suis né et que j’ai grandi au bord de la « faille », que je m’efforce de comprendre comment la secousse s’est produite, et pourquoi elle s’est propagée dans le reste du monde, avec les conséquences monstrueuses que l’on sait. J’aurai l’occasion de revenir plus d’une fois sur cette question qui m’obsède, et qui est au cœur de ce livre. Si j’en parle ici, à la fin de ce chapitre consacré aux paradis perdus de mon enfance, c’est parce qu’il m’apparaît aujourd’hui que si ces expériences levantines avaient réussi, si elles avaient pu présenter des modèles viables, les sociétés arabes et musulmanes auraient peut-être évolué différemment. Vers moins d’obscurantisme, moins de fanatisme, moins de détresse, moins de désespoir… Peut-être même que l’humanité entière aurait suivi une autre voie que celle qui est aujourd’hui la sienne, et qui nous mène tout droit vers le naufrage.
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Partie II, chapitre 4 Depuis des années, je contemple le monde arabe avec angoisse, en m’efforçant de comprendre comment il a pu se détériorer de la sorte. Les opinions que l’on entend à ce sujet sont innombrables, et contradictoires. Les unes incriminent surtout le radicalisme violent, le jihadisme aveugle, et plus généralement les rapports ambigus, dans l’islam, entre religion et politique ; quand d’autres accusent plutôt le colonialisme, l’avidité et l’insensibilité de l’Occident, l’hégémonisme des États-Unis, ou l’occupation, par Israël, des territoires palestiniens. 45
LE DOCUMENT
Si tous ces facteurs ont certainement joué un rôle, aucun n’explique à lui seul la dérive à laquelle nous assistons. Il y a néanmoins, à mes yeux, un événement qui se détache de tout le reste, et qui marque un tournant décisif dans l’histoire de cette région du monde, et au-delà ; un affrontement militaire qui s’est déroulé sur une période incroyablement brève, et dont les répercussions vont pourtant se révéler durables : la guerre israélo-arabe de juin 1967. De quelle manière pourrais-je décrire son impact ? La comparaison qui me vient spontanément à l’esprit, c’est avec Pearl Harbor – mais seulement pour le côté fulgurant de l’attaque aérienne japonaise, et pour l’effet de surprise, pas pour les conséquences militaires. Car si la flotte des États-Unis avait subi, au matin du 7 décembre 1941, des pertes sévères en matériel et en hommes, le pays avait conservé l’essentiel de ses capacités défensives et offensives. Alors qu’au matin du 5 juin 1967, les flottes aériennes de l’Égypte, de la Syrie et de la Jordanie furent pratiquement anéanties ; puis leurs armées de terre durent battre en retraite, cédant aux forces israéliennes des territoires importants : la vieille ville de Jérusalem, la Cisjordanie, les hauteurs du Golan, la bande de Gaza et la presqu’île du Sinaï. De ce point de vue, il serait plus adéquat de comparer cette défaite arabe à la débâcle de la France en juin 1940. Son armée, pourtant auréolée encore du prestige d’avoir gagné la Première Guerre mondiale vingt-deux ans plus tôt, s’était effondrée très vite face à l’offensive allemande. Les routes s’étaient emplies de réfugiés, Paris avait été occupé, puis le pays tout entier. Le sentiment qu’avait eu alors la nation d’avoir été assommée, humiliée, violée, n’avait été effacé qu’à la Libération, quatre ans plus tard. Et c’est là, justement, la grande différence entre 1967 et ces deux épisodes de la Seconde Guerre mondiale. Contrairement aux Américains 46
et aux Français, les Arabes sont restés sur cette défaite, et ils n’ont jamais retrouvé leur confiance en eux-mêmes. Au moment où j’écris ces lignes, plus d’un demi-siècle s’est déjà écoulé, et les choses ne se sont pas améliorées. On pourrait même dire qu’elles ne cessent de s’aggraver. Plutôt que de guérir et de cicatriser, les blessures se sont infectées, et c’est le monde entier qui en pâtit.
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Partie III, chapitre 1 Dans mes notes personnelles, je me suis mis à parler d’une « année de l’inversion », ou parfois d’une « année du grand retournement », et à recenser les faits remarquables qui semblent justifier de telles appellations. Ils sont nombreux, et j’en évoquerai quelques-uns au fil des pages. Mais il y en a surtout deux qui m’apparaissent particulièrement emblématiques : la révolution islamique proclamée en Iran par l’ayatollah Khomeiny en février 1979 ; et la révolution conservatrice mise en place au Royaume-Uni par le Premier ministre Margaret Thatcher à partir de mai 1979. Un océan de différence entre les deux événements, comme entre les deux conservatismes. Et aussi, bien entendu, entre les deux personnages-clés ; pour trouver dans l’histoire de l’Angleterre un équivalent de ce qui s’est passé en Iran avec Khomeiny, il faudrait remonter à l’époque de Cromwell, lorsque les révolutionnaires régicides étaient également des puritains et des messianistes. Il y a néanmoins, entre les deux soulèvements, une certaine similitude, qui ne se réduit pas à la proximité des dates. Dans un cas comme dans l’autre, on a levé l’étendard de la révolution au nom de forces sociales et de doctrines qui avaient été, jusque-là, plutôt les victimes, ou tout au moins les cibles, des révolutions modernes : dans un cas, les tenants de l’ordre moral et religieux ; dans l’autre, les tenants AFRIQUE MAGAZINE
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de l’ordre économique et social. Chacune de ces deux révolutions allait avoir des répercussions planétaires majeures. Les idées de Mme Thatcher allaient très vite gagner les États-Unis avec l’arrivée de Ronald Reagan à la présidence ; tandis que la vision khomeyniste d’un islam à la fois insurrectionnel et traditionaliste, résolument hostile à l’Occident, allait se propager à travers le monde, prenant des formes très diverses, et bousculant les approches plus conciliantes.
[…] En décembre 1978, Deng Xiaoping prenait les rênes du pouvoir à Beijing lors d’une session plénière du Comité central du Parti communiste, inaugurant sa propre « révolution conservatrice ». Jamais il ne l’a appelée ainsi, et elle était certainement fort différente de celle de Téhéran comme de celle de Londres ; mais elle procédait du même « esprit du temps ». Elle était d’inspiration conservatrice, puisqu’elle s’appuyait sur les traditions marchandes ancrées depuis toujours dans la population chinoise, et que la révolution de Mao Zedong avait cherché à extirper. Mais elle était également révolutionnaire, puisqu’elle allait radicalement transformer, en une génération, le mode d’existence du plus grand peuple de la planète ; peu de révolutions dans l’Histoire ont changé en profondeur la vie d’un si grand nombre d’hommes et de femmes en un temps si court. L’autre événement remarquable, c’est celui qui se déroula à Rome en octobre 1978 avec l’arrivée de Jean-Paul II à la tête de l’Église catholique. Né en Pologne, Karol Wojtyla alliait un conservatisme social et doctrinal à une combativité de dirigeant révolutionnaire. « N’ayez pas peur ! » lança-t-il aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre le jour de son intronisation officielle. « Ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation et du développement. » Son influence allait se révéler capitale. AFRIQUE MAGAZINE
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Épilogue Je suis persuadé, d’ailleurs, qu’un sursaut demeure possible. Il m’est difficile de croire que l’humanité se résignera docilement à l’anéantissement de tout ce qu’elle a construit. Toutes les sociétés humaines et toutes les civilisations sont perdantes tant que l’on s’égare de la sorte, et toutes seraient gagnantes si l’on redressait le cap. Le jour où on en prendra conscience, les comportements se modifieront radicalement, la dérive sera enrayée, et une dynamique salutaire se mettra en place. Il est donc nécessaire, et même impératif, d’alerter, d’expliquer, d’exhorter et de prévenir. Sans lassitude, ni complaisance, ni découragement. Et sans hargne, surtout. En gardant constamment à l’esprit que les drames qui se produisent de nos jours résultent d’un engrenage dont personne ne contrôle les mécanismes, et où nous sommes tous entraînés, pauvres et riches, faibles et puissants, gouvernés et gouvernants, que nous le voulions ou pas, et quelles que soient nos appartenances, nos origines ou nos opinions. Par-delà les péripéties et les urgences de l’actualité quotidienne, par-delà le vacarme de ce siècle et ses bavardages assourdissants, il y a une préoccupation essentielle, qui devrait guider en permanence nos réflexions et nos actions : comment persuader nos contemporains qu’en demeurant prisonniers des conceptions tribales de l’identité, de la nation ou de la religion, et en continuant à glorifier l’égoïsme sacré, ils préparent à leurs propres enfants un avenir apocalyptique ? Dans un monde où les diverses populations se côtoient d’aussi près, et où tant d’armes dévastatrices se trouvent dans d’innombrables mains, on ne peut donner libre cours aux passions et aux avidités de chacun. Si l’on s’imagine que, par la vertu d’un quelconque « instinct de survie collectif », les périls vont se dissiper d’eux-mêmes, on ne fait pas preuve d’optimisme et de foi dans l’avenir, on est dans le déni, l’aveuglement et l’irresponsabilité. ■ 47
INTERVIEW
Blick Bassy
Dans son nouvel album, 1958, le chanteur et musicien camerounais rend hommage au leader indépendantiste Ruben Um Nyobè, héros tragique de la lutte anti-coloniale. L’artiste réhabilite un personnage dont le combat, longtemps occulté et déformé, résonne avec l’actualité de son pays. propos recueillis par Astrid Krivian 48
JUSTICE MUKHELI
« C’est à nous de raconter notre histoire »
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INTERVIEW BLICK BASSY : « À NOUS DE RACONTER NOTRE HISTOIRE »
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AM : Qu’est-ce qui vous a décidé à concevoir un album autour de Ruben Um Nyobè ? Blick Bassy : Ma mère m’avait raconté un épisode bien particulier lorsque j’étais enfant. Elle vivait dans un village proche de celui de Ruben Um Nyobè, et s’était cachée pendant plus d’un an et demi dans la forêt avec mon grand-père, allant d’un lieu à un autre. Ils étaient pourchassés par l’armée française, qui traquait les maquisards et torturait ceux qui étaient censés savoir où ces derniers se cachaient. Plus tard, dans nos livres scolaires d’histoire, on nous a appris qu’Um Nyobè était un terroriste. C’était en totale contradiction avec l’engouement qu’il suscitait encore dans les villages bassa [ethnie du Cameroun à laquelle Um Nyobè appartenait, ndlr], puisqu’il était désigné comme un mpodol. J’ai donc effectué des recherches pour comprendre ce qu’il s’était réellement passé. Et ce qui m’a vraiment décidé à lui consacrer un album, c’est de constater le chaos dans lequel les pays africains sont plongés – notamment le Cameroun –, soixante ans après l’indépendance. Selon moi, l’une des origines de cette situation, c’est justement ce pour quoi Um Nyobè s’était battu et qui n’a pas été obtenu : une indépendance totale, et non partielle. Une vraie indépendance devait, d’après lui, s’accompagner d’une réunification du pays. Sans ça, ce serait toujours rester sous le joug colonial… Oui, car le pays a été divisé par les colons. Um Nyobè se battait pour les valeurs universelles, tout simplement. Quand on milite pour l’égalité entre les êtres, l’indépendance est une évidence. Il luttait pour les droits des femmes, et pour que les travailleurs forcés, pendant le Code de l’indigénat, soient payés de manière égalitaire. Il sensibilisait aussi sur le tribalisme, en mettant en garde sur le rejet et la haine envers le peuple bamiléké. AFRIQUE MAGAZINE
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readlocks dorées, grosses lunettes noires, bracelets et colliers de toutes les couleurs, ongles vernis, multiples tatouages sur la main, les bras… Son look original, singulier, est à son image : non-conformiste, libéré des modèles imposés, tout en cultivant l’héritage des Bassa – dont le chanteur, guitariste et banjoïste est issu. « Ma grand-mère avait le corps entièrement tatoué, cela fait partie de la culture de notre tribu », précise celui qui chante dans sa langue maternelle. Expression d’un artiste enraciné mais ouvert sur le monde, qu’il sillonne depuis vingt ans de carrière, sa musique métisse se nourrit des rythmes de sa communauté et de son pays, jusqu’au blues et à la soul. Dans l’un de ses albums solo – tous salués par la critique –, Hongo Calling (2009), Blick Bassy racontait l’histoire des esclaves bassa déportés au Brésil. En 2015, il sort le superbe Akö, dédié au bluesman américain Skip James. L’année suivante, il publie son premier roman chez Gallimard, Le Moabi Cinéma, traitant de la quête identitaire d’une jeunesse camerounaise, aveuglée par le mimétisme occidental. Mais il ne se contente pas que de mots pour donner des repères aux jeunes : avec son label BB Prod, il produit des rappeurs et s’investit dans l’accompagnement des jeunes artistes. Pour son quatrième opus, 1958, le musicien taille l’émotion dans la pureté et la douceur de l’acoustique, entre touches électro, cuivres et instruments à cordes, pour rendre hommage au leader et résistant nationaliste Ruben Um Nyobè. Secrétaire général de l’UPC (Union des populations du Cameroun), il se battait pour une réunification du pays – une partie étant sous tutelle française et une autre sous tutelle britannique –, son indépendance et l’autodétermination du peuple. Partisan de la non-violence et surnommé « mpodol » (« celui qui porte la parole des siens » en langue bassa), l’auteur d’Écrits sous maquis combattait sur le terrain des idées plutôt que sur celui des armes. Le 13 septembre 1958, il est exécuté sans jugement par l’armée française, qui réprime alors violemment la résistance des maquisards. Blick Bassy fait ici œuvre de pédagogie pour réhabiliter l’histoire très méconnue de ce pionnier de l’indépendance, dont le combat résonne encore aujourd’hui.
CAPTURE D’ÉCRAN
« Il faut ériger des statues à leur effigie à la place de celles des combattants de la colonisation, qui trônent encore aujourd’hui.» Ruben Um Nyobè était perçu à tort comme un terroriste, alors qu’il était partisan de la non-violence. Il disait : « Les colonialistes ont recours à la violence car ils n’ont pas d’argument à nous opposer. » Il a été abattu par l’armée française, alors qu’il n’était pas armé… Malgré le fait d’être pourchassé, Um Nyobè combattait avec la raison, l’intelligence, sur le terrain des idées, des arguments. C’est ce qui l’a rendu très dangereux aux yeux de l’adversaire. Car s’il s’était juste battu avec des armes, cela n’aurait pas été compliqué de l’éliminer : on te corrompt, on te paie, on te donne un poste, et tu te tais. Sa démarche était d’acquérir des connaissances sur le terrain de son opposant. Pour moi, Thomas Sankara et d’autres leaders indépendantistes se sont inspirés de lui. Je le connaissais comme rebelle contre la colonisation, mais il était aussi très brillant, avant-gardiste, visionnaire. Il a par exemple été greffier au tribunal de Yaoundé, dans le but de comprendre le droit. Il a étudié la théologie afin de s’opposer aux prêtres qui servaient les colons, lesquels diabolisaient les maquisards. Il argumentait en leur citant la Bible. Tous les Camerounais adhéraient au combat noble d’Um Nyobè. Grâce aux villages, les maquisards ont pu rester cachés dans la forêt. Cela ne concernait pas seulement les Bamiléké ou les Bassa. Hélas, la réputation et les stéréotypes d’aujourd’hui concernant ces derniers datent de cette période : ils seraient des tueurs, toujours prêts à sortir la machette, à se battre, tout simplement parce qu’ils résistaient pendant cette période. On a utilisé ces clichés dans le but de diaboliser ceux qui luttaient pour l’indépendance. Sa dépouille fut traînée sur des kilomètres, jusqu’à le défigurer… Il y avait une véritable volonté de le rendre méconnaissable. Et que l’on ne retienne pas grand-chose de lui. Ce personnage qui défiait les colons intellectuellement suscitait une telle haine… Donc ils ont essayé de le rabaisser, de le démolir, de le faire disparaître, pour qu’il n’y ait ni photos, ni traces de lui. Pourquoi le gouvernement camerounais a-t-il caché cette histoire pendant des décennies ? Selon l’historien Yves Mintoogue, il était interdit de prononcer son nom en public. Et le fils d’Um Nyobè n’a été autorisé à lui ériger une stèle qu’au début des années 2000… AFRIQUE MAGAZINE
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Après la « pseudo-indépendance », nombre de compères d’Um Nyobè ont été tués : Félix-Roland Moumié, Ernest Ouandié… Beaucoup de personnes censées avoir participé, de près ou de loin à cette histoire ont disparu. Parce que ceux qui dirigeaient le pays, comme le premier président de la République du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, étaient formés par la France afin de combattre l’équipe d’Um Nyobè. Cette histoire a tellement traumatisé les gens que même mon grand-père, il n’y a pas encore si longtemps, l’évoquait en chuchotant, de peur qu’on vienne l’arrêter. C’est un lourd traumatisme, dont personne n’a voulu parler officiellement. Et une chape de plomb demeure. C’est aussi pour ne pas froisser le gouvernement français. Lors d’une venue présidentielle au Cameroun, François Hollande l’avait Extrait du clip de « Ngwa », tourné au Lesotho.
brièvement cité, sans aller plus loin. On a l’impression d’attendre une autorisation officielle de la France pour en parler. Ce n’est même pas l’État qui l’aborde, mais des associations, des familles, des dynamiques particulières… Il faut qu’Um Nyobè et ses compères, comme Osendé Afana, soient réhabilités. Et ériger des statues à leur effigie à la place de celles du général Leclerc et autres vaillants combattants de la colonisation, qui trônent encore aujourd’hui dans notre pays. Nous devons construire notre nation en mettant en valeur nos héros, en racontant notre histoire, qui n’a pas commencé pendant l’esclavage ou la colonisation. Il faut reconstruire un récit qui valorise les citoyens d’Afrique, leur écosystème, leur environnement. Ils n’auront alors plus envie de le quitter. Connaître la véritable histoire de son pays peut également aider la jeunesse à se construire, s’émanciper ? Oui. C’est parce que les gens sont coupés de leurs racines, de leur vraie identité qu’il y a ce chaos. La nouvelle génération est complètement déconnectée de sa culture, qui a été diabolisée, et qu’elle rejette. Le problème de l’Afrique n’est pas économique, 51
INTERVIEW BLICK BASSY : « À NOUS DE RACONTER NOTRE HISTOIRE »
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é vers 1913, Ruben Um Nyobè s’est battu pour l’autodétermination, l’indépendance et la réunification de son pays, alors divisé en deux parties. Dès 1944, il milite activement au sein du Cercle d’études sociales et syndicales. Il devient en 1948 le secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun (UPC), qu’il a cofondé. Portant la voix du peuple jusqu’à la tribune de l’ONU lors d’un discours en 1952, ce fin orateur, polyglotte, parcourt le Cameroun, reliant ses revendications politiques (indépendance, unification, non-intégration à l’Union française) aux préoccupations concrètes, sociales, économiques des individus (chômage, difficultés des agriculteurs, éducation…). En 1955, les forces coloniales empêchant toute réunion de l’UPC, des manifestations dégénèrent en émeutes sanglantes. L’administration française interdit dès lors le parti – dont une branche radicale prend les armes – et cherche à éliminer Um Nyobè. Sa lutte devient alors clandestine. Bien qu’amené à soutenir une insurrection armée qu’il avait toujours voulu éviter, Um Nyobè, et les membres de son maquis, n’ont jamais eu d’armes. Il fut pourtant abattu par l’armée française le 13 septembre 1958 après des mois de traque dans la forêt. Sa dépouille fut traînée sur des kilomètres et exposée aux populations, puis coulée dans un bloc de béton par l’État colonial. Après l’indépendance du pays en 1960, et jusqu’à la loi de réhabilitation en 1991, il était interdit de prononcer son nom en public. Car selon l’historien Yves Mintoogue, cet artisan de l’indépendance était surtout la mauvaise conscience des gouvernants d’alors placés au pouvoir par la France. ■ A.K.
mais culturel. Les gens rêvent, essaient de mimer l’Occident, de devenir des personnes qu’ils ne seront jamais, car même l’écosystème nous impose une manière d’être. Quand il fait chaud, on doit s’habiller d’une certaine manière. Notre corps, la mélanine de notre peau, nos cheveux crépus, nous protègent du soleil. Nous sommes un prolongement de notre écosystème qui nous impose des règles. Après la colonisation, on nous a dicté des structures, des modèles économique, culturel, politique et éducatif basés sur une société et un environnement très différents des nôtres. On ne peut pas se construire, avancer ainsi. Rien ne peut survivre sans ses racines. 52
discographie sélective ◗ 1958, 2019 (Nø Førmat!) ◗ Akö, 2015 (Nø Førmat!) ◗ Hongo Calling, 2011
(World Connection) ◗ Léman, 2009
(World Connection)
Où se situent les superbes paysages du clip de votre morceau « Ngwa », qui retrace de manière métaphorique la lutte d’Um Nyobè ? Au Lesotho. Ce pays d’une grande beauté m’a marqué. Il est un peu l’exemple de l’Afrique d’aujourd’hui : on a l’impression que le village est installé dans la ville, et inversement. À la fin de la vidéo, il y a un arbre, pour signifier qu’Um Nyobè n’est pas mort. Ceux qui pensaient le faire disparaître se sont trompés. Il a choisi de donner sa vie, pour que nous soyons là aujourd’hui. Les racines de l’arbre ne meurent presque jamais, et se nourrissent de tout. L’arbre est aussi un témoin. Chez les Bassa, on lui demande pardon quand on le coupe. Je voulais rendre hommage aux éléments de la nature, qu’Um Nyobè utilisait pendant son combat : des écorces d’arbre, une chimie naturelle, qui lui permettait de survivre. Vous avez grandi entre Yaoundé et le village de Mintaba, où, connecté à la nature et aux traditions, vous avez bénéficié d’enseignements séculaires. Vous ne vous êtes donc jamais senti coupé de vos racines ? Jusqu’à mes 21 ans, mon père nous obligeait à partir au village à chaque période des vacances scolaires. Pour apprendre les valeurs ancestrales, cultiver, chasser, comprendre comment fonctionnait le village. Bien sûr, à cette époque, je détestais mes parents pour ça ! De manière inconsciente, on me léguait un héritage. C’est plus tard, lors de ma crise identitaire et existentielle, que je me suis rendu compte de cette richesse et que j’ai puisé dans ces enseignements, ces valeurs, ces traditions. Je me suis aussi construit grâce aux voyages, à ma quête identitaire, à la lecture, à mes questionnements sur qui je suis, quel est mon message, mon rôle sur Terre, pourquoi la musique… C’est essentiel de se reconnecter à ce que nous sommes, à nos racines. Pour se développer et pouvoir évoluer dans ce monde AFRIQUE MAGAZINE I 3 9 1 – A V R I L 2 0 1 9
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PARTISAN DE LA NON-VIOLENCE
« J’ai compris que j’étais Camerounais quand je suis arrivé en Europe, à travers le regard de l’autre, et l’histoire que j’amenais avec moi. » moderne. Regardez le Japon, la Chine, la Corée du Sud… Ce sont des pays très ancrés dans leurs cultures, leurs histoires, mais où règne la technologie de pointe. La langue fait partie de la valorisation de la culture. Même si vous maîtrisez le français et l’anglais, vous chantez en bassa. La marque Apple a d’ailleurs choisi en 2016 votre morceau « Kiki » pour sa campagne de pub d’un nouvel iPhone… C’est mon combat d’assumer notre identité, de valoriser et de chanter dans nos langues. Elles construisent nos imaginaires. Quand je commence à composer, je suis dans un autre monde, je retourne en enfance. C’est aussi un moyen sincère. Sous le coup d’une émotion, d’une colère, c’est notre langue maternelle qui ressort naturellement. Et avec ses intonations, sa rythmique, elle nous impose une mélodie. À nous de raconter notre histoire. Car jusqu’ici, on ne connaît l’Afrique qu’à travers la perspective et le récit d’autres personnes. Aux nouvelles générations, je dis que si Apple a choisi mon morceau chanté en bassa, cela prouve bien qu’on n’a pas besoin de changer notre identité. Au contraire, quand on la met en valeur, elle intéresse les autres, suscite leur curiosité. On apporte ainsi de la lumière aux générations futures. Dans Wanda-full Artistik Concret’, une mini-série sur le Net créée en 2017 avec RFI, vous donniez des informations et des conseils aux jeunes musiciens pour lancer et gérer leur carrière. En effet, car aujourd’hui, l’artiste ne doit plus seulement s’occuper de la création, il devient aussi en quelque sorte un entrepreneur. Le CD est en train de disparaître, le producteur aussi, donc connaître son métier et son milieu professionnel est essentiel. Sinon, c’est très compliqué de faire des choix, de prendre les bonnes directions, surtout à notre époque de transition sociétale. Internet bouleverse le jeu, et les gens sont perdus. La démocratisation des nouvelles technologies permet d’enregistrer des morceaux avec un laptop. Et via les réseaux sociaux, il est très facile de faire sa promotion. J’ai également cofondé Bimstr (Be In Music Street), une plate-forme prescriptrice de musique en ligne pour les artistes camerounais, qui produit aussi des émissions. Elle comptabilise plus de 3 millions de consultations par mois. J’organise des ateliers en Afrique pour sensibiliser les jeunes artistes sur le métier. Je les incite à trouver les solutions par eux-mêmes, à être inventifs : un obstacle est une opportunité pour être novateur. Ce n’est pas parce que je viens de France que le modèle en vigueur ici doit être appliqué là-bas. AFRIQUE MAGAZINE I 3 9 1 – A V R I L 2 0 1 9
Quel est l’état du secteur de la musique dans les pays dans lesquels vous intervenez ? L’Afrique est d’une créativité incroyable. Les individus n’ont pas d’autre choix que de faire, d’agir. Il y a une dynamique forte, les majors étrangères l’ont bien compris en allant chercher ce potentiel. Comme tout est à faire, cela crée beaucoup d’opportunités pour initier, entreprendre. C’est encore un continent à découvrir ! Qui, dans le monde, connaît la mode africaine, les voitures africaines… ? Il faudrait structurer, normaliser cette industrie, avec un modèle économique, pour que les choses évoluent plus vite et mieux. Comme il n’y a pas d’école pour former des agents, des producteurs, des éditeurs, des bookeurs, les gens exercent ces métiers à leur manière, ce qui complique forcément les choses. Il faudrait établir un standard, une norme, des règles à respecter. Vous habitez un village rural du sud-ouest de la France. Pourquoi ce choix de vie ? Comme je voyage tout le temps pour mon métier, j’ai besoin de rester connecté avec la terre, la nature. C’est aussi là que je me confronte à moi-même, me questionne. C’est en vivant seul que j’ai commencé ma quête identitaire, il y a des années. Dans une société capitaliste, basée sur la consommation à outrance, où des standards préétablis nous sont imposés, il est très difficile d’être soi-même. Il faut se libérer du regard des autres, et se détacher des modèles que nous ont transmis nos parents. C’est un combat quotidien. Que vous apporte cette vie d’expatrié, toujours sur les routes du monde ? J’apprends énormément. Le voyage nous nourrit, quels que soit la culture, le pays. Rencontrer l’autre, vivre dans son environnement, avec ses pratiques, ses us et coutumes, nous aide à mieux comprendre notre culture, à nous développer. J’ai compris que j’étais Camerounais quand je suis arrivé en Europe, à travers le regard de l’autre, l’histoire que j’amenais avec moi et que je pouvais partager… J’ai alors compris que j’appartenais à une communauté incroyable. On devrait ne pas exiger de visa et laisser les individus circuler librement. On vivrait ainsi dans un monde meilleur, parce que découvrir, connaître l’autre empêcherait le racisme, la haine, qui naissent de l’ignorance. Voyager devrait être accessible à tous. ■ 1958, Nø Førmat! Blick Bassy sera en concert le 15 avril à La Cigale, à Paris, et le 20 avril au Printemps de Bourges (France).
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Le Massage, scène de hammam (1883), d’Édouard Debat-Ponsan.
EXPOSITION
LES SENS DE L’ORIENTALISME
par Catherine Faye
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sa seule évocation, l’Orient attire et séduit, infuse couleurs ardentes, courbes lascives, parfums enivrants, étendues de désert, tenues brodées de mille bijoux, femmes au regard envoûtant… Qu’elles soient de Matisse, de Paul Klee ou de Guillaumet, les œuvres d’art imprégnées d’orientalisme – qui regroupent La Grande Odalisque d’Ingres, Le Bain turc de Vallotton, Le Pays de la soif de Fromentin ou encore les paysages déjà presque abstraits de Kandinsky – explorent cette fascination. Entre fantasme romantique et véritables études ethnographiques, cet intérêt pour l’ailleurs connaît son essor artistique au XIXe siècle et traduit le reflet d’une époque. Un mouvement dont les origines s’ancrent dans une période sombre de l’histoire, la colonisation. Ce courant se heurte aussi aux contradictions de l’exactitude et du pittoresque, la vision occidentale AFRIQUE MAGAZINE
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DANIEL MARTIN
En Europe, le XIXe siècle est marqué par la découverte de l’Orient. La colonisation et le voyage ont ouvert les portes d’un nouveau monde pour les peintres, donnant naissance à un mouvement artistique majeur et ambigu. Enquête historique.
La Mort de Sardanapale (1827), d’Eugène Delacroix.
ADRIEN DIDIERJEAN/RMN-GP
de l’époque étant tantôt réaliste, tantôt chimérique et rêvée. En effet, les Européens voient alors souvent le mode de vie oriental à travers le prisme de leurs fantasmes, c’est-à-dire interprété et idéalisé, parfois même caricatural. D’autant que pour faire sensation, les artistes retranscrivent surtout les coutumes qu’ils considèrent les plus insolites et étranges. Ainsi, le modèle d’un peintre peut être une fermière normande affublée d’accessoires orientaux. DÉJÀ AU XVIIE SIÈCLE La présence de l’Orient dans l’imaginaire occidental remonte, en réalité, au XVIIe siècle. Le Bourgeois gentilhomme, représenté pour la première fois en 1670 devant la cour de Louis XIV, met en scène un Monsieur Jourdain nommé « Mamamouchi », qui se croit parvenu au plus haut titre de noblesse. Molière incarne lui-même ce personnage, tandis que le maître AFRIQUE MAGAZINE
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de musique Lully interprète le grand Muphti. Quelque temps plus tard, un livre s’impose d’emblée comme un formidable et constant best-seller de la littérature universelle : Les Mille et une nuits, traduit par l’orientaliste Antoine Galland à partir d’un manuscrit reçu de Syrie, et dont le premier volume paraît en 1704. C’est l’une des œuvres pionnières dans le fondement de ce courant. Quant à la publication épistolaire de Montesquieu, Les Lettres Persanes, parue en 1721, elle raconte le voyage de deux Persans, Usbek et Rica, à Paris. Objet de curiosités et de fantasmes au XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle, cette partie du monde devient par la suite « une préoccupation générale » dans la politique des grandes puissances européennes, selon les termes de Victor Hugo dans sa préface des Orientales, en 1829. L’expansion coloniale – notamment française et britannique – au Maghreb, au Proche et au Moyen-Orient, ainsi que la « question d’Orient » (politique 55
EXPOSITION LES SENS DE L’ORIENTALISME
Le harem, lieu entouré de mystères et de fantasmes, s’impose rapidement comme la transgression suprême. d’intervention et d’implication des puissances de l’Ouest) font que l’on s’intéresse à des régions auparavant peu connues. L’orientalisme prend racine dans ces bouleversements politiques, avec l’effondrement progressif de l’Empire ottoman, les campagnes napoléoniennes, les expéditions de Champollion et de Vivant-Denon… Cela a pour effet de renouveler l’intérêt pour ces territoires et de leur conférer un souffle épique qui embrase la génération romantique. Pour les Français, ces lieux représentent le pourtour méditerranéen, l’Espagne des Maures, voire les Indes avec la présence britannique depuis le XVIIIe siècle. En 1894, Ary Renan, l’un des plus grands chroniqueurs de la Gazette des beaux-arts (revue de critique et d’histoire de l’art, fondée en 1859 et disparue en 2002) écrit : « Nous entendons, sous le terme général d’Orient les contrées les plus diverses, une grande partie de l’Asie et toute la côte septentrionale de l’Afrique. […] L’Inde elle-même et le Caucase rentrent par extension dans l’Orient des peintres. » À mesure que s’ouvrent les portes de cet ailleurs, les échanges, les missions et les voyages se multiplient, l’établissement de liens diplomatiques et économiques s’intensifie. L’amélioration des conditions de transport facilite ces déplacements au long cours. Dès lors, les artistes s’intéressent plus volontiers à la réalité de ces pays et, pour certains, décident de partager le quotidien de leurs populations. SENSUALITÉ DES CORPS FÉMININS Lorsque le gouvernement de Louis-Philippe décide, après la capitulation du dey d’Alger, en juillet 1830, d’envoyer une ambassade au Maroc, sous la direction de Charles de Mornay, Eugène Delacroix accompagne l’aristocrate. Une chance unique pour le peintre d’assouvir ses rêves « d’exotisme ». Il obtient même d’être reçu dans un harem, avec l’accord des courtisanes et du maître de maison, un corsaire d’origine turque. Ce lieu entouré de mystères et de fantasmes, puisque interdit aux hommes, s’impose rapidement comme un thème incontournable de la peinture orientaliste. Et représente la transgression suprême. La sensualité troublante de ces femmes, l’imaginaire que l’interdit même vient caresser bousculent la morale bourgeoise. Et cela plaît. Le tableau de Delacroix, Femmes d’Alger dans leur appartement, présenté au Salon de 1834, est aussitôt acquis par Louis-Philippe pour les musées royaux. Le sujet 56
est même traité de manière compulsive par certains artistes, comme Ingres qui en livre de nombreuses versions sans jamais avoir pénétré dans un harem, ni voyagé dans ces contrées lointaines. Il s’inspire notamment de la correspondance de Lady Montagu, épouse d’un diplomate anglais, qui fut autorisée à visiter l’un de ces espaces secrets et sacrés. Son texte, publié au XVIIIe siècle, façonnera durablement l’imaginaire des artistes. L’inoubliable Bain turc d’Ingres, illustrant des corps nus tout en rondeurs, est acheté en 1865 par Khalil Bey, un ancien diplomate ottoman. Il l’ajoute à sa collection de peintures érotiques, comptant notamment le très réaliste L’Origine du monde, de Gustave Courbet. Ingres a 82 ans lorsqu’il signe son tableau et déclare quelques années plus tard, non sans provocation, qu’il ressent toujours « tout le feu d’un homme de 30 ans ». L’EXALTATION DES ESPRITS Synonyme d’aventure, cet autre monde est perçu comme un paradis épargné de l’essor de la société industrielle, une sorte de survivance de l’Antiquité. Il évoque aussi à l’Occident la démesure et la décadence. Si La Mort de Sardanapale, tableau iconique de Delacroix, déclenche un immense scandale au Salon de 1827, c’est parce qu’il excite les esprits, réveille ce désir inconscient d’affranchissement des sens. Le rythme des couleurs chamarrées, le nu féminin dans des poses plus ou moins lascives, le travail sur la lumière, les décors foisonnants, la géométrisation progressive des paysages, pénètrent dans l’imaginaire. Plus encore, prennent corps. « La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur / Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores / Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur / Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures », écrit Baudelaire en 1857 dans « Les Bijoux », poème publié dans Les Fleurs du mal. Peintres, écrivains, poètes, s’inspirent et représentent le monde arabe, Constantinople, le Proche-Orient, à travers l’exotisme de la vie intime des harems, les guerriers héroïques, les villes d’un monde mythique que l’on découvre. Certaines scènes frôlent l’horreur, exagèrent la violence, la tyrannie, exacerbent une sauvagerie fantasmée. Il faudra du temps pour que les esprits se défassent de ces représentations. S’en libèrent. Néanmoins, cette curiosité et l’ouverture sur l’ailleurs provoqueront un souffle fructueux, qui fera de l’Orient « l’autre » occidental. L’art et l’histoire s’entremêlant. Créant ainsi des correspondances. Des entrelacs. Au XIXe siècle, il devient la AFRIQUE MAGAZINE
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Une rue de l’oasis de Chetma (1890), de Maurice Bompard.
Mer calme à Sidi Bou Saïd (vers 1923), d’Albert Marquet.
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Arabische Stadt, ville arabe (1905), de Vassily Kandinsky. nouvelle Rome, comme une étape indispensable à la formation des artistes qui franchissent les frontières. Et les récits de voyage s’apparentent désormais à un genre littéraire. Mais nous sommes à l’ère industrielle, on fait plus que rêver de voyages, on peut désormais plus facilement se déplacer. Lorsque Gustave Flaubert prend pour sujet la guerre des Mercenaires, laquelle a opposé, au IIIe siècle av. J.-C., la ville de Carthage aux barbares qu’elle avait employés pendant la Première guerre punique, l’écrivain cherche à respecter l’histoire connue. Il profite alors du peu d’informations disponibles, même s’il décrit un Orient à l’exotisme sensuel et violent. En 1858, il finit par se rendre en Tunisie afin de voir Carthage, de s’y renseigner, et de rendre avec le plus de justesse possible son sentiment sur les lieux où se déroule son récit. Salammbô paraît en 1862 et commence par ces mots : « C’était à Mégara, AFRIQUE MAGAZINE
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faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar… » Pour les peintres, ces nouveaux horizons seront dès lors moins une réserve de motifs pittoresques que l’occasion de réfléchir en matière de couleur et de composition. Et cette fascination ne cédera pas au XXe siècle – nourrissant les avant-gardistes d’un art nouveau, aux portes de l’abstraction – ni au XXIe siècle. En avril 1914, lors de son voyage en Orient, Paul Klee note dans son journal cette phrase saisissante : « La couleur et moi ne sommes qu’un, je suis peintre. » Tandis qu’Auguste Renoir, dans l’une de ses lettres, souffle : « En Algérie, j’ai découvert le blanc. Tout est blanc, les burnous, les minarets, la route. » Les lumières de l’Orient, toujours. Et la volupté des passions. ■ Exposition « L’Orient des peintres, du rêve à la lumière », du 7 mars au 21 juillet 2019, musée Marmottan Monet, Paris. marmottan.fr
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CE QUE J’AI APPRIS propos recueillis par Astrid Krivian
Sameh Zoabi
Tel Aviv on Fire, au cinéma le 3 avril (Haut et Court). 58
› Mon grand-père était le barbier du village. C’était un conteur qui amusait tout le monde, faisait des tours à ses clients – auxquels il interdisait de se regarder dans le miroir –, il leur coupait la moitié d’une moustache… Les gens venaient dans son salon juste pour écouter ses histoires. J’ai grandi avec ce modèle. Aussi, je ne me définis pas comme un réalisateur ou un artiste, mais comme un barbier de la nouvelle génération. C’est un héritage culturel. › Beaucoup de stéréotypes demeurent au sujet des Arabes en Israël : ils se marient jeunes, le père est autoritaire, les femmes sont opprimées, la religion est très stricte… Et si tu essaies de montrer une autre réalité, les gens résistent car cela leur semble faux. C’est pour ça que j’ai recours à l’humour : les clichés sont parfaits pour la comédie. Et le rire est très important dans notre culture. Même les événements tristes, tragiques, sont prétexte à faire une blague. C’est aussi un film qui montre cette perception mutuelle, et qui joue avec. Je sais quel regard les Palestiniens portent sur les Israéliens, et vice versa. › Quand ces sujets difficiles, politiques, sont traités avec sarcasme, ils prennent un sens différent et ont une portée beaucoup plus puissante. Tout le monde s’en souvient. Parler de ce conflit est devenu tabou. Les gens ont peur. Même si tu te bases sur des faits réels, qui montrent l’humiliation, la violence que certains officiers israéliens font subir aux Palestiniens, ton œuvre sera perçue comme un film de propagande, antisémite… Les gens trouveront une raison pour ne pas voir la réalité. Et les financiers en Europe ne l’accepteront pas non plus. Nous sommes donc dans une situation très difficile, nous ne pouvons décrire la réalité telle qu’elle est, et nous devons être encore plus créatifs et fins dans la narration de nos histoires. J’ai compris depuis longtemps que tout le monde (Européens, Israéliens, Palestiniens…) avait des attentes sur le film d’un cinéaste palestinien et émettait son point de vue. › C’est la triste réalité : il n’y a pas d’échanges, de contacts entre les Palestiniens et les Israéliens. Ils ne se considèrent pas à égalité. Nous avons des raisons d’aller à Tel Aviv pour bénéficier de meilleures opportunités d’études, nous devons apprendre l’hébreu. Mais les Israéliens n’ont aucune raison d’aller à Nazareth ou d’apprendre l’arabe. Ils préfèrent étudier le français et se rendre en Europe. Un pays qui se pense européen, alors qu’il se situe au cœur du Moyen-Orient, c’est une illusion et ça sépare les gens. Ils devraient embrasser notre langue, sans pour autant se l’approprier. Il n’y a pas de communication, et le gouvernement rend les choses plus difficiles encore avec le mur, les checkpoints… › Mon film ne donne pas la solution mais indique la direction : il faut trouver une façon de vivre ensemble. Les accords d’Oslo, la solution des deux États, ne sont plus d’actualité. La seule issue est un État pour tous, avec des droits égaux. Nous sommes pareils, nous regardons les mêmes soap operas, nous tombons amoureux, nous avons les mêmes besoins humains. On ne peut plus continuer avec ces stéréotypes et s’éloigner toujours plus. Parlons plutôt des choses qui nous relient. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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EAMONN M. MCCORMACK/GETTY IMAGES
Palestinien, né près de Nazareth, en Israël, le cinéaste a étudié à Tel Aviv, puis à Columbia, aux États-Unis. Son deuxième film, Tel Aviv on Fire, est une comédie sarcastique et potache sur les complexités du pays. Salam, stagiaire palestinien sur une série populaire, doit gérer un officier israélien, bien décidé à lui imposer sa propre version du script.
« Mon film ne donne pas la solution mais indique la direction : il faut trouver une façon de vivre ensemble. » AFRIQUE MAGAZINE
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DOSSIER DOSSIER SPÉCIAL
GUINÉE LE RETOUR
Avec un fort taux de croissance et un climat social plus apaisé,
66 INTERVIEW Ibrahima Kassory Fofana : « Nos orientations sont bonnes, les directions sont prises » 72 MINES Au cœur de la croissance 79 PORTRAIT Louis Camara, le self-made-man 80 TÉLÉCOMS Bientôt le temps de la 4G 84 AGRICULTURE Le salut viendra de la terre 90 ÉNERGIE 60 Le chemin vers l’indépendance
94 INTERVIEW Tahirou Barry Traoré : professionnalisme et confiance 95 INDUSTRIE De belles promesses pour le futur 98 CARTES POSTALES Entre richesses naturelles et héritage historique 104 SORTIR Welcome to Conakry ! 107 ÉDITO Alimou Sow : vices et vertus des réseaux sociaux AFRIQUE MAGAZINE I 3 9 1 – A V R I L 2 0 1 9
DE L’AMBITION le pays peut développer son potentiel.
NICOLAS CUQUEL
par Emmanuelle Pontié, envoyée spéciale
Entre investissements et grands chantiers, la ville de Conakry connaît un essor considérable. AFRIQUE MAGAZINE
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DOSSIER SPÉCIAL GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
out le monde le dit. Les Conakrykas, comme les visiteurs réguliers qui viennent faire du business dans la capitale : la ville a changé. Vite. En mieux, beaucoup mieux. « Il y a encore quelques années, Conakry était pratiquement plongée dans le noir. Il y avait des bidonvilles partout et les ordures jonchaient absolument tous les trottoirs », se souvient un expatrié français qui travaille au centre-ville, sur la presqu’île de Kaloum. Ici, c’est le cœur du pays qui bat, c’est là où son destin se décide. Le quartier abrite le palais présidentiel Sékoutouréya (le suffixe « ya » signifiant « chez » en soussou) – ainsi dénommé par l’ancien chef d’État Lansana Conté qui l’avait reconstruit en hommage à son prédécesseur Ahmed Sékou Touré –, la plupart des ministères, le port et son ballet incessant de camions et de containers, les enseignes hôtelières internationales et luxueuses qui ont poussé comme des champignons, les chantiers immenses d’immeubles de bureaux ou d’appartements chics hérissés de fers à béton… Certes, il y a encore un réel souci d’assainissement et de traitement des déchets, des zones où une ou deux petites loupiotes éclairent des échoppes délabrées et la question grandissante de l’engorgement urbain, où les voies étroites sont saturées du matin au soir par des embouteillages monstres. Avec plus de 1,6 million d’habitants, la capitale guinéenne est victime de son succès, de son essor et de l’afflux régulier de partenaires privés venant signer des contrats et installer des filiales de leurs entreprises. Avec un taux de croissance de plus de 10 % en 2016 et de 13 % en 2017, la Guinée s’est brutalement réveillée après une longue période sombre et les premiers effets de l’élection du Professeur Alpha Condé à la tête du pays fin 2010, notamment au cours de son second mandat en 2015. Après le coup d’État de la junte militaire emmenée par Moussa Dadis Camara en 2008, la plupart des programmes de coopération furent suspendus. À la suite des événements du 28 septembre 2009, où un meeting de l’opposition au stade de Conakry fut réprimé dans le sang, des sanctions politiques avaient conduit à l’isolement diplomatique du pays par la communauté internationale. Une situation qui s’est aggravée avec l’avènement de l’épidémie d’Ebola fin 2013, qui a sévi durant plus de deux ans. C’est en 2016 que le grand Plan national de développement économique et social (PNDES), inspiré de la vision 2040 du chef de l’État, est venu traduire et renforcer l’action gouvernementale. Kanny Diallo, ministre du Plan et du développement économique, précise : « Le dernier plan datait de 2012 et n’avait pas pu voir le jour,
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Avec plus de 1,6 million d’habitants, la capitale est victime de son succès et connaît l’afflux régulier de partenaires privés venant signer des contrats et installer des filiales de leurs entreprises. en pleine période d’épidémie. Nous avons travaillé à nouveau en 2016 pour élaborer la vision 2040, après avoir constitué un groupe ad hoc. Il fallait fixer un cadre à moyen et long termes qui nous permette de nous guider dans les actions de développement et qui soit capable de convaincre les investisseurs. Nous avons associé le gouvernement, les partenaires, la société civile et le secteur privé pour sa conception, ce qui était une première dans le pays. Et nous avons élaboré le premier plan 2016-2020, qui s’inscrit dans la vision 2040 composée de cinq plans successifs de cinq ans. Nous avons récolté 21 milliards de promesses de financement le 2 novembre 2017 lors de sa présentation à Paris. » UNE ÉCONOMIE AU BEAU FIXE À ce jour, 4 milliards ont été libérés, auxquels s’ajoutent les financements privés et autres partenariats public-privé (PPP). « Nous tournons à ce jour autour de 6 milliards. Le PNDES a pu soutenir l’action gouvernementale dans les chantiers prioritaires qu’il a désignés : les infrastructures énergétiques et le secteur agricole », ajoute Kanny Diallo. Et dans ces deux secteurs, les premiers effets sont déjà palpables. L’offre énergétique a été complétée par la mise en service de barrages, et sera complétée à moyen terme par d’autres ouvrages géants en cours de construction, comme Souapiti et Amaria. Côté agriculture, les projets nationaux et internationaux se complètent les uns les autres, auxquels vient s’ajouter le programme présidentiel de soutien à l’agriculture, véritable cheval de bataille du chef de l’État. Les premiers effets sont déjà palpables et le déficit en produits vivriers est en passe de disparaître. Autre axe du AFRIQUE MAGAZINE
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Le président de la République, au palais Sékoutouréya, dans le quartier de Kaloum, en 2016. Plan, le manufacturing et la recherche de valeur ajoutée. Là encore, pas mal d’industries de transformation s’installent, et estampillent bouteilles de jus de fruit, huile ou sacs de ciment made in Guinée. Une nouveauté et un secteur industriel qui recrute. Car au final, le but est de résorber le chômage, notamment des jeunes, et de faire en sorte que la belle croissance à deux chiffres ait des effets directs sur le pouvoir d’achat des Guinéens. Selon la plupart des membres du gouvernement, c’est déjà le cas. Au fond des quartiers, on en est moins sûr. Mais chacun s’accorde pour reconnaître que le pays est sur la bonne voie pour y parvenir, dopé à nouveau depuis quelques années par des investissements massifs dans le secteur phare, pourvoyeur de 20 % du PIB : les mines. Cette année, afin que les revenus miniers impactent plus directement le développement social, un mécanisme de prélèvement de 15 % sur les recettes que l’État perçoit du secteur minier a été mis en place. Ce pourcentage est reversé directement aux collectivités AFRIQUE MAGAZINE
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décentralisées et devra financer les infrastructures, les équipements collectifs, etc. C’est dans une situation économique plutôt positive, où certains feux passent au vert, que se déroule la fin du second mandat du Professeur Alpha Condé, 81 ans, au pouvoir depuis neuf ans. Les conflits sociaux, politiques et syndicaux, qui ont donné lieu ces dernières années à de nombreuses manifestations ont plus ou moins été résolus. La Ceni, restructurée sur la base d’un consensus des partis, devrait bientôt présenter un calendrier électoral assorti des conditions pour y parvenir. Ainsi, les élections législatives de 2018 ayant été reportées et le mandat des députés qui s’achevait le 13 janvier 2019 prorogé, devraient se tenir avant la prochaine présidentielle prévue pour la fin 2020. En ce qui concerne le volet syndical, selon le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, « des compromis et des solutions acceptables » ont été trouvées. Reste la question de la candidature d’Alpha Condé, qui aura 82 ans l’année 63
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C’est dans une situation positive que se déroule la fin du deuxième mandat d’Alpha Condé.
prochaine comme le rappelle souvent Cellou Dalein Diallo, son opposant historique, chef de file de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Le chef de l’État, qui vit et reçoit au palais Sékoutouréya, et marche volontiers flanqué de sa sécurité pour aller vers les populations, ne se prononce pas sur ses intentions. Il a laissé entendre à plusieurs reprises que le peuple guinéen sera souverain quant au débat sur la limitation des mandats. POUR L’OPPOSITION, UN RECUL DÉMOCRATIQUE Ce qui relance la polémique dans les rangs de l’opposition au sujet d’un éventuel référendum qui pourrait amener le chef de l’État à faire modifier la constitution et oublier l’article qui stipule qu’il a droit à un mandat renouvelable une seule fois. Alpha Condé, réputé pour son amour des bains de foule pour lesquels il aime bien déjouer sa garde, ses marches sportives et ses coups de colère contre ses collaborateurs, selon certains de ses proches, serait déjà en mode campagne lors de ses sorties. La dernière en date, c’était le dimanche 24 mars au siège du 64
Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), où il a galvanisé ses troupes avec un discours assez virulent, fustigeant plus ou moins ceux qui critiquent les progrès que connaît la Guinée ou qui se mettraient en travers. L’opposition, vent debout, s’est empressée de crier au recul démocratique et au refus du débat national. Et chez la plupart des observateurs, pour ou contre Alpha Condé, nul ne semble douter que le président fourbit déjà ses armes pour cette prochaine échéance. À voir. Plus loin, dans les quartiers de Conakry, le débat sur 2020 ne s’est pas encore invité à l’ordre du jour. Ici, les préoccupations sont ailleurs, plus quotidiennes, plus prosaïques. Fin mars, la vraie préoccupation des Conakrykas, c’étaient les déguerpissements jugés abusifs dans les quartiers. En effet, la chasse aux bidonvilles anarchiques était lancée. Une condition sine qua non pour moderniser la capitale, selon les autorités. Un passage obligé qui a déjà secoué pas mal de grandes villes africaines, avec son lot de doléances compréhensibles. Et une manière de dessiner le visage d’une nouvelle Guinée, résolument tournée vers l’avenir. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE-RÉA
Débarquement d’éléments nécessaires à la construction d’une cimenterie au port autonome, situé en plein centre-ville.
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SEG : INNOVATIONS ET PROJETS EN COURS Depuis 2010, le secteur urbain de l’eau potable est l’une des priorités du Pr. Alpha Condé. De nombreux projets ont été réalisés, et d’autres actions sont en cours d’exécution. Remplacement de serte en eau de la ville de conduites principales et Conakry. Il est financé réhabilitation d’instalconjointement par la BID et lations des stations de le Gouvernement Guinéen. pompage d’eau : Remplacement de 3,5 km Adduction d’Eau Potable (AEP) de 5 villes : de conduite principale, sur Lola, Yomou, Tougué, financement de l’Agence Japonaise de Coopération Lélouma et Gaoual, sur fiInternationale (JICA), et de nancement de la BADEA, 3,5 km de conduite prinde l’OFID et du GouverDIALLO Mamadou Diouldé cipale entre Enta et Sannement Guinéen. Elles Directeur Général SEG goyah, sur financement font partie des 8 villes de du Royaume du Maroc à l’intérieur du pays qui ne travers l’Office National de l’Électricité et de disposaient pas de systèmes d’Adduction l’Eau potable (ONEE). d’Eau Potable. Réhabilitation des installations des stations de pompage d’eau des forages de Réhabilitation et construction de nouKobayah et de Kakimbo, sur financement velles Bornes Fontaines dans les zones de l’Agence Japonaise de Coopération Indéfavorisées de Conakry et environs. ternationale (JICA). 130 Bornes Fontaines, dont : 35 financées par la JICA ; Renforcement du Système d’AEP de la 6 par la SAUR, 6 autres par l’UNICEF ; ville de Conakry (Projet BID) : 83 par la SEG sur fonds propres. Ce projet porte sur l’amélioration de la desProjet Urbain Eau de Guinée (PUEG), financé par la Banque Mondiale : Vue du Ce projet de 30 millions de dollars marque le château d’eau d’Almamya réengagement de la Banque Mondiale dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en milieu urbain en République de Guinée. Il s’inscrit dans un programme intérimaire d’investissement pour : Remédier rapidement à la pénurie d’eau potable dans la ville de Conakry, en attendant le 4e Projet Eau ; Soutenir la mise en œuvre de la réforme du secteur de l’eau en milieu urbain ; Appuyer la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie d’assainissement pour le Grand Conakry, devant déboucher plus tard sur le financement durable des installations d’assainissement d’eaux usées dans les zones
urbaines et périurbaines ; Appuyer la modélisation de l’aquifère de la presqu’île de Conakry et le développement d’une base de données des utilisateurs de la ressource en eau et des niveaux de prélèvement. Ces activités sont classées en trois composantes : Composante hydraulique urbaine ; Composante relative à l’appui institutionnel ; Composante relative à l’assainissement urbain. Des solutions innovantes pour mieux se rapprocher de la clientèle : Le Multi site : il permet au client de pouvoir payer sa facture d’eau où qu’il se trouve, au niveau de chaque agence de la SEG. La Monétique : paiement des factures via Orange Money.
La Brigade Anti-fraude : une brigade mixte constituée pour réprimander les fraudes sur le terrain. Le Numéro Vert 119 : numéro gratuit pour signaler toutes anomalies constatées sur le réseau. L’Opération pose compteurs : cette action vise à doter chaque client d’un compteur pour sortir de la facturation au forfait et permettre à la SEG d’améliorer les indicateurs de gestion. La Réduction de l’eau non facturée : ce programme intermédiaire aura comme impact une production additionnelle de l’ordre de 86 000 m3/jour. Elle va résorber au moins les 50 % du déficit actuel, qui est de 141 000 m3/jour.
DOSSIER SPÉCIAL GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
Ibrahima Kassory Fofana Premier ministre
«Nos orientations sont bonnes, les directions sont prises» À la tête du gouvernement depuis le 21 mai 2018, l’économiste de 65 ans revient sur les différentes actions entreprises par ses équipes dans les domaines économique, social, syndical et politique. Et évoque les priorités de demain. propos recueillis par Emmanuelle Pontié
S
ouriant, le Premier ministre enchaîne les audiences sans discontinuer. Ministres, directeurs généraux, ambassadeurs, bailleurs de fonds… sa salle d’attente ne désemplit pas. Le Docteur Ibrahima Kassory Fofana, diplômé en développement, finances et banque de l’American University et de la Graduate School USDA, à Washington, a été tour à tour ministre du Budget, de l’Économie et des Finances, puis ministre d’État à la Présidence en charge des investissements et des partenariats public-privé. Rodé aux questions économiques de son pays, il nous a reçu dans son bureau du centre-ville, où il a détaillé les avancées de la Guinée et les ambitions pour l’avenir.
AM : Vous êtes Premier ministre depuis presque un an. Pouvez-vous faire un premier bilan de votre action ? Ibrahima Kassory Fofana : Je suis arrivé au moment où notre pays traversait une grave crise multiforme au sein du monde politique, ainsi qu’au niveau du dialogue social avec les syndicats. Une rupture de confiance s’était installée entre les différents partenaires de la vie sociopolitique. On a renoué le dialogue avec la classe politique, et on a géré la crise syndicale avec beaucoup de difficultés. Une grande menace pesait alors sur les négociations. Nous ne devions pas céder à la facilité et mettre en péril les efforts utiles que demande la mise en œuvre du programme économique pour la Guinée. On ne pouvait pas se le permettre. Cela nous a amenés à tenir bon, et à imposer la fermeté nécessaire pour aboutir à des conclusions qui ne remettaient pas en cause la stabilité économique du pays. Nous avons dû faire face au même moment à une situation sécuritaire très fragile, avec un banditisme galopant et une désobéissance civile inquiétante. Tout cela assorti d’une démotivation des services de sécurité. Nous avons 66
travaillé avec les corps militaires et paramilitaires, afin de requinquer le moral des troupes. Nous avons mis en place un programme de sécurisation précis, avec une définition des rôles. Il a aussi fallu mettre des moyens à disposition pour rétablir la sécurité dans le pays. Mais en premier lieu, mon gouvernement et moi nous sommes attelés depuis un an à fixer les contours de notre action, afin de procéder à la relance de la production. Nous avons travaillé à la création d’emplois pour les jeunes et à la promotion des femmes. Nous avons essayé de créer un environnement plus favorable, pour permettre aux industries de s’installer et de générer des emplois durables. Tout cela a pris du temps. Il a fallu élire des programmes structurels, les coordonner et les orienter vers les objectifs fixés, et les traduire en termes de missions. Ensuite, il s’est agi de restructurer le budget de l’État, afin de l’adapter aux grands objectifs que le président a défini. On a fait des coupes drastiques sur le fonctionnement pour que les ressources soient disponibles pour l’investissement. Nous avons aussi retenu 15 % des recettes minières du pays pour les affecter aux collectivités décentralisées, afin de faciliter le développement à la base, de permettre aux populations de faire face aux contraintes du quotidien en bénéficiant d’infrastructures, d’équipements collectifs, etc. À votre arrivée, vous aviez évoqué des chantiers prioritaires. Le premier étant la lutte contre la corruption. Cette question a-t-elle avancé ? Nous avons donné suite aux rapports d’audits existants, sanctionnant les fonctionnaires incriminés. Nous les avons enlevés de leur poste, et ils ont été présentés à la justice. Certaines situations de culpabilité ont été établies et ont abouti à des condamnations. Nous avons identifié un second groupe d’entreprises publiques et parapubliques, qui ont fait l’objet de notes de service destinées à déclencher de nouveaux audits. AFRIQUE MAGAZINE
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Pensez-vous que ces actions refroidissent vraiment les fonctionnaires indélicats ? Oui. Les comportements dans les administrations changent peu à peu. Les recettes fiscales sont beaucoup plus sécurisées, par exemple. Et cela se sent par leur évolution progressive. Seconde promesse : travailler à la redistribution des richesses. Le pouvoir d’achat des Guinéens a-t-il été amélioré ? En économie, vous savez, entre les décisions, leur implication et leur impact, il faut au moins un an, voire plus… Ce qui est important, c’est que nos orientations sont bonnes, les directions sont prises. « L’animal », je dirais, est circonscrit dans sa dimension réelle. On sait ce qu’il faut faire. Je vous parlais tout à l’heure du budget. On a mis en place un programme d’inclusion sociale destiné à combattre la pauvreté extrême. Dès cette année, nous allons distribuer 120 millions de dollars aux plus pauvres. Pour favoriser la scolarisation des enfants, notamment des jeunes filles, par exemple. Nous donnerons des subsides aux parents qui n’ont pas les moyens, afin qu’ils puissent se passer du travail précoce des enfants. Cela représente 120 millions
cette année. Mais dès 2020, on parlera de 400 millions de dollars qui seront distribués sur une base annuelle. Et ce budget ira crescendo pour combattre la pauvreté et réduire le poids de ce fléau sur la société guinéenne. Aujourd’hui, où en est-on sur le dialogue social, autre combat que vous avez mené et promis de résoudre sur le long terme ? Il y avait globalement deux niveaux de revendications. Les premières étaient politiques et essentiellement liées à la mise en place des exécutifs locaux. Cela a été difficile et a pris beaucoup de retard. Mais aujourd’hui, on y est arrivé. C’est chose faite. Côté politique encore, la Ceni [Commission électorale nationale indépendante, ndlr] a été installée et un diagnostic sur le dispositif électoral a été posé. Des recommandations issues de ce diagnostic sont en train d’être appliquées. L’outil technique pour toutes les élections sera la Ceni, restructurée sur la base d’un consensus des partis. Elle incarne l’indépendance et on attend d’elle qu’elle nous présente un calendrier des élections et les conditions pour y arriver. Une question qui fera l’objet de concertations avec la classe politique dans son ensemble. Le volet syndical concernait des revendications parfois excessives, parfois
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« On a mis en place un programme d’inclusion sociale destiné à combattre la pauvreté extrême. »
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motivées et souvent plus arbitraires. Nous sommes arrivés à des compromis et des solutions acceptables. Des accords ont été signés. Et Dieu merci, le pays est en paix. Autre mécontentement du moment : les Guinéens râlent contre les déguerpissements inutiles ou abusifs. Que répondez-vous ? Sur un plan humain, c’est un sujet difficile. Sur un plan légal, c’est une action normale. Certains Guinéens occupent illégalement le sol et je dirais, le patrimoine national. C’est inacceptable partout dans le monde. Après, il est possible qu’il y ait eu des excès et que certains déguerpissements aient été abusifs. Nous avons eu des retours, des échos, dans ce sens. Et on fera le point au cas par cas, évidemment. Le gouvernement, pour sa part, s’est engagé à ne faire de tort à personne et d’œuvrer pour que l’opération se déroule dans le respect de la dignité humaine. Sans créer trop de dommages aux populations. Mais il faut que l’on sorte des bidonvilles à Conakry. C’est la condition sine qua non à la modernisation de la capitale. Un mot sur le PNDES. Est-il déjà en action ? Le PNDES [Plan national de développement économique et social, ndlr] est en action car il est le fruit d’une concertation entre le gouvernement et ses bailleurs de fonds, avec la participation du secteur public. Il a reçu l’assentiment de nos partenaires au développement. Et le projet s’est soldé par un succès éclatant en 2017 en ce qui concerne le soutien financier. Nous avons récolté la somme record de 21 milliards, en termes de promesses d’engagement. Certes, au niveau de l’exécution, je dirais que ça pourrait aller plus vite. Mais cela n’empêche pas mon équipe d’être embarquée dans le suivi de l’exécution du PNDES. Sur le plan de la gouvernance des collectivités locales et de l’augmentation de leurs pouvoirs, pouvez-vous détailler le système de reversement des 15 % des recettes du secteur minier ? Oui. Nous prélevons 15 % sur les royalties que le gouvernement récolte dans le secteur minier, et nous les affectons aux collectivités. C’est ce que l’on appelle le meilleur partage de la prospérité. Car, chacun le sait, l’État est un mauvais dépensier. Nous pensons qu’en envoyant une partie substantielle des ressources directement aux utilisateurs que sont les populations, nous aurons la garantie qu’elles seront mieux utilisées. Et nous atteindrons ainsi plus directement les objectifs de développement en termes de réduction de la pauvreté. Quel est votre avis sur le potentiel de la richesse de la Guinée ? On le dit sous-exploité. Qu’en pensez-vous ?
Notre potentiel est… à peine entamé ! Si l’on prend le secteur de l’énergie, on parle de 6 000 mégawatts en matière de potentiel. À ce jour, à peine 1 000 mégawatts sont exploités. Cela signifie que nous avons du chemin à faire dans la mise en œuvre du potentiel énergétique, non ? Autre exemple : Prenez le domaine agricole, où nous possédons plus de 6 millions d’hectares de terres, dont 15 % à peine sont exploitées. Et nous sommes dans un pays où certaines personnes souffrent de malnutrition, voire de faim. Cela dit, il faut préciser que les progrès sont déjà remarquables. Le déficit en produits de première nécessité et vivriers décroît d’année en année, parce que le programme présidentiel de soutien à l’agriculture porte ses fruits. Il n’y a aucun doute sur le sujet. Mais tout de même, une grande partie de notre potentiel est encore en friche. Vous avez des millions de terres arables et vous n’en cultivez que des centaines de milliers ! Il faut faire mieux, et parvenir à éliminer notre déficit, par exemple sur les produits céréaliers. Devenir, à terme, exportateur net au lieu de continuer à être importateur net, comme aujourd’hui. Le potentiel touristique, autre exemple, est à peine entamé. La Guinée est d’un point de vue climatique la synthèse du continent africain. Nous bénéficions des quatre microclimats que l’on peut trouver en Afrique. Nous sommes les seuls à offrir cette richesse naturelle, dans un pays qui s’étend sur moins de 250 000 km2. Or, quand vous regardez le flux de touristes qui arrivent chez nous, pour des raisons diverses comme le manque d’infrastructures et autres, vous êtes choqué. Il faut le mettre en œuvre, en valeur, ce potentiel, afin d’avancer sur l’agenda de la réduction de la pauvreté, et sur l’agenda de la croissance. Prenez encore l’habitat social. Là aussi, nous disposons d’un potentiel extraordinaire. À date, il n’y a pas eu de programme très agressif dans ce domaine. L’offre est en deçà de la demande. Cette dernière augmente, sans offre suffisante en face. Et rien que sur la ville de Conakry, on parle d’un minimum de 500 000 unités en déficit annuel. Il faut y faire face, et ce sont des opportunités d’investissements pour le secteur privé. Prenez enfin l’éducation. On sait aujourd’hui que l’enseignement classique débouche sur le chômage. Des bourses d’emplois rémunérateurs représenteraient d’excellentes opportunités d’investissement pour le secteur privé. Etc., etc. Quels sont les premiers partenaires de la Guinée aujourd’hui ? Les institutions internationales comme la Banque mondiale, la BAD, le Fonds monétaire, ou l’Union européenne. Nous travaillons avec des partenaires
« Le déficit en produits de première nécessité décroît, parce que l’initiative présidentielle pour le soutien à l’agriculture porte ses fruits. »
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Abdourahmane Diallo (à gauche), ministre conseiller à la Santé auprès du président de la République, et le Premier ministre (au centre) en visite sur le chantier de l’hôpital national de Donka, le 6 mars 2019. bilatéraux comme la Chine, la France et l’essentiel des pays européens. Avec le Japon aussi. La Guinée a une base de coopération assez diversifiée. Un mot sur les priorités de demain ? D’abord mettre le pays à flot sur le plan économique. Tenir ou soutenir la tendance en termes de croissance forte. On est déjà à deux chiffres. Et dans les années à venir, l’objectif est de garder ce cap afin de résorber nos besoins en emplois qui sont très grands, et régler les problèmes de développement dans leur ensemble. Nous avons un grand challenge à relever en matière d’éducation, dont la qualité et la quantité en termes d’infrastructures restent limitées. Ce sont ces chantiers qui retiennent notre attention pour demain. Ainsi que l’habitat social, l’agriculture et l’industrialisation du pays. AFRIQUE MAGAZINE
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Une présidentielle se profile dans un an. Votre bilan sera-t-il suffisant à faire repasser votre parti et le président Condé ? Aux Guinéens d’en juger. Mais si on se réfère aux chiffres, la satisfaction est là. Peu de pays dans la sous-région peuvent se comparer à la Guinée en matière de performances, si on prend les indicateurs les plus reconnus. Comme celui de la croissance, par exemple. En dehors du Ghana, nous sommes les seuls à afficher un taux à deux chiffres. On est fiers de ce que nous avons accompli. On constate le changement tous les jours en regardant la ville de Conakry. Des difficultés persistent, mais la vie au quotidien s’améliore de jour en jour. C’est vrai que l’on a encore d’importants défis à relever, mais nous sommes sur le bon chemin. ■ 69
OFFICE NATIONAL DES PÉTROLES
M. Famourou KOUROUMA Directeur Général
PRÉSENTATION L’Office National des Pétroles a été créé le 29 août 2015 par Décret. Il est placé sous la tutelle administrative du Ministère des Hydrocarbures. Il a pour mission la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de la politique du Gouvernement dans le domaine des Hydrocarbures relevant de son ressort.
MISSION ET ATTRIBUTIONS L’Office National des Pétroles est particulièrement chargé de :
Secteur Amont Dynamiser la promotion et la recherche pétrolière en vue d’une découverte commerciale ; Gérer les droits pétroliers, les appels d’offres et les négociations directes relatifs aux contrats pétroliers ainsi que la commercialisation des blocs pétroliers ; Réaliser pour le compte de l’État des travaux de recherche et d’exploitation des Hydrocarbures ; Représenter l’État dans les Comités de Coordination des Opérations Pétrolières prévues dans les contrats pétroliers ; Participer à la construction d’une expertise nationale apte à gérer le futur pétrolier de la Guinée.
Secteur Aval Piloter le processus d’approvisionnement, de stockage, de transport, de distribution et
OFFICE NATIONAL DES PÉTROLES de commercialisation des produits pétroliers et dérivés ; Suivre pour le compte de l’État les projets de réalisation des raffineries et de dépôts de stockage des produits pétroliers ; Servir d’outil d’aide à la prise de décision par l’État dans le domaine des activités relatives à la commercialisation des produits pétroliers et dérivés ; Procéder à l’évaluation à court, moyen et long termes des besoins infrastructurels et logistiques du pays en capacité de stockage ; Veiller au bon fonctionnement du système de péréquation mis en place en vue de l’homologation des prix sur toute l’étendue du territoire national.
Secteur Aval
APERÇU HISTORIQUE Secteur Amont
STOCKAGE DES PRODUITS
1. Données magnétiques 1968 : 1 238 km réalisés par Shell ; 1974 : 1 680 km par Buttes. 2. Données sismiques 2D 1968 : 2 900 km par Shell ; 1974 : 1 630 km par Buttes ; 1998 : 800 km par Digicon ; 1999 : 5 100 km par Western Geophysical ; 2006 : 17 800 km par SCS ; 2011 : 4 593 km par Dolphin Geophysical. 3. Données sismiques 3D 2010-2011 : 7 585 km2 par SCS Corporation/ Hyperdynamics ; 2019 : 80 494 km2 par Petroleum Geophysical Services PGS. À ce jour, trois puits pétroliers ont été réalisés : En 1977, le puits pétrolier GU2-B1 réalisé par le partenaire BUTTES GAS AND OIL-CO ; En 2012, Hyperdynamics et Dana Petroleum ont foré le puits SABU1 ; En 2017, le puits pétrolier FATALA1 a été réalisé par les partenaires Hyperdynamics et Sapetro. Ces puits, quoi que secs, ont permis de mettre en évidence l’existence d’énormes potentialités d’Hydrocarbures dans le bassin guinéen, matérialisée par d’importantes couches de roches sédimentaires.
Avant l’indépendance, l’approvisionnement du marché local était assuré par les firmes internationales (SHELL, MOBIL, TOTAL). À l’époque, le prix du carburant à la pompe n’était pas homologué, chacune des sociétés fixant son prix dans un esprit concurrentiel. En 1961, l’Office National des Hydrocarbures (ONAH) a été créé pour assurer pour le compte de l’État le rôle d’importateur et de distributeur de produits pétroliers raffinés. La libéralisation du secteur pétrolier est intervenue en 1990 et a consacré le désengagement de l’État des activités d’importation et de distribution de produits pétroliers au profit des Opérateurs pétroliers.
Le stockage de produits pétroliers en Guinée est assuré par la Société Guinéenne des Pétroles (SGP), de statut mixte, disposant de quatre dépôts de stockage, dont deux principaux à Conakry et deux relais dans les régions administratives de Kankan et de Nzérékoré.
PARTENARIATS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES Des conventions scientifiques et techniques portant sur la formation et la prestation ont été signées avec les partenaires : L’Institut Français du Pétrole (IFP Training) ; L’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM) du Maroc ; Le Cabinet français dénommé BeicipFranlab Dans le domaine de la géophysique, des partenariats ont été conclus avec des sociétés spécialisées dans le domaine de l’acquisition sismique telles que : TGS Geophysical et WesternGeco (filiale de Schlumberger).
STRUCTURE DES PRIX En République de Guinée, la structure des produits pétroliers est établie et mise à jour mensuellement, elle comporte plusieurs régimes fiscaux, chacun correspondant à des spécificités de clientèle bien définies.
VALEURS DE L’ONAP Compétence, Efficacité, Résultat.
POUR UNE STRATÉGIE DE RÉUSSITE DU SECTEUR PÉTROLIER GUINÉEN ’Office National des Pétroles (ONAP) est le service compétent de l’administration Pétrolière technique qui s’occupe de l’amont et de l’aval du secteur pétrolier, tel que définit par le Code pétrolier de la République de Guinée et le Décret du 29 août 2015, portant sa création. Cet organisme public, en sa qualité de régulateur des activités pétrolières, a changé de forme juridique en passant d’Établissement public à caractère industriel et commercial, en Société Anonyme (SA), conformément à la nouvelle loi portant gouvernance financière des Sociétés et Établissement publics et le Décret du 28 février 2019. Il est à souligner que l’ONAP est aujourd’hui placé sous la tutelle administrative du Ministère des Hydrocarbures. Le secteur pétrolier pourra servir de locomotive pour la Guinée à travers une découverte commerciale telle que souhaité par le Président de la République, le professeur Alpha Condé. Cette découverte, doit être accompagnée par des accords de coopération et de contrats pétroliers qui tiennent compte non seulement de l’intérêt de la Guinée, mais aussi de celui des partenaires.
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Découpage bloc offshore : Zone économique, République de Guinée
Du constat réel, l’institution pétrolière a besoin d’une gouvernance améliorée telle que recommandée par nos politiques économiques, du point de vue administratif, financier, et sur le plan de la politique, santé, sécurité, environnement, les relations communautaires ainsi que le développement durable engageant la responsabilité sociétale des entreprises partenaires dans la mise en œuvre des activités. En conséquence, concernant les protocoles d’accords ou contrats pétroliers, un engagement primordial fera objet de souscription par les parties en faveur du contenu local et du développement durable, ainsi que le désir de parvenir à une situation exempte d’accidents pour nos employés et le personnel de nos partenaires, pour l’environnement et pour les communautés au sein desquelles nous travaillons. Notre priorité et notre responsabilité seraient de nous assurer que tous nos employés et le personnel de nos partenaires, quels que soient leurs métiers et leurs lieux de travail, puissent travailler en toute sécurité pendant toute la durée des opérations pétrolières. Des objectifs d’hygiène et de sécurité sont fixés pour l’ensemble du personnel, la performance en la matière étant régulièrement suivie, mesurée et comparée avec ces objectifs. La sécurité des personnes et des lieux de travail (offshore, onshore, installations pétrolières, stationservice…) a une importance capitale, qui corrobore avec la déontologie du métier, le code pétrolier et la politique générale du Gouvernement en matière de gestion des Hydrocarbures. Les employés des entreprises privées et publiques sous tutelle de l’Office National des Pétroles doivent comprendre les procédures et sécurité, et promptement signaler tout événement de nature à menacer la sécurité des personnes et des biens. La vision stratégique de l’Office National des Pétroles est de faire de la Guinée un pays émergent avec une croissance soutenue par l’apport du secteur pétrolier sur une base professionnelle, efficace et performante dans une synergie d’action avec le Ministère des Hydrocarbures. Famourou Kourouma
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Promouvoir la recherche en vue d’une découverte pétrolière ; Construction d’une Base de Données Pétrolières ; Augmenter les capacités de stockage des produits pétroliers et dérivés ; Vulgarisation de l’utilisation du gaz butane ; Création de sources de revenus ; Poursuivre la qualification et le perfectionnement du Personnel.
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PERSPECTIVES
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La production de bauxite a atteint 60 millions de tonnes en 2018, le pays passant ainsi à la 3e place au niveau mondial.
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Mines Au
cœur de la croissance
Le secteur représente 20 % du PIB et doit s’imposer comme LEVIER MAJEUR de la mutation de l’économie. par Ibrahima Cissé
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ualité, diversité, quantité exceptionnelles : ainsi pourrait-on caractériser le secteur minier guinéen. C’est le soutien principal de l’économie. À lui seul, il représente 20 % du PIB et plus de 80 % des exportations du pays. Pour autant, jamais auparavant celui-ci n’avait connu l’essor correspondant à son fabuleux potentiel. Il aura fallu l’arrivée au pouvoir du Pr Alpha Condé, en décembre 2010, pour voir la promesse des mines apporter un début de réponse aux attentes des populations. Le premier chantier a été celui de l’amélioration de la gouvernance dans la gestion du domaine. Plusieurs outils légaux et réglementaires vont y contribuer. AFRIQUE MAGAZINE
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Le Code minier de 2011 amendé en 2013 et aligné sur les meilleures pratiques internationales offre des conditions favorables à l’investissement. Le cadastre minier a été modernisé et un Guichet unique mis en place. Si, désormais, le délai de traitement des demandes de permis de recherche est passé de trois mois à deux semaines en moyenne, le Guichet unique, lui, a mis un terme aux lourdeurs administratives qui entouraient le traitement des dossiers relatifs à l’obtention de permis et autres autorisations. L’occupation spatiale du territoire par les projets miniers est rationalisée, et la mutualisation de l’utilisation des infrastructures de transport ferroviaires et portuaires fortement encouragée. L’idée est de réduire le coût des investissements et d’exploitation. Enfin, des Lettres de politique de la responsabilité sociétale des entreprises et de promotion du contenu local apportent des retombées positives aux populations vivant dans les zones d’exploitation. Jugé conforme, depuis 2014, le conseil d’administration de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) vient de décider que la Guinée « a accompli des progrès significatifs dans la mise en œuvre des normes ITIE ». QUAND LES FINANCEMENTS SE BOUSCULENT Ces profondes réformes ont permis d’améliorer le cadre d’investissement, positionnant la Guinée comme l’une des principales destinations d’intérêt pour les investisseurs de l’industrie minière mondiale. En 2017, la Banque mondiale a classé la Guinée parmi les cinq plus grands pays réformateurs au monde. Dans la foulée, les investisseurs se sont bousculés aux portes du pays apportant des financements divers : États-Unis, Allemagne, Chine, Émirats arabes unis, Russie, Grande-Bretagne, Afrique du Sud, Australie… Ainsi que des institutions de financement, et non des moindres, telles que la Société financière internationale et l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Groupe Banque mondiale), l’Agence allemande de garantie, Overseas Private Investment Corporation (OPIC-USA), la Société générale, BNP Paribas, Natixis, ING, Export Développement Canada ou encore la Banque africaine de développement (BAD). Il s’ensuivra la naissance de nouveaux projets et la relance de ceux en souffrance. Pas moins de 10 milliards de dollars sont prévus pour booster le secteur d’ici à 2025. D’ores et déjà, une cagnotte de 3 milliards de dollars est effectivement investie. Ces investissements se traduisent, par ailleurs, par la création de 17 000 emplois directs et de plus de 50 000 autres indirects. Grâce à eux, la production de bauxite, plafonnant depuis longtemps sous le seuil de 20 millions de tonnes, a atteint 50 millions de tonnes en 2017. Et pour la première fois de son histoire, en 2018, la Guinée en a produit 60 millions de tonnes. Elle améliore ainsi son score au plan mondial, passant de la 7e à la 3e place, juste derrière la Chine et l’Australie, 74
Les réformes ont ouvert la porte aux investissements. Pas moins de 10 milliards de dollars sont attendus d’ici 2020.
Le secteur de Simandou, objet de toutes les convoitises et de toutes les attentions. mais devant le Brésil, autre gros producteur. Le suivi régulier des activités minières, instauré dans le sillage des réformes, a contribué à l’amélioration des performances des filières artisanales d’or et de diamant. Le niveau de rapatriement des devises issues des exportations est passé de 42 % en 2016 à plus de 90 %. Cette performance vient en soutien à la stabilité du franc guinéen, notamment grâce au rapatriement d’un montant de près d’un milliard de dollars au titre de 2017. VERS LA DIVERSIFICATION DE LA PRODUCTION Jusqu’à un passé récent, les données géologiques étaient insuffisamment connues. Elles étaient en effet détenues par des tiers, dont Géo Prospect, AMTEC, BGR et BRGM. De fait, et pour reprendre des spécialistes des questions minières, la Guinée manque encore de cartographie à une échelle précise et actualisée. Mais grâce à la politique en cours, un nouvel élan est insufflé à la recherche géologique pour la diversification de la production, la rationalisation des zones d’activité et la promotion de l’investissement. Dans ce cadre, un projet de levé géophysique pour la recherche de métaux précieux (or et argent) est mis en route, parallèlement à deux autres projets dédiés à la mise en place d’une banque de données géospatiales et géoscientifiques intégrale et d’une banque de données hydrogéologiques et géotechniques. AFRIQUE MAGAZINE
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MIKE ABRAHAMS
Intégralement financés par l’État guinéen, ils s’ajoutent au projet de levé géochimique dans les sédiments des ruisseaux, financé avec l’appui de la Banque mondiale pour la recherche des indices des métaux de base (cuivre, chrome, cobalt, zinc, plomb, nickel, etc.). Il s’agit donc de tout un programme de diversification de la production minière et de rationalisation des zones d’activité. Selon les spécialistes, sa réussite passe nécessairement par davantage d’investissements sur la durée dans la recherche, y compris à travers les partenariats public-privé. GÉRER AU MIEUX LES IMPACTS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX De tous les défis auxquels est confronté le secteur minier guinéen, la gestion des impacts économiques, sociaux et environnementaux revêt la plus grande urgence. Elle interpelle la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). À ce sujet, un dispositif opérationnel se met progressivement en place, avec notamment la création de la Bourse de sous-traitance et de partenariats et du Fonds de développement économique local (FODEL), qui prévoit 0,5 ou 1 % des revenus des sociétés minières en faveur des communautés riveraines des sites d’extractions. En outre, le gouvernement vient d’inscrire dans sa loi de finances 2019, l’affectation de 15 % des revenus miniers AFRIQUE MAGAZINE
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de l’État aux collectivités locales pour favoriser la création de PME et de Groupements d’intérêt économique (GIE) capables de booster leur croissance. La transformation sur place des produits miniers est une option forte défendue par le gouvernement dans le but d’accroître l’impact du secteur sur l’économie nationale. Les négociations pour l’implantation de raffineries d’alumine sont avancées, à l’image du projet de l’une d’entre elles dans la concession minière octroyée à la Société des bauxites de Guinée (SBG) en novembre 2016. Comme d’autres pays auparavant, la Guinée fait aujourd’hui le choix de la transformation locale des produits miniers, tout en prenant les mesures de maximisation des conséquences économiques et de minimisation des impacts sociaux et environnementaux. Plusieurs conventions sont signées, notamment celles relatives à la construction d’une raffinerie d’alumine et d’un chemin de fer entre le consortium SMB Winning et le gouvernement guinéen pour un investissement estimé à 3 milliards de dollars, et celle pour l’exploitation d’une mine de bauxite à Kimbo, la construction d’une raffinerie et d’un chemin de fer pour un investissement de plus de 3 milliards de dollars. Faire du secteur minier un levier efficace de transformation de l’économie nationale, comme le prévoit le PNDES (Plan national de développement économique et social), reste un défi majeur à relever. ■ 75
MINISTÈRE DU BUDGET Améliorer la performance de la gestion des finances publiques pour atteindre les objectifs du Plan National de Développement Économique et Social (PNDES) 2016-2020 La dynamique de réforme de la gestion des finances publiques est encadrée par la lettre de mission du Premier Ministre et bénéficie du soutien du Président de la République, Pr. Alpha Condé.
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e vaste chantier de réformes a été engagé en vue de répondre aux défis d’amélioration du système de gouvernance des finances publiques en République de Guinée. Dans les cas particuliers de l’administration fiscale et de la lutte contre la corruption, des réformes phares ont été mises en œuvre, en droite ligne avec les nouvelles dispositions fiscales contenues dans la Loi de Finances de l’année 2019. Le Gouvernement, à travers le Ministère du Budget, s’est engagé à poursuivre le train des réformes en mettant en avant une communication simple et bien structurée Ministère du Budget, avec le secteur privé, les Kaloum, différents contribuables et Conakry les citoyens. Cela a permis de renforcer la confiance du secteur privé, de contribuer à l’amélioration du service à l’usager, de lutter contre la corruption et in fine de contribuer à l’amélioration du climat des affaires en Guinée.
Pour améliorer la performance dans la gestion des finances publiques guinéennes, des outils de gestion modernes ont été mis en place. La plate-forme d’échanges automatisés d’informations et de données entre la DNI, la DGD, le Trésor, l’APIP et la BCRG En vue d’accroître l’efficacité de l’Administration fiscale et d’améliorer le service aux usagers, le département a parachevé les travaux d’interconnexion physique par fibre optique et d’interfaçage entre les régies financières (DNI,
DGD, Trésor) et la Banque centrale, ainsi qu’entre la Direction Nationale des Impôts (DNI) et l’Agence de Promotion des Investissements Privés (APIP). Globalement, l’interconnexion et l’interfaçage ainsi réalisés permettent : L’échange automatique et sécurisé des NIF (Numéro d’Identification Fiscale) des contribuables entre les services des Impôts et des Douanes ; Le partage du répertoire unique des contribuables en règle entre les services des Impôts et des Douanes, la Chaîne de la Dépense publique et la Direction Nationale des Marchés Publics (DNMP) ; L’accès de la Direction Nationale des Impôts, de la Direction Générale des Douanes (DGD) et de la Direction nationale du Trésor au logiciel bancaire de la Banque centrale pour consultation des différents comptes et exploitation de l’information. Il est aussi important de rappeler que la liaison informatique entre les services des Impôts et l’Agence de Promotion des Investissements Privés permet notamment de faciliter l’immatriculation de nouveaux contribuables, d’accélérer leur géolocalisation et d’assurer avec diligence leur prise en charge par les structures compétentes de la gestion des contribuables à la Direction Nationale des Impôts. L’introduction d’un Numéro d’Identification Fiscale permanent (NIFp) pour mieux maîtriser l’assiette fiscale L’instauration d’un nouvel identifiant fiscal permanent répond au souci d’élargissement de l’assiette fiscale en réduisant l’écart entre les recettes effectivement mobilisées et le potentiel fiscal, et en même temps de maîtriser le répertoire des contribuables dont la déperdition reste importante. Tirant les leçons des dysfonctionnements de l’actuel Numéro d’Identification Fiscale, un nouvel identifiant fiscal a été conçu, dont l’utilisation sera renforcée par une plate-forme
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Le lancement d’une application d’alerte et de notification pour informer les prestataires de l’État sur l’évolution de leurs dossiers Cette application d’alerte et de notification a été introduite dans le logiciel de la Chaîne de la Dépense, dans le cadre de la lutte contre la corruption, et pour promouvoir la transparence dans l’exécution de la dépense publique. Un mécanisme d’évaluation de la performance des Chefs de Division des Affaires Administratives et Financières a été introduit à partir de cette année La mise en place d’un mécanisme de suivi rigoureux des délais dans la Chaîne de la Dépense, afin d’assurer la fluidité dans le traitement des dossiers et promouvoir la transparence
Le nouveau système électronique de paiement des impôts et redevance Tous les paiements des impôts, droits, taxes et redevances dus à l’État sont effectués depuis début janvier 2019 par virement bancaire via le système RTGS, à l’exception des paiements de faible valeur. Le paiement mobile a été généralisé pour la Taxe Unique sur les Véhicules (TUV), et il sera de même pour la Contribution Foncière Unique (CFU). Par ailleurs, une déclaration mensuelle unique (DMU) a été mise en ligne par la Direction Nationale des Impôts en attendant la mise en ligne de la plateforme électronique eTax. Ainsi, il est envisagé dès cette année, de lancer les téléprocédures fiscales pour permettre aux contribuables de télédéclarer et télépayer tous les types d’impôts.
La gestion automatisée de l’immatriculation des marchés publics Il a été mis en service une application automatisée de l’immatriculation des marchés publics, permettant de réduire les délais d’attente et d’assurer un meilleur suivi de la procédure de réservation des crédits en couverture des marchés ayant bouclé le processus de passation des marchés. La réorganisation de la Direction Nationale des Impôts et l’ancrage dans un contrat d’objectifs et de moyens Pour consolider la plate-forme d’échanges entre les services des Impôts et des Douanes, il a été procédé à la réorganisation de la DNI sur la base d’un diagnostic profond et participatif qui a impliqué le management des services des Impôts et l’assistance technique du FMI. La réorganisation de la DNI est bâtie fondamentalement sur la distinction des fonctions de pilotage bien structurées autour des métiers fiscaux d’avec les fonctions opérationnelles. La mise en œuvre de cette réforme est faite selon les meilleures pratiques de conduite du changement par le croisement du profil des postes du nouveau cadre organique avec un bilan des compétences. À ce vaste chantier, est adossé un programme de formation adapté pour combler les écarts éventuels de compétences. La relation entre le Ministre du Budget et le management de la DNI est désormais renforcée, à compter de cette année 2019, par un contrat d’objectifs et de moyens. Sous le leadership du Chef de l’État, les réformes et innovations dans la gouvernance des finances publiques marquent une ère nouvelle dans le système fiscal.
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d’échanges d’informations et de données entre les services des Impôts, des Douanes et l’APIP, dont les interconnexions et les interfaçages sont déjà supportés par fibre optique. En vue de renforcer les passerelles entre les régies des Douanes et des Impôts, deux comités de réforme ont été respectivement créés à la DNI et à la DGD. Aujourd’hui, l’attribution du Numéro d’Identification Fiscale permanent (NIFp) aux contribuables est appuyée par leur géolocalisation et une centralisation des informations les concernant dans la base de données fiscales de la DNI. Pour accélérer le processus de régularisation, un moratoire a été accordé aux contribuables ne disposant pas de NIFp pour se régulariser auprès du Bureau spécial de régularisation fiscale, mis en place à la Direction Nationale des Impôts. À l’issue de la période de régularisation, les opérateurs économiques non régularisés ne pourront plus effectuer les formalités douanières, ni être éligibles aux marchés publics.
Le Département a instauré les référentiels des délais de traitement des dossiers par les différents acteurs de la Chaîne de la Dépense, en vue de fluidifier le circuit de traitement des dossiers.
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M. Ismaël Dioubaté, Ministre du Budget
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MINISTÈRE DU BUDGET Réformes et modernisation des douanes Optimiser le rendement des services des douanes pour faire de la Guinée un pays émergent : le pari gagné du Président de la République, Pr. Alpha Condé Depuis 2010, la Direction Générale des Douanes est engagée dans un vaste programme de réformes et de modernisation en vue d’apporter des solutions appropriées aux problèmes organisationnels, juridiques, fonctionnels et opérationnels qui se posent à elle.
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our être plus moderne, performante, transparente au service du développement de la nation, la Direction Générale des Douanes est pilotée à travers trois plans stratégiques. Ces plans ont été déclinés en plans d’actions annuels qui indiquent les activités et missions essentielles du Département en vue d’un meilleur suivi et évaluation de sa mise en œuvre. Le plan stratégique (2018-2022) comprend cinq axes stratégiques : 1. Améliorer le Leadership et la Gestion stratégique ; 2. Optimiser la Gestion des ressources humaines, matérielles et financières ; 3. Adapter le cadre juridique (législation et réglementation) et renforcer la lutte contre la fraude ; 4. Faciliter les procédures douanières et optimiser les Technologies de l’Information et de la Communication ; 5. Redynamiser la communication, la coopération et le partenariat avec l’extérieur. Chaque axe est assorti d’objectifs précis, d’actions à mener, de l’identification des structures d’exécution, de délais de réalisation, d’indicateurs de performance, de résultats attendus et de coûts prévisionnels.
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Principales réformes Amélioration du cadre institutionnel et du management stratégique ; Optimisation de la Gestion des ressources humaines, infrastructurelles et matérielles ; Adaptation du cadre légal et réglementaire, et lutte contre la fraude ; Facilitation des procédures douanières et optimisation des Technologies de l’Information et de la Communication ; Dynamisation de la communication, de la coopération et du partenariat avec l’extérieur.
Perspectives Pour soutenir la nouvelle dynamique au niveau des services des Douanes, les efforts de réformes et de modernisation s’articulent autour de projets et d’activités : Poursuite de l’élaboration des projets de textes d’application du Code des Douanes et leur vulgarisation ; Mise en place d’une structure de veille pour la diffusion, la prise en compte et l’analyse des préoccupations des parties prenantes ; Poursuite de la mise en place effective de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et Carrière (GPEC) en fonction des besoins de l’administration ; Mise en œuvre de l’Accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur la facilitation des échanges en rapport avec les autres partenaires ; Promotion des actions sociales, culturelles et sportives pour développer l’esprit et l’appartenance de corps ; Poursuite de la construction des infrastructures du service (École des Douanes, locaux servant de bureaux, etc.) ; Vulgarisation de l’utilisation des instruments et outils de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) ; Déploiement de Sydonia World dans les Bureaux de Douane de l’intérieur du pays ; Mise en place d’un processus évoluant vers le statut d’Opérateur Économique Agréé (OEA) ; Renforcement des capacités du Service de la Communication et des Relations Publiques en vue de développer la communication interne et externe du service et de développer le partenariat Douanes-Secteur privé ; Renforcement du contrôle interne au sein des services des Douanes. http://www.mbudget.gov.gn
Tel. : (224) 654 00 11 11 / (224) 661 00 11 11
DOSSIER SPÉCIAL GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
Louis Camara Fondateur de Kamsar Petroleum Portrait d’un self-made-man
À la tête de trois sociétés florissantes, le jeune homme d’origine modeste aimerait être un modèle de réussite pour une génération pourvue d’idées et d’ambitions. par Emmanuelle Pontié
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n le croise parfois en début de soirée, seul, attablé à la terrasse de l’hôtel Noom, regardant l’océan. Louis Camara, 35 ans, originaire de Boffa, en jean, polo et montre de prix vissée au poignet, incarne une réussite à la guinéenne. Avec un parcours 100 % local, il est aujourd’hui à la tête de trois sociétés florissantes. Issu d’une famille modeste, un papa ouvrier polyvalent à la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) et une mère au foyer, il naît le 27 avril 1984, à 150 kilomètres de Conakry. Son bac en poche, il entre à l’Institut supérieur des mines et de géologie de Boké en 2002. Il en sortira ingénieur des mines en 2007. « Avec mention excellent ! » précise-t-il sans modestie. Sa route semble alors tracée, et il entre en stage chez CBG, à Sangarédi. Mais Louis, à 27 ans, a envie d’autre chose. Il décide de se faire un pécule dans le business des télécentres. « J’ai commencé avec 300 000 GNF (30 euros) en poche, avec lesquels j’ai acheté des cartes de téléphone, pour 100 000 GNF chez les trois opérateurs MTN, Orange et Intercel, se souvient-il. Ça a bien démarré, et en économisant, j’ai réussi à vendre des consommables, du papier et autres. J’ai monté ma société High Line Services. Ça marchait bien. » Un jour, il écoute l’émission Débat africain, animée par Alain Foka sur RFI, où de jeunes pétroliers africains, issus d’écoles à l’étranger, ont pris leur destin en mains et travaillent pour de grands groupes. Notamment Mohamed J. Ndao, un trader sénégalais basé en Suisse. « Ce monsieur m’avait beaucoup intéressé et j’étais persuadé que l’on pouvait travailler ensemble en Guinée. J’ai trouvé ses coordonnées sur Google, je l’ai appelé, je l’ai convaincu et j’ai sauté dans un avion pour aller le voir à Genève. » AFRIQUE MAGAZINE
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Ils s’associent très vite. « Mohamed J. Ndao avait l’expertise, des compétences dans le domaine pétrolier et des connexions à l’extérieur. Et sur le plan local, je connaissais par cœur le terrain et les entreprises avec lesquelles nous pouvions développer nos affaires. » Ils montent en 2015 Okapi, une société de trading, puis Kamsar Petroleum qui opère dans le pétrole, et enfin Hummingbird Guinea Mining Corporation, qui fournit des agrégats (gravier, dolérite, granit) utilisés dans les grands chantiers de génie civil. « Un business global qui tourne aujourd’hui autour de 15 millions de dollars pour les trois entités, qui emploie 120 Guinéens, surtout des jeunes, et génère de nombreux emplois indirects », confie Louis Camara. Dernier projet d’expansion : apporter le carburant dans les villages reculés du pays, à l’aide de stationsservice mobiles. « Il s’agit de containers de 60 000 litres d’essence incorporés dans une cuve, et que l’on peut déplacer. Pour le moment nous en possédons quatre, opérationnels, et nous allons en acquérir d’autres », explique le jeune directeur général de Kamsar Petroleum. Et en 2020, les deux associés comptent se lancer dans le domaine du gaz, avec une implantation possible au Sénégal. En attendant, Louis Camara aime l’idée d’être déjà un joli modèle de réussite pour la jeunesse : « Il faut que les jeunes en finissent avec les rêves fous d’émigration, et qu’ils arrêtent de partir mourir dans le Sahara ou dans les eaux méditerranéennes. Ils doivent rester en Guinée, se battre, s’unir s’il le faut, faire des études, avoir des idées et de l’ambition. Tout est à faire ici. Le pays regorge de potentiel. C’est à eux d’en profiter. » Autrement dit, suivez le guide… ■ 79
DOSSIER SPÉCIAL GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
Télécoms Bientôt le temps de la 4G La convention signée avec ORANGE GUINÉE doit améliorer et étendre le réseau de la téléphonie et du numérique sur tout le territoire par Emmanuelle Pontié, avec Mady Bangoura
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Conakry, et contrairement parfois à certaines autres capitales africaines, les réseaux Internet, dont le visiteur profite dans son hôtel ou via le wi-fi de certains restaurants, fonctionnent parfaitement. Il en est de même pour la qualité des appels et autres roamings avec l’international. Il faut dire que le secteur des télécommunications a connu une ascension fulgurante ces dernières années. À ce jour, les investissements publics dans la téléphonie mobile se chiffrent à plus de 3 000 milliards GNF et à près de 7 000 milliards pour les établissements privés. « Avec un taux de pénétration Internet de 0,4 % en 2011, on est aujourd’hui passé à plus de 33 %. Ce qui nous classe dans le top 3 des pays de la sous-région, alors que dans un passé proche, on figurait parmi les derniers dans ce domaine », souligne Moustapha Mamy Diaby, ministre des Postes, Télécommunications et de l’Économie numérique. Âgé de 47 ans, cet ingénieur est expert en gestion et régulation des TIC (Technologie de l’information et de la communication). Il a débuté chez un opérateur, avant de partir faire de la formation à Dakar. Puis, il est entré à la commission de l’Union africaine pour s’occuper des politiques de déve-
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loppement des télécommunications en Afrique, tout en étant le co-coordinateur de l’Accord sur le développement des infrastructures des TIC dans le cadre du partenariat AfriqueUnion européenne. Il est ensuite revenu en Guinée comme directeur général de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARTP), pendant cinq ans. Enfin, il a rejoint le gouvernement en janvier 2016. Depuis cette date, les chiffres ont fait des bonds : « Nous avons amené les différents opérateurs à investir à l’intérieur du pays pour couvrir les zones rurales à désenclaver. Résultat, en cinq ans, nous sommes passés de 15 % à 85 % de couverture nationale, et de moins de 20 % de taux de pénétration pour la téléphonie à 102 %. Ce qui signifie que nous offrons plus de lignes que nous n’avons de citoyens », a-t-il déclaré. Et cela avec trois sociétés actives à ce jour (Orange, MTN et Cellcom). En effet, l’entreprise nationale Sotelgui a fait banqueroute et Intercel a dû fermer pour n’avoir pas respecté son cahier des charges, notamment sur le volet des investissements. Le 14 mars dernier, Moustapha Mamy Diaby a signé la première convention de licence 4G avec Orange Guinée pour une durée de dix ans. Il était entouré du ministre d’État, chef AFRIQUE MAGAZINE
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L’État demande aux opérateurs de couvrir les zones rurales.
La marque française détient 67 % du marché, devant Cellcom et MTN.
de cabinet de la présidence de la République, Dr Ibrahima Khalil Kaba, et du ministre de l’Information et de la Communication, Amara Somparé. Ce contrat, qui était très attendu, fixe comme exigences, entre autres, la couverture de l’ensemble des districts, axes routiers et ferroviaires du pays en 2G et 3G, et prévoit également celle de toutes les villes et chefs-lieux des préfectures et sous-préfectures en 4G. Coût de l’opération : 90 millions de dollars.
À travers l’obtention de cette licence, l’opérateur majore son offre, loin devant ses deux concurrents, MTN et Cellcom. Selon les porteurs du projet, le réseau 4G devrait être opérationnel courant mai 2019. Cela vient attester la position de la filiale guinéenne du géant français de la téléphonie, arrivé en 2007 et qui, en fin d’année 2018, avait 67 % des parts du marché, contre 18 % pour Cellcom et 15 % pour MTN.
UN CONTRAT DE 90 MILLIONS DE DOLLARS Dans son discours, Sadikh Diop, le directeur général d’Orange Guinée a déclaré : « Notre vision est d’être l’opérateur digital préféré des Guinéens, reconnu pour son leadership sur la qualité de ses services, son expérience client incomparable et sa contribution à la transformation de la vie des populations. » Satisfait, pour sa part, du rythme de progression des investissements dans le monde des télécommunications et des nouvelles technologies de l’information, Moustapha Mamy Diaby a salué l’arrivée d’une nouvelle ère dans ce paysage guinéen. Il a ainsi déclaré : « Cette convention de licence se démarque de celle de 2007 par le fait qu’elle est accompagnée de cahiers de charges précis et très détaillés ; par des mécanismes de suivi et d’évaluation avec un processus d’identification des défaillances, qu’elles soient d’ordre technique ou qu’il s’agisse d’abus à l’égard des consommateurs. Et ils sont complétés d’un mécanisme de pénalité. » Il a également recommandé à l’ARTP et à Orange Guinée de veiller au respect du contenu de cet accord et de ses annexes.
AU PROGRAMME : LES CYBERÉCOLES Demain devrait également confirmer la poursuite de l’amélioration de la couverture nationale. Pour le ministre Moustapha Mamy Diaby, « Il appartient à l’État de prendre des dispositions pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de citoyens de seconde zone chez nous. Chacun, où qu’il vive, doit avoir la possibilité d’être connecté, de passer des appels internationaux sans souci. » Enfin, côté Internet et cybersolutions, le pays, qui s’enorgueillit aujourd’hui de donner des conseils à leurs voisins africains en matière de TIC ou de partage d’infrastructures entre états, a décidé de se lancer dans un grand projet : les cyberécoles. Il s’agit de salles équipées de 26 ordinateurs, installées à l’attention des élèves et des professeurs, dans les établissements secondaires et les universités. 100 d’entre elles sont déjà opérationnelles. L’objectif est d’en ouvrir 200. Puis viendra le moment d'établir une première évaluation concernant le niveau d’appropriation et l’impact de son efficacité. Les retours enregistrés au ministère concerné semblent très encourageants. Et ce programme, où la Guinée fait figure de pionnière, intéresserait déjà d'autres états limitrophes. ■
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La pratique de LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME à la Banque Centrale de la République de Guinée Dans le but d’assurer l’intégrité des transactions financières qu’elle réalise, de maintenir des relations saines avec les partenaires techniques et financiers et de se mettre en conformité avec les meilleures pratiques et les standards internationaux, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) s’est engagée, ces cinq dernières années, dans un projet ambitieux d’implémentation de son dispositif interne de Conformité, notamment dans le domaine de la Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC/FT).
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ette dynamique a été lancée par la mise en place de la Décision N° 028/ DGSIF/DSB du 13 août 2014 portant organisation du dispositif de LBCFT (BCRG). En raison des difficultés d’opérationnalisation du processus constatées, les Autorités monétaires ont pris la Décision N° 076/ DGCP/LBC-FT du 18 décembre 2017 relative au dispositif interne de LBC-FT à la BCRG. Cette Décision a permis de créer le Comité de Conformité LBC/FT, lequel est devenu la force opérationnelle du dispositif, et de désigner un Responsable en charge de la Conformité. Dans la même foulée, l’unité de Conformité a été recomposée. Cette démarche a permis, non seulement d’intégrer dans le champ d’action du Comité la dimension Conformité juridique, mais aussi de prendre en compte certaines directions opérationnelles qui pourraient jouer un rôle important dans le fonctionnement du dispositif.
Le siège rénové de la Banque centrale de la République de Guinée.
Pour permettre au processus de fonctionner avec l’efficacité escomptée, la BCRG a obtenu du département juridique du Fonds Monétaire International (FMI) un accord d’assistance technique qui a, par la suite, été étendu à tout le dispositif national de LBC-FT. Un processus d’évaluation nationale des risques de BC-FT est en cours sur la base d’un plan triennal d’assistance technique.
M. Nianga Komata Goumou, premier ViceGouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée.
Dr. Lounceny Nabé, Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée.
Depuis la mise en place du Comité interne de Conformité LBC-FT, de nombreux travaux ont été réalisés, tels que : ■ la conception du document portant politique globale de LBC-FT, présenté et approuvé par le Conseil d’Administration de la BCRG ; ■ la conception d’un modèle de reporting sur les risques de LBC-FT ; ■ la conception de questionnaires de connaissance de clients (KYC), suivant la typologie des opérations et de la clientèle de la BCRG ; ■ la conception d’une cartographie des risques de BC-FT (en attente de vulgarisation) ; ■ la présentation au Conseil d’Administration de rapports périodiques sur l’implémentation du dispositif et sur la conformité législative de la BCRG. Dans le même cadre, la BCRG bénéficie d’un accompagnement du Cabinet KPMG, qui a permis de mettre en place un processus de traçabilité et de surveillance des flux de devises étrangères dans le sys-
tème financier guinéen, l’objectif étant de n’autoriser les transferts auprès des correspondants étrangers que des encaisses parfaitement identifiées. Au même moment, des travaux ont été accomplis avec d’autres experts, notamment dans le domaine de la sécurisation financière des transferts physiques de devises auprès des correspondants étrangers et de la formation, non seulement du personnel interne, mais aussi des agents de change et des banques commerciales. Dans le domaine de la sécurisation des opérations à l’international, la BCRG a fait l’objet d’un audit de Conformité de son système SWIFT, par un Cabinet international. Les résultats ont été satisfaisants. Afin de renforcer les capacités internes, un accent particulier est mis sur la formation, notamment le benchmarking auprès d’autres banques centrales sur le fonctionnement de leurs dispositifs de LBC-FT.
BCRG Banque Centrale de la République de Guinée née
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Agriculture
Le salut viendra de la terre Le développement passera par là. La sécurité alimentaire est un IMPÉRATIF STRATÉGIQUE, et le secteur emploie près de 80 % de la population.
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par Ibrahima Cissé
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Un champ de riz, à Kolabougny.
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a Guinée de demain se construira à partir de l’agriculture. La formule n’est pas une vue de l’esprit. Elle prend appui sur une réalité qui s’impose d’ellemême : un potentiel agricole estimé à 6,2 millions d’hectares de terres arables, un secteur qui occupe près de 80 % de la population et à partir duquel 57 % des ruraux tirent l’essentiel de leurs revenus. Cependant, sa contribution au PIB reste limitée à environ 19 %. L’agriculture a donc été placée au cœur de la politique de développement du pays. Le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020 conçu comme un instrument d’opérationnalisation de la Vision « Guinée-2040 » y met un accent particulier. Pour l’État, c’est grâce à la modernisation et à l’augmentation du rendement de l’agriculture que le pays pourra atteindre la sécurité alimentaire. Pour cela, un programme né d’une initiative du président de la République a été mis en route pour la période 2016-2020 : le Programme accéléré de sécurité alimentaire nutritionnelle et de développement agricole durable (Pasandad). Il insiste sur le besoin d’un développement des filières agricoles. Dès son arrivée au pouvoir, le professeur Alpha Condé, a engagé plusieurs projets en faveur du développement de l’or vert. On les appelle « les Initiatives présidentielles ». Elles ont trait au vaste champ des cultures de rente, à grande valeur commerciale, propres à procurer des revenus conséquents à leurs exploitants, les sortir de la pauvreté et explorer les marchés extérieurs. Ainsi, pour permettre à la Guinée de tirer le meilleur profit de l’anacarde et rétribuer à sa juste valeur le travail des producteurs, le président de la République a ouvert, en 2016, le chantier de développement de la filière. La première mesure a été la fixation d’un prix plancher de 5 000 francs guinéens (GNF) le kilo de noix de cajou qui se vendait de 1 000 à 2 500 GNF. Résultat : 204 832 ha ont été plantés par 71 345 producteurs en 2016. La progression va se maintenir en 2017 avec une superficie de 258 214 ha plantée par 83 003 producteurs. Au total, sur les deux années de campagne (2016-2017 et 20172018), ce sont 463 046 ha de nouvelles plantations qui ont été créées pour 154 348 producteurs. Dans les zones de production, les rendements moyens à l’hectare sont de l’ordre de 350 à 600 kg. En 2017, le pays en a exporté 70 000 tonnes. 85
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Objectif des autorités : se hisser parmi les économies agricoles compétitives. 86
2020. La production moyenne annuelle est de 14 400 à 21 600 tonnes de cacao marchand. Le palmier à huile est une culture traditionnelle pour des millions de Guinéens vivant surtout sur les terres de la Basse Guinée et de la Guinée forestière. Cette dernière a vu 287 ha plantés par les producteurs ces dernières années. Si des prépépinières ont été réalisées en 2016 pour la mise en valeur de 1 900 ha, il reste que de sérieux efforts sont à faire pour passer de la production de type traditionnel à une production de type industriel. Qui disait que l’huile de palme malaisienne est d’origine guinéenne ? Enfin, que peut-on dire du sésame blanc, si ce n’est que sa culture est en expérimentation. Environ 498 ha sont mis en valeur au Centre de Bodo par les producteurs semenciers. On espère étendre cette superficie à 1 500 ha pendant la campagne agricole 2019. UN CHOIX RAISONNÉ D’importantes ressources sont injectées dans le secteur qui voit les ménages bénéficiant de conseils agricoles et d’encadrement passés de 70 800 en 2011 à 115 000 en 2018 soit un accroissement de 63,5 %. Ce qui est un gage pour l’amélioration de leur efficacité au travail. En outre, des dizaines de milliers
La ministre de l’Agriculture Mariame Camara.
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LES INITIATIVES PRÉSIDENTIELLES Après plusieurs campagnes mortes, la culture de coton pratiquée surtout en Haute Guinée et en Moyenne Guinée Nord, a été relancée en 2011. Les superficies mises en valeur sont passées de 4 122 ha en 2011-2012 à 7 951 ha en 2018 pour une production de coton graines de 6 801 tonnes. Quant aux cafés arabica et robusta, reconnus pour leur qualité mais en net recul ces derniers temps, le pari du président est de leur donner un regain de souffle. Pas moins de 698 952 ha de terre couvrant la région de la Moyenne Guinée, qui compte huit préfectures, ont donc été mis en valeur en café arabica au profit de 3 852 exploitants auxquels 1 755 308 de plants ont été distribués pour une promesse de 2 460 209 plants. S’agissant du café robusta, la Guinée forestière, zone de prédilection pour cette variété, n’en exploitait que 180 000 ha jusqu’en 2015. Cette superficie s’est désormais agrandie de 30 000 ha de nouvelles plantations nées de l’Initiative présidentielle. Les rendements des caféières existantes varient entre 300 et 400 kg/ha par an. La Guinée est aussi réputée pour la qualité de son ananas. La relance de la filière est apparue aux nouvelles autorités comme un impératif. C’est ainsi que les deux grands bassins de production dans les périmètres de Friguiagbé (préfecture de Kindia) et de Maférinyah, (préfecture de Forécariah), ont bénéficié d’appuis en matière d’encadrement des producteurs et de fourniture de matériels d’irrigation et d’intrants. La suite, c’est une augmentation des superficies et, par conséquent, des rendements, qui passent respectivement de 250 à 450 ha et de 35 à 40 tonnes/ha. Les normes de qualité s’en trouvent également amélioLe riz est rées et alignées sur les standards admis sur une denrée le marché extérieur. Jusqu’en 2015, la Guinée de base dans comptait environ 5 999 ha de cacaoyers planla consommation tés. Aujourd’hui, rien qu’entre 2016 à 2017, des Guinéens. cette superficie a été portée à 7 355 ha en milieu paysan. Ces nouvelles plantations sont composées de « cacao Mercedes » et ne verront leur première production qu’à partir de
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de tonnes d’engrais à des prix subventionnés, de semences de riz, de maïs et de soja, des dizaines de milliers de litres d’herbicide, d’insecticide et de fongicide ont été mis à la disposition des agriculteurs afin d’améliorer leurs productions. Denrée de base dans la consommation des ménages, la production de riz est au cœur des choix prioritaires. Chaque Guinéen consomme, en moyenne par an, de 80 à 120 kg de riz. C’est donc en toute logique que les plus hautes autorités du pays font de la production rizicole le socle de la sécurité alimentaire. Il en découle l’initialisation et la mise en œuvre de nombreux projets, tels que le Projet des systèmes d’appui à la riziculture en territoire de mangrove (Saritem) qui couvre tout le littoral guinéen ; le Projet de désenclavement des zones de rizipisciculture en Guinée forestière et agricole en Basse Guinée et le Projet de partenariat pour le développement de système rizicole durable en Afrique subsaharienne, réalisé sur financement du Venezuela. Dans cette série de projets, il y a lieu de donner de la résonance au Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest-Guinée (PPAAO-Guinée) pour ses performances. Sur la base d’une grille d’analyse des résultats, stricte et rigoureuse, le projet guinéen s’est vu décerner la mention « très satisfaisant » par la Banque mondiale et le Conseil Ouest et Centre africain pour la recherche et le développement (Coraf) lors de l’évaluation des pays du programme en novembre 2018 à Niamey. Et pour cause ! En Guinée, en deux ans, le nombre de bénéficiaires utilisant les technologies générées par les autres pays de l’espace PPAAO est passé de 100 000 à 149 356 producteurs. Une autre raison est la progression spectaculaire des superficies implémentées par les technologies et innovations du projet qui ont quasiment doublé pour atteindre 416 150 ha en 2018. Le tout est couronné par le nombre important de 308 450 producteurs bénéficiaires sur une prévision annuelle de 300 000. La production de riz devrait continuer son ascension entamée depuis la campagne agricole 2010-2011. De cette campagne à celle de 2017-2018, la production rizicole a évolué de 1 793 135 tonnes de paddy à 2 339 747 tonnes. Les autres spéculations vivrières ont suivi la même tendance haussière. La production de maïs a évolué de 611 294 tonnes de paddy à 818 544 tonnes, celle de fonio de 408 999 tonnes de paddy à 508 525 tonnes. Les productions d’arachide et de manioc, elles, se sont accrues respectivement de 352 779 tonnes à 770 105 tonnes et de 1 112 585 tonnes à 1 895 396 tonnes. La ministre de l’Agriculture Mme Mariame Camara a récemment rendu compte du bilan de son secteur lors d’une conférence de presse. Elle estime que « tant d’investissements consentis dans la mise en œuvre des programmes du secteur agricole sont à la base des performances agricoles enregistrées ». Et fonde l’espoir que « dans les prochaines années, la Guinée pourra se hisser parmi les économies agricoles compétitives ». ■ AFRIQUE MAGAZINE
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Un nouveau départ pour la Soguipah ? La Société guinéenne des palmiers à huile et d’hévéa a un nouveau patron. Michel Bémy doit redresser la barre des finances du fleuron de l’agro-industrie.
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A SOCIÉTÉ GUINÉENNE des palmiers à huile et d’hévéa (Soguipah) est sur un piédestal, considérée comme le fleuron national de l’industrie agroalimentaire. L’entreprise publique a vu le jour en 1986, à une époque où les politiques cherchaient « à développer des pôles agricoles » pour redynamiser « les chaînes de valeur agro-industrielles ». C’est « l’une des rares réussites des établissements publics dans notre pays », affirme Michel Bémy, nommé directeur général de la Soguipah en février 2019. Il succède à Mariame Camara, qui a passé trente ans dans l’entreprise, d’ailleurs surnommée Mariame Soguipah ! « Depuis 1989, j’ai gravi tous les échelons. De responsable filière des corps gras, j’ai été coordinatrice avant d’être nommée directrice générale adjointe. Et de directrice générale adjointe, je suis passée directrice générale », résumait-elle lors de la passation de pouvoir avec Michel Bémy, directeur général adjoint des Impôts. Depuis sa nomination comme ministre de l’Agriculture en décembre 2017, Mariame Camara cumulait les deux fonctions. En Guinée forestière, à Diécké, siège de la Soguipah, l’absence de la directrice générale avait fait place à l’inquiétude. L’Union des planteurs a même redouté ouvertement la fermeture de la société… Fondée en 1986 avec un capital social de 40 milliards GNF (3,8 millions d’euros) détenu à 100 % par l’État, la Soguipah agit sous la forme d’une société anonyme, avec une autonomie de gestion. Elle emploie 4 837 salariés. À Diécké, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec le Liberia, s’étendent des champs d’hévéa et des palmeraies à perte de vue. L’entreprise publique possède 6 000 ha d’hévéas et un peu moins de 3 000 ha de palmiers à huile. Elle s’approvisionne aussi auprès de 2 800 planteurs affiliés à l’entreprise, qui exploitent 1 800 ha d’hévéas et autant de palmiers. Et de 3 800 planteurs privés, fournisseurs de la Soguipah, qui travaillent 8 630 ha d’hévéas et 1 720 ha de palmiers à huile. ■ Jean-Michel Meyer 87
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN GUINÉE
Bailleurs et Gouvernement misent sur le PPAAO « Des progrès remarquables dans le processus d’appui à la sécurité alimentaire en Guinée », a déclaré en mars dernier Mariame Camara, Ministre de l’Agriculture guinéenne. Financé par la Banque Mondiale, le PPAAO est parvenu en quelques années à renforcer l’impact de son ministère de tutelle sur les agriculteurs guinéens.
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e financement additionnel au PPAAO/ WAAPP, indi quait en substance la Ministre, a permis d’atteindre des résultats élogieux en termes d’appui en intrants aux producteurs et aux services techniques de mon ministère de réaliser des actions concrètes sur le terrain. Que la Banque Mondiale et l’équipe de coordination du Projet trouvent en ces mots l’expression de toute notre satisfaction. » Quelques semaines plus tard, à quelque 700 km de Conakry, le PPAAO lançait une autre action phare de son Programme : une campagne massive de distribution de chèvres rousses en provenance de Maradi, au Niger, et de poules baptisées « Wassachiè », venues du Mali, à de petits fermiers guinéens. Cette nouvelle race de volaille a la particularité d’être plus féconde. La campagne lancée à Kankan illustre le rôle de moteur de croissance que les autorités guinéennes entendent faire jouer à l’agriculture dans le développement économique et social. Depuis 2010, le chef de l’État guinéen fait de l’agriculture son cheval de bataille. Les slogans ne manquent pas pour remettre les Guinéens sur le chemin de la production agricole. Dans ce vaste chantier, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) s’est taillé la réputation de Projet « phare » de la Banque Mondiale et des dirigeants guinéens. Le PPAAO existe grâce à la volonté de la CEDEAO, qui a pris la mesure des défaillances dans le secteur agricole et rural, et a décidé de mettre en place un prêt programmatique adaptatif régional, qui a couvert 13 pays de l’espace ouest-africain. Ce Programme a fait de la recherche et du transfert des technologies le levier de la croissance du secteur agricole. En Guinée, le Projet est dans sa phase additionnelle, qui est financée par la Banque Mondiale à concurrence de 23 millions de dollars US. La première phase du Projet, clôturée
Le Chef de l’État guinéen, Pr Alpha Condé, visitant un stand du PPAAO. À sa gauche, le Coordonnateur du Projet.
en 2016, avait bénéficié d’un don japonais et s’est achevée par des résultats concluants. Le PPAAO s’est déjà illustré il y a quelques mois par d’autres actions d’envergure en fournissant aux paysans des semences à haut rendement, des outillages et équipements agricoles, des caprins, des alevins. Le PPAAO s’illustre tout aussi parfaitement dans la formation des jeunes chercheurs, des cadres et des techniciens des services de l’encadrement des producteurs. Pour boucler ces appuis au monde paysan guinéen, le Projet vient de livrer, clé en main, deux plates-formes de transformation de riz dans deux importants bassins de production rizicole de la Guinée et poursuit l’achèvement de cinq autres. Ces plates-formes bénéficieront à 13 870 producteurs, dont 85 % sont des femmes, regroupés autour de 75 coopératives, et permettront de générer près de 1 000 emplois en milieu rural, pour une production annuelle de 15 000 tonnes de riz net.
Des appuis massifs en semences améliorées Pour les appuis en semences améliorées, le Projet a pu apporter ces dernières années près de 8 000 tonnes d’intrants en tout genre : soja, riz, maïs, moringa. Ces campagnes ont pu toucher environ 310 000 producteurs, qui ont mis en valeur quelque 420 000 ha de cultures.
Un Projet transversal À tous ces appuis orientés vers les producteurs agricoles et les éleveurs s’ajoutent les nombreuses interventions du PPAAO auprès de l’administration et des autres acteurs, notamment la mise à disposition de moyens et d’équipements de travail, mais aussi d’équipements de locaux, de laboratoires, de centre de formation et de vulgarisation.
1. Votre Programme a bénéficié d’une reconnaissance de la Banque Mondiale et de la coordination régionale basée à Dakar, le CORAF. Une réaction ?
Le PPAAO appuie fortement la recherche agricole.
Nous sommes flattés. Il existe une synergie entre l’ensemble des services techniques impliqués dans la mise en œuvre du PPPAO, les producteurs et la coordination du Projet. C’est le premier facteur de notre réussite. Mais les défis qui nous attendent sont plus importants. Nous ambitionnons d’achever ce Programme cette année avec un taux d’exécution aussi bien financier que physique de 100 %. Pour la coordination du PPAAO et ses partenaires techniques, notre bon classement montre que la Guinée peut avancer sur le plan de la transformation de son secteur agricole et parvenir à l’autosuffisance alimentaire, comme nous le rappelle le Chef de l’État, premier soutien de ce Projet.
2. Il semble qu’une partie du personnel, notamment à la Recherche et au Conseil Agricole, est vieillissante. Le PPAAO Guinée a-t-il une stratégie d’anticipation ? C’est l’un des soucis du ministère de l’Agriculture, qui assure la tutelle de notre Projet. Comment amener les jeunes, qui ne croient pas assez en la recherche agronomique comme instrument de réalisation personnelle, à s’y intéresser ? Le PPAAO s’est investi dans le renforcement des capacités des jeunes diplômés. En deux ans, notre intervention a permis de compléter la formation postuniversitaire de trois chercheurs en PhD et de 40 autres en master, dont 20 sont à l’université d’Ibadan (au Nigeria). Par ailleurs, d’autres niveaux de formation sont donnés aux déscolarisés ou diplômés sans emploi dans
3 QUESTIONS À… Dr Boubacar Diallo Coordonnateur national du PPAAO en Guinée
les zones rurales, et à des jeunes sortant des écoles professionnelles d’agriculture et d’élevage. Au total, plus de 700 jeunes ont bénéficié de diverses formations qualifiantes.
3. Un dernier mot ? À l’endroit de nos partenaires, je veux réitérer mes sentiments de satisfaction pour la qualité de la collaboration. Et à l’attention des autorités politiques, en premier lieu la Ministre de l’Agriculture, que je remercie pour le soutien et l’accompagnement dont le Projet fait l’objet de leur part.
DES RÉSULTATS EXCEPTIONNELS Les interventions du PPAAO ont permis d’atteindre des résultats qui vont au-delà de ses prévisions. Que ce soit dans le domaine de l’appui aux campagnes agricoles, la formation de jeunes chercheurs, l’appui à la recherche et à la vulgarisation agricole, le Programme s’est illustré par des actions à fort impact. Lors de ces deux dernières campagnes agricoles, près de 8 000 tonnes de semences ont été fournies aux agriculteurs. Signe de la qualité des semences, ceux-ci
ont pu valoriser, en moins de deux ans, environ 420 000 ha de terre. Le transfert des technologies permet de faire circuler, à la demande d’un pays participant, une innovation éprouvée ailleurs dans l’espace CEDEAO. La récente mission d’appui réalisée par le bailleur dénombrait environ 308 450 bénéficiaires touchés par les actions du PPPAO. Sur l’ensemble des technologies agricoles importées par le Projet, 12 ont été adoptées par les producteurs.
UN INSTRUMENT DE LUTTE CONTRE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN GUINÉE Le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO/ WAAPP) est une stratégie de soutien à la coopération régionale en matière d’agriculture en Afrique de l’Ouest, conformément aux plans d’actions des cadres de la politique agricole de la CEDEAO/ECOWAS et du NEPAD (PDDAA). L’approche adoptée pour
le PPAAO repose d’une part sur l’intégration et l’harmonisation des politiques agricoles nationales, d’autre part sur l’établissement de liens étroits entre la recherche, la vulgarisation, les producteurs et les opérateurs privés. L’objectif poursuivi est l’amélioration de la productivité agricole tout en favorisant l’intégration régionale en vue d’une
croissance partagée et de la réduction de la pauvreté. Mise en œuvre depuis janvier 2012, la première phase du Projet a été clôturée le 31 mars 2016. Au vu des résultats satisfaisants, le Gouvernement de la République de Guinée a obtenu un crédit IDA national supplémentaire d’un montant de 23 millions de dollars US pour un financement additionnel
à la première phase du PPAAO Guinée. Le financement additionnel, intervenu en 2107, vise à renforcer la recherche et le développement pour donner plus de dynamisme à la politique du Gouvernement dans le secteur agricole à travers l’Initiative Présidentielle d’Appui au Développement Rural (IPADER).
DOSSIER SPÉCIAL GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
Énergie Le chemin vers l’indépendance
Avec Kaléta, la Guinée a doublé ses capacités, de 212 MW à 450 MW.
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e barrage hydroélectrique de Kaléta est entré en production depuis 2015. Il était censé résorber considérablement le déficit en électricité que connaissent les ménages guinéens, en particulier ceux de Conakry. Et surtout, faire oublier la hantise des nuits d’obscurité auxquelles ils étaient habitués. Pourtant, force est de constater que le compte n’y est pas. On a vu tout récemment à Nzérékoré, la ville la plus grande et la plus peuplée de la Guinée forestière, les populations arborer des pancartes décriant la société Électricité de Guinée. Avec un potentiel hydroélectrique estimé à 6 000 mégawatts pour une énergie annuelle garantie de 19 300 GWh, le pays espérait mieux. Pourtant, le pouvoir, ces dernières années, n’a pas manqué de volonté pour rendre disponible cette « denrée », indispensable à une économie performante et à un développement social.
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Le président de la République, reconnu par ses pairs africains comme le champion de la lutte pour une indépendance énergétique de l’Afrique, a frappé aux portes des puissances étrangères. La Chine a répondu présente et a construit Kaléta, d’une capacité 270 MW. Ce barrage a le mérite de doubler la puissance installée du pays, qui passe de 212 MW à 450 MW. Ce qui n’est pas négligeable mais reste encore en deçà des besoins nationaux et loin de répondre aux objectifs d’accélération de la croissance. Après Garafiri (75 MW), Kaléta doit être célébré comme la deuxième plus belle réalisation hydroélectrique du pays. Elle a une vocation sous-régionale et s’inscrit dans le cadre d’un projet global d’interconnexion des réseaux électriques du Sénégal, de la Gambie, du Mali et de la Guinée. Un pas décisif a été accompli dans ce sens avec la pose de la première ligne d’interconnexion entre ces pays membres AFRIQUE MAGAZINE
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La puissance électrique est indispensable pour alimenter la croissance. Un défi qui passe par la construction de BARRAGES GÉANTS. par Ibrahima Cissé
À Souapiti, la première turbine devrait entrer en fonction en 2020. de l’Organisation de la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG), le 29 novembre 2018 à Linsan, une sous-préfecture de la Guinée. Malgré un ambitieux programme d’électrification rurale lancé depuis des décennies, la lumière est quasi absente des habitudes des ménages, où le taux d’accès y est d’environ 2 %. Pour eux, et c’est sans doute le cas dans beaucoup d’autres pays africains, le bois de cuisine et le charbon de bois sont bons pour se chauffer et cuisiner. En Guinée, la consommation d’énergie par habitant est de moins d’une demi-tonne équivalent pétrole (TEP), dont 80 % provenant de la biomasse. La contribution du sous-secteur de l’énergie est de l’ordre de 0,61 %, selon les comptes nationaux provisoires de 2017 rendues publiques par l’Institut national de la statistique (INS). UN FUTUR LUMINEUX Dans ces conditions, peut-on rêver d’une « Guinée, puissance énergétique régionale », comme l’ambitionnent les autorités ? Vu le potentiel hydroélectrique du pays, ce futur est possible. Le chemin pour y arriver serait le barrage de Souapiti, à quelques encablures de la ville de Dubréka, elle-même située à une cinquantaine de kilomètres de Conakry, sur le fleuve Konkouré. Sa construction, commencée en 2015, prendra fin en 2019, a déclaré le président Alpha Condé. Quatre groupes seront installés, produisant chacun 112,5 MW. La première turbine entrera en fonction en 2020. Ainsi, avec une puissance installée de 450 MW, ce sera le plus grand barrage jamais réalisé en Guinée. Il y est prévu un ouvrage capable d’emmagaAFRIQUE MAGAZINE
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siner un volume d’eau de 11 milliards de mètres carrés, dont une partie servira à Kaléta, le barrage saisonnier. Une usine souterraine y sera construite avec restitution dans la retenue d’Amaria, autre site en aval dont la construction est inscrite à l’agenda du gouvernement. Souapiti pourrait produire en année moyenne 3 milliards de kWh dans sa première étape, et 2 800 milliards de kWh ensuite. Les travaux de construction sur financement de la Chinoise Afrexim Bank intègrent le site d’Amaria (300 MW), deux barrages fonctionnant de façon complémentaire et deux usines. Ils avancent comme le prévoit le calendrier d’exécution. Ce qui fait dire au chef de l’État, dans un élan de satisfaction : « D’ici à cinq ans, la Guinée sera le pays le plus électrifié de toute l’Afrique… » En attendant, le gouvernement compte diversifier ses sources de production en promouvant les énergies renouvelables. Mais pas seulement. Car de gros efforts sont mis dans la réhabilitation de la centrale thermique de Kaloum 5 et ses auxiliaires. Des extensions de réseau dans les zones périurbaines sont entreprises, notamment la construction et l’équipement des 49 postes MT/BT et l’installation du réseau électrique MT/BT dans sept préfectures du pays. L’électrification des localités rurales se poursuit avec la construction et le renforcement des lignes MT/BT pour l’alimentation de 31 localités, par extension du réseau interconnecté, dont 15 en Basse Guinée et 16 en Moyenne Guinée. Avec les barrages de Souapiti et de Amaria, la Guinée pourrait obtenir dans un proche avenir son indépendance et se positionner comme une puissance énergétique régionale. ■ 91
L’aérogare internationale côté piste
L’AÉROPORT INTERNATIONAL DE CONAKRY
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a Société de Gestion et d’Exploitation de l’Aéroport de Conakry (SOGEAC) est une société d’économie mixte, née de
la volonté de développer les infrastructures nécessaires pour faire de l’aéroport l’un des fers de lance de la vitalité économique du pays. Elle est chargée de la gestion, de l’exploitation, de l’entretien, du renouvellement des infrastruc-
Les pompiers sécurisent l’aéroport
tures et du développement de l’aéroport international de Conakry. Dans le cadre de cette mission, elle travaille activement avec ses partenaires pour : Promouvoir la desserte en fidélisant les liaisons existantes et en attirant de nouvelles compagnies aériennes ; Améliorer continuellement la qualité de service et des installations avec une forte prise en compte des mesures de sûreté et de sécurité ; Augmenter la capacité afin de répondre aux besoins opérationnels des usagers ; Moderniser l’aéroport et renforcer la compétence des employés.
L’équipe des hôtesses d’accueil et d’enregistrement
PUBLI-INFOS AFRIQUE MAGAZINE
MIEUX CONNECTÉ AU MONDE
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La salle d’enregistrement
’aéroport de Conakry a enregistré ces dernières années une augmentation significative du nombre de compagnies
aériennes et une augmentation des fréquences des autres compagnies aériennes qui opéraient depuis plusieurs années, ceci a permis d’obtenir des connexions multiples vers les grands hubs internationaux. La desserte a été améliorée avec des prix compétitifs en faveur des voyageurs.
L’aérogare internationale côté ville
La SOGEAC et ses partenaires comptent poursuivre les contacts avec de nouvelles compagnies aériennes afin de renforcer la fréquentation de l’aéroport de Conakry. La SOGEAC remercie Son Excellence Monsieur le Président de la République, le Professeur Alpha Condé et son Gouvernement pour le soutien constant qui a permis de mettre en œuvre sa politique d’ouverture en faveur du développement et de la modernisation de l’aéroport de Conakry.
Le meeting point
DOSSIER SPÉCIAL GUINÉE : LE RETOUR DE L’AMBITION
Tahirou Barry Traoré
Directrice générale de Conakry Terminal
Professionnalisme et confiance À la tête d’une entreprise portuaire en plein essor, la dirigeante pense toujours investissements.
de Conakry Terminal, dans un monde d’hommes. Est-ce un avantage ou un inconvénient ? Tahirou Barry Traoré : C’est sûr, une femme part avec des différences. Mais tout est une question de professionnalisme du nombre de véhicules en circulation, il rencontre des et de confiance. J’évolue dans un monde d’hommes, certes, problèmes d’évacuation. Le sujet de la décongestion urbaine mais j’ai réussi à bâtir une relation de confiance avec mes est une vraie préoccupation pour notre groupe. Nous ne employés, mes supérieurs et mes pairs. Je ne pense pas être concevons pas l’évolution d’un port uniquement dans son perçue comme une femme, mais comme un collaborateur. enceinte. Nous sommes un acteur transverse, et nous nous Évidemment, c’est moins facile de faire une tape dans le préoccupons aussi de ce qui se passe à l’extérieur du site. dos ou de partager une cigarette sur le quai, mais on arrive Avez-vous des projets en cours ? Peut-être pour remédier, à trouver d’autres rituels, et ça fonctionne très bien. justement, à ce souci de congestion ? Conakry Terminal a commencé ses activités en 2011. Sur la partie du terminal à conteneurs, on a massivement En huit ans, qu’est-ce que votre entreprise investi dans les moyens de manutention « L’objectif est a fait évoluer dans l’activité portuaire ? et de stockage. Nous avons acquis quatre Depuis avril 2011, les volumes portiques de parc en juin 2018 pour une de décongestionner équivalents vingt pieds manutentionnés le trafic de contenants. » enveloppe de près de 8 millions d’euros. ont doublé (119 % d’augmentation). Nous Ils nous permettent de gagner en surface disposons d’infrastructures modernes, avec 592 mètres de stockage. Et nous avons lancé un second projet d’un linéaires de quai, plus de 20 hectares de surface de stockage, investissement total de près de 13 millions d’euros, dont dont 3,8 dédiés aux véhicules, des équipements modernes 5 millions de travaux d’infrastructure, pour avoir quatre dont deux portiques de quai et quatre de parc. Et nous avons portiques additionnels. Nous projetons aussi de développer surtout 468 collaborateurs. Au-delà des équipements, nous une zone logistique périurbaine, dans le secteur de Kagbélen, disposons de femmes et d’hommes, formés, compétents. dans lequel nous possédons une concession sur un port sec. Aujourd’hui, le port de Conakry n’a rien à envier aux autres L’idée est d’y aller avec l’ensemble des acteurs portuaires. de la sous-région en matière de modernité. Nous opérons Ce n’est pas un projet Bolloré ; il est porté par la Guinée pour selon les standards internationaux, avec une certification les Guinéens. L’objectif est de décongestionner le trafic de ISO 9001 version 2015 depuis juin dernier. Les usagers ont contenants en les évacuant vers ce lieu, situé à 40 kilomètres gagné en fluidité et en sécurité pour leurs marchandises. de Conakry. Nous envisageons de créer une interconnexion Quelles sont les particularités du port de Conakry ? avec une boucle ferroviaire. Tous les conteneurs arriveraient Nous faisons face à la même problématique que là-bas en train. Avec une plus-value, car une bonne partie de nombreux ensembles urbains africains, à savoir la des marchandises réceptionnées sont destinées à l’intérieur congestion. Le port est situé au bout de la presqu’île de du pays. Elles seraient ainsi déjà positionnées à la porte de Kaloum. Avec la croissance des activités et l’augmentation sortie de Conakry. ■ Propos recueillis par Emmanuelle Pontié 94
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AM : Vous êtes une femme, jeune, à la tête
Industrie De belles promesses pour le futur Approfondissement, diversification, modernisation… La STRATÉGIE de transformation est essentielle en matière d’emplois et de création de richesse. par Ibrahima Cissé
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vec le PNDES (Plan national de développement économique et social), la Guinée s’offre trois options pour l’essor de son industrie manufacturière. Elles se résument ainsi : approfondissement, diversification et modernisation. Tout un processus qui demande une stratégie et du temps. Aussi, une nouvelle politique nationale a vu le jour, assortie d’un schéma directeur axé sur les filières porteuses de croissance. Cette orientation gouvernementale intègre l’investissement, l’application des normes de qualité et la problématique de la production. Elle favorise, par ailleurs, l’élaboration et l’adoption de plusieurs programmes sectoriels concernant la qualification des PME, l’adaptation au besoin du marché, le nouveau Code d’investissements, etc. Grâce à sa mise en œuvre, 19 brevets d’inventions – dont deux primés en or – ont été délivrés ; le café Ziama, l’ananas Baronne et la marque collective de riz local Böra Maalé Fanyi ont obtenu leur label. En outre, des sites exploitables à Conakry et dans les préfectures de Forécariah et de Boké (Massayah, Kouriah, Fandjé, Kamsar…) ont été identifiés. Enfin, en matière « d’économie du savoir », la Guinée s’est classée deuxième en 2015 et en 2018 sur les 17 pays membres de l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle). Mais à l’arrivée, l’État attend de la branche manufacturière qu’elle fournisse davantage d’emplois et de richesses à la population. Avec pour objectif à l’horizon 2020, une contribution à hauteur de 13 % sur le marché du travail, contre 8 % en 2015. Le challenge est de taille au regard de la relative faiblesse actuelle de ce tissu industriel. On compte un peu plus d’une cinquantaine d’établissements, principalement implantés autour de Conakry, qui concentre l’essentiel de l’activité économique et les moyens de production du pays. Ces unités opèrent dans diverses filières. Ainsi, en pleine expansion, s’illustrent la minoterie (avec les Grands Moulins de Guinée comme figure de proue) et la cimenterie (Cimaf, Guinéenne d’Industrie ou encore Ciments de Guinée). Elles mettent désormais la nation à l’abri des importations dans ces deux secteurs. Dans le domaine de l’huilerie, se distingue l’emblé-
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matique Soguipah, en Guinée forestière, qui a fait sortir de la pauvreté de nombreux planteurs. Héritière de l’ancienne Sipeco, Topaz Multi-Industries et ses capitaux indiens se partagent le marché local avec Matic Guinée et Métal Guinée. Deux sociétés, Xinyao (spécialiste de la tôle) et Xinfa Siguiri (fabricant de pièces métalliques pour l’orpaillage) signent la présence chinoise. Quant aux ancestrales brasseries Sobragui et Bonagui, elles ont vu naître la concurrence de la Nouvelle Brasserie de Guinée. Enfin, les entreprises liées aux domaines de l’alimentation, des matériaux de construction, de la savonnerie, de l’emballage, du plastique et du bois viennent compléter ce tableau. UNE QUINZAINE D’USINES EN CONSTRUCTION L’intérieur du pays s’ouvre progressivement, notamment avec la présence des Usines de Tôles de Guinée (UTG), à Labé (Moyenne Guinée) et à Kankan (Haute Guinée). Mais aussi avec Diaouné Agro-Industrie, unité spécialisée dans le traitement de l’anacarde à Kankan, ou bien encore celle destinée à la transformation du kinkéliba à Siguiri, dans le Nord-Est. Sans oublier Ritco et SR Distillerie, situés à Nzérékoré, pour les boissons alcoolisées. Tibou Kamara, ministre d’État et ministre de l’Industrie et des PME, est optimiste. Pour lui, le secteur est promis à un bel avenir : « L’État guinéen doit se concentrer sur la promotion et le renforcement du partenariat public-privé pour l’aménagement et l’exploitation des parcs industriels. Et surtout, sur l’opérationnalisation du Fonds de développement des petites et moyennes entreprises et sur l’Agence d’aménagement des zones industrielles. » Cet espoir est à partager avec lui. Ce tissu économique s’intensifie en effet progressivement. Une quinzaine d’usines sont en construction, dont une pour la fabrication de produits pharmaceutiques, une pour la transformation de céréales, une autre pour celle de la pomme de terre à Timbi Madina (Pita), zone de prédilection de cette culture. Ajoutons également la création d’une raffinerie d’huile… Finalement, l’industrie manufacturière pourvoyeuse d’emplois est peut-être à portée de main. ■ 95
LE PROGRAMME NATIONAL D’APPUI AUX ACTEURS DES FILIÈRES AGRICOLES UN INSTRUMENT NOVATEUR AU SERVICE DES ORGANISATIONS PAYSANNES C’EST QUOI LE PNAAFA ? Le Programme National d’Appui aux Acteurs des Filières Agricoles extension Basse Guinée et Faranah (PNAAFA-BGF) est un partenariat entre les Organisations Professionnelles Agricoles (OPA) de Guinée, le Gouvernement guinéen et le Fonds International de Développement Agricole (FIDA). L’objectif général du PNAAFA-extension BGF est d’améliorer la sécurité alimentaire des populations rurales des régions administratives de Boké, Kindia et Faranah. L’objectif spécifique est d’augmenter la production et la productivité des petits producteurs et autres acteurs dans des filières agricoles porteuses. Le coût global de financement du PNAAFA-BGF est de 29 400 000 USD dont un don du FIDA de 23 millions de dollars US et des contributions du Gouvernement Guinéen de 4,200 millions de dollars US et des Bénéficiaires de 2,200 millions de dollars US (en nature). Le PNAAFA-BGF a démarré ses activités en juin 2015. Il intervient dans les huit préfectures de la Basse Guinée (Kindia, Forécariah, Coyah, Télimélé, Dubréka, Fria, Boffa, Boké) et dans trois préfectures de la région administrative de Faranah (Faranah, Dabola et Dinguiraye). La date d’achèvement est prévue pour le 31 décembre 2019 et la clôture au 30 juin 2020. L’approche du Programme est essentiellement de financer les plans d’actions des OPA dans les filières ciblées. Le Programme cible les petits producteurs agricoles membres d’une organisation paysanne, engagés dans les filières retenues et ca-
pables de mettre à profit les opportunités offertes par le Programme et les autres acteurs tels que les femmes transformatrices, les artisans regroupés en OPA, etc., dont les métiers sont directement liés aux filières ciblées. Il accordera une attention particulière aux catégories les plus vulnérables, dont les femmes et les jeunes ruraux. Les filières agricoles soutenues sont le riz et le maraîchage. Le Programme est structuré en trois composantes : Composante A : Appui aux organisations paysannes faîtières et à leurs investissements.
Composante B : Appui aux services publics et à la finance rurale. Composante C : Gestion des savoirs et Coordination du Programme.
RÉALISATIONS DU PNAAFA-BGF 313 075 personnes issues de 44 725 ménages bénéficient aujourd’hui des appuis du Programme.
Des Fédérations, unions et groupements de base bien structurés, davantage autonomes Les appuis institutionnels du Programme en faveur « L’originalité du Programme réside dans des OPA partenaires ont sa|combinaison d’un appui institutionnel à la permis la structuration de Confédération Nationale des Organisations 305 groupements de base, Paysannes de Guinée (CNOP-G) et ses Cellules la formation de 7 251 élus Techniques Régionales (CTR) en Basse Guinée sur les thèmes institutionnels et|en Haute Guinée avec un appui institutionnel et commerciaux, l’élaboraet économique aux Organisations tion de 111 Plans d’OrientaProfessionnelles Agricoles (OPA) partenaires tion et d’Action (POA) et de du|PNAAFA à travers le financement de leurs 104 plans d’affaires (50,73 %) Plans d’Orientation et d’Action (POA). » et l’organisation de 48 ses-
Travaux de réhabilitation de la piste SouleymaniaGbiri
Bas-fonds aménagés à Kamakoni (12,77 ha), préf. Faranah (26 km) CU Faranah
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complexes d’étuvage construits ; 41,65 km de piste en cours de réhabilitation ; 449 personnes (dont 418 femmes) membres de 44 groupements formés sur les techniques d’étuvage amélioré, de transformation et de conservation des produits.
Séance d’alphabétisation à Tougnifily, préfecture de Boffa
sions d’autoévaluation et de planification (mini CAR, CAR et CAI). Les OP faîtières et leurs membres sont des acteurs économiques solides 11 782 producteurs touchés par l’appuiconseil dont 6 153 femmes (52 %) et 2 753 jeunes (23,37 %) ; 496,34 ha de basfonds/plaines aménagés ; 4 358 producteurs ayant accès aux périmètres aménagés ; 5 863 producteurs ayant accès aux intrants, dont 2 612 femmes (44,55 %) ; 1 100 personnes alphabétisées dont 778 femmes ; 10 072 unités d’équipements légers et 202 équipements acquis ; 44 magasins et
nibilité de travail dans les exploitations, une amélioration de la qualité du riz, des conditions de conservation et de sécurisation des récoltes réduisant les pertes post-récolte.
La promotion des finances rurales Les populations rurales ont accès à des services financiers de qualité et pérennes. Ce volet concerne les appuis à la Faitière des Associations de Services Financiers de la Basse-Guinée (FASeF-BG) et à ses membres (8 sièges d’ASF sont construits et équipés en mobiliers de bureau et matériel informatique, avec formation des techniciens et gérants). La FASeF compte 49 agences/points de Une étude sur les résultats intermédiaires services, 31 064 sociétaires/clients phydu PNAAFA (2018) montre siques, dont 13 990 femmes, que les appuis ont permis ainsi que 1 910 Organisations une augmentation des de producteurs avec un capirevenus de 86 % des bétal social de quatre milliards néficiaires du programme, deux cent quatre-vingtPERSONNES une amélioration de la douze millions deux cent production de 71,8 % des trente mille francs guinéens BÉNÉFICIENT bénéficiaires, une amélio(4 292 230 000 GNF). Les resration des équipements DU PROGRAMME sources prêtables s’élèvent domestiques de 25,3 %, à 1 4 0 1 5 1 1 2 0 0 0 G NF une réduction de la durée des périodes avec un portefeuille de crédit de de soudure de 5 à 2 mois ou de 3 à 1 mois 13 079 769 000 GNF et un résultat brut de selon les régions, un allègement de la pé1 917 156 600 GNF.
28 Champs Écoles Paysans (12 en riz et 16 en maraîchage) ont été mis en place en vue d’améliorer la production et la productivité agricole à travers l’introduction de nouvelles technologies. Ces Champs Écoles regroupent 560 apprenants, qui ont mis en place à leur tour 560 parcelles d’application.
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Guichets ASF Dogomet, préfecture Dabola
Triple dalot (9 ml), Dinguiraye
ASF de Tanènè, préfecture Dubréka
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Cartes postales
Entre richesses naturelles et héritage historique Les QUATRE RÉGIONS du pays offrent un éventail de paysages à couper le souffle et de sites encore trop méconnus des touristes. par Élisabeth Remy
Îles de Loos. Au large de Conakry, cet archipel de 60 km2 regroupe trois îles principales : Roume, Kassa et Tamara. C’est une destination touristique idéale le temps d’un week-end pour s’évader des bruits et du stress de la ville. 98
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Mont Nimba. D’une grande richesse écologique, la réserve naturelle intégrale du Mont Nimba, en partie en Guinée forestière, est classée site du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981.
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Île de Kassa. Située à 20 minutes en pirogue de la capitale, elle attire de nombreux Conakrykas chaque week-end.
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Chutes de Saala. Elles se trouvent au cœur du Fouta-Djalon, cette région montagneuse surnommée « le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » pour ses pluies abondantes.
La Déesse de la Paix. SHUTTERSTOCK - ABDOUL AZIZ DIALLO
Cette sculpture de femme portant un oiseau symbolise la liberté. Elle se trouve sur le Pont 8 novembre, à l’entrée de Kaloum, le centre-ville de Conakry. AFRIQUE MAGAZINE
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LE GROUPE GUINÉE INDUSTRIES implanté à Conakry en République de Guinée, est l’un des principaux acteurs dans la production et la vente de produits métallurgiques et de ciments, à destination des acteurs de la filière du BTP. Crée en 1988, GI TÔLES fabrique sur place dans son usine de Kissosso différents produits à partir d’une matière première principale : l’aluminium. Ainsi la société propose un large panel de tôles, tuiles métalliques ainsi que des accessoires de charpente. Avec une capacité de production annuelle de 50 000 Tonnes GI Tôles occupe aujourd’hui une place de choix dans ce secteur d’activité avec 50% de part de marché dans la vente des produits métallurgiques en Guinée.
- CPJ - CEM II/ B 32.5 N - CHF - CEM III/ A 42.5 N - CHF - CEM III/ B 32.5 N
- CPJ - CEM II/ A 42.5 N
CHINA WATER AND ELECTRIC (CWE)
Avec une capacité annuelle de 1 400 000 Tonnes GI Ciments a su s’imposer comme un acteur incontournable dans ce secteur avec à la clé près de 40% de part de marché ; ce, malgré la présence sur le marché de trois autres usines de ciments. Cette industrie emploie à ce jour un total de 550 personnes employées.
De par son expérience, son savoir-faire, ses produits et services proposés depuis près de 30 ans,
GI CIMENTS est devenu une référence et un acteur incontournable du développement de la filière de la Dans cette usine, environ 250 salariés sont sur les construction en Guinée, avec plus de 70% de part de différentes chaines d’usinage pour fabriquer à la marché de la majorité des projets d’infrastructures et demande, et commercialiser sur l’ensemble du pays miniers (barrages hydro-électriques, routes et ponts, les produits GI Tôles. construction et extension de mines etc….) Autre entreprise du groupe GUINÉE INDUSTRIES, GI Cimentsa débuté ses activités en 2013 sur son site à GI CIMENTS a accompagné ces dernières années Kagbelen. Né d’un partenariat Guinéen-turque, l’usine plusieurs projets d’envergure réalisés dans le pays, produit en flux continue plusieurs différentes variétés de dont entre autres : ciments dont : 1. Construction du barrage hydro-électrique de - CPA - CEM I 42.5 R KALETA (240 MWA) réalisée par l’entreprise chinoise
B.P. 3835 Kissosso, Commune de Matoto-Conakry 660 23 20 23
2. Construction du barrage Hydro-électrique de SOUAPITI (450 MWA) réalisée par l’entreprise chinoise CHINA WATER AND ELECTRIC (CWE) 3. Construction de centaines de logements pour les populations déplacées dans le cadre de la construction de la mine de GUINEA ALUMINA COR-
NOTRE POLITIQUE QUALITÉ Certifiés QUALITE ISO 9001-2015 nous assurons en permanence un niveau de qualité conforme aux normes et exigences légales et réglementaires.
NOTRE POLITIQUE SANTÉ SÉCURITÉ PORATION GAC et de BEL-AIR MINING ALUFER, & ENVIRONNEMENT En février 2018, le Groupe a obtenu les certifications réalisé par L’entreprise WBHO 4. Construction du port minier du projet GAC à AFAQ ISO 14 001 :2015 Management environneKamsar, réalisée par l’entreprise chinoise CHINA HAR- mental et OHSAS 18 001 : 2007 Management de la santé et sécurité au travail. BOUR AND ENGINEERING COMPANY (CHEC) 5. Construction de L’HOTEL SHERATON GRAND CONAKRY, réalisée par l’entreprise TOPAZ Une gratification qui vient booster la position du groupe comme étant le leader guinéen des Tôles et Ciments. GROUP…. 6. Construction des 2 tours (R+25) à Bambéto, réaliAvec tous ces atouts et des projets d’extensions de sée par l’entreprise Weily Kakimbo l’usine de ciments en cours, GUINÉE INDUSTRIES compte 7. Construction du GRAND HOTEL KALOUM, réali- maintenir sa place de leader du marché guinéen tout en sée par l’entreprise SHANGHAI Construction fournissant d’autres produits qui devront contribuer à 8. Projet d’extension de la CBG réalisé par SOGEA faciliter la construction pour tous citoyens. SATOM
9. Réalisation de grands projets routiers par les entreprises GUICOPRES SA et SATOM SA 10. Réalisation de la cité WAQF BID GUINEE, par l’entreprise STC, filiale du groupe SOCIT SA
De 1989 à nos jours GUINÉE INDUSTRIES a largement participé à l’émergence de la Guinée en favorisant de manière indirecte l’employabilité de milliers de jeunes à travers le pays. Une initiative qui vise à accompagner le gouvernement dans sa politique de lutte contre le chôNOS RELATIONS CLIENTS ET NOS PARTENAIRES : mage par l’insertion socio professionnelle de la couche GUINÉE INDUSTRIES est reconnue par tous, comme juvénile. étant un partenaire compétent et de confiance qui livre des produits et services de première qualité et en GUINÉE INDUSTRIES se consacre aussi au respect de sa responsabilité sociétale à travers des dons et aides assure leur amélioration continue. Nous disposons d’un vaste réseau de distribution aux mosquées, églises, maisons des jeunes, construction couvrant toute l’étendue du territoire national et d’un des écoles, forages et octroi de bourses aux meilleurs service clientèle de qualité caractérisé par le profes- étudiants des filières de Génie civil et d’architecture. sionnalisme de nos agents commerciaux.
+224 660 23 24 25
communications@guineeindustries.com
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Sortir Welcome to Conakry ! Entre lieux incontournables et nouveaux endroits à la mode, voici comment profiter au mieux de la CAPITALE. par Élisabeth Remy
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À L’HEURE DE LA TABLE imanche, en début d’aprèsPour vos déjeuners profesmidi au bord d’une magnisionnels, réservez une table au fique piscine à débordement, Damier. Tenu par un Français des hommes et des femmes et situé face au marché Niger, ce d’affaires de passage en Guinée côtoient restaurant offre une cuisine afrodes familles, des couples conakrykas venus européenne de qualité. Outre les profiter du célèbre brunch dominical de plats à la carte, les serveurs vous l’hôtel Noom. Ouvert depuis un peu plus de proposent les assiettes du jour sur deux ans, celui-ci est rapidement devenu le un chariot roulant, avec des claslieu incontournable pour prendre un verre siques de la gastronomie hexagoaprès le travail ou pour profiter d’une journale et au moins une spécialité née de farniente. locale, comme l’incontournable Avec le Riviera Royal (entièrement riz sauce feuille ou le konkoué (à rénové en 2018) et le GHI (ancien Novotel) base de poisson fumé). présents depuis longtemps dans Le Rocher, une excellente adresse la capitale, le Noom fait partie de située à Kaloum, dévoile une carte ces grands hôtels de luxe qui ont complète avec des spécialités de la mer, poussé à Conakry ces dernières des références tunisiennes (nationalité années. Le Palm Camayenne d’origine du patron) et européennes. En a ouvert la voie en 2013, suivi entrée, privilégiez le succulent ceviche, du Millenium, du Sheraton, de emblématique recette péruvienne… ou l’Onomo et du Kaloum. Le Niger le couscous du vendredi. et l’Azalaï sont en construction, Au carrefour de Coléah, l’Avenue et le projet des tours du Weily mêle mets japonais (sushis) et libanais, Kakimbo a été lancé. Le déveainsi que des produits de la mer. Cet loppement et le potentiel éconoétablissement raffiné dispose d’un permique du pays attirent de plus sonnel très efficace. en plus de voyageurs d’affaires. Votre journée se termine ? Allez Les grands groupes hôteliers prendre un cocktail de jus naturel l’ont compris. Située au bord de Le Mouv’ et son rooftop. bissap-gingembre au Millepattes, à l’océan, face aux îles de Loos, deux pas du Noom. Ne vous trompez pas de table ! Au fond Conakry intrigue par son mélange des genres. Dans cette de ce restaurant-bar à ciel ouvert, se trouve un petit promoncapitale frénétique rythmée par les embouteillages, les toire en bois qui surplombe l’océan. Vous pourrez admirer le travaux à chaque coin de rue, les mariages ou les fêtes de coucher du soleil en dégustant des commandos braisés (les quartier, se trouvent des îlots de calme pour se ressourgambas locales). cer. En dehors des établissements précédemment cités, la On ne prévoit jamais une soirée à l’avance à Conakry, on ville voit aussi émerger de nouveaux restaurants, des bars se laisse porter par ses groupes d’amis et… les embouteillages. lounge et de nombreux cafés branchés… Suivez le guide !
Le bar du Noom (ci-contre) et celui de la plage du Sogue (ci-dessous, à gauche).
Dans cette ville frénétique se trouvent des îlots calmes pour se ressourcer.
L’une des terrasses de l’hôtel Sheraton.
TENDANCE CHIC OU CASUAL ? Vous souhaitez côtoyer le gratin conakryka (ministres et milliardaires) dans des endroits luxueux et raffinés, à des prix tutoyant ceux du centre de Paris ? Prenez de la hauteur et rendez-vous au Siete, le nouveau rooftop de l’Hôtel Riviera Royal. Thomas, le responsable, vous préparera un cocktail sur mesure. Mais vous pouvez aussi faire votre choix parmi une sélection de « mocktails » (cocktails sans alcool) dignes des bars branchés des capitales occidentales. Allez ensuite dîner au Yobo, à Dixinn. Esprit et cuisine asiatique raffinés vous attendent dans une déco de style Buddha Bar. Si vous gravissez les escaliers, vous arriverez au Mouv’, « the place to be » : entre salon et bar à chicha, son toit accueille les stars et les patrons du pays. AFRIQUE MAGAZINE
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Vous préférez une ambiance plus relax ? En Stan Smith et jean Diesel ? Prenez la voiture direction Ratoma, et découvrez le très surprenant bar La Terrasse 1958. Wallace, un jeune de la diaspora a ouvert, il y a quelques mois, ce lieu détente un peu « bobo ». Son espace en plein air est dédié à la musique, surtout latino (les thèmes salsa et kizomba du jeudi ont beaucoup de succès). De plus, une carte moderne propose d’excellents smoothies. La soirée n’est pas terminée. Dans cette ville, on profite aussi des plages cachées. Juste avant l’hôtel Mariador, vous trouverez l’entrée de celle de Takonko. Elle est immense, avec une petite scène pour les soirs de concert. S’y retrouvent des bandes d’amis, des familles et des couples d’amoureux. Demander à Marco de vous installer dans un petit coin à l’écart, pour plus de tranquillité. Les samedis soir, on sort, on bouge ! On ne reste jamais toute la nuit dans la même discothèque… même si c’est pour croiser des personnes qui ont choisi le même circuit que vous. 105
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Lépis indigo de la région du Fouta-Djalon.
Masque d’épaule SHORT LIST DES BOÎTES Nimba. DE NUIT DU MOMENT On commence par le Boulevard Select, l’institution tion de KPC, tenu par Senkoun, et rouvert depuis un an. Des concerts live y sont organisés tous les week-ends. Par exemple, celui de Takana Zion, un chanteur réputé dans le milieu du reggae africain et une référence en Guinée. Ou bien Kandia Kora, chanteur et joueur de kora, comme son nom l’indique. Prenez une table à l’étage, à l’espace VIP, pour profiter au mieux de la scène où se produisent les artistes en rez-dechaussée. Vous danserez sur le dernier hit du moment, avec une coupe de champagne à la main et entouré d’un public guinéen survolté. Puis direction Le Baron, club haut de gamme, très apprécié par la jet-set locale, et bondé tous les samedis et dimanches. Clôturez votre circuit nocturne à l’Alyzé Club, un peu moins chic, mais avec une folle ambiance jusqu’au bout de la nuit. Dès lors, il devient impossible de s’asseoir, car chaque centimètre carré est pris d’assaut par les fêtards. 106
Si l’occasion se présente, n’hésitez pas un instant, et foncez assister à un spectacle en plein air sur l’esplanade du Palais du peuple. Ainsi, les concerts d’Instinct Killers – groupe qui allie chant et danse hip-hop – rassemblent chaque fois une foule de jeunes Conakrykas exaltés qui sautent et dansent sur leur morceau préféré, « Genre Genre ». Face à Conakry, les îles de Loos, accessibles par bateau ou pirogue acces en moins d’une heure, vous offrent m l’opportunité de vous échapper de l’oppo la ville, vil le temps d’une journée ou d’une nuit. L’hôtel Le Sogue sur l’île de Roume est un adorable petit établissement avec ses cabanes éta blanches et bleues sur pilotis. Son bl restaurant propose des poissons re et des crustacés achetés le jour même mêm aux pêcheurs locaux.
LES SPOTS À CONNAÎTRE SP Que vous soyez simple touriste ou v visiteur régulier, rien ne vous empêche r de faire des emplettes pour rapporter quelques so souvenirs. Le marché Niger en plein centre-ville est l’endroit parfait : tout centre y est très bien organisé, classé par thémab tiques. À l’entrée vous attendent les wax l (textiles d de coton imprimé) et les lépis (tissus indigo indi provenant du plateau montagneux Fouta Fouta-Djalon)… Parfaits pour une déco Dja un peu bohème ! Juste en face, se tiennent les vendeurs de sandales en cuir. En général, ils accourent pendant que vous choisissez vos paréos. Si vous aimez les expériences hors du commun, allez à Madina, l’un des plus vastes marchés d’Afrique de l’Ouest. Plus grand que le précédent, il est également beaucoup moins cher et offre un choix extraordinaire de marchandises en tout genre. Mais armez-vous de courage pour retrouver votre chemin, et éventuellement votre voiture, dans son dédale de boutiques. Enfin, pour acheter votre Nimba, sculpture de la déesse de la fécondité venant de la communauté Baga – et emblème de la Guinée –, les boutiquiers localisés près de l’hôtel Camayenne en proposent un large choix. Il est temps de quitter cette charmante capitale ? Partez bien en avance pour ne pas rater votre vol… Avec les embouteillages, on ne sait jamais ! ■ AFRIQUE MAGAZINE
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Les noctambules de Chez Zazi.
ÉDITO Vices et vertus des réseaux sociaux par Alimou Sow COMMUNICANT, BLOGUEUR (LIMS.MONDOBLOG.ORG)
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En cela, les blogueurs et les activistes du Web ont joué le rôle de fer de lance. L’Association des blogueurs de Guinée (Ablogui) a par exemple multiplié les campagnes digitales depuis 2015, à l’occasion des élections (#GuineeVote), pour la défense de causes communes (#DroitALidentité), ou encore pour assurer la veille démocratique (projet Lahidi). Des initiatives individuelles, comme #SelfieDéchets portée par Fatoumata Chérif et visant à sensibiliser sur la problématique d’assainissement, démontrent la vitalité et le dynamisme de la communauté Web. Même si ces interventions personnelles demeurent modestes au regard d’une population de plus de 12 millions d’habitants. En Guinée, Facebook est leader avec 1,9 million d’abonnés, suivi d’Instagram (200 000) et de LinkedIn (110 000). Sans oublier la force de frappe de Twitter, bien qu’il compte moins de 30 000 comptes actifs. Malgré cet usage vertueux, on ne saurait nier l’existence, comme partout, des maladies congénitales de ces outils de communication : cyberdépendance, cybercriminalité, cyberharcèlement, propagation de rumeurs et de fake news, ou encore attentat à la pudeur, etc. Des sextapes impliquant parfois des personnalités sont diffusées via Messenger, faisant ainsi les choux gras des réseaux. Durant les crises politiques, ceux-ci deviennent vecteurs de messages de haine et de division, lesquels sont combattus sur les mêmes plates-formes. D’où l’intérêt d’un couteau à double tranchant : le « poison » des réseaux sociaux renferme son propre antidote. Pourvu que les vertus l’emportent sur les vices. Pour cela, la sensibilisation et la formation des jeunes aux bonnes pratiques d’Internet et des réseaux sociaux sont cruciales. ■
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’est le dernier fait d’armes majeur des réseaux sociaux guinéens. Le 28 février 2019, un mariage religieux a été organisé entre un jeune homme d’une vingtaine d’années et une mineure de 13 ans, vivant tous les deux dans un petit village de la préfecture de Mali, au nord de la Guinée. L’annonce de la cérémonie et la diffusion des photos de la célébration sur Facebook ont provoqué une déferlante de réactions d’indignation des internautes, entraînant l’annulation de l’union, suivie de l’arrestation du mari, l’audition des parents du couple et le placement de la fillette sous protection. Le tout en seulement quelques jours. Moins dramatique, et plus drôle, est la « correction » subie par une promotion d’étudiants d’une université privée de Conakry, début décembre 2017. Pour annoncer la fin de leurs études et remercier leurs proches, ils ont publié sur leurs profils Facebook des messages truffés de fautes de français et rédigés dans un vocabulaire médiocre, s’attirant ainsi les moqueries les plus virulentes des internautes. Cet « incident » a servi de leçon aux autres jeunes diplômés, qui sont dorénavant très attentifs à la qualité de leur prose annonçant leur fin de cycle… quand ils n’optent pas, tout simplement, pour le silence. Même si en mars 2018, lors d’une interview durant la grève des enseignants, une collégienne a dérapé en prononçant : « On a beaucoup souffrance. » Une phrase devenue culte dans le catalogue des railleries virtuelles. Il en est ainsi des réseaux sociaux guinéens : jamais totalement calmes, alternant tollés politiques, esclandres sociaux, railleries de toutes sortes, mais aussi mobilisation sociale et engagement citoyen. On est loin des selfies narcissiques du début qui ont largement perdu du terrain.
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KAMSAR PETROLEUM et HGMC Tout à sa volonté d’être utile à son pays, il veut prouver ce dont il est capable. C’est ainsi que ce self-made-man fonde en 2015 Kamsar Petroleum, en partenariat avec Okapi Energy Group, dont il développe les activités en Guinée. Très rapidement, une relation de confiance s’établit avec Mohamed J. Ndao, le fondateur du groupe basé à Genève (Suisse). En seulement trois ans, Kamsar Petroleum se fait un nom dans le domaine. En marsb2018, elle se voit attribuer le prix de l’Entreprise la plus dynamique de Guinée dans le secteur du pétrole. Tout part d’une idée simple de Louis Camara : désenclaver les zones les plus reculées de Guinée, en facilitant l’accès au carburant pour les populations. Pour ce faire, des stations-service mobiles sont créées. Ce projet est ingénieux, en ce sens qu’il peut être mis en place à moindre coût. De simples conteneurs mobiles permettent de distribuer un carburant de qualité aux populations reculées. Les premiers à en profiter, en 2016, furent les habitants de la cité minière de Kamsar, où a été lancé le projet. Kamsar Petroleum permet également de « limiter la spéculation sur les prix du carburant », comme le précisait Louis Camara alors qu’il se voyait remettre à Paris le prix du Meilleur manager africain 2016, décerné par le Conseil international des managers africains (CIMA). Au cours de l’année 2017, Kamsar Petroleum a étendu ses activités dans la Guinée profonde, là où les populations ont le plus besoin d’aide, et n’a cessé depuis de croître. En aoûtb2017, Louis Camara et son partenaire Mohamed J. Ndao se sont associés pour créer Hummingbird Guinea Mining Corporation SA (HGMC), dont l’objectif est d’ouvrir et d’exploiter la carrière de dolérite (ou diabase) située à Siriman. La carrière a été inaugurée le 19bseptembre 2018.
Louis Camara, fondateur de Kamsar Petroleum et Hummingbird Guinea Mining Corporation, a reçu nombre de récompenses et distinctions. Il est aujourd’hui un exemple pour la jeunesse guinéenne.
LE GRAND DÉBAT
L’AFRIQUE PEUT-ELLE (MIEUX) NÉGOCIER AVEC LA CHINE ? Face au géant mondial et ses larges capacités financières, le continent doit renforcer sa marge de manœuvre. Les États ont quelques cartes en mains. Et d’autres puissances viennent concurrencer Pékin sur son pré carré africain. par Jean-Michel Meyer
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es chiffres laissent songeurs. 10 000 entreprises chinoises s’activeraient sur le sol africain, selon le cabinet McKinsey. Les moyens déployés par Pékin sont vertigineux. Les hauts responsables chinois labourent le continent dans tous les sens. Ils totalisent 79 visites dans 43 pays africains entre 2008 et 2018. Résultat ? Le commerce de la Chine avec le continent a décollé de 226 % entre 2006 et 2018. Avec un volume d’échanges supérieur à 170 milliards de dollars en 2018, le pays occupe pour la dixième année consécutive le rang de principal partenaire commercial du continent. « Les relations sino-africaines concernent certes les investissements dans les infrastructures et l’extraction des ressources naturelles, mais elles vont de pair avec des investissements dans les relations personnelles et une action diplomatique soutenue. La Chine veut être perçue comme une puissance intercontinentale et elle veut protéger son
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Xi Jinping en visite à Dakar, au Sénégal, en juillet 2018. L'Empire du milieu est devenu le premier partenaire commercial du continent. AFRIQUE MAGAZINE
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mates et des fonctionnaires africains interrogés sur les négociations avec la Chine sur des projets d’infrastructures, rapporte Folashadé Soulé-Kohndou, chercheur au programme de gouvernance économique globale de l’université d’Oxford. « Il existe en effet une perception partagée selon laquelle les conditions imposées par les entreprises et les banques de développement chinoises sont peu ou pas négociables, de peur que l’offre de financement n’aille ailleurs », explique la politologue sur le site The Conversation. De plus, Pékin ne s’embarrasse pas des questions de gouvernance. « La Chine recourt à des pots-de-vin, des accords opaques et l’utilisation stratégique de la dette pour tenir les États d’Afrique captifs à ses souhaits et à ses demandes », a accusé Jack Bolton, le conseiller en matière de sécurité nationale du président Donald Trump, dans un discours à la Heritage Foundation, en décembre 2018. En matière de corruption, la construction de la ligne de chemin de fer entre Nairobi et Mombasa (472 km) devient un cas d’école. Inauguré en mai 2017, le plus grand projet ÉVOLUTION DES ÉCHANGES ENTRE L'AFRIQUE ET LE MONDE d’infrastructure depuis l’indépendance du pays en 1963 a coûté 3,2 milliards de dollars, financé essentiellement sous forme de prêts par la China Eximbank 2017 2010 VARIATION et construite par la China Road and Bridge Corpora(EN $) COMMERCE tion (CRBC). TOTAL (EN $) RUSSIE
4,2 milliards
2,6x
THAÏLANDE
4,7 milliards
10,9 milliards
2,3x
TURQUIE
3,1 milliards
6,1 milliards
1,9x
INDONÉSIE
3,8 milliards
7 milliards
1,8x
CHINE
91,2 milliards
165,4 milliards
1,8x
MEXIQUE
$ 994 millions
1,4 milliard
1,4x
QATAR
408,8 millions
581,8 millions
1,4x
8,1 milliards
9,7 milliards
1,2x
22,2 milliards
24,6 milliards
1,1x
2017 (EN $)
VARIATION
ARABIE SAOUDITE ALLEMAGNE
2010 COMMERCE TOTAL (EN $) ÉMIRATS ARABES UNIS
13,9 milliards
11,5 milliards
0,83x
ITALIE
14,7 milliards
11,7 milliards
0,81x
FRANCE
26,3 milliards
20,7 milliards
0,79x
CORÉE DU SUD
12,7 milliards
9,9 milliards
0,78x
PORTUGAL
7,5 milliards
5,5 milliards
0,73x
ROYAUME-UNI
20,7 milliards
13,9 milliards
0,68x
JAPON
20,8 milliards
13,8 milliards
0,66x
BRÉSIL
13,5 milliards
6,5 milliards
0,48x
ÉTATS-UNIS
80,3 milliards
36,7 milliards
0,46x
CANADA
10,5 milliards
4,7 milliards
0,45x
Source : Center for Strategic and International Studies (CSIS)
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1,6 milliard
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commerce », relève dans la revue Foreign Policy, la politologue Lina Benabdallah de l’université de Wake Forest, aux ÉtatsUnis. Car l’Afrique se situe sur la « route de la soie maritime » tracée par Pékin depuis 2013 pour rejoindre l’Europe. Pour sa mise en œuvre, les institutions publiques et les banques chinoises auraient accordé plus de 100 milliards de dollars de prêts aux gouvernements africains. Pour les plus pessimistes, les dés sont jetés. Le continent est sino-dépendant. Et la Chine est accusée d’entraîner les États africains sur la voie du surendettement. Mais comme le pays ne fait pas partie du Club de Paris ni du Comité d’aide au développement de l’OCDE, il est très difficile de cerner la réalité à propos de cette dette. Une opacité amplifiée par des clauses plus ou moins secrètes sur des garanties accordées au prêteur (gisements de matières premières, ports, aéroports, etc.), si la partie africaine ne peut rembourser son prêt. « On ne négocie pas avec la Chine ! » Ce sont les premières réponses des diplo-
UNE PLUS GRANDE UNITÉ Depuis, une enquête pour corruption a été ouverte. Des études ont révélé qu’à 5,6 millions de dollars le kilomètre, la ligne kényane a coûté près de trois fois le standard international et quatre fois son estimation initiale. Plusieurs responsables, kényans ou chinois, ont été arrêtés pour corruption, comme le directeur de la compagnie ferroviaire nationale, Kenya Railways, Atanas Kariuki Maina. L’enquête a aussi révélé que les autorités kényanes de l’époque ont donné en garantie le port de Mombasa, le poumon économique du Kenya, si le pays ne parvenait pas à rembourser. « Ni l’emprunteur (Kenya) ni aucun de ses actifs ne bénéficient d’un droit d’immunité, pour des motifs de souveraineté », a imposé China Eximbank dans la clause 5.5 de l’accord de prêt. Le cas n’est pas unique. Endettée à hauteur de 8 milliards de dollars auprès de la Chine, la Zambie s’est engagée à céder le contrôle de Zesco, l’entreprise publique nationale d’électricité, si l’État venait à faire défaut dans le remboursement de sa dette. Les pays africains sont-ils condamnés à subir ? « Malgré des clauses contractuelles initiales très contraignantes, un contrat favorisant la création d’emplois, notamment pour les travailleurs qualifiés, le transfert de connaissances et de technologies, le respect des normes environnementales et de construction, et l’utilisation de matériaux de qualité, reste possible », affirme Folashadé Soulé-Kohndou. Il n’y a pas de fatalité. Une nouvelle ère de « concurrence entre grandes AFRIQUE MAGAZINE
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ADRIANE OHANESIAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
La ligne de chemin de fer entre Nairobi et Mombasa a coûté 3,2 milliards de dollars, essentiellement financée par la Chine.
puissances » s’ouvre sur le continent, entrevoit John Bolton, tandis que Carlos Lopes, le haut représentant de l’Union africaine dans les négociations avec l’Union européenne, préfère considérer que « les dirigeants africains se rendent compte qu’ils ont plus de choix que jamais. » Entre 2010 et 2017, plus de 65 pays (Indonésie, Thaïlande, Bulgarie, Serbie, etc.) ont augmenté leurs échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne, a relevé le Center for Strategic and International Studies (CSIS). L’Inde est ainsi devenue en 2016 le deuxième partenaire commercial de la région. Et la Russie y a doublé ses échanges. En septembre 2018, l’Union européenne annonçait de nouvelles subventions d’un montant de 40 milliards d’euros de 2021 à 2027, dans le prolongement du « Plan compact Africa » de l’Allemagne, lancé en 2017. Un mois plus tard, les États-Unis doublaient la capacité de prêt de l’Overseas Private Investment Corporation, porté à 60 milliards de dollars. « Tout comme la Chine, ces pays estiment que l’Afrique joue un rôle de plus en plus important dans la réalisation de nombreux objectifs économiques, politiques et de sécurité », relève Judd Devermont, directeur du programme pour l’Afrique du CSIS. De plus, ajoute-t-il, « les Africains parcourent le monde pour signer des accords avec des gouvernements étrangers. C’est une occasion séduisante pour les gouvernements de diversifier leurs partenariats. » Les États ont des cartes en mains. « Les gouvernements africains n’intègrent pas suffisamment que la Chine a aussi besoin des marchés africains. Ils devraient la confronter plus régulièrement à d’autres pays comme la Turquie, les Émirats arabes unis et la Corée du Sud qui cherchent à financer des projets d’infrastructures sur le continent », conseille Folashadé Soulé-Kohndou. Autre piste : une plus grande unité. « C’est certainement mieux que de laisser la Chine négocier avec chaque pays individuellement, à huis clos. Après tout, les avantages des projets AFRIQUE MAGAZINE
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Une nouvelle ère de « concurrence entre grandes puissances » s'ouvre sur le continent. d’infrastructures dépassent les frontières », relève un éditorialiste de The Economist. D’où l’importance de créer au plus vite la zone de libre-échange continentale, tout en renforçant la cohésion des blocs régionaux. Ce qui permettrait d’augmenter au passage la transparence autour des contrats et de favoriser le partage d’expériences et de bonnes pratiques. Dans une étude de la London School of Economics (LSE) de 2016 sur les marges de manœuvre dans les négociations des « petits » États avec la Chine, Folashadé Soulé-Kohndou a étudié le contrat sur la conception et la réalisation de la tour administrative de Cotonou, érigée en 2013, construite et financée par la Chine. « Les fonctionnaires béninois ont imposé plusieurs clauses qui n’étaient pas présentes ou mentionnées », indique l’étude. Comme l’utilisation de matériaux de construction et des travailleurs locaux, le suivi et l’accès régulier au chantier ou le respect des lois béninoises en matière de salaires, d’accidents du travail, de sécurité sociale et d’emploi. « Les ingénieurs du ministère des Travaux publics béninois sont plus exigeants en matière de prérequis techniques et de réglementations internes, tandis que les diplomates sont plus permissifs et demandent plus de tolérance envers les partenaires chinois, à la demande du pouvoir exécutif », conclut l’étude de Folashadé Soulé-Kohndou. Un éternel bras de fer ? Le sujet de la dette et de la transparence dans les prêts accordés par la Chine à l’Afrique doit en tout cas retentir lors du G7 présidé par la France, du 24 au 26 août 2019. Pour de réelles avancées ? ■ 113
FOCUS
L’ÉGYPTE CHERCHE SON RETOUR GAGNANT
L’économie a retrouvé des couleurs, notamment avec l’appui du FMI, un programme d’aide de 12 milliards de dollars et le soutien massif des alliés du golfe. Mais l'embellie s’accompagne de mesures d’austérité qui ont érodé le pouvoir d’achat, alors que la pression démographique s’intensifie.
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ohamed Maait, le ministre des Finances de l’Égypte a le sourire. Le 19 mars, il a annoncé une croissance économique de 6,1 % pour l’exercice 2019-2020 (de juillet à juin), contre 5,5 % pour la période en cours (2018-2019). « La croissance vigoureuse et le rétrécissement du déficit de la balance courante traduisent un rebond du tourisme et des envois de fonds importants, tandis que le chômage est descendu à son plus bas niveau depuis 2011 », se réjouissait déjà en février dernier David Lipton, premier directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI). L’Égypte revient de loin, à un moment où elle prend la présidence de l’Union africaine pour un an et qu’elle s’apprête à accueillir la prochaine Coupe d’Afrique des nations (CAN), du 15 juin au 13 juillet 2019. Le pays a traversé une décennie tourmentée depuis le printemps égyptien en 2011 et l’arrivée, puis l’exercice très musclé du pouvoir par l’actuel chef de l’État Abdel Fattah al-Sissi, à la tête du pays depuis 2014 et réélu en 2018. Aujourd’hui, le regain de vitalité de l’économie est net. Le pays, qui comptera 100 millions d’habitants en 2020, affiche le deuxième PIB d’Afrique, à 256 milliards de dollars en 2016-2017. Et il est redevenu la première destination des investissements étrangers sur le continent, captant 40 % des flux qui se dirigent vers l'Afrique. Déjà, durant l’exercice 2017-2018, le PIB du pays le plus peuplé du monde arabe avait enregistré une croissance de 5,4 %, la plus élevée des dix dernières années. Plusieurs grands chantiers illustrent ce dynamisme retrouvé. Le doublement du canal de Suez, avec la création de zones économiques spéciales
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attenantes et de villes nouvelles, devrait créer un million d’emplois et hisser les revenus du canal à 13 milliards de dollars. Autre projet phare : la première inauguration d’une nouvelle capitale administrative en juin 2019, en plein désert, à 45 kilomètres à l’est du Caire. Sept fois plus grande que Paris, elle doit accueillir tous les ministères, les principales administrations et attirer 6,5 millions d’habitants d’ici 2021. Un investissement de 40 milliards d’euros financé par la Chine, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ce rebond économique est né en 2016, avec le lancement de réformes, en contrepartie d’un programme d’aide de 12 milliards de dollars du FMI. Objectifs : porter la croissance au-delà de 5,5 % dès 2018-2019, et réduire le déficit budgétaire à 4,7 % de PIB et l’endettement à 85,8 %.
UNE ÉCONOMIE FAVORABLE Dans ce but, le gouvernement a engagé dès novembre 2016 la libéralisation totale du régime de change de la livre égyptienne, assortie d’une forte dévaluation qui a réduit le problème de disponibilité en devises des banques, stimulé les exportations non pétrolières et diminué les importations. Les autorités ont également adopté des mesures de consolidation budgétaire avec la loi sur la réforme du service public, l’instauration de la TVA et le démantèlement des subventions énergétiques. « La forte croissance combinée à une meilleure collecte fiscale devrait favoriser une hausse des recettes budgétaires en 2019, laissant plus de marge de manœuvre pour augmenter les dépenses d’investissement (+ 40 %) », souligne la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface). AFRIQUE MAGAZINE
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WOJTEK BUSS/ONLYWORLD.NET
Pour diversifier son économie, Le Caire mise beaucoup sur l’industrie.
Enfin, le gouvernement veut favoriser la diversification de l’économie, les exportations et les investissements, en améliorant l’environnement des affaires (lois sur les investissements, les licences industrielles, etc.). Car traditionnellement, le pays tire ses revenus de quatre rentes : les transferts d’argent de la diaspora (18 milliards de dollars par an en moyenne depuis 2011), les ventes d’hydrocarbures (6,5 milliards de dollars), qui représentent 37 % des exportations, les redevances d’utilisation du canal de Suez (5 milliards de dollars) et le tourisme (tombé à 4,4 milliards en 2016-2017). Frappé par les attaques terroristes, le tourisme a atteint son niveau le plus bas en 2016. Avec l’amélioration progressive de la sécurité, le nombre de touristes a augmenté de 54 % pour atteindre 8,3 millions, favorisant la hausse des recettes du secteur de 123,5 % en 2018. Mais sans retrouver leur niveau d’avant 2011, avec 12 milliards de dollars. La reprise de la liaison aérienne entre la Russie et l’Égypte, suspendue en 2015, devrait toutefois consolider la reprise du secteur. En matière énergétique, le champ gazier géant de Zhor découvert par l’Italien Eni en 2015 et opérationnel depuis la fin de 2017, est le gisement offshore le plus important en Méditerranée. Le rendement journalier de gaz doit passer d’une production de 1 milliard de pieds cube en 2017 à 2,7 milliards fin 2019. Le pays compte devenir une plaque tournante de l’industrie gazière en Méditerranée. Et pour attirer de nouveaux
investisseurs, le gouvernement prépare un nouveau modèle de contrat avec les compagnies pétrolières qui bénéficieraient de rémunérations plus avantageuses. Mais pour diversifier son économie, Le Caire mise beaucoup sur l’industrie (automobile, textile, etc.). Une manière de contribuer à réduire la facture des importations et à lutter contre le chômage. Le secteur emploie un quart de la main-d’œuvre et il contribue à près de 20 % au taux de croissance du pays. Toutefois, l’industrie est d’abord la chasse gardée de l’armée. Agroalimentaire, médicaments, biens de consommation, produits chimiques, etc., le poids dans l’économie de la première armée d’Afrique, avec son million de soldats, varie selon les estimations de 40 % à 80 %. Ces activités bénéficient, comme en Algérie, de nombreux avantages (exonération de taxes, de la TVA…). La situation est-elle tenable à long terme ? Car, à l’inverse, le plan du FMI a entamé le pouvoir d’achat des Égyptiens, pénalisé par l’instauration de la TVA, la hausse du prix de l’énergie et la suppression des subventions sur le carburant en 2019 et sur l’électricité d’ici 20202021. Désormais, 26 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Or, le nombre d’habitants pourrait doubler à l’horizon 2050 et approcher des 200 millions. Tous les dix ans, le pays gagne 25 millions d’habitants. Une bombe à retardement. Si elle explosait, la prévision de la banque britannique Standard Chartered qui classe l’Égypte au 7e rang des économies mondiales d’ici à 2030 pourrait se révéler fausse. ■ J.-M.M.
Malgré ce regain, 26 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
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PERSPECTIVES
COMMERCE
LES MATIÈRES PREMIÈRES DÉPRIMENT
Une mine de palladium à Johannesbourg, en Afrique du Sud. Ce métal précieux se vend plus cher que l'or.
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lus cher que l’or ! Depuis août 2018, le cours du palladium a doublé pour dépasser celui de l’or. Le métal précieux a atteint la barre des 1 600 dollars l’once (33 grammes) à Londres en ce début d’année, portant ses gains depuis le 1er janvier 2019 à 27 %. Et ce n’est pas fini. Alors que tous les autres métaux non ferreux sont à la baisse, le palladium s’est échangé 1 606 dollars l’once le 20 mars. Un record historique. L’Afrique du Sud (avec une production de 2,5 millions d’onces en 2018) et la Russie (2,8 millions d’onces) fournissent plus
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de 80 % du marché mondial qui s’élève entre 10 à 15 milliards de dollars par an. Et dont 80 % des débouchés sont dans l’automobile, avec la fabrication des pots catalytiques des voitures à essence. Des stocks au plus bas et une demande en forte hausse ont attiré les spéculateurs… Les ETF (Exchange Traded Fund), ou trackers – qui sont des fonds indiciels qui suivent l’évolution d’un indice boursier à la hausse comme à la baisse, – ont augmenté leurs achats de palladium de 16 % depuis décembre 2018. Aux risques de spéculation s’ajoutent les tensions géopolitiques. À l’exemple
du pétrole avec l’embargo des États-Unis sur l’Iran, l’acier et l’aluminium avec la Chine, mais aussi le soja, le porc, le coton, etc. « Rarement les marchés auront été le jouet non pas des tendances des fondamentaux, mais bien des convulsions d’une situation géopolitique mondiale qui, sous la houlette des États-Unis de Donald Trump, a été particulièrement imprévisible », analysait en février Philippe Chalmin, professeur de l’université de Paris-Dauphine et fondateur du rapport Cyclope sur les matières premières dans le monde. Le soja a été « la denrée la plus politique », relève l'expert, conséAFRIQUE MAGAZINE
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SHUTTERSTOCK
Tensions géopolitiques, ralentissement économique chinois, spéculation… les experts prévoient un cycle 2019 aussi morose que 2018. Les produits agricoles seront en première ligne.
MICHAEL KAMBER/THE NEW YORK TIME/REDUX-RÉA - SHUTTERSTOCK
quence de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Les importations chinoises ont ainsi baissé de 8 % en 2018, à 88 millions de tonnes. Le Brésil devrait en profiter. Le pays a déjà renforcé ses parts de marché en 2018 et devrait exporter plus de 90 millions de tonnes de soja d’ici à 2023. Il pourrait également bénéficier de cette guerre commerciale pour mettre à mal la suprématie mondiale américaine dans le coton en augmentant sa production et en investissant dans les infrastructures. Dans ce contexte, le cycle baissier de la fin 2018 devrait se poursuivre en 2019. Même s’ils ne veulent pas « céder au vent de pessimisme », les experts estiment que peu de matières premières s’apprécieront en 2019. Plomb, zinc, fer, nickel, argent, étain seront à la baisse. Mais ce sont les matières premières agricoles qui seront les plus touchées, à l’exception du blé, du cacao ou de la laine. Des chutes sévères sont attendues pour l’huile de coprah (-40 %), le sucre (-22 %), le caoutchouc (-17 %), le café (-14 %), l’huile de palme (-13 %) ou le riz (-5 %). Quant au pétrole, les États-Unis mèneront le marché. Avec 12,1 millions de barils de pétrole par jour, ils n’en ont jamais autant extrait. À tel point que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit dans son rapport prospectif couvrant la période 2019-2024 qu'ils assureront seuls 70 % de la croissance de la production mondiale. Ultime source d’inquiétude : l’ampleur du ralentissement économique de la Chine. « L’Afrique exporte près de 85 % de ses matières premières vers la Chine », rappelait à Davos le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. Ce qui place les pays dans une situation de dépendance si la Chine décide de donner un coup de frein à ses importations. Un scénario qui donne des sueurs froides aux pays émergents en 2019. ■ J.-M.M. AFRIQUE MAGAZINE
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C H I F F R E S par Jean-Michel Meyer
La Cnuced situe entre 614 et 638 milliards de dollars par an le financement supplémentaire dont l’Afrique a besoin pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’AFRIQUE DÉPENSE
35 MILLIARDS DE DOLLARS PAR AN
POUR SES IMPORTATIONS ALIMENTAIRES. EN 2025, CE SERA 110 MILLIARDS.
Les États africains ont consacré
38,6 %
EN 2018,
25 émissions d'eurobonds ont eu lieu en Afrique pour 28,8 milliards de dollars empruntés.
de leurs projets d’infrastructures au secteur des
transports en 2018.
Au Rwanda, l'horticulture
a rapporté 25 millions de dollars en 2018. Objectif : 130 millions en 2020. 117
PERSPECTIVES
INVESTISSEMENTS
Jumia cotée à New York CROISSANCE
Le défi de l’industrialisation Changer de cap et de mentalité.
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e cabinet conseil PwC a publié l'étude « Industrialisation en Afrique : réaliser durablement le potentiel du continent ». Le constat est connu : des capacités industrielles limitées et une forte dépendance aux matières premières. « On sous-estime la gravité de la situation. Les matières premières représentent entre 70 % et 90 % des exportations de marchandises, d’où la persistance d’une forte volatilité des économies », relève Jonathan Le Henry, directeur Stratégie et Afrique francophone chez PwC. Rien ou quasiment n'est transformé sur place. Plus de 80 % des denrées consommées en Afrique sont importées et ont été transformées sur d’autres continents. Elle a la plus faible contribution à la valeur ajoutée manufacturière dans le monde, soit 1,6 %. Or, elle pourrait être de 10 % à 12 %. Pour cela, l’Afrique doit changer de cap et de mentalité. « Tous les plans d’industrialisation
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sont pensés en silos, comme si celui de l’État voisin n’existait pas. Il n’y a aucune référence commune et intégrée, constate-t-il. Il faut sortir du tout libéralisme et du tout étatique. Il faut faire le choix du pragmatisme et mêler les concepts. » Pour enclencher le rattrapage industriel, PwC propose quatre leviers : capitaliser sur les ressources naturelles, à l’image du Botswana qui a créé un partenariat avec le diamantaire De Beers pour industrialiser la filière ; miser sur des partenariats stratégiques comme Renault avec les autorités marocaines ; s’appuyer sur les technologies de la révolution industrielle 4.0 (impression 3D, drones, etc.) pour mieux s’intégrer dans la chaîne de valeur mondiale ; et améliorer le climat des affaires. « L’industrie est le moyen le plus sûr pour développer la croissance, créer des emplois et résister aux chocs économiques », insiste Jonathan Le Henry. ■ J.-M.M.
La start-up nigériane bientôt à Wall Street.
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remière start-up africaine à devenir une licorne en 2016 avec une valorisation supérieure à 1 milliard de dollars, Jumia sera la première société technologique du continent à être cotée aux États-Unis. Le 12 mars 2019, la société d’e-commerce a en effet déposé sa demande d’introduction en Bourse (IPO) à Wall Street, au New York Stock Exchange (NYSE). Souvent considéré comme l’Amazon de l’Afrique, le groupe préfère se présenter comme l’Alibaba du continent. Jumia a été lancée en 2012 par les Français Sacha Poignonnec et Jérémy Hodara dans l’incubateur berlinois Rocket Internet. Son siège social est au Nigeria. Le capital se répartit entre l’opérateur télécoms sudafricain MTN (30 %), Rocket Internet (21 %), l’opérateur latino-américain Millicom (9,6 %), Axa et Orange (6 % chacun), Pernod Ricard (5 %), ainsi que des fonds d’investissement et des banques, dont Goldman Sachs (tous sous les
5 %). L’entrée en bourse – le calendrier, le prix de l’action et le montant que Jumia veut lever n’ont pas été révélés – prendra la forme d’une augmentation de capital, qui ne permettra pas aux actionnaires actuels de céder leurs titres. Selon Bloomberg la valorisation de la start-up avoisinera 1,5 milliard de dollars. Sur un continent en manque d’infrastructures, où la pénétration d’Internet reste faible et la population sous-bancarisée, Jumia a dû inventer son modèle. Elle a élaboré sa place de marché et une chaîne logistique, développé son propre système de paiement, Jumia Pay, et accepté que les acheteurs règlent à la livraison. L’e-commerçant est actif dans les livraisons de repas et les réservations hôtelières. Présent dans 14 pays, qui totalisent 660 millions d’habitants, Jumia a revendiqué un chiffre d’affaires de 828 millions d’euros en 2018, en hausse de 63 % sur un an. Les revenus tirés de la place de marché ont atteint 47,4 millions d’euros (+122 %). Jumia revendique plus de 300 000 références, 4 millions de clients actifs et emploie 3 000 salariés. Seul bémol : les pertes cumulées depuis sa création avoisinent le milliard de dollars. ■ J.-M.M.
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La mine de diamants d'Orapa, située au Botswana.
Un plan d'investissement pour sauver le Sahel est en cours.
LES MOTS « L’Afrique dispose de 600 millions de terres arables non cultivées. » MOUSSA FAKI MAHAMAT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION ON DE L’UNION AFRICAINE
ENVIRONNEMENT
Mobilisation pour le climat 400 milliards de dollars pour protéger 17 États sahéliens.
MIRKO CECCHI/PARALLELOZERO/REA - GLEZ (4)
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auver le Sahel. C’est le mot d’ordre que se sont donné les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la Commission climat pour la région du Sahel le 25 février 2019 à Niamey, au Niger. Au cours du sommet, ils ont validé un plan d’investissement climatique de 400 milliards de dollars (plus de 350 milliards d’euros) sur douze ans (20192030) dans le Sahel. Soutenu par les bailleurs de fonds (Banque mondiale, BAD, AFD, UE…), le programme prioritaire doit « catalyser les investissements climat ». Et « les chefs d’État ont décidé de sa mise en œuvre immédiate », indique le communiqué
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final. « La région du Sahel est soumise à une très forte variabilité climatique. La situation montre combien le changement climatique a un impact sur la disponibilité des ressources », a insisté le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui dirige la Commission climat pour le Sahel. Dix-sept États de la bande sahélienne, allant de l’océan Atlantique à la Corne de l’Afrique, qui regroupent 500 millions d’habitants, sont concernés par ce plan d’investissement. Il permettra de catalyser les investissements climatiques dans diverses actions sur le terrain pour « limiter » les émissions des gaz à effet de serre. ■ J.-M.M.
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« Il ne sert à rien d’accroître l’espérance d de vie si c’est pour offrir d une vie sans espérance. » u E ERIK ORSENNA, ÉCRIVAIN É ET ACADÉMICIEN E FRANÇAIS F
« Il n’est plus tolérable que les peuples africains continuent de vivre derrière 84 000 km de frontières. » MAHAMADOU ISSOUFOU, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU NIGER
« L’Inde et l’Afrique sont aujourd’hui des pôles essentiels du dynamisme économique mondial. » IBRAHIMA KASSORY FOFANA, PREMIER MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE 119
La route B1 traverse le pays de part en part. Ici, les monts Karas, au sud.
L’archipel compte 115 îles et îlots. Ci-contre, l’île artificielle Éden Island.
ENVIE DE NAMIBIE, SOIF DE LIBERTÉ destination
Cette terre de GRANDS ESPACES et de faune sauvage invite à l’aventure les voyageurs de tous âges. Le centre-ville de Windhoek, la capitale.
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par Luisa Nannipieri LE PAYS OFFRE DES CIRCUITS ORIGINAUX au cœur de grands parcs naturels, comme l’ancienne réserve de chasse d’Etosha. Presque 95 % du territoire est resté dans son état naturel. Les vallées sauvages d’Hartmann, Puros ou Palmwag, les dunes du désert du Namib ou de Sossusvlei (parmi les plus hautes au monde), le Fish River Canyon, les massifs du Brandberg et du Waterberg ou encore la lagune de Walvis Bay dessinent des paysages inoubliables pour un dépaysement garanti. Si l’endroit idéal pour voir les big five (lions, léopards, rhinocéros, éléphants et buffles) à l’état sauvage est sans doute le parc national d’Etosha – ce « lieu des mirages » où les points d’eau offrent un refuge à tous les animaux de la savane –, l’ouest du pays est aussi une étape incontournable pour toute escapade namibienne. AFRIQUE MAGAZINE
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OBIE OBERHOLZER/LAIF-RÉA - DR - SHUTTERSTOCK
L’Epako Safari Lodge.
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MADE IN AFRICA escapades En quittant Windhoek, la capitale à la caractéristique architecturale allemande, en direction de la côte des Squelettes, on arrive au Damaraland, une région de l’ouest où les roches granitiques laissent place aux montagnes rougeoyantes et aux plaines broussailleuses. Ici, on croise les fameux éléphants du désert ou les majestueux rhinocéros blancs, et l’on peut admirer des girafes, des hyènes tachetées et des springboks en liberté. Un hôtel de luxe accueille les voyageurs qui souhaitent séjourner au cœur de ce sanctuaire naturel : l’Epako Safari Lodge est entouré d’une réserve privée de 11 000 hectares et peut héberger jusqu’à 20 personnes. Les suites donnent sur la rivière, et la terrasse du bâtiment principal de l’hôtel garantit une vue imprenable sur le point d’eau, où viennent boire les animaux. Mais la Namibie n’est pas seulement synonyme de faune sauvage et de nature intacte. Le pays est aussi une mosaïque de peuples différents. La ville d’Opuwo, capitale de la région du Kaokoland, dans le nord-ouest, est le point de départ idéal pour pouvoir rencontrer les Himbas, le « peuple rouge », chez qui les femmes s’enduisent le corps d’une sorte d’argile, ou les Héréros, une tribu reconnaissable par leurs vêtements si caractéristiques : les femmes portent de longues robes colorées bouffantes de style LES BONNES ADRESSES victorien, assorties d’un ✔ L’Epako Safari Lodge, chapeau en forme de corne pour un luxueux séjour de taureau, et les hommes dans la nature ne sortent pas sans leur ✔ Le Halali Camp, dans costume militaire. le parc national d’Etosha, Et qui dit mélange pour une nuit à la belle étoile de cultures dit variété ✔ La Joe’s Beerhouse, de cuisines à déguster. à Windhoek, pour Très appréciée par une halte culinaire les voyageurs, la ✔ Le bouillonnant marché gastronomie namibienne de Katutura fait des heureux chez ✔ Le musée Owela, pour les carnivores. Parmi une sortie culturelle les spécialités locales, on trouve le biltong, un mot afrikaans qui veut dire « langue de viande » : il s’agit de tranches de bœuf marinées dans du sel et du vinaigre, puis épicées et séchées pendant 10 jours. Un snack délicieux qui se conserve à la perfection, même dans les conditions les plus extrêmes. Idéal à grignoter lors d’un safari ou d’une balade dans le désert, en attendant le lever du soleil sur les hautes dunes du Sossusvlei. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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Luxe, calme et volupté Marrakech
Avec son ambiance mauresque, le Ksar Char-Bagh est un véritable havre de paix. ÉLU PLUSIEURS FOIS parmi les meilleurs hôtels du monde, le Ksar Char-Bagh est un palace de style arabo-andalou niché dans une palmeraie à Marrakech. Pour préserver l’intimité de ses clients, cet hôtel compte 14 suites, chacune avec sa salle de bains en marbre, une cheminée pour les soirées hivernales et un jardin privé, une piscine ou une terrasse pour profiter au calme des journées de soleil. Au sommet de la tour blanche, une suite exclusive offre une vue à 360° sur le parc et les sommets de l’Atlas : elle est dotée de cinq chambres, d’un large salon et d’un patio privé, qui s’ouvre sur un jardin ombragé et donne accès à deux piscines privées, où l’on peut s’immerger été comme hiver. Pour se détendre encore plus, on y trouve également un spa et un magnifique hammam en marbre rouge, où l’on peut se faire masser et gommer à la lumière des bougies. Enfin, un restaurant à hautes voûtes romanes, ouvert sur les jardins, propose une cuisine gastronomique créative et raffinée. ■ L.N.
Djnan Abiad, La Palmeraie, Marrakech (à partir de 450 € la nuit pour une petite suite). ksarcharbagh.fr
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Madagascar enfin reconnu arts
Pour la première fois de son histoire, le pays aura son pavillon à la BIENNALE DE VENISE. par Luisa Nannipieri LE DRAPEAU MALGACHE flottera bientôt sur la lagune de Venise, en Italie, où se tiendra du 11 mai au 24 novembre prochains la 58e Biennale d’art contemporain. La participation de Madagascar est inédite et récompense sa créativité et son dynamisme, ce qui permettra au pays de montrer une image largement méconnue à l’international. Manifestation majeure de l’art contemporain, l’événement accueille des pavillons de pays africains depuis une dizaine d’années seulement et, même si l’Angola a remporté le Lion d’Or au cours de sa première participation, en 2013, la dernière édition ne comptait que huit pavillons du continent. Pour marquer son arrivée, Madagascar a choisi de se faire représenter par l’artiste Joël Andrianomearisoa, appuyé par les commissaires Rina Ralay Ranaivo et Emmanuel Daydé. Né en 1977 à Antananarivo, Joël Andrianomearisoa se partage entre la France et son pays, où il se fait remarquer dès ses débuts, à 18 ans à peine. À l’aise avec de nombreux supports (de la couture
J’ai oublié la nuit est une installation de Joël Andrianomearisoa, mélange de sons et de collages de papiers noirs. au design, en passant par la vidéo, la photographie, la scénographie, l’architecture, les installations ou encore les arts plastiques), il a développé un style varié, pensé pour envahir tout l’espace sensible du spectateur. Son travail est renommé internationalement et a été exposé sur les cinq continents par des institutions culturelles prestigieuses, comme le Centre Pompidou, à Paris. Pour la Biennale, il a conçu une œuvre qui déploie l’immatériel du monde invisible, matérialise les émotions et rend hommage non pas à un pays, mais à la majesté de l’outrenoir : J’ai oublié la nuit est un mélange de sons et une cascade de papiers noirs, dont les froissements et les plis évoquent la mélancolie, la douceur et la violence des nuits – celles de villes comme Paris, Antananarivo ou Istanbul –, mais aussi les légendes populaires malgaches. ■
QU’EST-CE ?
Une cuisine épurée, inattendue et sauvage. ET SINON ?
On y boit du Strandveld Fynbos, un vermouth infusé pendant un mois. POUR QUI ?
Les foodies qui aiment la slow food.
Un ancien cottage blanc sur une plage de sable fin, avec vue sur l’océan, et 20 couverts maximum : ici, minimalisme et simplicité sont les mots d’ordre. Ce havre de paix qui se trouve à Paternoster, l’un des plus anciens villages de pêcheurs de la côte ouest de l’Afrique du Sud, mise sur des ingrédients hyperlocaux et offre une carte de sept plats savoureux, qui changent au fil des saisons et du climat. Avec ses moules, huîtres et ormeaux mariés avec des algues, des herbes aromatiques des dunes, des plantes grasses ou des fruits et légumes du potager, le chef Kobus Van der Merwe propose une slow food loin des sentiers battus. ■ L.N.
10 Sampson Street, Paternoster, Afrique du Sud. wolfgat.co.za 122
CHRISTIAN SANNA - DR - JAC DE VILLIERS
LE LIEU : WOLFGAT
Le chef Kobus Van der Merwe mise sur des ingrédients hyperlocaux.
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MADE IN AFRICA carrefours
La mosquée de Basuna est située à Sohag, en Haute-Égypte.
architecture
Bâtir la maison de Dieu
ESSAM ARAFA
Le jeune architecte WALEED ARAFA vient de terminer son nouveau projet. L’ARCHITECTURE QUE L’ON APPELLE spirituelle a été un terrain d’expérimentation pour de nombreux créateurs contemporains : le Français Le Corbusier, le Japonais Tadao Ando ou encore le Britannique David Adjaye. Le dernier projet de l’Égyptien Waleed Arafa, déjà nommé pour le prix Aga Khan en 2010, mérite d’être mis en avant au même titre. La mosquée de Basuna, située à Sohag, en Haute-Égypte, est née à la suite d’un travail de recherche qui conjugue symbologie religieuse, structure durable et expérimentation, tout en restant dans les pas de la tradition. Construite à partir de techniques et de matériaux locaux, la mosquée s’ouvre sur une grande halle qui peut devenir une salle de cours ou une clinique médicale temporaire, selon les besoins de la communauté. Afin de garantir aux fidèles un espace tranquille, isolé de la route poussiéreuse sur laquelle se tient le marché hebdomadaire, les murs n’ont pas de fenêtres, et c’est la toiture hybride, en briques AFRIQUE MAGAZINE
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et béton, qui garantit la ventilation et l’éclairage naturel. Deux coupoles uniques et 108 petites voûtes imbriquées assurent le passage de l’air frais et permettent de collecter l’eau de pluie, qui est ensuite utilisée pour le ménage et l’arrosage. Le minaret doit sa forme particulière à une succession de blocs superposés, de plus en plus petits, qui sont la signature du projet. Ils représentent l’élan du fidèle vers le divin. Le sommet devrait, à terme, renfermer un espace qui sera réalisé en référence au mihrab, la niche qui indique la direction de La Mecque dans la salle de prière. Waleed Arafa a appelé cette structure « Le Cube des cubes », en référence à la forme de la Kaaba, lieu sacré de La Mecque, et aux 99 noms d’Allah, inscrits sur les différentes facettes. Tout comme l’architecture de la coupole et du minaret invitent à l’élévation spirituelle, la seule grande fenêtre verticale du bâtiment, qui donne sur le cimetière, est une invitation à la réflexion et un rappel de la fugacité de la vie sur Terre. ■ L.N. 123
Le designer, aux côtés de ses mannequins, lors de la dernière édition parisienne.
Karim Adduchi,
créateur
ouvert sur le monde
Artiste cosmopolite et enfant prodige amoureux des détails, le STYLISTE MAROCAIN a fait une entrée réussie à la Fashion Week de Paris. par Luisa Nannipieri DANS LE MILIEU EXCLUSIF de la mode parisienne, l’arrivée d’une jeune pousse suscite toujours une bonne dose de curiosité. Notamment lorsque le nouveau venu – qui a été cité par Forbes dans sa liste des personnalités de moins de 30 ans à suivre dans le monde de la culture et des arts – a envoûté les Fashion Week d’Amsterdam 2015 et 2016 avec ses deux premières collections de haute couture, et qu’il peut compter aujourd’hui sur le soutien de l’auteure Virginie Despentes. Cette dernière lui a d’ailleurs écrit une note de présentation intime, délicate et poétique pour sa première collection de prêt-à-porter, qu’il a présenté au prestigieux hôtel Saint James Albany, à Paris. Installé à Amsterdam, Karim Adduchi est originaire d’Imzouren, dans le Rif. Il a grandi à Barcelone, où son père et sa mère travaillaient en tant que tailleurs : « J’ai toujours aimé les tissus, en être entouré, les toucher, observer 124
le mouvement qu’ils créent quand je leur donne une forme… Il n’y a rien de plus familier pour moi que le bruit des ciseaux qui coupent la toile », raconte le styliste d’un sourire rêveur. Alors qu’il a la mode dans le sang, il lui a pourtant fallu du temps pour l’admettre : « Je voulais être peintre. Surtout ne pas suivre les pas de mes parents. Je suis donc devenu artiste, photographe, dessinateur. C’est comme cela que j’ai connu Virginie, pour qui j’ai signé les couvertures de Vernon Subutex. Sauf que je me suis rendu compte qu’à chaque fois que je regardais une photo, je ne voyais pas les visages mais les vêtements. Quand je rencontrais des femmes, j’étudiais leur style. Finalement, j’ai cédé : être designer était mon destin. » Maktub, qui veut dire « c’est écrit », est d’ailleurs le nom de la collection automnehiver 2019-2020 du jeune créateur. Une série AFRIQUE MAGAZINE
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En même temps que sa collection de prêt-à-porter, il a présenté une série de haute couture, plus artistique.
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AMANDA ROUGIER POUR AM - DR (5)
Karim Adduchi aime rendre hommage au savoir-faire des artisans qu’il a connus aux quatre coins du monde.
qui rend hommage à ses racines marocaines et espagnoles, mais également au savoir-faire des artisans qu’il a connus aux quatre coins du monde. Une robe noire est entièrement brodée à la main avec une technique que l’on n’utilise que pour les finitions au Maroc. Une longue jupe striée a été faite au Japon. Une cape kimono bariolée évoque « les couleurs éclatantes de [s]es souvenirs d’enfance ». Des chemisiers rayés sont un hommage aux créations de sa mère et à sa façon de découper le tissu pour ne rien gaspiller – ou comment décliner une ancienne technique en motif de couturier. Légers, confortables, et parfois intelligents (une partie des robes est en tissu Pyratex, tissé avec des fibres naturelles qui hydratent et revitalisent la peau), les vêtements et accessoires de cet amoureux des détails sont pensés pour toutes les occasions : « J’habille une femme qui est forte, mais qui peut aussi AFRIQUE MAGAZINE
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être fragile, c’est une femme d’affaires qui est aussi bohémienne. Elle n’est pas figée, elle a des besoins différents dans la journée, et je voulais lui offrir le choix le plus vaste possible. » En même temps que sa collection de prêt-àporter, le styliste a présenté une série de haute couture, plus artistique. Il y a ces robes en crêpe, moulées sur le corps des mannequins, qui paraissent fragiles au toucher mais s’adaptent aux formes. Ou cette magnifique robe fabriquée à partir de morceaux de tissus, récupérés par le créateur au long de ses pèlerinages, une sorte de robe de flamenco aux influences maghrébines. Sans oublier les caftans, féeriques, aux couleurs éclatantes et aux multiples inspirations : « La mode doit s’ouvrir sur le monde. Avec mes créations, mon but est de réunir les personnes, de mélanger les expériences. La mode, pour moi, est un voyage qui dure toute une vie. » ■ 125
Les clés pour bien dormir LE SOMMEIL, C’EST LA SANTÉ ! En manquer a des retentissements immédiats que l’on a tous constatés : somnolence, fatigue, irritabilité… Et sur le long terme, cela expose à d’autres conséquences : problèmes de concentration et de mémoire, prise de poids, hypertension, diabète, baisse des défenses immunitaires et de la résistance au stress, troubles dépressifs… Autant dire que de bonnes nuits sont primordiales. Seulement voilà, vous connaissez des difficultés d’endormissement ou des réveils nocturnes fréquents. Pour y mettre fin, suivez nos conseils.
Les habitudes à adopter Tout d’abord, on se cale sur des horaires de coucher et de lever réguliers. Et on s’expose à la lumière du jour, 126
si possible dès le matin : cela aide l’organisme à stabiliser ses rythmes veille-sommeil, facilite l’endormissement et un bon repos nocturne. Essentiel également : on pratique une activité physique tous les jours, même de la marche. Cela contribue à de meilleures nuits et augmente le sommeil lent profond. On évite toutefois les sports assez intenses en soirée, car ils peuvent au contraire avoir un effet stimulant. Le soir, idéalement 2 heures avant le coucher, et toute la nuit, on se déconnecte du digital : ordinateur, tablette, smartphone en mode avion. Les écrans sont des ennemis : outre maintenir le cerveau en éveil, leur lumière bleue modifie la sécrétion de l’hormone du sommeil et peut ainsi beaucoup retarder l’endormissement. Si l’on doit vraiment utiliser un écran tard et longuement, on peut y mettre un AFRIQUE MAGAZINE
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Vos nuits sont agitées ? Pour retrouver UN SOMMEIL RÉPARATEUR, il suffit d’abord d’appliquer quelques règles de vie au quotidien.
VIVRE MIEUX forme & santé
pages dirigées par Danielle Ben Yahmed avec Annick Beaucousin et Julie Gilles
filtre anti-lumière bleue ou porter des lunettes la filtrant. Enfin, on se crée un environnement favorable : une chambre calme (sinon, on met des bouchons antibruit), calfeutrée de la lumière et avec une température de 18-19 °C maximum. Au-delà, cela contrarie la baisse naturelle de la température du corps le soir, capitale pour s’endormir et bien dormir. Pour la même raison, on renonce à la douche ou au bain trop chaud avant de se coucher.
Repenser son menu Le dîner doit être à la fois assez léger, mais suffisamment rassasiant : manger trop peu fragmente la nuit et réduit la durée du sommeil profond réparateur. On privilégie les aliments bénéfiques pour dormir. Les glucides lents (riz, pâtes, pommes de terre, légumes secs), tout comme les produits sucrés par ailleurs, favorisent la production de sérotonine, essentielle pour sécréter la mélatonine, hormone qui facilite l’endormissement. Les légumes secs apportent du magnésium, favorable à la détente pour la nuit. Les produits laitiers sont excellents car sources de tryptophane, un acide aminé aidant à s’endormir. On peut également faire un « dîner poisson ». En revanche, gare aux viandes rouges, qui sont riches en tyrosine, éveillante. On se méfie aussi des mets gras, difficiles à digérer et fragmentant le sommeil, et des excitants : café, thé (sauf très infusé), sodas, boissons énergisantes. Si l’on y est très sensible, on les stoppe après 15 heures.
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Les solutions douces Recourir à des médicaments hypnotiques peut être ponctuellement nécessaire en cas de trouble sévère du sommeil, dû à un événement perturbant. En revanche, en prendre sur des mois ou des années expose à des effets délétères : outre ne pas apporter les bénéfices d’un sommeil naturel, ces médicaments entraînent une somnolence diurne, des troubles de la mémoire, ou encore une accoutumance. Il ne faut jamais faire d’arrêt brutal. Un sevrage impose donc l’aide d’un médecin. D’autres solutions offrent un sommeil de qualité. Pour les personnes ayant du mal à s’endormir à une heure dite « normale », la prise de mélatonine facilite l’endormissement. On la trouve sous forme de complément alimentaire – prendre néanmoins un avis médical en cas de maladie, de prise de médicaments ou de grossesse. Des plantes aux propriétés anxiolytiques et sédatives aident aussi. L’eschscholtzia est conseillée en cas de difficultés d’endormissement, de sommeil non réparateur, de cauchemars, de réveils nocturnes. La valériane est davantage indiquée en cas de stress et d’anxiété, avec des tensions musculaires. Quant à la passiflore, elle est intéressante en cas de stress, avec des spasmes intestinaux. Les tisanes sont plutôt à utiliser pour des troubles légers. Autrement, on se tourne vers des gélules ou des comprimés. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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EBOLA : UN VACCIN PORTEUR D’ESPOIR
Encore en phase de test, il a déjà sauvé des milliers de vies. LE PLUS AVANCÉ DES CANDIDATS VACCINS contre la fièvre hémorragique Ebola, le rVSVZEBOV, a été développé par l’Agence de la santé publique du Canada. Fabriqué par le laboratoire Merck & Co., ce vaccin a démontré son efficacité et sa bonne tolérance dans une quinzaine d’essais cliniques menés en Afrique, mais aussi en Europe et aux États-Unis. Depuis août 2018, plus de 80 000 personnes ont été vaccinées en République démocratique du Congo, ce qui a permis de sauver des milliers de vies. Le rVSV-ZEBOV ne semble pas efficace à 100 %, mais cela vaut pour la plupart des vaccins. On ne connaît pas actuellement la durée pendant laquelle il reste actif, cependant, des données provenant de personnels humanitaires vaccinés montrent qu’il persisterait durant au moins deux ans et demi. Autre information : chez des personnes venant d’être infectées, la vaccination pourrait peut-être leur éviter de développer la maladie. Quelques rares exemples de sujets vaccinés sitôt une exposition accidentelle à Ebola le laisse espérer. Mais cela reste encore à vérifier. ■ 127
D’abord, on veille à consommer au moins cinq fruits et légumes par jour, par exemple trois portions de légumes et deux fruits. On met des légumes secs (haricots, pois chiches, lentilles…) au moins deux fois par semaine au menu, lesquels sont une bonne source de fibres et de protéines végétales. Il est également conseillé de manger une petite poignée par jour de fruits à coque (noix, noisettes, amandes, pistaches non salées) pour leur richesse en oméga-3. En revanche, les fruits séchés (dattes, raisins secs…) doivent rester une gourmandise occasionnelle, car très sucrés. Côté féculents, on privilégie les complets si possible une fois par jour, car bien plus riches en fibres et plus rassasiants. Pour le poisson, l’idéal est d’en manger deux fois par semaine, dont un gras (sardine, maquereau, hareng, saumon…) pour l’apport en oméga-3, et en variant les espèces afin de limiter l’exposition aux polluants. On n’oublie pas les produits laitiers (yaourt, lait et fromage) à raison de deux par jour. Et pour les matières grasses ajoutées, on privilégie les huiles de colza, de noix, et d’olive ; on réserve le beurre cru en noisette sur des légumes ou des tartines.
Ce qu’il faut éviter
AVOIR UNE MEILLEURE SANTÉ passe notamment par le contenu de son assiette. Mieux vaut manger le plus naturel et diversifié possible, avec des produits de saison, locaux, bio quand l’on peut, en évitant au maximum les produits industriels. Voici des conseils fondés scientifiquement qui viennent d’être affinés par les autorités sanitaires françaises.
Attention aux boissons sucrées : jus de fruits, sodas, boissons dites « énergisantes »… Si vous ne pouvez pas vous en passer, n’en buvez pas plus d’un verre par jour ! Limitez également les aliments souvent trop gras, trop sucrés ou trop salés : céréales du petit-déjeuner, gâteaux, chocolat, crèmes dessert, biscuits apéritifs, plats préparés du commerce… Ces produits ultratransformés cachent en outre nombre d’additifs (en général signifiés par la lettre E sur la liste d’ingrédients), dont l’impact sur la santé ne serait pas positif. Côté viandes, on privilégie la volaille, et on limite les autres viandes à 500 g par semaine : on alterne avec les œufs, le poisson, les légumes secs. Quant à la charcuterie, on ne dépasse pas 150 g par semaine. ■
À LIRE
Des opticiens en ligne bienvenus
« De tes aliments, tu feras ta médecine. » Priorité aux produits naturels et à une alimentation diversifiée.
Prévenir au maximum Près de 40 % des cancers ont des causes évitables : alimentation, tabac, traitements hormonaux, pesticides… Ce livre décrit dans quelles circonstances, à quelles doses et sur quelle durée divers éléments de notre vie quotidienne augmentent le risque de cette maladie. Et il donne des conseils préventifs. Cancer, quels risques ?, par le Dr Martine Perez et le Pr Béatrice Fervers, éditions Quæ, 19,50 euros.
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Étant donné l’accès à la santé visuelle en Afrique, la plate-forme de vente de lunettes E-Lunet Optic va rendre service au continent. Il faut fournir l’ordonnance d’un ophtalmologiste, datant de moins de trois ans et précisant l’écart pupillaire. On choisit ensuite ses verres, et on peut essayer sa monture en ligne via sa webcam ou en chargeant une photo. Il y a la possibilité pour une personne d’origine africaine vivant ailleurs de commander pour un proche, avec un envoi en Afrique. e-lunetoptic.fr
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EN BONNE SANTÉ GRÂCE À SON ASSIETTE !
VIVRE MIEUX forme & santé PARACÉTAMOL, IBUPROFÈNE… CHOISIR LE BON ANTIDOULEUR
Vertige : pourquoi la tête vous tourne?
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La sensation peut être très angoissante, mais dans la plupart des cas, ce n’est rien de grave. IL NE FAUT PAS CONFONDRE un petit malaise avec sensation d’étourdissement et un vertige. Dans ce second cas, tout tourne autour de soi : le sol, le plafond, les murs, les objets. On ne risque pas forcément de tomber, mais il faut s’asseoir, même par terre, ou s’allonger. Et même si cela peut aller rapidement mieux, il faut consulter pour en rechercher la cause. Dans une majorité des cas, l’origine du trouble vient de l’oreille interne, qui cache le siège de l’équilibre. Parmi les vertiges courants, il y a ceux qui se produisent lors de changements rapides de position de la tête : ils sont en général dus au déplacement de petits cristaux dans des canaux de l’oreille, qui appuient ensuite sur une zone « sensible ». Ces cristaux finissent par se désagréger, mais si besoin, en attendant, des manipulations peuvent être effectuées par un ORL afin de les éloigner du mauvais endroit. Il arrive aussi que des vertiges, lors de changements de position, soient liés à une tension artérielle basse (baisse de la pression sanguine dans le cerveau). La cause de l’hypotension (médicaments, mauvaise circulation sanguine…) est alors cherchée pour y remédier. D’autres vertiges avec une sensation de bourdonnements d’oreille et de baisse d’audition d’un côté évoquent la maladie de Ménière, qui est due à une pression trop forte des liquides dans l’oreille interne. Les crises sont traitées par des médicaments antivertigineux, mais cette maladie nécessite un traitement pour agir au niveau de l’oreille ainsi qu’un suivi ORL. Il existe enfin bien d’autres causes de vertiges : l’inflammation d’un nerf dans l’oreille interne, la mauvaise vascularisation de celle-ci, les migraines… Le traitement se fera en fonction. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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Ils soulagent, mais sont-ils toujours adaptés à votre douleur et sans effets secondaires ? MAUX DE TÊTE, DE DOS, DE VENTRE… Le premier réflexe est de prendre des médicaments antalgiques vendus sans ordonnance. Mais s’ils ont tous une action antidouleur, il y a néanmoins des différences qu’il faut connaître. Le paracétamol : c’est l’antalgique à utiliser en priorité. Il est souvent efficace contre la fièvre et les maux courants. Côté avantages : il a peu de contre-indications et est bien toléré sur le plan digestif (ce qui n’est pas toujours le cas des autres molécules). L’ibuprofène : cet antalgique à effet anti-inflammatoire est donc davantage indiqué pour des douleurs avec inflammation (lombalgie, sciatique, tendinite, arthrose, ou autres rhumatismes), si le paracétamol ne suffit pas. Pour les maux de règles, il soulage souvent mieux que le paracétamol. En revanche, on y renonce pour une rage de dents : en cas d’infection importante, et faute d’antibiotiques en même temps, cela pourrait conduire à une aggravation. Attention, l’ibuprofène a beaucoup de contre-indications et les risques d’effets indésirables sont nombreux : on regarde la notice ! L’aspirine : aujourd’hui, étant donné ses multiples contre-indications, elle n’est plus l’antidouleur de choix. Elle peut en effet agresser l’appareil digestif, provoquer des réactions allergiques et interagir avec bien des médicaments. En revanche, puisqu’elle fluidifie le sang, elle peut être prescrite à faibles doses dans le cadre de maladies cardiovasculaires. Dans tous les cas, on suit quelques précautions. On ne dépasse pas la dose maximale indiquée : l’efficacité n’augmente pas et on s’expose à des complications. On ne prend pas non plus deux antidouleurs différents, cela majorant le risque d’effets secondaires. ■
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LES 20 QUESTIONS propos recueillis par Astrid Krivian
1. Votre objet fétiche ? Une montre mécanique, cadeau d’une personne chère. J’aimerais plus tard l’offrir à mes enfants. 2. Votre voyage favori ? La Gambie, à 12 ans. Ma première connexion avec le pays de mes parents. Mes grands-parents vivaient en autosuffisance dans leur village. Une vie en autarcie, très organisée.
4. Ce que vous emportez toujours avec vous ? Deux photos à valeur sentimentale : une de ma mère, à La Mecque, et une de mon père, qui porte la coupe afro des années 1970. 5. Un morceau de musique ? L’une de mes premières rencontres avec le rock : « Shine on You Crazy Diamond » des Pink Floyd. Ce morceau est parfait ! 6. Un livre sur une île déserte ? Madame Bovary, de Flaubert m’a vraiment marquée. Il raconte une autre époque, mais reste très moderne.
N’Fanteh Minteh Française d’origine gambienne, la journaliste a fait ses classes à France 3, avant de présenter en semaine le journal Afrique sur TV5 Monde, suivi par plus de 20 millions de téléspectateurs. Elle se passionne pour l’économie et les sujets de société, comme le féminisme. 9. Prodigue ou économe ? Plutôt économe. Mais je sais parfois me faire plaisir. 10. De jour ou de nuit ? Je suis une lève-tôt, même si j’aime aussi sortir le soir, faire la fête avec des amis… 11. Twitter, Facebook, e-mail, coup de fil ou lettre ? J’adore les lettres. Et je suis accro à Facebook ! Mais j’évite de recevoir mes mails pro sur mon smartphone, sinon je serais rivée dessus.
7. Un film inoubliable ? Sur la route de Madison, de Clint Eastwood. Je l’ai vu 15 fois ! Il m’a bouleversée.
12. Votre truc pour penser à autre chose, tout oublier ? La marche. J’évite ainsi de réfléchir. Et j’écoute des podcasts.
8. Votre mot favori ? Ensemble ! Je le dis souvent : on forme une équipe, je suis avec toi, on fait un bout de chemin ensemble…
13. Votre extravagance favorite ? Faire des chorégraphies dans mon salon en mettant la musique à fond !
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14. Ce que vous rêviez d’être quand vous étiez enfant ? Faire la « Star Academy », puis être avocate, et enfin éducatrice spécialisée. Un métier qui a du sens… 15. La dernière rencontre qui vous a marquée ? Lazare Ndjadder, que j’ai reçu sur TV5. Il œuvre à la réconciliation entre chrétiens et musulmans dans son pays, la République centrafricaine. C’est un homme plein d’humanité, de bonne volonté, qui contribue à son échelle à faire avancer son pays. 16. Ce à quoi vous êtes incapable de résister ? Le thiéboudiène [un plat sénégalo-gambien, ndlr] de ma mère, qui mijote pendant des heures.
17. Votre plus beau souvenir ? Quand je construisais des cabanes avec mes frères, gamine. 18. L’endroit où vous aimeriez vivre ? Je n’ai pas d’endroit précis. J’aimerais juste que mon cercle amical, très important pour moi, soit là. 19. Votre plus belle déclaration d’amour ? Le jour où ma petite sœur m’a dit qu’elle voulait devenir journaliste, comme moi. Ça m’a beaucoup touchée. 20. Ce que vous aimeriez que l’on retienne de vous au siècle prochain ? Je n’ai vraiment pas l’ambition que l’on se souvienne de moi ! ■
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CHRISTOPHE LARTIGE
3. Le dernier voyage que vous avez fait ? Un week-end en amoureux à Londres. J’ai découvert une très belle ville ! Et j’ai trouvé les Anglais plus sympas que les Français [rires] !
Breguet La Marine
Équation Marchante 5887
BEN JANNET JALEL, TUNIS: RUE DU LAC LÉMAN, 1053 LES BERGES DU LAC – LES JARDINS DE LA SOUKRA, ROUTE DE LA MARSA, 2046 SIDI DAOUD PA S S I O N , C A S A B L A N C A : 8 3 , R U E M O U S S A B E N N O U S S A I R