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Marcellin Zinsou : « Construire dans la pérennité »
BUSINESS
Marcellin Zinsou
PRÉSIDENT DU COMITÉ DE GESTION DU FGPME
« Construire dans la pérennité »
La difficulté des petites et moyennes entreprises à obtenir des prêts bancaires pèse sur l’essor du continent. Le président du comité de gestion du Fonds de garantie des crédits aux PME (FGPME) nous explique le fonctionnement de cet organisme ivoirien. Objectif : soutenir les entrepreneurs dans leur développement.
propos recueillis parCédric Gouverneur
AM : Pourquoi les banques ivoiriennes sont-elles réticentes à prêter aux PME ? Marcellin Zinsou : La culture bancaire, en Côte d’Ivoire, favorise les grandes entreprises, qui rapportent davantage de commissions. De plus, un mécanisme de refinancement de la BCEAO s’adressant exclusivement aux prêts accordés à ce type d’entreprises a renforcé l’appétit des banques. Celles-ci ont donc organisé leur propre segmentation interne, et privilégient les sociétés de taille intermédiaire, qui réalisent un chiffre d’affaires (CA) compris entre 1 et 5 milliards de francs CFA. Ces dernières ne sont malheureusement pas des PME selon les critères de la Banque centrale, de l’UEMOA et de la CEDEAO, pour lesquelles une PME est une entreprise réalisant un CA égal ou inférieur à 1 milliard de francs CFA. Fin 2018, la Banque centrale a donc étendu le dispositif de refinancement à toutes les PME, mais on ne peut pas effacer plusieurs décennies de pratique : l’asymétrie subsistait donc. Les banques ont parfois subi des pertes à cause de PME à qui elles avaient accordé des crédits. Elles auraient voulu un système de partage des risques pour compléter le dispositif de refinancement. Ce besoin avait été confirmé dès 2012 par le cabinet McKinsey et son plan dit « Phœnix », puis par la loi d’orientation des PME de 2014, qui recommandaient un fonds de garantie afin de faciliter l’accès des PME au crédit. D’où la réactivation par le président Alassane Ouattara, en janvier 2020, du Fonds de garantie des crédits aux PME, créé en 1968 par Félix Houphouët-Boigny (pour faciliter l’accès des premiers entrepreneurs ivoiriens aux banques françaises après l’indépendance) et malheureusement gelé avec tous les autres fonds logés à la Caisse autonome d’amortissement (devenue Banque nationale d’investissement) à la suite du coup d’État de 1999. Comment fonctionne le FGPME ?
Il ne prête pas d’argent, mais reçoit des fonds de ses différents partenaires (Banque mondiale, KfW…) et met en place des guichets de garantie selon les indications de ces derniers afin d’accompagner les PME. La banque accorde le financement à un taux n’excédant pas 9 % hors taxes, sans demander plus de 50 % du montant du financement accordé comme garantie. Le FGPME prend en charge jusqu’à 80 % de ce montant pour les garanties individuelles et 100 % pour les garanties de portefeuille. Quelle est la procédure à suivre pour une PME ?
Pour commencer, elle va voir sa banque, puis elle s’inscrit en ligne sur notre site Internet : fgpme.ci. Cela ne demande que quelques minutes. Nous donnons une réponse dans un délai maximal de cinq jours. C’est un peu
comme la caution logement pour un locataire. Auparavant, pour un prêt de 100 millions de francs CFA, la banque demandait une garantie équivalente, une hypothèque sur un bien immobilier et un amortissement sur les outils de production ! Avec le FGPME, elle ne peut demander une garantie de plus de 50 %, dont nous apportons 80 % ! La PME n’a besoin d’apporter que 10 millions. Soit, au final, un coût du crédit divisé par 10. Quels sont les premiers résultats du FGPME ?
Nous avons démarré en janvier 2021, avec quatre établissements financiers conventionnés (sur 32 banques et 30 établissements de microfinance de grande taille), et nous avons traité une centaine de dossiers de garantie : une enveloppe de 1 milliard de francs CFA pour 3 milliards de financement. Ce qui est déjà considérable, mais infime par rapport au volume des prêts accordés aux très grandes entreprises. En 2022, nous allons étendre le dispositif aux 32 banques présentes dans le pays, et traiter au moins 10 000 dossiers. Nous débutons donc réellement en 2022. Il fallait nous assurer que le système fonctionne bien avant de massifier l’action. Car, trop souvent, certains généralisent un dispositif sans disposer de recul, juste pour faire du chiffre. Et il y a alors de la casse… Nous sommes là pour construire dans la pérennité une Côte d’Ivoire plus solidaire envers les PME, conformément à la vision du président Alassane Ouattara. Le FGPME doit se substituer aux fonds mis en place après la crise sanitaire. Ce processus doit accompagner les entreprises dans la durée. La Banque mondiale table pour la première phase sur un portefeuille de près de 15 milliards de francs CFA. Nous avons beaucoup d’ambition. Quelles difficultés subsistent ?
Beaucoup de banques font traîner en longueur (deux à quatre mois en moyenne) le traitement des demandes de financement des PME. Nous envisageons d’approcher la Banque centrale afin d’étudier la possibilité de contraindre les établissements à traiter les dossiers en quinze jours ouvrés et à consacrer 30 % de leur volume de prêts mensuels et annuels aux PME. Leur culture a accoutumé les banquiers pendant trente ou quarante ans à une certaine aversion envers les PME, lesquelles ont la réputation de faire perdre du temps pour des commissions peu élevées. Il faut que cette culture bancaire intègre le fait qu’elles sont éligibles au crédit au même titre que les grandes entreprises. ■