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ON EN PARLE
from AM 435-436
by afmag
C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage
KANAZOÉ ORCHESTRA, Folikadi,
Antipodes Music.
Le groupe est emmené par Seydou Diabaté (à l'arrière, à gauche).
COLLECTIF Kanazoé Orchestra GRIOT SPIRIT
Toujours sous la houlette du Burkinabé Seydou Diabaté, cet EXALTANT ORCHESTRE enrichit son langage musical avec ce troisième album, qui marie tradition et modernité.
DR - XOSE BOUZAS ALORS QU’IL SAVAIT à peine marcher, Seydou Diabaté, dit Kanazoé, était déjà musicien. En effet, il appartient « à l’ethnie griot des Samblas qui ont comme particularité de s'exprimer en jouant du balafon, explique-t-il. Ce langage musical est précisément compris par les membres de la communauté ». Après la disparition de son père, il part à la quête du monde, ce qui le mène jusqu’en France. C’est là qu’il lance le Kanazoé Orchestra, baptisé d’après son surnom, avec Madou Dembélé au balafon et au n’goni, Thomas Koenig au saxophone et à la flûte, Stéphane Perruchet aux percussions, Elvin Bironien à la basse et Laurent Planells à la batterie. Après deux disques remarqués, le groupe réinvente sa grammaire sonore avec l’arrivée de la chanteuse et rappeuse Gaëlle Blanchard, qui introduit l’anglais, le créole et le français sur des morceaux à l’origine majoritairement chantés en dioula, mais aussi en moré et en sambla. « Nous avons voulu nous ouvrir, dans le but de toucher un public non initié à la musique africaine. » Mais pas de risque que Kanazoé oublie ses racines. En témoignent « Kassi » et « Folikadi » sur ce nouvel album, qui utilisent des gammes typiques des Samblas. « Hommage », lui, est dédié à son père, qui lui a appris le balafon : « C'est un instrumental, mais l’hommage en ici en toutes lettres. » L’esprit griot imprègne l’ensemble de ce disque généreux, solaire… mais qui assume également ses parts d’ombre : « Le rôle du griot est multiple, il s'agit de connaître l'histoire, les familles, de régler les conflits, de transmettre une sorte de sagesse et de connaissance, et d'améliorer la vie de la société. Les prises de position de “Kassi” au sujet de la condition des femmes, de “Ma Kalan” par rapport aux responsabilités des jeunes Africains venus en France pour étudier, ou encore de “Hero”, chanté en anglais, qui parle d'un enfant inquiet pour le monde dans lequel il devra vivre, vont dans ce sens. » Quant au titre de l’opus, c’est en référence au « cri du cœur » de son chanteur, à la suite des confinements de 2020. « Être artiste, c'est se mettre à nu et donner aux autres un concentré de soi-même, une émotion pure transmise en musique. En échange, on reçoit l'émotion et l'énergie du public. Sans concerts, les artistes perdent leur équilibre émotionnel… “Folikadi” signifie littéralement “Jouer nous fait du bien”. La musique comme les paroles sont une invitation à la fête : quand on l'entend, on ne peut pas s'asseoir tant qu'on n'a pas dansé ! » Alors, dansons ! ■ Sophie Rosemont
3 QUESTIONS À… BEN L'ONCLE SOUL
Alors que le single « Levitate » annonce un prochain album, qui sortira au premier semestre sur son propre label, Enchanté, le chanteur se confie sur son RAPPORT À SES RACINES musicales.
AM : En quoi le gospel, l’une de vos premières amours musicales, compte dans ce nouvel opus ?
Ben l’Oncle Soul : C’est une question très pertinente. Sur cet album, je pose des questions plutôt spirituelles ou existentielles. D’un point de vue musical, c’est un retour aux sources. Le gospel faisant partie de mes racines, il est très présent dans ce disque. La seule chose qu’il n’y a pas et qui serait très liée à ce genre de musique, c’est une chorale… mais je voulais que ce soit intimiste et personnel. La musique vous est-elle thérapeutique ?
Complètement. Quand j’en écoute, elle soigne mon esprit et mon énergie, elle calme mes tourments, elle me nourrit. Quand j’en fais, j’existe, je m’exprime à travers elle, je communique. Et cela, c’est édifiant. Aussi, le fait de monter sur scène et de recevoir toute l’attention et la bienveillance du public, c’est très puissant. Et, quelque part, salvateur. Comment vos origines antillaises influencent-elles votre art ?
En ayant toujours su que j’étais métis, j’ai absorbé la musique en m’identifiant à mes origines. D’abord, avec l’afro-américaine, ensuite avec le jazz et le reggae, et plus tard avec la musique des Mornes, le calypso. Les mélodies du flûtiste martiniquais Max Cilla sont devenues de vraies
sources de vie… ■ Propos recueillis par Sophie Rosemont En tournée en France et en Europe, le 13 décembre au Trabendo (Paris).
SOUNDS
À écouter maintenant !
❶
Gaye Su Akyol
Anadolu Ejderi,
Glitterbeat C’est un superbe morceau qui conclut le quatrième album de la chanteuse stambouliote, « Içinde Uyanıyoruz Hakikatin » (« Nous nous réveillons dans la réalité »), sombre, sous influence des belles heures du psyché seventies, mais empreint du folk turc qui nourrit toutes ses propositions. Tour à tout électrique, romantique, politique, toujours porté par son timbre multifacettes, Anadolu Ejderi confirme le charisme de Gaye Su Akyol.
Créé et dirigé par Christophe Cagnolari, cet ensemble de chambre, composé d’un quatuor à vent et d’un autre à cordes, et dédié aux musiques africaines, ressuscite la vitalité des grands orchestres de la seconde partie du XXe siècle. Incarné par les voix de Ballou Canta, Sekouba Bambino, Sam Mangwana et Tina Kloutse, ce superbe disque varie les humeurs et convoque aussi bien le soukouss que la rumba. Très élégant.
❷ Afriquatuors
Afriquatuors, L’Autre Distribution/Idol
❸
Grèn Sémé
Zamroza,
Markotaz/The
Garden Records/
Lusafrica Drôle de chanson que celle de ce groupe qui, depuis Hors sol, en 2016, cultive ses racines créoles, ses amours blues et ses incartades électroniques. Le tout prend son ampleur sur Zamroza, résolument engagé, accompagné d’autres artistes ignorant la tiédeur, tels Gaël Faye sur la pop en crescendo de « Poussière », ou Ambi Subramaniam, Aditya Srinivasan et le Trio Zéphyr sur l’orientalisant « Bhopal ». ■ S.R.
CINÉ LE VERGER DES DÉSIRS
La cueillette des figues dans la Tunisie rurale, occasion de dialogues sur les rapports femmes-hommes et la jeunesse arabe aujourd’hui. Un film CHORAL ET SOLAIRE qui n’en finit pas de récolter des lauriers…
UN SOLEIL ÉCRASANT, des corps et des visages filmés au plus près, des discussions et des échanges permanents… La filiation avec certains films d’Abdellatif Kechiche est évidente, et même revendiquée par la réalisatrice. Mais Erige Sehiri [voir son interview pp. 82-87] vient du documentaire : son premier, La Voie normale (2018), racontait les problèmes d’une ligne de chemin de fer tunisienne. Elle nous plonge ici en pleine saison de la récolte des figues dans le nord-ouest rural du pays, où l’on parle un arabe mâtiné de berbère rarement entendu au cinéma. Ce ballet des saisonniers (surtout des saisonnières) dans le bruissement de feuilles offrant une ombre bienvenue est l’occasion d’échanges vifs et savoureux. Mais aussi de moments de grâce, voire d’impromptus intégrés à la narration (un vieux monsieur qui se mêle d'une conversation sur les rapports hommes-femmes). Il n’y a aucun comédien professionnel, tous connaissent visiblement les gestes de ce travail sous les branches, où ils font attention à ne pas abîmer des fruits fragiles tout en bavardant. Mais c’est une fiction, même si l’on comprend les dures conditions imposées à ces ouvriers sous-payés, victimes de harcèlement (sexuel pour les femmes), et encouragés à la délation contre ceux qui détournent une partie de la récolte. Une réalité souvent complexe : face à un garçon qui reproche aux filles leur voile et l’impossibilité du contact, il y en a une qui défend son foulard et explique vouloir un mari croyant, viril et rassurant, tandis qu’une autre affirme son indépendance en laissant ses cheveux se découvrir sans cesse… Un film féministe qui donne à entendre le point de vue des hommes et décrit un destin commun pour ces habitants coincés dans leur condition sociale. Il y a aussi des chants émouvants et joyeux, dans cette journée unique – qui occupe tout le film –, entre l’arrivée et le départ sur les camions qui transportent ce prolétariat des champs comme du bétail. Une œuvre bucolique et tragique qui a déjà touché beaucoup de monde : présenté à Cannes et récompensé dans les festivals de Namur et de Carthage notamment, le film a été choisi pour représenter la Tunisie aux prochains Oscars. ■ Jean-Marie Chazeau
SOUS LES FIGUES (Tunisie-France),
d’Erige Sehiri. Avec Ameni Fdhili, Samar Sifi , Leila Ohebi, Abdelhak Mrabti. En salles.
Portrait de Baya à l’exposition d’artistes algériens, Fête de l’Humanité, Abderrahmane Ould Mohand, 1998.
« BAYA, ICÔNE DE LA PEINTURE ALGÉRIENNE : FEMMES EN LEUR JARDIN », Institut du monde arabe,
Paris (France), jusqu’au 26 mars.
imarabe.org EXPOSITION
BAYA, L'Âne bleu, Baya, vers 1950. BEAUTÉ BRUTE
Un HOMMAGE À L’ARTISTE ALGÉRIENNE la plus singulière du xxe siècle, dont les créations résistent à toutes les étiquettes et lectures.
IL Y A DANS L’ŒUVRE chimérique de Baya des parfums et des envolées, l’innocence de l’enfance et l’affirmation de soi. Rose fuchsia, vert amande, bleu lavande… Comme une valse des couleurs et de l’ingénuité, qui porterait en elle la toute-puissance de l’imaginaire. Ici, un clin d’œil à Chagall, là une allusion à Matisse ou à Picasso. Juste un effleurement. Mais qui est cette virtuose de l’émotion, chez qui les oiseaux et les femmes, les instruments de musique et les feuillages s’interpénètrent dans des mondes merveilleux ? Par quel trait de crayon, quel souffle créatif la plasticienne, née Fatma Haddad en 1931 dans la banlieue d’Alger, non scolarisée, orpheline à 5 ans, propulsée dès l’âge de 16 ans au sommet de la notoriété, mariée à 22 à un homme de trente ans son aîné, a-t-elle pu toucher l’âme des plus grands artistes et galeristes de son époque ? Faisant d’elle « un personnage mythique, mi-fille, mi-oiseau, échappé de l’une de ses gouaches ou de l’un de ces contes dont elle avait le secret », comme l’écrit la femme de lettres et journaliste Edmonde Charles-Roux dans Vogue, en 1948. Peut-être parce que sa sensibilité à fleur de peau est une ode à la vie. ■ Catherine Faye
PHOTOGRAPHIES DE GRANDES DAMES
À Washington, une sélection des plus beaux portraits de BRIAN LANKER met en lumière les Afro-Américaines qui ont changé les États-Unis.
ROSA PARKS, Leontyne Price, Alice Walker, Angela Davis… Chacune des figures immortalisées par le photojournaliste américain illustre le combat pour la reconnaissance des droits civiques des femmes noires aux États-Unis. Lauréat du prix Pulitzer en 1973, à seulement 26 ans, pour ses photographies d’accouchements naturels, Brian Lanker (1947-2011) ne se contente pas de saisir l’instant. Il scrute, fouille, décèle une ombre dans le regard, une inclinaison de la nuque, un froncement de la bouche, la position d’une main. Présentée en deux parties dans le musée d’art américain emblématique de la capitale américaine, sa série sur les artistes, écrivaines, athlètes, activistes ou politiciennes noires inspirantes percute. Chaque visage raconte une histoire. À la limite du vivant. « Ces femmes nous regardent, nous comprennent, regardent à travers chacune de nous, dans un au-delà », écrit la charismatique Maya Angelou dans l’ouvrage éponyme
I Dream A World, que le photographe avait consacré, en 1989, à ces femmes révolutionnaires et talentueuses, dont le parcours, le défi et l’engagement ont laissé une marque indélébile. ■ C.F.
« I DREAM A WORLD : SELECTIONS FROM BRIAN LANKER’S PORTRAITS OF REMARKABLE BLACK WOMEN »,
National Portrait Gallery, Washington (États-Unis), jusqu’au 29 janvier pour la partie 1 (la seconde se déroulera entre février et septembre). npg.si.edu
Rosa Parks, 1988.
VOYAGE LE COMMENCEMENT DE LA FIN
Traduit en huit langues, un roman poétique et âpre sur la liberté et notre place dans le monde.
LORSQUE Michael Kabongo, un enseignant anglo-congolais, arrive à l’aéroport de Londres Heathrow, il lui reste moins de 1 heure pour s’enregistrer, passer les contrôles de sécurité et monter à bord. Ce vol, il ne peut pas le rater. Il a décidé que les États-Unis, le mythique « pays de la liberté », accueilleraient son dernier voyage. Celui par lequel, d’un océan à l’autre, le sentiment de solitude, d'exclusion et d’injustice qui l’accable se métamorphoserait, peut-être, en une respiration rédemptrice. Une mise entre parenthèses des fractures de l’âme. De New York à San Francisco, le voilà en chemin, avec l’intention de vivre quelques rêves jusqu'à ce qu’il n’ait plus un sou. On retrouve dans la prose magnétique de JJ Bola les thèmes qu’il ne cesse d’explorer : la force destructrice de la masculinité et du racisme, versus la puissance de restauration de l’amour. ■ C.F.
JJ BOLA, Le Chemin du retour,
Mercure de France, 250 pages, 24 €.
PREMIER ROMAN YIN ET YANG DE L’INCONSCIENT
Un récit singulier, qui explore les richesses, les écueils et la magie de la transculturalité.
DJINNS, faunes, génies ou démons, comment démêler le vrai du faux, le clair de l’obscur, le sensé du fou ? De ces variations, de ce flou, entre mondes visible et invisible, Seynabou Soko, écrivaine et musicienne franco-sénégalaise de 29 ans, tire un récit habité et questionnant. Car qu’est-ce qui détermine, ou non, une pathologie psychique, une maladie de l’âme ou une hypersensibilité au tout et au rien, au rationnel et au surnaturel ? Ce n’est pas un hasard si Naboo (son pseudo de compositrice-interprète) cite le groupe de rap français PNL en exergue : « J’t’abîme, m’abîme, j’dois t’oublier / J’suis le djinn de mon djinn, j’suis bousillé. » Parce que les états de conscience ou les phénomènes surréels nous disent la dissemblance des sociétés et des cultures, la peur de la différence, la force des croyances et des représentations. Mais aussi, le lien et le pouvoir de l’imaginaire. Et surtout, la liberté d’être et l’acceptation de l’autre. ■ C.F. SEYNABOU SONKO, Djinns, Grasset, 180 pages, 18 €.
INTERVIEW Oumy Bruni Garrel
LE GRAND ÉCART
Pour son premier grand rôle au cinéma, à 14 ans, la JEUNE ACTRICE CRÈVE L’ÉCRAN ! Née au Sénégal, fille adoptive de deux grands noms du cinéma d’auteur français, les comédiens et cinéastes Valeria Bruni Tedeschi et Louis Garrel, elle incarne avec aplomb dans Neneh superstar une fillette noire qui veut conquérir le monde très formaté de la danse classique…
AM : Qui est Neneh ?
Oumy Bruni Garrel : C’est une petite fille de 12 ans qui habite en banlieue et veut rentrer à l’Opéra de Paris, parce que c’est son plus grand rêve. Sauf que là-bas, les Noirs et les Arabes, jamais de la vie on va en voir ! Mais elle y rentre, et genre c’est incroyable, sauf qu’elle est en conflit avec une prof qui est super méchante avec elle, et on ne sait pas pourquoi elle déteste Neneh. Je fais de la danse tous les jours, je suis en sport-étude de danse, et je me suis bien vue dans cette petite fille. Mais il n’y a pas que de la danse classique dans le film, il y a aussi du hip-hop. Et ça montre que c’est difficile, qu’il y a plein de choses qui sont dures pour les danseuses. Est-ce que tu as rencontré les mêmes problèmes qu’elle ?
Pas aussi fort, mais oui, bien sûr, parce que je suis noire, et qu’en France, les danseuses classiques noires, c’est vraiment hyper rare, parce que c’est un « monde de Blancs ». Par exemple, dans mon cours de danse classique, je suis la seule personne noire, alors que ce n’est pas le cas en hip-hop. Au départ, pour moi, c’était comme pour toutes les petites filles : les mères qui les poussent à aller à la danse, sauf que normalement, elles arrêtent au bout de cinq ans, et moi j’ai continué ! À un moment, Neneh dit : « J’en ai marre d’être noire, je voudrais être blanche comme tout le monde »…
C’est sûr que je l’ai déjà dit dans ma vie, parce que… c’est chiant, on est la seule Noire, on se sent de trop ! Heureusement, j’ai la chance d’être dans une école qui est super ouverte, qui accueille tous les physiques, toutes les couleurs, pas comme l’Opéra. D'ailleurs, je ne veux pas du tout faire l'Opéra ! Par exemple, cette année, je vais tenter le Conservatoire national de Paris en danse contemporaine, parce que j’ai envie de changer du classique, et aussi parce que c’est plus ouvert. Quels rapports entretiens-tu avec ton pays d’origine ?
Je suis née au Sénégal, mais je n’y suis retournée que deux fois, j’en suis partie à l’âge de 4 mois, j’étais toute petite ! C’est assez loin pour moi, mais j’adore Dakar, ma ville natale. Et j’y retourne pour Noël cette année pendant quelques jours.
As-tu l’habitude des plateaux de cinéma, grâce à tes parents ?
Je les ai parfois suivis sur des tournages, mais ça ne m’a pas donné envie d’être actrice. Du coup, faire un film, c’est marrant, mais c’est pas du tout pour faire comme eux. Et j’ai fait ça de mon côté, pas avec eux. Je ne veux pas être danseuse non plus d’ailleurs, j’aimerais être avocate à l’ONU, donc vraiment rien à voir ! Dans la société, il y a beaucoup de choses qui m’énervent, comme le racisme, l’homophobie… On va dire que c’est basique, mais non, c’est pas du tout basique, je le vois tous les jours encore
maintenant. ■ Propos recueillis par Jean-Marie Chazeau
NENEH SUPERSTAR (France), de Ramzi Ben Sliman.
Avec Maïwenn, Aïssa Maïga, Steve Tientcheu. En salles.
Le Dormeur éveillé, Aladin ou la Lampe merveilleuse ou encore Ali Baba et les Quarante Voleurs sont parmi les récits contés par Shéhérazade.
JARDINS SECRETS
Quelque 3 500 pages et des dizaines d’illustrations, réunies dans un écrin de papier bible et de cuir, pour cette nouvelle édition des MILLE ET UNE NUITS.
IL N’EN FALLAIT pas moins pour un tel recueil. Un coffret luxuriant, qu’il suffirait presque de frotter, comme une lampe d’Aladdin, pour qu’en jaillissent parfums et arabesques, fantasmagories et destins. Un vrai page turner, dirait-on aujourd’hui. Peut-être même un scénario efficace pour une série épique. Car ce qui se joue entre les deux héros de ce récit-fleuve, Schahriar, le roi trahi, et Shéhérazade, la jeune fille audacieuse, est une affaire de vie ou de mort. Le premier a été trompé par son épouse et décide de se venger en tuant chaque matin la compagne toujours renouvelée de sa nuit. La seconde le tient en haleine, grâce à de captivantes histoires qu’elle lui narre chaque soir, s’arrangeant pour que l’apparition de l’aube ne coïncide jamais avec la fin d’un récit. Pendant mille et une nuits de contes merveilleux ou salaces, de récits de voyages, de péripéties ou d’historiettes « de comptoir », de scènes d’amour ou de vie quotidienne, l’amante stratège engage sa vie. Sa survie se nourrissant d’une humanité diverse, des beautés du monde et de ses petitesses, du banal et de l’extraordinaire. L’issue sera une victoire, puisqu’à la mille et unième nuit, le roi proclamera Shéhérazade épouse légitime, mère – pendant ces presque trois années, elle a mis au monde trois enfants – et reine. Un « happy end », au bout d’un entrelacs de contes enchâssés, de personnages en miroir et d’intrigues. Fascinante aussi est la genèse de ce texte anonyme. Il n’existe pas une version d’origine, unique et incontestée, mais plusieurs versions. Ceci tenant à leur premier mode de transmission, par voie orale. Il n’existe pas non plus un manuscrit mais des manuscrits, pour la plupart perdus. Il n’existe pas, enfin, une traduction mais diverses traductions. Dont celle des écrivains et poètes Jamel Eddine Bencheikh, universitaire franco-algérien, et André Miquel, qui a occupé la chaire de langue et littérature arabes classiques au Collège de France. Ils restituent ici, avec fidélité, une langue poétique ou crue, épique ou humoristique, dans un texte saisissant, qui ne se lasse pas de solliciter les passions et les affects. Et la curiosité insatiable du lecteur. ■ C.F.
LES MILLE ET UNE NUITS I, II, III ET ALBUM,
Gallimard-La Pléaide, 3776 pages, 195 €.
R’N’B
HAWA GRAINE DE STAR
Après avoir été l’une des plus JEUNES COMPOSITRICES de l'Orchestre philharmonique de New York, cette chanteuse aux origines guinéennes sort un épatant premier album.
NÉE À BERLIN il y a vingt-deux ans, mais élevée dans le pays d’origine de ses parents, la Guinée, Hawa a déjà été remarquée grâce à une poignée de morceaux au R’n’B aussi exigeant qu’accessible – en tout cas prometteur. Arrive aujourd’hui un premier album baptisé Hadja Bangoura en hommage à feu son arrière-grand-mère, dans lequel il s’agit de panser ses jeunes blessures et de faire valoir sa maturité artistique. Il est le fruit d’années passées à Conakry, puis aux États-Unis, dès ses 10 ans, où elle a intégré le programme de composition musicale de l’Orchestre philharmonique de New York. À 15 ans, elle décide de quitter cette prestigieuse institution et enregistre ses premiers morceaux. Deux ans plus tard, elle est signée sur le prestigieux label 4AD… La suite, on l’écoute sur son opus, admirant des titres tels que « Gemini » ou « Progression », qui, pour raconter ses émois, manient aussi bien l’organique du piano que l’autotune et les beats incisifs. Ça promet ! ■ S.R. HAWA, Hadja Bangour, 4AD.
RÉTROSPECTIVE
UNE HISTOIRE RICHE EN MUSIQUE
Nombre de morceaux, souvent copiés, sont nés sur le continent africain. Tour de piste de cette abondance dans cette anthologie illustrée.
DÈS L’OUVERTURE de ce très bel ouvrage, son auteur, Florent Mazzoleni, rappelle la « pluralité des sources musicales et les dizaines de milliers d’œuvres enregistrées en Afrique depuis un siècle ». Il a donc décidé de « trouver un équilibre naturel entre ces différents musiciens et la grande quantité des musiques enregistrées et diffusées ». En résulte un essai thématique, qui décrypte chapitre après chapitre le jazz, la rumba, le high-life, l’afrobeat, tout en revenant sur les racines mandingues, les chants de résistance lusophones ou les rythmes et mélodies d’Afrique de l’Est. Richement illustré de portraits d’artistes et de pochettes d’albums souvent ultra-graphiques, ce livre ouvre une porte sur une industrie féconde, qui a su dépasser divers traumas et failles sociopolitiques pour donner naissance à moult embranchements sonores. Même des pays moins célèbres que le Mali ou le Nigeria lorsqu’il s’agit de musique, tels le Gabon et le Cameroun, sont ici présents. Docte mais pas ennuyeux, précis et distrayant à la fois, Afriques Musiques est un classique instantané de la littérature consacrée au patrimoine musical du continent. ■ S.R.
FLORENT MAZZOLENI, Afriques Musiques : Une histoire des rythmes africains,
Hors collection, 248 pages, 32 €. STAR DU FOOTBALL et entrepreneur avisé, Cristiano Ronaldo semble transformer en or tout ce qu’il touche. Le cinquième et dernier né de sa chaîne d’hôtels lifestyle CR7, en partenariat avec le groupe Pestana, a ouvert en mars dernier à Marrakech et a remporté en octobre le prix du meilleur nouvel établissement d’Afrique aux World Travel Awards. Situé à mi-chemin entre l’aéroport et la place Jemaa-el-Fna, au cœur de M Avenue, le nouveau quartier branché de la ville, l’adresse mélange cultures marocaine et portugaise, et propose une déco élégante, de subtiles références au football et une architecture lumineuse aux lignes épurées. Aux 174 chambres et suites contemporaines adaptées aux familles s’ajoutent un spa intimiste, un centre d’affaires et un bar où profiter de soirées DJ le week-end. Deux restaurants (un sur le rooftop avec palmiers et piscine, l’autre ouvert sur le quartier cosmopolite) proposent chacun leurs spécialités, notamment des plats portugais. « L’un des hôtels les plus emblématiques » de la marque, d’après l’attaquant, ne se la joue pas resort de luxe : l’équipe attentionnée accueille tous les fans qui souhaitent visiter les lieux ou se prendre en photo avec un ballon doré signé Ronaldo. ■ Luisa Nannipieri
Le joueur aux côtés de son épouse et de son fils, en visite sur le chantier de l'établissement en 2019.
BUSINESS HÔTEL PESTANA CR7 MARRAKECH LIFESTYLE ET FOOT
Après Funchal, Lisbonne, Madrid et New York, CRISTIANO RONALDO confirme son appétence pour l’hôtellerie et s’implante dans la ville ocre.
PESTANA CR7 MARRAKECH, M Avenue, Marrakech (Maroc), chambres à partir de 199 € la nuit. pestanacr7.com
DESIGN FONDATION GACHA, FONDATION GACHA, la transmission en partage
En formant depuis vingt ans des apprentis, l’ONG CAMEROUNAISE perpétue le savoir-faire des maîtres artisans du pays.
LA FONDATION JEAN-FÉLICIEN GACHA et son antenne parisienne, l’espace culturel Gacha, travaillent depuis vingt ans à développer les talents dans l’ouest du Cameroun. L’ONG œuvre sur le terrain pour un meilleur accès à l’éducation, la formation, la culture et la santé des populations locales. Dans ses ateliers de Bangoulap, situés à 1 500 mètres d’altitude, viennent se former des personnes issues de toutes les ethnies du pays, qui travaillent sous la supervision de maîtres artisans pour produire des objets de design (calebasses, objets en métal ou en bois, ou encore tissus brodés et perlés). Laissant libre cours à l’imagination, les apprentis puisent dans les motifs traditionnels, l’iconographie et l’histoire des chefferies de la région ou les formes géométriques et naturelles qui les entourent, telle cette paire de calebasses perlées, où les courbes colorées rappellent des filets d’eau ruisselants. Elles évoquent aussi un filet de chasse, symbole de pouvoir et de sagesse. Les pièces produites sont ensuite exposées dans des salons internationaux ou vendues dans les locaux parisiens de l’association, comme ce sera le cas lors du marché de Noël, du 9 au 11 décembre. ■ L.N. espaceculturelgacha.org
Panier fabriqué durant un atelier de perlage en 2000.
TÉLÉRÉALITÉ JEUNES, CÉLÈBRES, ET ARABES
Netflix propose un nouveau show où règnent le LUXE ET LE DRAMA, mais cette fois-ci à Dubaï.
APRÈS YOUNG, FAMOUS & AFRICAN à Johannesbourg, voici des multimillionnaires du Moyen-Orient dans le luxe clinquant de Dubaï, qui ont fait fortune en débarquant avec 300 dollars en poche. Un célèbre DJ libanais offre une Tesla à sa femme pour la Saint-Valentin, une femme au foyer irakienne cherche avec son mari une maison de 1 300 m2 parce que son dressing déborde… Mais ce sont surtout les businesswomen (PDG dans l’immobilier, star de show TV, influenceuse…) qui surnagent de la série entre deux fâcheries futiles pour dramatiser l’action, déclarant que « les femmes arabes sont les plus fortes et les plus intelligentes du monde, parce qu’[elles ont] de l’assurance ». On notera que la seule femme voilée est une Américaine blanche, mère d’un jeune patron célibataire à moitié koweïtien, qui ne sort jamais, elle… ■ J.-M.C
DUBAI BLING (Émirats arabes unis-Liban), de Mazen Laham, Marcel Dufour et Lama
Samad. Sur Netfl ix.
LA GRAVITÉ (France), de Cédric Ido.
Avec Max Gomis, Jean-Baptiste Anoumon, Steve Tientcheu, Hafsia Herzi. En salles.
ACTION
L’alignement des planètes
Guerre de dealers et de générations sur fond de phénomène astronomique… Un film de banlieue sans flic, mais pas sans violence ni une certaine poésie.
LE CIEL TOURNE à l’orange au-dessus d’une cité au nord de Paris, sous l’effet d’un alignement de planètes abondamment commenté par les chaînes d’info… Dans ce contexte nimbé de fantastique, le FrancoBurkinabé Cédric Ido installe pour son deuxième film (après La Vie de Château, 2017) une classique lutte de territoires entre dealers à l’ancienne et petits jeunes visiblement biberonnés aux jeux vidéo. Joshua, paraplégique, a truffé son fauteuil roulant de gadgets à la James Bond et livre la drogue dans les étages avec l’aide de son frère, Daniel, qui n’a pas osé lui dire qu’il allait émigrer au Canada dans les 24 heures. Un ancien comparse les retrouve après trois ans passés en prison pour avoir refusé de les dénoncer. Mais face à la nouvelle génération d’ados qui veut contrôler le marché, un affrontement éclate et va tourner à la baston de série B façon Tarantino… L’absence de policiers à l’horizon allège de façon bienvenue le schéma habituel du « film de banlieue » (de La Haine aux Misérables, en passant par le récent Athena), sans esquiver la gravité des problèmes sociaux, mais tout en s’interrogeant sur les effets de l’attraction terrestre… ■ J.-M.C.
JEUNESSE IL ÉTAIT UNE FOIS…
Pour les petits, un album de contes enchanteurs, tout en illustrations et en sons.
« LE ROI LION ET SA FILLE », « Le crapaud, le marabout et la cigogne à sac » (du Malien Amadou Hampâté Bâ), ou encore « La mangouste et le crabe »… Chacune des 20 histoires, issues de la tradition orale des populations d’Afrique de l’Ouest, peut se lire, se regarder, et même s’écouter grâce à des QR codes qui renvoient à des créations sonores. Transmis de génération en génération, les récits sont enrichis de dessins d’illustrateurs du continent. Réalisé en partenariat avec les éditions ivoiriennes Nimba, l’ouvrage est né du travail de collecte de l’association « Des livres pour tous », créée en 2008 par l’écrivaine et scénariste Marguerite Abouët, dont l’objectif est de familiariser les jeunes à l’univers de la lecture. Une façon, pour l’auteure d’Aya de Yopougon et d’Akissi, engagée dans la lutte contre l’illettrisme, de construire des ponts : des illustrations aux rêves, des mots à l’imaginaire, de l’enfance aux valeurs de tolérance et d’altérité. ■ C.F.
CONTES AFRICAINS,
Gründ, 88 pages, 14,95 €.
HOMMAGE SORG & NAPOLEON MADDOX
ODE À TOUSSAINT LOUVERTURE
L’alliance du beatmaker français et du rappeur de Cincinnati fait toujours mouche dans ce nouvel OPUS ENGAGÉ.
UNE PETITE DÉCENNIE après leurs débuts en duo, Sorg et Napoleon Maddox (dont c’est le vrai patronyme !) s’attaquent à un album-concept. Ici, ils racontent les combats du général Toussaint Louverture, qui, à la veille de la déclaration d’indépendance de Haïti, mourut en captivité en France, ordonnée par Bonaparte. Sur un terreau mêlant à la fois hip-hop old school, jazz et électro – tous trois sous influence de la côte est américaine –, Louverture s’offre des invités tels que le saxophoniste canado-haïtien Jowee Omicil ou le rappeur libanais Marc Nammour. En sus, les paroles engagées et le flow assuré de Napoleon Maddox, doublées des rythmiques efficaces concoctées par Sorg, également auteur des mélodies du disque. Difficile de résister à la vitalité de morceaux tels que « Sugarcane » ou « Wha Dey Wan », révélateurs d’une narration musicale de haut niveau. ■ S.R.
SORG & NAPOLEON MADDOX, Louverture,
Sans Sucre Records/L’Autre Distribution.
MODELE BON FEELING DE PAPI WATA
Ses labels Mwami et Deep Fry sont conçus comme une ALTERNATIVE SÉNÉGALAISE à la fast fashion.
Le designer.
Ci-dessus et ci-contre, DJ Nix a assuré le show lors de la présentation de la dernière collection de Mwami, « Harmattan ’22 », à l'hôtel Onomo, à Dakar.
ARTISTE, STYLISTE et serial entrepreneur installé à Dakar depuis une douzaine d’années, le cosmopolite Papi Wata a créé son label, Mwami, il y a sept ans. « À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de choix sur le marché pour des jeunes qui voulaient s’habiller avec un certain style et qui, en même temps, prônaient une consommation consciente », se souvient le trentenaire. Le succès de ses premiers dessins le pousse à continuer et à présenter chaque année (hormis une pause pendant la pandémie) une déclinaison de sa collection de fond « Harmattan », qu’il présente comme « de style afro-désert-tech-ninja-marabout », en portant une attention particulière aux matières premières. Des tissus contemporains aux broderies traditionnelles, tout est soigneusement sourcé auprès de fournisseurs écoresponsables, et les vêtements sont confectionnés au Sénégal.
À côté de ses collections principales, toujours créées « au feeling » selon des tonalités bleues, noires, beiges et blanches, le designer aime proposer des capsules en collaboration avec d’autres noms de la scène dakaroise et internationale (comme « The Ñuulest », qu’il a créée avec DJ Nix, en 2019). Mais il n’a pas prévu de s’arrêter là. En effet, Papi Wata a sorti une ligne « Harmattan ’22 », mais a aussi introduit un nouveau spin-off créatif lors de son fashion show pendant la Biennale de Dakar : il a montré un avant-goût de ce qu’il proposera avec son deuxième label, Deep Fry, qui vient d’être officiellement lancé.
Cette nouvelle marque, caractérisée par des couleurs vibrantes comme le vert émeraude, l’orange et le terracotta, veut s’imposer comme une alternative africaine à la fast fashion. « Ce sera un compromis entre mon idéal, notamment niveau sourcing, et une production plus industrielle », explique-t-il depuis Lagos, où il travaille à des projets qui devraient se concrétiser dans les mois à venir. L’artiste en assurera toujours la direction artistique, mais prévoit surtout d’accueillir des propositions et de promouvoir les voix intéressantes qui se lèvent de plus en plus fort dans la capitale sénégalaise. ■ L.N.
Révélée lors d'un défilé organisé durant la Biennale de Dakar, la nouvelle griffe Deep Fry…
… est caractérisée par des couleurs vibrantes comme le vert émeraude, l’orange et le terracotta,
À gauche et ci-dessous, le Poivre Noir Kinshasa revisite la cuisine bistrot moderne.
Ici et ci-dessus, le chef de renom Christian Yumbi a lancé le Mood en juin 2021.
DESTINATION RDC
Un bistrot et un lounge, soit deux adresses épicuriennes à découvrir dans la MAGNÉTIQUE KIN.
OUVERT FIN SEPTEMBRE, Poivre Noir Kinshasa est le nouveau spot du couple d’« afropreneurs » belges Nathalie Bonté et John Goffin, arrivés en République démocratique du Congo forts du succès de Poivre Noir Kigali. Revisitant la cuisine bistrot moderne, avec des clins d’œil à la gastronomie congolaise, John Goffin sert par exemple du poulpe à la sauce romanesco ou des cossas (crevettes) flambées au pastis. Le menu, qui propose aussi des plats végétariens, met à l’honneur la viande grillée, mais ce qui amène une clientèle cosmopolite, en recherche de nouvelles saveurs, c’est le travail sur les jus et les sauces. Le canard grillé au feu de bois est nappé d’une réduction de vin rouge et vinaigre balsamique, et le filet de capitaine est servi avec une sauce alfredo cajun bien relevée. À accompagner avec du bon vin ou un gin tonic, revisité lui aussi. Compte Instagram : @poivrenoirkin
Ambiance plus discrète chez Mood, le lounge lancé en juin 2021 par le chef de renom Christian Yumbi, qui possède trois autres adresses en ville. Ici, il a mis l’accent sur les spiritueux, les cigares premium et les soirées à thème (old school, jazz, karaoké, rumba, kizomba et comedy club). Mais également sur la carte, qui fait découvrir la cuisine congolaise en parcourant les zones linguistiques du pays : le porc-épic ou les cossas sautées à l’ail pour le kikongo, le bœuf de Goma ou le phacochère pour le swahili, le poulet au lumba-lumba (basilic) pour le tshiluba, ou encore le poisson du fleuve à la façon du chef ou les brochettes de crocodile pour le lingala. Un voyage ethno-culinaire qui varie au fil des saisons. christianyumbi.com ■ L.N.
LE COLLÈGE d’enseignement moyen Kamanar, situé à Thionck Essyl, en Casamance, a reçu le prestigieux prix Aga Khan 2020-2022. L’école, qui accueille 500 élèves et a coûté 400 000 euros, a été conçue par le cabinet catalan Daw Office en tant que premier projet de Foundawtion, l’organisation à but non lucratif de l’agence. Soucieux de ne pas répliquer des modèles occidentaux et d’adapter le projet aux réalités locales, les architectes ont réparti l’établissement en une vingtaine de modules détachés, ou « awlas », groupés par niveau de classe autour de petites places abritant un arbre préservé pendant le chantier. Les pavillons à voûtes renversées ont été construits en argile par des bénévoles à partir de techniques traditionnelles actualisées, et la carrière d’où a été extraite la terre a été réaménagée en terrain de sport et en potager pour les collégiens. Chaque module est entouré de treillis en bois pour laisser passer la lumière, alors que des plaques de métal striées font office de toit, protégeant l’argile du soleil et de la pluie. Ce système garantit le refroidissement par évaporation des pièces, évitant le recours à la climatisation artificielle. L’ensemble peut être élargi pour répondre aux besoins de la population, sa composition modulaire facilitant les extensions. ■ L.N. dawoffice.com