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BUSINESS LA TECH, LE CACAO, LE GREEN

MELTING-POT LES GENS, LES TENDANCES, LES SONS

Travel Guide

LE BUZZ, LES SPOTS, LES BONNES ADRESSES JANVIER 2020

POLITIQUE 2020 C'EST MAINTENANT

Un hors-série

L'échangeur de Marcory, à Abidjan.

M 05529 - 12H - F: 5,90 E - RD

3’:HIKPPC=^UZ^UZ:?a@a@b@m@p";

Côte d'Ivoire

ÉLECTIONS, ÉMERGENCE, ENTREPRISES, ET… ÉVIDEMMENT, LE LIFESTYLE ! Un voyage en Éburnie de 132 pages

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays- Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0



édito PAR ZYAD LIMAM

LE MONDE D’ Il n’y a pas de mystère, notre époque est clairement celle du changement, des mutations, des transformations, des bouleversements systémiques. Nous vivons un moment rare, unique, dangereux et prometteur à la fois. La globalisation de l’économie efface progressivement des frontières que d’autres forces, tout aussi actives, s’évertuent à reconstituer. Les grandes démocraties sont en crise. Crise de la représentativité et crise de confiance entre « peuples » et « élites ». L’Occident se divise, et son leadership, qui date de plusieurs siècles, est remis en cause par les puissances émergentes. Le centre de gravité bascule vers l’Asie, continent surpuissant et productif, mais dont le soft power reste limité. Le nationalisme, l’ethno-nationalisme, le populisme sont devenus des arguments politiques. Le terrorisme s’impose comme une menace stratégique globale. La civilisation digitale entraîne des ruptures et des bouleversements profonds des modes de production, de pensée. Et d’expression. La démographie entraîne de nouveaux rapports de force. La menace écologique, réelle, tangible, amènera inévitablement l’avènement d’une économie verte et révolutionnaire qui reste à inventer. La technologie bouleverse notre quotidien et notre futur, la science-fiction n’étant plus vraiment de la science-fiction… Notre époque est profondément disruptive. Et comme toutes les disruptions, elle est porteuse à la fois de chaos et de progrès. D’ailleurs, l’idéogramme chinois du mot « crise » est l’association des caractères « danger » et « opportunité ». En tant qu’éditeur, nous voulons être acteur de ce moment, décrypter notre époque et chercher à jeter un œil sur l’avenir. Nous voulons être acteur, avec notre spécificité. Notre lecture. Ce qui nous intéresse, c’est notre sphère, l’Afrique en premier, mais plus largement les mondes émergents, les nations du Sud, les pays en développement, pour reprendre une expression classique et très « XXe siècle ». C’est dans cette multitude qu’une grande partie de l’avenir de HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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JANVIER 2020

l’humanité se joue. C’est là que se trouve une grande partie de l’énergie créative, positive. C’est là que les enjeux à long terme sont le plus prégnants. C’est l’objectif d’« Ensuite », la nouvelle collection de hors-séries d’Afrique Magazine. Dont vous avez le premier numéro entre les mains. « Ensuite », parce que l’idée, c’est de s’intéresser à ce qui vient, à ce qui se construit, à nos mondes émergents. Chaque parution est consacrée à une ville, ou à un pays, ou à une région, à un lieu emblématique, à une frontière de ces nouveaux territoires. On offre une clé de lecture, de décryptage. On espère être contemporain, éclectique, « en prise ». En s’intéressant au business, au développement, aux enjeux politiques, mais aussi aux gens, aux idées, à l’art, à la culture, au lifestyle et au « fun ». Chaque parution se veut comme un grand voyage. Ce premier « Ensuite » est consacré à la Côte d’Ivoire. Un pays qui vit une expérience réelle de développement rapide depuis près de dix ans. Une mutation qui s’opère sur le terrain de l’économie, des investissements, mais qui enclenche aussi des ramifications politiques, culturelles, sociales. Un pays « désinhibé », ouvert sur le monde, avec une société civile naissante et active. Avec une jeunesse bien décidée à trouver sa place. Et une capitale économique, Abidjan, 5 millions d’habitants, qui s’impose comme un véritable laboratoire urbain où s’entrechoquent modes, idées, populations, cultures et religions. Un pays, enfin, qui n’est pas entièrement débarrassé de ses fantômes du passé. Face à une élection présidentielle en octobre 2020, véritable rite de passage démocratique pour une nation qui fêtera, la même année, les 60 ans de son indépendance. Voilà, bouclez vos ceintures, nous vous emmenons en Côte d’Ivoire, en terre d’Éburnie, à la découverte d’une certaine modernité africaine, contrastée et prometteuse. Et en attendant le prochain hors-série « Ensuite » (qui ne saurait tarder), toute l’équipe d’Afrique Magazine vous souhaite d’entrer en 2020 d’un bon pied ! ■ 3


JANVIER 2020

P.16

Un hors-série 3

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par Zyad Limam

TEMPS FORTS Chroniques des mois à venir

ZOOM

par Zyad Limam avec Dounia Ben Mohamed

ÉDITO Le monde d’Ensuite

DES GRANDS ANGLES ET DES IMAGES POUR VOUS RACONTER

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par Zyad Limam

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propos recueillis par Dounia Ben Mohamed

COMPRENDRE TENDANCES, CHIFFRES ET ÉVOLUTIONS

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MELTING-POT

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LES GENS, LES LIEUX, LES SONS ET LES COULEURS

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Daouda Coulibaly : « Nos banques sont prêtes à relever tous les défis » propos recueillis par Dounia Ben Mohamed

Ouattara Watts et son cosmos

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POUR CONCLURE Tous à « Abijan » !

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par Emmanuelle Pontié

Les nouveaux partenaires par Lilia Ayari

par Zyad Limam

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Jobst von Kirchmann : « Un potentiel commercial extraordinaire »

Pas de développement sans industries par Dounia Ben Mohamed

Voir l’avenir en vert par Lilia Ayari

80

Cap sur les « ENR » par Lilia Ayari

82

Révolution dans le cacao par Lilia Ayari

ZYAD LIMAM - KAMBOU SIA/AFP - NABIL ZORKOT

P.70

P.42 4

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

I

JANVIER 2020


FONDÉ EN 1983 (36e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Maya Ayari

mayari@afriquemagazine.com

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P.86

RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

Coup d’accélérateur sur la mobilité

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

par Lilia Ayari

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Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

Robert Beugré Mambé : « Mettre un pied à Abidjan, c’est mettre un pied chez soi ! »

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com

propos recueillis par Emmanuelle Pontié

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Bonne arrivée aux nouveaux ! par Dounia Ben Mohamed

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La tech ivoirienne, entre modernité et « brouteurs »

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Lilia Ayari, Juliette Bain-Cohen-Tanugi, Dounia Ben Mohamed, Alexandra Fisch, Djeynab Hane Diallo, Astrid Krivian, Magali Luzé, Arnaud Salvat.

P.96

VENTES EXPORT Laurent Boin TÉL. : (33) 6 87 31 88 65 FRANCE Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL. : (33) 1 56 82 12 00

par Lilia Ayari

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Siandou Fofana « Le tourisme : une mine d’or »

ABONNEMENTS

propos recueillis par Emmanuelle Pontié

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S’inscrire en haut du tableau ableau par Dounia Ben Mohamed

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LE TRAVELER GUIDE

P.82

LE VOYAGE, LES SPOTS, LES GENS !

par les voyageurs de la rédaction, ction, Djeynab Hane Diallo et Alexandra Fisch

Com&Com/Afrique Magazine 18-20, av. Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : (33) 1 40 94 22 22 Fax : (33) 1 40 94 22 32 afriquemagazine@cometcom.fr

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ regie@afriquemagazine.com AM International 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél. : (33) 1 53 84 41 81 Fax : (33) 1 53 84 41 93

AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR BUSINESS LA TECH, LE CACAO, LE GREEN

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POLITIQUE 2020 C'EST MAINTENANT

KAMBOU SIA - DR/SIMPLON - SHUTTERSTOCK - DR

Un hors-série

Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.

P.113 ANNONCEURS

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

Commission paritaire : 0224 D 85602. Dépôt légal : janvier 2020.

L'échangeur de Marcory, à Abidjan.

CIE p. 2 – Sotra p. 14-15 - ISAO p. 39 - Union européenne p. 40-41 – Sublime Côte d’Ivoire p. 47-50 – Conseil du Café-Cacao p. 56-57 Fraternité Matin p. 63 - District Autonome d’Abidjan p. 68-69 Bolloré Transport et Logistics p. 93 - Accor p. 131 - OCP p. 132.

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JANVIER 2020

31, rue Poussin - 75016 Paris. SAS au capital de 768 200 euros. PRÉSIDENT : Zyad Limam.

M 05529 - 12H - F: 5,90 E - RD

3’:HIKPPC=^UZ^UZ:?a@a@b@m@p"; AMHS_CI_Couv.indd 1

Côte d'Ivoire

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France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays- Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0

PHOTO DE COUVERTURE : KONAN OLIVIER/SHUTTERSTOCK

20/12/19 17:01

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2020.

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Des grands angles et des images pour vous raconter

présenté par Zyad Limam

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AFRIQUE MAGAZINE

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ABIDJAN, CITÉ AFRO-GLOBALE

NABIL ZORKOT

POUR REPRENDRE une expression locale, ici, c’est « Babi » (contraction d’Abidjan et de Babylone), capitale économique de la Côte d’Ivoire, une ville de près de 5 millions d’habitants, qui concentre 60 % des richesses du pays. Un incroyable melting-pot de cultures, de langues, de nationalités, un concentré d’Afrique, au bord de l’océan, entrecoupé par les couloirs d’eau de la lagune, traversée par les ponts. Une ville où se rejoignent des communes différentes et complémentaires, avec les tours du Plateau, les boulevards ombragés de Cocody, la densité d’Abobo et son million d’habitants, Yopougon, Attécoubé, Marcory, Zone 4 et ses nuits enfiévrées, Port-Bouët… Abidjan grandit, s’étend, fébrile, impitoyable, insomniaque, séduisante, tournée vers le grand large. Une cité afro-globale. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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DU HAUT DE LA BASILIQUE

NABIL ZORKOT

CONSTRUITE ENTRE 1985 ET 1989, Notre-Dame de la Paix s’élève, grandiose, presque au milieu de la savane, plus grand édifice catholique du monde, voulu par le premier président, fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny. Et construite dans son village de naissance, Yamoussoukro, au cœur du pays akan. Témoignage de foi chrétienne, volonté stupéfiante d’affirmation et de grandeur, la basilique traverse les années cahin-caha, comme à la recherche d’un nouveau moment de gloire. Félix Houphouët-Boigny voulait faire de Yamoussoukro la capitale du pays. Un projet encore inachevé. Il est mort en décembre 1993. Et la cérémonie fut fastueuse sous le dôme géant de Notre-Dame de la Paix. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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ZOOM

ENTRE TERRE ET MER LA CÔTE D’IVOIRE est un pays de l'Atlantique, un pays littoral qui commence au Liberia pour aller jusqu’au Ghana. L’un des plus étendus d’Afrique de l’Ouest, après le Nigeria : près de 600 km de côtes. Un littoral unique où se succèdent lagunes, mangroves, forêts denses, humides, marécageuses. Et où les hommes viennent aussi s’installer, vivre, travailler. À San-Pédro, la « capitale » du sudouest, la douceur du rivage vient à la rencontre de la plus grande richesse du pays, le cacao. La ville est le deuxième port du pays et le premier port cacaoyer du monde. ■

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RENAUD VANDERMEEREN

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SUR LA ROUTE DU GRAND NORD

NABIL ZORKOT

LA CITÉ DE KORHOGO, capitale du pays sénoufo, quatrième ville de Côte d'Ivoire, aurait été fondée au XVIIIe siècle par Nanguin Soro. Captif du puissant royaume de Kong, il aurait réussi à s’échapper pour s’installer sur une terre plus paisible, au pied d’une colline, qu’il baptisât « Korgo » (signifiant en français « fortune ou héritage »). Nous sommes ici à la frontière du Mali et du Burkina Faso, à 600 km d’Abidjan, dans le grand nord. Nous sommes à la fois en terre d’islam et au pays du poro, rite initiatique de la cosmogonie sénoufo. Tout autour de la ville, de vastes plateaux, surmontés de dômes granitiques majestueux. ■

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COMPRENDRE Tendances, chif fres et évolutions

par Zyad Limam

Trajectoire Le long chemin vers la paix et la sécurité.

LA CÔTE D’IVOIRE REVIENT DE LOIN. Le président Félix Houphouët-Boigny décède le 7 décembre 1993, ouvrant une séquence de profonde instabilité. Le pays est affaibli par une crise économique, la montée de la dette, ainsi que la promotion du concept d’ivoirité, selon lequel certains citoyens seraient plus ivoiriens que d’autres. Une politique qui vise essentiellement à exclure du champ électoral Alassane Dramane Ouattara et ses partisans réunis au sein du Rassemblement des républicains (RDR). Le président Henry Konan Bédié est destitué par un coup d’État en décembre 1999. Laurent Gbagbo accède au pouvoir en octobre 2000. En septembre 2002, le pays est coupé en deux à la suite d'une rébellion. La crise atteint son apogée avec l’élection présidentielle de novembre 2010, reportée à plusieurs reprises depuis 2005. Laurent Gbagbo refuse de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara, élu avec 54,1 %. Au lendemain de ce scrutin, la Côte d’Ivoire est exsangue, à genoux ; elle sort de vingt ans de stagnation, d'une quasi-guerre civile et d’une crise électorale sanglante. Le pays est divisé, l’eau et l’électricité manquent, Abidjan est au bord de la pénurie, les provinces sont abandonnées à elles-mêmes, l’administration n’est plus en place pour assurer des services publics essentiels comme l’éducation nationale. L'arrivée du président Alassane Dramane Ouattara marque un véritable changement. En un peu plus de huit ans, la Côte d’Ivoire a retrouvé de l'unité et de l'ambition. Elle s’est lancée sur le chemin d’une croissance accélérée. Le pays a aussi pu retrouver un fonctionnement institutionnel normal. L’élection présidentielle de 2015, qui a vu la réélection confortable d'Alassane Ouattara à la tête de l’État a confirmé le processus de remise en marche de la vie institutionnelle. En 2016, une nouvelle constitution a éliminé les « clauses identitaires » et introduit un nouvel équilibre des pouvoirs. Tout n’est pas parfait. La dette du passé est lourde. Les blessures ne sont pas entièrement refermées. Mais cette sortie de l’abîme, cette reconstruction de la nation, ce retour à la paix et à l’ambition n’étaient pas acquis. Loin de là.

Business Une économie en forte croissance, au cœur de l’Afrique de l’Ouest.

ON PEUT PARLER D'UN SECOND MIRACLE. Dans les années 1970, sous le leadership du président Houphouët-Boigny, le pays s'impose comme l'une des premières économies d'Afrique. Il devient le premier producteur mondial de cacao. L'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara en 2011 ouvre un nouveau cycle, fortement dynamique. Depuis le début de la décennie, le taux moyen de croissance « pointe » entre 8 % à 10 % par an. Un vaste programme d’infrastructures (routes, ponts, barrages…) a permis de rattraper le retard et de doper la compétitivité du pays. On peut ainsi estimer que la richesse nationale globale de la Côte d'Ivoire a plus que doublé sur la décennie. Elle est l’un des 10 pays les plus performants du monde en matière de croissance depuis 2011. L'économie s'appuie sur des secteurs solides, le cacao, les produits agricoles, l’énergie, les services, les ports… Le monde extérieur, les bailleurs de fonds et les investisseurs ont confiance. C'est la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, et Abidjan s’impose comme une grande porte d’entrée sur le continent. La perspective de l’émergence n'est plus tout à fait un slogan, et la dynamique semble durable. De nouveaux projets d'infrastructures majeurs sont en cours, comme le métro d'Abidjan, et l'objectif dorénavant est de monter en gamme, dans l’échelle de valeurs : inciter à la transformation de produits, investir dans la formation, le savoir. Ou dans de nouvelles filières comme le tourisme. Et l'économie verte.

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ZYAD LIMAM

La Tour Postel 2001, située dans la commune du Plateau, à Abidjan.

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COMPRENDRE

Perspective Émergence et inclusivité.

ET PUIS, IL Y A AUSSI CETTE AUTRE CÔTE D’IVOIRE. Celle « hors des murs » d’Abidjan, celle si loin d’Assinie et de ses plages de rêve, celle des « quartiers », des zones rurales, celle de la pauvreté et des indices de développement humain (IDH), qui restent trop faibles par rapport à la croissance. Malgré les efforts consentis depuis près de dix ans (en particulier en matière d’espérance de vie et de durée de scolarisation), le pays reste classé aux environs de la 170e place mondiale en matière d'IDH, dans la catégorie « faible ». La Côte d'Ivoire paye certainement les deux décennies perdues (1990-2010). Entre 1998 et 2008, le taux de pauvreté de la population est passé de 33,6 % à 48,9 %, avant de connaître une lente amélioration à partir de 2012. Mais l’exigence d'inclusivité est devenue un impératif politique pour toute l’Afrique, et plus particulièrement pour les pays en forte croissance. Le pari est complexe. Il faut être toujours plus compétitif, accentuer l’émergence, la croissance. Tout en assurant un développement pour tous. C’est-à-dire en assurant une meilleure répartition des richesses. Et un accroissement massif de la capacité sociale des États : l'éducation (seulement un Ivoirien sur deux est alphabétisé aujourd'hui), la formation, la santé, le logement… Au-delà des clivages politiques traditionnels, c'est ce qu'attendent les « Ivoiriens nouveaux ». 40 % de la population a moins de 30 ans. L'inclusivité sera l'un des thèmes majeurs des campagnes électorales à venir. Pour répondre à ces enjeux, le gouvernement mené par le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, a annoncé, en décembre 2018, un très ambitieux programme social de plus de 700 milliards de francs CFA sur deux ans (2019-2020). Une action multidimensionnelle et rare sur le continent, avec une action sur les revenus des plus pauvres, l’accès à l'eau et à l’électricité, l'incitation à la scolarisation, la mise à niveau des écoles… Le chantier le plus ambitieux concerne la mise en place progressive de la couverture maladie universelle (CMU). Malgré des débuts complexes, près de 2 millions d'Ivoiriens en bénéficient à ce jour.

Société Une population métissée, une forte immigration.

LE QUART DE LA POPULATION DU PAYS ne possède pas la nationalité ivoirienne selon les chiffres officiels des derniers recensements – soit presque 5,5 millions sur les 24 millions d'habitants. Une proportion élevée, mais relativement stable depuis 1975. Dès le début de l’ère Houphouët-Boigny, l'immigration aura été perçue comme un formidable levier de développement, en particulier du secteur agricole (cacao, café, huile de palme…). Burkinabés, Maliens, Ghanéens, Guinéens sont venus travailler, s'installant plus ou moins officiellement sur les terres à cultiver. Avec la promesse de pouvoir accéder à la nationalité, pour se fondre dans une ambition commune, la Côte d'Ivoire devenant ainsi le principal pays d'immigration en Afrique. Facteur de richesse, elle a aussi été – et reste – un facteur de déstabilisation dans des cultures où la propriété traditionnelle représente un marqueur fort d'identité. Et où le foncier est une source de tensions permanentes. La culture du cacao, en particulier, provoque des conflits entre allogènes, qui « travaillent la fève », et autochtones, qui possèdent la terre. Le concept d'ivoirité, promu dans les années 1990, est le signe le plus frappant des crispations identitaires, et recoupe par ailleurs des appartenances religieuses (entre un « nord » musulman et un « sud » chrétien). Malgré les difficultés et l'impact politique, l'immigration et les naturalisations auront profondément bouleversé et enrichi l'identité d'un pays déjà multiple. Avec ses 5 millions d'habitants, Abidjan se présente comme une immense cité afro cosmopolite où les immigrants de première génération se mélangent avec les « nouveaux venus » français, libanais, chinois, vietnamiens…

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NABIL ZORKOT

40 % de la population a moins de 30 ans. Ici, une école primaire à Grand-Bassam.

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COMPRENDRE

Politique L’enjeu du scrutin de 2020.

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TOUS LES ACTEURS POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES ont le regard tourné vers cette échéance majeure, perçue comme essentielle. La Côte d’Ivoire vit déjà depuis quelques mois au rythme de l’élection présidentielle prévue pour octobre 2020. Et l’anxiété n’est jamais très loin. La mémoire liée à l’histoire (les deux décennies de crise) et aux blessures récentes (l’élection de 2010-2011) est encore vive. Pour les élites qui se sont habituées aux années de forte croissance et à un certain confort, le scrutin apparaît souvent comme une « épreuve », une perspective de disruption inquiétante. Les vieux schémas électoraux sont toujours là, avec les sempiternelles quatre points cardinaux (le sud, le nord, l'est et l'ouest), lesquels recoupent aussi des zones d’influences religieuses… La Côte d'Ivoire n'est probablement pas entièrement sortie des prismes ethniques, mais a beaucoup changé. Elle s’est rajeunie, ouverte, modernisée, métissée. La formation d’une classe moyenne, « petite » ou « bourgeoise », assure une forme de stabilité. La croissance des années ADO a bousculé une carte identitaire, sociale et politique, longtemps figée. Une population urbaine, connectée, ouverte sur le monde, émerge progressivement. Une société civile se crée en s’appuyant sur les réseaux sociaux. « L’électeur nouveau », celui de 2020, est certainement attaché à son « village personnel », mais les Ivoiriens, en particulier ceux des nouvelles générations, en particulier dans les villes, veulent passer à autre chose. Ils ont besoin de paix, d’un vivre-ensemble pragmatique. La très grande majorité des citoyens d’aujourd’hui n’ont pas connu Houphouët-Boigny. Beaucoup n’étaient que des enfants au moment de la fin du gbagboïsme et de la crise électorale de 2010. Et cette jeunesse qui entre dans la vie politique reste un mystère. La croissance a créé des besoins, des ambitions. Les progrès génèrent plus de demandes, d’exigences de la part de citoyens mieux informés : l’éducation, la santé, la formation, un travail, un logement accessible, plus de justice sociale, de la gouvernance, des opportunités… Évidemment, tous les regards sont tournés vers Alassane Ouattara, vers le chef de l’État. Son chemin se confond avec l’histoire nationale récente. Jeune cadre, banquier, Premier ministre d’Houphouët-Boigny, il accède à la magistrature suprême après un long combat politique de plus de vingt ans. Et depuis 2011, c’est un président « exécutif », actif, au cœur des institutions et du pouvoir. Il cherche à façonner cette nouvelle Côte d’Ivoire, à imprimer sa marque. Il a lancé un nouveau parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), afin de transcender les lignes traditionnelles, de couper court aux clivages habituels et stériles de la politique ivoirienne. Voudra-t-il se représenter ? Choisira-t-il un successeur ? Les messages sont complexes. ADO appelle à un passage de témoin, de générations. Mais signale aussi que si l'un ou l'autre de ses concurrents historiques (Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo) venait à se présenter, il n’hésiterait pas à repartir au combat. Comme dans un éternel recommencement de l'histoire… Quel que soit X, on se dit que la bataille sera âpre. Mais à voyager, à apprendre à connaître ce pays en transformation, en mutation, on se dit qu’une lecture parallèle est possible. Les enjeux politiques sont là, les ambitions personnelles aussi, légitimes, mais 2020, c’est également une opportunité historique. Il y a quelque chose de fort à réaliser pour les 60 ans de l’indépendance. Une élection démocratique, transparente, populaire, axée sur les enjeux de demain, qui marquerait une étape majeure dans le processus de modernisation politique, parallèle à l’émergence économique. Un passage de témoin qui serait vécu avec une certaine fierté. La Côte d’Ivoire serait « différente ». Elle entrerait dans la modernité politique. Avec une stature historique définitive pour le chef d'État Ouattara. Cette passation démocratique serait d’ailleurs la première de l’histoire du pays, celle où un président sortant remettrait les clés du palais à un nouveau président entrant. ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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THIERRY GOUEGNON/REUTERS

Le président Alassane Dramane Ouattara et son épouse, Dominique, au congrès constitutif du RHDP, au stade Félix Houphouët-Boigny, le 26 janvier 2019.

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MELTING-POT

ROBERTLAKOWPHOTOGRAPHY

Les gens, les lieux , les sons et les couleurs

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CONTEMPORAIN

Ouattara Watts ET SON COSMOS

Glaneur inspiré, il fait entrer en résonance ses CULTURES CROISÉES, et offre une vision sensible de l’universel. « UNE PEINTURE EN MOUVEMENT », envisagée comme une méditation, c’est ainsi que l’artiste, né en 1957 à Abidjan, américain d’adoption, présente son travail. Pour comprendre sa démarche, il faut remonter à la genèse d’une vocation née de manière précoce et immédiate. Adolescent, il observe les danses et les rituels animistes de son peuple sénoufo, dans la région de Korhogo, dans le nord du pays. Il est initié par un membre de sa famille au Poro, un rite de passage. Spiritualité, quête de l’invisible, musique et syncrétisme des arts présents ici détermineront son approche et deviendront les composantes de sa création future. « À travers cette vision première sacrée, où fusionnent danse, musique, peinture sur masques, sur bois, il a la certitude de sa destinée : devenir peintre », témoigne Stéphane Vacquier, commissaire de l’exposition « Résonances », consacrée à l’artiste en 2019 à l’Espace Rebeyrolle d’Eymoutiers, en France. Après la connaissance empirique vient celle, livresque, rationnelle, qu’il acquiert à la bibliothèque du Centre culturel français, où il découvre l’art moderne occidental. En 1977, il s’envole pour Paris et intègre l’École nationale des beaux-arts. Une décennie plus tard, il fait la rencontre décisive du peintre d’origine haïtienne à la carrière fulgurante, Jean-Michel Basquiat. Un coup de foudre artistique, une amitié brève (ce dernier décédera d’une

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La Dama, 2019. Ci-contre : Door of the Cosmos 2, 2019. Ci-dessous : Untitled, 2018.

cacao), bois, photos, objets, papier mâché… Passionné de couleur – il a conçu le « bleu de Watts » –, Ouattara Watts fabrique ses instruments, peint à mains nues, puise dans le savoir-faire de l’architecture soudanaise, mélangeant du beurre de karité à ses pigments pour créer du relief, une matière dense. Ses toiles, souvent de grand format, agrègent des particularités culturelles,

géographiques et temporelles pour former une unité à l’image du GrandTout d’Édouard Glissant. Le spirituel transcende les religions, des motifs inspirés des traditions sénoufo, baoulée, bambara ou dogon se mêlent à des références contemporaines, comme celle de Jackson Pollock. Des chiffres, des signes empruntés aux alphabets hébreu ou berbère, aux hiéroglyphes comme au numérique ponctuent ses œuvres. Rébus à déchiffrer, passerelles entre les mondes, ses tableaux énigmatiques, reliés à l’inconscient collectif, proposent un symbolisme pluriel et évoquent les injustices, le pillage de l’Afrique, la protection de la nature… « Sa peinture est gouvernée par une philosophie : la fusion de l’homme avec son environnement. Tous ces éléments forment un maelström culturel adressé à l’homme du XXIe siècle, rappelant la pureté de l’art et son langage intelligible par tous. La juxtaposition de symboles provoque des émotions, en abolissant les frontières de toute nature. C’est un art transnational, universel », souligne Stéphane Vacquier. Et résolument ancré dans son époque. ■ Astrid Krivian

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overdose six mois plus tard) mais intense. Sur les conseils de Basquiat, Ouattara Watts déménage à New York, où il vit désormais. Depuis, ses peintures ont été exposées dans le monde entier. Entre autres, au MoMA PS1 et à la Biennale du Whitney Museum, à New York, à la Fiac de Paris, en Italie, au Japon, et à la galerie Cécile Fakhory, à Abidjan, pour la première exposition dans son pays natal, en 2018. Au fil de ses œuvres, l’artiste « citoyen du monde », comme il se considère, poursuit son dessein : peindre le cosmos, matérialiser sa vision universelle. Pour cela, ce mélomane éclectique qui peint en musique, dans un geste spontané, non prémédité, construit un langage accessible à tous, dans le sillage du quatrième art. « Dans son approche à la fois figurative et abstraite, rejetant la figuration naturaliste ou narrative, les symboles, les formes, les couleurs parlent directement aux sens. Ils mènent le spectateur à une rêverie, à une compréhension non intellectuelle, comme lors de l’écoute musicale. Il faut éprouver l’œuvre physiquement pour se faire happer par sa dimension, sa dynamique, qui dialogue avec le corps du regardant », poursuit Stéphane Vacquier. Sa technique allie des matériaux cousus, collés, superposés en surface : textiles (sacs de café, de


La révolution d’Akouédo URBANIS ME

Un jour bientôt, l'allée des géants, au futur parc.

Une RECONQUÊTE VERTE au cœur de la cité.

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POUR LES ABIDJANAIS, AKOUÉDO aura longtemps été associé à ces images quasi apocalyptiques d’une décharge urbaine hors de contrôle, véritable bombe à retardement environnementale. Après cinquante-trois ans « d’activité », le site a été fermé à la fin de 2018. Aujourd’hui, c’est un projet particulièrement ambitieux d’assainissement et surtout de reboisement qui a vu le jour. Une sorte de reconquête verte qui s’étend inexorablement, portée par PFO Africa, le groupe Veolia et les paysagistes de Niez Studio. Objectif : la création d’un parc tourné vers la biodiversité, les promenades, les activités sportives, les événements artistiques. On y retrouvera une variété de paysages : le Sahel et la forêt. Et les principales espèces végétales du pays : les fromagers, les bambous, les bois de makoré… Un chantier pharaonique, mais surtout la préfiguration d’un futur plus en phase avec notre « terre ». ■ Zyad Limam

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LUXE

YAMOUSSO THIAM LUXE

ÉLÉGANCE ET VOLUPTÉ

YUXE EST LA CONTRACTION de Yamousso et de luxe. Yamousso Thiam, puisque c’est d’elle dont il s’agit, est l’élégance même. Sa boutique, ouverte il y a quatre ans, lui ressemble. Au départ, la jeune femme voulait se concentrer sur l’horlogerie. Enfant, elle voyait son père prendre soin de ses montres, plus belles les unes que les autres. Elle l’observait les remonter, les prendre délicatement, les nettoyer, et cela l’enchantait. Par la suite, vivant en France, elle a écumé et arpenté les grandes maisons de vente telles que Drouot (célèbre salle de vente aux enchères parisienne) ou les joailliers de la place Vendôme, qui font tant rêver, à la recherche de l’objet rare… De retour en Côte d’Ivoire, l’idée a germé d’une boutique bien à elle pour faire partager à ses compatriotes son goût de l’horlogerie. 26

Aujourd’hui, Yuxe est une adresse de référence qui propose non seulement des montres, mais aussi une gamme de somptueux bijoux. Les marques les plus prestigieuses y sont représentées : Cartier, IWC, Poiray, Piaget, Pomellato prennent place dans cet écrin. Les montres, les bagues ou les colliers attirent par leur éclat. Dernière collection en date, la ligne Y by Yuxe, tout droit sortie de l’imagination de Yamousso Thiam. Une signature qui propose des modèles plus africains, plus originaux, et surtout plus accessibles. Forte de son succès, la femme d'affaires souhaite essaimer sa version du luxe dans d’autres pays du continent. Le Yuxe à l’ivoirienne… ■ Djeynab Hane Diallo MAISON YUXE, Galerie du Sofitel Hôtel Ivoire, Cocody, Abidjan, tél. : +225 22 44 37 58. yuxe.ci HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Elle a créé la bijouterie du TOUT-ABIDJAN.


Le sens des couleurs et un don pour capter les ambiances sont sa marque de fabrique, pour des images toniques au cadrage graphique.

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SAÏD WORDSMITH À PORTÉE DE STYLE

SAÏD WORDSMITH

Un regard audacieux qui dope LA MODE IVOIRIENNE. FACE À SON OBJECTIF, les stars, les mannequins et fashionistas ont une allure qui décoiffe ! Couleurs qui réveillent, cadrages qui posent, attitude dans le groove… Le style s’impose. Le photographe a réalisé de nombreuses campagnes pour plusieurs personnalités, dont Suy Fatem (Miss Côte d’Ivoire 2018) et l’athlète Marie Josée Ta Lou. Il officie aussi dans les mariages, magnifiant les couples, et réalise des portraits, alliant art et business avec talent. Né le 29 juin 1992 dans la commune abidjanaise d’Abobo (véritable ville dans la ville, melting-pot de cultures africaines), il est poussé par son père vers la photographie. Ce dernier l’inscrit dans un centre d’apprentissage du huitième art à Ibadan, la grande ville nigériane de l’État d’Oyo. Il rentre à Abidjan, s’installe à son compte, travaille son œil et acquiert petit à petit de la notoriété. À la fin de 2018, il remporte le prix du meilleur photographe de mode ivoirien. À à peine 30 ans, le jeune Saïd Wordsmith incarne cette nouvelle génération de photographes ivoiriens décidés à capter leurs ambiances, à générer leurs modes. Et le résultat est souvent authentique et audacieux. À suivre, son compte Instagram : @saidwordsmith. ■ Z.L.

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Autoportrait.

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C R É AT E U R

Gilles Touré

Le retour de la gilshirt La mode, encore et toujours, le COUTURIER la vit au quotidien. Et donne un nouveau souffle à sa ligne de prêt-à-porter avec l’ouverture de sa boutique.

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DEPUIS PLUS DE VINGT ANS, l’éternel jeune homme nous enchante par ses créations. Le temps n’a pas de prise sur Gilles Touré, qui n’a pas fini de tisser les fils de son histoire. À la mi-mars 2017, il présentait au festival N’Zassa Mode, à Abidjan, sa collection « À fleur de peau », un hymne à la fraîcheur. Un peu le symbole de sa renaissance. Et en novembre dernier, au Salon du chocolat de Paris, il créait pour le célèbre défilé une parure cacaotée portée par Miss Côte d’Ivoire. En octobre dernier, le couturier a ouvert une boutique dans le quartier chic de Cocody-DeuxPlateaux. Cet espace lui permet d’optimiser ses collections. Une invitation, pour ses clientes, à venir y découvrir ses derniers modèles, son nouvel état d’esprit. Gilles Touré a voulu que seul le vêtement soit HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Le « maître du pagne », au milieu de ses mannequins.

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Le streetwear, pour un look décontracté et urbain…

… mais aussi des lignes glamour et le wax revisité.

DU SUR-MESURE À L’ÉPURE

à l’honneur. Sur deux étages se déploie l’inspiration du « maître du pagne ». Il faut dire qu'il se faisait rare. Déçu, lassé, blasé semblait-il, le couturier n’a pourtant pas rendu les armes. Ses collections montrent qu’il faut encore compter avec son talent. Il n’a finalement pas pris l’année sabbatique qu’il souhaitait s’accorder. La mode se pense au quotidien et l’esprit de la couture s’est rappelé à lui. Gilles Touré l’avoue : « Ce milieu est le mien. Je l’adore. Je ne peux vivre sans… » 30

À ses débuts, ce natif de Treichville est stagiaire auprès du grand couturier Paco Rabanne. Une influence importante pour celui qui est devenu le maître incontesté de la mode ivoirienne. Certes plus mesuré, moins extravagant, plus sage que son aîné, il compose ses créations à son image. Maturité oblige, exit les froufrous inutiles, les formes improbables d’une robe que l’on porte uniquement sur un podium et difficilement commercialisable. Gilles Touré opte pour le plus chic, le plus simple et les lignes épurées pour mieux sublimer les

courbes féminines. Icône du sur-mesure, le couturier s’est aussi fait connaître en lançant la Gilshirt, un vêtement entre la chemise et le tee-shirt. Aujourd’hui, on peut se procurer une paire de Gilshoes ornées de papillons ou d’hibiscus. Et pour un total look, adopter le Gilbag, son dernier né, à choisir dans une ligne de sacs en cuir rebrodé de motifs africains. Au fil de la discussion, Gilles Touré fait part de sa satisfaction concernant l’évolution des tendances, et surtout l’engouement pour le wax à travers le monde : « À l’international, le wax a enfin pris, à juste titre, la place qu’il méritait. Cela signifie que notre travail est regardé, qu’il peut être apprécié et reconnu. » Mais il estime qu’il faut surfer sur la vague et que les créateurs ayant dorénavant une légitimité doivent s’imposer davantage, être plus conquérants. Il faut que les bénéfices leur reviennent, afin qu’à long terme, cette reconnaissance ne profite pas seulement aux Occidentaux. « Nous avons un réel talent. La matière première est là, le savoir-faire également. Mais nous ne savons pas commercialiser, et c’est bien dommage. » L’ancien étudiant en sciences économiques qui a décidé de tout plaquer un jour, au grand dam de sa famille, pour se lancer dans ce qu’il aimait depuis l’enfance, sait de quoi il parle. L’expérience aidant, il se rend compte que le talent ne suffit pas. « Regardez les créateurs, notamment en France, leur esprit est libre pour l’imagination. Leur travail est exceptionnel. Ils ne subissent pas la contrainte de l’argent. Un ou plusieurs financiers croient en eux et injectent ce qu’il faut pour que le créateur soit à son apogée. Je rêve de ce jour ! » Les rêves, celui qui aime se présenter comme « le petit garçon qui a toujours rêvé de coudre », continue de les réaliser. Toujours à la conquête du monde, il est néanmoins conscient de la dureté de la vie. D’un optimisme sans borne, il propose, à travers ses collections, des instants de douceur, de splendeur et de bonheur… ■ D.H.D.

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« Déchiffrer la forêt au lieu de la défricher », préconise le sculpteur Jems Koko Bi, initiateur de l'événement.

ISSOUF SANOGO/AFP

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L’art se met au vert

En plein cœur de « Babi », le PARC NATIONAL DU BANCO, vaste poumon de la ville et destination dominicale, a accueilli la première édition d’Abidjan Green’Arts. Quelques jours festifs pour aborder la forêt autrement. HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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LA PREMIÈRE BIENNALE DES ARTS pour la forêt et l’environnement s’est tenue du 25 novembre au 10 décembre derniers, dans les 3 474 hectares du Banco. L’initiateur d’Abidjan Green’Arts n’est autre que le sculpteur Jems Koko Bi, soutenu par la Fondation Donwahi et La Fabrique culturelle (un espace artistique de la ville). L’idée était de sensibiliser les citoyens aux enjeux environnementaux à travers l’art et de donner une valeur nouvelle à la forêt. « Imaginez un slameur, un poète déclamer un poème pour un arbre, un danseur danser pour un arbre et un artiste plasticien faire une installation autour d’un arbre : c’est une deuxième considération de l’arbre, qui devient une œuvre », explique Jems Koko Bi. Des artistes venus du monde entier ont été conviés pour un moment unique. À terme, il est prévu que la manifestation gagne toute la Côte d’Ivoire, pour rappeler que la préservation des espaces forestiers est bien un enjeu national. ■ Alexandra Fisch

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Des jardins à la française et des plans d’eau entourent l’imposant édifice.

LE PALAIS DE LA MONIN BIA OU LE SENS DE LA DÉMESURE INSOLITE

Des salons en enfilade, avec lustres et meubles anciens.

Près d’Aboisso, non loin de la capitale économique se dresse un monument irréel, sorti tout droit de l’imagination de feu DOMINIQUE KANGA.

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Depuis la rotonde, une vue panoramique sur le lac Ayamé.

une histoire, son créateur ayant été par ailleurs un véritable amateur d’art… Le visiteur ne peut que tomber en admiration devant tant de beauté. Le palais est ouvert à la location, le temps d’un séjour, pour y vivre la vie de château dans un cadre féerique et hors du temps. Resté dans la famille, le lieu est géré par l’un des fils du propriétaire défunt. La région offrant des possibilités d’excursion, on peut par exemple se rendre aux barrages hydroélectriques d’Ayamé, situés sur le fleuve Bia, qui ont donné naissance à plusieurs petits lacs. De ces calmes étendues d’eau émergent des arbres dénudés, témoins du temps passé. Non loin, Aboisso est un but de promenade agréable pour y déguster quelques écrevisses. ■ D.H.D. HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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L’HOMME À L’ORIGINE DE CE RÊVE était un génie fou ou un fou génial. Ce célèbre avocat ivoirien, que certains jugeaient mégalomane et fantasque, a toujours fonctionné à la marge… L’incroyable bâtisse perchée sur une colline a été son dernier projet. Réalisation pharaonique qui marqua à jamais le passage sur terre de Dominique Kanga, originaire d’Ayamé – ville dont il fut le premier magistrat. Ce havre de paix et de luxe offre une vue panoramique sur le lac Ayamé, avec des jardins dits à la française. Un véritable exotisme sous cette latitude. Tout ici est démesuré : sur quatre niveaux, on traverse plusieurs salons en enfilade, une salle à manger capable d’accueillir 80 personnes, des chambres immenses, dont une suite présidentielle. Il y a aussi un théâtre, une salle de conférences, une chapelle et un ascenseur pour accéder aux différents étages. Toutes les pièces sont soigneusement décorées et garnies de meubles anciens. Chaque coin de ce palais raconte


RY T H M E S

Eva Sita

SHAKE YOUR BOOTY!

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La jeune femme vit une musique qu’elle écrit, chante et danse avec une ÉNERGIE FOLLE. EVA SITA SAIT BRASSER LES INFLUENCES dans son art : elle vous entraîne aussi bien vers des sons d’afro-pop et de trap-jazz que vers de la musique traditionnelle. D’une manière déconcertante, elle vous chante une mélodie à la Alicia Keys et, la minute qui suit, ferait pâlir de jalousie les pros du zouglou en vous propulsant sur des rythmes endiablés… Elle a déjà sorti deux courts albums en 2017, Eva Sita et Akwaba. Dans le milieu musical, on ne s’y trompe pas, puisqu’elle a reçu il y a peu le prix de la révélation musicale internationale de l’année 2019, lors de la cérémonie des Golden Artistic Awards, en Belgique. Cette étoile montante a une tête bien faite. Issue d’une famille aisée de hauts cadres, elle grandit avec le goût de l’art. Après des études secondaires classiques, elle trouve sa voie en intégrant le prestigieux Berklee College of Music de Boston, une grande école privée américaine de musique moderne. Fière de ses racines, la Franco-Ivoirienne retourne au moins une fois par an en Côte d’Ivoire pour se ressourcer. Et ces différents mondes, avec lesquels elle jongle, se retrouvent dans sa musique. Elle allie à merveille les danses traditionnelles et l’afrobeat, et intègre délicatement la kora (instrument traditionnel) dans une musique pop pour en faire des compositions mixant l’anglais, le français et le dioula de son enfance. Ces mélanges font d’Eva Sita une ambassadrice urbaine qui bouscule les codes. Cette hyperactive des réseaux sociaux est promise à un avenir enchanteur. À suivre ! ■ D.H.D.

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Joana Choumali The winner En alliant BRODERIE ET PHOTOGRAPHIE, elle a remporté le prix Pictet, axé sur le développement durable, en illustrant le thème de l’année 2019 : l’espoir.

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Trois œuvres de la série Ça va aller, impressions rebrodées sur canevas de coton.

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INCONTOURNABLE dans les grands événements artistiques – 1-54, à Londres (mais aussi à New York et à Marrakech), Paris Photo ou encore Akaa –, Joana Choumali s’est imposée dans le milieu très fermé de la photographie contemporaine. Pour preuve, le prestigieux prix Pictet lui a été décerné à Londres en novembre dernier pour sa série Ça va aller. Une distinction destinée à honorer plus largement son travail : l’artiste allie la broderie à la surface imprimée pour figurer les traumatismes de l’attaque terroriste de mars 2016, à Grand-Bassam. Impuissante devant tant de barbarie, Joana Choumali a pris en photo des instants de vie de « l’après », un moyen pour elle de panser les plaies, de calmer les esprits et peut-être d’exorciser le mal… Son initiation à la photographie a commencé très tôt, même si son parcours créatif est classique. Elle a étudié les arts graphiques à Casablanca, au Maroc, puis elle a travaillé comme directrice artistique dans la publicité chez McCann Erickson, à Abidjan. À ses heures perdues, elle contemple le quotidien et l’immortalise, jusqu’à ce qu'elle en fasse son métier. En 2014, son talent est reconnu : sa carrière prend un tournant significatif avec Hââbré, une série de portraits sur la dernière génération portant des scarifications – une pratique traditionnelle d’Afrique de l’Ouest permettant d’afficher son appartenance à un groupe ou le passage à l’âge adulte. Grâce à son sens du cadrage et à sa maîtrise de la lumière, elle pare de noblesse ses sujets. Ses différentes œuvres, telles les séries Translation ou Alba’Hian, ont en dénominateur commun l’espoir. Selon elle, ce mot est une force qui fait avancer l’humanité. Il permet de transcender la misère du quotidien et d’imaginer un futur meilleur. Son appareil photo en main, elle parcourt les continents. Elle sera prochainement à Miami, aux États-Unis, et plus tard au Japon. ■ D.H.D.

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THE SPOT

Le roman d’Assinie

BIENVENUE À ASSINIE, « the spot » à une heure et demie d’Abidjan, le repère de tous les happy few de la capitale (et même d’ailleurs). Chaque week-end ou presque, les 4×4 migrent, via la nouvelle autoroute, vers ce petit paradis naturel, concentration d’air pur, de beauté, de richesse et de pouvoir. L’endroit est à couper le souffle. Les vagues y sont puissantes, dangereuses et viennent à l’assaut de la petite langue de sable qui sépare l’océan des eaux calmes de la lagune. Entre la mer et la lagune, le combat est perpétuel. On peut marcher des kilomètres sur des plages immaculées. Les terrains valent une fortune, et l’on cherche à se rapprocher 36

au mieux des « grands quelqu’un ». Le lieu ne manque pas d’histoire(s). On raconte qu’à l’époque du Code noir, sous Louis XIV, des missionnaires et des commerçants français s’installèrent sur le site, à proximité de la fameuse Côte-de-l’Or (Ghana). Et qu’ils ramenèrent en France le jeune prince Aniaba et son cousin. Lesquels seront présentés à Sa Majesté Louis XIV. Le prince se convertira, deviendra officier de l’armée royale et retournera à Assinie vers 1700. Un vrai roman ! Insalubre (moustiques et fièvres…), concurrencé au fil du temps par GrandBassam, Bingerville, Port-Bouët ou

encore Abidjan, Assinie décline. Avant de retrouver petit à petit une place dans l’univers du tourisme avec l’ouverture d’un Club Med, puis avec les retombées du tournage des Bronzés, film culte français de 1978. Un petit âge d’or. Mais ce coin unique pour initiés va souffrir durement des crises politiques à partir du début des années 2000. Depuis 2010, c’est la renaissance. Hôtels et restaurant s’y sont installés. Des villas luxueuses se nichent entre les palétuviers et les palmiers. De petits hôtels chics s’ouvrent sur le sable fin. Ski nautique sur la lagune, restaurants à la plage, belles soirées entre amis, bref, une vie ivoirienne en tongs et maillot

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NABIL ZORKOT

Mille histoires et des TRÉSORS DE LUMIÈRE et d’air pur à offrir. Entre fougue océane et calme lagunaire… une vie entre parenthèses.


de bain, surprenante, un chouïa snob et en même temps très décontractée. La fin de l’année et le réveillon du Nouvel An sont les « must dates » du calendrier ! Pour pimenter l’aventure et approcher d’autres réalités ivoiriennes, on peut rejoindre Assinie à partir d’Abidjan, tout au long de la lagune, sur de petits bateaux à moteur et à fond plat, en faisant confiance au pilote pour éviter que l’embarcation ne s’échoue sur un banc de sable ou que son hélice ne se bloque dans les algues… ■ Z.L.

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La une du numéro 6 du trimestriel Something We Africans Got, lancé en 2017, et celle du numéro inaugural de la revue Swag High Profiles, née en 2019.

PUBLISHING

ANNA-ALIX KOFFI L’AFRIQUE AU CENTRE APRÈS DES ÉTUDES D’HISTOIRE et de journalisme, un parcours parisien éclectique entre télévision et presse, elle participe au lancement de la revue de photographie More, en 2012. Elle ne manque pas d’aplomb, d’expérience, elle visualise, fonctionne à l'instinct et à l'émotion, et a une capacité assez phénoménale à se débrouiller toute seule, à sortir ses magazines et ses publications. Grâce à son talent et à une succession de miracles répétés. Elle a un carnet d’adresses long comme le bras dans les milieux de l’art contemporain, africain ou non d’ailleurs. Son jugement est sûr et précis. Anna-Alix Koffi est dans la place ! En 2013, elle se lance dans la formidable aventure d’une revue-livre de photographie, Off the Wall, un projet en dix volumes à collectionner, dont le dernier est sorti en 2016 à l’occasion des rencontres d’Arles. Et puis 38

l’Afrique, la Côte d’Ivoire (qu’elle a quittée à l’âge de 4 ans, après le décès de son père) reviennent fort dans sa vie. Elle revendique son africanité, ses origines abourée, appolo et bétée. Elle se veut « Parivoirienne », à cheval entre deux mondes, mais tout aussi décidée à révéler la modernité et l’audace du continent, sa centralité dans le monde moderne. À partir de 2017, c’est l’aventure de Something We Africans Got, un trimestriel ambitieux, décalé, distribué dans des lieux de prestige. Des textes longs (« pourquoi faudrait-il faire court » ?), des images fortes sur l’art, la culture, l’Afrique, les mondes noirs et le partage. Naissance enfin de Swag, plus récemment. Toujours de l’art, de la culture, de l’Afrique, en mode plus light, avec une forte orientation style, cool, people. Dans tous les cas, c’est assez radical, esthétique, audacieux, dense, et visuel. « Off the wall » et « out of the box » (disons décalé-innovant), pour reprendre les expressions favorites d’Anna-Alix Koffi. ■ Z.L.

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DR (2) - TOMAS HEROLD

C’est une « PARIVOIRIENNE » férue d’art contemporain et de photographie, éditrice militante et audacieuse.


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L’autonomisation des femmes et la création d’emplois, des priorités de l’Union européenne.

L’Union européenne et la Côte d’Ivoire : un partenariat durable Depuis 1961, l’Union européenne entretient des relations politiques et économiques privilégiées avec la République de Côte d’Ivoire. Seule partenaire du pays à être restée pendant la crise, très impliquée dans la relance du pays à partir de 2011, l’Union européenne a développé une relation solide avec la Côte d’Ivoire, qui se veut structurelle, permanente, et indépendante des changements et aléas politiques. Aujourd’hui, elle est un partenaire incontournable de la Côte d’Ivoire qu’elle accompagne vers l’émergence. L’UNION EUROPÉENNE, PARTENAIRE POLITIQUE DE LA CÔTE D’IVOIRE Partenaire politique de la Côte d’Ivoire, l’Union européenne entretient un dialogue régulier avec le gouvernement sur les enjeux communs. La solidité de cette relation politique s’est notamment traduite par la tenue à Abidjan, fin 2017, du 5e Sommet Union africaineUnion européenne, organisé pour la première fois en Afrique subsaharienne.

Ayant réuni 83 chefs d’État et de gouvernement, ce sommet a marqué un tournant décisif dans le renforcement des liens politiques et économiques entre les deux continents en conduisant notamment au lancement de l’Alliance Afrique-Europe pour des emplois et des investissements durables. Destinée à insuffler une nouvelle dimension au partenariat entre les deux continents, cette alliance vise à encourager l’investissement, renforcer la participation du secteur privé, soutenir l’éducation et le

développement des compétences afin qu’elles soient plus adaptées au marché du travail, et stimuler les échanges et améliorer le climat des affaires. Elle prévoit, entre autres, de contribuer à la création de 10 millions d’emplois en Afrique au cours des cinq prochaines années, de permettre à 105 000 étudiants africains de participer au programme Erasmus+ d’ici à 2027 et à 750 000 personnes de bénéficier de formation professionnelle afin d’améliorer leurs compétences.


L’UNION EUROPÉENNE, PARTENAIRE DU DÉVELOPPEMENT DE LA CÔTE D’IVOIRE Plus de la moitié de l’aide au développement internationale provient de l’Union européenne et de ses États membres, faisant de l’UE le premier donateur au monde et en Côte d’Ivoire. L’Union européenne soutient en particulier les efforts du pays en faveur de la création d’emplois et d’une croissance inclusive. Pour la période 2016-2020, l’Union européenne intervient principalement dans les secteurs suivants, sélectionnés en accord avec le gouvernement ivoirien dans le cadre de son Plan national de développement : Gouvernance, justice, société civile :

L’Union européenne soutient les efforts du gouvernement ivoirien dans son action en faveur de la bonne gouvernance économique et de la justice. Elle appuie la réforme des finances publiques et soutient la mise en place d’une approche budgétaire axée sur les résultats et le renforcement des statistiques économiques et sociales. La société civile bénéficie aussi d’un appui destiné à renforcer ses capacités, afin qu’elle puisse pleinement jouer son rôle d’acteur du développement. Agriculture, sécurité alimentaire :

Compte tenu de l’importance du secteur agricole en Côte d’Ivoire, l’Union européenne a orienté son soutien vers les filières de production de bananes, de coton, de sucre et de vivriers, en vue d’améliorer la compétitivité des agriculteurs ivoiriens. Grâce à cet appui européen, la production ivoirienne de bananes exportées a augmenté de 18 % de 2000 à 2014, faisant du pays le premier exportateur africain de ce produit.

L’Union européenne contribue non seulement à améliorer la compétitivité de ces filières de production agricoles, mais également à sécuriser le foncier rural, un chantier crucial pour la modernisation de l’agriculture, l’investissement et la cohésion sociale dans le pays. Infrastructures (transports, eau et assainissement, énergie) :

L’énergie représente l’un des trois principaux domaines de coopération de l’Union européenne avec la Côte d’Ivoire pour la période 2016-2020. Ainsi, l’Union européenne contribue à ce que le secteur énergétique ivoirien assure la sécurité énergétique du pays de manière durable, afin de fournir une énergie fiable et à moindre coût. Son intervention dans ce secteur consiste notamment à soutenir l’électrification rurale, afin de permettre à un plus grand nombre d’Ivoiriens d’avoir accès à l’électricité, et en un appui au secteur des énergies renouvelables, avec notamment sa contribution à la construction de la première centrale solaire à Boundiali. Outre ces principaux secteurs, l’Union européenne soutient la formation professionnelle et la création d’emplois, la croissance inclusive et la protection de l’environnement, autant de sujets prioritaires pour la Côte d’Ivoire, compte tenu de la jeunesse de sa population et des défis mondiaux actuels.

L’UNION EUROPÉENNE, PARTENAIRE COMMERCIAL DE LA CÔTE D’IVOIRE Premier partenaire commercial de la Côte d’Ivoire, l’Union européenne absorbe 40 % des exportations ivoiriennes et fournit 32,5 % des produits importés par le pays. Les principales filières d’exportation vers le marché européen, à savoir le cacao, la banane et le thon, créent

environ 750 000 emplois directs. En attendant l’avancement des négociations sur l’Accord de partenariat économique au niveau régional, la Côte d’Ivoire a ratifié un Accord de partenariat économique intérimaire avec l’Union européenne, entré en vigueur le 3 septembre 2016.

L’UNION EUROPÉENNE, PARTENAIRE CULTUREL DE LA CÔTE D’IVOIRE

L’UE et la Côte d’Ivoire échangent conjointement avec le secteur privé européen et ivoirien sur le climat des investissements, sur la base d’un Livre blanc remis en 2019.

PUBLI-REPORTAGE

En 2018, afin de rendre plus concrète l’Alliance Afrique-Europe, qui au-delà d’une alliance économique doit avant tout être une union des peuples, l’Union européenne et la fondation Magic System ont organisé l’UE Magic Tour. Au cours de cette tournée, qui a sillonné le pays de la mi-octobre à la mi-novembre, le groupe Magic System, une trentaine d’autres artistes ivoiriens et des membres de la délégation de l’UE en Côte d’Ivoire et de la Fondation Magic System sont allés à la rencontre des Ivoiriennes et des Ivoiriens. Dans des cadres formels et informels, ils ont eu des échanges sur les valeurs communes que le pays et l’Union européenne partagent, dont la paix, la cohésion sociale, la protection de l’environnement ou l’accès à l’éducation. Dans la continuité de ces discussions, au cours des concerts qui ont clôturé chacune des étapes, les artistes ont véhiculé sur scène des messages portant sur les valeurs. L’UE Magic Tour a aussi consisté en des rencontres sportives et des visites de projets financés par l’Union européenne et ses États membres, qui reposent tous sur ces valeurs communes de l’Union européenne et de la Côte d’Ivoire.

L’UE Magic Tour 2019, coorganisé par l’UE avec le célèbre groupe ivoirien Magic System, avait pour but d’échanger sur les valeurs communes partagées par la Côte d’Ivoire et l’Union européenne, à travers des rencontres et des concerts dans tout le pays.


pouvoirs La Côte d’Ivoire a le regard tourné vers octobre 2020 et l’élection présidentielle, perçue comme un moment essentiel. Décision du président Alassane Ouattara, champs des candidatures possibles, émergence de nouveaux acteurs, enjeux du scrutin pour le pays, voici les…

CHRONIQUES DES MOIS A VENIR par Zyad Limam avec Dounia Ben Mohamed


KAMBOU SIA/AFP

Le président Alassane Ouattara, entouré (de gauche à droite) du chargé d’affaires de l’ambassade du Japon Ishida Tatsunori, du viceprésident Daniel Kablan Duncan et du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, inaugurant l’échangeur Solibra, le 16 décembre 2019, à Treichville.


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n cette toute fin d’année 2019, et à quelques jours du début de 2020, année de l’élection, de la continuité et du changement, l’ambiance ivoirienne est à l’optimisme mesuré. Les affaires vont bon train, le pays figure en tête des classements en matière de croissance, de potentiel commercial ou de climat des affaires ; les investisseurs internationaux, privés ou multilatéraux se bousculent, confiants dans le potentiel ivoirien. De nouveaux secteurs émergent (le tourisme, la tech, la culture, les loisirs) et d’autres, plus traditionnels, cherchent à se réformer à grands pas (la forêt, l’agriculture, le cacao). Abidjan est au top de son effervescence et reçoit des personnalités internationales et panafricaines. Emmanuel Macron, président français, était attendu, par exemple, juste avant Noël. Comme pour donner le coup d’envoi d’un moment clé de l’histoire. Décryptage des enjeux à venir.

Vive la campagne ! Tout d’abord, il y a l’élection de 2020, en octobre prochain, dans un peu moins d’un an. Question centrale, les candidatures. Avec la décision du président Ouattarra de se présenter, ou non, à un troisième mandat. Pour ADO, c’est un choix à la fois intime et d’importance historique. Il a remis le pays en marche. Il a façonné sa nouvelle Constitution, celle de 2016, il a contribué à former une génération d’hommes et de femmes politiques. Il a créé un parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui cherche à rassembler, à couper à travers les antagonismes traditionnels de la Côte d’Ivoire. Il veut renouer avec le rêve houphouétien, en l’adaptant au XXIe siècle. Pour lui, les possibilités d’une autre vie, maintenant, sont nombreuses. Sera-t-il candidat, donc ? Il en a émis l’hypothèse si son vieux rival Henri Konan Bédié, patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), se présentait lui-même (à l’âge vénérable de 86 ans). C’est l’heure de passer la main, de passer le flambeau à une nouvelle génération, insiste le président. Une démarche qui heurte de front les ambitions de HKB, le « Sphinx de Daoukro », bien décidé, semble-t-il, à prendre une revanche sur l’histoire. Et si le président ne se présentait pas, quel serait son héritier, son successeur adoubé ? Le pays bruisse de rumeurs, mais pourtant, la situation semble relativement claire. Même si rien ne peut être écrit d’avance, le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, apparaît comme l’héritier naturel de l’ère Ouattara. Homme de confiance du président, presque comme un fils adoptif, loyal, compétent, membre fondateur du Rassemblement des républicains (RDR), aux côtés d’ADO depuis la fin des années 1980, c’est le numéro deux incontestable du régime. Et il est originaire de Korhogo, avec un sérieux capital électoral. D’une certaine manière, il pourrait incarner une continuité, 44

« AGC » pourrait incarner un point d’équilibre, pour la génération des quadrasquinquas qui arrive. Amadou Gon Coulibaly, lors du 4e congrès extraordinaire du RDR, le 5 mai 2018, à Abidjan, ouvrant la voie à la mise en place du RHDP.

un point d’équilibre, un point médian pour la génération des quadras-quinquas qui arrive. Il pourrait être en quelque sorte le primus inter pares d’une équipe gagnante. Hors de la sphère présidentielle, d’autres candidatures sont éminemment probables, outre celle d’Henri Konan Bédié. Le cas de Guillaume Soro reste posé. L’ancien président de l’Assemblée nationale, entré en opposition frontale, est menacé par de nombreuses enquêtes judiciaires. Ses positionnements récents (comme sa rencontre avec Charles Blé Goudé), son parcours complexe déroutent un électorat à la recherche de stabilité. Le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ne pourra pas compter sur son chef historique, immobilisé pour de longs mois à Bruxelles en attendant le déroulement de la procédure d’appel devant la Cour pénale internationale. Mais le parti aura des candidats, peut-être plusieurs même, compte tenu des divisions, sans parler d’un possible retour sur scène de Mme Simone Gbagbo elle-même. Impossible d’exclure enfin des candidatures indépendantes, semi-indépendantes, téléguidées ou opportunistes. Bref, quel que soit X, il y aura campagne, débat, compétition. L’enjeu va bien au-delà des ambitions politiques des uns et des autres. 2020, c’est l’année des 60 ans de l’indépendance. Le moment pour le pays de dépasser les divisions et les violences de l’histoire, de s’inscrire dans un processus de modernité politique, de tenir une élection démocratique, transparente, populaire, apaisée, axée sur les enjeux de demain, avec des projets, qui marqueraient une étape forte dans le processus d’émergence politique, parallèle à l’émergence économique. HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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KAMBOU SIA/AFP

La politique, c’est vivant ! Dans ce domaine, il est toujours difficile de se lancer dans les pronostics, et tout est toujours possible, jusqu’au dernier moment. Octobre 2020, c’est à la fois demain, et c’est encore loin… Mais disons que, quels que soient les scénarios, les chances de victoire de l’équipe présidentielle sont franchement plus qu’une option. ADO, candidat ou non, a du poids électoral et un bilan réel sur lequel s’appuyer. « L’équipe » est soudée autour de cette figure à la fois tutélaire et exigeante. Le RHDP est une machine électorale en formation et potentiellement redoutable. Les lieutenants organisent, sillonnent le pays depuis des semaines, installant comités, délégués, représentants. Le populaire ministre d’État à la Défense, Hamed Bakayoko, enchaîne les meetings et les apparitions publiques. Les autres « grands ministres » sont aussi sur les routes, ils ont pour instruction expresse de travailler leur région, de faire de la politique, d’expliquer et de convaincre. De poser les bases de la campagne. Des personnalités majeures de la sphère PDCI ont rejoint le RHDP, avec leur capital électoral, comme le président du Sénat, Jeannot Ahoussou-Kouadio, le secrétaire général de la présidence, Patrick Achi, ou le ministre des Eaux et Forêts, Alain Richard Donwahi. Les quadras-quinquas sont prêts à assurer la relève. Prêts à prendre leurs responsabilités. C’est le moment. C’est leur décennie. Évidemment, même à l’intérieur du camp présidentiel, la politique reste encore clivante, vivante. Certains s’estiment mieux placés que d’autres pour postuler au rang

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« d’héritier légitime ». Il faut aussi construire de nouveaux équilibres à l’intérieur du RHDP. S’assurer que la plupart des figures nationales qui comptent s’y retrouvent et sachent où elles vont, quel est leur avenir à plus ou moins court terme. Et puis, il faut créer de nouvelles solidarités, de nouvelles affinités dans cette génération montante, avant tout liée par son attachement vis-àvis du président. Enfin, il y a des postes à pourvoir, demain (et sans vendre la peau de l’ours avant de…). La nouvelle Constitution prévoit un ticket président, vice-président, et cette place de numéro deux n’est pas négligeable. Comme celle du possible futur Premier ministre. Et les experts en équilibre « ethnicopolitico-régional » y vont de leurs pronostics… In fine, de toute façon, ce sera l’arbitrage décisif du « patron ».

Développement, inclusivité, sécurité D’ici là, la Côte d’Ivoire multiplie les bonnes notes. Alors que le Fonds monétaire international (FMI) annonce une croissance à 7,4 %, le pays maintient son rythme de croisière, avec une moyenne qui tourne autour des 8 % depuis 2011. Révélant ainsi sa résilience, comme le soulignait le FMI en 2018 : « En dépit des chocs endogènes et exogènes de l’année 2017, l’économie ivoirienne a montré sa résilience, et de bonnes performances économiques sont prévues pour 2018 et 2019. » De fait, cette année encore, les indicateurs sont au vert, l’inflation reste sous

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la barre des 3 % de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa). De quoi confirmer la confiance des bailleurs de fonds, qui continuent de miser sur le produit Côte d’Ivoire. À commencer par la Banque africaine de développement (BAD), qui a engagé plus de 1 milliard d’euros de financement de projets dans le pays. De même pour la Banque mondiale, qui va financer la mise en place de 11 projets de développement, dont celui du Grand-Abidjan (un investissement de 315 millions de dollars). En somme, le pays est sur le chemin de l’émergence. Et entend bien atteindre le cap fixé, ainsi que l’assurait le chef de l’État lors de son traditionnel message à la nation à l’occasion de la Fête de l’indépendance, le 7 août dernier, sous la forme d’un entretien avec un journaliste de la chaîne nationale RTI : « En seulement huit ans, nous avons quasiment tout doublé. Le PIB a été doublé, et le revenu par habitant a augmenté de 40 %. » Rappelant l’orientation suivie, à savoir « faire en sorte que l’investissement privé soit le moteur de la croissance économique », il met l’accent sur l’industrialisation de l’économie, notamment dans le secteur agricole, qui représente 20 % du PIB. Cette économie est en marche, mais il faut soutenir et maintenir l’effort à long terme, gagner en efficacité, en rapidité, en compétitivité. Maintenir l’attrait pour les investisseurs (en particulier dans les projets structurants, de taille), accroître la capacité des entreprises, développer plus activement l’industrie de transformation (en particulier le secteur agro-industriel), maintenir l’effort en matière d’infrastructures et de compétitivité, and last but not least, accentuer la modernisation de l’État. Le pays a sa nouvelle feuille de route – le Plan stratégique Côte d’Ivoire 2030 –, il s’enrichit et il progresse, mais la question de l’inclusivité, du développement pour tous reste ouverte. C’est le deuxième enjeu, le partage des fruits de la croissance. Qui ne se mangent toujours pas de la même manière par tous au pays du cacao. Les paramètres du développement social, les indices de développement humain restent décevants. Les années à venir doivent permettre d’amplifier les efforts dans ce domaine crucial en matière de stabilité. Les écarts entre la Côte d’Ivoire dynamique, moderne, urbaine, entrepreneuriale, et la Côte d’Ivoire des « petits » et des humbles devront se réduire. Le grand plan social adopté au début de 2018 (en matière d’accès à la santé, de couverture maladie, de scolarisation, de logement, d’électricité, de transport…) est la première étape de cette stratégie. Un renforcement massif des capacités d’éducation et de formation pourrait en être un autre. L’école, après tout, c’est l’arme des pauvres et de ceux qui n’ont pas grand-chose. Enfin, troisième enjeu, la sécurité. La Côte d’Ivoire se trouve au contact des pays du G5, de la « ligne de front sahélienne ». Elle a une longue frontière commune avec le Mali et le Burkina Faso. Le pays n’est pas loin de l’œil du cyclone. Comme tous les

États de la côte, c’est une cible pour les mouvements djihadistes. Il a été attaqué le 13 mars 2016, à Grand-Bassam, un jour de week-end, sur une plage… L’affaire est donc au centre des préoccupations du pouvoir. La Côte d’Ivoire est partie prenante du dialogue avec le G5 sur la redéfinition de la stratégie et le rôle accru de la Cedeao. Et ADO est un interlocuteur apprécié par la France et par Emmanuel Macron. Dans tous les cas de figure, la vigilance maximale reste de mise. À la question djihadiste s’ajoutent les exigences de la sécurité intérieure, la lutte contre la criminalité, les nouvelles menaces (comme la lutte contre la piraterie dans un golfe de Guinée devenu stratégique). Malgré les efforts entamés par le gouvernement, le contrôle des frontières et des mouvements, la loi de programmation militaire, la formation d’unités d’élites, la mise à niveau demeure une exigence constante : formation des troupes, des cadres, pyramide réelle des grades, investissements dans l’équipement et les structures, coopération internationale. L’élection de 2020 pourrait être le lieu d’un débat national : quelle part des investissements pour le budget, quelle place pour l’armée dans une démocratie en construction, dans un pays en émergence confronté aux menaces ?

Cette génération Smart innove, bouscule la société de l’intérieur.

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Une nouvelle Côte d’Ivoire ? Le besoin de stabilité est réel. L’exigence de paix aussi. Personne ou presque ne veut revenir aux errements du passé. Il y a clairement une envie de modernité et de normalité que les politiques doivent prendre en compte. Une nouvelle classe moyenne est en train de naître, portée par la croissance. Et il y a surtout une jeunesse, qui représente la très grande majorité de la population, qui ne vit pas dans les conflits du passé, qui est connectée au monde via les technologies et les réseaux sociaux, qui est soucieuse d’évolution, de formation, d’opportunités. Les jeunes sont différents de leurs aînés. Moins inhibés, certains sont décidés à « faire carrière » par eux-mêmes. Cette génération Smart, de plus en plus entreprenante, fière de son pays et de sa nouvelle dynamique économique, innove, crée des solutions à des problématiques locales et bouscule la société de l’intérieur. Pacifiquement, mais sûrement. « Ils sont pragmatiques, un peu comme les anglophones, observe un consultant sénégalais établi à Abidjan. Ils avancent leurs pions step by step, mais s’imposent de plus en plus, sur la scène économique essentiellement, non sans influencer la scène politique, qu’ils observent de loin, mais avec attention. ». Comme le souligne enfin cet élu municipal abidjanais : « Aujourd’hui, on a l’impression que les politiques, c’est le pays. Mais le pays, c’est aussi et surtout les jeunes, la société civile, les entrepreneurs, la génération Smart, justement. C’est là où ça se passe ! » ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Une stratégie ambitieuse qui porte déjà ses fruits ! Entre hub de divertissement et pôle des affaires, la Côte d’Ivoire est en passe de devenir la 3e puissance touristique du continent.

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a destination ivoirienne a retrouvé une place de choix sur l’échiquier touristique international, sous la houlette du ministre ivoirien du Tourisme et des Loisirs, Siandou Fofana. Et ce, à l’aune de la stratégie nationale de développement touristique 2018/2025, baptisée « Sublime Côte d’Ivoire », formatée avec l’expertise du cabinet McKinsey, et qui intègre tous les paradigmes d’une révolution qualitative et quantitative de son écosystème. Invités à prendre toute leur part dans la mise en œuvre de « Sublime Côte d’Ivoire », les fonds souverains et autres structures d’investissement présents à la table ronde des bailleurs les 20 et 21 octobre derniers, au Ritz-Carlton de Dubai International Financial City, ont marqué leur intérêt pour la destination ivoirienne. Au total, ce sont un peu plus de 5 milliards de dollars US que Siandou Fofana a glanés auprès des bailleurs, investisseurs et fonds souverains. Soit environ 2 500 milliards de FCFA. Dans le même élan, le 22 novembre dernier, au Fairmont Hôtel de Hambourg (Allemagne), la destination ivoirienne a réaffirmé son attractivité aux yeux des investisseurs et grandes enseignes d’Europe et au-delà, en mobilisant auprès d’eux plus de 5,8 milliards d’euros, soit un peu plus de 3 800 milliards de FCFA, à la faveur de la table ronde sur l’investissement

ISSAM ZEJLY

… Développer un moteur de croissance du PIB et démultiplier les recettes fiscales, favoriser le développement territorial hors Abidjan, créer un réservoir d’emplois.

Le ministre du Tourisme et des Loisirs, Siandou Fofana.


FAIRE DU SECTEUR L’UN DES PILIERS DU NOUVEAU MIRACLE IVOIRIEN

9 projets phares et 9 réformes Le pays est le premier producteur mondial de cacao.

Abidjan et son pouvoir attractif pour le business.

Danse traditionnelle boloye dans le nord.

touristique en Côte d’Ivoire. Toutes choses qui donnent force de vie au leitmotiv de Siandou Fofana, selon lequel « le potentiel touristique ne se consomme pas mais se met en œuvre ». Et une mise en œuvre s’appuie sur une stratégie claire, dont « Sublime Côte d’Ivoire » est, en l’occurrence, le creuset. Entre pragmatisme de bon aloi et stratégie efficiente, au regard des mécanismes proposés, ce sont 9 projets phares et 9 réformes qui, à l’échéance 2025, devraient dépasser le pic de 3 200 milliards de FCFA initiaux, en matière d’investissements. Avec, à la clé, la création de nouvelles infrastructures et la réhabilitation de celles déjà existantes. Deux fonds seront mis en place afin de financer les futures réalisations. L’incidence recherchée est de faire du pays la 3e puissance touristique du continent, avec près de 5 millions de visiteurs internationaux, et générer plus de 700 000 emplois cumulés pour une contribution avoisinant les 8 % du PIB. Entre hub de divertissement et de dépaysement, pôle d’affaires, vivier de tourisme mémoriel et destination médicale, la stratégie ivoirienne, plus que jamais, avec l’onction de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui mise sur elle en lui concédant l’organisation d’événements d’envergure, devrait faire du secteur l’un des piliers du nouveau miracle ivoirien.

Bienvenue au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire, son spa et sa piscine panoramique.

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Le parc de la Comoé, dans le nord-est.

Le royaume du pagne et du wax.

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Un littoral de 600 km de côtes, qui offre de magnifiques plages.

La basilique Notre-Dame de la Paix, à Yamoussoukro.


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Jobst von Kirchmann « Un potentiel commercial extraordinaire » Pour le premier anniversaire de son entrée en fonction, l'ambassadeur de l’Union européenne en Côte d’Ivoire se veut confiant et insiste sur la nécessité d’accompagner le secteur privé. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed AM : Quel regard portez-vous sur le pays après cette première année ? Jobst von Kirchmann : Si l’on se réfère à une étude récente

réalisée par le cabinet Deloitte sur le potentiel commercial des 54 pays africains, on constate que la Côte d’Ivoire arrive en tête, loin devant les autres. Il y a quelques semaines, dans une autre étude, réalisée cette fois par la Standard Chartered Bank sur 66 marchés dans le monde, elle arrivait de nouveau à la première place en matière de potentiel commercial, devant la Chine et l’Inde. Ce qui confirme ce que nous savons tous : le pays a un potentiel d’investissement extraordinaire ! L’enjeu aujourd’hui est que celui-ci se réalise. Donc tout le monde doit se mettre au travail ! On me pose régulièrement la question sur la manière dont les élections vont se passer en 2020. Aujourd’hui, tout le monde veut la paix, la stabilité, et que le processus électoral se déroule bien. Et je suis convaincu que ce sera le cas. Premier partenaire commercial et premier investisseur étranger dans le pays, l’Union européenne (UE) a participé à sa reprise économique. Quel bilan dressez-vous de vos actions ?

L’Union européenne est en Côte d’Ivoire depuis 1961 et n’en est jamais partie. Ce partenariat est resté très dynamique, 52

de 2011, dans la situation de post-crise électorale, à aujourd’hui. L’UE est en effet le premier partenaire de la Côte d’Ivoire, avec plus de 40 % des importations commerciales vers le marché européen, mais également le premier investisseur, avec 58 % du stock d’investissements directs à l’étranger (IDE). Ce partenariat a porté sur la réhabilitation des infrastructures, la contribution à sauver des filières, la création d’emplois… Depuis un an, nous avons amorcé un tournant dans notre approche, à l’issue du sommet Union européenne-Union africaine, qui a mis le secteur privé au centre de sa politique. L’argent de l’aide au développement, c’est l’huile dans le moteur, mais le moteur luimême, c’est le secteur privé. Et on s’est de plus en plus rendu compte de la nécessité de l’accompagner, notamment vers la création de postes. Face à cette urgence de créer des emplois, comment les partenaires au développement (comme les autorités locales) peuvent-ils accompagner le secteur privé ?

La réponse est complexe. Si l’on regarde de plus près, tout le monde ou presque se concentre sur la question du financement. Alors que ce n’est pas la question principale. Celui-ci existe. Ce qui manque, ce sont des investissements adaptés à tout type d’entreprise, à tous les domaines. À ce titre, l’UE a mis en place HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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un instrument, le plan d’investissement externe (PIE), qui offre des garanties aux banques afin de les encourager à accorder des crédits aux entreprises, et ce, dans tous les secteurs : urbanisation, digital, environnement… Nous avons une panoplie de secteurs avec des instruments très variés, aussi bien de l’Union européenne que de ses États membres. Or, même à ce niveau, la réalité est complexe. Ce que l’on observe, c’est que très souvent, les jeunes ne vont même pas à la banque, ils préfèrent aller emprunter chez le voisin. Parce qu’ils ne connaissent pas les instruments existants. Et quand ils vont à la banque, ils présentent souvent des dossiers irrecevables, avec des business plans qui ne tiennent pas la route. Ensuite, s’ils obtiennent ces financements, ils doivent savoir les gérer. C’est pourquoi, depuis quelques mois, nous avons commencé à investir dans les domaines autour du financement. L’accompagnement étant aussi important que ce dernier, le projet pilote « S’investir, ensemble » sera lancé le 12 décembre prochain et proposera plusieurs niveaux d’accompagnement, dont du coaching. Là aussi, il ne faut pas oublier un autre aspect, le climat des affaires. Car si l'on procure un accompagnement aux jeunes entrepreneurs, mais que le climat des affaires dans lequel ils évoluent n’est pas adapté, on n’avance pas. Nous avons mis en place un programme qui cible les problématiques et les préoccupations des chefs d'entreprise. Il a

la présence des filles dans les programmes. Si l’on produit de l’énergie, nous irons vers les énergies renouvelables, et non vers le charbon. Cette manière d’opérer n’est peut-être pas la plus rapide, mais je reste convaincu que c’est la plus sûre pour maintenir un partenariat. En Côte d’Ivoire, l’Union européenne contribue chaque année à 700 000 emplois directs et a sauvé des filières, comme celle du coton, qui représente à elle seule plus de 100 000 producteurs. L’attractivité du pays augmente d’année en année. Sous quelle forme l’UE a favorisé cette attractivité et contribué à améliorer le climat des affaires ?

À travers le pacte pour l'emploi et la croissance notamment. Avec le gouvernement et le secteur privé, nous avons fait une analyse des filières, avant de cibler celles qui portaient un fort potentiel de développement et de postes. C’est la première fois que l’on fonctionne ainsi, en commençant par l’analyse des besoins, avant de définir les outils d’accompagnement. L’emploi reste un défi, comme dans nombre de pays africains. L’UE accompagne-t-elle des projets qui visent la création de postes ?

À ce sujet, je voudrais rappeler deux chiffres : les sociétés européennes en Côte d’Ivoire emploient 100 000 personnes, et les exportations vers l’UE, qui représentent 40 % de celles du pays, alimentent 700 000 emplois. L’Union européenne accompagne en effet la Côte d’Ivoire vers la création de postes, à travers divers instruments. En outre, à ce jour, nous avons réhabilité 11 centres de formation professionnelle sur 16, dans l'objectif de permettre à ces jeunes d’aller vers l’emploi. Récemment, nous avons débuté une réflexion qui va aboutir à un projet pilote : il faut définir les besoins du secteur privé, pour ensuite adapter les formations correspondantes aux emplois qui se créent. Le secteur privé a déjà commencé à mettre en place ses centres de formation. C’est dans ce sens qu’il faut aller et avoir une approche plus pragmatique, d’autant que l’on vit une période où les profils des emplois ont changé. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, plus de 80 % des métiers qui existent aujourd’hui vont disparaître à terme. Il est donc impératif de définir les besoins du secteur privé en ce moment, mais également dans dix ans. Autrement, on risque, en institutionnalisant la formation professionnelle, de s’éloigner des besoins du marché.

L’UE contribue chaque année à 700 000 emplois directs et a sauvé des filières, comme celle du coton. permis d’élaborer un livre blanc avec la Chambre de Commerce européenne, EuroCham, qui a été remis au gouvernement pour engager un « trilogue » sur le climat des affaires. Cet échange est indispensable. Nous avons organisé un forum avec 600 sociétés et des représentants du gouvernement en avril 2019, et nous allons le refaire en 2020. In fine, nous voulons tous la même chose : plus d’investissement, plus d’emplois. En attendant, à mesure que l’attractivité de la Côte d’Ivoire se renforce, les partenaires se multiplient : Chinois, Américains, Japonais, Turcs, Marocains… Comment se distingue le partenariat avec l’UE ?

Notre avantage par rapport aux autres est en premier lieu la proximité. Nous avons déjà établi toutes les connexions entre l’Europe et l’Afrique. Nous avons également un lien historique. La vraie différence, la valeur ajoutée, c’est que nous avons des sociétés basées sur des valeurs communes. Nous ne pouvons aller nulle part sans respecter ces valeurs. Par exemple, nous n'allons pas soutenir un projet qui va détruire la nature. Ou nous soutenons la formation professionnelle, avec le souci d’assurer 54

La jeunesse s’est ruée vers les nouvelles technologies et l’auto-entrepreunariat. Est-ce un mouvement que vous encouragez ? Et si oui, à quel niveau ?

C’est une bonne tendance puisqu’il s’agit d’apporter des solutions à des problématiques locales, ce qui est le propre d’une HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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start-up. Nous accompagnons ce mouvement avec différents instruments. Nous avons signé avec la Banque européenne d’investissement (BEI) des accords dans plusieurs domaines, notamment la numérisation. Dans ce sens, la BEI apporte des financements et des schémas de garantie à des banques locales. Si quelqu’un arrive avec un projet dans les Aux côtés d'A'Salfo, Technologies de l'information et chanteur du groupe de la communication (TIC), la Magic System, en avril dernier, banque a un programme pour le lors de l'UE Magic Tour. financer. Très souvent, les porteurs de projets ne disposent pas de garanties, donc nous les aidons en nous portant garants. Mais encore une fois, ce n’est pas tout. Récemment, j’échangeais avec des étudiants, et quand je leur ai posé la question de leurs besoins, j’ai été agréablement surpris qu’ils me répondent « avoir une bonne idée », « savoir gérer une entreprise », « présenter un business plan », etc. Je n’entendais pas cela il y a un an… L’UE s’est engagée à accompagner les États africains dans la formation de leurs jeunes. Mais l’obtention des visas pour étudier en Europe apparaît de plus en plus difficile…

Au cours des quatre dernières années, le nombre d’étudiants ivoiriens partis étudier en Europe a augmenté de 80 % ! Il y a un élément que l’on oublie dans les débats sur l’immigration, c’est la migration régulière. Souvent, on pense que les migrants illégaux sont démunis, sans diplômes. Or, ce n’est pas toujours le cas. Les diplômés, avant d’envisager des opportunités à l’étranger, doivent connaître celles que leur offre leur pays, que ce soit en matière de formation, de création d’entreprises, d’obtention de financements ou même de migration légale vers l’Europe. Il faut sensibiliser les personnes, notamment les jeunes, à ces opportunités. En ce sens, nous avons lancé cette année l’UE Magic Tour, une tournée en bus dans 17 villes du pays, avec le groupe Magic System et une trentaine d’artistes, pour aller à la rencontre de ces jeunes. Lorsque l'on parle d’une alliance entre l’Afrique et l’Europe, ce n’est pas seulement sur le terrain institutionnel, mais également entre les populations.

DR

Dans le secteur de l’agrobusiness, le made in Côte d’Ivoire s’exporte bien dans la sous-région, et même au-delà. Quelle aura été votre contribution dans ce secteur, et plus largement dans l’accompagnement du processus de transformation locale ?

Si l'on évalue le niveau de transformation locale, il reste relativement faible. Sur cette chaîne de valeur, on gagnerait énormément en améliorant la transformation. Là, les investisse-

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ments sont plus conséquents. La BEI, qui commence à s’orienter vers l’Afrique, envisage des investissements de 50 à 100 millions d’euros, et j’espère que l’on va graduellement aller vers la création d’usines, pour avoir non seulement une production locale mais aussi aller vers l’export de produits transformés. Exporter vers le marché européen reste souvent complexe, malgré les accords existants. Avec l’amélioration de la production locale, évolue-t-on vers un équilibre des échanges commerciaux entre l’UE et la Côte d’Ivoire, et plus largement entre l’Union et l’Afrique ?

Pour l’accès au marché européen, nous avons les fameux Accords de partenariat économique (APE), qui existent depuis 2008. Dans ce cadre, les entreprises ivoiriennes peuvent exporter librement en Europe, ce qui n’est pas le cas pour les produits de l’UE dans le sens inverse. L’accord qui va installer cette réciprocité des échanges a été adopté en conseil des ministres le 10 octobre 2019. En attendant, 40 % des exportations du pays sont dirigées vers l’UE, alors que les importations de l’Union vers la Côte d’Ivoire représentent 32 %. La balance commerciale est largement en faveur de cette dernière. Ceci étant dit, nous entrons dans la phase finale de l’APE, ce qui est une bonne nouvelle. Je voudrais toutefois souligner un élément important : on constate aujourd’hui un changement de comportement du consommateur européen. Il est plus orienté vers des produits durables, qui n’impliquent pas le travail des enfants et la déforestation, quitte à payer plus cher. Il faut rappeler que le parti écologique est devenu l'une des premières forces politiques en Europe. Si vous écoutez la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle met beaucoup l’accent sur le changement climatique. On peut donc voir cette nouvelle tendance comme une opportunité pour se positionner avec des produits dotés d’un label commerce équitable, etc. La Côte d’Ivoire tend vers cela à travers la filière cacao et sa politique de reforestation. ■

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RÉGULER S TA B I L I S E R DÉVELOPPER


Yves Brahima Koné, directeur général du Conseil du Café-Cacao

1. Quelle est votre vision globale en matière de gouvernance de la filière café-cacao ? Nous avons pour objectif de rendre la filière café-cacao prospère et durable pour tous les acteurs de la chaîne de valeurs, et en particulier pour le producteur qui en est le premier maillon, mais qui malheureusement est le plus vulnérable. Nous avons aussi pour ambition de maintenir la position de leader mondial du cacao qu’occupe la Côte d’Ivoire, au niveau de la production, mais aussi en ce qui concerne la fourniture d’un produit à valeur ajoutée. Ce dernier point est valable pour le café. Enfin, nous entendons intensifier notre système de production en adoptant des pratiques respectueuses de l’environnement, mises en œuvre par des producteurs qui doivent vivre décemment de leur activité.

Elles se déclinent en plusieurs axes. En effet, étant donné que l’une des priorités de la réforme est la sécurisation du revenu des producteurs par la mise en place d’un prix minimum garanti ainsi que

3. Quelles sont les mesures attractives offertes aux investisseurs ? Rappelons de prime abord que notre pays est le leader mondial du cacao avec en moyenne une production de 2 millions de tonnes par an. En outre, il est doté d’un système de commercialisation performant, qui a permis de tirer à la hausse notre prix moyen de vente. Notre pays bénéficie désormais de primes à l’exportation, s’élevant jusqu’à 150 livres sterling la tonne métrique, alors que l’origine Côte d’Ivoire subissait des décotes avant la réforme. Une évolution rendue possible grâce à notre système de vente et à l’amélioration de la qualité des produits. Nous leur assurons aussi que la qualité marchande des fèves de Côte d’Ivoire s’est significativement améliorée. Enfin, la mise en place d’un agrément aussi bien pour les exportateurs que pour leurs clients a permis d’assainir la liste des intervenants dans la chaîne d’exportation. Elle a aussi permis d’obtenir de meilleurs taux d’exécution des contrats et de réduire le nombre de défauts.

4. Enfin, quels sont les projets en cours de réalisation ? Nous menons des actions en faveur du bien-être des producteurs. C’est dans ce cadre que nous avons démarré le Recensement des Producteurs de Café-Cacao et de leurs Vergers (RPCCV). Nous réalisons à leur profit des infrastructures sociales de base dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’hydraulique humaine, de la sécurité, de l’électrification. Et nous réalisons à leur profit des pistes de desserte agricoles. Nous voulons aussi dynamiser la recherche afin de proposer des technologies innovantes, pour que notre système de production s’adapte aux nouvelles conditions climatiques et contribue à la protection de l’environnement. Nous finançons le Conseil Agricole aux producteurs afin de renforcer leurs capacités techniques. L’une de nos batailles majeures vient de connaître un dénouement heureux car nous avons réussi, avec nos partenaires ghanéens, à obtenir de l’industrie du cacao le paiement d’un différentiel de 400 dollars la tonne qui permettra de garantir un prix minimum décent aux producteurs de cacao. Par ailleurs, nous procédons actuellement à un arrachage intensif des cacaoyers infectés par la maladie du Swollen Shoot. Enfin, nous sommes engagés avec le CNS, dirigé par la Première dame de Côte d’Ivoire, Madame Dominique Ouattara, dans la lutte contre la déforestation illégale et le travail des enfants dans le secteur de la cacaoculture.

PUBLI-REPORTAGE

2. Quelles sont les actions prioritaires que vous comptez entreprendre pour l’atteinte de ces objectifs ?

l’amélioration de la commercialisation, nous devons donc travailler à lui assurer un revenu à même de le maintenir dans la cacaoculture. Aussi, il nous faut parfaitement maîtriser notre appareil de production, afin d’asseoir une politique pertinente pour sa gestion. Enfin, nous voulons développer les infrastructures de transformation.


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LES NOUVEAUX

par Lilia Ayari

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ous la houlette des autorités, l’attractivité de la Côte d’Ivoire se confirme. L’État semble à l’écoute du secteur privé et de ses nombreuses attentes, et l’environnement des affaires fait sans cesse l’objet de réformes. L’ambition est, compte tenu du potentiel du pays, d’aller encore plus loin, encore plus vite. Le gouvernement s’est engagé depuis 2012, avec l’appui des partenaires techniques – dont la Banque mondiale, à travers la Société financière internationale (SFI) – dans un processus d’amélioration de l’accueil des entreprises. Des mesures qui répondent aux failles de l’économie ivoirienne soulignées dans les précédents rapports de Doing Business. Parmi ces réformes, la mise en place du Guichet unique des formalités d’entreprises (GUFE) du Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI) a fait ses preuves. Le GUFE permet maintenant la création en 24 heures, et à moindre coût, d’une entreprise. De même, un guichet unique du commerce extérieur a été institué pour faciliter les formalités requises en matière de commerce extérieur, dont les procédures se font désormais en ligne. La vie professionnelle des Ivoiriens a aussi été facilitée par la réduction du délai d’obtention du permis de conduire à 26 jours, ainsi que l’adoption d’un formulaire HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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KAZUSHI MOMOI - THIERRY GOUEGNON/REUTERS

Français, Marocains, Turcs, Indiens, et surtout Chinois, sont déjà familiers du paysage ivoirien. Mais de nouveaux acteurs arrivent, bien décidés à prendre une place dans la première économie de la zone UEMOA.


Lors du 7e sommet de la TICAD, en août dernier, à Yokohama, le Japon a réaffirmé sa volonté d’investir davantage en Afrique.

PARTENAIRES Ivanka Trump lors du sommet de l’initiative We-Fi, qui vise à soutenir les cheffes d’entreprise, à Abidjan, en avril 2019.

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ajouté le président de la Confédération générale des entreprises unique pour le paiement des impôts et taxes. Une dizaine de de Côte d’Ivoire (CGECI). Regrettant que les réformes qui ont réformes ont hissé la Côte d’Ivoire dans le top 10 des économies permis d’améliorer la position de la Côte d’Ivoire dans le clasles plus réformatrices. Cela s’est traduit par une croissance de sement Doing Business n’aient pas suffisamment d’impact sur 17 % des investissements directs étrangers (IDE), qui sont pasle développement des acteurs locaux, notamment les petites et sés entre 2016 et 2017 de 577 millions de dollars à 675 millions, moyennes entreprises (PME), il poursuit : « L’investisseur le plus soit 5 % des flux entrants dans l’espace Cedeao (Communauté avisé est toujours à la recherche d’un environnement législatif économique des États de l’Afrique de l’Ouest). et réglementaire stabilisé et d’une administration publique de « Il faut savoir aussi que nous sommes partis d’un système plus en plus efficace et de plus en plus solidaire. L’entrepremanuel et que nous tendons aujourd’hui vers un système démaneur a aussi et surtout besoin d’un environnement politique térialisé. Dans quelques semaines, les opérateurs créeront et sécuritaire totalement apaisé, condition sine qua non de la leurs sociétés à partir de leurs téléphones portables et de leurs pérennité de son investissement. Les plus fragiles de notre tissu ordinateurs sans être obligés de se déplacer », explique Emmaéconomique, nos PME, ont besoin de plus de protection et de nuel Esmel Essis, secrétaire d’État auprès du Premier ministre facilitation, notamment pour l’accès au financement, au foncier chargé de la promotion de l’investissement privé et directeur ou à la commande publique. » du CEPICI. Ce dernier est décidé à faire de ce centre « l’une des meilleures agences mondiales en termes de promotion des investissements ». Pour cela, il mise tout DES EFFORTS DU CÔTÉ DE L’ÉTAT particulièrement sur le digital. L’année Ces attentes sont connues du gouL’ATTRACTIVITÉ dernière, le site 225invest.ci, un portail vernement, ce qui ne l’empêche pas EN CHIFFRES unique centralisant les services pour les d’avoir placé le secteur privé comme investisseurs, a ainsi été mis en place. moteur de la croissance dans la phase 2 Près de « Le défi, c’est la dématérialisation. Il de son Plan national de développement ont été créées en Côte d’Ivoire faut que celle-ci soit une effectivité dans 2016-2020 (PND 2). « Le secteur privé en 2018 (contre 11 000 en 2017). le quotidien des Ivoiriens et des opéraivoirien représente les deux tiers du sont teurs économiques, pour qu’ils puissent total des investissements et 83 % des créées en moyenne sentir qu’entre l’administration et eux, emplois, et contribue pour 90 % des Le volume des investissements il n’y a plus de barrière. La deuxième ressources de l’État », rapporte le secréchose, c’est de pouvoir doter le CEPICI du taire général de la présidence, Patrick est passé de statut juridique qu’il lui faut pour mieux Achi. Dans le cadre de la feuille de accomplir ses missions. Enfin, le dernier route 2020-2030, un « nouveau pacte » en 2017 à challenge est d’arriver à créer une bonne entre le secteur privé et le secteur public en 2018, générant plate-forme de collaboration entre tous doit donc être mis en place. En attenles intervenants du processus d’invesdant, la Côte d’Ivoire dispose d’un noutissement, pour une meilleure prise en veau Code des investissements. Il vise à contre 5 808 en 2017. charge de l’investisseur qui arrive en Côte accélérer l’industrialisation de l’écono(Source : CEPICI) d’Ivoire », détaille Emmanuel Esmel Essis. mie, promouvoir la production locale et favoriser la création d’emplois. Alors que Cargill, géant américain de la fève de cacao, LES RÉSERVES DES OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES LOCAUX revoit à la hausse ses investissements (à hauteur de 110 mil« Malgré les bonnes performances du classement Doing lions d’euros) avec l’extension de son usine Micao, dans la zone Business enregistrées par [les différents pays africains] et applauindustrielle de Yopougon, d’autres entreprises du pays de l’Oncle dies, force est de reconnaître qu’il existe encore un hiatus entre Sam prospectent. En août dernier, la Chambre de commerce et ces classements et la perception ressentie par les opérateurs d’industrie de Côte d’Ivoire a ainsi reçu une délégation d’inveséconomiques. En effet, bien souvent, au moment même où l’on tisseurs américains. En marge du dernier forum de l’African célèbre ces classements, c’est un sentiment d’insatisfaction qui Growth and Opportunity Act (AGOA, un programme amériest exprimé par les chefs d’entreprise quand on les interroge », cain d’aide au développement économique), qui s’est tenu du a déploré Jean-Marie Ackah à l’occasion de l’ouverture de la 4 au 6 août à Abidjan, les autorités des deux pays ont annoncé CGECI Academy, en octobre dernier. la création d’une aide américaine de 525 millions de dollars « Les sociétés font face à une réglementation parfois trop (473 millions d’euros) sur cinq ans. contraignante et changeante, à des lourdeurs administratives, Obtenu dans le cadre du programme Millennium Challenge à une pression fiscale difficilement soutenable, du moins pour le Corporation (MCC), « ce don vise à soutenir la croissance et à secteur formel, ou aux difficultés d’accès aux marchés nationaux encourager les investissements privés en renforçant les capacités ou régionaux, qu’il s’agisse des marchés publics ou privés », a

15 000 sociétés

60 entreprises par jour. 466 milliards de francs CFA 703 milliards

8 767 emplois,

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IMAGO/STUDIOX

La Chine a investi 280 millions de francs CFA pour la construction du barrage de Soubré.

de la main-d’œuvre, en réduisant les coûts de transport et en ouvrant de nouveaux marchés », avait alors commenté le directeur général du MCC, Sean Cairncross, dans un communiqué. Une mission « historique » avait déjà été organisée en juin 2018 à Abidjan par le secrétariat d’État américain au Commerce international. Elle s’était conclue par des engagements stratégiques. Washington avait alors consolidé cette nouvelle « amitié » avec la venue officielle d’Ivanka Trump, la fille et conseillère spéciale du président américain, en avril 2019. Elle s’était rendue uniquement en Côte d’Ivoire et en Éthiopie. Un signe positif, acté par l’annonce d’une aide de 2 millions de dollars destinée à créer des caisses d’épargne pour les femmes

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travaillant dans les plantations de cacao. Les États-Unis s’affichent comme un partenaire du développement économique en finançant des programmes d’accompagnement en matière d’égalité des genres, d’aide des PME locales ou encore de santé, notamment grâce à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Cette amitié économique entre les deux pays est très favorable aux échanges commerciaux, qui devraient atteindre les 3 milliards de dollars d’ici 2025 (l’objectif annoncé par les Américains). Par ailleurs, lors de la TICAD 7 (Tokyo International Conference on African Development), le grand rendez-vous entre le Japon et l’Afrique, dont la dernière édition se tenait en août

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AU TOP DES CLASSEMENTS

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oing Business, Trade20 Index, Millennium Challenge Corporation (MCC)… Les classements se suivent et se ressemblent pour le pays qui multiplie les bonnes notes. Le Fonds monétaire international (FMI) a souligné, dans un rapport publié en juillet dernier, que « les perspectives de croissance restent solides à moyen terme, en raison de l’amélioration constante de l’environnement des affaires, de la vigueur des investissements et de la hausse de la consommation privée ». De fait, le cadre macroéconomique est en bonne santé, avec un taux de croissance de 7,4 %, une inflation maîtrisée de 2 %, un déficit budgétaire de 4,2 % et un ratio d’endettement de 42,7 % du produit intérieur brut. La Côte d’Ivoire est ainsi passée de la 139e place du classement Doing Business 2019 (Banque mondiale) à la 122e et se retrouve dans le top 10 des pays les plus réformateurs, comme en 2014 et 2015. Selon le rapport de la MCC, la Côte d’Ivoire totalise 14 indicateurs sur 20 au vert. Le pays est également premier du classement du Trade20 Index, le rapport mondial sur les économies à fort potentiel de croissance commerciale, publié le 30 septembre 2019 par la banque britannique Standard Chartered. Il devance ainsi le Kenya et la Chine sur trois critères : le dynamisme économique, la croissance du volume des exportations et enfin les capacités du marché local à soutenir la croissance, en ce qui concerne la qualité des infrastructures, la pénétration du commerce électronique et l’amélioration de l’environnement des affaires. L’étude souligne les « grands progrès » réalisés par le pays, qui est « passé en sept ans d’une économie déséquilibrée par la crise sociopolitique à l’économie la plus dynamique d’Afrique francophone ». De quoi, selon le London Stock Exchange (LSE), placer la Côte d’Ivoire dans la catégorie des « pays pré-émergents », le seul en Afrique subsaharienne francophone. Enfin, en 2018, le pays est passé de la 41e place du classement de l’indice Mo Ibrahim sur la bonne gouvernance des États africains à la 22e, la plus grande progression cette année-là. ■

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dernier à Yokohama, la délégation ivoirienne, conduite par le président Alassane Ouattara, a décroché un protocole de partenariat avec la société nippone Toyota pour l’installation d’une usine d’assemblage de véhicules en Côte d’Ivoire. De quoi confirmer l’intérêt des Japonais pour le pays, qui s’exprime également à travers des dons. Parmi les derniers en date, une enveloppe de 25,5 milliards de francs CFA pour la réhabilitation du bâtiment central du centre hospitalier universitaire de Cocody, dans le département d’Abidjan. Dans la capitale économique, cette entente est d’ailleurs symbolisée par l’échangeur flambant neuf Solibra. Les Britanniques ne sont pas en reste : le fonds AgDevCo a annoncé, en août dernier, un investissement de 8,7 millions d’euros dans DekelOil, l’un des principaux acteurs de l’huile de palme en Côte d’Ivoire. Quant aux Allemands, notamment présents dans le pays à travers la Giz (leur agence de coopération internationale), ils ont mis en place, au début de l’été, le Réseau économique allemand en Côte d’Ivoire (REACI), qui regroupe toutes les institutions de promotion des échanges économiques et de développement. L’Allemagne est en effet un client important, avec 980 millions d’euros d’importations en 2018, un chiffre en augmentation de 21 % par rapport à 2017. La DEG, la banque allemande de coopération internationale destinée au financement du secteur privé, a ouvert en novembre 2018 un bureau à Abidjan, où elle détient un portefeuille de 2,1 milliards d’euros. Elle a depuis organisé la première édition locale de ses « journées économiques ». Par ailleurs, la Côte d’Ivoire est membre du programme Compact with Africa, qui a été créé en 2017 par l’Allemagne lorsqu’elle présidait le G20 afin de promouvoir les investissements privés en Afrique. La tendance est au codéveloppement avec les entrepreneurs européens. Ainsi, des entreprises aux capitaux mixtes doivent naître à l’issue d’un partenariat entre les patronats de la Côte d’Ivoire et du Portugal, alors que 210 sociétés portugaises sont déjà présentes sur le sol ivoirien. DÉVELOPPER LE RÉSEAU DU CONTINENT

Du côté des autres pays du continent, trois accords de coopération ont été signés entre la Côte d’Ivoire et l’Égypte, à l’occasion de la visite officielle du président Abdel Fattah al-Sissi à Abidjan, en avril 2019. Ils portent sur les domaines de la santé, de la culture, des technologies de l’information et de la communication. « Nous nous sommes mis d’accord pour promouvoir nos liens à travers des réseaux plus vastes, l’augmentation des échanges commerciaux, l’encouragement de l’investissement égyptien en Côte d’Ivoire et le renforcement des capacités dans les domaines civils et militaires », a commenté à cette occasion le président Alassane Ouattara. Pour le moment, le volume des échanges commerciaux entre la Côte d’Ivoire et l’Égypte reste pour l’heure relativement faible : il était de l’ordre de 55 millions de dollars en 2018. ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Nos partenaires privilĂŠgiĂŠs


interview

Daouda Coulibaly « Nos banques sont prêtes à relever tous les défis » Le directeur général de la SIB (groupe Attijariwafa bank) est également président de la Commission développement des PME au patronat (CGECI). Une double casquette bien utile pour parler concrètement… entreprises. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed AM : Au cours de la CGECI Academy 2019, le président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, Jean-Marie Ackah, a rappelé les obstacles qui pèsent sur le secteur privé : pression fiscale, lourdeurs administratives, manque de stabilité sur la réglementation… Cela est-il particulièrement vrai pour les PME ? Daouda Coulibaly : Je suis directeur général de la SIB [Société

ivoirienne de banque, filiale du groupe Attijariwafa bank, ndlr] et président de la Commission développement des PME et financement (CDPF). J’ai donc l’occasion de discuter avec les PME. Les difficultés que vous avez soulevées sont effectivement celles que ces dernières rencontrent. Nous espérons que des platesformes, telles que la CGECI Academy et La Finance s’engage, sont des occasions de mettre tous les acteurs autour de la table afin de trouver des solutions. Nous sommes conscients que les PME ont un rôle majeur à jouer dans le développement de notre économie. Quelles sont les réformes qu’attend le secteur privé en matière de climat des affaires ?

Des réformes ont été faites. Nous pouvons citer le Bureau d’information et de crédit, le dispositif d’accompagnement des 64

PME par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la mise en place de l’Agence PME… Cependant, beaucoup reste à faire. Des voyages de benchmark auprès de pays qui ont de l’expérience, comme le Rwanda, le Kenya et le Maroc, par exemple. Des propositions ont été faites, nous attendons leur mise en place. Des quickwins sont possibles, comme les avantages fiscaux pour les PME, la mise en place de fonds de garantie et d’aide aux PME, une meilleure participation de ces dernières dans l’attribution des marchés publics et un règlement plus rapide de leurs factures. La culture de l’entrepreneuriat commence à se répandre en Côte d’Ivoire. En particulier chez les jeunes. Quels sont leurs besoins et comment les accompagner ?

Nous assistons à l’éclosion de nouveaux entrepreneurs ivoiriens. La Business Plan Competition permet d’ailleurs d’en faire concourir certains, qui bénéficient d’un accompagnement de la CGECI. Les besoins de ces entrepreneurs sont multiples : financement, formation, renforcement de capacités… L’accompagnement financier est important, il faut à ce titre saluer les banques qui se sont engagées à investir davantage dans les PME. Les crédits octroyés à ces dernières entre juin 2018 et juin 2019 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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ont progressé de près de 25 % (selon les chiffres de la Banque centrale). Cet accompagnement doit être suivi de programmes de formation, du renforcement des capacités des dirigeants. Les besoins sont donc multiples : soutiens bancaires, fonds d’investissement, incubateurs… En gros, il faut un écosystème revisité. L’accès au financement reste le nerf de la guerre. Les banques ivoiriennes hésitent-elles toujours autant à prêter aux start-up ou aux PME locales ?

Les études « Données pour la croissance » réalisées par la CGECI avec l’appui du cabinet ES Partners à travers la Commission que j’ai l’honneur de diriger ont montré un écart entre le besoin de financement des PME et le montant que les banques étaient prêtes à mettre, j’allais dire… sur la table. Toutefois, cet écart se réduit. Les banques ivoiriennes se sont engagées à accompagner les PME. Je l’ai dit plus haut, le niveau de financement est en progression (+25 %), même si beaucoup reste à faire. La plupart ont mis en place des directions dédiées aux PME ainsi que des produits et services, et un accompagnement en conseil. À titre d’exemple, la SIB a mis en place – avec l’appui de notre maison mère, le groupe Attijariwafa Bank, et sur recommandation de son PDG – un dispositif permettant de financer davantage les PME. Nous avons pour cela signé des accords de partage de risques avec plusieurs institutions internationales, notamment la SFI (Société financière internationale) et l’African Garantie Fund. Nous avons aussi mis en place des produits innovants adaptés aux besoins des PME, comme le leasing, le conforming… Les confrères ne sont pas en reste. Pour ce qui est des start-up, la plupart d’entre elles ont besoin de fonds d’amorçage et de capital. Les banques, en raison de la réglementation, ne pourront financer que celles qui disposent de fondamentaux solides ou de potentiel de croissance rapide. La problématique des start-up nous ramène à la question de l’écosystème, que nous devons faire évoluer afin que tous les partenaires puissent jouer convenablement leur rôle.

4e édition le 21 novembre 2019. Cette initiative vise à mettre autour d’une table toutes les parties prenantes dans la problématique du financement des PME : l’État, la BCEAO, les banques, les institutions de microfinance, les partenaires techniques au financement (SFI, Banque africaine de développement, Banque mondiale…), les PME elles-mêmes… C’est une initiative qui se veut concrète, avec des engagements clairs et mesurables. Et nous avons eu un engagement de toutes les parties prenantes : l’État, qui a amorcé un certain nombre de réformes et qui a aussi mis en place l’Agence PME ; la BCEAO, qui a mis en place son dispositif d’appui au financement des PME avec un guichet de refinancement ; les partenaires techniques et financiers (PTF) avec les accords de partage de risque et des programmes de renforcements de capacités ; les banques et les institutions de microfinance avec des engagements chiffrés de financement de PME et également un accompagnement au renforcement des capacités. Je peux vous dire qu’en 2018, comme les années précédentes, un jury a été mis en place pour s’assurer que les engagements pris par les banques et les institutions de microfinance ont été respectés (exactement 101 %). Ce qui est une belle réussite. Cette initiative vise aussi à créer une émulation saine des banques et des institutions de microfinance, avec une reconnaissance par les Awards du financement, pour celles qui respectent leurs engagements, tant en matière de financement que sur le plan qualitatif. Elle contribue également à faire des propositions d’amélioration de l’écosystème grâce aux études, mais aussi aux propositions concrètes faites lors des panels. Nous sommes conscients que le chemin est long, mais nous croyons en cette initiative qui, chaque, année prend de plus en plus d’envergure et contribue à une meilleure prise en charge du financement des PME.

Aujourd’hui, vous pouvez réaliser vos opérations à partir de votre mobile ou de votre tablette, sans vous déplacer.

Quels modes de financement alternatifs s’offrent à ces jeunes entrepreneurs ?

Les modes de financements sont plus adaptés à l'accompagnement de start-up. Je pense aux fonds d’investissement, aux business angels, au crowdfunding, voire aux tontines… La CGECI a mis en place un programme : La Finance s’engage. Cela fonctionne-t-il ?

Ce programme est une initiative de la CGECI en collaboration avec le cabinet ES Partners. Nous en avons organisé la 66

Comment se porte le secteur bancaire ivoirien ?

Il se porte bien. Le dispositif nouveau mis en place par la BCEAO, notamment Bâle II et Bâle III, vient renforcer le secteur en l’alignant sur les standards internationaux. Par ailleurs, il s’est enrichi de nouvelles banques, dont le nombre est passé de 29 à 31. En matière de financement de l’économie, nous notons une progression de 14 % des crédits accordés entre juin 2018 et juin 2019, avec une meilleure maîtrise des risques. La concurrence a encore fait baisser les taux de crédits de 25 points de base bancaires, pour se situer en moyenne autour de 6,6 % au second trimestre de 2019. C’est donc, voyez-vous, un secteur dynamique, innovant et en développement continu, pour le bien des consommateurs. HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Une délégation de la CGECI menée par le président de la confédération Jean-Marie Ackah (3e en partant de la gauche) était reçue à Kigali, en septembre 2019, par le chef de l’État rwandais, Paul Kagame (à sa gauche).

Le secteur est plus que concerné par la transformation numérique que traverse l’économie ivoirienne. Avec quel impact ? Les banques du pays sont-elles en phase avec les nouvelles technologies ?

nomiques à faibles revenus d’ouvrir un compte. Les actions sont complémentaires à plusieurs égards.

Les banques sont innovantes et se sont très rapidement adaptées au numérique et aux nouvelles technologies. Les impacts sont énormes, avec une nouvelle manière de pratiquer la banque, et la mise en vente de produits et de services en phase avec les nouvelles habitudes de vie des clients. Aujourd’hui, à partir de votre mobile ou depuis votre tablette, vous pouvez réaliser vos opérations sans avoir à vous déplacer. La SIB, dans ce domaine, a eu la chance de s’appuyer sur sa maison mère pour la mise en place d’une banque digitale adaptée aux standards internationaux.

Les banques ne sont pas dépassées. Elles profitent de la technologie pour innover et mettre à la disposition des clients des produits et des services numériques (banque digitale, banque à distance, e-wallet…). C’est un tournant structurel, et les banques l’ont bien compris, elles avanceront seules ou en signant des partenariats avec les opérateurs de télécoms. Le monde des fintechs est très dynamique, et les banques le regardent avec grand intérêt.

OGS

En attendant, en ce qui concerne l’inclusivité, le mobile banking apporte des solutions que la banque traditionnelle n’offrait pas…

Effectivement, il est certain que les offres du mobile banking viennent combler un besoin que les banques traditionnelles ne satisfaisaient pas. Elles ont surtout favorisé une inclusion financière plus importante en permettant à des millions d’agents éco-

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Cela dit, dans ce secteur, les banques sont en passe d’être dépassées par les opérateurs de télécoms…

Pour conclure, le secteur bancaire national est-il à la hauteur des ambitions que nourrit la Côte d’Ivoire, en l’occurrence l’émergence à l’horizon 2020…

Je peux vous assurer que le secteur bancaire ivoirien est tout à fait à la hauteur des ambitions économiques de notre pays, en témoigne son dynamisme. Par ailleurs, le nouveau dispositif réglementaire vient renforcer le secteur en alignant nos banques sur les standards internationaux. Elles sont donc prêtes à relever tous les défis. ■

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Une cité hospitalière ouverte sur le monde Le District Autonome d’Abidjan est une entité territoriale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Son organe exécutif est présidé par le gouverneur Robert Beugré Mambé depuis le 4 mai 2011. Les compétences du District peuvent être résumées en six points : 1. La promotion et la réalisation d’actions de développement économiques, sociales et culturelles ; 2. La planification et l’aménagement du District ; 3. L’engagement d’actions complémentaires à celle de l’État et des Collectivités dans les domaines et conditions fi xées par la loi ; 4. La lutte contre l’insécurité ; 5. La protection et la promotion des traditions et coutumes ; 6. La conclusion de toute coopération décentralisée avec les Collectivités territoriales, des organes publics ou privés, étrangers ou internationaux dans le cadre défini par l’État. Le territoire du District, qui occupe une superf icie de 219 000 km2, est divisé en deux parties distinctes de part et d’autre des ponts Félix Houphouët-Boigny, Général de Gaulle et Henri Konan Bédié. Il est constitué de treize communes établies autour de la lagune Ébrié. Le climat est de type équatorial, chaud et humide. Quatre saisons rythment la vie des Abidjanais : deux saisons sèches et deux saisons humides.

Diversité et ha armo onie Abidjan est un monde en miniature. Sa population est composée de plus de 160 nationalités en provenance de tous les continents. Toutes ces nationalités vivent ensemble en parfaite harmonie. Abidjan est certainement, de par le nombre de ressortissants de pays étrangers qui y vivent, l’une des destinations les plus cosmopolites du monde.

de diverses célébrations œcuméniques. Considérée comme le carrefour culturel ouest-africain, Abidjan est caractérisée par une très forte croissance industrielle et une urbanisation galopante. Elle est devenue une véritable mégalopole. De 400 000 habitants en 1960 au moment de l’indépendance, elle est passée à près de 7 millions d’habitants aujourd’hui, ce qui représente le tiers de la population nationale. Des études prospectives révèlent que l’agglomération comptera plus de 10 millions d’habitants dans les années 2035.

Busin ness et gra andss événemen nts À Abidjan, la sécurité est une réalité. La vitrine de la Côte d’Ivoire a retrouvé son dynamisme économique et culturel d’antan, comme l’attestent les nombreuses missions d’industriels et d’hommes d’affaires étrangers qui y séjournent, sans compter les innombrables séminaires et colloques qu’elle abrite. On peut citer : le Sommet UA-UE, le Sommet Afrique-Japon, les 8es Jeux de la francophonie, l’Africa CEO Forum, Investir en Côte d’Ivoire 2014, les Assemblées annuelles de la BAD, les Rencontres du MEDEF et des chambres économiques et consulaires, sans oublier les grands salons économiques, tels que le SARA, le SITA, l’ARCHIBAT.

Abidjan est le siège de la représentation régionale des plus grandes institutions panafricaines et de la plupart des agences du système des Nations-Unies, comme l’UNICEF, le PNUD, l’OMS ou le PAM. Abidjan abrite depuis sa création le siège de la Banque africaine de développement (BAD), la plus importante institution financière du continent africain. Les grandes nations du monde ont toutes une représentation diplomatique à Abidjan, dont la La capitale économique est tolérante sur le plan religieux et les plupart desservent la sous-région. Preuve, s’il en est besoin, du différentes confessions se côtoient et se fréquentent à l’occasion rayonnement international et de la position stratégique qu’occupe le District Autonome d’Abidjan en Afrique. L’agglomération abidjanaise regarde l’avenir en face. En phase avec le Président de l a R épubl ique , S on Excellence A lassane Ouattara, qui ambiAbidjan, ville lumière, « Perle des lagunes ». Commune du Plateau, cité administrative et centre des affaires. tionne de faire de la


Environnem ment En ce qui concerne l’environnement, la nature a été particulièrement généreuse et florissante dans le District Autonome d’Abidjan. On y compte pas moins de 12 850 hectares d’aires protégées. Le jardin botanique de Bingerville, riche d’espèces végétales, mérite le détour. Le parc national du Banco, ancien bois sacré avec ses 3 450 ha de forêt, est l’une des rares forêts logées au cœur d’une grande métropole, et une réelle attraction pour Robert Beugré Mambé, les écologistes. Grâce à la photosynthèse gouverneur. et l’oxygène qu’elle produit, cette forêt facilite la qualité de l’air dans le District Autonome d’Abidjan, en captant annuellement plus de 34 000 tonnes de gaz carbonique, émises en particulier par les véhicules et les industries.

Tourisme de lo oisirs Située en bordure de l’océan Atlantique, la partie Sud du District Autonome d’Abidjan offre des plages ornées de cocotiers visibles sur la bande lagunaire des quartiers de Vridi, dans la commune de Port-Bouët.

Hôtel du District Autonome d’Abidjan.

Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. Abidjan relève déjà le défi de devenir la plus belle agglomération de l’Afrique nouvelle, l’endroit où il fait beau vivre.

Transports La plate-forme de l’Aéroport international Félix HouphouëtBoigny est en pleine transformation dans le cadre du projet Aérocité pour être porté, à moyen terme, à une capacité de plusieurs centaines de passagers par an, et ses équipements ont été modernisés pour répondre aux exigences d’un trafic en très forte augmentation, ainsi qu’à une demande en service hôtelier de classe internationale.

Le centre artisanal de Marcory est le lieu où les artisans sculpteurs et les peintres vous feront apprécier la finesse et la beauté de l’art africain. La lagune Ébrié offre de jolis lieux à découvrir. Comme l’île Boulay et son sable fin. Des bateaux-bus de la Société des transports abidjanais (SOTRA) proposent des visites guidées des différentes baies. On enregistre aussi l’arrivée de deux nouvelles enseignes de transport lagunaire, la Société de transport lagunaire (STL) et Aqualines. Abidjan est une agglomération insolite, jeune et cependant déjà riche d’expérience. Ses divers surnoms de « Manhattan des tropiques », « Petite Manhattan », « Perle des lagunes », « Cité verte » ou encore « Perle des lumières » sont le reflet de cette cité attrayante et conquérante. Cette vitalité est plus présente encore sur les marchés. La diversité des produits et des couleurs n’a d’égale que celle des pagnes et des coiffures des femmes. Les supermarchés connaissent eux aussi une expansion florissante, il ne se passe plus une année sans qu’une nouvelle enseigne voit

Le lancement des travaux de la première ligne du métro est effectif et reliera Anyama, au nord, à Port-Bouët, au sud, en passant par les communes d’Abobo, Adjamé, le Plateau, Treichville, Marcory et Koumassi. Il transportera à terme 500 000 personnes par jour. Par ailleurs, le port autonome d’Abidjan, le plus important de l’Afrique de l’Ouest en matière de trafic maritime, d’infrastructures et de productivité s’avère être le poumon de l’économie ivoirienne. Grâce au canal de Vridi d’une profondeur de 15 mètres, les bateaux à grand tirant d’eau peuvent y accoster.

Palais de la Culture d’Abidjan, dans la commune de Treichville.

le jour. Les signes d’une mutation accélérée sont partout visibles. Alors que le pêcheur jette immuablement son épervier sur les eaux lisses de la baie de Cocody, les téléphones cellulaires, grâce à trois opérateurs, ont envahi l’agglomération et les abonnements à Internet haut débit se multiplient de manière exponentielle.

PUBLI-REPORTAGE

Le réseau routier est en grande partie bitumé et compte plusieurs centaines de kilomètres de routes et d’autoroutes urbaines. Ainsi, on peut contempler le pont Henri Konan Bédié et ses différentes voies d’accès. C’est un pont long de 1,6 km, de deux fois trois voies, qui reliera la commune de Cocody, au nord, à celle de Marcory, au sud. Un quatrième pont est en cours d’exécution et reliera les communes de Yopougon et du Plateau. Plusieurs grands échangeurs sont en train d’être réalisés. De même, l’autoroute Abidjan-Bassam rend plus fluide le trafic routier en direction de la cité balnéaire de Grand-Bassam.


Pas de développement sans industries

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perspectives

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La transformation reste le maillon faible de l’économie. C’est le dernier cap à franchir. Gouvernement, entreprises privées, partenaires sont désormais tous alignés pour aider à son succès. En s’appuyant en particulier sur les promesses du secteur… agricole. par Dounia Ben Mohamed

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La zone industrielle de Yopougon.

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qui a installé en août de la même année la plus grande usine mondiale de broyage de fèves (prévisions 2021) dans la zone industrielle de Yopougon. Une concurrence rude dans laquelle des PME locales existent discrètement mais sûrement. Parmi elles, Instant chocolat, marque lancée par Axel-Emmanuel Gbaou, qui exporte en Europe des tablettes 100 % made in Côte d’Ivoire. Ces petits jouent la carte du local, avec des emballages ucune nation ne s’est développée sans industrie. » La maxime a au graphisme élaboré et des compositions simplifiées (moins suffisamment été répétée pour être désormais connue de tous. surchargées en matières grasses ou en sucre), qui laissent mieux Y compris sur le continent. Reste que la locomotive ivoirienne, apprécier le goût de la fève torréfiée. première de l’Afrique de l’Ouest, dont la dynamique est essenUn souci de qualité porté en étendard qui se retrouve dans tiellement portée par son secteur agricole, peine à valoriser son le secteur du café. De nouvelles marques apparaissent dans les potentiel, faute d’un réel tissu industriel. Avec une production rayons des supermarchés, comme les capsules Ivoryblue, prede 24 millions de tonnes de cultures vivrières et industrielles mier espresso « Pure origine région des montagnes ». On peut selon le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, maintenant goûter la différence d’arômes entre les fèves de Man la Côte d’Ivoire est un grand pays agricole. Premier producet celles d’Azaguié. Moins axé sur le marketing mais tout aussi teur mondial de cacao, de noix de cola, deuxième d’anacarde, remarquable, Ivoire Torréfaction, et Bondin, institution tunipremier producteur africain de latex, troisième de café… Les sienne qui a ouvert une première « boutique salon de café » dans tonnages produits chaque année sont toujours plus importants, le quartier du Plateau, à Abidjan, en 2017. La société prévoit mais la création de valeur ajoutée reste faible. La faute à un taux l’installation sur le territoire d’autres magasins, sur le mode de d’industrialisation de 28 % et à une croissance manufacturière la franchise, ainsi qu’une usine de torréfaction de 2,2 %. à Bonoua (sud-ouest) courant 2020, qui devrait Des chiffres qui restent éloignés de ceux de EN CHIFFRES pouvoir torréfier jusqu’à 1 500 tonnes de café à nouvelles économies, telles l’Inde, qui enregistre L’agro-industrie représente terme, pour le marché local et l’export. 7 % de croissance industrielle, ou la Chine, avec 75 % de la valeur ajoutée C’est sans doute la filière de l’anacarde 15 %. De fait, le secteur industriel pèse pour du secteur manufacturé qui connaît la progression la plus imporl’heure 25 % du PIB. C’est peu, alors que la Côte et près de 370 000 emplois tante. Devenu premier producteur mondial d’Ivoire est le premier exportateur de l’UEMOA directs. Elle contribue (750 000 tonnes cette année), et quatrième (44 %), suivie du Mali, du Sénégal (13,5 % chaà 21 % des exportations transformateur mondial, après le Viêt Nam, cun) et du Burkina Faso (12,5 %). Pour relancer du secteur secondaire l’Inde et le Brésil, le pays a entièrement resl’industrialisation, les autorités se concentrent et équivaut à 42 % du tructuré la filière, qui n’affiche que 8 % de sur l’agroalimentaire et se donnent pour objectif secteur industriel. Elle est composée d’industries transformation locale en 2018, mais progresse d’atteindre les 50 % de transformation locale agroalimentaires à 62 % rapidement avec 70 000 tonnes de cajou d’ici 2020, contre 35 % actuellement. Et pour et d’industries agricoles transformées, et des exportations d’amandes atteindre ce but, il faut des unités de transfornon alimentaires à 38 %. de cajou qui ont atteint les 42 % au premier mation. Honneur aux chocolateries ! Les plus importants semestre 2019. Un boom porté par l’augmenLa concurrence s’est vite installée entre les secteurs sont le cacao tation des transformateurs locaux. Aux acteurs géants du cacao. Après Cémoi et Nestlé, c’était et le café (38 %), les traditionnels (le géant singapourien Olam ou au tour du suisse Barry Callebaut d’inaugurer oléagineux (25 %), puis la société ivoirienne Sita dirigée par Massogbè son usine de broyage de fèves, à travers sa filiale les produits laitiers, les locale Société africaine de cacao (SACO), au fruits et les légumes (18 %). Touré, « la reine de l’anacarde ») se sont ajoutées une vingtaine d’unités de transformation, printemps 2019. Très vite rattrapé par Cargill, 72

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Unité de transformation de cacao dans une usine, à San-Pédro.

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PERSPECTIVES

opérées par des compagnies internationales et locales, dont le premier importateur mondial, le groupe vietnamien T&T, ou encore Kiyo Côte d’Ivoire, FMA Industry, Nord Cajou et Ivory Cashew Nuts… Les mesures d’incitations mises en place par les autorités (exonération de droits de douane, de TVA, crédit d’impôt, etc.) ont beaucoup aidé à la dynamique. Visant les 52 % de transformation de ses noix de cajou d’ici 2022, le gouvernement a annoncé la construction de 108 entrepôts de stockage dans les zones de production du pays, dans les trois années à venir, avec une capacité de stockage de 500 000 tonnes – soit près de 65 % de la récolte annuelle du pays. Des ouvrages destinés à encourager la transformation locale : après avoir attesté de leur « stockage », les producteurs obtiennent des récépissés d’entrepôt (RE) qui peuvent servir de garantie, en échange d’un prêt bancaire pour financer leur activité. C’est l’un des instruments inscrits dans le projet de promotion de la compétitivité de la chaîne de valeur de l’anacarde (PPCA), destiné à améliorer la compétitivité de la filière.

Un concessionnaire du constructeur automobile japonais à Abidjan.

Toyota s’implante !

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n marge de la 7e édition de la TICAD (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique), le pays a décroché un protocole d’accord pour la construction d’une usine Toyota, entreprise par ailleurs déjà présente en Côte d’Ivoire à travers sa filiale, CFAO. Il s’agit de la quatrième unité de production du constructeur automobile sur le continent, après l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Égypte. De quoi faire de la concurrence à la française Renault, déjà implantée. L’usine d’assemblage, qui doit s’installer dans la zone industrielle de Yopougon, est annoncée pour 2021, avec la livraison des premières voitures fabriquées industriellement sur le territoire. De quoi donner un coup de pouce à la filière automobile locale. Le PDG de Toyota, Ichiro Kashitani, s’est réjoui « de l’établissement de ce partenariat qui devrait se situer dans la durée, avec l’espoir de voir, à terme, des véhicules Toyota entièrement fabriqués en Côte d’Ivoire ». Sans doute est-il également heureux d’avoir accès, à travers cette implantation, au marché régional et à ses 90 millions de consommateurs. ■

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Du côté de l’huilerie également, la production locale se développe. Il y a les majors déjà bien positionnées (Sifca, Unilever…), que rejoignent de plus en plus d’acteurs locaux et internationaux. L’interprofession compte 40 000 petits planteurs, et plus de 21 000 employés dans la première et la deuxième transformation, venant accroître une filière exportatrice dans la sousrégion, déficitaire en huile de palme. La Côte d’Ivoire exporte en effet 25 % de sa production vers les pays voisins. Alors que cette huile est décriée par les écologistes, les industriels ont créé la certification RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil, « Table ronde sur l’huile de palme durable » en français). En revanche, la Côte d’Ivoire s’est engagée, dans son troisième plan du palmier à huile, à multiplier par trois la production actuelle (550 000 tonnes sur une superficie officielle de 250 000 hectares) sans nuire à l’environnement. Autrement dit, sans déforestation. En attendant, les annonces d’investissement dans des projets agro-industriels plus ou moins ambitieux se multiplient : laiteries, usines de transformation des fruits de la mer, ou encore recyclage des déchets plastiques. L’industrie automobile n’est pas en reste avec notamment l’implantation d’une usine de montage de véhicules de l’entreprise japonaise Toyota [voir encadré ci-contre]. Un essor encouragé entre autres par la réhabilitation et la construction de zones industrielles. Ainsi, 140 hectares de parcelles aménagées devraient être disponibles d’ici à 2020 au niveau de la nouvelle zone industrielle d’Akoupé-Zeudji – la quatrième d’Abidjan –, tandis que la réhabilitation de celles de Yopougon (phase 2), Vridi et Koumassi se poursuit. « Notre stratégie ne s’arrête pas à Abidjan, la capitale économique, soulignait à ce titre le ministre du Commerce et de l’Industrie, Souleymane Diarrassouba. Notre objectif est qu’on puisse avoir des pôles de croissance économique à l’intérieur du pays. » ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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ISSOUF SANOGO/AFP

HUILE DE PALME : UNE FILIÈRE DURABLE


La PME qui concurrence les géants En moins de cinq ans, Perform World, spécialisée dans l’exportation des produits agroalimentaires, s’est imposée face aux multinationales. Au cœur de sa réussite, une présence sur toute la chaîne de valeur. par Dounia Ben Mohamed

SHUTTERSTOCK

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Prudent, le directeur mise sur le partenariat avec les nstallée au cœur du Plateau, Perform World vise, comme son nom l’indique, le monde. Créée en 2015, industriels déjà « transformateurs », au moins dans un premier elle répond à une ambition nationale. « Quand on dit temps. « L’investissement coûte cher si l’on veut monter des chocolat, on pense tout de suite à la Suisse. Demain, usines. C’est pourquoi dans notre plan, nous avons opté pour tout le monde pensera à la Côte d’Ivoire », promet Ous- un partenariat avec des industriels qui ont déjà du vécu dans mane Sanogo, directeur général. « Je suis 100 % made in le business. On va commencer par de la semi-transformation Côte d’Ivoire, comme nos noix de cajou ! Ce qui m’a amené à (transformer une partie du produit), selon les normes du parm’impliquer dans ce secteur, c’est ce constat : notre pays est le tenaire. La marchandise sera ensuite envoyée au Viêt Nam, premier producteur mondial de plusieurs denrées, mais l’acti- qui finira le processus. Et d’ici trois ans au maximum, nous vité ne profite pas aux Ivoiriens. Pourquoi ? Parce que nous ne attaquerons la dernière transformation et l’on pourra exportransformons pas. Notre responsabilité, à nous qui disposons ter des produits finis vers l’Europe et l’Amérique. » d’un savoir-faire, est d’assurer le passage à la transformation locale pour un développement durable. DES PARTENARIATS INTELLIGENTS Et c’est ce qui nous a réunis, des Ivoiriens, Pour l’heure, la société exporte vers des expatriés en Europe ou aux États-Unis. » l’Asie, le Viêt Nam et l’Inde principalement, Si le jeune DG ne manque pas d’ambigros clients des produits du sous-sol ivoirien. tion ni pour sa société ni pour son pays, c’est « C’est ce qui est intéressant dans ce secteur. step by step qu’il a décidé d’avancer : « Nous Malgré la présence de multinationales, il y a sommes exportateurs de produits agricoles, toujours eu de la place pour les locaux. » Et si essentiellement d’anacarde, mais aussi de les producteurs font confiance à Perform World, L’anacarde, café, cacao, karité, sésame, etc. Dès les premières c’est parce qu’elle les accompagne sur le terrain, l’un des produits « transformés ». années, nous nous sommes positionnés parmi tout au long de l’année. La société, qui collabore les quatre premiers exportateurs en matière de avec une soixantaine de coopératives, joue la carte volume pour l’anacarde, avec une production entre 25 000 et du social. « Très souvent, les petits producteurs n’ont pas accès 35 000 tonnes en moyenne. Dans le cacao, nous sommes aux banques ou aux produits phytosanitaires. Nous réponactuellement à notre troisième campagne : nous avons com- dons à leur besoin. C’est une forme de politique sociale. Bien mencé avec 1 tonne, puis 3 tonnes, et on s’attend à 10 tonnes sûr, dans l’espoir de s’assurer leur production derrière, même cette année. Nous sommes encore petits. » si l’on achète au même prix. » L’entreprise se soucie aussi de En 2015, la société a réussi à accéder à des marchés inter- produire sans nuire à l’environnement. « Nous avons fait venir nationaux stratégiques : « C’est notre connaissance du marché des experts pour travailler avec ces coopératives et les aider et du terrain qui fait que l’on arrive à concurrencer les multi- à améliorer leur productivité et la qualité de leur production, nationales. Dans le cadre du processus d’achat, il y a les pro- tout en respectant les normes environnementales. » ducteurs, les pisteurs, les acheteurs agréés, les exportateurs Aujourd’hui, Perform World compte une vingtaine de salaet les industriels. Nous sommes l’un des maillons de la chaîne, riés permanents – et jusqu’à 200 pendant les campagnes – et mais nous allons jusqu’au bout, jusqu’au produit à l’état fini. génère un chiffre d’affaires qui tourne entre 17 et 19 milliards Nous sommes en train de passer à la transformation : notre de francs CFA. La PME a déjà pris le chemin du développeunité à Galoa aura une capacité de 300 000 tonnes par an et ment régional, en opérant en Guinée et en Guinée-Bissau. sera opérationnelle fin 2020. » Toujours step by step, avant de conquérir le monde. ■

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VOIR L’AVENIR EN VERT Des écoles en plastique recyclé, une nouvelle ville 100 % écolo, une politique de reforestation inédite, des industriels qui s’engagent pour le développement d’une agriculture propre… Pour préserver la terre des éléphants, l’État doit désormais conjuguer économie et protection de la nature. par Lilia Ayari

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kwaba City. Le nom n’aurait pas pu être mieux trouvé pour ce projet qui vise à implanter au cœur d’Anyama, une ville située à 10 kilomètres d’Abidjan, une nouvelle cité intelligente et écologique. En septembre dernier, une grande présentation a eu lieu dans la capitale économique, en présence de représentants de l’État (notamment de l’Agence nationale de l’environnement), du promoteur Sophia Immobilier et de responsables de la communauté locale. Ce nouveau pôle urbain doit s’étendre sur une superficie de 14 500 hectares, pour pouvoir accueillir d’ici 2030 plus de 6 millions de personnes (les lots viabilisés seront mis à disposition dès 2020-2021). Il s’agit d’une solution face à l’urbanisation galopante de la ville qui, avec un taux de croissance annuel de sa population de 2,7 %, devrait atteindre les 10 millions d’habitants d’ici 2040. Ce projet répond à des défis à la fois démographiques, urbains, sociaux et économiques, mais aussi écologiques. HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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PASCAL MAITRE/MYOP

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Le parc national du Mont Péko a été particulièrement touché par la déforestation illégale ces dernières années. 77


ENVIRONNEMENT

ABIDJAN, FRUIT D’UN URBANISME NON PLANIFIÉ

Recyplast, le plastique sous toutes ses formes

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« Il s’avère plus que nécessaire de créer de nouvelles agglomérations, explique Ahmed Bouah Touré, le président de Sophia Immobilier, porteur du projet. Depuis plus d’un quart de siècle, 1 000 hectares sont ajoutés chaque année à la ville d’Abidjan, par une sorte d’alchimie urbanistique non planifiée. Seule la création de villes secondaires, dans un cadre légal bien défini, peut permettre un rééquilibrage. » Ainsi, l’axe Abidjan-Anyama a été choisi par les autorités comme la première étape d’un vaste chantier de développement urbain. Fruit d’un partenariat privé-public, le projet doit créer des milliers d’emplois en Côte d’Ivoire, tout en garantissant un urbanisme de qualité, avec une juxtaposition d’infrastructures économiques. Un marché de gros à Abidjan (sur le modèle de Rungis, en France), un village de l’artisanat, un centre culturel, un pôle universitaire ou encore un marché de l’anacarde sont notamment prévus. Le lancement de ce projet répondant aux normes environnementales en vigueur est prévu pour janvier 2020. En attendant, la Côte d’Ivoire se met petit à petit au développement durable. Alors que le pays s’est engagé en 2015, à l’issue de la Cop 21, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 28 % à l’horizon 2030, il s’engage en faveur d’une économie circulaire de revalorisation de ses déchets. Et tandis que les premières usines de recyclage apparaissent dans le paysage local, des écoles entièrement conçues en matériaux récupérés sont sorties de terre. À Gonzagueville, les élèves de l’école maternelle ont ainsi découvert à la rentrée un établissement aussi moderne qu’original comptant trois salles de classe construites en briques de plastique recyclé. Une technologie inventée par un couple de Colombiens, Óscar Méndez et Cristina Gámez, qui exportent leur savoir-faire depuis peu en Côte d’Ivoire, grâce à un partenariat entre leur société Conceptos Plásticos et le bureau local de l’Unicef. Ce nouveau matériau est résistant aux aléas climatiques et plus facile à utiliser que les parpaings traditionnels, ce qui permet de construire des écoles en un mois. « Il y a un manque criant de salles de classe dans le pays, souligne Sophie Chavanel, responsable de la communication au bureau

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mplantée à Yopougon, Recyplast offre une seconde vie aux déchets plastiques. En plus d’offrir une source de revenus supplémentaires à la population locale, elle propose une solution écologique à la question du traitement des ordures, dans un pays qui en produit 400 000 tonnes par an. « Nous sommes entrés en production il y a six mois. On transforme tout type de plastiques », indique son propriétaire, Salame Nayef. La société innove surtout en assurant toute la chaîne de recyclage, de la collecte à la transformation des déchets en paillettes et granulés, en passant par le tri et le traitement. « Nous avons développé un réseau de collecte, à partir de box d’achat installées un peu partout à Abidjan », explique Salame Nayef. Ces box, baptisées « Plastock », ont été mises en place depuis novembre sur des sites à forte densité de population et sont connectées à une application mobile. Elles reçoivent et achètent les déchets grâce à un système de monnaie virtuelle. Le tri sélectif peut alors commencer. Une fois qu’ils ont été compactés et stockés dans des conteneurs, les détritus sont transportés jusqu’à l’usine pour leur valorisation. « Nous avons une capacité de transformation de 2 500 tonnes de déchets par an », précise l’entrepreneur, avant d’ajouter : « On règle ainsi à la fois le problème de valorisation et de logistique des déchets, en triant en amont. Même s’il existe aujourd’hui beaucoup de microentreprises, dans l’informel ou le formel, qui opèrent dans ce secteur d’activité, nous, nous attaquons la partie industrielle. » Ce concept, à la fois écologique Traitement des déchets et économique, a su intéresser de grands dans l’usine Recyplast groupes internationaux, dont Nestlé, de Yopougon. mais aussi l’Unicef, qui s’est engagé dans la construction de salles de classe à partir de plastique recyclé, mais qui, pour l’heure, importe les matériaux nécessaires depuis l’Amérique latine. Recyplast, qui compte une vingtaine de salariés, prévoit de créer 1 300 emplois à Abidjan grâce au réseau des box Plastock. Ce dernier pourrait collecter jusqu’à 20 000 tonnes de déchets par an sur l’ensemble du district. ■

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Une école construite en briques de plastique recyclé, à Sakassou, au centre du pays.

de l’Unicef d’Abidjan. Selon le gouvernement, d’ici à 2021, le pays aura besoin de 15 000 salles supplémentaires. Et d’ici à 2025, ce sont 30 000 salles qu’il faudrait construire pour que tous les enfants aillent à l’école. » L’ONG vise la construction de 500 salles de classe en briques reconstituées dans le pays d’ici la fin de l’année 2020. Celles-ci devraient permettre d’accueillir environ 25 000 élèves, et chacune représentera 5 tonnes de déchets recyclés. La construction d’une usine de transformation du plastique dans le centre industriel de Yopougon, à Abidjan, est également prévue. Une fois que les briques seront produites sur place, le coût d’une salle pour 50 élèves devrait tomber à 10 000 euros (contre 15 000 euros avec les matériaux habituels). L’usine emploiera 30 ouvriers et, indirectement, des centaines de collectrices. « Le plastique, on ne peut jamais s’en débarrasser. Alors, autant l’utiliser pour ses propriétés principales », explique Sophie Chavanel.

PIERRE PINTO/RFI - DR

REBOISEMENT : 6 MILLIONS D’HECTARES DE FORÊTS D’ICI 2030

En attendant, l’État s’est attaqué à un autre fléau : la déforestation. En un demi-siècle, le tissu forestier, qui s’étendait sur 16 millions d’hectares, s’est dramatiquement réduit pour ne couvrir aujourd’hui que 2 millions d’hectares. Répondant aux cris d’alerte des ONG locales et internationales, le pays s’est engagé dans une politique de replantage inédite. « 80 % de notre couvert forestier a été détruit. Nous devons prendre conscience que la forêt est une richesse, un patrimoine à léguer aux générations futures. Nous voulons sauver la forêt ivoirienne, nous voulons regagner le terrain perdu, replanter, reboiser, mobiliser nos concitoyens et nos partenaires », a déclaré le ministre ivoirien des Eaux et Forêts, Alain-Richard Donwahi. Selon ce dernier, la sauvegarde des forêts s’inscrit dans la lutte globale contre le réchauffement climatique. La nouvelle politique forestière, baptisée « Stratégie de préservation, de

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Alain-Richard Donwahi, ministre des Eaux et Forêts.

réhabilitation et d’extension des forêts » (SPREF), doit permettre de recouvrer « 6 millions d’hectares en 2030 et 8 en 2045 ». Elle s’articule autour de la restauration des parcelles forestières, du reboisement et de l’agroforesterie. Mis en cause, les industriels du chocolat se sont d’ores et déjà engagés à replanter des arbres à travers, entre autres, l’Initiative cacao et forêts (ICF). Reste à trouver les fonds pour financer cette feuille de route « verte ». À cet effet, une table ronde est organisée ce mois-ci à Abidjan pour réunir des bailleurs potentiels. Le coût du projet est estimé à 616 milliards de francs CFA (soit 939 millions d’euros) et l’État a prévu de le financer à hauteur de 37 %. Pour s’assurer de la bonne réalisation de ce programme, un indice de gouvernance a été mis en place dans le secteur forestier, grâce au partenariat entre le ministère des Eaux et Forêts et l’agence de notation financière Bloomfield. En novembre dernier, pour montrer l’exemple, le couple présidentiel, le Premier ministre et l’ancien joueur de foot Didier Drogba ont tous planté un arbre, à l’occasion de l’opération « Un jour, un million d’arbres ». ■

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Le barrage hydroélectrique de Soubré, dans le sud-ouest.

électricité

CAP SUR LES « ENR »

« N

otre objectif est clair. Il s’agit de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens, d’accélérer la mise en œuvre des projets à venir, de fournir aux populations une énergie de qualité et de contribuer à la croissance économique du pays », rappelait, au début de 2019, l’ancien ministre du Pétrole, de l’Énergie et du Développement des énergies renouvelables, Thierry Tanoh. Une feuille de route qui incombe notamment à la Direction de l’énergie – rattachée au ministère du Pétrole –, laquelle, selon son directeur général, Sabati Cissé, porte des « projets structurants ». Parmi lesquels « le prolongement du pipeline reliant Abidjan à Bouaké (long de 385 km), le démarrage des travaux des barrages hydroélectriques de Gribo-Popoli et de Singrobo-Ahouaty, l’accélération des travaux de réhabilitation et de développement des ouvrages du réseau électrique, en particulier la construction d’environ 2 500 km de lignes, avec 30 postes de transformation HTB, ainsi que l’électrification de 500 localités, ou encore la réalisation de centrales solaires et à biomasse, des constructions menées par Korhogo Solaire (25 mégawatts-crête, ou MWc), Canadian Solar (50 MWc) et Biokala (46 mégawatts, ou MW) ». 80

Ces derniers chantiers confirment l’orientation prise par la Côte d’Ivoire en direction des énergies renouvelables. Le défi est d’atteindre l’autosuffisance d’ici à 2020, autrement dit de doubler la capacité énergétique du pays, en passant de 2 000 à 4 000 MW. Il s’agit d’augmenter progressivement la part des énergies renouvelables, faible à l’heure actuelle (moins de 5 %), pour atteindre 15 % en 2020 et 20 % en 2030. Et sur tous les volets, les chantiers se multiplient à l’approche du cap fixé. Dans l’hydraulique en premier lieu. Avec l’entrée en service de Soubré, projet phare qui double la part de l’hydroélectricité dans son programme énergétique, la Côte d’Ivoire a d’ores et déjà, et en moins de cinq ans, augmenté sa capacité, faisant passer celle-ci de 1 200 MW à 2 000 MW. « Notre pays s’est engagé en 2015, dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat (la COP 21), à réduire à l’horizon 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 28 %, tous secteurs confondus, a rappelé le Président Ouattara. Le barrage hydroélectrique de Soubré, qui produit une énergie renouvelable, contribue à atteindre cet objectif. » Et il y a d’autres barrages hydroélectriques, comme ceux de Gribo-Popoli, de Boutoubré et de Louga. Comme la Côte d’Ivoire jouit d’un ensoleillement jugé intéressant (une irradiation globale horizontale, ou GHI, HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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C’est le nom de code pour « énergies renouvelables ». Centrale solaire, biomasse et mini-grids… Le potentiel est là, les investissements arrivent. par Lilia Ayari


Pose d’un panneau photovoltaïque sur le toit d’une scierie, à Oumé, dans le centre-ouest.

moyenne de 2 077 kWh/m 2), dans le nord du territoire notamment, l’énergie solaire est une ressource intéressante. Un mégaprojet – la « première centrale électrique solaire flottante d’Afrique » – va être financé à hauteur de 80 millions d’euros par un prêt de l’Agence française de développement (AFD). Et deux centrales solaires de 60 MW, à Touba et à Laboa (nord-est), bénéficient d’une convention signée en octobre dernier, à Washington, entre la Côte d’Ivoire et la Société financière internationale (SFI). Enfin, avec le programme Électricité pour tous (PEPT), l’État prévoit le développement de mini-grids (« miniréseaux »), pour lesquels le photovoltaïque est bien adapté. Des projets d’éclairage public avec des lampadaires solaires ont ainsi vu le jour.

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TRANSFORMER DES RÉSIDUS DE CACAO EN BIOCARBURANT

Le pays présente l’un des meilleurs potentiels du continent en matière de biomasse, avec une capacité annuelle estimée à 12 millions de tonnes, obtenues à partir de la valorisation des déchets issus des industries du cacao, du coton, du palmier à huile… C’est la source d’énergie renouvelable la plus prometteuse à court terme. C’est pourquoi l’essentiel de l’objectif des 15 % d’énergie renouvelable à atteindre en 2020 doit être porté par la biomasse. Des projets menés par Biokala, la Sitrade ou le Groupe Eoulee sont en cours de développement. D’autres sont lancés. Ainsi, le suédois Scania a annoncé, en février 2019, la construction d’usines de transformation des résidus du cacao en biocarburant en Côte d’Ivoire. Outre ces usines, le gouvernement a lancé un autre programme, reposant sur les smart grids (« réseaux intelligents »), qui permettent d’optimiser la production électrique. Avec une enveloppe budgétaire de 40 millions d’euros, la Côte d’Ivoire s’inscrit dans la liste des nations du continent qui misent sur l’innovation dans le secteur. Et devient un hub énergétique, en fournissant de l’électricité à six pays de la sous-région. ■

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Cette centrale thermique est située sur la commune de Yopougon, à Abidjan.

L’extension d’Azito

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uivant le cap de croissance qu’il s’est fixé en matière d’énergie, le gouvernement a validé une augmentation de la capacité de production de la centrale thermique d’Azito, à Abidjan, actuellement à 430 MW. Un accord signé en mars 2019 prévoit des travaux d’extension de la Phase IV, qui porteront la puissance de la centrale à 700 MW. Ce qui représentera alors 30 % de la puissance totale installée sur le territoire national. « De toutes les centrales thermiques du pays, la Phase IV d’Azito offre l’un des tarifs les plus faibles et permet des synergies multiples au moyen d’une infrastructure existante et grâce à l’expertise de son équipe opérationnelle. Elle deviendra l’un des parcs de centrales thermiques les plus fiables et les plus efficaces de la région », a déclaré Paul Hanrahan, PDG de Globeleq, lors de la signature de l’accord. « Cet avenant à la convention de concession entre Azito et l’État s’inscrit dans la politique de la Côte d’Ivoire d’accroître les capacités de production d’électricité du pays, en vue de satisfaire la demande nationale et de respecter les engagements pris en matière d’exportation », a précisé Abdourahmane Cissé, ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Énergies renouvelables. Azito Energie SA, filiale de Globeleq, principal producteur d’énergie indépendant sur le continent, et IPS (West Africa), entreprise détenue par le Fonds Aga Khan pour le développement économique, ont mobilisé 173,8 milliards de francs CFA (265 millions d’euros) auprès de neuf bailleurs de fonds internationaux pour le financement de son projet d’extension. ■

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économie

RÉVOLUTION DANS LE CACAO Entente ivoiro-ghanéenne sur les marchés internationaux, augmentation du prix minimum de revenu pour les petits producteurs, engagement des acteurs pour une filière durable, émergence du chocolat « made in CI »… Le premier producteur mondial cherche à reprendre la main sur le secteur. par Lilia Ayari

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’est la fin d’un feuilleton qui aura tenu en haleine les acteurs du secteur du chocolat à travers le monde. Le bras de fer historique, initié le 12 juin par la Côte d’Ivoire et le Ghana, s’est achevé sur une victoire pour ces derniers. Après de multiples échanges et négociations entre les parties concernées (le Conseil café-cacao, le Ghana Cocoa Board, les chocolatiers, les industriels et les négociants), un accord a finalement été trouvé. Réunis les 23 et 24 octobre à Berlin, en Allemagne, sous la médiation de la Fondation mondiale du cacao, les industriels ont accepté de payer aux deux pays 400 dollars de plus par tonne. Au début 82

de l’été, à la surprise générale, les deux principaux producteurs de la précieuse fève, qui totalisent à eux seuls 62 % de la production mondiale, avaient suspendu d’un commun accord la vente de leurs récoltes de la campagne 2020-2021, dans l’objectif d’atteindre un prix minimum de 2 600 dollars la tonne, et ainsi de créer une plus-value pour les producteurs. Un impératif pour la Côte d’Ivoire, la baisse du cours de la fève ayant profondément affecté son économie. La culture du cacao, introduite dans le pays à la fin du XIXe siècle par les colons, est un pilier qui représente près de 60 % des exportations totales et assure un revenu à plus de 5 millions de personnes. Sauf qu’aujourd’hui plus de la moitié des producteurs vivent avec en moyenne 757 francs CFA HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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ÉCONOMIE

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our cette édition anniversaire très symbolique, qui s’est déroulée du 30 octobre au 3 novembre, la Première dame a été choisie comme marraine. Ce n’était pas la première fois, mais cette année, le contexte était particulier, avec d’une part l’épreuve de force menée par les deux géants ouest-africains du cacao pour une plus juste rémunération des planteurs, et d’autre part les accusations de travail forcé des enfants dans les plantations par les États-Unis. La protection infantile était d’ailleurs le sujet principal du discours inaugural de la Première dame, qui a rappelé les actions efficaces mises en œuvre dans 12 pays africains par sa fondation Children of Africa, à laquelle seront reversés les profits de l’événement. Par ailleurs présidente du Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, Dominique Ouattara s’est en outre rendue à Washington en septembre dernier pour défendre la filière. Elle a réaffirmé la détermination de son pays à lutter contre le travail des enfants dans les plantations, éloignant ainsi la menace d’un boycott par les États-Unis. ■ Alexandra Fisch La Première dame, Dominique Ouattara, était la marraine de l’événement.

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GARDER LE CONTRÔLE SUR TOUTE LA CHAÎNE

En interne, l’État a d’ores et déjà procédé à une profonde refonte de la filière. La chute des cours sur les marchés internationaux a en effet révélé un certain nombre de dysfonctionnements. Le Conseil café-cacao, l’organe public qui régit le secteur, est visé. En juillet 2017, la directrice générale Massandjé Touré-Litsé a été remplacée par Yves Brahima Koné, ingénieur agronome de formation. Le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, a alors ordonné un audit du système. Un recensement des producteurs de cacao et de leurs vergers sur l’ensemble du territoire national a été organisé pour une plus grande traçabilité de la récolte et un meilleur contrôle de la chaîne de production. Les contrebandiers encourent désormais de lourdes sanctions, les autorités ont obtenu un prêt de la Banque mondiale afin de soutenir la filière… La machine est relancée. « Nous avons décidé de contrôler notre récolte, de stopper la production et la distribution de nouveaux plants de cacao et de suspendre le renouvellement des plantations. Nous avons donc demandé aux exportateurs d’arrêter la distribution des HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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GWENDOLINE LE GOFF

À l’honneur du 25e Salon du chocolat de Paris

par jour (environ 1,30 dollar), soit largement en dessous du seuil d’extrême pauvreté (1,90 dollar par jour) – une aberration dans un business qui affichait en 2018 un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars. « J’ai une pensée particulière pour nos parents paysans, qui contribuent énormément à la richesse du pays et qui ont vu leurs revenus diminuer considérablement, en raison de la chute brutale des cours mondiaux du café et du cacao. Je veux les assurer que nous continuerons à veiller à leur offrir le maximum possible pour leur bien-être », promettait Alassane Ouattara lors de son discours du 1er janvier 2019. Son prédécesseur, Félix Houphouët-Boigny, avait tenté en 1987 et 1988 de garantir un minimum décent aux planteurs, alors que les prix du cacao étaient au plus bas, mais il avait dû céder, ne réussissant pas à obtenir gain de cause. Cette fois-ci, l’État n’est pas allé seul au combat : c’est avec son rival et voisin, le Ghana, qu’il a mené la fronde – la Côte d’Ivoire étant désormais passée devant ce dernier, jadis premier producteur mondial de cacao. S’inspirant de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), le front ivoiro-ghanéen a décidé de suspendre les ventes s’il n’arrivait pas à imposer le différentiel du revenu décent (DRD). « Nous n’allons pas vendre la récolte de 2020-2021 à moins de 2 600 dollars la tonne. Et nous aurons une marge de 400 dollars, pour nous assurer de reverser aux producteurs un minimum de montant », a confirmé le chef de l’État lors de sa traditionnelle intervention télévisée, à la veille de la Fête de l’indépendance, le 6 août dernier. « Les acheteurs ont compris », a-t-il assuré. Yamoussoukro et Accra ont obtenu gain de cause le 24 octobre dernier, lorsque Olam, géant singapourien du secteur, a acheté 100 000 tonnes de fèves au prix demandé. Et la Côte d’Ivoire a repris la main sur le secteur.


LES CHIFFRES CLÉS La Côte d’Ivoire et le Ghana produisent les DEUX TIERS des fèves dans le monde.

LES ACTIONS MENÉES CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS DANS LE PAYS

EN CÔTE D’IVOIRE 2 millions de tonnes ont été produites pour la saison 2019-2020. Mais moins de 500 000 tonnes sont transformées sur place.

8 000 enfants sortis des plantations en sept ans.

250 trafiquants emprisonnés.

UNE RÉPARTITION INÉGALITAIRE DES PROFITS En 2018, le secteur a rapporté 100 milliards de dollars, dont 6 MILLIARDS pour les cacaoculteurs, soit 6 à 7 %. (Le reste se répartit comme suit : détaillants, 44 % ; manufacturiers, 35 % ; transformateurs, 8 % ; taxes, 4 % ; commerçants, 2 à 3 %.)

plants aux paysans », explique à ce sujet Yves Brahima Koné. La Côte d’Ivoire a également annoncé son intention de stabiliser sa récolte à 2 millions de tonnes à partir de la campagne de commercialisation 2020-2021, laquelle démarrera en octobre 2020 – toujours pour garder le contrôle du marché, la récolte record 2018-2019 de 2,25 millions de tonnes ayant fait chuter les cours de 25 %. « Nous ne nous arrêterons pas là. Nous sommes à la recherche de financements pour lancer la construction de deux usines de transformation, d’une capacité chacune de 50 000 tonnes, à Abidjan et à San Pedro. Nous avons déjà acquis les terrains », ajoute le DG. La transformation locale est le dernier objectif pour contrôler toute la chaîne de valeur. Malgré une production d’environ 2 millions de tonnes par an, le pays transforme moins de 500 000 tonnes. Pis, il ne s’agit pour l’essentiel que de la phase de broyage des fèves, alors que c’est au niveau de la transformation en pâte de chocolat que se joue la valorisation. Aujourd’hui, les autorités mettent le focus sur cette étape.

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« DU CACAO PROPRE »

En attendant, un autre chantier tout aussi important est entrepris avec le Ghana pour l’avènement d’une filière durable. Les deux pays sont en train d’aligner leur système et ont obtenu des industriels et des négociants des engagements pour la durabilité de la production. Autrement dit, la lutte contre le travail des enfants et la déforestation, et celle pour l’amélioration des revenus des planteurs, de la traçabilité et de la transparence. « Nous avons trouvé un accord sur le mécanisme d’une collaboration cruciale et sur de nouvelles actions afin de travailler ensemble sur les questions clés : la déforestation, le problème

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du travail des enfants, l’accélération des moyens d’existence durables des cultivateurs et la mise en place des systèmes de traçabilité et de transparence nécessaires pour suivre les progrès sur ces importantes initiatives », a déclaré Richard Scobey, le président de la Fondation mondiale du cacao, à l’issue d’une rencontre à Abidjan. « Nous allons essayer de donner des assurances à l’industrie, au monde entier, au consommateur, que nos pays font du cacao propre. D’ici fin 2020, chaque planteur sera recensé. Sa plantation sera géolocalisée et nous saurons s’il y a des enfants dans les plantations », poursuit Yves Koné. D’ici là, la Côte d’Ivoire a annoncé l’adoption, à l’horizon de décembre 2020, d’un système de traçabilité de son cacao afin de protéger ses forêts et de lutter contre la culture illégale de la fève. Les industriels jouent déjà le jeu en répondant à la pression de plus en plus forte des consommateurs, notamment du marché européen. Ainsi, en mars dernier, 33 grands industriels (dont Nestlé, Cémoi et Barry Callebaut) ont lancé un plan d’action pour lutter contre la déforestation au Ghana et en Côte d’Ivoire. Mieux, ils se sont fixé un but ambitieux : retrouver 20 % du couvert forestier d’ici à 2030. Le mouvement est également porté par l’émergence de l’agrotechnologie. De nombreuses applications sont créées afin d’aider les petits producteurs à produire vert, parmi lesquelles BioSave. Développée par trois étudiants de l’université de Daloa, elle aide les agriculteurs à fabriquer des engrais et insecticides bio à partir de déchets organiques. Les agriculteurs qui l’ont testée adhèrent au concept, à la fois écolo et économe, mais il faudrait généraliser les smartphones. Pour l’heure, les amateurs de chocolat peuvent se rassurer : ils ne manqueront pas de cette précieuse douceur de sitôt. ■

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Coup d’accélérateur sur la mobilité

À Abidjan, le nouvel échangeur Solibra (de l’amitié ivoiro-japonaise) inauguré le 8616 décembre 2019.

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infrastructures

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Fluidifier la circulation urbaine, relier l’ensemble du territoire, faciliter le transport des personnes et des marchandises… La feuille de route suivie par les autorités est ambitieuse. par Lilia Ayari

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Le schéma directeur du Grand-Abidjan DÉSENGORGER LA VILLE, renforcer la compétitivité des activités économiques urbaines, mieux maîtriser l’aménagement tout en prenant en compte les aspects socio-écologiques liés (qualité de l’air, insalubrité et espaces verts)… In fine, l’enjeu du schéma directeur des transports urbains du Grand-Abidjan est d’améliorer le quotidien des 5 millions de personnes qui vivent, travaillent ou circulent dans la capitale économique. Estimé à 770 millions d’euros, le programme a reçu en octobre un sérieux coup de pouce : une enveloppe budgétaire de 567 millions d’euros de la part de la Banque africaine de développement (BAD), qui a inscrit la question de la mobilité dans ses priorités. Le reste est financé par l’État (17 %), l’Agence japonaise de coopération internationale (8 %) et le Fonds pour l’environnement mondial (1 %). Résultat, la métropole a accueilli l’année dernière 450 bus roulants au gaz naturel de la Société publique de transport en commun à Abidjan (Sotra), en attendant l’arrivée du nouveau parc de 2 000 autobus neufs. De quoi assurer le transport quotidien de 900 000 passagers, au lieu des 450 000 actuels. Grâce à des véhicules rapides et écologiques, une ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) devrait relier Abidjan à Yopougon et Bingerville en étant entièrement séparée du trafic. Dans les autres grands chantiers de ces derniers temps, nous pouvons citer celui du cinquième pont d’Abidjan, reliant Yopougon au Plateau, ainsi que celui de l’échangeur Solibra, également appelé « échangeur de l’amitié ivoiro-japonaise ». Des infrastructures stratégiques qui doivent renforcer la compétitivité de la capitale économique.

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INFRASTRUCTURES

Le métro d’Abidjan tant attendu C’EST LE CHANTIER qui suscite autant d’enthousiasme que de méfiance. C’est également un symbole du partenariat avec la France, dont la première pierre a été posée le 30 novembre 2017 par Alassane Ouattara et son homologue français, Emmanuel Macron. Le projet a finalement connu un coup d’accélération après l’intervention de ce dernier, qui a fait passer le coût de 1 046 milliards de francs CFA à 893, mettant ainsi fin aux contentieux entre l’État ivoirien et l’entreprise chargée du chantier, Bouygues Construction. Après avoir fait couler beaucoup d’encre, le projet est définitivement sur les rails. « La construction du métro d’Abidjan est en marche ! La construction débutera en 2020, pour une mise en service en 2024 », a déclaré le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, le 8 octobre lors de la signature de l’accord entre l’État et Bouygues.

L’interconnexion routière régionale indispensable LA LIAISON entre les capitales régionales, destinées à devenir des pôles économiques secondaires, se poursuit avec le renforcement de l’axe Yamoussoukro-Bouaflé-Daloa et la construction de l’autoroute reliant Yamoussoukro à Tiébissou et Bouaké. « L’achèvement et le lancement prochain des travaux d’infrastructures permettront d’améliorer de manière significative les conditions de circulation et d’impulser un nouveau souffle au dynamisme de croissance économique que connaît notre pays », souligne le président Ouattara. L’interconnexion doit aussi faciliter les liaisons avec les pays voisins : dans les dernières réalisations, le bitumage du tronçon entre Danané et la frontière guinéenne permet maintenant d’effectuer les 45 kilomètres de route en 15 minutes, contre 2 à 3 heures auparavant.

Des ouvriers sur le chantier du métro en septembre 2019.

KAMBOU SIA/AFP - NABIL ZORKOT

En facilitant les trajets, le bitumage des routes va dynamiser l’économie. Ici, Korhogo, au nord du pays.

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En sortant de Yamoussoukro, l’autoroute vous mène vers « l’autre capitale ».

KAMBOU SIA

Un nouveau Yamoussoukro ? EN AVRIL 2019, la question du transfert de la capitale à Yamoussoukro est revenue sur le devant de la scène. Cela a donné lieu en septembre dernier au lancement officiel des travaux de réhabilitation de la voirie de l’agglomération, une première étape indispensable au transfert. Il s’agit d’un autre engagement du président Alassane Ouattara et d’un projet stratégique à plus d’un titre : pour le chef de l’État, la ville est « une vitrine au plan

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politique, mais aussi au plan touristique et stratégique ». Ainsi, plus de 133 milliards de francs CFA de travaux seront mobilisés pour la réhabilitation d’environ 37 kilomètres de voirie revêtue et le bitumage de 4,4 kilomètres de routes en terre dans les années à venir, afin de redonner au district son lustre d’antan. Ce chantier est financé en partie par le groupe bancaire marocain BCP. ■

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interview

Robert Beugré Mambé « Mettre un pied à Abidjan, c’est mettre un pied chez soi ! » Depuis dix ans, « Babi » est en perpétuels travaux. Ponts, routes, électricité, réhabilitation d’immeubles… Le gouverneur du district autonome d’Abidjan œuvre pour en faire l'une des grandes portes d'entrée du continent. propos recueillis par Emmanuelle Pontié AM : Quels sont les grands projets en cours ? Robert Beugré Mambé : Ils sont nombreux. Parmi ceux finan-

été sensibilisées. Le chantier va véritablement commencer avant la fin de l’année 2020.

cés par l’État, on peut citer l’aménagement de la baie de Cocody, les projets de carrefours destinés à fluidifier la circulation urbaine, comme celui de Solibra, ou encore l’aménagement du boulevard de Marseille. Autre gros projet dans le domaine de la voirie : le bitumage d’environ 100 km de routes qui mènent à la centaine de villages du district, grâce au financement de ce dernier avec l’aide de l’État. Des infrastructures permettant d'augmenter la capacité en eau fournie aux populations ont été réalisées. Et nous avons des projets d’aménagement des grandes voiries du côté de Cocody, d’Anyama et de Yopougon. Deux ponts sont actuellement en construction : celui de Locodjro, qui reliera Yopougon au Plateau, et celui de la baie de Cocody, qui ira du Plateau à Cocody en voie directe. Nous prévoyons aussi l’élargissement de la route de Bingerville. Sans oublier les plans de logements sociaux, pilotés par l’État. Enfin, d’autres projets privés configurant la solidité d’Abidjan dans le paysage des affaires, du tourisme et des grandes conférences ont été lancés.

Quelles sont les particularités propres à votre ville ?

Où en est la construction du métro ?

La pose de la première pierre a été réalisée. Les travaux préparatoires du site sont très avancés, et les populations ont 90

Elle est attractive. C'est un grand carrefour pour les affaires et la cohésion de l’ensemble de la sous-région. Abidjan est proche de toutes les capitales. Deux heures la séparent de Dakar et de Niamey, une heure de Bamako, de Lomé et de Conakry, 40 minutes d’Accra… Grâce aux vols réguliers d’Air Côte d’Ivoire, les voyageurs qui le souhaitent peuvent aller faire des affaires dans les différentes capitales alentour. Nous sommes aussi un hub de transports maritimes, avec plus de 22 millions de tonnes de marchandises qui transitent chez nous. Enfin, nous offrons une vraie qualité d’accueil. Les Ivoiriens sont très hospitaliers, et beaucoup de conférences internationales sont organisées ici, avec un succès retentissant, comme le sommet Union africaine-Union européenne l’année dernière. Les embouteillages sont devenus un vrai souci dans le district…

C’est la rançon de notre croissance. Les populations ont davantage de moyens pour s’acheter des voitures. Chaque jour, 4 à 5 millions de personnes se déplacent dans notre capitale économique, à raison de deux fois et demie dans la même journée HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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ISSAM ZEJLY POUR AM

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INTERVIEW

pour chacune d’entre elles. Et c’est une ville qui grossit, avec la croissance naturelle bien sûr, mais aussi à cause de l’exode rural et de l’attractivité pour les pays voisins, dont les ressortissants viennent faire des affaires, trouver un emploi, etc. Abidjan est aujourd’hui la capitale la plus importante d’Afrique de l’Ouest. Le président de la République a mis sur pied un programme très ambitieux pour y améliorer la circulation.

DISTRICT D’ABIDJAN

Qu’est-ce qui pourrait rendre Abidjan encore plus attractive ?

Nous prévoyons la construction d’un grand centre de conférences international, avec un Collectivité territoriale parc d’exposition. Le gouvernement a toujours autonome affiché la volonté de doter notre cité d’un audi2 Superficie : 2 200 km . torium de plus de 10 000 places. Un très beau Population actuelle : projet est également prévu sur la route de l’aéenviron 6 millions roport. Et bien entendu, nous devons résoudre d’habitants. les soucis de la circulation ! À cet effet, nous Quelles sont les attentes Budget global : prévoyons une très grande voie périphérique prioritaires des Abidjanais ? autour de 40 milliards en forme de demi-lune, la Y4, qui partira de Le logement, les infrastructures, l’assaide francs CFA. Il est Cocody vers Agnaman, puis d’Agnaman jusqu’à nissement et le drainage des eaux. Abidjan a alimenté de trois l’autoroute, puis jusqu’à Songon, et enfin de les défauts de sa réussite. Il y a beaucoup de manières : les collectes Songon jusqu’à Jacqueville. Elle permettra de demandes en matière de logement, et ceux qui de fonds dédiées désengorger la ville. À côté de cela, nous allons ont la capacité de fournir des terrains profitent par la loi, les recettes doubler la voie Abidjan-Dabou, qui va permettre de la situation, en offrant souvent des parcelles propres (les taxes), et les subventions. d’évacuer une grande partie du trafic. Enfin, qui ne permettent pas à la population de se loger plus de 200 hectares de zone industrielle sont en décemment. Les terrains disponibles existent, construction le long de l’autoroute. Et un autre mais doivent être aménagés. Par conséquent, très gros projet de plus de 1 000 hectares est prévu à proxiquand les gens s’installent, l’écoulement des eaux de pluie ne mité de la zone industrielle actuelle, où un aménagement de se fait pas correctement, et nous rencontrons des inondations. grand niveau sera réalisé. Les inondations sont justement un problème récurrent qui engendre des morts. Quelles sont les solutions ?

D’abord, je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie dans ces moments difficiles. Je tiens à dire que nous avons profondément analysé la situation. Premièrement, le besoin de se loger pousse de nombreux citoyens à s’établir dans des zones à risques, même si le gouvernement interdit formellement de s’y installer. Avec une forte pluviométrie, ces zones sont les premières à être inondées. Deuxièmement, il faut améliorer le civisme des habitants. Certains entassent les détritus sur les chaussées, et lorsque les pluies arrivent, ceux-ci envahissent et obstruent les réseaux de drainage. Troisièmement, le dérèglement climatique est réel. Les forts taux de pluviométrie attendus hier tous les vingt ou trente ans sont désormais beaucoup plus fréquents. Enfin, quatrièmement, les efforts fournis par le gouvernement en matière de ramassage des ordures ménagères sont entravés par l’indiscipline de certaines populations. Quand on met tous ces facteurs ensemble, cela affaiblit certaines zones d’Abidjan. Et nous ne pouvons que le regretter. Après les récentes inondations, j’ai passé au crible tous ces critères. Et je puis vous assurer que les bailleurs de fonds se sont réveillés et ont envoyé des missions de prospection auprès des autorités, pour évaluer la capacité de résilience d’Abidjan devant les catastrophes de ce type. Nous avons multiplié les réunions pour comprendre, expliquer, et se projeter dans l’avenir afin de faire face aux catastrophes naturelles. La ville attire déjà le tourisme d’affaires, et les infrastructures d’accueil sont de bon niveau.

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En ce qui concerne la pollution et les questions d’environnement, sensibilisez-vous les citoyens ?

Nous avons créé au sein du district un institut d’économie circulaire qui a plusieurs objectifs. Le premier, c’est de faire croître dans la conscience des habitants le « fait environnemental ». Le deuxième est de faire en sorte qu'ils se rendent compte que les ordures sont des matières premières. Je fais souvent ce jeu de mots : les ordures, c’est de l’or qui dure ! Le troisième est que des spécialistes de l’économie circulaire doivent vraiment s’engager, afin que leur impact fasse éclore le fait environnemental de façon beaucoup plus profonde dans les consciences des populations. Enfin, le dernier objectif est de créer des emplois. Avec 10 000 tonnes de déchets, on peut générer jusqu’à 250 à 400 postes dans le traitement, la transformation. Nous allons créer des diplômes d’économie circulaire, en collaboration avec les ministères concernés. Par ailleurs, nous avons un grand programme de plantation de 80 000 arbres, avec le soutien des bailleurs de fonds. Pour finir, comment imaginez-vous votre cité demain ?

Comme la plus belle ville d’Afrique et la plus attractive du continent ! Et en harmonie avec le développement durable. La préservation de notre environnement doit nous aider à l’anoblir. Mais surtout, je souhaiterais que notre capitale économique permette demain à tous ceux qui y viennent d’y vivre en toute sérénité, d’y passer des vacances, d’y circuler librement. Bref, faire en sorte que mettre un pied à Abidjan, c’est mettre un pied chez soi ! ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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PUBLI-REPORTAGE

BOLLORÉ TRANSPORT & LOGISTICS ENGAGÉ DANS LA LUTTE CONTRE LE SIDA Depuis près de vingt ans, BollorĂŠ Transport & Logistics se mobilise Ă l’occasion de la journĂŠe mondiale de lutte contre le Sida.

C’est sur ce terrain en Afrique que BollorÊ Transport & Logistics rÊalise, en Côte d’Ivoire par exemple, des sessions de sensibilisation à la Gare de Treichville et sur le site du chantier Naval Carena. Cette action est Êgalement organisÊe dans les villes de Ouagadougou et Bobo Dioulasso au Burkina Faso, à Libreville et

Port Gentil au Gabon oÚ des mÊdecins, pairs Êducateurs et assistants sociaux rÊalisent des campagnes de sensibilisation destinÊes à des milliers de collaborateurs, sous-traitants et usagers de ses services. En Centrafrique, des actions interactives et ludiques sont aussi organisÊes pour permettre au personnel et aux sous-traitants de mieux connaÎtre la maladie et de la prÊvenir. BollorÊ Transport & Logistics procède aussi rÊgulièrement à la distribution de prÊservatifs et organise des campagnes de dÊpistage gratuit et anonyme à Pointe Noire au Congo, Mombasa et Nairobi au Kenya.

Chaque annÊe, BollorÊ Transport & Logistics assure aussi la prise en charge mÊdicale de ses VDODULpV SRUWHXUV GX 9,+ 6D ÀOLDOH &DPUDLO DX Cameroun, dispose à cet effet d’une unitÊ de prise en charge des personnes vivants avec le Sida, ouverte au public.

Engagement solidaire pour les enfants au BĂŠnin BollorĂŠ Transport & Logistics BĂŠnin et BĂŠnin Terminal se sont engagĂŠs en dĂŠcembre 2018, pour la prise en charge alimentaire, mĂŠdicale et sociale d’enfants infectĂŠs et orphelins du VIH. Pour Celestin Gnonlonfoun, Directeur des ressources humaines de BollorĂŠ Transport & Logistics au BĂŠnin : Š OD FRQYHQWLRQ VLJQpH HQWUH OHV Ă€OLDOHV GH %ROORUp 7UDQVSRUW /RJLVWLFV HW O¡2UJDQLVDWLRQ QRQ JRXYHUQHPHQWDOH 5DFLQHV LOOXVWUH QRWUH HQJDJHPHQW GDQV OD OXWWH FRQWUH FHWWH SDQGpPLH TXL VpYLW DX %pQLQ (OOH QRXV SHUPHW GH OXWWHU FRQWUH OD VWLJPDWLVDWLRQ GHV SHUVRQQHV DIIHFWpHV SDU OH 6LGD ÂŞ Ce partenariat offre ainsi selon Arsène Adiffon, le directeur exĂŠcutif de l’ONG Š O¡RFFDVLRQ G¡DFFRPSDJQHU OHV DFWLRQV GH VHQVLELOLVDWLRQ GH GpSLVWDJH DQRQ\PH HW YRORQWDLUH DX SURĂ€W GHV SRSXODWLRQV EpQLQRLVHV ÂŞ Le site de l’ONG Racines situĂŠ Ă Agla –AkplomĂŠ dans le 13e arrondissement de Cotonou dispose Ă cet effet de salles de sensibilisation, d’un laboratoire et d’une pharmacie. www.ong-racines.org bollore-transport-logistics.com

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ême si l’ÊpidÊmie rÊgresse, le Sida continue de sÊvir. Convaincue que la prÊvention est la meilleure arme dans cette lutte, BollorÊ Transport & Logistics contribue à enrayer la pandÊmie à travers des actions de prÊvention, de dÊpistage et de prise en charge de soins de ses collaborateurs.


A’Salfo, lors de la soirée de lancement d’Africa Radio (ex-Africa NO 1), à Abidjan, en juin 2019.

média

BONNE ARRIVÉE AUX NOUVEAUX!

Elle.ci, Medi 1 TV Afrique… L’offre ne cesse de s’enrichir aux côtés des traditionnels Fraternité Matin, Soir Info ou Radio Côte d’Ivoire. Avec des programmations qui dynamisent le secteur. par Dounia Ben Mohamed

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DES PROMESSES ÉDITORIALES FORTES

En février 2019, Africa NO 1, rebaptisée Africa Radio, annonçait son retour sur le continent avec l’ouverture de nouvelles fréquences, ainsi que son installation à Abidjan. Le lancement a eu lieu en grande pompe avec une soirée de gala au Sofitel Ivoire en juin. Les deux animateurs emblématiques de la radio, Robert Brazza et Pheel le Montagnard, ont fait le show. Fatou Yatabaré, la directrice commerciale, a exposé ses ambitions : « Africa Radio, il faut le rappeler, c’est le nouveau nom d’Africa NO 1, pour un nouveau projet de radio panafricaine et une promesse éditoriale forte : toute l’Afrique, rien que l’Afrique. Notre ambition est de couvrir les principales capitales du continent dans les cinq prochaines années. » Avant de préciser : « Abidjan a été choisie par les actionnaires comme le centre du nouveau projet par son dynamisme et sa réputation d’“Afrique en miniature”. » L’installation à Brazzaville est programmée en janvier 2020, suivie de Dakar, Ouagadougou, Douala et Yaoundé… HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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n décembre prochain, Abidjan accueillera l’étape ivoirienne de la caravane « La voie du co-développement ». Une initiative peu commune, portée par la chaîne d’information panafricaine francophone Medi 1 TV (basée à Tanger), qui sillonne le continent dans le but de faire découvrir à ses téléspectateurs le potentiel d’émergence des pays africains. Ainsi, après une première étape au Sénégal, Medi 1 TV Afrique mettra le cap sur la Côte d’Ivoire. Une programmation spéciale est prévue, dédiée aux mutations économiques, sociales et culturelles de la locomotive d’Afrique de l’Ouest. « Elle mettra en lumière un plan national de développement ambitieux, les grands projets structurants, les opportunités d’investissement, le secteur des TIC, et une scène artistique en pleine effervescence ainsi que la place d’Abidjan comme hub financier et culturel dans la région », explique Omar Dahbi, directeur des rédactions et des contenus de Medi 1 TV.


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Korédé Odjo-Bella, la directrice d’Elle.ci, un site d’information en ligne haut de gamme.

Mais la radio joue aussi la carte de la proximité. « Nous avons ouvert, pour chaque heure de programmation, 10 minutes de programme local. Nous y mettons en valeur les événements et les manifestations culturelles en Côte d’Ivoire. Il est trop tôt pour parler d’audience. Nous attendons les premières mesures, qui arriveront à la fin de l’année. Mais la rumeur est bonne. Plusieurs milliers de fans nous ont aussi rejoints sur Facebook, à Abidjan, qui est désormais la ville où nous comptons le plus de fans sur ce réseau social », ajoute Fatou Yatabaré. D’autant que les Abidjanais ont pu découvrir sur les murs de leur ville, en octobre dernier, la campagne d’affichage (100 panneaux) qui a créé l’événement, complétée de nombreux spots télé avec Fally Ipupa, DJ Kerozen, Angélique Kidjo, Josey, Youssou N’Dour, ou encore Toofan. « Nous arrivons à Abidjan avec une grille riche et solide, une expérience de vingt-cinq ans de radio en France et en Afrique. Nous sommes en mouvement permanent. Actuellement, nous travaillons sur un nouveau rendez-vous quotidien autour de l’humour panafricain qui va bientôt arriver sur l’antenne… C’est une exclusivité que je vous offre ! » lance joyeusement la directrice commerciale. DU CÔTÉ D’INTERNET

Les déclinaisons de Elle à travers le monde sont nombreuses, pourtant le magazine féminin français n’était presque pas présent sur le continent. Désormais, c’est chose faite : les bureaux de la version ivoirienne ont été ouverts dans le quartier d’affaires du Plateau, et le site Internet lancé, avec son design et sa

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typographie si caractéristiques. « Depuis 1996, nous avions déjà Elle Afrique du Sud. Mais pas d’édition en Afrique francophone, alors que nous avions beaucoup de lectrices dans la région. Nous avons donc décidé de lancer le Elle Afrique francophone », explique Korédé Odjo-Bella, directrice de Elle.ci. Implanté à Abidjan, avec des correspondants au Sénégal et au Cameroun, entre autres, le magazine doit évoluer avec des éditions nationales, mais selon le même format. « Ce n’est pas un webzine mais un site d’information en ligne, haut de gamme, pour les femmes. Et surtout gratuit, avec un business model financé par la publicité, des sujets mode, people, lifestyle, fooding… » Si les rubriques sont proches de la version originale, là aussi l’adaptation est au cœur du modèle de développement : « Par exemple, quand on parle de produits ou de livres, on va s’assurer qu’ils sont disponibles sur place. L’objectif, c’est d’être local. De même, si on couvre la Fashion Week, on va vérifier qu’il y a une styliste ivoirienne dans les défilés. » Et Korédé Odjo-Bella de souligner : « Ce que nous apportons, c’est une lecture locale, avec des codes internationaux. Cela peut être une exclusivité, quand Dior s’est associée avec Uniwax, par exemple. Après, nous allons aller en profondeur en interviewant Dior. On attend de nous de l’info, mais également du quotidien. Quand c’est la saison des pluies en Côte d’Ivoire, c’est l’été en France et l’on y parle de régime. Nous, nous aborderons le sujet plutôt après les fêtes de fin d’année. » Heureusement, la scène féminine locale étant très dynamique, les sujets à couvrir ne manquent pas, ni les personnalités inspirantes ! ■

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LA TECH IVOIRIENNE, ENTRE MODERNITÉ

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ET « BROUTEURS »

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Le réseau numérique vient de s’enrichir d’un quatrième câble. Installé par l’opérateur panafricain MainOne, il connecte l’ouest du continent à l’Europe et devrait faciliter l’accès des usagers à la 4G, avec à la clé une réduction des prix. Moov devrait très prochainement installer un cinquième câble. Le pays rattrape son retard au pas de course. Ces bonnes nouvelles ne font pas oublier un autre problème de taille : la CYBERCRIMINALITÉ. Les autorités comme les entreprises privées se sont emparées du problème. par Lilia Ayari

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nstallée dans le parc technologique Mahatma Gandhi, au sein du Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib), la société nigériane MainOne a fait atterrir son câble sous-marin à Grand-Bassam. Cette ultime phase du projet d’expansion de son réseau de télécommunications internationales au Sénégal et en Côte d’Ivoire devrait venir compléter le réseau, également pour les pays voisins. MainOne a construit un data center ultramoderne qui offre un accès direct à la connectivité internationale et assure en outre l’interconnexion avec les principaux opérateurs du pays et de la sous-région. La société propose aussi des espaces de colocation aux opérateurs et aux entreprises locales, en vue d’y héberger leurs infrastructures informatiques et leurs données sensibles en toute sécurité. Premier câble privé construit en Afrique de l’Ouest, il couvre 7 000 km, avec une capacité extensible à 10 térabits par seconde (Tbps). Il a nécessité un investissement de 10 milliards de francs CFA (soit 15,2 millions d’euros) et a été réalisé en partenariat avec l’opérateur de téléphonie Orange. Cette installation doit améliorer la connectivité de la Côte d’Ivoire, qui comptait en 2018 un peu plus de 17 millions d’abonnés à Internet, pour un taux de pénétration estimé à 68,58 % pour le mobile, et à 0,48 % pour le filaire et le wi-fi, soit un total de 69,06 %. L’aménagement du câble sous-marin « va contribuer à accroître la capacité de la bande passante dans le développement de l’économie numérique pour une plus forte compétitivité dans le secteur, dont la baisse des coûts est aujourd’hui une priorité », se réjouissait Guibessongui Séverin, directeur de cabinet du ministère de l’Économie numérique et de la Poste, à l’occasion de la cérémonie de présentation de la station d’atterrissement 98

Sur une pénétration Internet globale de 27 %, seuls 2 % des ménages dans les zones rurales ont actuellement accès à ce service, contre 16 % en milieu urbain. HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Ci-dessus, l’entrée du Village des technologies de l’information et de la biotechnologie, à Grand-Bassam.

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La PDG de la société nigériane MainOne, Funke Opeke, lors de la cérémonie d’atterrissement du câble sous-marin à Grand-Bassam, le 1er octobre dernier.

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de MainOne, le 1er octobre, à Vitib. Le même mois, l’Internet à haut débit via satellite a été déployé au niveau national par Konnect Africa, qui couvre déjà une vingtaine de pays sur le continent. Les dernières technologies satellitaires permettent de relier les zones urbaines ou rurales à moindre coût. Actuellement, sur une pénétration globale du service de 27 %, seuls 2 % des ménages vivant dans les zones rurales ont accès à Internet, pour 16 % en milieu urbain. Un an plus tôt, Yannick Kashila, à la tête du réseau de distribution de YahClick, déjà disponible dans 19 pays du continent avec Yahsat, son service de haut débit par satellite, faisait la même promesse. À savoir, introduire en Côte d’Ivoire une connectivité qui « influe directement sur la croissance », aussi bien dans les centres urbains que dans les zones rurales. Et ce, grâce à la technologie du faisceau satellitaire HTS (High Throughput Satellite). « Pointé sur la Côte d’Ivoire », un téléport Yahsat offrira « un service haut débit fiable et à moindre coût, en utilisant des antennes de petite taille très faciles à installer ». La société, qui ambitionne d’être le leader du marché, assure couvrir à ce jour quelque 60 % du territoire. L’objectif étant de parvenir en 2020 au taux de 99,5 %. LE GRAND ESSOR DU PAIEMENT MOBILE

Améliorer la connectivité, baisser les tarifs, adapter le cadre légal, autant de priorités inscrites sur la feuille de route du nouveau ministre chargé de l’Économie numérique, Mamadou Sanogo. « La réduction de la fracture numérique est un défi que

sociale et celle du tribunal de commerce d’Abidjan, qui publie toutes ses décisions sur son site. Et les utilisateurs répondent présent. Avec un volume journalier moyen de transactions de mobile money en Côte d’Ivoire s’élevant à 23 millions d’euros en 2018, le pays confirme son positionnement comme hub de la finance digitale. D’ores et déjà, 10 millions d’Ivoiriens disposent d’un compte de mobile money, soit 40 % de la population. Le paiement mobile, jusque-là essentiellement utilisé pour les transferts d’argent, sert désormais au règlement des factures, des frais d’inscription dans les écoles et aux concours de l’administration, des achats en ligne, etc. À la fin d’août 2019, 30 % des paiements des factures d’électricité ont été réalisés par mobile money, et pour les factures d’eau, ce taux atteignait 60 %. De quoi se réjouir, même si le chantier reste vaste. Pour lever quelques obstacles, le gouvernement est en train d’élaborer la loi « Ivorian start-up » afin d’améliorer l’environnement des start-up. Elle est réalisée en concertation avec des acteurs publics et privés du secteur et prévoit une fiscalité adaptée à l’activité des jeunes entrepreneurs du digital. De même, un label Ivorian start-up est prévu – cadre juridique et fiscal particulier pour ces entreprises 3.0, qui, faute d’accompagnement, passent difficilement le cap fatidique des trois ans. Une perte pour l’État, qui se veut hub numérique et qui a déjà vu l’émergence de projets innovants. De Thierry Ndoufou, pionnier dans l’activité et qui a lancé sur le marché les tablettes éducatives Qelasy, à Ange Balme, concepteur de Lifi Led, qui connecte les villages, en passant par Édith Brou, la « geekeuse » d’Abidjan qui multiplie les espaces de connexion entre cette génération 3 voire 4.0, jusqu’à Sidick Bakayoko l’e-promoteur du jeu vidéo panafricain Paradise Game… Un écosystème qui doit également participer à l’émergence d’un autre secteur en gestation dans le pays, l’e-commerce.

Le gouvernement est en train d’élaborer la loi « Ivorian start-up » pour améliorer l’environnement fiscal des jeunes pousses. nous devons relever afin de favoriser l’inclusion économique et financière », a souligné son directeur de cabinet, Guibessongui Séverin. Et de saisir l’occasion pour énumérer les chantiers et projets lancés par le gouvernement afin d’améliorer la couverture nationale en matière de connectivité. « Pour favoriser cette inclusion, la quasi-majorité de la population devra bénéficier des opportunités qu’offre le digital dans tous les domaines, à savoir l’éducation, la santé, l’agriculture, la finance… » Rappelant au passage que ce développement ne pourra se faire sans une politique efficace de lutte contre la cybercriminalité. Pour l’heure, la digitalisation des services de l’État a commencé. Des actions ont été menées, dont le Système intégré de gestion des impôts (Sigici), la numérisation de la Caisse nationale de prévoyance 100

CONTRER LES HACKERS

Comme cela a été souligné lors de la 4e édition de l’Africa Cyber Security Conference (ACSC), qui s’est tenue à Abidjan en octobre 2019, un hacker « peut être votre frère, votre cousin, un collègue, ici ou à l’autre bout du monde… C’est avant tout un passionné d’informatique. » La capitale économique est devenue, malgré elle, tristement célèbre sur la scène internationale à cause de ses « brouteurs », ces pirates du Net qui escroquent localement, mais également à l’échelle internationale, les particuliers, les institutions ou les sociétés… C’est pour cette raison que les organisateurs ont pensé l’événement. Pour eux, préparer la 4e révolution industrielle (4IR) va de pair avec le fait de trouver des réponses à cette cybercriminalité. Durant plusieurs jours, ils ont réuni 1 500 participants, parmi lesquels des leaders internationaux en matière de cybersécurité, mais également des opérateurs de télécoms, des start-uppers, des formateurs en coding et… des hackers ! HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Dans l’idée que derrière chacun d’eux se cache un entrepreneur en sommeil, un « hackaton » a été organisé. Les participants ont été invités à hacker le site de l’événement pour s’y inscrire. Cinquante personnes ont relevé le défi. Les solutions made in Côte d’Ivoire étaient présentes. Dans l’edutech, l’agrotech ou encore l’e-santé, la jeunesse entrepreneuriale était au rendez-vous, invitée à se faire connaître des leaders mondiaux, éventuels futurs clients… « Ce sont les atouts de notre continent : sa population, sa jeunesse et le digital. Ces trois éléments combinés nous donnent un pouvoir énorme », assure Mack Coulibaly, fondateur de l’Africa Cyber Security Conference, avant de poursuivre : « La population de l’Afrique en 2030 est estimée à 1,6 milliard de personnes, dont 1 milliard aura moins de 25 ans. Imaginez si ce milliard était initié au digital, s’il était composé d’ingénieurs… On commence alors à voir l’énorme potentiel que cela nous offre. Ce futur doit commencer aujourd’hui ! Par la mise en place des institutions compétentes. »

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UNE POLITIQUE DE TOLÉRANCE ZÉRO

« Pour que ces efforts se matérialisent en pouvoir économique, pour sortir de la liste des 20 derniers quant à la compétitivité économique, il faut que le monde ait confiance en nos produits, nos infrastructures, nos solutions. Cette confiance se matérialise par ar la cybersécurité. C’est la logique que nous suivons ici », poursuit ursuit Mack Coulibaly. Même si elle ne concerne pas que l’Afrique, que, loin de là, la cybercriminalité figure parmi les grands défis de ce siècle. « Airbus a subi des attaques majeures via ses sous-traitants, aitants, souvent le maillon faible. Plus les volumes de données stockées tockées sont importants, plus il y a de menaces, juge Stéphanee Varret, directeur général adjoint d’Orange Côte d’Ivoire. La stratégie ratégie doit reposer sur l’anticipation afin d’apporter les réponses es les plus adaptées. » Telle est l’approche développée par l’opérateur rateur de télécoms français à travers sa branche Orange Défense, nse, l’un des leaders sur le marché européen. Or, si la menace enace est mondiale, en Afrique, elle revêt d’autres enjeux. Sécuritaires, itaires, mais également économiques, sociaux. Le continent apparaît paraît à la fois comme proie facile et comme point de départ de la menace. D’avril à juin 2019, plus de 5 millions d’incidents liés és à des logiciels malveillants téléchargés depuis Internet et ont été recensés au Maroc, précisent les chiffres du u bulletin trimestriel de la société de sécurité Kaspersky. ersky. Son voisin, l’Algérie, affiche le pourcentage ge le plus élevé d’utilisateurs attaqués par des menaces véhiculées par le Web au cours de cettee période. Un phénomène que les fournisseurs d’accès à Internet présents en Côte d’Ivoire ont très rès tôt signalé, demandant aux autorités de s’en ’en saisir. Car au-delà de l’image, l’impact économique, omique, difficile à mesurer – mais estimé à 227 7 millions d’euros en 2018, selon l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire ire (Artci) –, est réel. Et dangereux

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dans un pays dont, selon les chiffres officiels, le volume quotidien moyen des transactions de mobile money s’élevait à 23 millions d’euros en 2018. Résultat, alors que des acteurs mondiaux du numérique rechignent à s’implanter dans le pays, d’autres plient bagage. Les autorités européennes vont jusqu’à inscrire le pays parmi ceux qu’il vaut mieux éviter de visiter sur le Web. Conscients de cet état de fait, acteurs publics et privés ont résolu de faire face au problème. À travers différentes initiatives. La répression, en premier lieu, avec une politique de tolérance zéro. Une cellule a été spécialement mise en place, la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC), et la presse locale évoque régulièrement des arrestations de cyberdélinquants. À côté, « parce que de brouteur à génie de la tech, il n’y a qu’un clic », selon un responsable associatif, des ONG et des associations tentent de leur côté de ramener ces geeks tombés du côté du dark web dans le droit chemin. Des concours de hacking sont ainsi organisés pour capter leur attention, avant de les orienter vers les différentes opportunités qui s’offrent à eux : développeur, marketeur digital, community social media manager… Autant de nouveaux métiers qui gravitent autour de l’essor du secteur du numérique et dont ils possèdent déjà les

Derrière chaque pirate pourrait se cacher un entrepreneur en sommeil…

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qualités requises. « Quand ils se présentent, ils ne le font pas en tant que brouteurs, même si l’on peut avoir des doutes, explique Raïssa Banhoro, directrice de Simplon Côte d’Ivoire, une école de coding implantée à Abidjan. On voit ainsi de plus en plus de hackatons, de marathons de codage, qui leur sont destinés. On ne les cible pas en particulier parce qu’ils ne viendraient pas. Mais quand ils comprennent qu’il y a de véritables opportunités d’emploi, ils viennent. D’autant qu’avec le développement de la

cybersécurité, l’activité devient risquée. Ils cherchent alors des axes de reconversion. » « La nature n’aime pas le vide, observe un acteur de la cybersécurité à Abidjan. Le secteur s’est développé très vite en Côte d’Ivoire, et tout particulièrement pendant la crise, de manière endogène, sans le cadre légal et institutionnel adapté. C’est dans ce contexte que les brouteurs ont proliféré. Aujourd’hui, tout le monde a compris, même les autorités, que l’on avait deux options : réprimer sans chercher à comprendre

Mack M. Coulibaly « Pour transformer notre potentiel, il y a encore tout un écosystème à mettre en place » FONDATEUR DE L’AFRICA CYBER SECURITY CONFERENCE (ACSC) ET PDG DE JIGHI

La 4e édition de l’ACSC s’est déroulée dans la capitale économique les 3 et 4 octobre derniers. Son créateur nous explique les enjeux d’un tel événement et les stratégies à instaurer. AM : Vous organisez depuis quatre ans l’Africa Cyber Security Conference à Abidjan. Alors que la ville est tristement célèbre sur la scène de la cybercriminalité pour ses « brouteurs », autrement dit des pirates du Web, elle assiste également à l’éclosion d’une Ivoire Tech, et est donc l’hôte de cet événement par excellence. Mack M. Coulibaly : Mon focus, c’est l’Afrique, je ne me

concentre pas uniquement sur la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi nous avons diffusé la rencontre en direct. Sur Orange TV, nous avons eu 23 200 personnes qui ont suivi l’événement, et pas uniquement des Ivoiriens, mais aussi des personnes d’une quarantaine de pays d’Afrique, d’Europe, et même des ÉtatsUnis. Sur Facebook, nous avions 4 300 personnes connectées au même moment. Et sur place, nous avions 900 entreprises présentes. Nous poussons à une prise de conscience. L’Afrique est particulièrement concernée puisqu’elle est à la fois la victime et la cause de la menace. Est-ce un paradoxe ?

Je ne vois pas de paradoxe. C’est la même chose. En me sécurisant, je sécurise tous ceux que je touche. Si je ne le fais pas, le manque de sécurité va affecter mes contacts et m’affecter de la même façon. C’est comme si l’on arrivait dans un pays sans armée ni police, les crimes viendraient de l’extérieur mais également de l’intérieur. Le numérique ne connaît pas de frontières, donc les failles internes sont exploitées par le monde entier.

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C’est votre postulat : la cybercriminalité freine l’accession de l’Afrique à la 4e révolution industrielle.

Je ne parle pas de cybercriminalité, mais de cybersécurité. La seule sécurité qui compte, c’est celle qui est numérique. Nous sommes déjà très en retard. Quand on parle de transformation digitale, en fait elle a déjà commencé il y a une vingtaine d’années dans la majorité du « monde moderne ». Le digital nous donne la possibilité de rattraper ce retard. Mais on est vulnérables à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, donc on ne peut pas construire une économie digitale solide. L’assainissement du cyberespace, c’est la fondation sur laquelle tout doit être construit. Par exemple, les cartes de crédit émises en Afrique se retrouvent confrontées à des rejets quand les propriétaires essaient de les utiliser en Europe ou en Amérique. Parce que notre cyberespace est compromis. L’Africain est très fort, il s’adapte, comme toujours, mais il faut que les leaders se focalisent sur la résolution des problèmes qui nous obligent à nous adapter. Dans ces conditions, on ne vit pas notre potentiel de façon optimale. Pour cela, il faut résoudre définitivement le fléau de la cybersécurité. Sinon, on s’exclut nous-même de l’écosystème numérique mondial. Nous assistons à l’apparition d’une nouvelle génération d’entrepreneurs connectés qui créent, innovent, lancent des applications répondant à des problématiques locales… Peut-on parler de l’émergence d’une Ivoire Tech ?

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ce qui nourrit ce phénomène, ou comprendre et réintégrer ces cyberdélinquants, qui sont avant tout des passionnés du Web, avec une capacité d’adaptation aux systèmes de cyberdéfense extrêmement rapide. C’est ce que font les États-Unis, Israël ou même l’Inde, qui récupèrent leurs hackers pour en faire des membres des forces de cybersécurité. » C’est pour cette raison qu’a été créée Nys Africa, une université indienne de cyber-

défense. « Il y a beaucoup d’argent en jeu et de personnes qui ne vivent que de cela », rappelait lors d’une conférence tenue à Abidjan N’Cho Yao, directeur général de Nys Africa. Lutter contre la cybercriminalité ne se limite pas à mettre en place des antivirus, il faut aussi multiplier les initiatives en faveur de la création d’emplois pour ces adeptes du numérique, parmi lesquels sommeillent, peut-être, des Steve Jobs en puissance… ■

des idées, mais quelle est leur monétisation ? Il faut d’abord s’assurer que l’on résout un problème pour lequel les gens sont prêts à payer. L’objectif, c’est d’être autosuffisante en tant que société. Mais pour cela, nous devons soutenir ces jeunes entrepreneurs. Nos leaders doivent les encourager. Je vous donne l’exemple de l’Inde. Tout le monde parle de ce pays aujourd’hui. Dans les années 1980-1990, quand l’Inde a eu comme objectif d’accélérer sa transformation numérique, le gouvernement a voulu acheter le matériel informatique nécessaire pour le faire. Toutes les sociétés internationales sont venues avec des offres, mais le gouvernement a décidé qu’il n’utiliserait que des ordinateurs fabriqués en Inde. De ce fait, les usines se sont montées, et en dix ans, les Indiens avaient maîtrisé toute la technologie de montage et de fabrication des ordinateurs.

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En attendant, faute d’opportunités, ces génies de la tech deviennent brouteurs…

Il y a une Ivoire Tech comme il y a une Afrique Tech. Les jeunes sont en effet dans cette dynamique parce qu’ils ont compris qu’ils n’avaient pas d’autres choix. Ils ont fait des études et veulent avancer. Mais nous ne leur offrons pas encore l’écosystème, l’accompagnement adapté. Quand nous avons mis en place la licence pour l’emploi des drones à 3 millions de francs CFA, les start-up qui se trouvaient dans cette activité ont coulé. Alors que, aux États-Unis par exemple, il n’y a pas de taxes à payer, tout ce que vous avez à faire, c’est enregistrer votre drone. Cela étant dit, l’objectif d’une start-up n’est pas de créer un service utilisé par d’autres, même local, mais d’avoir une idée qui crée un service pour lequel les gens sont prêts à payer. Quand les entreprises de la Silicon Valley se sont rendues au Kenya, elles l’ont fait parce que ce pays compte des start-up qui créent des applications de jeux vidéo utilisées par des milliers de personnes. Le problème, ici, c’est que les entrepreneurs ont

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Si on regarde à l’échelle de l’Afrique, les jeunes sans emploi représentent près de 30 % des chômeurs. C’est comme si je laissais chez moi de l’argent liquide, des bijoux, mais sans mettre aucun système de sécurité, ni alarme, rien du tout. Si un cambrioleur passe par là, il récupère tout. Parce que j’ai tout laissé à sa disposition. Quand on fait un hackaton et que 1 500 personnes s’inscrivent, qui sait combien, lorsqu’elles sont seules devant leur écran, s’adonnent à de mauvaises pratiques. Une stratégie n’est bonne que si l’on s’assure de son application. Le leadership, c’est la combinaison de la stratégie et de son implémentation. Le potentiel existe. Mais la question, c’est comment on transforme celui-ci. Le continent a plus de potentiel que l’Europe ou l’Asie. Dieu a tout donné à l’Afrique ! Mais qu’est-ce que l’on en fait ? En Côte d’Ivoire, je ne parle plus de potentiel, on le connaît. Mais comment le valorise-t-on ? Si l’on organise l’Africa Cyber Security Conference à Abidjan, c’est pour interpeller, provoquer cette prise de conscience. On peut matérialiser ce potentiel, le transformer, pas seulement pour créer des emplois aux jeunes, mais aussi pour bâtir le pays, et conduire le continent dans l’ère de la 4e révolution industrielle. Il y a encore tout un écosystème à mettre en place… Et donc un potentiel économique énorme à exploiter. ■

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Le coding à tout âge : la méthode Simplon Un programme de sept mois, gratuit et intensif, permet à des passionnés de l’informatique, souvent sans emploi, de se former aux métiers du domaine grâce à un réseau de fabriques solidaires et inclusives.

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itué sur le site de l’université Félix Houphouët-Boigny, Simplon.co est un réseau de fabriques solidaires et inclusives qui propose des formations gratuites aux métiers du numérique. Implantée un peu partout dans le monde, l’institution, dont le siège social est en France, a ouvert, en décembre 2018, la première école de coding de Côte d’Ivoire – et la deuxième sur le continent après le Sénégal. « C’est une école qui forme aux différents métiers du secteur : développeur Web, référents digitaux, etc. Nous formons des jeunes éloignés de l’emploi ou en reconversion professionnelle », résume Eulalie Kouassi, chargée de médiation entreprise à Simplon Côte d’Ivoire. À travers un programme intensif de sept mois, l’école accueille hommes et femmes de tous âges, avec pour seul critère, la passion du numérique. Pour la première promotion, de 24 apprenants, un millier de candidats se sont présentés. « Il s’agissait de candidatures spontanées, souligne Raïssa Banhoro, directrice de l’institut, par ailleurs ingénieure en sciences informatiques et lauréate de la deuxième édition du prix RFI Challenge Afrique pour son ap-

La programmation, ou codage, regroupe l’ensemble des activités qui permettent l’écriture numérique.

plication Lucie, orientée vers l’alphabétisation. Nous attachons beaucoup d’importance à la motivation. Même s’il faut avoir au minimum un baccalauréat, nous ne demandons pas forcément de connaissances technologiques. » Parmi les premiers apprenants, on trouve des étudiants qui ont arrêté leur parcours faute de moyen, des demandeurs d’emploi, des jeunes en situation précaire… « Simplon a pour objectif de faire de l’insertion professionnelle. Pour cela, les jeunes doivent être bien formés, poursuit Eulalie Kouassi. Au bout de leurs sept mois de formation, on leur trouve du travail. Sur la première promotion, tous ont décroché un emploi en CDI ou en CDD, ou un stage. En dehors de deux élèves, qui ont abandonné en cours de route. » Soit un taux d’insertion de 90 %. C’est tout l’intérêt de cette formation, entièrement gratuite, qui utilise le numérique comme outil d’intégration sur le marché du travail. Jordan, 22 ans, a choisi cette voie : « J’ai commencé par l’art avant de m’orienter vers le digital. Ici, j’apprends le graphisme, la conception de sites Web, le Web marketing. Je voudrais travailler dans ce domaine. » Étudiant en master de droit, le jeune homme a une idée précise de ses aspirations professionnelles : « Je voudrais être digital manager dans une société de production cinématographique. » C’est pourquoi, quand l’un de ses amis a partagé l’appel à candidature de Simplon sur Facebook, il s’est inscrit. Reçu, il a fait partie de la première promo. « Après la formation, l’école m’a trouvé un stage de digital manager dans une entreprise d’événementiel. L’occasion de mettre en pratique ce que j’ai appris et de découvrir de nouvelles choses. »

Geneviève, pour sa part, s’est inscrite au programme pour élargir son horizon. Même si, elle, informaticienne de formation, avait déjà un pied dans le secteur. « Après mon BTS, je ne trouvais pas de boulot ni de stage. Quand l’occasion s’est présentée, j’ai postulé pour avoir un bagage supplémentaire. Ce ne sont pas des cours traditionnels. C’est très pratique, interactif, on assimile plus vite. On travaille sur de vrais projets, en communauté, c’est un véritable espace d’échange. » C’est cela la méthode Simplon. 104

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DES COURS PRATIQUES, INTERACTIFS, MOTIVANTS


La première promotion a bénéficié d’un taux d’insertion sur le marché de l’emploi de 90 %.

« Au départ, c’est difficile pour les apprenants, parce qu’ils ont une fausse idée de la programmation, ils pensent qu’il faut être à l’aise en mathématiques, observe Aymeric Saint-Clair Amani, formateur en développement Web et mobile à l’institut. Or, nous nous appuyons sur leur motivation à apprendre et sur ce qu’ils aiment. On ne fonctionne pas sur un format de cours classique, avec tableau, grand A, petit a. On essaie de comprendre leurs intérêts et, à partir de là, de créer des projets. » Lesquels, pour certains, se transformeront en projet entrepreneurial.

DR/SIMPLON

EN PARTICULIER À DESTINATION DES FEMMES

« Nous n’avons pas vocation à former des entrepreneurs, précise néanmoins Raïssa Banhoro. Il s’agit avant tout d’offrir une formation solide, complétée par une expérience en société. » En réalité, l’établissement vise un objectif plus large. In Code We Trust (« nous croyons au code »), telle est sa devise – une allusion à celle des États-Unis, In God We Trust. Il ambitionne ainsi de participer à l’inclusion du numérique en Côte d’Ivoire. Dans un pays qui compte, selon le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH-2014), 8 millions de jeunes, dont 3 millions sont sans emploi ni indemnisation, Simplon

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vient compléter le dispositif d’acteurs publics et privés, lesquels participent à améliorer l’employabilité de ces derniers et des femmes par le développement de compétences, conformément au Plan numérique et développement du pays, et à l’image de la Stratégie internationale de la France pour le numérique. C’est dans ce sens que l’école, qui travaille également en partenariat avec des ONG et d’autres établissements, organise des formations pour les plus jeunes. En particulier avec l’aide de bénévoles issus de la première promotion. « Le week-end, les apprenants forment des plus jeunes et participent à la restitution de ce qu’ils ont appris, explique Raïssa Banhoro. Nous avons ainsi déjà formé 280 enfants. » La deuxième promotion a démarré en décembre 2019, et, dans l’intervalle, Simplon a organisé une formation « intermédiaire » destinée à 50 femmes, de 18 à 40 ans, sans compétences particulières. « Pendant six semaines, nous leur faisons découvrir le numérique. Gratuitement, toujours », souligne Eulalie Kouassi. Des mécènes accompagnent le projet : le ministère français des Affaires étrangères, la Société générale, l’Agence universitaire de la francophonie, la fondation MTN… « Il n’y a pas assez de filles dans le domaine », déplore la médiatrice. Pour sa première promotion, l’école accueillait 40 % de filles. ■

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TOURISME

interview

Siandou Fofana « Le tourisme : une mine d’or » Le ministre du Tourisme et des Loisirs a présenté à l’international la stratégie du gouvernement pour le secteur dont il a la charge. Et récolté des fonds avec un succès inattendu. Rencontre. propos recueillis par Emmanuelle Pontié AM : Vous venez d’exposer aux investisseurs internationaux le concept Sublime Côte d’Ivoire. À Dubaï, puis à Hambourg, vous avez récolté des promesses de plus de 10 milliards d’euros. Comment expliquez-vous un tel succès, au-delà de toutes les prévisions ? Siandou Fofana : Ce furent deux moments d’intense

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émotion. Nous avons présenté Sublime Côte d’Ivoire à Dubaï, à la fin d’octobre, un programme qui vante les mérites du potentiel touristique et économique de notre pays, et nous avons récolté autour de cette table ronde plus de 5 milliards de dollars, alors que nous nous attendions à un peu moins de 1,5 milliard. Un mois plus tard, le 22 novembre, à Hambourg, nous avons réussi à mobiliser 5,8 milliards d’euros ! Des investisseurs qui prennent la route aussi franchement, cela ne peut qu’augurer des lendemains qui chantent. Cette mobilisation exceptionnelle montre combien le leadership incarné par le Président Ouattara est salué

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Dans ses bureaux du Plateau, à Abidjan.

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par la communauté internationale. C’est aussi un message fort de reconnaissance de la stabilité et de la paix préalables au développement de notre pays. Au moment où nous nous retrouvions, l’ensemble des institutions internationales attestaient l’énorme potentiel de notre pays, classé par Standard Chartered à la tête des 20 étoiles montantes du commerce mondial, avec le plus fort potentiel de croissance. Dans de telles conditions, notre présentation ne pouvait qu’obtenir un impact positif. Et, de fait, nous avons explosé le budget initial de 3 200 milliards de francs CFA, en récoltant des financements à hauteur de deux fois et demie son montant. Nous avions volontairement fait une projection minimaliste, en retenant l’hypothèse la plus basse. Afin de porter un projet réalisable, quoi qu’il arrive. Le projet Sublime Côte d’Ivoire a prouvé son pouvoir attractif, logé dans une économie des plus prometteuses. Quels types d’investisseurs se sont engagés ?

Ils viennent de divers horizons et œuvrent dans les secteurs les plus variés. Cela montre que nous sommes écoutés et suivis, et que notre position géostratégique est saluée aux quatre coins du monde. Nous avons séduit des Chinois, des Indiens, des investisseurs du Moyen-Orient, des Africains, des Européens (Français, Espagnols, Tchèques, Danois)… À Hambourg, les privés se sont mobilisés autour de 12 familles de projets touristiques. Quand vous constatez que des investisseurs issus de tous les continents s’engagent à un tel haut niveau autour d’un seul pays, c’est un message puissant qu’ils adressent au reste du monde. Quelles sont les grandes lignes du concept Sublime Côte d’Ivoire ?

Le tourisme d’affaires marche déjà bien. Comment comptez-vous développer celui de loisirs ?

Sublime Côte d’Ivoire, c’est au départ neuf projets phares, neuf réformes phares, neuf familles de projets dans lesquelles nous créons des circuits touristiques pour développer, par exemple, l’écotourisme, avec des parcours dénommés « Paradis entre mer et nature » et « La route des éléphants ». Nous possédons une végétation dont la biodiversité est exceptionnellement riche, capable d’inviter les amoureux de la nature à venir dé108

couvrir ce que nous avons de plus spécifique à partager. Nous misons aussi sur le tourisme balnéaire, en prévoyant des activités de pêche sportive, de ski nautique, la découverte d’îles, ou encore de nos richesses culturelles. Nous proposons la Route des trésors africains et le circuit de la Route des rois, pour partir à la découverte de la culture, des traditions, de l’artisanat et surtout de notre capacité à préserver nos us et coutumes, afin de présenter au reste du monde ce que nous avons de plus authentique à offrir. Sans oublier notre hospitalité légendaire et la variété exceptionnelle de notre gastronomie. Ce programme coûtait au départ 3 200 milliards de francs CFA. Quel est le mécanisme de son financement ?

Sur ces 3 200 milliards, nous voulions capter 1 700 milliards du secteur privé, grâce à un cadre incitatif, lié à une fiscalité de faveur pour le développement du secteur, qui a été défini par le nouveau code des investissements. Mais nos espérances ont été largement dépassées à Dubaï et à Hambourg… L’autre partie du budget, d’un montant de 1 500 milliards, relève des mesures et des réformes que l’État doit mettre en œuvre. Il s’agit de la construction d’infrastructures routières, de dessertes aériennes avec un renforcement des capacités des aéroports intérieurs, ou HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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C’est une stratégie de développement touristique, élaborée avec les conseils de l’institut américain McKinsey. Elle vise à faire de la Côte d’Ivoire, d’ici à 2025, la cinquième destination touristique du continent et la première en Afrique en matière de business. À ce jour, nous occupons la troisième place. Ce programme prévoit qu’Abidjan devienne un hub d’affaires et constitue une base de divertissements et de loisirs pour toute l’Afrique et, en premier lieu, pour l’Afrique de l’Ouest. Notre stratégie poursuit trois objectifs : promouvoir le développement territorial hors d’Abidjan, au profit des populations ; doper l’employabilité des jeunes, en créant 375 000 emplois, dont 230 000 qualifiés ; et enfin, faire du tourisme un secteur pourvoyeur de richesse et de valeur, qui contribue significativement, à hauteur de 8 %, voire 10 %, au PIB national.


Nous avons récolté des promesses de financement à hauteur de deux fois et demie notre budget initialement prévu ! Présentation du projet Sublime Côte d’Ivoire, le 20 octobre 2019, au Ritz-Carlton de Dubaï. Au centre (de g. à d.), le secrétaire général de l’OMT Zurab Pololikashvili, le secrétaire général à la présidence Patrick Achi, et le ministre Siandou Fofana. En présence aussi, à gauche, d’Alphadi, A’Salfo et Didier Drogba.

encore du renforcement de la sécurité avec la création, entre autres, d’une police touristique. L’État prévoit aussi de renforcer le plateau technique médical, au niveau des hôpitaux et des centres de santé, de créer des trauma centers pour les soins de proximité en cas de problème, en particulier pour les touristes. Et enfin, nous projetons de décloisonner nos frontières pour une plus grande accessibilité, de telle sorte que les conditions d’octroi des visas soient révisées, afin que le voyageur arrive sur le territoire ivoirien sans subir de tracasseries. Pour certains pays amis, nous devrions étudier la possibilité avec les Affaires étrangères et le ministère de la Sécurité, et bien sûr, sur ordre du Président de la République, de signer des accords visant à faire sauter les visas. La participation de l’État concernera aussi la formation. Nous sommes en discussion pour l’ouverture de sept centres offrant la capacité de former sur la période des cinq années à venir 150 000 personnes en totale capacité d’emploi. Elles travailleront dans des écoles hôtelières, et même temps dans des hôtels, dans des centres de loisirs et de divertissement, pour qu’à la sortie de leur cursus, elles soient tout de suite prêtes à l’emploi. Nous projetons de multiplier ce type de centres, et nous sommes persuadés de pouvoir offrir à terme 230 000 em-

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plois qualifiés aux Ivoiriens et à ceux qui résident dans le pays. La filière du tourisme bénéficiera ainsi d’une adéquation entre la formation et l’emploi. L’État va débourser pour construire ces centres. Il fera aussi des efforts financiers pour la promotion de la destination ou la mise en œuvre d’une politique de démarche qualité et de certification de notre secteur touristique à l’échelle internationale. Quelle est la prochaine étape sur l’agenda promotionnel ?

Après une visite d’évaluation à la mi-décembre à l’intérieur du pays – où nous nous sommes rendus sur la Route des rois, qui rejoint la Route des trésors africains menant jusqu’au parc de la Comoé, dans le nord-est –, nous nous préparons à accueillir les 20, 21 et 22 février prochains le premier Forum mondial des investissements touristiques. Lors de la dernière assemblée de l’OMT [Office mondial du tourisme, ndlr] à Saint-Pétersbourg, en Russie, la Côte d’Ivoire a été élue membre du conseil exécutif de l’agence, et c’est à ce titre que notre pays a été désigné pour être l’hôte de cet immense événement. Nous invitons tous nos voisins africains et les nations amies à venir sur notre terre, pour que les investissements touristiques soient effectifs et massifs sur le continent. Et qu’ils viennent doper notre croissance. ■

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TOURISME

Le Sofitel Ivoire, complexe hôtelier de luxe au bord de la lagune Ébrié, à Abidjan.

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igne que le pays a du potentiel touristique, deux tables rondes de bailleurs de fonds organisées fin juin 2019 à Dubaï et Hambourg, ont mobilisé plus de 10 milliards d’euros. Une somme largement supérieure à l’objectif initial, qui visait l’obtention de 1,5 milliard d’investissements directs étrangers. Une victoire pour le ministre du Tourisme, Siandou Fofana, à l’origine de l’événement. Pour financer son programme, celui-ci parcourt le globe à la rencontre des investisseurs. 110

Sublime Côte d’Ivoire s’articule autour de trois piliers essentiels : développer un secteur considéré comme moteur de croissance du PIB et démultiplier les recettes fiscales ; favoriser le développement territorial hors Abidjan ; et enfin, créer un réservoir d’emplois. La mise en œuvre de cette stratégie devrait permettre au tourisme, à terme, de participer pour 8 % à 10 % au PIB et de créer au passage 600 000 emplois, contre 270 000 générés en 2016. La rencontre, organisée avec la caution institutionnelle de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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JACQUES TORREGANO POUR JA

Le pays se place déjà en troisième position dans le tourisme d’affaires, derrière le Maroc et le Nigeria. Un rang significatif qui encourage le gouvernement à booster le secteur. Sublime Côte d’Ivoire, un vaste programme qui en rénove entièrement l’offre, vise à inscrire la destination dans le top 5 du continent à l’horizon 2025. Zoom sur le prochain moteur de la croissance… par Dounia Ben Mohamed


a rassemblé, outre la délégation ivoirienne, quelques stars, comme l’ex-attaquant international Didier Drogba, ou le leader du célèbre groupe Magic System, Salif Traoré, dit A’Salfo. Ils ont « fait le show », car il fallait « vendre » neuf projets phares structurants, soutenus par neuf réformes importantes. « La rentabilité des projets soumis à l’appel à financement est potentiellement bonne, la stabilité du pays est assurée, et la Côte d’Ivoire est l’un des endroits où les investissements sont garantis et où le rapatriement des ressources et le droit des affaires permettent aux acteurs de bénéficier de conditions favorables au regard du code des investissements, qui est très incitatif », soulignait à cette occasion le ministre, en mission VRP. Lequel affiche des objectifs clairs : « Notre ambition, c’est de devenir d’ici à 2025 la cinquième destination touristique africaine. » Et de faire du secteur, à terme, le troisième pilier de l’économie.

NABIL ZORKOT

UN DÉVELOPPEMENT HÔTELIER IMPORTANT

Marie-Reine Koné « Notre base reste le tourisme d’affaires » PDG D’AFRIC VOYAGES

Cette agence de VOYAGES, véritable référence à Abidjan et acteur clé du secteur, célèbre ses 40 ans. AM : Expliquez-nous l’activité d’Afric Voyages. Marie-Reine Koné : Le tourisme d’affaires est notre base.

Nous sommes sollicités quand un forum international se déroule à Abidjan pour proposer des petits circuits touristiques.

Selon le World Travel & Tourism Council (WTTC), le secQuel est le potentiel touristique du pays ? teur du tourisme devrait augmenter de 6,6 % par an. DésorUn immense littoral qui va jusqu’à San-Pédro, des paymais, il s’agit d’aller plus loin et plus vite. Un pari « réalisable » sages de rêve à l’intérieur des terres… Il y a les activités pour le secrétaire général de l’OMT, Zurab balnéaires, et aussi les plantations de cacao Pololikashvili, qui a effectué le déplaceou de café à visiter… L’agrotourisme est à la ment à Dubaï. La Côte d’Ivoire va se doter mode, on pourrait installer des lodges conforde tous les outils nécessaires pour devenir tables au sein d’une exploitation. Certains le ce hub touristique régional. C’est la raison font, mais ça reste assez roots… et hors de pour laquelle investisseurs et bailleurs de prix ! Or, d’autres destinations, comme le Sénéfonds ont été appelés pour l’accompagner gal ou le Maroc, sont plus compétitives, avec dans cette nouvelle aventure. une offre plus diversifiée… Parmi eux, IHC, Paris Inn, CSEC, Quel type de circuit proposez-vous ? China Railway, Al Deaffah, Express Line, Un circuit en trois étapes : un tour d’AbiYenigun ont répondu à l’appel. Ainsi que djan avec les boutiques de luxe, les galeries Maison Albar Hotels, marque de réféd’art, les stylistes et un déjeuner dans un resrence dans le savoir-faire à la française. taurant local. Puis, une journée à Assinie, dans Cette dernière a signé, en marge de la renle cadre paradisiaque de la Maison d’Akola. contre à Dubaï, un protocole d’accord avec Enfin, la baie des Sirènes, près de San-Pédro, les autorités ivoiriennes pour la création où il y a un certain nombre d’hôtels, dont le d’un établissement de luxe à Abidjan. D’un Katoum, que l’on adore. Nous avons aussi coût global estimé à 50 milliards d’eubeaucoup de demandes pour du tourisme à ros, l’établissement sera composé d’une la carte. centaine de chambres, d’un spa avec pisParvenez-vous à satisfaire la demande ? cines intérieure et extérieure de 1 000 m2 Il n’y a pas suffisamment d’infrastructures environ, d’une brasserie et d’un restauhôtelières. Notamment celles gérées par de rant gastronomique. grandes enseignes. Et notre destination reste Déjà en chantier, Akwaba City est peu connue, même si le ministre fait beaucoup annoncé comme « le plus grand parc pour la promouvoir. Les grandes marques font Marie-Reine Koné. d’attractions en Afrique de l’Ouest ». La une certaine publicité. Il fut un temps où il y première pierre a été posée en juillet 2018 dans un espace straavait un Club Med, à Assinie, dont Valtour faisait la protégique de 100 hectares, entre Port-Bouët et Grand-Bassam. motion. On pourrait remédier à la situation avec le digital : Financé entre autres par MTN, ce complexe s’inscrit parmi les influenceurs sont de bons acteurs pour faire connaître les projets qui visent à créer des pôles d’attractivité tourisune destination via les réseaux sociaux. ■ tique dans la capitale économique et ses environs. À l’image

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TOURISME

La capitale économique se destine à devenir aussi une medical city et compte attirer 40 000 patients internationaux chaque année. d’Abidjan Business City, avec son centre de conférences d’une capacité de 5 000 places, ou encore du volet « Belle plage pour tous », pour une offre balnéaire de qualité à destination du grand public… En parallèle, une autre niche est appelée à se développer : le tourisme médical. La capitale économique se destine à devenir une medical city et compte attirer 40 000 patients internationaux par an. Une stratégie qui sera déployée lors du 1er Forum mondial sur l’investissement touristique en Afrique, qui se tiendra à Abidjan du 20 au 22 février 2020. Une belle vitrine pour la destination Côte d’Ivoire. Et une future clientèle qui saura apprécier le confort des hôtels nouvellement installés sur la place. La ville se situe en effet, selon le classement du W. Hospitality Group, dans le top 10 des cités africaines qui connaissent un développement hôtelier important. Alors que les grands établissements historiques, tels le Sofitel Hôtel Ivoire et le Pullman, ont fait peau neuve, d’autres grandes chaînes hôtelières s’implantent dans la capitale économique, dont Azalaï, les enseignes Seen et Noom, du groupe Mangalis, et le Radisson Blu, bientôt rejoint par un Radisson Red. Le groupe Accor, déjà présent avec cinq structures, prévoit encore l’ouverture de deux nouveaux établissements, un Novotel et un appart-hôtel Adagio City à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny, annoncés en 2020. Louvre Hotels Group, des hôtels Golden Tulip, a lancé de son côté trois chantiers. En attendant ceux du Mövenpick. Entre 2017 à 2018, ce sont plus de 500 établissements d’accueil supplémentaires qui ont vu le jour, pour atteindre 2 607 hôtels, soit une hausse de 27,8 %. UN ACCUEIL « COMME À LA MAISON »

Parmi ces ouvertures, de nombreuses résidences-hôtels poussent comme des champignons dans les quartiers les plus prisés. Le Roots Hotel Apartment est l’un des derniers en date. Situé à Biétry, en Zone 4, au milieu d’une multitude de restaurants, cafés, supérettes, night-clubs et autres commerces de ce quartier branché, il a ouvert ses portes en juin et vous accueille « comme à la maison », souligne Nabila Filali, directrice des opérations de l’établissement. L’hôtel, d’une capacité de 38 chambres, affiche actuellement un taux d’occupation de 85 %. Ce qui séduit en plus des services habituels (climatisation, wifi, piscine et blanchisserie) ? Les kitchenettes équipées dans toutes les chambres et les prestations de restauration et de livraison. Et surtout des 112

tarifs dans la moyenne locale, autrement dit 85 000 francs CFA la nuit, « négociable pour les longs séjours » – une nuit d’hôtel se payant au minimum 100 000 francs CFA à Abidjan, et entre 50 000 et 90 000 francs CFA dans les résidences-appartements. « Nous sommes à mi-chemin entre le moyen et le haut standing. C’est le luxe sans prétention », précise Nabila Filali, avant d’ajouter : « Nous entretenons un esprit cocooning et familial. » Avec une clientèle à la fois régionale et internationale, l’établissement a très rapidement su fidéliser certains hommes d’affaires habitués de la ville, « devenus des amis, des membres de la famille ». Une diversité de l’offre d’accueil qui aura permis à Abidjan de recevoir 3,4 millions de touristes en 2018, contre 2 millions l’année précédente. Faisant ainsi du pays la troisième destination en matière de tourisme d’affaires sur le continent, après le Nigeria et le Maroc. AMENER LES INVESTISSEURS ET LES VISITEURS À SORTIR DE BABI

Pour l’heure, Abidjan est avant tout la capitale régionale du business. Les événements, à la fois internationaux et panafricains qu’elle abrite, mais également son attractivité et les opportunités d’affaires qu’elle offre, drainent l’essentiel de sa clientèle touristique. Le défi consiste désormais à amener les investisseurs comme les touristes à sortir de Babi. Or, à ce jour, en dehors d’Assinie et de Bassam – « dont on a vite fait le tour, il n’y a pas grand-chose », juge un homme d’affaires français qui vient trois ou quatre fois par an –, point de salut. « On m’a parlé de San-Pédro, de la Baie des sirènes. Ça a l’air très bien. Mais pour y aller, c’est compliqué, en dehors de l’avion. Et ça revient très cher pour un week-end. À ce prix, vous passez une semaine all inclusive à Marrakech… » Les autorités, qui visent in fine le hub touristique à travers le programme Sublime Côte d’Ivoire, ont déjà commencé à adapter les infrastructures. L’aéroport international d’Abidjan comme celui de San Pedro ont connu des travaux d’extension et de modernisation. Auxquels s’ajoute la relance de la compagnie nationale, Air Côte d’Ivoire, qui table sur 748 000 passagers en 2020 grâce aux 18 destinations internationales prévues au départ d’Abidjan (dont 15 capitales administratives) en Afrique et aux cinq liaisons domestiques (Bouaké, Korhogo, Man, Odienné et San-Pédro), qui devraient pouvoir faire découvrir aux voyageurs tant attendus les trésors de l’intérieur. ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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LE TRAVELER GUIDE

LE VOYAGE, LES SPOTS, LES GENS !

GILLES TRILLARD/ACCOR

Le Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire.

RÉALISÉ PAR LES VOYAGEURS DE L A RÉDACTION, AVEC L A PARTICIPATION DE DJEYNAB HANE DIALLO ET ALEX ANDRA FISCH


LE TRAVELER GUIDE

En quoi consiste exactement l’E-visa ? D’une manière générale, renseignez-vous auprès de votre ambassade pour les formalités d’entrée en Côte d’Ivoire. Les ressortissants français peuvent obtenir un visa électronique à Paris, auprès de l’ambassade, ou sur Internet (snedai.com). À noter que certains pays africains ne sont pas soumis au visa : les pays de la zone Cedeao, évidemment, mais aussi la Tunisie et le Maroc, par exemple.

Rouler en voiture Tout est possible, mais soyez prudent. Les taxis orange d’Abidjan (et ceux de couleur jaune de la commune du Plateau) sont redoutables : règles du Code de la route moyennement appliquées, dans une circulation toujours très dense… L’idéal : la location d’un véhicule avec chauffeur en passant par les hôtels.

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Découvrir le territoire Là aussi, tout est possible. En utilisant de préférence des véhicules privés avec chauffeur. Et en planifiant le voyage (en voiture ou en avion). Grand-Bassam et Assinie, vers l’est, et Yamoussoukro, vers le nord, sont accessibles par autoroute.

Précaution santé

Climat : à quelle saison partir ? D’une manière générale, il fait chaud ! Climat équatorial, donc très humide. Le meilleur moment : la grande saison sèche, de décembre à avril, idéale pour voyager (et profiter de la plage). La saison des pluies est d’avril à novembre (entre 25 °C et 31 °C) avec un pic en mai-juin. Sortez les parapluies… Pour les régions sahéliennes (dans le Nord et l’Est), la période de juillet à septembre permet de découvrir un paysage luxuriant, loin de la sécheresse de « l’hiver ».

Soyez vigilants sur l’essentiel, en particulier sur les vaccins exigés à l’entrée (le contrôle est souvent tatillon) et les traitements antipaludéens pour les personnes à risque. Pour le reste… du bon sens et de la prudence. En cas d’urgence : SMU Abidjan (Samu de Cocody) : +225 22 44 53 53, numéro abrégé : 185.

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COMME UN ROAD TRIP

LE TEMPÉRAMENT AKWABA Ici, presque tout le monde parle français (ou d’autres langues occidentales) et une multitude de langues africaines. Le métissage est au cœur de la société. Le pays est un carrefour de migration et de culture. Les Ivoiriens sont tournés vers le monde. Accueillants, ils ouvrent facilement leur porte. Et sont toujours prêts pour des festivités (« la nuit, c’est la nuit »). Mais à Abidjan, comme dans n’importe quelle grande ville du monde, la vigilance est de mise à certaines heures et dans les endroits dits « chauds ».

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LES BASIQUES Et pour l’addition ? La monnaie officielle, c’est le franc CFA, dont on parle beaucoup en ce moment (1 euro = 660 francs CFA). Les euros et les dollars sont couramment acceptés. Le réseau des distributeurs de rue et les terminaux de paiement sont en constante amélioration (surtout dans les hôtels et les restaurants). Mais ayez toujours un peu de cash sur vous, essentiel pour les opérations de la vie courante.

EN MODE TECH

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Le voyage en avion mieux adapté, en utilisant toutes les ressources des comparateurs. Air Côte d’Ivoire permet, elle, de se déplacer confortablement dans le pays et la sous-région (en attendant la tant attendue liaison directe avec l’Europe). Sachez aussi qu’autour de FHB se développe le projet d’une « aérocité » globale : hôtels, restaurants, bureaux. Enfin, dernier conseil, ne manquez pas votre vol de départ… le boulevard VGE, qui mène à l’aéroport, étant fréquemment embouteillé !

ABIDJAN est devenue une plaque tournante du transport aérien. L’aéroport Félix Houphouët-Boigny (FHB), agréable, lumineux et déjà en voie de saturation, est desservi par de nombreuses compagnies (Emirates, Turkish Airlines, Tunis Air, Royal Air Maroc, Brussels Airways…). Depuis Paris, Air France propose deux à trois vols par jour (attention, tarifs assez élevés). Corsair offre une alternative moins onéreuse. De toute façon, prenez votre temps pour choisir le vol le

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Abidjan n’échappe pas aux nouveaux modes de voyage. N’hésitez pas à aller jeter un œil sur les sites d’Airbnb et de ses concurrents, à la recherche d’une location chez l’habitant, au standing variable et à des prix souvent avantageux. À l’heure où nous mettions sous presse, nous apprenions l’arrivée d’Uber. Le géant américain de la mobilité va se trouver en concurrence directe avec la société ivoirienne Taxijet sur un marché à fort potentiel. La ville compte 5 millions d’habitants, et la demande est réelle. 115


LE TRAVELER GUIDE

OVERNIGHT

UNE (OU PLUSIEURS) NUIT(S) À BABI Hôtel Ivoire L’un des palaces historiques du continent, dans le quartier chic de Cocody, avec une vue à couper le souffle sur la lagune et le Plateau. Une véritable petite ville dans la ville, avec ses restaurants, ses bars, son spa, la piscine géante, le casino, les galeries marchandes, les salons de réception, le Palais des congrès… Voulu par HouphouëtBoigny, le bâtiment central est inauguré en 1963, et la tour Ivoire en 1969. Les plus anciens auront connu la patinoire, longtemps unique en Afrique (et qui fermera à la fin des années 1980). Le palace, à la patine indéniable, a traversé les hauts et les bas de l’histoire du pays. Il a été entièrement rénové entre 2009 et 2015 par les équipes de l’architecte Pierre Fakhoury. 8 bd Hassan-II, Cocody, tél. : +225 22 48 26 26. sofitel.accor.com

❷ Hôtel particulier À mi-chemin entre la maison d’hôtes, parce que vous y êtes un peu comme chez vous, 116

et l’hôtel, car le service y est impeccable. Le maîtremot est sérénité : une capacité de 16 chambres spacieuses, élégantes et épurées, une piscine et un jardin luxuriant. Sans oublier un petit restaurant, qui vous propose des mets délicats créés par le chef et la maîtresse des lieux. B 52 route du Lycée technique, Cocody, tél. : +225 22 44 16 16. hotelparticulier-abj.com

❸ Pullman Abidjan Entièrement rénové, le Pullman est au cœur du Plateau, d’où il surplombe la lagune. Hôtel cinq étoiles à la déco très mode, avec une piscine façon urbaine et un bar couru par la jet-set ivoirienne. À noter : il offre le meilleur brunch du dimanche de toute la ville. 1 rue AbdoulayeFadiga, Cocody, tél. : +225 20 30 20 20. accorhotels.com

❹ Azalaï Hotel Abidjan Ambiance Sahel aux couleurs chaudes dans un écrin moderne. L’immeuble en verre de 14 étages propose des chambres luxueuses, une piscine, un spa et un espace fitness en plein cœur du quartier commerçant de Marcory.

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❶ Sofitel Abidjan

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LE TRAVELER GUIDE

Bd Valéry-Giscardd’Estaing, Marcory, tél. : +225 21 22 25 55. azalai.com

❺ Seen Hotel Abidjan Plateau Situé en plein cœur du quartier des affaires, cet hôtel trois étoiles développé par le groupe Mangalis (de Yérim Sow) ne désemplit pas. Idéalement conçu pour les courts séjours ou les voyages d’affaires, avec un cadre contemporain et une connexion wi-fi impeccable. On attend avec impatience l’ouverture de son grand frère cinq étoiles, le Noom, à quelques rues de là. Rue Colomb, Plateau, tél. : +225 20 00 67 00. seenhotels.com

❻ Lepic Villa Hotel Au cœur du quartier de Cocody, cette maison d’hôtes a été transformée en boutique-hôtel quatre étoiles à l’occasion de sa récente rénovation par l’architecte Paola Bagna. Trois villas blanches abritent 17 chambres mêlant les meubles 118

contemporains de l’Ivoirien Jean-Servais Somian à des pièces vintage chinées sur le continent. Le restaurant offre une cuisine africaine de qualité. Reste pour le voyageur à plonger dans la magnifique piscine et à instagramer les paons qui se pavanent dans le jardin ombragé.

Rue Lepic, Cocody, tél. : +225 22 46 34 57. hotel-lepic.com

ET AUSSI… ❼ Radisson Blu Hotel Le chic moderne tout proche de l'aéroport. Bd de l'Aéroport, Port-Bouët, tél. : +225 21 22 20 20. radissonhotels.com

❽ Onomo Hotel Abidjan Airport La petite chaîne qui monte, qui monte… Bd de l'aéroport, Port-Bouët, tél. : +225 21 21 21 91. onomohotel.com

❾ Tiama Pratique et confortable au cœur du Plateau.

4 bd de la République, Plateau, tél. : +225 20 31 33 33. hotel-tiama.ci

DR - FRANÇOIS-XAVIER GBRÉ - DR (4)

Un quatre-étoiles idéal pour businessmen pressés, à 15 minutes de l’aéroport (navette gratuite) et à 10 minutes du Plateau.

❿ Heden Golf Hotel Pour la grande histoire et pour le drive… Bd de France, Riviera Golf, Cocody, tél. : +225 22 43 74 00. hedengolfhotel.com

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OVERNIGHT

ET EN SORTANT D’ABIDJAN…

Ci-dessus, l’hôtel Président.

À droite, le Kafolo Lagoon.

Hôtel Président, Yamoussoukro

NABIL ZORKOT - DR - NABIL ZORKOT

La Baie des sirènes, Grand-Béréby On traverserait le pays presque uniquement pour l’hôtel qui porte le nom de cette baie incroyable, près de San-Pédro. Calme et beauté pour ce lieu qui tient ses promesses oniriques : des palmiers, du sable fin et le doux bruit des vagues. Dans les 60 chambres de l’établissement, un jeu de blanc, de bois brut et de touches de couleur pour une déco sobre. Et dans votre assiette, le poisson cuit à la plancha avec les légumes du potager est un délice. Grand-Béréby, tél. : +225 77 78 34 34. baiedessirenes.com

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Monumental, l’hôtel de la capitale a été construit sous Houphouët-Boigny par le fameux architecte tunisien Olivier-Clément Cacoub. On y va pour les affaires, cette ambiance surannée et historique, et les petits plus : piscine superbe, tennis, night-club, cinéma, bars, etc. Rue de l’Hôtel-Président, Yamoussoukro, tél. : +225 30 64 64 64. hotelpresident.ci

Kafolo Lagoon, Bingerville Une bouffée d’air pur aux portes de Babi… Seuls les initiés connaissent

ses charmants bungalows, sa ferme animalière et son jardin botanique. Authentique, sans prétention et confortable, ce troisétoiles offre wifi, soins spa en option et activités multiples. Route de Bingerville, à droite au grand carrefour d’Abatta, Bingerville, tél. : +225 22 44 41 18.

Maison d’Akoula, Assinie-Mafia C’est le petit palace de ce spot branché, à une heure et demie de route d’Abidjan. Détente entre la lagune et les vagues de l’Atlantique. Route d’Assinie-Mafia, KM5, Assinie-Mafia, tél. : +225 79 49 34 79. lamaisondakoula.com

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TABLES ET GOURMANDISES

ABOUSSOUAN

Parenthèse L’espace est vaste ! Vous avez le choix entre la salle à manger joliment décorée, un bar lounge-bibliothèque où fumer allègrement un verre à la main ou encore un jardin suspendu où discuter entre amis. La cuisine européenne est agrémentée de saveurs asiatiques et orientales. Un lieu surprenant, comme ses assiettes… ou sa propriétaire.

C’EST LE TEMPLE ANCESTRAL de la gastronomie du cru. Il ne désemplit pas depuis son ouverture en 1978, offrant une qualité de service constante depuis près de quarante ans – un fait très rare sur le continent. Après avoir passé les lourdes portes en bois sculpté, vous serez chaleureusement accueilli pour déguster une cuisine familiale, qui propose des sauces, du gibier et toutes sortes de plats régionaux. En prime, l’établissement possède une cave à vins digne des plus grands œnologues.

25 rue du Canal, Zone 4, tél. : +225 20 00 15 00. Tous les jours, de 11 h 30 à minuit.

Avenue Delafosse, Treichville, tél. : +225 21 24 13 09. Du mardi au samedi, de 11 h à 22 h.

KAJAZOMA

et cossue accueille une clientèle aisée de décideurs autour de spécialités italiennes haut de gamme. On y déguste des rôtis de poulpe, des pâtes savoureuses aux sauces composées avec les meilleurs produits méditerranéens. On y célèbre aussi le terroir ivoirien revisité à la sauce du chef, avec des purées d’ignames ou des ravioles fourrées au cacao. L’une des plus belles expériences gustatives d’Abidjan et un service impeccable. Bd de Marseille, Marcory, tél. : +225 21 35 86 03. Du mardi au samedi, de 11 h à 15 h, puis de 18 h à minuit.

les plus courues de la ville. Dans la fraîcheur d’un jardin ombragé ponctué d’œuvres d’art contemporain, on sert une cuisine savoureuse composée de spécialités afro-européennes, de la salade de langouste au kedjenou. Une adresse prisée de la jet-set, qui y organise volontiers ses rendez-vous business du soir. Bd Latrille, Deux-Plateaux, tél. : +225 22 41 78 62. Tous les jours sauf le dimanche, de 11 h à 22 h.

➀ Cette villa discrète

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➁ C’est l’une des tables

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VILLA SAVOIA

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ET EN SORTANT D’ABIDJAN

Table chic au Plateau (ci-dessous) ou restaurant jardin en bord de lagune (en bas à droite), les deux incontournables établissements de Marcène. Ci-contre, l'hôtesse.

L’ÉTOILE DU SUD, GRAND-BASSAM

À 25 minutes d’Abidjan, un hôtel, superbe bâtisse coloniale et africaine à la fois, sur une plage fameuse, populaire, où riches et moins riches se mélangent et se retrouvent, en particulier les weekends. Restaurant-bar cool face aux vagues avec des petits plats simples. L’occasion aussi de visiter Grand-Bassam, et son patrimoine historique immense et menacé. Rue de la Justice, Quartier France, Grand-Bassam, tél. : +225 21 30 29 39. hoteletoiledusud.org

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L’expérience Marcène

COUCOUÉ LODGE, ASSINIE-MAFIA

MARCÈNE, c’est d’abord le prénom rare d’une femme téméraire et infatigable revenue au pays après une expérience américaine. Il y a cinq ans, avec aplomb, elle ouvre son premier restaurant, Chez Marcène, au Plateau. Sa carte, qui se partage entre mets français et africains, attire le Tout-Abidjan. Le succès est au rendez-vous. Avec le soutien de son mari, la propriétaire se lance un autre défi, pharaonique celui-ci, en ouvrant un nouvel espace immense (600 couverts), La Baie de Marcène, au bord de la lagune, dans le quartier animé de Blockhaus. De jour comme de nuit, ce lieu est empreint de bonheur, de convivialité. On a juste envie de se laisser vivre,

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le regard au fil de l’eau, et de déguster les délicieux plats de Marcène, qui ont fait son succès et sa réputation. Vous redécouvrirez ses signatures de la cuisine africaine revisitée, telles que le taro en cocotte ou le filet mignon à l’abidjanaise. Trois salles composent le restaurant. On y vient entre amis pour profiter des grandes tablées et d’une vue exceptionnelle.

Un espace ouvert sur trois sites : Coucoué Lodge, Lodge by Coucoué et, sur la plage, Le Margouillat. Au restaurant et au bar, vous êtes quasi certains de croiser des VIP en mode relax. Route d'Assinie-Mafia, KM8, Assinie-Mafia, tél. : +225 07 07 77 69. coucoue-lodge.com

Chez Marcène, rue du Commerce (face à l’ambassade du Mali), Plateau, tél. : +225 20 22 55 50. Du lundi au samedi, de 10 h à 23 h. La Baie de Marcène, Cocody Blockhaus, tél. : +225 20 22 55 50. Du mardi au dimanche, de 11 h à 23 h.

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BRASSERIES ET SPOTS IN Sélection forcément subjective… Abidjan bouge en permanence. Restez branché !

➀ Chez Richard's Le patron, c’est le fameux Richard, figure emblématique de la restauration abidjanaise. Clientèle VIP, ambiance chaleureuse, carte ambitieuse, vins de très grande qualité, additions corsées. Mais un immanquable de Babi ! Rue Clément Ader, Zone 4, tél. : +225 89 31 63 66. Tous les jours, de 11 h à 1 h. restaurantrichards.com

➁ Le Bar blanc ❷

Excellent pour s’encanailler gentiment en Zone 4, s’attabler au comptoir avec une carte simple et efficace, dans une ambiance festive et musicale. 7 rue du 7 Décembre, Zone 4, tél. : +225 21 35 09 82. Tous les jours, de 18 h à 2 h.

➂ Le Toâ

Lounge urbain, cosmopolite, avec une vue unique sur l’échangeur du pont H.-K.-B. Sur la terrasse très animée, on passe boire un verre ou manger, en écoutant de la musique et en laissant filer la nuit… 3e étage immeuble Massaï sur le bd Valéry Giscard d'Estaing, Marcory, tél. : +225 07 44 44 52. Tous les jours sauf le dimanche, de 18 h à 1 h.

➃ La Taverne romaine Au pied des tours du Plateau, le lieu n’est pas vraiment italien ! Au déjeuner, c’est la brasserie french incontournable. VIP, happy few et habitués se bousculent autour d’une carte goûtue ! Bd Lagunaire, à côté de l'hôtel Pullman, Plateau, tél. : +225 20 21 89 51. Du mardi au dimanche (sauf samedi), de 12 h à 14 h 30 et de 19 h à 22 h 30, et le samedi de 19 h à 22 h 30. taverne-romaine.com.

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Détour presque obligé pour la vue panoramique sur tout Babi… Au 23e étage de la tour du Sofitel Ivoire, ambiance sophistiqué et élégante avec les créations du chef Jérôme Cartaillet. 8 bd Hassan-II, Cocody, tél. : +225 22 48 26 26. Tous les jours, de 19 h à 23 h. restaurants.accor.com

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➄ Le Toit d’Abidjan


TABLES ET GOURMANDISES

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Bienvenue dans la capitale du chocolat ! LA CÔTE D’IVOIRE est le premier producteur mondial de cacao. Et petit à petit, un savoir-faire local est en train de naître. Parmi les artisans d’excellence, la marque Mon choco, qui offre une large gamme de produits. Tout comme Instant Chocolat, qui se spécialise dans la fabrication du chocolat artisanal et propose même de « l’architecture gustative », avec des chocolats sculptés, décorés et travaillés comme des bijoux. Autre étape essentielle, Les Douceurs de Suzanne, du nom de Suzanne Kabanni, seule maîtresse chocolatière d’Afrique de l’Ouest. Un endroit étonnant, à michemin entre le musée, le salon de thé et

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la pâtisserie, pour déguster des chocolats 100 % Côte d’Ivoire. À découvrir aussi dans sa nouvelle boutique de la galerie marchande du Sofitel Ivoire. Enfin, en quittant Abidjan, au duty free de l’aéroport, ne manquez pas Terre d'Ivoire, où vous retrouverez chocolat, cacao en poudre nature, tisanes de citronnelle et autres petites gourmandises…

Happy Hours, the place to be! ON Y ACCÈDE par un petit escalier : l’endroit est plutôt discret, presque confidentiel. Et pourtant, c’est ici que ça se passe. Vous êtes au royaume de la famille Bictogo. Le grand frère, Michel, accueille son monde d’un large sourire et avec bienveillance. Ici, le Tout-Abidjan se retrouve le long du bar. Politiciens, businessmen, hauts fonctionnaires, journalistes de renom échangent les dernières news dans une ambiance décontractée. Les afterworks y sont fameux. Et la carte aussi, avec des spécialités très « pays » : poulet et pintades braisés, attiéké au poisson, kedjenous… Carte des vins et des alcools (cognacs et whiskys) généreuse. Et si c’est soir de foot, c’est vraiment là où il faut prendre place ! Avenue Botreau-Roussel, à côté du Mondial, Plateau, tél. : +225 07 22 31 12. Ouvert du lundi au samedi, de 11 h à minuit et le dimanche, de 17 h 30 à minuit. restauranthappy.com

Les Douceurs de Suzanne - Centre Polygone, bd Valéry Giscard d'Estaing, Marcory, tél. : +225 21 26 48 03. Du lundi au samedi, de 8 h à 18 h. - Sofitel Hotel Ivoire, 8 bd Hassan-II, Cocody, tél. : +225 22 44 32 18. Tous les jours ❷ de 7 h 30 à 19 h 30 douceursdesuzanne.com

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ART EN TOUT GENRE

❶ Fondation Donwahi Dans cette immense concession, on retrouve l’état d’esprit de l’homme d’État Charles Donwahi, très ouvert aux autres. Une volonté également partagée par la propriétaire des lieux, Illa Ginette Donwahi, qui ouvre sa maison à l’art dans toute sa complexité et sa diversité. Pas de frontières, pas d’interdits : ici, peintres, sculpteurs, cinéastes, musiciens, étudiants sont les bienvenus. Derrière de hauts murs rouges, on peut boire un verre, manger un morceau, écouter de la musique ou même danser. Pour preuve, la Sunday [cf. p. 129], grand événement festif et rendez-vous mode d'Abidjan prend parfois possession des lieux. Bd Latrille, Cocody, tél. : +225 22 41 45 49. Tous les jours sauf dimanche, de 10 h à 19 h. facebook.com/ FondationDonwahi

❷ LouiSimone Guirandou Gallery C’est une grande dame de la culture, Simone Guirandou, qui a créé cette galerie d’art contemporain. Pour une historienne de l’art, quoi de plus naturel ? Elle n’en est pas à son coup d’essai. Il y a eu Arts 124

Ici, peintres, sculpteurs, cinéastes, musiciens et étudiants sont les bienvenus.

pluriels pendant trente ans, puis cette nouvelle adresse, qui expose des artistes contemporains, ivoiriens comme d’ailleurs. L’espace, très agréable, invite le visiteur à prendre le temps de contempler et de s’imprégner de beauté. L’artiste sénégalais Ousmane Mbaye y est à l’honneur jusqu’en février 2020, avec son exposition « Soumbedioune » (« aller de l’avant »).

Rue C27, Cocody Mermoz, tél. : +225 22 54 04 61. Du mardi au samedi, de 10 h à 19 h. louisimoneguirandou.gallery

▲ C’est une grande dame de la culture, Simone Guirandou, qui a créé cet établissement.

❸ Houkami Guyzagn Cette galerie très vivante, ouverte en 2002 par Thierry Dia, expose et suit de jeunes artistes ivoiriens ou ouest-africains dans un immeuble de deux étages respirant l’énergie. Un restaurant, un bar lounge cosy, et même des chambres d’hôtes pour ceux qui voudront mener une vie d’artiste à l’ivoirienne. Des conférences et des rencontres y sont régulièrement organisées. Rue J87, Cocody, tél. : +225 22 43 55 12. Du mardi au dimanche, de 8 h à 20 h 30. houkamiguyzagn.com

❹ La Rotonde des arts Certains viennent s’y promener et admirer le bâtiment datant des années 1960, construit par Henri Chomette. Mais ce serait nier le travail de la fondation Nour Al Hayat et de Yacouba Konaté, philosophe et grande figure du monde de l’art africain. Ici sont

rassemblés depuis des années les plus grands, parmi lesquels Frédéric Bruly-Bouabré, Jems Robert Koko Bi ou encore Aboudia. Galerie commerciale Nour Al Hayat, Plateau, tél. : +225 08 48 88 30. Tous les jours sauf dimanche, de 10 h à 18 h. larotondedesarts.com

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AAMLORIE - DR (2) - ANTOINE TEMPÉ

Les galeries


❺ Galerie Cécile Fakhoury

ISSAM ZEJLY

En septembre 2012, lorsque la galerie, ambitieux cube de béton épuré, ouvre au cœur de Cocody, le pays sort d’une longue crise politique et militaire. Cécile, fille d’une famille de galeristes parisiens, découvre l’Afrique et la Côte d’Ivoire par le biais de son mari, Clyde, et de son beau-père, l’architecte Pierre Fakhoury. Elle se lance dans l’aventure à l’instinct, « sans business plan », dit-elle. Depuis, elle a porté près de 30 expositions majeures, s’attachant des artistes incontournables comme Vincent Michéa, Jems Koko Bi, Ernest Dükü, Dalila Dalléas Bouzar, Aboudia, François-Xavier Gbré, Frédéric Bruly Bouabré, et bien d’autres encore, dont l’immense Ouattara Watts. En quelques années, Cécile Fakhoury s’est imposée comme l’une des actrices majeures de l’art contemporain ivoirien et africain. Passionnée, engagée, elle « grandit » avec ses artistes et défend l’importance de l’art dans les sociétés africaines en émergence. L’importance aussi d’un véritable marché local, le seul à même de garantir la cote des artistes du continent. La galerie accueille d’ailleurs des collectionneurs célèbres, et moins célèbres, pour lesquels Abidjan est devenu l’une des places de cette « art scene » naissante. Au printemps 2018, un nouvel espace à Dakar, au Sénégal, et un showroom à Paris, en France, ont été inaugurés. La galerie a en outre été la seule d'Afrique subsaharienne à être sélectionnée pour la FIAC 2019, à Paris. Parmi ses projets actifs et d’avant-garde, on compte la création d’un nouvel espace à Abidjan pour les jeunes artistes en devenir. Bd Latrille, Cocody, tél. : +225 22 44 66 77. Du mardi au samedi, de 10 h à 19 h. cecilefakhoury.com

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Depuis 2012, la galeriste a porté près de 30 expositions majeures.


LE TRAVELER GUIDE

Uniwax, de l’usine à l’atelier d’excellence

Rue des Jardins, Deux-Plateaux, tél. : +225 22 41 68 61. Du lundi au samedi, de 10 h à 19 h. uniwax.com

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Dior a fait appel à la société pour sa collection croisière 2020.

NADINE IJEWERE POUR DIOR - DIOR (2)

DANS LES ANNÉES 1960, l’entreprise Vlisco au Pays-Bas, spécialisée dans le wax depuis plus d’un siècle et demi, a eu l’ingénieuse idée de transférer et d’apporter son savoir-faire sur le continent africain. Ainsi est né Uniwax, une success-story ivoirienne. Au départ, l’entreprise devait essentiellement satisfaire un marché local, pour ensuite exporter facilement sur le continent, et surtout apporter une valeur ajoutée au coton produit localement. Uniwax s’est depuis imposée comme le leader en matière de fabrication de pagne wax, et connaît un essor et un succès sans précédent, sûrement entraîné par l’engouement presque mondial pour le tissu. Cerise sur le gâteau, la célébrissime maison de couture française Dior a fait appel à la marque pour sa collection croisière. Sous la houlette du PDG d’Uniwax, Jean-Louis Ménudier, qui pilote d’une main de maître cette société depuis 1994, et de Pathé’O, qui a collaboré étroitement. Le résultat est tout simplement superbe ! « Tous ces défis montrent que l’Afrique est rentrée dans l’histoire, qu’il y a des sociétés hautement qualifiées et innovantes », explique Jean-Louis Ménudier. Uniwax est toujours à la recherche du meilleur, veut aller vers de nouveaux sentiers ; le pagne personnalisé, à la demande, en est le dernier exemple. La marque est en vente dans toutes les boutiques Woodin (celle dans le quartier des Deux-Plateaux est assez grande).


SHOPPING ET BOUTIQUES

Le marché de Cocody Saint Jean

Refait récemment, le marché de Cocody Saint Jean est une grande halle. On peut y acheter des pagnes, des petits bijoux, de l’artisanat ou des épices. L’occasion de faire le plein de souvenirs dans une ambiance joyeuse.

LE MARCHÉ DE COCODY

Bd de France, Cocody, tél. : +225 03 22 22 69. Tous les jours de 6 h à 20 h. marche-de-cocody-saint-jean.business.site

Pathé’O

Sofitel Hôtel Ivoire, 8 bd Hassan-II, Cocody, tél. : +225 22 44 19 71. patheo.fr

Créateur de mode africain devenu célèbre grâce à ses chemises portées par Nelson Mandela, Pathé’O a su traverser les époques. Dans ses boutiques, hommes et femmes peuvent s’offrir un morceau d’histoire.

Makeda

Depuis plus de trente ans, Aya Konan Koffi a fait de sa marque Makeda une référence en matière de bijoux et accessoires artisanaux. Ses parures à base de matériaux locaux, comme les cauris ou l’or baoulé, se reconnaissent au premier coup d’œil. La créatrice puise son inspiration dans l’art traditionnel du peuple akan… Avec son regard tourné sur le monde, elle a développé MAKEDA un sens aigu du détail et a élargi son concept en proposant des sacs, de la vaisselle et de la déco dans sa nouvelle boutique, Les Ateliers d’Aya. Rue des Jardins, Deux-Plateaux, tél. : +225 07 07 11 02. Du lundi au samedi, de 9 h à 18 h 30. makeda.ci

L’APPARTEMENT L’Appartement Un concept store à découvrir, avec une large sélection d’accessoires, de bijoux et d'objets de déco venus de partout. Pour ne pas arriver les mains vides à un dîner, c’est la boutique pour acheter un cadeau. MAGHARIBI ▲ Magharibi

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En swahili, magharibi signifie « ouest ». Voici la thématique de ce concept store, qui rassemble en un lieu des créateurs, un restaurant cosy et un espace beauté. Les trois amies à l’origine du lieu ont une belle sélection d’objets : on aime les bijoux de Kareem Fadika, la déco de Miss Ashanti ou encore les sacs Corotos (fabriqués au Venezuela). Magharibi est idéal pour faire des emplettes à partir de 10 000 francs CFA. 39 bd Achalme, Marcory, tél. : +225 59 46 14 00. Du mardi au samedi, de 10 h à 18 h.

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Rue du Dr Blanchard, Zone 4, tél. : +225 09 59 60 00. Du mardi au vendredi, de 9 h à 12 h 30 et de 14 h 30 DOZO à 18 h 30, et le samedi de 9 h à 18 h 30.

Et aussi… Dozo

Un concept store sur le thème du voyage et de la découverte qui laisse la part belle aux créateurs africains. 24 avenue Boga Doudou, DeuxPlateaux, tél. : +225 88 39 43 50. Du mardi au dimanche, de 11 h à 20 h.

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NIGHTLIFE

ET APRÈS

SI VOUS NE FAITES pas partie de la IWA (Ivorians With Attitude), posez-vous les bonnes questions… C’est au bar du Pullman, le Social, que Lesly et son acolyte Christo ont posé

de fruit de la passion. Pour ceux qui ont un petit creux, les cocktails peuvent s’agrémenter de tapas et, c'est bon à savoir, l’happy hour est de 18 heures à 21 heures ! Un moment idéal pour allier plaisir et réseautage. En fond sonore, vous aurez de l’afro house ou du hip-hop, selon le mood du moment. Le dress code oscille entre chic, sexy et décontracté… Réservation impérative ! Le Social, hôtel Pullman, 1 rue AbdoulayeFadiga, Cocody, tél. : +225 57 33 33 47. Tous les jeudis sur réservation, de 18 h à minuit.

Bushman Café

Life Star

C’est l’une des adresses incontournables de Babi dans un registre nettement plus ambigu, et pour des nuits nettement plus « hot », à mi-chemin de la boîte de nuit africaine et du bar décadent parisien. Une population nuiteuse, comme en vadrouille dans la ville, s’éparpille sur la piste de danse, où aventuriers et aventurières de tous acabits se toisent et se séduisent, parfois sous le regard un peu interloqué du « Blanc » de passage projeté dans la nuit abidjanaise…

À la fois maison d’hôtes, restaurant et bar lounge, le lieu est un incroyable bric-à-brac créé en 2016. Il ressemble à un musée dans lequel on peut écouter de la musique électro, tout en s’offrant une coupe de champagne africaine ! Le maître des lieux, grand amateur d’art et épicurien, a misé sur la marque Dian Diallo, tout droit venue des vignes de la Champagne (France), un cru élaboré par un Guinéen. À découvrir aussi absolument : la carte du chef congolais Dieuveil Malonga !

Un bar aux ambiances multiples. À l’intérieur, musique à fond et ambiance métisse à mi-chemin entre Orient et Occident, fauteuil clubs, chandeliers et miroirs. Et à l’extérieur, un petit jardin tropical où se retrouve une jeunesse élégante et branchée.

S’il fallait un lieu de nuit, plus classiquement « une boîte », c’est l’adresse qui s’impose. « The place to be (seen) in Abidjan », pour reprendre la formule de Life Magazine, propriété du même groupe dirigé par le talentueux communicant Fabrice Sawegnon. Les personnalités VIP et les stars de passage y sont forcément. Et le week-end, c'est un véritable défilé de mode pour entrer et passer le cap d’un physio assez sourcilleux sur les apparences. C’est très chic, mais pas tout à fait « lâché ».

Bd de Marseille, Zone 4, tél. : +225 40 00 66 08. Tous les soirs, de 18 h à 6 h. lesaintgermainclub.com/sg

Riviera 3 direction M'Pouto, Cocody, tél. : +225 59 49 66 51. Tous les jours, de 8 h à minuit.

Rue Flemming, Zone 4, tél. : +225 88 40 87 31. Tous les soirs, de 18 h à 3 h. churchillresto-lounge.business.site

Angle av. Chardy et bd Lagunaire, Plateau, tél. : +225 49 20 20 20. Tous les soirs, de 23 h à 6 h.

Saint Germain Club

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Churchill

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C'est au Social, sur la terrasse du Pullman, au cœur du Plateau, que vous pourrez découvrir l'afterwork branché du jeudi soir.

leurs valises tous les jeudis à partir de 18 h pour un afterwork original, à tendance chill. Ce duo de trentenaires est déjà connu à Abidjan pour avoir fondé le Sunset Brunch. Avec leur DJ préféré, Ben Ivory, ils ont su créer une ambiance que seuls quelques privilégiés ont la chance d’apprécier. On y déguste les meilleurs champagnes et d’originaux cocktails (si vous avez plus de 25 ans). Dans la carte savamment élaborée, on y croise le IWA, mélange délicat de Moët, de Hennessy, de concombre, de melon, de citron et d’un peu


La Sunday Depuis un an, c'est l'événement dont tout le monde parle. La Sunday a été fondée par le collectif Bain de foule, constitué de deux DJ, Jeune Lio et Black Charles, et de trois entrepreneurs, Aziz Doumbia (propriétaire du Dozo), Aurore Aoussi (fondatrice d’Apéro Abidjan), et Fayçal Lazraq (à la tête des restaurants Fé Ta Crêpe et d’une salle de sport à Grand-Bassam). Objectif : rassembler jeunes et un peu moins jeunes au son de la musique, le dimanche – jour pas banal sachant que les cours et le travail reprennent le lendemain – et dans un lieu chaque fois différent. La Sunday bouge au sens propre comme au figuré. Nos ambianceurs se retrouvent par centaines dans de multiples endroits : la Fondation Donwahi, des courts de tennis, un parking d'hôtel…

Peu importe pourvu qu'il y ait la fête, permettant durant quelques heures de faire des rencontres, d'échanger, de s'amuser, de danser… Iliana et Marie, deux jeunes femmes de 19 ans, expliquent : « Pendant que d'autres sont à Assinie ou ailleurs, nous préférons la Sunday. Ici, on ne juge pas.

Chacun vient avec sa différence. Tout le monde est le bienvenu. » Rendez-vous bien huilé, ce minifestival à ciel ouvert réunit deux fois par mois un melting-pot de la société ivoirienne : influenceurs, personnalités de la musique, de la mode et étudiants se côtoient autour d'un verre et rechargent leur batterie. Son premier anniversaire a eu lieu le 22 décembre 2019. Au moment où ces lignes sont écrites, les aficionados se préparent à une fête grandiose. Soyez prêts pour la Sunday Fever !

DR

Instagram : @lasunday.abidjan

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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pour conclure PAR EMMANUELLE PONTIÉ

TOUS À «ABIJAN» ! « Tu t'arrêtes à Abijan ? » « Bien sûr, gars ! Y a pas drrrrap ! » Le nouveau stop et spot modissime en Afrique, c'est ABIJAN ! La capitale lovée autour de la lagune Ébrié, avec ses bateaux lumineux, ses hôtels aux afterworks branchouilles, ses restos chics ou terroir de ouf et ses go sapées comme jamais, attire comme un aimant aux pouvoirs surpuissants. Le gotha politico-business du continent bidouille les trajets de leurs missions pour s'y arrêter et y passer au moins une soirée de vrai fun. Hub régional couvert par la compagnie nationale et près d'une vingtaine d'autres internationales, la Côte d'Ivoire tient bon sa place de poumon économique de la zone, et au-delà. La cité pulse, attire les hommes et femmes d'affaires en quête de placements juteux et de partenariats gagnantgagnant, les commerçants à la recherche de clients au bon pouvoir d'achat, jusqu'aux coquettes avides des coupes de pagne façon-façon et de motifs de wax dernier cri. Et surtout, des accessoires incontournables qui donnent le ton, escarpins recouverts de pagne coloré ou sacs modèle Kelly incrustés de touches de tissu local. Tout ce qui vient d'Abijan est tendance, s'arbore de Lomé à Kinshasa, où les copines restées au bled pâlissent de jalousie et foncent ventre à terre chez leur tailleur local pour reproduire à l'envi la robe ou l'ensemble « Babi ». Et c'est ça qui est super-balaise à Abijan, ce tour de force incroyable d'être devenu la « capitale » la plus moderne, internationale, connectée, attractive d'Afrique francophone, tout en gardant un farouche attachement à ses racines, ses cultures, son kedjenou et sa sauce gnangnan. Ici, on s'habille en pagne, et on monte des poids Baoulé en boucles d’oreilles 130

ou en bracelets ficelle, on invite ses partenaires d'affaires à déguster des ravioles au cacao hors de prix, ou mieux, à manger du gibier en sauce tradi attiéké, sans se demander si le goût passera chez l'invité venu d'Occident. Car le mode de vie moitié monde moitié terroir s'impose, en douceur, comme une évidence. Et la Japonaise de passage repartira avec un bracelet cauris doré à l'or fin ou une pochette du soir damassée en kita noir et argent. Chic, cher, africain. Mais ivoirien d'abord ! Alors, c'est vrai aussi que les Ivoiriens, ils se la jouent un peu… Car ils savent bien tout ça. Ils sont pleinement conscients qu'ils donnent le tempo chez les voisins. Résultat, c'est vrai que les gars roulent volontiers des biceps et les go prennent vite le citron. Mais bon, c'est de bonne guerre ! Après tout, quand on est aujourd'hui dans la cité lumière, on a tendance à être frappé d'amnésie. On oublie un peu vite que le pays a été plongé dans une sombre crise politico-militaire de 2002 à 2010. C'était hier. À peine. Seulement dix toutes petites années plus tard, le pays et sa capitale économique ont fait un pas de géant. La confiance, les investissements, les infrastructures, les progrès tous domaines confondus sont là, ou presque là. Et quoi qu'en disent les éventuels détracteurs, ça aussi, c'est un sacré tour de force ! Enfin, on l'aura compris, à Abidjan, on ne dit pas « Abidjan », mais « Abijan ». Prononcer le « d », c'est un peu ringard, ça fait gaou de passage. L'accent local l'avale. Comme pas mal d'autres consonnes d'ailleurs… Alors, faites de même, et où que vous soyez, ce sera la preuve que vous avez eu l'immense privilège d'être allé à Abidjan ! ■ HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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