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Mahi Binebine « La culture est un ascenseur exceptionnel »

entretien Mahi Binebine

« LA CULTURE EST UN ASCENSEUR EXCEPTIONNEL »

L’auteur et plasticien marocain signe Mon frère fantôme, un roman sur les conflits intérieurs d’un jeune héros. Il raconte le destin de laissés-pourcompte dans la médina de Marrakech. Entre « double je » et double jeu, son talent de conteur révèle la complexité de la psyché humaine.

propos recueillis par Astrid Krivian

«Je est un autre », écrivait le poète Arthur Rimbaud. Dans son nouveau roman, Mon frère fantôme, l’écrivain, peintre et sculpteur marocain Mahi Binebine explore ce thème de la dualité, de la complexité de l’être. Il plante l’intrigue de ce conte initiatique dans la médina de Marrakech, au sein du quartier populaire de son enfance. Son jeune héros, Kamal, bataille en permanence contre les deux entités qui cohabitent en lui, tels des frères siamois aux élans contraires : l’un est attiré par l’ordre, le calme, la discipline, l’autre est happé par les vicissitudes de la rue, l’anarchie, fasciné par son frère aîné Omar en proie à des accès de violence. Tout en essayant de réconcilier ses deux parts de lui-même, il fera l’apprentissage de l’amour, du travail, des drames familiaux, de la lutte quotidienne des laissés-pour-compte. Ce motif du dédoublement, d’une psyché kaléidoscopique, est aussi présent dans les œuvres plastiques de l’artiste. Exposées dans le monde entier, certaines font partie de la collection permanente du musée Guggenheim, à New York. Créateur prolifique, Mahi Binebine est également très engagé dans l’éducation et l’accès à la culture des jeunes. Avec le cinéaste Nabil Ayouch, il a fondé les centres culturels Les Étoiles, destinés aux enfants défavorisés du royaume chérifien : ils dispensent cours de musique, de danse, d’informatique, de langues, d’arts plastiques, etc. Après Casablanca, Fès, Agadir, Tanger et Marrakech, le prochain centre devrait voir le jour à Essaouira.

AM : Votre nouveau roman est-il inspiré d’une histoire vraie ? Mahi Binebine : Oui. Mon personnage principal, Kamal, est très proche de mon cousin : guide touristique à Marrakech, ce dernier faisait visiter la ville aux Allemands, car il était alors le seul à parler leur langue. Puis, il les emmenait dans le souk, où il gagnait un argent fou à leur vendre des objets souvenirs affublés de légendes. À midi, à la fin de sa journée de travail, il s’installait dans un café et buvait des bières jusqu’à minuit. Complètement ivre, il enfourchait tout de même sa mobylette et rentrait chez sa mère. Par miracle, il n’a jamais eu d’accidents. Mais un jour, il a commencé à avoir des crises de delirium, des hallucinations, assailli de visions effrayantes – des monstres, etc. Il s’est mis à parler avec lui-même. Ce fut ainsi jusqu’à la fin de sa vie, à 33 ans, l’âge du Christ. Tout ce que je raconte dans ce roman est vrai. Le thème de la dualité, des conflits intérieurs, du dédoublement est également présent dans vos œuvres plastiques…

Mes travaux littéraires et plastiques forment un tout. Je passe ma vie à négocier avec moi-même. Au Maroc, on a une jolie expression : une tête me dit d’aller à gauche, une tête me dit d’aller à droite ! Comme si l’on était bicéphale. Mon roman renvoie chacun à sa dualité intérieure. Ça m’a fait du bien de l’écrire, et il sera bénéfique aussi aux lecteurs, je pense. J’ai laissé les deux parties de moi expliquer leurs conflits, leurs réconciliations. Et j’y décris les deux facettes de Marrakech : d’un côté, il y a l’école La Goutte de Lait, tenue par des sœurs religieuses, univers un peu riche, calme, silencieux, organisé. De l’autre, c’est le chaos de la médina. Quand j’étais enfant, j’allais moi aussi à l’école des sœurs : on m’y apprenait à parler doucement, à être ordonné, à me coiffer la raie au milieu, à être propre, etc. Et dès que je débarquais dans la médina, j’enlevais mes chaussures, je jouais au foot dans la poussière, dans un brouhaha, en riant aux éclats… Entre votre tendance chaotique et celle ordonnée, laquelle l’emporte ?

J’aime les deux. Dans mon atelier, j’écoute Maria Callas à fond. Je suis dans une forme de transe pendant mes 7 heures de travail. Et juste après, j’écoute nos chansons populaires, chaotiques, où l’on tape avec les pieds ! Elles me font vibrer avec la même intensité que la Callas [rires] ! Mais en y réfléchissant, je préfère peut-être un peu plus le chaos quand même… Théâtre de votre intrigue, la place Jemaa el-Fna présente aussi deux visages antagonistes…

Enfant, chaque matin, je traversais cette place pour me rendre à l’école. J’adorais, je prenais mon petit-déjeuner quand on avait des sous. Et surtout, je m’arrêtais toujours pour écouter le conteur. Je suis devenu écrivain à partir de ce moment. J’avais envie plus tard de raconter des histoires, que j’ai d’abord englouties. J’arrivais toujours en retard à l’école ! Mais le soir, surtout en hiver où il fait nuit très tôt, je retraversais la place avec la peur au ventre. C’était un autre tableau : des silhouettes d’hommes avec des capuches sur la tête, de la fumée, des singes qui se tortillent, des serpents qui se faufilent… Jemaa el-Fna devenait une ogresse menaçant de nous avaler, comme je l’écris dans le roman. Le conte, le rôle de l’imaginaire, traversent Mon frère fantôme…

Marrakech est une ville de conte, de fable, avec une tradition orale très ancrée. Il me suffit de m’asseoir dans un café pour que l’on m’offre des histoires. Quand je les écris pour les transformer en roman, on me dit à Paris : “Vous avez beaucoup d’imagination !” Alors qu’il suffit que je m’installe au café à Marrakech [rires] ! Un jour, un cafetier me dit : “Tu vois la femme sur la place qui mendie, un bébé dans les bras ? Ça fait quinze ans qu’elle fait la manche avec le même nourrisson ! Chaque matin, elle loue un bébé, car c’est bon pour le business.” Cette histoire m’a inspiré un roman, Le Seigneur vous le rendra, où la femme, au lieu de louer le bébé, l’empêche de grandir, en l’emmaillotant. Un autre jour, un type me raconte qu’il était dans la capitale mondiale du haschich, Ketama. Et que tout le monde était stone pendant les jours de floraison, car le pollen du cannabis flottait partout dans l’air ! J’ai alors écrit Pollens, où chacun est shooté du matin au soir, même les moutons, les oiseaux, lesquels chantent à des heures impossibles ! Ces histoires que l’on me raconte sont des cadeaux. Raison pour laquelle je suis heureux d’habiter Marrakech. Ancrer votre intrigue dans le quartier populaire de la médina, c’est nécessaire pour vous ? Je viens de là. Ma mère était secrétaire, elle avait sept gosses. Mon père s’est barré quand j’avais 3 ans. On n’avait pas de quoi bouffer. Ce monde que je raconte, je l’ai vu, vécu. Ces « petites gens », comme on les appelle, sous prétexte qu’ils sont pauvres, c’est moi. Ce sont des personnes formidables, d’une richesse exceptionnelle. Tous mes romans commencent dans cette rue de mon enfance. Au bout du compte, je crois qu’on écrit le même livre [rires] ! Les histoires changent, mais le substrat reste le même. Vos personnages féminins traversent des épreuves difficiles, mais gardent malgré tout la tête haute…

L’écrivain est également un sculpteur reconnu. Ici, Le Mendiant.

Elles tiennent le coup, malgré tout. Contrairement à ce que l’on croit, ce sont les femmes qui dirigent. La mère a vécu des drames mais elle tient la barque, elle s’est battue pour envoyer ses enfants dans la meilleure école, elle a essayé de les protéger. Ce sont des femmes battantes, des mères courage. Évoquant le parcours de Mounia, une jeune adolescente livrée à elle-même et à la violence de la rue, vous écrivez : « De telles histoires sont légion chez nous. Elles n’émeuvent plus personne. »

C’est la triste vérité. Les gens ne voient plus ces gamins des rues. Avec nos cinq centres culturels dédiés aux enfants défavorisés, j’écoute les histoires des gamins des bidonvilles. Elles me bouleversent. Elles sont tragiques. Mais les gens vivent à côté de cette réalité, ça ne leur fait plus mal. Imaginez un instant si c’était vos enfants qui se retrouvaient dans la rue… À travers mes récits, j’essaie d’inciter les lecteurs à regarder les autres. Indignez-vous ! Vous écrivez que tout artiste est présomptueux, imbu de sa personne. C’est votre vision ?

Les artistes ont un ego démesuré. Ça m’amuse beaucoup ! Parfois, j’aimerais leur dire : “Redescendez un peu sur terre !” Mais je m’inclus aussi dedans… Quand tu es un créateur, tu te sens comme le bon Dieu, d’une certaine manière. Donc parfois, je me dis à moi-même : “Arrête tes bêtises !” Car l’art, c’est du jeu. C’était important d’avoir un personnage très dominateur, machiste et violent comme Omar ?

J’avais envie de choquer un peu, je voulais raconter ce machisme présent chez nous. Voilà où ça conduit : à la mort. Omar veut contrôler sa mère, sa sœur, il ne veut pas que celle-ci se maquille… Il faut arrêter avec ça. Pourtant, il n’est pas si monstrueux, c’est un gamin qui a grandi dans la crasse, il s’est débrouillé… Mais il est devenu un caïd à cause des violences de la rue. Vous évoquez aussi l’idée du destin. Est-ce que tout est déjà écrit ou disposons-nous d’un libre arbitre, d’une marge de manœuvre ?

Le destin finit toujours par vaincre. On essaie de se battre pour changer les choses, mais cela reste très compliqué pour la majorité des gens. Quand tu pars de rien, c’est très difficile. Moi, je m’en suis très bien sorti. Mes frères et sœurs ont également réussi, grâce à l’éducation que nous prodiguait notre mère : il fallait que l’on soit les premiers, les meilleurs. On ne pouvait pas faire autrement !

Mon frère fantôme est paru à la fois en France, aux éditions Stock, et au Maroc, aux éditions Le Fennec.

Le destin finit toujours par vaincre. On essaie de se battre pour changer les choses, mais cela reste très compliqué pour la majorité des gens.

Est-ce que votre enfance est une ressource, un moteur pour vous ?

Oui. Dans nos centres culturels, les gosses me voient arriver avec des grosses motos, des voitures… Je passe mon temps à leur dire : “Avant, j’étais comme toi, je n’avais rien, zéro ! Toi aussi, si tu te donnes la peine, tu peux avoir tout ça.” J’ai travaillé, j’ai été à l’école, j’ai fréquenté les centres culturels. Avec Nabil Ayouch, nous sommes devenus des modèles. Originaire de Sarcelles, il est devenu réalisateur grâce aux Maisons des jeunes et de la culture. Nous avons conscience que la culture est un ascenseur exceptionnel. Vos livres racontent toujours ce Maroc qui fait mal ? J’aime tellement ce pays, j’en souffre. Nous avons beaucoup bataillé avec nos gouvernants pendant longtemps. Cela a pris dix ans avant qu’ils se décident de soutenir nos centres culturels. Longtemps, on nous accusait, mon copain Nabil et moi, de faire de la mauvaise publicité du Maroc, de donner une image de barbares… Mais nous montrons juste la réalité. Soignez-vous ! Arrangez les choses, et on ne dira plus rien ! Nous, on se bat, et peut-être qu’on aime le Maroc plus que vous. Car on pointe ce qui ne va pas et on essaie d’arranger les choses. On ne pratique pas la politique de l’autruche. Au bout

de cinq centres culturels, l’État nous aide et finance désormais 30 % du budget. Chaque structure nous coûte 150 000 euros par an, donc il faut se démener pour rassembler toute cette somme, trouver des mécènes. J’organise aussi une exposition de mes œuvres chaque année à ce profit. Et des organismes internationaux nous soutiennent également. Nous étions au bord de l’asphyxie, mais désormais, nous allons ouvrir un sixième centre, à Essaouira. Celui de Marrakech a ouvert peu avant la pandémie. Comment cela se déroule-t-il ?

Les gosses apprennent à jouer aux échecs, ils ont de l’espace, un cinéma, une salle de musique, de danse, de théâtre… Les mamans les attendent en pratiquant de la peinture sur soie, par exemple. Les inscriptions aux activités coûtent 5 euros par an, l’entrée du cinéma 10 centimes… C’est pour le principe, on leur inculque l’idée que rien n’est gratuit. Si l’enfant n’a pas les sous, il fait une demande de dérogation chez la directrice. On organise aussi des concerts, en demandant gracieusement à un artiste de venir jouer. Récemment, la pianiste coréenne de jazz Youn Sun Nah s’est produite. Les gamins de la médina, eux aussi, peuvent assister à un concert de grands artistes internationaux. Maintenant, des gens de la ville viennent, car on présente des spectacles de qualité. On crée cette mixité. Regardez le dernier film Haut et fort, de Nabil Ayouch : ce sont nos enfants à l’affiche ! Je suis allé spécialement au Festival de Cannes, l’année dernière, pour les regarder monter les marches. Les gamins des bidonvilles en sélection officielle ! Ils sont venus me faire la bise un par un… Ça n’a pas de prix ! Vous travaillez en ce moment à l’élaboration de celui d’Essaouira…

Oui. Le bâtiment est très beau. Je me bats depuis quatre ans pour ce centre. Avant, la mairie islamiste ne voulait pas me mettre ce lieu à disposition. Ils me disaient : “Donnez-nous l’argent, et on saura le faire fonctionner.” Hors de question ! Nous avons l’expérience. Après les élections, l’équipe municipale a changé de bord. Et on a aussi un nouveau ministre de la Culture très bien, jeune, ambitieux, avec qui on peut dialoguer. Comment rendre le livre plus accessible au Maroc ?

Pour mes propres livres, je fais toujours des coéditions avec le Maroc. Car mon roman en France coûte 20 euros, soit 250 dirhams, ce qui équivaut à 1/6 du salaire minimum marocain ! C’est beaucoup trop cher. J’y favorise le livre de poche via des accords avec des éditeurs : on leur donne les droits gratuitement, mais je veux que le livre ne soit pas cher. Avec la maison Le Fennec, on a constitué un programme de mes livres avec un

Dans tous nos centres, on apprend aux enfants à peindre, dessiner, sculpter… Et on le fait gracieusement. prix d’achat entre 1 et 2 euros, accessibles aux étudiants. Et je passe ma vie à me rendre dans les écoles, les universités, pour dire aux élèves de lire, lire, lire ! C’est la seule façon d’ouvrir son esprit au monde. Les bibliothèques, les médiathèques que l’on trouve en France, pour nous, c’est de la science-fiction ! Un lieu où l’on peut emprunter gratuitement des livres, des films… C’est impensable, on n’en est pas encore là ! Pour fournir nos centres culturels en livres, je travaille beaucoup avec l’association française Le Bouquin volant. Ils m’envoient des conteneurs d’ouvrages, nous faisons le tri et les dispatchons dans les différents lieux. Comment démocratiser l’art contemporain, le rendre moins élitiste ? Déjà, dans tous nos centres, on apprend aux enfants à peindre, dessiner, sculpter… On fait tout ce que l’État devrait faire mais qu’il ne fait Une autre œuvre de l’artiste, Sans titre. pas. Et on le fait gracieusement. Lors de la COP22 à Marrakech en 2016, j’avais aussi créé le Jardin des Arts : j’avais levé des fonds et demandé à des artistes de réaliser une œuvre dans un matériau résistant au temps pour l’offrir à la ville. Résultat : 22 sublimes sculptures trônent en plein milieu de l’avenue Mohammed V. J’aimerais à l’avenir réaliser un autre jardin de sculptures africaines, près de la place Jemaa el-Fna. Installer des œuvres dans la ville est également un moyen de démocratiser l’art contemporain. Comme le Maroc n’a quasiment pas de musée… Dans un tel contexte, comment un enfant peut-il devenir artiste, découvrir les esthétiques ? Quand je suis arrivé à Paris, je ne savais ni dessiner, ni peindre, ni sculpter. J’ai écumé tous les musées

de la ville ! Encore aujourd’hui, visiter un musée est la première chose que je fais en arrivant quelque part. C’est ainsi que je me nourris et que j’apprends. De quoi vous êtes-vous inspiré pour l’une de vos dernières peintures, réalisée avec de la cire et des pigments sur bois, baptisée Afrique mon bébé ?

De tous ces gens qui s’intéressent au continent et qui l’infantilisent toujours. L’Afrique pourrait être adulte, elle ne l’est pas encore. Elle en a marre d’être infantilisée. C’est un pique que j’envoie, plus aux Africains qu’à ceux qui prennent les matières premières, etc. Je vexe l’Africain, je me vexe : tu es infantilisé et tu l’acceptes. Arrête ! De même, je suis las de découvrir les artistes africains à Paris – Ousmane Sow sur le Pont des Arts, Youssou N’Dour au Bataclan, Malick Sidibé à la Fondation Cartier… J’ai envie de les rencontrer chez moi, chez eux, nous sommes voisins. Et pourquoi leurs œuvres prennent de la valeur chez nous une fois seulement reconnues à Paris ? On peut leur donner de la valeur dans leurs pays directement.

Comment avez-vous vécu la période des confinements ? Comme j’avais du temps, j’ai écrit Mon frère fantôme en neuf mois, alors que d’habitude, l’écriture d’un roman me prend deux années. Je ne voyageais plus, j’étais content de rester chez moi, de voir mes enfants, de jouer au scrabble… J’ai rapatrié mes trois filles à Marrakech – l’une était à Los Angeles, l’autre à Londres, et la troisième à Madrid. Elles sont restées un an et demi avec moi en attendant que l’épidémie se calme, car ils nous ont fait peur avec ce Covid-19. Et donc je les ai rencontrées, car on se connaissait très peu finalement [rires] ! Surtout la cadette, qui est plus réservée que les autres. On s’est découvert une passion commune pour la littérature. À 26 ans, elle a lu plus que moi ! On aime les mêmes auteurs… Mon autre fille a eu un coup de cœur pour Marrakech, elle a quitté Los Angeles pour s’y installer. Elle a découvert que le Maroc est un beau pays, ouvert, qu’on peut tout y construire. Elle est fashion designeuse. Sur ma suggestion, elle a organisé un défilé de mode, avec 30 mannequins, dans un palace marrakchi. Ce fut un succès : repérée par la Fashion Week de New York, elle y est officiellement invitée ! Je ne cesse de leur rappeler ceci : “Attention, ne dénigrez pas vos origines.” Tout se passe là ! Pendant longtemps, nous avons été fascinés par le Nord, les paillettes de l’Occident. Même moi, je regarde vers le Sud désormais. Je fais la biennale de Dakar, je Les Étoiles de Jemaa el-Fna, à Marrakech. Une sixième structure ouvrira à Essaouira. veux m’investir, regarder mes voisins. Car on ne se regarde même pas entre nous : fâchés avec l’Algérie, nous ne connaissons ni les Tunisiens ni les Mauritaniens… Cette période de pandémie vous a-t-elle appris quelque chose sur votre pays ? Marrakech vivant du tourisme, elle a été sinistrée pendant la pandémie. C’était une ville morte. La place Jemaa el-Fna, qui ne dort jamais, était complètement vide. C’était très triste de voir la cité ainsi. Les Marocains restaient confinés dans des logements souvent exigus, avec beaucoup d’enfants et dans la chaleur… Ils sont résilients ! J’ai passé les premiers mois à collecter des paniers de nourriture pour les distribuer aux nécessiteux. Car les gens n’avaient plus de travail, plus de quoi manger. Je faisais le tour des hôtels, qui ont dû fermer aux touristes, pour récupérer des aliments. 5 000 paniers par mois ont été distribués, c’est énorme pour une petite structure comme la nôtre. Les gens se sont donné la main pendant cette période, ils ont partagé. Le Maroc a été sauvé grâce à la société civile mobilisée. ■

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