6 minute read

Abderrahmane Berthé « Les chiffres sont en hausse »

BUSINESS

Abderrahmane Berthé

SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ASSOCIATION DES COMPAGNIES AÉRIENNES AFRICAINES (AFRAA) « Les chiffres sont en hausse »

La crise du Covid-19 avait mis le transport aérien entre parenthèses. Mais les compagnies africaines ont souvent su compenser la chute du tourisme par l’accroissement de leur activité fret, et le retour progressif des voyageurs promet des jours meilleurs. Le secrétaire général de l’AFRAA répond depuis Nairobi à nos questions. propos recueillis par Cédric Gouverneur

AM : Vous vous trouviez mi-juin au sommet MRO Africa, à Johannesbourg, qui rassemble les acteurs de la maintenance aérienne. Comment était l’ambiance ? Abderrahmane Berthé : Cette réunion rassemble chaque année les compagnies aériennes, les directeurs de maintenance et les équipementiers. Les discussions concernaient notamment les certifications des centres de maintenance : afin de les préserver, les techniciens doivent conserver un certain niveau d’expérience récente. Or, lors du Covid, les flottes ont dû être réduites, et beaucoup de centres de maintenance ont diminué leurs effectifs. Il est donc difficile de maintenir les agréments. Ces problèmes étaient en discussion. Mais l’ambiance est à l’optimisme, car on constate une amélioration progressive : les chiffres sont en hausse. Comment le ciel africain se remet-il de la crise ?

Nous sommes à deux tiers du trafic qui existait avant le Covid (66,3 %), et les trois quarts de l’offre de sièges d’avant est désormais disponible (76,6 %). 92 % des routes sont e rouvertes. Mais il y a encore des pertes : on estime le déficit de chiffre d’affaires pour les compagnies en 2022 à 4,1 milliards de dollars. Malgré tout, la situation s’améliore.

Le tourisme peut-il revenir à ses niveaux d’avant mars 2020 ? Sa croissance se poursuit, on reviendra aux chiffres d’avant la pandémie, et on les dépassera même. Reste à savoir dans quels délais… Il y a encore dans plusieurs pays des restrictions sanitaires aux voyages. Et la hausse récente des contaminations dans certains pays est une source d’inquiétude. Mais avec le temps, on reviendra aux niveaux de fréquentation touristique d’avant 2020. Durant la pandémie, l’activité cargo a bondi de 33 % ! Cette proportion se maintient-elle aujourd’hui ? Pendant la crise sanitaire, des compagnies ont l’ambiance est à converti certains avions de ligne en avions-cargos e une amélioration pour engranger des revenus complémentaires. nt en hausse. Aujourd’hui, le cargo se développe en Afrique : cette activité a plus que doublé, passant de 10 à plus de 20 % ! Cette tendance ers du trafic va se confirmer : la Zone de libre-échange 66,3 %), continentale africaine (ZLECAF) a de sièges notamment pour objet le développement nible du commerce intra-africain. Celui-ci ont est historiquement bas : environ 20 %, contre au moins 50 % sur les autres continents. Son développement ne peut que favoriser l’activité cargo. Autre raison : l’essor de l’e-commerce. Les transports par route

converti certains avion pour engranger des r Aujourd’hui, le carg cette activité a plu de 10 à plus de 2 va se confirmer : continentale afri notamment po du comme est his 20

et par rail sont relativement peu développés en Afrique, l’avion constitue donc le seul moyen de transport rapide. Beaucoup de compagnies l’ont compris et misent sur le cargo. Le souci est que les infrastructures aéroportuaires ne sont pas toujours au niveau. Pendant le Covid, lorsqu’il fallait stocker les doses de vaccins à très basse température, on s’est aperçu du manque de chambres frigorifiques. Il faut aussi moderniser la numérisation des procédures de douanes, la documentation électronique. La ZLECAF va permettre de baisser les taxes et les tarifs entre pays, et va faire croître le commerce intra-africain. Elle aura un impact sur l’activité passager comme sur l’activité cargo. Ethiopian Airlines est l’une des seules compagnies au monde à avoir dégagé des bénéfices en 2020 ! Comment l’expliquer ?

Elle n’a pas reçu d’aide pendant la crise sanitaire, donc son succès est d’autant plus remarquable. Cette compagnie a réussi à mettre en place un business plan, avec des objectifs très précis, notamment grâce à la digitalisation et la transformation d’une vingtaine d’avions de ligne en cargos. Aussi, l’aéroport international d’Addis-Abeba a bénéficié de nombreux investissements. Grâce à un réseau très efficace et à une structure de coût maîtrisée, elle a pu s’adapter et reprendre très vite ses activités. À l’inverse, les inquiétudes demeurent pour South African Airways (SAA) : le plan de sauvetage est-il en passe de la sauver ?

SAA et les autorités sud-africaines ont mis en place un plan de sauvetage avec des partenaires stratégiques, qui est en train d’être déroulé. Un accord doit être annoncé à la fin de l’année. Cette compagnie a été dans le passé la première sur le continent. L’Afrique du Sud est un marché très dynamique, aussi bien pour le fret que pour le tourisme : avec un plan de sauvetage solide, une restructuration, une flotte adaptée et un réseau efficace, SAA peut revenir dans la course. L’AFRAA demande la baisse des taxes aéroportuaires : où en est-on ?

Cette baisse est une requête récurrente. Le niveau des taxes reste trop haut dans certaines régions. En Afrique de l’Ouest et centrale, elles représentent jusqu’à 40 % du prix du billet ! C’est trois fois plus qu’en Afrique de l’Est. Il est impossible de développer le trafic aérien avec de tels coûts. L’AFRAA a fait de nombreux plaidoyers en ce sens, sans succès. Nous devons réunir l’ensemble des acteurs du secteur, trouver des solutions et les présenter

aux décideurs. La question des taxes a été à l’agenda d’un séminaire fin juin. Il y a aussi celle des visas, qui complique les voyages : sur ce point, l’Union africaine veut faciliter la circulation des personnes sur le continent. La Banque africaine d’import-export (Afreximbank) souhaite créer une société de leasing… Le projet est toujours en cours. Accéder aux financements est difficile, les coûts sont là aussi élevés, comparé aux autres continents. Nous collaborons avec l’Afreximbank et la BAD sur ce projet. Comment concilier objectif de lutte contre le réchauffement climatique et expansion du transport aérien ? Nous avons mis en place en 2016 le programme de réduction Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA). L’évolution Le technologique des avions permet de réduire niveau des taxes leur impact carbone. Dans le temps, de aéroportuaires vieux appareils, qui dégageaient beaucoup reste trop haut de CO2, volaient en Afrique. Désormais, les flottes se sont modernisées, avec dans certaines des Boeing 787 Dreamliner, des A350. régions. Cette amélioration permet de réduire En Afrique les émissions. Le souci que nous avons de l’Ouest et par rapport à la mise en œuvre de ce programme est que les agrocarburants centrale, elles coûtent très cher, trois à quatre fois plus que représentent le kérosène. Faut-il augmenter la production jusqu’à 40 % d’agrocarburants, en incitant les paysans du prix du billet ! à en cultiver ? Mais qu’en sera-t-il de la sécurité alimentaire ? Ce sont là des questions à prendre en considération. Les projets dans l’hydrogène et l’électrique sont encore en cours de développement, mais tout peut aller vite : le transport aérien a seulement un siècle d’existence ! Les bonds technologiques réalisés sont incroyables. Ces dernières années, beaucoup de terminaux ont été bâtis, rénovés ou étendus (notamment par des entreprises de Chine et de Turquie) : les infrastructures aéroportuaires sur le continent sont-elles désormais satisfaisantes ? De nombreux efforts de modernisation ont été accomplis, mais il reste à faire. Ces investissements nécessitent beaucoup d’argent. En février, l’Union africaine a organisé un séminaire sur le développement des infrastructures : leur amélioration fait partie des piliers de la mise en œuvre du Marché unique du transport aérien africain (MUTAA). ■

This article is from: