15 minute read

Habib Selmi « L’être humain est un continent »

rencontre Habib Habib Sel elmi « L’être Dans son nouvel ouvrage, La Voisine du cinquième, l’écrivain tunisien raconte une passion humain amoureuse entre deux êtres que tout oppose, en apparence. En plongeant est un dans la conscience de son héros, il y dépeint avec fi nesse la puissance du désir, l’acculturation, le lien aux racines. continent »

propos recueillis par Astrid Krivian

C’est dans un immeuble parisien, du même type que celui où se noue l’intrigue de son roman La Voisine du cinquième, que se fait l’entretien. Né à Kairouan en 1951, installé en France depuis bientôt quarante ans, Habib Selmi nous reçoit chez lui. Dans les bibliothèques de son salon trônent des œuvres de Duras, Mishima, Halimi, Kundera…, ainsi que de beaux livres d’art. L’une de ses toiles – l’écrivain peignait à ses heures perdues – orne même l’un des murs, aux côtés de celles de son fils peintre. Près de son bureau, des livres et des dictionnaires arabes, outils précieux du romancier qui écrit dans cette langue. Autour d’un thé fumant, tandis que le tonnerre retentit dans le ciel de la capitale, Habib Selmi évoque l’orage intérieur qui gagne le héros de son dernier ouvrage. Kamal, 60 ans, professeur d’université, marié à une Française, voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec sa voisine Zohra. D’origine tunisienne comme lui, également en couple, elle appartient à une couche sociale plus modeste. Entre eux se tisse un lien où chaque geste, chaque mot peut faire basculer l’histoire à tout moment. Derrière ce titre évoquant un vaudeville ou une

passion adultère, La Voisine du cinquième raconte avec subtilité la force du désir, de l’amour, l’acculturation, le lien aux origines, le racisme… En plongeant dans la psyché de son personnage, il ausculte ses affects, ses questionnements intimes. Avec une trame très ténue, il démasque la complexité sous l’apparente banalité des choses, dévoile le sens profond derrière les petits riens du quotidien. Habib Selmi a signé une dizaine de romans, parmi lesquels Les Amoureux de Bayya (2003), Souriez, vous êtes en Tunisie ! (2013) ou encore La Nuit de noces de Si Béchir (2019), salués par la critique.

AM : Comment avez-vous imaginé la rencontre entre Kamal, professeur d’université, et Zohra, femme de ménage, tous deux mariés, d’origine tunisienne, et habitant le même immeuble parisien ? Habib Selmi : Cette rencontre entre deux êtres de classes sociales différentes m’intéressait. Je l’ai voulue exceptionnelle. Analphabète, issue d’un milieu très modeste, Zohra est femme de ménage, mariée à un homme un peu étrange, Mansour, avec qui elle a un fils handicapé. Professeur de mathématiques, marié à une Française, Kamal est bien intégré, il a adhéré aux valeurs de la société française, à sa culture. Au début, il tient une attitude un peu méprisante, arrogante à l’égard de Zohra. Je critique ici ces personnes qui, sous prétexte qu’ils ont réussi, regardent les autres immigrés avec mépris. Je ne l’ai pas inventé ni exagéré, l’écriture vient de la vie, je me suis inspiré de plusieurs exemples. Pourtant, petit à petit, Kamel découvre en Zohra une femme exceptionnelle, intelligente, riche de ses multiples expériences. Il commence avec elle un jeu de séduction et tombe peu à peu amoureux. L’histoire d’amour entre deux personnes de classe et d’âge différents est le piment qui fait avancer le roman. Mais le cœur du livre est la manière dont Zohra bouleverse sa vie, son regard sur lui-même et sur l’existence. Lui qui pensait avoir tout réussi commence à se poser des questions, et peut-être à changer. C’est une rencontre déterminante sur le cours de sa vie. Évidemment, le roman a plusieurs facettes, il peut se lire à travers divers angles. J’aborde aussi la question brûlante de l’immigration, de l’acculturation, et l’adultère, la relation de couple… Kamal se demande ainsi s’il est possible d’aimer deux femmes à la fois. Un roman, c’est tout un monde.

Vous regrettez qu’on réduise souvent un roman à son intrigue ? Avec cette question récurrente : de quoi parle-t-il ? Oui, un roman ne se limite pas à une histoire, il va au-delà. Plusieurs thèmes se greffent à l’intrigue. Un roman n’est pas un conte – lequel livre une morale à la fin –, mais une réflexion sur la vie. C’est très présent dans la tradition littéraire des écrivains d’Europe de l’Est. Le sujet est presque un prétexte. Certes, l’histoire doit être bien ficelée, avec des personnages construits, des rebondissements, des évolutions, car il faut susciter un plaisir de lecture. Mais l’ensemble reste lié à l’être humain, à l’existence. Moi, j’écris à partir des petits riens, des choses très ténues, simples. Mais en les accumulant, j’arrive à provoquer un sens profond, plus grand. Je fais partie des auteurs qui Bibliographie créent quelque chose d’imsélective portant à partir de la banalité. Celle-ci n’existe pas, en ◗ La Voisine du cinquième, Actes Sud, 2021. réalité. Dès que le regard de l’artiste ou de l’écrivain ◗ La Nuit de noces de Si Béchir, Actes se pose sur une chose, elle cesse d’être banale. Sinon, Sud, 2019. ce n’est pas un écrivain. Il ◗ Souriez, vous s’agit de regarder les choses êtes en Tunisie !, par des angles différents. Des Actes Sud, 2013. romans d’amour existent par ◗ Les Amoureux milliers, mais chaque auteur de Bayya, Actes Sud, le décrit à sa façon, selon sa 2003. culture, son vécu. Écrire à partir d’une intrigue très ténue et déceler la complexité, voire l’étrangeté, sous l’apparente banalité des choses, du quotidien, cela fait-il partie de votre ADN ? Oui, j’ai toujours affectionné ce genre d’écriture, plus difficile. Je n’essaie pas de fasciner le lecteur avec des événements extraordinaires. En tant que lecteur, j’aime ce type de romans – ceux de Marguerite Duras, Peter Handke, Annie Ernaux. Le chemin est très difficile, semé d’embûches, car on peut facilement tomber dans la banalité. Créer des personnages singuliers demande beaucoup de travail et de réflexion. Ça a l’air simple, mais j’écris très lentement, je réfléchis beaucoup. C’est un défi, et j’adore les défis ! Parfois, on échoue. Mais quand le roman est réussi, cela représente pour moi un magnifique accomplissement. Que représente Zohra pour Kamal ? Une reconnexion avec ses racines tunisiennes dont il s’est éloigné ?

En effet, Zohra lui rappelle son passé, son pays qu’il a un peu oublié. Mais il renoue surtout avec la spontanéité de l’être humain, grâce à la sagesse de cette femme, son intelligence. Zohra n’a jamais été à l’école, elle a beaucoup travaillé comme bonne en Tunisie, puis a émigré à Marseille, et ensuite à Paris. Elle a connu beaucoup d’hommes, elle a été déçue, sa vie est très riche. Elle secoue la tranquillité de ce professeur universitaire, installé dans son couple. Et elle lui apprend beaucoup, sans en être consciente. Lui aussi lui apprend des choses, notamment la langue arabe. Il lui donne des leçons, et elle l’interroge notamment sur l’alphabet, les formes des lettres, suscitant des réflexions auxquelles il n’avait jamais songé ! Même sa langue, il la voit différemment, grâce à cette femme. Qu’avez-vous en commun avec ces deux personnages ?

Je me sens plus proche de Zohra que de Kamal. Comme elle, j’ai un parcours d’immigration, d’origine tunisienne, je suis né dans la campagne, où la vie est assez rude. J’appartiens à ce milieu-là. Certes, je suis un professeur d’arabe, marié à une Française, comme Kamal. Il est instruit mais pas très cultivé, il a découvert la littérature grâce à sa femme. Car en Tunisie, dès le lycée, les étudiants en sciences et en maths ne lisent plus de littérature. Ils estiment que c’est une perte de temps, et deviennent ainsi de grands ingénieurs mais sont incultes. En France, au contraire, on trouve de la littérature et de l’art même au sein des études scientifiques. Je parle en connaissance de cause : j’ai enseigné la langue arabe pendant des années dans les lycées français. Pourquoi ce choix de plonger dans la psyché de votre héros, d’observer le moindre mouvement d’âme, de sentiment ?

Je préfère le roman de l’intériorité. Peut-être en réaction au roman arabe, lequel est très social en général. L’être humain est un continent. Il faut savoir y rentrer. Par exemple, les événements de la révolution tunisienne ne m’intéressent pas en tant que tels. Je m’attache plutôt à saisir comment ils se reflètent dans la vie des gens, affectant leurs pensées, leurs ressentis, leur comportement… Je cherche les changements sociaux à travers l’intime. Je creuse dans les personnages, en captant leurs contradictions, j’adore ça. C’est ainsi que le roman avance. Les ambivalences constituent la richesse d’un être humain. Vous pointez le racisme existant en France : une voisine estime que Kamal devrait comprendre le mari de Zohra, sous prétexte qu’ils sont tunisiens tous les deux. L’épouse de votre héros lui lance même un jour : « Vous, les Arabes, vous aimez les cancans. »

Oui, même sa femme qui l’aime tient des propos racistes sans s’en rendre compte ! Ce racisme s’exprime souvent à travers de petites choses, de petites remarques. Tous les Tunisiens se ressembleraient forcément. Quand je suis venu en France, à Paris, je ne connaissais pas la banlieue, les problèmes d’immigration. Les immigrés, je les voyais l’été en Tunisie conduire de belles voitures, porter de beaux vêtements. Ils semblaient avoir de la chance par rapport aux autres restés au pays. Parmi mes collègues parisiens, beaucoup s’étonnaient qu’en tant qu’Arabe, je ne connaissais pas Saint-Denis ! Un certain discours s’est installé de manière tellement forte dans les esprits, il s’est enraciné dans la société. Et les individus s’y réfèrent, inconsciemment. Vous montrez également la puissance du désir comme rempart à l’angoisse de la mort…

C’est Éros, la vie, contre Thanatos, personnifiant la mort. L’amour, le sexe, le désir remettent directement au cœur de la vie. C’est la preuve que l’on est vivants. Le danger commence quand on arrête d’aimer et de désirer. Le sentiment amoureux survient à tout âge de la vie. C’est le propre de l’homme. L’amour prend une autre forme, certainement. Quand on est jeune, le grand amour provoque des étincelles. Ce sont des instants furtifs, et c’est tant mieux, sans quoi cela deviendrait banal. C’est comme une symphonie, il y a des mouvements, des moments où le plaisir atteint des sommets et ne peut aller plus haut, il redescend. Heureusement, sinon ce serait infernal ! En quoi cette condition d’immigré, situé entre deux pays, deux cultures – ni tout à fait d’ici, plus tout à fait de là-bas –, est-elle une richesse ? Est-ce aussi un tiraillement ?

C’est à la fois une richesse et un tiraillement. J’aime les situations complexes. Chaque expérience humaine est source d’apprentissage. Être entre deux cultures, en souffrir même parfois, est enrichissant. Pourquoi appartenir à une seule culture serait plus intéressant ? Et pourquoi ce serait mieux de bien « gérer » cette double appartenance, plutôt que d’être tiraillé ? Je dirais même que plus on est tiraillé, mieux c’est ! Car cela oblige à se

« Je cherche les changements sociaux à travers l’intime. Je capte les contradictions des personnages. C’est ainsi que le roman avance. »

poser des questions. Et c’est ainsi qu’on avance, en se remettant en cause. Il n’y a rien de plus mauvais pour un écrivain que le confort, la tranquillité, le « succès » ! Ça rend bête, à la longue. Il faut toujours être en éveil, excité par quelque chose. Je suis entre deux cultures, deux langues, deux vies. Je suis né en Tunisie dans la campagne, nous n’avions pas d’électricité, pas d’eau courante. Des décennies après, quand je pose ma tête sur l’oreiller pour m’endormir, je repense à l’enfant que j’étais, gambadant dans les rues. J’ai l’impression d’être une autre personne, d’avoir vécu deux vies. L’être humain est capable de s’adapter à tout. Je n’ai pas peur des contradictions, des antagonismes, des tiraillements. Surtout, en tant qu’écrivain, c’est du pain béni. Quels souvenirs gardez-vous de cette enfance, dans votre village au centre de la Tunisie, dans la région de Kairouan ?

C’était une enfance dure, comme la vie de paysans peut l’être, mais heureuse. On n’avait pas de jouets, mais on les fabriquait, avec des boîtes de conserve, des branches… Notre maison n’était pas non plus équipée en chauffage, mais on s’était adaptés. On vivait bien, en pleine nature ; j’ai connu le bio avant la lettre ! Mon père était cultivateur, il possédait des champs, des troupeaux de moutons… On mangeait des lapins et des poulets. J’ai découvert les sardines pour la première fois quand je suis allé sur la côte ! Mon goût pour la lecture est né au collège, à la bibliothèque, dans une bourgade voisine. En quoi avoir grandi sous la présidence d’Habib Bourguiba, qui a œuvré pour le progrès social, vous a-t-il forgé ?

Né en 1951, j’ai eu la chance de commencer ma scolarisation à peu près l’année où la Tunisie est devenue indépendante [en 1956, ndlr]. J’appartiens à la première génération formée après l’indépendance. Je n’ai pas souffert de la colonisation. Bourguiba misait beaucoup sur l’enseignement et a doté de moyens importants le ministère de l’Éducation nationale. C’était un homme progressiste. Je suis le produit du régime de Bourguiba à 100 % ! Il a promu la notion de citoyen, il était fasciné par l’Occident. Il voulait faire de la Tunisie un pays comme la France, où il avait vécu. Lui-même était marié à une Française. Il a fait voter de nombreuses lois concernant les droits des femmes : interdiction de la polygamie, légalisation de l’avortement… Il a ainsi fait beaucoup de bien à la Tunisie, même s’il a fini sa carrière, hélas, en dictateur – disons un « dictateur éclairé ». Le problème, c’est que la société ne suit pas. Si les gens n’adhèrent pas à ses idées, cela reste une loi, une parure en quelque sorte. Toutefois, sa politique a changé une bonne partie de la société, qui lutte toujours aujourd’hui contre l’intégrisme, l’islamisme. Ce socle créé par Bourguiba, et dont je fais partie, est toujours présent. Mais toutes ses valeurs ne se sont pas propagées comme il le voulait. Il y a même eu une régression, à un certain moment. Après la révolution en 2011, les islamistes ont tenté de gouverner. Ils n’ont pas réussi, grâce à ces gens qui défendent jusqu’à maintenant ces acquis.

Quels sont les acquis de la révolution ?

La liberté. Une nouvelle constitution a été écrite, avec notamment un article fondateur sur la liberté de conscience, la presse est libre, des législations ont acté le partage du pouvoir entre le président et le Parlement… En théorie, c’est bien. Mais les islamistes se sont approprié la révolution, aussi grâce au peuple qui les a menés au pouvoir. Leur parti arrive presque toujours en tête lors des élections. C’est un problème de société, pas uniquement une question de classe politique. Plus de dix ans après la révolution, il y a un blocage. On fait face à des problèmes socio-économiques. La vie des habitants s’est détériorée. On a une belle constitution, mais on n’est pas parvenus à supprimer le chômage. La Tunisie traverse une crise économique profonde. De plus, elle a été très touchée par le Covid-19, beaucoup de sociétés européennes ayant quitté le pays. Parmi les secteurs clés de l’économie, le tourisme reprend son activité, mais a été mis à mal pendant longtemps. L’exportation des phosphates a également été à l’arrêt pendant un moment. Le nouveau président Kaïs Saïed a gelé le Parlement, on entre dans une nouvelle phase, et je ne sais pas où elle va nous mener… Vous retournez régulièrement dans votre pays natal ?

Bien sûr. Je monte dans les taxis, dans les bus pour parler aux gens et les écouter. Un écrivain doit être présent et être à l’écoute de ce qu’il se passe dans la société. On apprend toujours des autres. L’un de mes précédents romans, Souriez, vous êtes en Tunisie, a été écrit avant la révolution. Il est considéré comme prémonitoire. Mais je ne suis ni prophète ni devin, j’ai juste restitué ce que j’avais observé. À mes yeux, les femmes ont une intelligence de la vie supérieure à celles des hommes. Et ce,

« J’appartiens à la première génération formée après l’indépendance. Je suis le produit du régime de Bourguiba à 100 % ! »

L’écrivain estime que le premier président de la République tunisienne a fait voter de nombreuses lois concernant les droits des femmes. Ici, entouré de deux scoutes.

dans toutes les sociétés. Elles sont fines dans leur manière de la gérer, de la comprendre… Je les admire. Comme elles sont depuis toujours agressées, elles ont développé des mécanismes de défense. Elles ont réfléchi sur elles-mêmes et sur le monde. Dominants, les hommes ne sont pas menacés, ils restent dans leur tranquillité, sans être poussés à réfléchir. Mais quand tu es dominée, tu souffres, donc tu penses, tu crées des choses, ouvres des directions… Dans votre précédent roman, La Nuit de noces de Sidi Béchir, publié en 2019, vous dénoncez d’ailleurs le carcan de la virginité…

Le problème, ce n’est pas la virginité en elle-même, mais ce que l’on greffe autour de cette notion. Et qui a des conséquences sur toute la vie des femmes. L’honneur de la famille repose sur leur honneur, leur corps, leur virginité. C’est catastrophique. Et cela crée des concepts de l’amour qui sont dangereux, faux, malsains, et qui déforment la relation. Un Tunisien lambda ne peut pas se marier avec une femme qui n’est pas vierge, encore maintenant. Or, les femmes vivent leur vie, et elles ont raison. Tout le monde le sait, mais il faut sauver les apparences. Je dénonce cette hypocrisie. Cela oblige ces dernières à mentir sur leur passé, que les hommes nient. Ils se mentent à eux-mêmes. Comme le sujet est grave, j’ai imaginé de traiter cette histoire avec humour. Vous écrivez en arabe. Pour paraphraser le philosophe roumain Emil Cioran, vous habitez une langue plus qu’un pays ? Oui. Quand il s’agit d’écriture, une langue n’est pas uniquement un moyen d’expression. La langue, c’est la pensée. Changer de langue bouleverse notre perception du monde. Les mots ne sont pas neutres, ils charrient toute une tradition. Si un jour j’écris un roman en français, celui-ci n’aura pas la même saveur. J’entrerais alors dans une atmosphère conceptuelle, linguistique, philosophique différente, imposée par la langue. Cela changera ma stratégie d’écriture, je ne serai plus le même auteur. On n’écrit pas seulement avec sa conscience, mais avec son subconscient, son passé, ses rêves, son corps… Après des décennies vécues en France, je rêve toujours en arabe. J’ai étudié pendant six ans la littérature arabe à la faculté en Tunisie, pour ensuite l’enseigner. En France, j’ai été journaliste dans un média arabe, puis j’ai enseigné la langue dans des lycées, des classes préparatoires. Toute ma vie respire cette langue. C’est l’arabe littéral, plus que littéraire. C’est une langue très moderne, très proche du dialectal, simple. Ce n’est pas l’arabe coranique, comme disent certains. Aérée, elle a beaucoup évolué avec la société, elle colle à la réalité, elle a cassé de nombreux tabous, elle s’est « profanisée », distinguée du religieux, auquel elle fut liée pendant très longtemps. ■

This article is from: