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EACOP : bras de fer entre des ONG et TotalEnergies
Alors que des défenseurs de l’environnement attaquent le groupe français devant la justice, l’Ouganda, qui veut valoriser son pétrole, et la Tanzanie fustigent le « deux poids, deux mesures » des Occidentaux.
Le tribunal de Paris a débouté le 28 février dernier six organisations non-gouvernementales (ONG) françaises et ougandaises qui poursuivaient TotalEnergies au nom du « devoir de vigilance des multinationales », d’après une loi de 2017 relative aux impacts sociaux et environnementaux. Les Amis de la Terre et Survie, entre autres, dénonçaient les risques que font peser les projets du géant pétrolier français et du groupe China National Offshore Oil Corp (CNOOC) en Ouganda et en Tanzanie. La justice estime que les associations ont présenté à l’audience des griefs « substantiellement différents » de ceux formulés en 2019. Les plaignants pourraient faire appel. Et aux États-Unis, des ONG attaquent en justice Marsh Insurance pour qu’il renonce à assurer le pipeline.
Les réserves de pétrole dans la région ougandaise du lac Albert sont estimées à 6,5 milliards de barils, dont 1,4 milliard jugé exploitable. En février 2022, le président Yoweri Museveni et le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, ont signé un contrat à 10 milliards d’euros portant sur l’extraction de 200 000 barils par jour, qui seront ensuite exportés via l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP), oléoduc chauffé de 1 445 km, jusqu’au port de Tanga en Tanzanie.
Les défenseurs de l’environnement reprochent à TotalEnergies de forer dans le parc national Murchison
Falls, celui-ci s’étant vu attribuer 10 % des 3 840 km2 de ce site naturel remarquable. Le tracé de l’oléoduc devrait également affecter environ 100 000 Tanzaniens, peu indemnisés. Le géant pétrolier réplique en expliquant que son impact sera limité grâce à un système de puits horizontaux (un forage vertical à partir duquel partent plusieurs forages horizontaux), et s’engage à accroître la population de chimpanzés et à réintroduire des rhinocéros noirs.
Lors de la signature du contrat l’an dernier à Kampala, son PDG a affiché sa « volonté de dialogue » avec les ONG, mais a aussitôt été contredit par les insultes du président ougandais (au pouvoir depuis 1986) envers les écologistes, qu’il a traité de « fainéants » et d’« idiots ». Plusieurs ont d’ailleurs été arrêtés par la police. Craignant pour leur image, des banques et assureurs occidentaux se sont depuis dissociés de ce projet, qui plus est condamné en septembre par une motion du Parlement européen. Mais l’Ouganda et la Tanzanie insistent sur les retombées économiques du projet : « Cette idée que nous serions irresponsables vis-à-vis de notre peuple et des générations futures est condescendante et inacceptable », a déclaré le ministre tanzanien de l’Énergie, January Makamba. Et Yoweri Museveni fustige le « double standard » des Européens, lesquels, depuis la guerre en Ukraine, ont « remis en service des centrales à charbon polluantes », mais veulent empêcher les Africains de valoriser leurs énergies fossiles : « L’échec de l’Europe à atteindre ses objectifs climatiques ne devrait pas être le problème de l’Afrique », a-t-il écrit en décembre sur son blog, en réaction à la motion du Parlement européen. ■