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BBY, DEUX ANS APRÈS

Il avait 93 ans. Une vie sur presque un siècle. Béchir Ben Yahmed nous a quittés le lundi 3 mai 2021, il y a déjà deux ans, aux premières lueurs de l’aube, celle de la journée mondiale de la liberté de la presse, comme un ultime message. Victime des suites d’un Covid-19, dans un Paris entre deux confinements. BBY est parti fidèle à lui-même, conscient d’aborder son ultime voyage, passant des coups de fil à ses amis, cherchant à avoir les idées claires, à être « debout ». Jusqu’au bout.

C’était un homme à part, qui a su dépasser ses frontières, qui a vu grand, parfois trop, un homme fort, soucieux de son pouvoir, de son autorité et de sa liberté. Il a mené une vie de journaliste, d’éditorialiste et d’entrepreneur, cherchant à s’extraire des contraintes, menant sa barque souvent envers et contre tout.

BBY ne croyait pas beaucoup à la postérité de l’œuvre. Il se disait que l’humanité avance, que les gens oublient vite… Il avait déjà perdu beaucoup de ses amis, de ses compagnons du siècle justement, des personnalités souvent flamboyantes et qui, pourtant, semblaient comme disparues quelque part dans un livre d’histoire, rangé sur l’étagère.

Pourtant, l’œuvre de BBY est toujours là, présente. Il a été l’homme d’une grande idée, improbable, certainement « infaisable ». Un concept unique, à l’aube des indépendances. Faire un hebdomadaire pour toute l’Afrique, pour tout un continent à peine sorti des nuits coloniales. C’est l’aventure d’Afrique Action et de Jeune Afrique. Et aussi celle d’Afrique Magazine, créé en décembre 1983.

Il aura été lui-même un acteur de l’histoire, l’un des tout premiers à incarner ce concept révolutionnaire, puissant, d’une Afrique libérée, au cœur du monde, en charge de son destin. L’un des premiers tisserands du panafricanisme réel, avec cette idée que tous les peuples, au nord et au sud du Sahara, malgré leurs différences, partageaient un destin commun face aux puissances dominantes. Il aura été le seul patron de presse tunisien, arabe et africain de son époque à se construire une audience internationale, à être lu et écouté aux quatre coins de la planète. Un militant de l’émancipation des « Suds » qui aura dépassé ses frontières, inspiré des centaines de jeunes journalistes. Une œuvre justement sur près de six décennies qui a contribué à la prise de conscience d’une multitude d’entre nous.

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