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UNE HISTOIRE DE FOU
Dans les montagnes de Kabylie, un homme est mis au ban de son village parce que jugé trop différent. Des paysages sublimes, un suspens familial et une ODE SUBTILE À LA TOLÉRANCE : un premier film âpre, mais qui fait du bien.
C’EST L’HISTOIRE d’un fou qui ne l’est pas vraiment…
Il s’appelle Koukou, il a 20 ans et vit en Kabylie, dans un village de haute montagne, à 1 300 mètres d’altitude, sans vraiment travailler, mais toujours prêt à rendre service. Hommes et femmes y semblent là depuis des siècles, mêmes gestes et mêmes vêtements, alors que lui porte short et T-shirt et a laissé pousser ses cheveux. Doux et rêveur, il est considéré comme anormal par les anciens. C’est ainsi que le comité des sages du village décide de le faire interner dans un hôpital psychiatrique, après qu’il a ouvert la cage d’un oiseau pour lui rendre sa liberté. Mais le scénario ne s’attarde pas dans cet asile, et la seule intervention d’un médecin à l’écran sera simple et finalement bienveillante. Il faut dire que Koukou reçoit le soutien de son frère, Mahmoud, parti gagner sa vie en ville – comme de nombreux autres jeunes adultes du village –, où il est instituteur. De retour dans les montagnes, révolté par cette décision prise avec la complicité de leur père, celui-ci tente de s’opposer à la figure paternelle, qui terrorise déjà sa mère et sa sœur. Pas facile de faire face, seul, à la morale et à l’ordre établi… « Ce village est un cimetière », constate-t-il. « Il est malade, il ne nous ressemble pas », disent de Koukou les villageois pour se justifier. C’est vrai que lorsque les femmes ramènent sur leur dos de lourdes charges de bois ramassées à des kilomètres à la ronde, c’est lui qui les aide, alors que les hommes restent au village à jouer aux dominos… L’exode rural, le poids de la tradition, l’ennui, et la place des femmes dans les sociétés conservatrices sont autant de thèmes subtilement abordés, rendant aussi hommage à la culture berbère : sa langue, ses chants, les couleurs brodées et fièrement portées par les filles et les épouses… Ce premier long-métrage d’Omar Belkacemi, réalisateur algérien formé à l’Institut maghrébin de cinéma, à Tunis, est un habile dosage de poésie et de philosophie, dans de superbes et rugueux paysages doucement engloutis par une mer de nuages. ■ J.-M.C. RÊVE (Algérie),d’Omar Belkacemi. Avec Mohamed Lefkir, Kouceila Mustapha, Latifa Aissat. En salles.