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TUNISIE, LE CHOC DES IMAGES
from AM 439 Free
by afmag
Violence stylisée récompensée au Fespaco ou descente aux enfers sortant sur les écrans européens : DEUX RÉALISATEURS AUDACIEUX auscultent les d ifficiles lendemains de la révolution du jasmin…
C’EST À L’UNANIMITÉ que le jury du 28e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a décerné en mars dernier l’Étalon d’or de Yennenga à Ashkal, thriller poétique et métaphorique. L’originalité et la résonance politique du film de Youssef Chebbi avaient déjà été remarquées au Festival de Cannes. Cette enquête policière, située à Tunis dans un vaste chantier d’immeubles de luxe à l’arrêt depuis la chute de Ben Ali, est sous tension : les deux inspecteurs (incarnés par l’aguerri Mohamed Grayaâ et la jeune Fatma Oussaifi) sont confrontés à une étrange série d’immolations dans ces carcasses de béton. Un long-métrage très graphique, baigné d’une musique anxiogène, et comme hanté par la figure de Mohamed Bouazizi qui s’était immolé au début de la révolution, suivi depuis par une centaine d’autres. Les silhouettes de ces fantômes incandescents poursuivent longtemps le spectateur après la projection. Autant de héros qui, selon le réalisateur, sont passés du statut de martyre à celui de trouble-fête dans la Tunisie d’aujourd’hui.
C’est dire l’acuité d’Ashkal, à la lisière du mystique et du fantastique, qui a trouvé un distributeur en France fin janvier.
Second film tunisien à ne pas manquer ce mois-ci, Amel et les fauves, qui sort en France un an après sa diffusion officielle.
On est cette fois-ci dans le réalisme le plus sombre, avec une ouvrière manipulée par son patron, mariée à un alcoolique, emprisonnée pour adultère alors qu’elle a été violée, et dont le fils va tomber dans la drogue et la prostitution… Mehdi Hmili a choisi de traiter frontalement cette descente aux enfers en montrant la violence de la police, soumise aux plus riches, mais aussi tout un monde interlope, l’obligeant à couper les scènes de sexe et avec des travestis pour la diffusion dans d’autres pays arabes. Il y a peu de répit dans cette chute sans fin d’une mère et son fils, prisonniers de leur condition sociale et d’une société patriarcale, machiste, et corrompue. Mais il y a également beaucoup d’énergie et d’audace. Une preuve supplémentaire de la créativité de ce cinéma post-révolutionnaire. ■ Jean-Marie
Chazeau