AM 447-448 Free

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EN VENTE DEUX MOIS

AFRIQUE MAGAZINE FÊTE SES 40 ANS ! UN NUMÉRO SPÉCIAL ET UN CONTINENT QUI CHANGE, SE TRANSFORME…

1983-2023

Ce que nous étions, ce que nous sommes devenus ET AUSSI

Bestof LES AUDACIEUX

Notre sélection annuelle de celles et ceux qui n’ont pas froid aux yeux. N° 447-448 - DÉC.2023-JANV.2024

L 13888 - 447 - F: 5,90 € - RD

ÉDITO 40 ANS, NOTRE NOUVELLE JEUNESSE!

DÉCOUVERTE

NIGERIA LE RETOUR DU GÉANT? UN DOSSIER SPÉCIAL DE 35 PAGES

par Zyad Limam

+INTERVIEWS AMINA BEN SMAÏL YAHIA BELASKRI

F r a n c e 5 ,9 0 € – A f r i q u e d u S u d 4 9,9 5 r a n d s ( t a x e s i n c l .) – A l g é r i e 3 2 0 D A – A l l e m a g n e 6 ,9 0 € A u t r i c h e 6 ,9 0 € – B e l g i q u e 6 ,9 0 € – C a n a d a 9,9 9 $ C – D O M 6 ,9 0 € – E s p a g n e 6 ,9 0 € – É t a t s - U n i s 8 ,9 9 $ G r è c e 6 ,9 0 € – I t a l i e 6 ,9 0 € – L u x e m b o u r g 6 ,9 0 € – M a r o c 3 9 D H – P a y s - B a s 6 ,9 0 € – P o r t u g a l c o n t . 6 ,9 0 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3500 FCFA ISSN 0998-9307X0



édito PAR ZYAD LIMAM

40 ANS, NOTRE NOUVELLE JEUNESSE! Ce numéro que vous avez entre les mains est très particulier. Il est daté décembre 2023-janvier 2024, il porte les numéros 447-448, et il marque le 40 e anniversaire de notre publication. 40 ans ! 448 numéros ! Dans le monde de la presse d’aujourd’hui, renversé par les changements technologiques, l’émergence rapide, et la conquête de l’espace par le Web et les réseaux sociaux, marqué par l’attrition progressive des publications « papier », la transformation radicale de l’économie du métier, de la distribution, le tout dans une Afrique complexe et exigeante, quarante ans d’existence, de parutions ininterrompues, ce n’est pas une mince affaire. Traverser autant de changements, d’évolutions, sans perdre son indépendance, en gardant la confiance et l’estime de nos lecteurs et de nos partenaires, c’est déjà un exploit! Et nous pouvons en être fiers. Le premier numéro d’Afrique Magazine est sorti en décembre 1983. Tout d’abord comme un supplément mensuel de l’hebdomadaire Jeune Afrique, avant de prendre son envol quelques mois plus

N° 1 – décembre 1983

AFRIQUE MAGAZINE

tard. J’y étais déjà stagiaire (rubriques automobile et cinéma…). Puis, après des études et quelques détours (en particulier à JA), j’en deviens le rédacteur en chef à partir de la fin des années 1990. En 2006, c’est le grand changement. Afrique Magazine sort du groupe Jeune Afrique pour vivre sa vie de publication indépendante. Quitter la grande maison panafricaine, celle de Béchir Ben Yahmed, le choix n’était pas évident. Sans un sou d’avance, avec un mensuel et une entreprise à faire vivre. Et pourtant, nous avons tenu, nous avons réussi à nous créer un chemin, à porter un regard particulier. Décembre 1983… Un autre monde, une autre époque, avant la téléphonie mobile, avant les réseaux sociaux. Un temps encore défini par les thèmes de l’indépendance et de la souveraineté inachevée. Une Afrique encore rurale, très pauvre, comme à la périphérie du monde. Celle des grands chefs, des partis uniques infaillibles, celle où sévit encore l’apartheid et où Mandela est en prison. Le temps des désillusions qui arrive, aussi, avec la dette,

N° 68 – mars 1990

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447- 4 48 – DÉCEMBRE 2023-JANVIER 2024

N° 100 – février 1993

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ÉDITO

N° 193 – octobre 2001

N° 219 – décembre 2003

la perspective de l’ajustement structurel… Beaucoup de choses, depuis, ont changé. L’Afrique se débat toujours pour trouver sa voie authentique vers le développement et la démocratie. Pour éradiquer les conflits et la violence. Mais, dans la réalité, nous avons aussi bâti et nous avons aussi construit. Dans la réalité, l’Afrique s’émancipe, elle évolue, se modernise. Elle vise l’émergence. Elle compte des millions d’étudiants, d’entrepreneurs. La richesse, l’énergie, la créativité sont là. De nouveaux défis sont apparus, avec une démographie stupéfiante, des villes immenses, la menace du changement climatique, les régressions intégristes… Nous avons la conviction profonde que l’Afrique est un continent d’avenir. Ce ne sont pas que des mots ou un simple slogan marketing. Même si nous sommes fragiles, précaires, nous sommes maintenant dans le monde. C’est l’approche qui a guidé notre cover story, «1983-2023: Ce que nous étions, ce que nous sommes devenus», un portrait kaléidoscopique de l’Afrique en mouvement sur quarante ans. L’ambition d’Afrique Magazine, c’est de s’adresser à tous celles et ceux, Africains et non Africains, qui sont les acteurs déterminés de cette transformation, de dialoguer avec les nouvelles générations, d’être le miroir des immenses diversités du continent, d’être en prise avec les évolutions profondes. D’être le reflet d’une Afrique complexe, d’une Afrique contradictoire, à la fois si ancienne et si jeune. Nous voulons être masculins et féminins à la fois, être acteurs des débats de société. Et nous voulons évoquer le pouvoir, sans être politiciens. 4

N° 285 – juin 2009

Nous cherchons à « décloisonner », à nous adresser à ceux qui veulent voyager dans un même magazine entre différents sujets, différentes situations et différents endroits. Et protéger notre indépendance, notre libre interprétation. Gagner des espaces de liberté. C’est essentiel, au cœur de notre légitimité. Évidemment, quarante ans, ce n’est qu’une étape. Nous avons un demain à préparer. Certainement de manière différente. Avec toujours notre qualité « print », notre manière de voir les choses, sur papier, en textes et aussi – c’est important – en images. Mais en nous engageant de manière déterminée dans la présence digitale, sur le Web, les réseaux sociaux, et aussi par la vidéo et les podcasts (www.afriquemagazine.com). Il nous faut aussi offrir une partie de notre contenu en anglais, pour mieux être au carrefour des connexions entre l’Afrique et les autres mondes émergents : le Golfe, la Chine, l’Asie… (Voir notre rubrique «Next is Africa» sur le site web). L’objectif, enfin, c’est de favoriser les échanges et les interactions dans notre communauté de lecteurs et de partenaires. Les projets sont là, mais ce qui compte le plus, en papier ou en digital, c’est le cœur de notre métier, la création de contenus de qualité, le récit et l’interprétation de ce qui nous entoure. Dans le chaos du monde, le fracas de la violence, le changement climatique, la multiplication des canaux digitaux, l’explosion des réseaux sociaux, l’apparition de l’IA… Dans ce bruit phénoménal, nous croyons plus que jamais à l’impor-

AFRIQUE MAGAZINE

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BRUNO LÉVY POUR JA

N° 305 – février 2011

N° 369 – juin 2017

tance du média, à notre métier de journaliste. Comprendre, analyser, décrypter. Encore plus aujourd’hui qu’hier. C’est notre mission, à notre échelle. Et pour conclure cet édito du 40e anniversaire, merci à Béchir Ben Yahmed, qui m’aura appris le journalisme et la résilience, et qui m’aura donné, peut-être un peu malgré lui, le désir d’être un éditeur indépendant. Merci à Danielle Ben Yahmed, qui aura persuadé BBY de créer un magazine différent de Jeune Afrique, qui aura porté Afrique Magazine sur les fonts baptismaux et qui aura toujours été présente, de loin ou de près. Merci aux équipes qui ont contribué, tout au long de ces années, à faire vivre le magazine. Merci à l’équipe actuelle qui, tous les jours et au quotidien, ferraille pour proposer un magazine de qualité. Merci à Emmanuelle Pontié qui, depuis déjà un bon moment, tient la barre en second. Et je pense enfin à tous ceux et celles qui nous ont quittés. Je suis sûr que, de là où ils sont, ils nous regardent avec affection et bienveillance. Évidemment, nos remerciements s’adressent enfin, et avant tout, à nos lecteurs, sans qui nous ne serions pas grand-chose, et à nos annonceurs et nos partenaires qui croient et appuient notre projet. Voilà, bonne lecture, bonne année aussi, en espérant qu’elle soit loin de la violence. Et constructive, pour l’Afrique et pour le monde. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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N° 409 – octobre 2020

Danielle Ben Yahmed, fondatrice de notre mensuel.

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N° 416 – mai 2021

N° 447-448 – décembre 2023-janvier 2024

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N °4 47 - 4 4 8 – D É C E M B R E 2 0 2 3 - J A N V I E R 2 0 2 4

ÉDITO 40 ans, notre nouvelle jeunesse!

TEMPS FORTS

Le best of

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LES AUDACIEUX

par Zyad Limam

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Le LagosPhoto Festival s’exporte au Bénin C’EST COMMENT? Comment imaginer…

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par Emmanuelle Pontié

100

CE QUE J’AI APPRIS Pat Kalla par Astrid Krivian

128

VIVRE MIEUX Un cerveau au top et pour longtemps! par Annick Beaucousin

130

102

VINGT QUESTIONS À… Amen Viana par Astrid Krivian

66 70

Ce que nous étions, ce que nous sommes devenus: 1983-2023

74

par Zyad Limam, avec Cédric Gouverneur et Jean-Marie Chazeau

78

Amina Ben Smaïl: Donner une voix

82 85

par Frida Dahmani

106

Yahia Belaskri: Appartenir à ce continent liquide par Astrid Krivian

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P.08

DÉCOUVERTE Nigeria: Le retour du géant? dirigé par Emmanuelle Pontié, avec Eric Ekobia, Cédric Gouverneur et Sophie Rosemont

par Zyad Limam, Cédric Gouverneur, Emmanuelle Pontié, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Jihane Zorkot

ON EN PARLE C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN

29

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Art: Tunis célèbre l’hirafen

88

L’urgence et l’ambition Lagos, le renouveau de la mégalopole Olawale Edun: «Nos réformes sont courageuses» Au pays des richissimes philanthropes Le défi de l’or noir Yusuf Tuggar: «Notre population est un atout majeur» Henry Dele Alake: «Nous voulons garantir la sécurité des investisseurs»

P.65

par Frida Dahmani

P.30 Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps. Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet: www.afriquemagazine.com

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FIKAYO ADEBAJO - FABIO THIERRY - SHUTTERSTOCK

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FONDÉ EN 1983 (40e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél.: (33) 1 53 84 41 81 – Fax: (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Laurence Limousin

llimousin@afriquemagazine.com RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

P.112

Camille Lefèvre PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

P.118

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

90 91 92 94 98

Shiran Ben Abderrazak, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Eric Ekobia, Catherine Faye, Cédric Gouverneur, Aurore Hennion, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont.

Mbembo Bemba: «Avec le secteur minier, un bel avenir se profile» Segilola Gold, première mine à l’échelle industrielle Betta Edu: «Notre objectif: éliminer la pauvreté» De la musique en or massif Nollywood, au royaume des stars

VIVRE MIEUX Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF

avec Annick Beaucousin.

VENTES EXPORT Laurent Boin TÉL.: (33) 6 87 31 88 65 FRANCE Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL.: (33)1 56 82 12 00

ABONNEMENTS ABONN’ESCIENT – TBS GROUP 20, rue Rouget de Lisle 92130 Issy-les-Moulineaux Tél.: (33) 1 40 94 22 22 Fax: (33) 1 40 94 22 32 afriquemagazine@cometcom.fr

BUSINESS 118

NICOLAS FAUQUÉ POUR TALAN - ALAMY

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Énergie: La géothermie, l’autre richesse du sous-sol Nicholas Obuya Mariita: «Les Kényans prennent conscience du changement climatique» Au Sénégal, les chalutiers étouffent la pêche locale L’Éthiopie affronte la flambée du teff L’Afrique au défi d’une chaîne du froid durable Une start-up propose de «décarboner» le riz par Cédric Gouverneur

AFRIQUE MAGAZINE

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COMMUNICATION ET PUBLICITÉ regie@afriquemagazine.com AM International 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél.: (33)1 53 84 41 81 Fax: (33)1 53 84 41 93

AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR 31, rue Poussin - 75016 Paris. SAS au capital de 768200 euros. PRÉSIDENT : Zyad Limam. Photogravure: Philippe Martin. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire: 0224 D 85602. Dépôt légal: novembre 2023. PHOTOS DE COUVERTURE: DR - GRAEME WILLIAMS/SOUTH/REA PASCAL MAITRE/MYOP - DR EMMANUEL OSODI/ANADOLU AGENCY/AFP PIERRE DUFFOUR/ANDIA.FR

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La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2023.

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ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage

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AFRIQUE MAGAZINE

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LE LAGOSPHOTO FESTIVAL S’EXPORTE AU BÉNIN

I M AG E S

What Remains, Fikayo Adebajo.

FIKAYO ADEBAJO

AFRIQUE MAGAZINE

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ARKO DATTO - M’HAMMED KILITO

Jusqu’au 31 décembre, LE FESTIVAL NIGÉRIAN DE PHOTOGRAPHIE contemporaine propose des œuvres intenses et engagées à un public de plus en plus large. UNE RENCONTRE photographique internationale qui revient cette année pour sa 14e édition et qui, pour la première fois de son histoire, sort des frontières du Nigeria afin de présenter des œuvres puissantes aussi à Cotonou, Ouidah et Porto-Novo. La coopération avec plusieurs acteurs culturels béninois naît de la volonté partagée de donner plus de place à la photographie contemporaine africaine et de multiplier les initiatives culturelles au niveau de la sous-région. Depuis sa création en 2010, le LagosPhoto Festival propose un large éventail d’événements (expositions, ateliers, présentations et panels), occupant les espaces publics et impliquant spectateurs et artistes dans la construction d’une communauté avisée et engagée. Cette année, sous la direction artistique de Azu Nwagbogu et Peggy Sue Amison, des photographes confirmés et débutants rassemblent jusqu’au 31 décembre des œuvres sur le thème «Ground State – Fellowship Within the Uncanny» («État fondamental –Communion au sein de l’étrange»). Des images qui explorent le présent, une époque anxiogène à la merci de la post-vérité, des conflits, des crises sanitaires et environnementales, et qui en envisagent la réparation, la restitution et la restauration. ■ Luisa Nannipieri

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Terra Mutata, Arko Datto.

LAGOSPHOTO FESTIVAL,

Lagos (Nigeria), Cotonou, Ouidah et PortoNovo (Bénin), jusqu’au 31 décembre 2023. lagosphotofestival.com Before It’s Gone, M’hammed Kilito.

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ON EN PARLE SOUNDS

À écouter maintenant !

❶ Nneka

Back and Forth, 3D Family Toujours aussi ambitieuse et expressive, la chanteuse germanonigériane est de retour avec un EP partagé entre soul, hip-hop, blues, afro et pop. Nourri d’une jeunesse passée entre deux cultures et d’un désir de concilier les différentes sensibilités qui habitent un monde aux soubresauts anxiogènes, il s’avère aussi enthousiasmant que réconfortant.

❷ Red Hot

Red Hot + Fela, Partisan Records Un vinyle jaune et rouge pour la réédition augmentée de cette compilation culte, où Angélique Kidjo, Childish Gambino ou encore le Kronos Quartet revisitent les grands classiques de Fela Kuti. Les bénéfices sont toujours reversés à Red Hot, l’association dédiée à la lutte contre le sida à travers la culture pop. Treize titres en hommage au Black President.

YAMÊ ÊTRE VU (ET ENTENDU) ALBUM

Avec un premier projet d’une belle densité sonore, le Franco-Camerounais entre dans LA COUR DES GRANDS.

❸ Sidiki Diabaté

Aya Nakamura, Gazo ou encore Black M figurent sur la guest list du nouvel album du couteau suisse musical malien. Guère étonnant que tous se bousculent, puisque l’artiste, bardé de prix à seulement 30 ans, réussit une fois encore à concilier les sonorités ancestrales de son pays natal et ce qui se fait de mieux en matière de pop contemporaine. Sans oublier la kora, évidemment! ■ S.R.

«MAN, I THINK WE’VE GOT SOMETHING», a commenté Timbaland devant une performance du chanteur il y a quelques mois. Encouragement aussi inespéré que mérité, car la proposition, soulignée de piano et bénéficiant d’arrangements savamment dosés, mise sur un rap polyglotte d’obédience afro, sans oublier des échos jazz ou R’n’B, et un amour indéniable pour la chanson française. Ou comment l’urbanité se mêle au patrimoine sous toutes ses formes… Yamê signifie «ce qui n’est pas visible». Ayant grandi entre Douala et la banlieue parisienne sous le nom d’Emmanuel Sow, il a choisi son patronyme scénique car «c’est la langue parlée par le peuple Mbo au Cameroun», et il a souvent entendu ce terme dans sa famille, notamment dans la bouche de son père, musicien de soul makossa. ■ Sophie Rosemont YAMÊ, Elowi, Naïve/Believe. 10

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DR (5)

Kora Lover, CD Believe


HD 04 BATIMENT 5 DE LADJ LY И 2023/SRAB FILMS/LYLY FILMS/FRANCE 2 CINEMA/PANACHE PRODUCTIONS/LA COMPAGNIE CINÉMATOGRAPHIQUE - DR

Aristote Luyindula, à gauche, et Anta Diaw, à droite.

CINÉMA

L’ESPRIT D’ESCALIER

Une jeune femme mobilise son quartier contre le projet de démolition de l’immeuble où elle a grandi en banlieue parisienne. Ladj Ly laisse entrevoir une LUEUR D’OPTIMISME après Les Misérables. SON IMPRESSIONNANT premier film se terminait dans la cage d’escalier d’un immeuble de région parisienne où des jeunes avaient piégé des policiers, et où tourbillonnaient fumigènes et rafales de tirs. Quatre ans après Les Misérables (2019), Ladj Ly nous ramène dans ces couloirs étroits, avec une scène d’ouverture d’anthologie sur la difficulté de descendre un cercueil par les marches d’une résidence de dix étages quand l’ascenseur est en panne depuis des années. Une copropriété devenue insalubre et que la mairie entend raser pour reconstruire des appartements plus chers, et pas vraiment dimensionnés pour des familles nombreuses. Haby, qui a grandi dans ce bâtiment 5, va se lancer en politique pour contrer le projet de la municipalité. Face à elle, un notable promu maire par intérim, qui se révèle très vite assez réactionnaire. Mais le film ne saurait se résumer à cette opposition schématique ; il nous fait rencontrer tout une population aux personnalités attachantes et complexes. Blaz, un ami de la protagoniste, AFRIQUE MAGAZINE

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la soutient tout en bouillant intérieurement, prêt à tout casser face à l’accumulation d’injustices. « Arrête de faire ton Malcolm X à deux balles, lui dit Haby. On ne peut pas qu’être en colère. » Cette jeune femme réfléchie et active est comme un signe d’espoir, carte maîtresse de ce film qui embrasse plusieurs thématiques, au-delà du problème du mal-logement. Parfois au détriment de la nuance : le couple bourgeois avec l’épouse et ses bonnes œuvres forcément choisies (elle accueille des réfugiés syriens mais chrétiens) ; l’adjoint au maire (excellent Steve Tientcheu) qui va jusqu’à endosser la tenue du père Noël, en bonne figure du nègre domestique, et qui assène à Haby : « C’est toujours pareil avec vous qui vivez des allocs : vous n’aimez pas la France, mais vous ne voulez pas aller dans vos pays d’origine avec leurs coupures d’électricité ! » Mais quand on lui demande comment elle se définirait, Haby répond : « Moi, je suis une Française d’aujourd’hui. » ■ Jean-Marie Chazeau BÂTIMENT 5 (France), de Ladj Ly. Avec Anta Diaw, Alexis

Manenti, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu. En salles.

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ON EN PARLE

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RY T H M I Q U E

MOH! KOUYATÉ

Fraternité mélodique LE NATIF DE CONAKRY, français d’adoption, livre un superbe album acoustique renouant avec ses racines guinéennes. père… Une journée passée sans elle est dénuée de saveur. Je n’avais pas d’autre choix que celui de me consacrer à la musique et de faire de la guitare l’élément essentiel de mon expression créative. Pourquoi le format quartet sur cet album? Pour l’aspect plus organique encore, voire intimiste?

DR (2)

AM: C’est un bel hommage à la puissance expressive des cordes que rend Mokhôya. Peut-on revenir sur votre rencontre, alors enfant, avec les instruments à cordes? Moh! Kouyaté: J’ai grandi

dans une famille de musiciens. Ils chantaient, jouaient des instruments à cordes tels que la kora, la guitare, le n’goni, mais aussi le balafon – l’instrument maître de mes oncles maternels et celui avec lequel j’ai commencé. Puis mon père m’a appris à jouer la guitare qu’il avait lui-même apprise avec mon grand-

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Cela fait très longtemps que j’ai à cœur de réaliser un album acoustique. La période du Covid, qui m’a tenu éloigné de chez moi, a été un catalyseur. Par ailleurs, après le projet Guinea Music All Stars, qui rendait hommage aux grands orchestres guinéens, j’ai souhaité revenir à un format plus intimiste. Rentré en France, j’ai couru au studio pour y déverser tout mon ressenti. J’ai instinctivement associé la kora, qui accompagne si bien mon instrument et honore ma culture mandingue. En plus de la chaleur du violoncelle, il y a la trompette, qui apporte à l’album de l’humour, de la légèreté, de la vivacité et de la brillance… Si j’ai souhaité que chaque musicien puisse apporter sa contribution, créer une communion musicale, cet album puise également dans le riche répertoire de la musique guinéenne. Le titre de l’album signifie

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MOH! KOUYATÉ, Mokhôya,

Roy Music. En concert le 21 décembre au festival Africolor (Théâtre Gérard Philipe – Saint-Denis). «humanisme». Parce qu’il appelle à plus de fraternité?

En effet, Mokhôya induit les notions de fraternité, de partage et de cohésion. À travers ma musique, je souhaite transmettre un message de tolérance, de compréhension mutuelle et d’amour. Par les temps difficiles que nous traversons, nous devons tous et toujours essayer de créer des passerelles de dialogue et de tolérance, être animés par la nécessité de la paix. Et nous, artistes, devons véhiculer ces messages essentiels. La musique peut transcender les frontières et les différences culturelles, rassembler et promouvoir un monde plus bienveillant. Nous faisons tous partie d’une même communauté : l’humanité. ■ Propos recueillis par Sophie Rosemont

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ROMAN

ON EN PARLE

Trois questions à… Djeynab Hane-Diallo

ERRANCE PALESTINIENNE

Un texte aux RÉSONANCES ACTUELLES, où Elias Khoury vient brouiller nos codes et nos attentes.

JOURNALISTE ET ÉCRIVAINE, Djeynab Hane-Diallo, elle-même maman de deux enfants, s’est lancée avec succès dans les contes jeunesse en Côte d’Ivoire en 2017. Un créneau assez peu exploité en Afrique et, selon elle, une littérature très utile à l’épanouissement. Elle nous présente le tome 2 de son conte.

RÉCIT LABYRINTHIQUE du critique littéraire, essayiste et chroniqueur libanais, L’Étoile de la mer est le deuxième tome d’une trilogie intitulée Les Enfants du ghetto. Ce roman d’amour examine la condition palestinienne, la tragédie et le vrai sens de la vie à travers deux personnages aux identités complexes, faisant écho aux histoires d’expulsion, de migration forcée, de persécution. D’un côté, Adam, Palestinien d’Israël, né et élevé dans le ghetto de Lod, près de Tel Aviv, où les Israéliens tuèrent des centaines de civils; de l’autre, Dalia, Juive israélienne, polonaise et irakienne, qui l’interroge sur la mémoire de son enfance. Dense et poétique, cette épopée tissée d’une main de maître par le rédacteur en chef de la Revue d’études palestiniennes explore, à travers la fiction, les grandes questions de l’humanité dans leur singularité et leur universalité. Plus que jamais, les mots du poète Al-Mutanabbî cités en exergue frappent fort: «Ô demeures qui dans nos cœurs demeurez/Désertes à présent, vous nous habitez.». ■ Catherine Faye.

AM: Qui est la gentille? Qui est la méchante? est la suite d’un premier livre pour enfants paru en 2017. Pourquoi un tome 2? Djeynab Hane-Diallo: Oui, il

s’agit de la suite de La Gentille et la Méchante, un grand succès de librairie en Côte d’Ivoire. Le conte a été agréé par le ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation pour les classes de CM1 et de CM2. Je pensais faire un nouveau conte, mais la suite m’est apparue comme une évidence. J’aime écrire pour la jeunesse, qui est parfois en perte de repères et de valeurs. Mon histoire est encore axée sur le bien et le mal, le côté pile ou face d’une même pièce. D’où vient ce goût pour la littérature jeunesse?

Écrire pour les enfants me paraît essentiel, aujourd’hui. Ils ont perdu le goût de la lecture. À qui la faute? Peut-être à nous, parents, qui préférons acheter des ordinateurs ou des portables. Mais l’un n’empêche pas l’autre. Je souhaite redonner ce plaisir à nos petits. Le livre est une source intarissable d’instruction, et d’évasion en même temps. Cela permet à l’enfant de joindre l’utile à l’agréable. Y aura-t-il un tome 3, ou préparez-vous une autre histoire?

Oui, le tome 3 est déjà écrit! Encore une fois, j’ai laissé libre cours à mon imagination. Je pense que je bouclerai cette histoire avec ce dernier épisode, afin de me consacrer à d’autres aventures littéraires. Ou pas. Je poursuivrai peut-être les aventures de la Fée Sourire et de la Fée Lumière. En fait, c’est un peu ma plume qui me guide. Et je la suis souvent là où elle me mène… ■ Propos recueillis par Emmanuelle Pontié

ELIAS KHOURY, L’Étoile de la mer,

Actes sud, 384 pages, 24€.

DJEYNAB HANE-DIALLO, Qui est la gentille? Qui est la méchante? Éditions Tabala, Côte d’Ivoire,

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DR (3)

4000 FCFA.

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PORTRAIT

CAPTAIN TIKTOK

GRETA DE LAZZARIS - DR

Récompensé à la Mostra de Venise, le tout jeune SEYDOU SARR est particulièrement convaincant dans sa traversée de l’Afrique pour tenter de rejoindre l’Italie. SUR TIKTOK, Seydou Sarr (@sipaulsarr) s’amuse à chanter en playback sur la voix des autres pour ses 140000 followers. Mais sur grand écran, cet adolescent de Thiès, au Sénégal, joue les candidats à l’exil pour illustrer le drame des migrants. Dans Moi, Capitaine, il traverse le continent aux côtés de son cousin Moussa, sans en avertir sa mère, pétri d’ambitions: «On fera signer des autographes aux Blancs!» Le film de Matteo Garrone, réalisateur italien réputé pour sa plongée dans la mafia napolitaine (Gomorra, 2008) et ses contes splendides (Tale of Tales, 2015; Pinocchio, 2019), réserve à ses personnages bien des obstacles, inspirés d’authentiques témoignages. Treize semaines de tournage au Sénégal et au Maroc pour une épopée dantesque où la route du héros croise celle de cadavres, mais aussi de passeurs véreux au Sénégal, de fonctionnaires corrompus au Niger, de tortionnaires et de marchands d’esclaves en Libye, avant de trouver un bateau pour la Sicile, à condition d’en devenir capitaine – les mineurs n’étant pas jugés responsables en cas d’arrestation. «C’est la situation actuelle qui pousse les gens à sacrifier leur vie pour réaliser leurs rêves», a-t-il expliqué aux journalistes en Italie, où la Mostra de Venise lui a décerné le prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune espoir. Une célébration qui ne l’empêche pas de rester attaché à sa famille. Lui qui se rêvait plutôt footballeur avait suivi sa sœur au casting du film organisé à Dakar pour faire plaisir à sa mère, elle-même comédienne. «En recevant mon prix, j’ai pleuré, parce que j’ai tout de suite pensé à mon papa, et je me suis dit qu’il pourrait être là avec nous.» Son père est décédé l’an dernier. ■ J.-M.C. AFRIQUE MAGAZINE

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MOI, CAPITAINE (Italie), de Matteo Garrone. Avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo. En salles. 15


ON EN PARLE

ENTRE LES CORDES

Exposition COUP DE POING de l’éclectique Afro-Parisien Rakajoo au Palais de Tokyo. CROCHET, DIRECT DU BRAS, blocage, esquive… Avant de devenir peintre, Rakajoo, qui signifie «têtu» en wolof, a mené bien des combats. De la rue au ring, après avoir encaissé nombreux coups bas et uppercuts, c’est en convoquant différents langages que l’artiste autodidacte a trouvé son exutoire. De la peinture à la bande dessinée, en passant par l’animation, il mêle ses souvenirs de la SeineSaint-Denis, du quartier de la Goutte d’Or et du Sénégal à l’actualité, avec des déclarations latentes, dans un entrelacs vibrionnant d’acryliques, d’huiles, d’encres et de pixels. Le résultat est détonnant. Son espace d’exposition fluctue

avec les mouvements du corps, comme sur l’estrade. Il nous revient ainsi de longer les murs, de prêter attention à ce qui se joue devant, derrière, au-dessus ou à nos pieds. À la lumière ou à la pénombre. Passionné par les thrillers, Baye-Dam Cissé – son nom de naissance – peint par intrigues, par indices et par simulation. Dans ce jeu de piste à la vie à la mort, l’artiste, pour sa première exposition personnelle institutionnelle, tente d’ouvrir des perspectives nouvelles. Il n’a pas fini de faire parler de lui. ■ C.F. «CEINTURE NWAR», Palais de Tokyo, Paris (France),

jusqu’au 7 janvier 2024. palaisdetokyo.com

Dans son installation immersive, ce touche-àtout convoque les sens.

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R E N D E Z - VO U S

« Ceinture nwar » est la première exposition institutionnelle de l’artiste.

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RÉCIT

COLSON WHITEHEAD

LE GRAND SAUT

Une traduction révisée pour ce premier roman, qui rallume la flamme originelle d’une ŒUVRE REMARQUABLE couronnée à deux reprises par le Pulitzer.

SOPHIE PALMIER/REA - DR XXXXXXXXXXXXXX

PUBLIÉ EN 1999, L’Intuitionniste, un récit entre roman noir, quête et aventure psychotonique, porte déjà la virtuosité de l’un des écrivains les plus originaux de sa génération. Les premiers mots saisissent d’emblée: «L’ascenseur est neuf, il vient d’être installé, il ne devrait pas dégringoler à cette vitesse.» En un claquement de doigts, le propos – enchevêtrement du réel et du fantasmagorique –, titille. Sans compter l’immédiate référence de l’intrigue. Difficile, en effet, de ne pas y voir un lien avec l’accident de Chester Himes, grand maître du polar. Dans les années 1930, alors qu’il finance ses études en étant liftier, le futur auteur de La Reine des pommes (1957) tombe dans une cage d’ascenseur vide. Quelque temps après, condamné à vingt ans de prison, le mauvais garçon, dont le handicap et la couleur de peau détermineront alors le propos, découvre la littérature et écrit ses premières nouvelles dénonçant le racisme américain. Dans sa lignée, Colson Whitehead s’illustre par son engagement et une plume protéiforme, jonglant entre fantaisie, réalités contemporaines et réflexions mordantes

sur l’Histoire. Il est toujours assez fascinant de redécouvrir les prémices d’une œuvre littéraire. Surtout lorsqu’il s’agit du texte qui précède Underground Railroad (2016), Nickel Boys (2019) et, plus récemment, Harlem Shuffle (2021), premier volume d’une trilogie consacrée au quartier new-yorkais de Harlem, des années 1960 aux années 1980. Ce conte philosophique décalé annonce les thèmes de prédilection de l’écrivain: les enjeux de la lutte raciale et du progrès social. Ici, l’originalité réside dans l’art de décortiquer la société en la réduisant aux dimensions d’un parfait huis clos, celui d’une cage d’ascenseur. L’héroïne est une femme noire. Intuitionniste au sein du département d’inspection des ascenseurs, elle devine le moindre défaut d’un appareil à peine le pied posé dans la cabine. Le jour où celui d’un gratte-ciel placé sous sa surveillance s’écrase, au milieu d’une campagne électorale, elle se lance dans une enquête clandestine. Un univers fictif tout à fait crédible, qui s’appuie sur les fondements et la mécanique du racisme, avec une noirceur, un humour, une tension permanents. ■ C.F.

COLSON WHITEHEAD, L’Intuitionniste,

Albin Michel, 384 pages, 22,90 €.

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ON EN PARLE

CHIENNE DE NUIT UNE ÉPOPÉE NOCTURNE et mordante dans les bas-fonds de Casablanca.

HASSAN ET ISSAM, père et fils, acceptent un soir de rendre service à un organisateur de combats de chiens clandestins… Mais ils se retrouvent bientôt avec un cadavre sur les bras, qu’ils cachent dans le coffre de leur vieille voiture. Problème: toutes les solutions envisagées pour le faire disparaître avant le lever du soleil rencontrent un obstacle inattendu. Ce road movie nocturne nous entraîne dans les quartiers miséreux de Casablanca, qui prennent une autre dimension dans la nuit marocaine. Filmé au plus près de ses deux personnages principaux, le récit, très rythmé, est un mélange réussi d’ambiances, de gueules patibulaires, de suspense, parfois d’épouvante, mais aussi de burlesque. Résultat: le prix du jury Un certain regard au dernier Festival de Cannes. En bonus du DVD, un courtmétrage de Kamal Lazraq et un entretien passionnant avec ce réalisateur natif de Casa, qui raconte l’irruption du réel sur le tournage et le travail avec les comédiens non professionnels, dont la présence à l’écran marque la mémoire du spectateur pendant longtemps. ■ J.-M.C. 18

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LES MEUTES (Maroc), de Kamal Lazraq. Avec Ayoub Elaid, Abdellatif Masstouri, Mohamed Hmimsa. DVD/Blu-ray Ad Vitam, 19,99 €. I

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HD LES MEUTES/VISUEL 2 ©BARNEY PRODUCTION/MONT FLEURI PRODUCTION/BELUGA TREE - DR

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Ayoub Elaid, à gauche, Abdellatif Masstouri, à droite.


DESIGN

Vanhu Vamwe

puissant et éthique

Plus que des accessoires, les SACS ÉTONNANTS DE CE LABEL ZIMBABWÉEN évoquent des œuvres d’art intemporelles.

EXTRÊME PHOTOGRAPHY

LES SACS à l’esthétique expérimentale de Vanhu Vamwe («un peuple», en langue shona) ne passent pas inaperçus. Lancée en 2014 par les Zimbabwéens Simba Nyawiri et Pam Samasuwo-Nyawiri, la marque s’inscrit dans le mouvement de la slow fashion et produit ses pièces uniquement sur commande. Le couple travaille avec des artisans issus de petites communautés en Équateur et au Zimbabwe, où il a ouvert des ateliers d’insertion professionnelle pour former aux techniques traditionnelles, comme le macramé. Cette façon de nouer la matière est un savoir-faire en voie de disparition, et Vanhu Vamwe lui donne un nouvel élan, tout en ajoutant au tissage des éléments de crochet ou des pompons. La dernière collection, Teaching My Mother How to Give Birth («Apprendre à ma mère à donner naissance»), propose des sacs multifonctionnels, aux lignes arrondies mais structurées, réalisés presque entièrement en paracorde recyclée et produite au Zimbabwe à partir de bouteilles en plastique. Chaque modèle s’inspire d’un objet qui appartenait à la maman de la designeuse. Un hommage au rapport qui lie à jamais un enfant et celle qui l’a mis au monde, mais aussi une invitation à voir ces pièces comme des éléments intemporels à transmettre d’une génération à l’autre. vanhuvamwe.com ■ L.N.

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ON EN PARLE

MARGUERITE ABOUET ET AGNÈS MAUPRÉ, Délices d’Afrique,

CD

DIX MORCEAUX qui, de l’ouverture «Siraba» à l’apaisante envolée de «Fo Te Mokobana», en passant par les beats électro de «Nanse», n’oublient jamais le pouvoir des cordes acoustiques, y compris le violon. C’est beau, et c’est le premier album du duo formé par le Malien Boubacar Samaké et le Français Damien Vandesande, moitié du groupe dOP. Sous le nom de Siraba, «le grand chemin» en langue bambara, ils décident de confirmer une amitié nouée il y a vingt ans, lorsque Vandesande travaillait au Mali, notamment auprès de Sibiri Samaké, le père de son futur complice musical. Aujourd’hui, est enfin gravé sur sillon le résultat d’une volonté partagée, celle de défendre une vision spirituelle et humaniste de la musique. Et c’est réussi. ■ S.R. SIRABA, Ngana Fôlly, Secret Teachings. 20

PLAISIRS DU VENTRE

UN LIVRE DE CUISINE pas comme les autres, truculent et affriolant ! ALLOCO, PÉPÉ SOUPE, saka saka, poulet bicyclette, et tant d’autres… Mis en mots par l’auteure des aventures d’Aya de Yopougon, Marguerite Abouet, et en images par la dessinatrice Agnès Maupré, deux complices qui ne mâchent pas leurs mots, les délices de la Côte d’Ivoire chantent ici en hommage à la diversité culinaire de l’Afrique de l’Ouest et à l’importance du partage. Outre les conseils, les anecdotes, la méthode et les petits secrets d’exécution, ce sont surtout l’humour et la camaraderie féminine qui font le sel des cinquante recettes et des quatre boissons proposées dans cet ouvrage savoureux, à consommer sans modération. Sans oublier les deux chapitres cocasses qui ouvrent et ferment le carnet. Le cube Maggi et son histoire en guise de mise en bouche et, pour couronner le tout, les boissons alcoolisées à consommer, elles, «avec modération». Au fil d’anecdotes et de clins d’œil exclusivement féminins, c’est drôle, c’est simple, et surtout: ça met l’eau à la bouche! ■ C.F.

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Avec NGANA FÔLLY, le binôme franco-malien signe une belle entrée en matière musicale, nourrie de cordes et de machines. À découvrir !

LIVRE

SIRABA DUO GAGNANT

Alternatives, 128 pages, 25€.


SCIENCE - FICTION

L’actrice Sofia Boutella, magistrale dans ce film d’anticipation.

UNE LUNE DANS LE VISEUR

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Quand DEUX STARS DU CONTINENT se retrouvent dans une méga-production Netflix. EN ATTENDANT de revoir Djimon Hounsou dans le rôle de l’esclave Juba (la suite de Gladiator sortira en novembre prochain), le voici en général intergalactique! La star béninoise d’Hollywood est à l’affiche d’une nouvelle saga de science-fiction. Mais la tête d’affiche, c’est Sofia Boutella. La comédienne franco-algérienne, arrivée au cinéma via la danse et le hip-hop, avait déjà été vue dans un Star Trek avant d’incarner la momie du film éponyme face à Tom Cruise. Elle démontre à nouveau toute son agilité dans le rôle de Kora, une jeune femme étrangère vivant loin de chez elle, aux confins de la galaxie. Prête à défendre la colonie pacifique qui l’a accueillie et qui est menacée par un tyran, elle recrute des soldats sur plusieurs planètes pour tenter de la sauver. Une deuxième partie est annoncée en avril, intitulée L’Entailleuse. Tout un programme! ■ J.-M.C REBEL MOON: PARTIE 1 – ENFANT DU FEU (États-Unis), de Zack Snyder. Avec Sofia Boutella,

Djimon Hounsou, Ed Skrein. Sur Netflix. AFRIQUE MAGAZINE

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COLORIAGE, maison et laboratoire de mode, est adepte des vestes et kimonos éblouissants.

MODE

LE STYLE PAR-DESSUS TOUT POUR UN LOOK TENDANCE, vestes et manteaux, pièces de caractère indispensables par temps hivernal, ont une place de choix dans toute garde-robe – y compris les plus haute couture. La malienne Awa Meité, qui mélange tradition et modernité dans sa dernière collection dédiée à Chris Seydou, rend hommage à la versatilité du bogolan artisanal. Ses manteaux oversize associent noir et blanc et motifs pour structurer les volumes, et créer des lignes inattendues. Les textiles maliens abondent aussi chez Coloriage, maison de mode et laboratoire solidaire basé à Rome, qui mélange chutes haut de gamme, imprimés et tissus artisanaux sourcés en Afrique de l’Ouest pour obtenir des kimonos et des vestes 22

double face et espiègles. La styliste sud-africaine Palesa Mokubung (Mantsho) a, de son côté, choisi une maille double en néoprène pour sa veste-robe Nanku. Confortable et légèrement élastique, cette pièce, avec son décolleté haut, qui se serre à la taille est parfaite pour les silhouettes en sablier. Bloke, récemment remarqué par LVMH, propose une tenue unisexe en faux cuir dans sa dernière collection inspirée de la «Black Tax». La juxtaposition de la couleur olive et marron-noir représente la richesse des membres de la communauté noire, et la responsabilité financière envers les autres qui en dérive. La sénégalo-parisienne Maison Solko fait également le pari du manteau unisexe,

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GIOELE VETTRAINO

En jouant avec les codes, les lignes et les textures, ces designers créent DES VESTES ET DES MANTEAUX ORIGINAUX, à porter pour toutes les occasions.


AWA MEITÉ, dans une ligne entre tradition et modernité, honore le bogolan artisanal.

MANTSHO casse les codes, avec une veste-robe voluptueuse.

MAISON SOLKO propose des coupes toujours élégantes.

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ORANGE CULTURE s’empare de couleurs pop pour un hiver vitaminé.

avec un élégant par-dessus mi-long en pagne tissé, dans les couleurs nobles de la maison: celles de la fleur d’hibiscus et de la fleur de lys. Pour sa ligne automne-hiver, Christie Brown (Ghana) retravaille le kenté, tissu royal par excellence, et met l’accent sur le style et le confort. La veste échancrée Mawi, avec son décolleté voûté et pointu, et ses manches épurées mais volumineuses, est unique en son genre. Pour un look plus exubérant, voici la doudoune Chiedozie d’Orange Culture, avec ses couleurs tape-à-l’œil et sa coupe cropped, ou les imprimés marins dessinés par Chulaap. Le Thaïlandais basé au Cap et adepte d’une «mode heureuse» a fait un retour remarqué sur la scène internationale à Pitti Uomo, avec sa collection Sea Explorer et son Lobster Coat en denim blanc et bleu. Ou encore le Sophiatown Coat de la ligne Our People de Wanda Lephoto. Un magnifique plaid en tartan imprimé à fleurs, qui célèbre la créativité et l’histoire de cet iconique quartier de Johannesburg. ■ L.N. AFRIQUE MAGAZINE

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Véritable écrin au cœur de Paris, l’Espadon promet des instants magiques. Au beau milieu du bouillonnant Héliopolis, Sachi propose des voyages gustatifs inoubliables.

SPOTS

FUSION RAFFINÉE

LE RESTAURANT PARISIEN du célèbre Ritz, l’Espadon, a tourné une nouvelle page de son histoire depuis l’arrivée de la cheffe Eugénie Béziat. Celle qui est née à Libreville et a grandi entre le Gabon, le Congo et la Côte d’Ivoire, avec des haltes estivales en Provence, fait vivre une cuisine entre deux continents, qui lui a déjà valu une étoile Michelin. Ses plats s’inspirent de la gastronomie française méditerranéenne, qu’elle nourrit d’épices et d’essences. Prenons le homard au barbecue, avec sa bisque d’hibiscus et sa graine de manioc acidulée, l’huître à la brède mafane, où iode et piquant-poivré se marient délicatement, ou encore la volaille de Houdan, travaillée dans l’esprit du poulet yassa, avec agrumes et oignons noirs. Attablés dans une salle intimiste, on savoure un mélange d’uppercuts gustatifs qui bousculent les codes. ritzparis.com/espadon 24

Un autre voyage nous attend au Caire, où Sachi propose une carte à partager, à mi-chemin entre la Méditerranée et l’Asie, rehaussée par les saveurs épicées et les couleurs des produits égyptiens. Le premier Sachi («bonheur» en japonais) ouvre dans le vibrant quartier d’Héliopolis en 2014, et est aujourd’hui l’une des tables les plus connues et primées du pays. Ayman Baky a depuis inauguré une dizaine d’autres établissements, mais avec son atmosphère charmante et sophistiquée, celui-ci occupe une place particulière dans son cœur. Au-delà des tartares de poisson cru et des sushis, on conseille le bœuf Chateaubriand d’Afrique du Sud au vin rouge, ou les rigatoni alla Norma, avec pignons et aubergines caramélisées. Et en cocktail, le Thyme Gimlet, aux notes d’huile d’olive, citron vert et agave. sachirestaurant.com ■ L.N.

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DR - EMANUELA CIMO - DR - DR

À Paris et au Caire, DEUX CUISINES de haut vol entre l’Afrique, la Méditerranée et l’ailleurs.


ARCHI DR

Des villas à part Sur les hauteurs de Bouskoura, près de Casablanca, deux cabinets locaux ont construit une résidence SOPHISTIQUÉE ET CONTEMPORAINE.

À UNE VINGTAINE de kilomètres au sud de Casablanca, aux portes de la ville verte de Bouskoura et de sa forêt d’eucalyptus, ont été développés des projets immobiliers d’envergure. Parmi les plus récents, la résidence High Hills, sur les hauteurs de la ville, comprend 28 villas au design élégant, mesurant de 450 m² à 750 m². Les magnifiques maisons avec jardin et piscine privés ont été conçues et réalisées en deux ans par les jeunes agences locales Studio KS et MB Backstage architecture, chapeautée par Maha Benyachou. Épurées, minimalistes et modernes, elles ont été construites dans des matériaux exclusifs (certaines carrières ont été entièrement dédiées AFRIQUE MAGAZINE

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à ce projet), comme le bronze-élite, le travertin italien ou encore le granit Patagonia, aux nuances uniques et spectaculaires. Chaque espace s’articule autour d’un vaste salon en double hauteur, doté d’une cheminée, qui donne sur le jardin. En son centre, les architectes, soigneux dans les moindres détails, ont planté un olivier, symbole de prospérité. Un deuxième salon, plus intimiste, profite de la double hauteur à l’étage, offrant des vues feutrées sur la verdure et s’ouvrant sur quatre suites avec salles de bains privatives. Particulièrement peaufinée, l’arrivée de la lumière naturelle dans chaque lieu de vie sublime l’architecture. ■ L.N.

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ENTEBBE L’Ouganda, entre lac et forêt 26

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Un séjour en COMMUNION AVEC LA NATURE, à deux pas des douces rives du lac Victoria.

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L’ANCIENNE CAPITALE COLONIALE de l’Ouganda, Entebbe, se trouve à une quarantaine de kilomètres à peine de la frénétique Kampala, mais son atmosphère paisible et son environnement unique plongent le voyageur dans un tout autre univers. Cette oasis de verdure est nichée sur une péninsule au nord du lac Victoria, le plus grand du continent, avec ses plages étendues, ses eaux transparentes et ses îles charmantes. Elle est aussi entourée d’une majestueuse forêt tropicale. Pour vivre un séjour en communion totale avec la nature, l’Entebbe Forest Lodge propose des chambres exclusives sous sa voûte enchantée. Dessiné par les architectes de Localworks comme un lodge intimiste, il comprend six accueillants chalets de luxe et un bungalow familial, posés sur des plateformes en eucalyptus. Tout a été construit à partir de matériaux locaux, en harmonie avec l’environnement: seulement deux arbres ont été coupés pendant le chantier, et certains ont même été intégrés aux chambres! L’établissement, inauguré en mars dernier, comprend aussi un bar, un restaurant et une terrasse avec piscine sur les rives du lac Victoria, et travaille activement avec les communautés et les pêcheurs locaux. Parce que développement économique et prise de conscience environnementale peuvent aller de pair! www.ebbforestlodge.com ■ L.N.

WILL BOASE (2)

Nichées au cœur de la forêt, les chambres se veulent en harmonie avec l’environnement.

À quelques kilomètres de l’ancienne capitale, des paysages à couper le souffle.

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C’ESTCOMMENT ?

PAR EMMANUELLE PONTIÉ

COMMENT IMAGINER… Tradition oblige, chacun se prépare à fêter la fin de l’année et le passage à la nouvelle. Par un repas familial, au minimum, pour tout le monde, voire une messe et des cadeaux de Noël pour d’autres. C’est censé être un moment de joie, de partage. D’espoir, aussi, avec son lot de vœux et de bonnes résolutions pour le Nouvel An. Nous avons ici souvent souhaité, à cette période, plein de bonnes choses pour tous, pour l’Afrique, pour le monde. Mais cette année, nous pourrions simplement fermer les yeux un instant, et penser à ceux qui ne passeront pas de fêtes du tout à cause de la folie humaine, qui plonge des zones entières peuplées d’innocents dans des guerres insoutenables. Comment, en effet, imaginer une seconde se réunir en famille sous les décombres bombardés non-stop à Gaza, où l’on meurt chaque jour? Des personnes séparées, sans domicile, sans rien, errent sur le territoire, leurs enfants sous le bras, poursuivies par les explosions qui font rage partout et tout le temps. Comment imaginer célébrer Noël en Ukraine, dans des sous-sols glacials, sous les sirènes qui annoncent (ou pas) que ça va frapper ici ou là ? Le calvaire des habitants dure depuis près de deux ans, sans répit, sans espoir d’une solution quelconque à ce jour. Comment imaginer que, depuis huit mois, deux généraux ennemis se battent pour le pouvoir au Soudan, sur le dos des populations, en créant, selon l’ONU, une situation humanitaire déclarée catastrophique? Quel genre de fêtes de fin d’année peut-on vivre dans de telles conditions? Et que dire de l’est de la RDC? Trente ans de conflit, 7 millions de déplacés à l’intérieur du pays – et certainement la guerre la plus sous-médiatisée du monde. Là encore, les enfants passeront la nouvelle année dans la pauvreté et la terreur. On pourrait aussi citer les zones d’Afrique où le terrorisme fait des ravages, avec Boko Haram qui n’a faibli ni au nord du Cameroun, ni au nord du Nigeria, ou l’islamisme brutal qui fait tranquillement son nid dans le nord du Mali… Alors, que peut-on souhaiter à ces milliers de gens pour la fin de l’année, à part peut-être d’arriver à survivre? Survivre à ces enfers qui semblent résister d’année en année envers et contre tous les vœux de paix formulés à cette période. Évidemment, on va prier ou crier très fort pour DOM

que 2024 soit plus douce que 2023 et ses décennies précédentes. Mais, dans le doute, essayons juste d’avoir une pensée pour tous les oubliés des fêtes de fin d’année. Simplement ça. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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