JIM DINE
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PAR I S | R U E B E AU B OU RG 7 novembre – 23 décembre 2020
JIM DINE
JIM DINE
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JIM DINE
Anne-Claudie Coric
Directrice générale, Galerie Templon
LE TEMPS DISTENDU
Espoir, supplique, injonction, A Day Longer, le titre de l’exposition voulu par Jim Dine, sonne comme le glas. Aussi ambigu que son tracé manuscrit caractéristique, A Day Longer annonce ou regrette. Il ressemble à un graffiti enfantin mais aussi à l’avertissement, calligraphié avec soin, du condamné. En français, ce titre pourrait se traduire par « Encore un jour » ou « Un jour de plus ». Il devient aussi « Un jour plus long », une journée dont la durée serait distendue, peut-être, par la contemplation lumineuse d’œuvres créées dans la jubilation et l’urgence : une course contre le temps. Car ce Day Longer anglais, en gestation pour les cimaises A DAY LONGER de la Galerie Templon depuis près de trois ans, est plus C’EST LE made in France que jamais. Les circonstances de ce printemps 2020 ayant imposé à Jim Dine le nomade de frei- MEMENTO MORI ner brutalement, il a dû se poser, bien plus longtemps que DE JIM DINE. d’ordinaire, entre les murs de son atelier parisien. La solitude prolongée et la confrontation perpétuelle avec un peuple de toiles, de peintures, de reliefs, de sculptures en préparation, ont sans doute intensifié une introspection déjà ardente. A Day Longer c’est le memento mori de Jim Dine. C’est sa réponse amusée à l’étonnement du visiteur qui s’émerveille de la profusion de ses créations et de son énergie hors du commun : « You know, it’s death breathing down my neck… » Si Jim Dine revendique volontiers de ne pas maîtriser la langue française et d’apprécier le cocon que cette méconnaissance autorise, il est, de fait, parisien par intermittence depuis une quarantaine d’années. Il aime passionnément notre pays et saisit instinctivement cet « esprit français » : son culte de la beauté, son sens de l’universel si peu universel, ses rêves de grandeur, sa hantise de la décadence, son rapport intime à la littérature et aux arts comme ciment secret de la culture. Depuis longtemps, le pied-à-terre de la rue de Verneuil, qu’il réservait à la pratique du dessin et à la réalisation de petits formats, a été remplacé par l’appartement clair de la rue Madame. Il y a dessiné de larges fusains de Pinocchio, de chats humains, de plantes ou d’outils, ses motifs de prédilection. On a vu s’y épanouir ses cœurs célèbres, ronds et volants comme des emblèmes, enchantés de découvrir une gravité toute particulière sous le ciel de Paris. Ces adresses germanopratines pour « Américain à Paris » ont été, depuis six ans, supplantées par le gigantesque atelier de Montrouge. De cet ancien 3
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garage caverneux à la périphérie d’une « ville lumière » vacillante, Jim Dine a fait un terrain de jeu à sa mesure. On peut y découvrir la réplique grandeur nature d’une commande de plafond, une tête monumentale, tel un Sphinx, prête à être fondue, des prototypes en polystyrène, mais aussi des gravures abstraites, des sculptures en bois, en bronze, des autoportraits au fusain… Rares sont les toiles au sens classique du terme. Sa peinture, occupant souvent de larges panneaux de bois, est sculptée avec détermination, exhibant les cicatrices de tronçonneuse, les coups de burin et les explosions de fusain. A Day Longer, c’est ainsi le chant de l’œuvre elle-même, à laquelle Jim Dine donne, comme Gepetto à la bûche magique de Collodi, une voix et un visage. Les peintures semblent implorer un jour de plus, un jour pour être faites, de nouveau, puis défaites. Se métamorphosant à la diable, blessées de repentirs soudain JIM DINE NOUS sublimes, les œuvres de Jim Dine semblent toujours sur le point de se fabriquer elles-mêmes. La toile est une palette, EMPORTE DANS LE monstrueuse quand elle s’épaissit de couches feuilletées à La fresque devient façade de quincailler fou quand MYSTÈRE ET l’excès. elle se couvre d’outils explosés. Les toiles sont planchers LA FOLIE DE L’ACTE quand elles s’ornent de taches grattées et de dégoulinures. Elles se dressent comme œuvres d’art certes, mais elles DE CRÉATION. respirent comme des planches à graver, des établis, un mur, un sol ou un plafond, et pourquoi pas l’intérieur tout entier de l’atelier, compressé en surface picturale échevelée. Surtout, elles se muent, inexorablement, en figures voire en autoportraits. Comme des suaires, elles révèlent tour à tour le visage de l’artiste et des physionomies lointaines, rescapées de l’enfance ou réminiscences de l’histoire de l’art. De la même manière que certaines toiles de l’exposition ont fort littéralement connu des vies antérieures, toutes nous fixent avec les visages métamorphosés de vies passées ou futures. Enfin, il n’est pas anodin que A Day Longer soit également le titre de l’ouvrage publié récemment par Jim Dine. Non pas un recueil de poèmes, mais bien un livre de poésie, une sorte d’objet-livre-voix, avec enregistrements, où la pratique poétique de Jim Dine se déploie en textes muraux dessinés à la main, effacés, raturés, repris de concert par ses assistants. Cette allégresse de mots, dont les lectures publiques, véritables performances, évoquent le slam, la Beat generation ou les nuits électriques de Greenwich Village, est la même que celle qui anime sa démarche plastique. Pour lui qui avoue s’être longtemps tenu à distance des livres pour cause de dyslexie capricieuse, la poésie, comme la peinture, est une pure énergie intérieure. C’est un viatique pour exorciser, pour exister. On cherche souvent à « historiciser » l’œuvre de Jim Dine, à faire de lui un pionnier (des happenings), un pape (du Pop Art), une légende (de la peinture américaine du xxe siècle). On veut lire dans ses recherches la fusion entre le travail de ses aînés, les immenses Abstract Expressionists new-yorkais et celui de ses pairs du Pop Art, de Rauschenberg à Oldenburg. Réduire Jim Dine à l’art américain triomphant du xxe siècle, c’est pourtant se tromper. Jim Dine est résolument un artiste de notre époque brûlante et apocalyptique. Farouchement indépendant, il ne cherche pas à déchiffrer le monde extérieur, à porter un regard critique sur le vrai ou le juste, à nous convaincre. Animé d’une perplexité existentielle, il ne témoigne que d’une seule volonté : faire advenir au monde sa singularité propre, d’homme, de poète et d’artiste. Il tente de faire naître ce qu’il porte en lui-même, ce qui l’obsède, le dévore, pour mieux le regarder en face, et ainsi se sauver. Il y a de la pythie chez Jim Dine. Il nous emporte dans le mystère et la folie de l’acte de création. Son œuvre est un phare qui propose à chacun de sonder les ressources de la beauté et ainsi l’infini de l’espoir. 4
JIM DINE
Anne-Claudie Coric
Executive Director, Galerie Templon
TIME DISTENDED
Be it a hope, a plea, or a demand, A Day Longer, Jim Dine’s chosen title for the exhibition, has the ring of a somber knell. As ambiguous as the characteristic handwriting in which it is inscribed, A Day Longer both announces and regrets. It could be a childish graffiti, yet also the carefully penned warning of the doomed. It could mean “one more day”, but also suggests “a longer day”—a day the duration of which might be distended, perhaps, by the illuminating contemplation of artworks created with a sense of both jubilation and urgency: a race against time. Formulated in English yet more “made in France” than ever, this Day Longer exhibition has been in preparation for Galerie Templon for well over three years. The circumstances of spring 2020 forced the nomadic Jim Dine to a halt and he spent a much longer period than expected within the walls of his Parisian studio. The prolonged solitude and perpetual confrontation with a people of unfinished canvases, paintings, reliefs, and sculptures no doubt heightened his ever-intense introspection. A Day Longer is Dine’s memento mori. It is his amused response to the visitor who marvels at his prolific creativity A DAY LONGER and uncommon stamina: “You know, it’s death breathing IS DINE’S down my neck…”
MEMENTO
While Dine makes no secret of his imperfect grasp of the MORI. French language and enjoys the cocoon that this lack of mastery allows, he has been an intermittent Parisian for some forty years. He has a passion for France and an instinctive understanding of the “French spirit”: its worship of beauty, its sense of the universal that is hardly universal, its dreams of grandeur and fear of decadence, its intimate relationship with literature and the arts, as the hidden cement of a culture. Some time ago Dine left his pied-à-terre on Rue de Verneuil, where he would mainly draw and paint small canvases, to move to the light-filled apartment of Rue Madame. Here, this American-in-Paris created large charcoal drawings of Pinocchio, cat-headed humans, plants, and tools, some of his favoured motifs. Among them danced his famous hearts, full and flying like emblems, delighting in this new sense of Parisian gravity. In 2014, however, these Left Bank addresses were superseded by the gigantic studio of Montrouge. Dine turned this cavernous former garage, at the edge of our flickering city of lights, into his own personal playground. There 5
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one can discover the full-size replica of a ceiling commission, a monumental Sphinx-like head awaiting casting, polystyrene prototypes, abstract prints, sculptures in wood or bronze, and self-portraits in charcoal. In the end, there are very few canvases in the classical sense of the term: often executed on broad wood panels, his paintings, created with bold purpose, display the scars left by chainsaw, chisel marks, and exploded charcoals. A Day Longer is the work’s own self-expression: for Dine gives it a voice and a face, as Collodi’s Geppetto did his magical log. His paintings seem to beg for one day longer, one day more to be made, once again, unmade and then remade. Mercilessly transformed, wounded with pentimenti that suddenly enhance and elevate, Dine’s works always seem to be on the verge of bringing themselves to life. Thickened with layer upon layer, they resemble a monstrous palette. Scattered with exploded tools, they conjure up a mad hardware merchant’s window display. Splashed with scraped spots and drips, they become a workshop’s floor. His paintings rise in front of us as artworks but they breathe as a carving block, a workbench, a wall, a floor, a ceiling, and why not the whole interior of a studio, compressed into the dishevelled surface of a picture. Inexorably, they morph into figures, or unlikely self-portraits. Like a holy shroud, they reveal faces – the artist’s face, or those of distant characters escaped from childhood or art history. Just as some of the paintings JIM DINE TAKES in the exhibition have, quite literally, experienced former US INTO lives, all of them gaze at us with features transformed by past or future lives.
THE MYSTERY AND MADNESS OF THE CREATIVE ACT.
Significantly, A Day Longer is also the title of Jim Dine’s recently published book: not a collection of poems, but t ruly a book of poetry, a kind of voice-book-object containing recordings, in which Dine’s poetic compositions are presented in wall texts drawn by hand, erased, crossed out, and rewritten, often in collaboration with his assistants. This exultation of words, whose public readings, genuine performances, evoke slam, the Beats and electric nights of Greenwich Village, is the same that flows through his visual art. For Dine, who admits to having long kept his distance from books because of a capricious dyslexia, poetry and painting are both pure inner energy; a channel through which to exorcise, and to exist. People often seek to “historicise” Dine, to present him as a pioneer (of happenings), a pope (of Pop Art), a legend (of twentieth-century American painting). They interpret his practice as a combination of that of his elders, the great New York School abstract expressionists, and that of his Pop Art peers, from Rauschenberg to Oldenburg. Yet it is a mistake to reduce Jim Dine to a glorious chapter of twentieth-century American art. Dine is very much an artist of our burning, apocalyptic times. Fiercely independent, he does not seek to decipher the outside world, nor to cast a critical eye on Truth or Justice. He does not try to convince us. Driven by an existential perplexity, he offers but one quest: to deliver into the world his own singularity, as a man, a poet, and an artist. He seeks to bring forth what he carries inside, what obsesses and devours him, the better to look it in the face, and thereby save himself. There is something of the Pythia about Jim Dine. He takes us into the mystery and madness of the creative act. His work is a beacon that urges us to explore the resources of beauty, and thus the infiniteness of hope.
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Annalisa Rimmaudo
Attachée de conservation, collections contemporaines du Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris
A DAY LONGER
Un jour de plus1
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uand, en 1974, en discutant avec son cousin, Jim Dine lui confesse ne pas se sentir prêt à satisfaire son désir de peindre une foule2, comme dans les œuvres modernes célèbres, il ne pouvait pas imaginer qu’il la peindrait à la veille de la crise sanitaire et d’un confinement où la peur de la contagion nous a conduits à voir tout rassemblement comme le symbole de l’échec de la modernité. La vie moderne connaît l’expérience de la foule, pour la première fois, au milieu du xixe siècle industriel ; des masses qui se déplacent, qui se croisent, se rassemblent, se mêlent sans se connaître3. Décrite par Friedrich Engels, Walter Benjamin ou Charles Baudelaire, qui exaltait la clameur de la rue, l’énergie de la multitude4, elle a été plus énigmatique pour Elias Canetti. Dans Masse et Puissance, il en soulignait les contradictions : d’une part l’illusion de la protection offerte à l’homme, qui dans la masse fusionne en un seul corps, et de l’autre l’émulation aveugle qui se cache derrière l’anonymat. L’homme dans la foule, comme dans un récit d’Edgar Allan Poe5, se perd, il est seul.
dans le bois, ces masques aux expressions mélancoliques et accablées flottent au milieu de débris, d’éclats picturaux, de résidus d’éléments qui composent le glossaire du langage de Jim Dine. L’autre, anonyme, surgit de l’inconscient non pas comme une entité, mais comme un simulacre à la physionomie d’un masque primitif. Comme il le dit, « à 85 ans, j’ai beaucoup de visages dans ma tête et beaucoup dans mes mains, dans la façon où mes mains bougent »6. En 1968, il avait réalisé à Londres une grande peinture, Name Painting (1935-1963) # 1 7, réunissant les noms de toutes les personnes qu’il avait connues jusqu’alors. Cette foule d’êtres chers se transformait en un paysage où l’identité de chacun se diluait dans une image. À l’inverse, cette nouvelle masse est peuplée d’inconnus, chacun isolé, se détachant du gouffre commun, ne manifestant aucune interaction. Avec leur apparence factice, ces ombres lugubres se superposent à la réalité, au monde concret. Elles ne soulignent pas seulement la tromperie de la modernité.
PEINDRE LA FOULE C’EST UNE FAÇON POUR JIM DINE DE REPENSER SA SOLITUDE.
Il poursuit cette quête en donnant vie à un étrange personnage, une figure tirée des récits de sa jeunesse et de ses pires cauchemars. Composée de rebuts de bois, la mort, la faucheuse, comme l’identifie Jim Dine, est telle qu’elle apparaît dans ses mauvais rêves depuis l’enfance ; elle prend l’apparence d’un homme coiffé d’un grand chapeau cylindrique noir. D’aspect suranné, articulé à la façon d’une marionnette, il encombre l’espace de la toile avec sa fragile rigidité. Son long nez, comme celui des Pinocchios si chers à l’artiste, est le seul attribut qui en accentue la présence et le rend moins abstrait. Les autres bouts de bois qui le façonnent ressemblent à des os, ils trament un squelette qui structure, qui ordonne l’espace. Ces fines baguettes renvoient à la fois à l’inconsistance de ce spectre mais aussi à la précarité de la vie que
Peindre la foule, c’est une façon pour Jim Dine de repenser sa solitude, sa relation aux autres et au monde, du haut de son expérience et au milieu d’une situation cruciale. Les passants de At Night, I Ride sont des masques comme dans les carnavals grotesques d’Ensor. Ils émergent d’une obscurité dense non sans rappeler les œuvres de l’expressionnisme allemand, et spécialement celle de Kirchner, par le caractère effilé, pointu des personnages ainsi que par l’atmosphère dans laquelle ils baignent. Ces visages taillés 7
1. Jim Dine, poème « Fine Gold », 2020. 2. Il ne pouvait pas peindre une foule car « trapped with all what I am », « piégé dans tout ce que je suis », discussion avec Jim Dine, juin 2020, TDA. 3. Yves Bonnefoy en a fait le sujet d’une série de conférences magistrales tenues à la Bibliothèque nationale de France entre le 26 et le 29 novembre 2001 et retranscrites dans la publication Le poète et le « flot mouvant des multitudes », Paris, éd. BNF, 2001. 4. Charles Baudelaire, « Le Peintre de la vie moderne », écrit en 1859 et publié dans Le Figaro en 1863. 5. Edgar Allan Poe, « L’Homme des foules », titre original «The Man of the Crowd », publié pour la première fois dans Burton’s Gentleman’s Magazine en 1840. 6. « 85 years old I got a lot of heads in my mind and a lot in my hands in the way my hands move », discussion avec Jim Dine, Montrouge, juin 2020, TDA. 7. Fusain sur toile. 201,9 x 476,3 cm, 79 1/2 x 187 1/2 in. National Gallery of Art, Washington D.C., Don Patsy Orlofsky à la mémoire de Myron Orlofsky.
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propre représentation, à travers ses autoportraits et ses alter ego comme la robe de chambre, les outils, les Pinocchios, les Vénus, ce sujet se dégage des autres ; il ne s’agit d’ailleurs pas d’un personnage ou d’un objet précis, mais d’une vision fatidique. Cette « nature morte transformée en figure »11, comme Jim Dine la définit, est aussi particulière dans la disposition même de ses éléments, très hiérarchisés, agencés autour d’une forme en croix. Pourtant si présents dans les œuvres de l’artiste, peu d’outils sont inclus dans la composition, seule une meuleuse demeure en guise de signature. Sa structure insolite rend d’ailleurs cette œuvre encore plus singulière face à une autre pièce commencée il y a un an et terminée durant le confinement. Son titre, The Tongue, est dicté par la présence d’une langue de peinture rose située au cœur de l’œuvre. Cette peinture abstraite, aux couleurs vives, est parsemée de taches, d’objets en relief, de couches épaisses d’acrylique et de coulures. À la manière d’une déflagration joyeuse, elle entraîne les symboles les plus intimes de l’artiste : des ciseaux saillants au profil bien marqué, plusieurs pinceaux, des bouts de bois et de plastique. Une fertile sensualité envahit le tout, entretenue par l’énergie, l’intensité de la gestualité qui la gouverne au point qu’on s’interroge sur l’ambiguïté de la protubérance rose. Il s’autodécrit à travers cette explosion féconde qui caractérise son état d’âme et, pour ce faire, il fait appel non seulement à son vocabulaire, ses outils, mais il rend aussi hommage aux deux domaines à travers lesquels il s’exprime, la création plastique et celle verbale, symbolisée par la représentation de la langue qui désormais occupe une place centrale. Le vide autour de cette forme engendre le mouvement des autres formes qui semblent tourner autour d’elle dans un tourbillon véhément.
CETTE « NATURE MORTE TRANSFORMÉE EN FIGURE », COMME JIM DINE LA DÉFINIT…
Winter Dream (for V), 1995 Gravure tirée d’un portfolio de 12 gravures sur bois sur papier buvard gris recyclé One print from a portfolio of 12 woodcuts on recycled grey blotter paper 170 x 129,5 cm / 67 x 51 in.
cette image véhicule. Debout au milieu de la toile, surgi des profondeurs, voici l’homme qui connaît notre sort8, celui qui en décide. S’il n’apparaît que
8. « That it’s a man that eventually knows how long is destiny, the guy who ultimately says when and how », discussion avec Jim Dine, Montrouge, juin 2020, TDA. 9. « A fragile spirit » in « Easter » ; « the missing Jew » in « Last Year’s Forgiving Heart »; « a transient spirit » in « Lorine Neidecker »; « the fireman shoveling » in « A Twentieth Century.» 10. « Remember the assayer… the bones the crust of Ego and Rust remover », Fine Gold, 2020. 11. « a still life morphed in a figure », discussion avec Jim Dine, juin 2020, TDA.
rarement dans l’œuvre plastique de l’artiste, il figure cependant, toujours coiffé d’un cylindre noir, parmi les estampes de la série des Winter Dreams (1995). Malgré cela, ce personnage, Prophet in the Storm, dont l’aspect est fortement inspiré par les bandes dessinées que Jim Dine lit depuis son enfance, lui est très familier. On le rencontre régulièrement dans ses poèmes et en particulier dans les derniers où il est mentionné de différentes façons. Tel « un esprit fragile », « un esprit transcendant », il est le chauffeur de locomotive dans le poème Twentieth Century qui, dans ces « jambes noires », la pelle à la main », alimentant son feu, contrôle le mouvement éternel. Il est le « damné clown » au pas désespéré qui détruit, divise en traînant derrière lui son rire maudit (Jim’s palette).9 Dine met en garde : « Souviens-toi de l’essayeur », le testeur d’or fin, celui qui fait disparaître « les os, qui efface la croute de l’ego et sa rouille… »10. Alors qu’il habitait le domaine de la figuration de sa
Il est indéniable que l’activité poétique de Jim Dine a pris une importance majeure ces dernières années en se développant en complicité avec la création plastique. Ce dialogue, désormais équilibré, constitue la source de tout son travail. La liberté que révèle son œuvre poétique émane de l’origine du poème, distillé de son expérience, de son vécu plus que sa peinture qui est le fruit d’une élaboration de la relation stratifiée à soi-même. 8
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tue sans doute un exemple. Sa construction suit la pratique poétique qui consiste à poser une phrase ou quelques mots sur plusieurs bandes de papier13.
L’une comme l’autre discipline partagent la même méthode fondée sur l’usage esthétique et sonore d’un objet, d’un mot. La couleur, les outils sont des matériaux de sa peinture au même titre que les mots le sont de ses poèmes. Cependant, si le dialogue entre ces deux arts est de plus en plus intense, ils occupent deux moments précis de création. Dine ne s’interrompt pas sur une peinture pour écrire un poème, « my hand is clean when I write ». D’habitude il écrit quand il ne peint pas, parfois il annote une phrase quelque part, pour éventuellement l’utiliser plus tard. « C’est beaucoup plus difficile pour moi de commencer un poème qu’un tableau, je dois attendre et puis je m’implique. Ce qui est amusant dans le poème, ce que j’aime, c’est de trouver le chemin à parcourir si j’ai été perdu à la recherche du bon mot. Je trouve cela très intéressant. Avec la peinture, j’avance, je sais où je vais, plus que jamais, et parfois je m’étonne, une fois le coup de pinceau donné, de la marque qu’il a laissée, je suis surpris de ce qui apparaît, je ne sais pas ce qui a pu se passer, je l’ai seulement fait. Parce que j’ai 85 ans et que je suis dans la peinture depuis 80 ans, à poser littéralement un trait depuis 80 ans. » 12 L’observation à laquelle la poésie l’invite l’emmène dans une perspective qui lui permet d’approfondir sa recherche picturale. La page comme la toile sont des espaces, presque des modules, qui le défient. The Rules of the Forest, une acrylique sur bois en quatre parties, en consti-
La légèreté de la feuille est remplacée par les quatre panneaux en bois de tilleul et de frêne, coupés en bandes verticales, chacune différente. Tout comme pour le procédé poétique, il y a un découpage, et chaque partie est autonome. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un polyptyque, les panneaux ne semblent pas appartenir à une seule et unique œuvre même s’ils montrent une continuité expressive et linguistique. L’œuvre se présente comme une délivrance émotive et un exercice de style à la fois, tout comme les bouts de papier offrent à l’artiste une approche décontractée ainsi qu’une exploration pointue de la langue. En joignant l’action de tailler à celle de peindre, il expose le grain du bois directement à la peinture et peut ainsi étudier les traces que l’acrylique laisse durant le travail du ciseau à bois.
LA PAGE COMME LA TOILE SONT DES ESPACES, PRESQUE DES MODULES, QUI LE DÉFIENT.
Prophet in the Storm (détail), 2020 Huile, acrylique et bois sur panneau de bois Oil, acrylic and wood on panel 246 x 246 x 19 cm / 96 7/8 x 96 7/8 x 7 1/2 in.
12. « It is much harder for me to begin a poem than a painting, and I have to wait and then I get involved. What is fun in the poem and what I enjoy is finding the way to go if I’ve been lost in finding the right word and I find that very interesting. With painting I go and I go, I know where I go, more than I ever did, and I surprise myself sometimes when the stroke is done, what the mark has made. I surprise myself how it looks. I don’t know what happened. I just made it, because I’m 85 and I’ve been painting for 80 years, literally putting down a mark for 80 years », discussion avec Jim Dine, Montrouge, juin 2020, TDA. 13. Jim Dine fait référence entre autres au « poem moving around, surrealist method, I thought of Brion Gysin », ibidem.
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la longue toile abstraite, Forgotten Harvest, Fragrant Spirit, au milieu d’un brouillard coloré aux grandes taches. Leur présence est surlignée par une baguette qui court tout le long de la toile et fonctionne comme une ligne dans un cahier. Montrée une première fois en 2014 à la galerie Daniel Templon à Bruxelles avec le titre A Fingerprint of Stars, l’œuvre a été retravaillée maintes fois par l’artiste. Le module des moulages, plus ou moins carré, est répercuté picturalement sur la toile en la rythmant. On pense aux Color Charts réalisées par l’artiste dans les années 1960 et 1970 mais la systématicité, l’objectivité inventoriable ont laissé place à un schéma libre se rapprochant plus de la méthode linguistique utilisée pour ses poèmes, où Jim Dine suscite un écho autour d’un mot ou d’une idée. Il intègre ainsi, dans l’élaboration picturale, son évolution technique et mentale issue d’autres pratiques, distinctes de l’expérience plastique. Le troisième moulage, réalisé en fer, est placé au cœur de The Twisted Lyre, une toile peinte entre 2019 et 2020. Il la reprend à plusieurs reprises, comme cela lui arrive fréquemment, et décide d’incruster au centre son autoportrait, à la place d’une Vénus qui fonctionnait déjà comme un double de l’artiste. Par son matériau, cette version plus sévère, abrupte, donne une autre tension à l’œuvre. La tête semble difficilement émerger d’un magma pâteux. La proportion entre la taille du module et celle de la toile accentue une sorte de mise en abyme de soi. Alors que les masques de la foule de At Night I Ride n’étaient que juxtaposés à une surface, cet autoportrait en relief, enfoncé dans la masse picturale qui l’entoure, est si amalgamé au reste qu’il semble transpercer la couche pour pouvoir apparaître.
PAR CES DERNIERS MASQUES, JIM DINE SYMBOLISE LA FINITUDE ET LE NÉANT QUI CONSTITUENT LA VÉRITÉ DE L’HUMAIN.
Head #1, 1959 Aquarelle sur papier Watercolour on paper 61 x 44,5 cm / 24 x 17 1/2 in.
14. Durant son séjour dans le Kentucky chez un oncle.
Le mot, la forme, tels un module, engendrent le travail. Depuis l’an dernier, le carré délimite le terrain des autoportraits. Dine en fait plusieurs (sur bois et sur toile) dans un style expressionniste, en étalant généreusement des couches de peinture très colorée. Nombreux, toujours plus éloignés du sujet, ils l’effacent plus qu’ils ne le révèlent, comme pour l’ensemble des autoportraits d’Antonin Artaud, que Jim Dine observe avec admiration. Là encore, le support concourt à la lecture de l’œuvre : il ne s’agit pas toujours d’une forme géométrique, souvent le bois est découpé comme pourrait l’être un fragment de papier sur lequel l’artiste aurait esquissé un autoportrait avec des couleurs ou avec des mots. Il se sert de ce même module comme point de départ pour créer deux grandes toiles. L’été dernier, Dine a réalisé, dans sa fonderie de Bocquel, trois autoportraits – en bronze, en aluminium et en fer – d’après une empreinte en cire. Si ces moulages n’ont pas été conçus à l’origine pour être inclus dans des toiles, ils le seront pendant la période du confinement où l’artiste a été particulièrement prolifique. Deux d’entre eux, celui en bronze et celui en aluminium, surgissent dans
De tels moulages fonctionnent comme des masques, fabriqués sur le patron de son propre visage ; ils amplifient, eux aussi, la distance avec le sujet dupliqué. Au demeurant, ce thème constitue le point de départ de Jim Dine. Durant l’été 1959, il réalise de nombreux visages peints14, qui seront exposés à la Reuben Gallery, et qui révèlent, dans leur abondance, une recherche et une obstination de cette forme bidimensionnelle détachée du fond. La tête, le masque, constitue encore le motif de At Dunkerque 1 & 2, deux sculptures terminées à l’été 2020. Elles naissent sur le plancher de l’atelier comme 10
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issout, le fantôme de l’inconscient, les doubles de d soi et ces illusions nées d’un jeu d’assemblage – , ne servent plus à la dissimulation du soi comme le faisaient les alter ego, souvent employés par l’artiste. Vidés de soi, ils formulent un écart avec la figure et permettent une sorte d’abstraction. Il ne s’agit pas d’un artifice pour s’évader de la réalité, un moyen de déjouer l’angoisse et le malaise. Par ces derniers masques, Jim Dine symbolise la finitude et le néant qui constituent la vérité de l’humain. Ainsi, dans la poésie, où son imaginaire se traduit et s’affine, ce constat se matérialise dans d’âpres sentences. « No Reason to Real », écrit-il sur l’une des bandes de papier. Dans ce choix plastique dépliant une grandeur intime, en ce temps de rupture qui traverse notre société, l’artiste porte l’interrogation inquiète sur la place de l’homme.
deux collages aplatis, élaborés avec des éléments volumétriques. Jim Dine a composé au sol les deux visages en associant différents objets : du bois ramassé dans l’atelier, du plastique découpé, des bouts de masques africains. Il a ensuite envoyé chaque élément à la fonderie où chacun a été coulé en bronze. Une fois disposé le système qui sert de base, l’artiste a dirigé l’assemblage des pièces en reconstituant la disposition faite auparavant sur le sol de son atelier. Enfin, il a peint chaque ensemble à l’émail. Elles s’érigent sur des structures verticales comme des stèles, ou plutôt comme des tiges, à l’instar de celles utilisées dans les théâtres d’ombres asiatiques. Mais elles conservent, malgré leur tridimensionnalité, la fraîcheur du collage, la manipulation spontanée qui conduit à l’association des fragments colorés, et détermine la nature ludique de leur origine, le hasard de la composition. Comme dans les nombreux masques en carton découpé, peint et collé de Marcel Janco, ces œuvres, dans un style gauche et primitif, offrent un visage morcelé, disloqué. Encore un trompe-l’œil ?
15. « Masque », poème fois dans La Revue Contemporaine en 1859 et repris dans la seconde édition des Fleurs du Mal.
Annalisa Rimmaudo, août 2020
Dans son poème « Masque »15, Charles Baudelaire en traduisait l’essence, terminant par ces vers : Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu ! Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux, C’est que demain, hélas ! il faudra vivre encore ! Demain, après-demain et toujours ! – comme nous. A Fingerprint of Stars (2nd Version), 2014 Acrylique, sable et fusain sur toile Acrylic, sand and charcoal on canvas 152,5 × 428 cm / 60 × 168 1/2 in.
Tous ces faux-semblants, ces ersatz – ceux des visages d’une foule dans laquelle l’individu se
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Annalisa Rimmaudo
Assistant curator, Contemporary collections, Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris
A DAY LONGER1
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1. From Jim Dine’s poem “Fine Gold,” 2020. 2. He could not paint a crowd because he was “trapped with all that I am.” Conversation with Jim Dine, June 2020. 3. Yves Bonnefoy gave a series of lectures on this subject at the Bibliothèque Nationale de France between November 26 and 29, 2001, published in Le poète et le “flot mouvant des multitudes,” Paris, BNF, 2001. 4. Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne (The Painter of Modern Life), written in 1859 and published in the newspaper Le Figaro in 1863. 5. Edgar Allan Poe, The Man of the Crowd, first published in Burton’s Gentleman’s Magazine in 1840. 6. Conversation with Jim Dine, Montrouge, June 2020. 7. Charcoal on canvas. 201,9 x 476,3 cm, 79 1/2 x 187 1/2 in. National Gallery of Art, Washington D.C., gift of Patsy Orlofsky in memory of Myron Orlofsky.
Crowds and Power, Canetti highlighted its contradictions: on the one hand, the illusion of protection it
hen Jim Dine said, in conversation with his cousin in 1974, that he did not feel ready to fulfil his desire to paint a crowd,2 as in the famous modern works, he was far from imagining that he would do so on the eve of a pandemic and a period of lockdown during which the fear of contagion caused us to perceive gatherings of people as symbolising a failure of modern life. Industrial society brought the first experience of crowds in modern times; masses of people moving, meeting, and mingling without knowing each other.3 Described by the likes of Friedrich Engels, Walter Benjamin, and Charles Baudelaire, who celebrated the noise of the streets and energy of the masses4, the crowd was, for Elias Canetti, a more enigmatic phenomenon. In
afforded the individual, fused with the mass in a single body, and on the other, the blind emulation brought about by anonymity. The man of the crowd, as in Edgar Allan Poe’s short story,5 is lost, and alone. Painting the crowd is a means for Dine to rethink his solitude and his relationship with others and the world, from the perspective of his own experience and in the midst of a critical situation. The passers-by in At Night, I Ride are masks, as in Ensor’s grotesque carnivals. They emerge out of a deep darkness reminiscent of German expressionist works and notably those of Kirchner in the thin, pointy form figures and the atmosphere surrounding them. These faces like wood carvings, these masks with sad or stricken expressions, float amid pictorial debris and fragments, remnants of elements that make up the vocabulary of Dine’s language. The anonymous figure of “the other” emerges from the unconscious not as an entity but as a simulacrum with the face of a primitive mask. As Dine puts it, “Eightyfive years old and I got a lot of heads in my mind and a lot in my hands in the way my hands move.” 6 In 1968 in London, Dine executed a large-format work, Name Painting (1935-1963) #1,7 which included the names of all the people he had known until then. This multitude of loved ones formed a landscape in which each person’s identity was diluted in an image. Conversely, this new crowd is made up of unknown people, each person isolated, detached from the mass, showing no interaction. These fabricated, lugubrious shadows are superimposed on reality, on the concrete world, and do more than show the deceptiveness of modernity.
At Night, I Ride (détail), 2020 Huile, acrylique et têtes en bois sur panneau de bois Oil and acrylic on panel with wooden heads 249 x 249 x 16 cm / 98 x 98 x 6 1/4 in.
He pursued this line of research by bringing to life a strange character taken from the story books and nightmares of his childhood. Dine’s Grim Reaper, made 12
JIM DINE
of his wretched laugh (“Jim’s Palette”).9 Dine offers a word of warning: “Remember the assayer”, the fine gold tester, the man who makes “the bones the crust of Ego and Rust remover”.10 While the artist’s figurative work has been mostly inhabited by himself, through self-portraits and alter egos such as the bath robe and tools, the Pinocchios, and the Venuses, this subject stands apart from the others; besides, it is not a specific character or object, but a fateful vision. This “still life morphed in a figure”,11 as Dine defines it, also differs in the strongly hierarchical arrangement of its elements, placed around a form in the shape of a cross. Few tools appear in the composition, although they are often present in the artist’s works; only a grinder appears, as a signature. In its unusual structure, this work forms a sharp contrast with another piece, begun in 2019 and completed during the coronavirus lockdown. Its title, The Tongue, refers to the tongue of pink paint visible in the centre of the work. This brightly c oloured abstract work is dotted with objects in relief, thickly layered acrylic and drippings. The artist’s most personal symbols appear in a cheerful explosion of forms: s cissors in sharp relief, several brushes, pieces of wood and plastic. The work as a whole is steeped in a rich sensuality, sustained by the gestural energy and intensity and heightening the ambiguity of the pink protuberance. Through this rich profusion reflecting his mood, Dine produces a self-description, and he does this not only by using his vocabulary and tools but also by paying tribute to the two fields through which he expresses himself, visual art as well as verbal art, symbolised by the tongue that now occupies a central position. The emptiness around this form brings about the movement of the other forms which seem to revolve around it in a fierce whirl.
PAINTING THE CROWD IS A MEANS FOR DINE TO RETHINK HIS SOLITUDE.
At Dunkerque Version 2 Unique State 1/6 (détail), 2020 Bronze /Bronze 154 x 59 x 57 cm / 60 5/8 x 23 1/4 x 22 1/2 in.
of scraps of wood, resembles the figure of death that has inhabited his bad dreams since he was a child: a man wearing a large, cylindrical black hat. This old-fashioned, puppet-like figure fills the canvas with its fragile rigidity. Its long nose, reminiscent of Dine’s beloved Pinocchios, is the only attribute heightening its presence and rendering it less abstract. The other bits of wood giving it form resemble a skeleton of bones structuring the space. These thin sticks conjure up both the specter’s immateriality and the impermanence of life that is conveyed by the image. Standing in the centre of the canvas, looming out of its depths, this is the man that knows our fate,8 which is in his hands. While he rarely appears in Dine’s art work, he is present in the series of prints entitled Winter Dreams (1995), always wearing the black cylindrical hat. Nevertheless, Dine is very familiar with this character, Prophet in the Storm, whose appearance is strongly inspired by the comic books he has read since he was a child. He is regularly mentioned in Dine’s poems, particularly the last ones, in which he is referred to in different ways. In “Twentieth Century”, he is the train driver, the “fragile spirit”, “transient spirit”, who, with “dark legs… shoveling” stokes his fire, controlling the eternal movement. He is the “freakin’ clown” with his “desperate step” that splits and destroys in the wake
Jim Dine’s poetry has taken on an undoubtedly greater role in recent years, developing alongside his visual art work. The dialogue between the two, now balanced, lies at the source of all of his work. The freedom of his poetry work stems from its origin, distilled from his life and experience to a greater degree than his painting, which emerges from the representation of one’s layered relationship with self. Both of these disciplines share the same method based on the aesthetic or aural use of an object or word. 13
8. Conversation with Jim Dine, Montrouge, June 2020. “That it’s a man that eventually knows how long is destiny, the guy who ultimately says when and how.” 9. “A fragile spirit” in “Easter”, “The missing Jew” in “Last Year’s Forgiving Heart”, “transient spirit” in “Lorine Neidecker”; “The fireman shoveling” in “A Twentieth Century”. 10. From “Fine Gold”, 2020. 11. Conversation with Jim Dine, June 2020.
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panels of linden and ash wood, forming separate, vertical bands, each one different and working independently, as in the poetic process. Although they form a polyptych, the panels do not appear to belong to a single, unique work, despite their expressive and linguistic continuity. This abstract work is an emotional release and an exercise in style, just as strips of paper offer the artist an informal means to explore language. Through the combined use of cutting and painting, he exposed the grain of the wood to the paint, observing the marks produced by the acrylic as he cut.
olours and tools are materials for his paintings just as C words are materials for his poems. While the dialogue between these two arts is increasingly intense, how ever, they remain separate acts of creation. Dine does not interrupt his work on a painting to write a poem: “my hand is clean when I write”. Usually he writes when he is not painting, sometimes noting down a phrase somewhere, perhaps for later use. “It is much harder for me to begin a poem than a painting, and I have to wait and then I get involved. What is fun in the poem and what I enjoy is finding the way to go if I’ve been lost in finding the right word and I find that very interesting. With painting I go and I go, I know where I go, more than I ever did, and I surprise myself sometimes when the stroke is done, what the mark has made, I surprise myself how it looks. I don’t know what happened. I just made it, because I’m eighty-five and I’ve been painting for eighty years, literally putting down a mark for eighty years.” 12 The work in which poetry invites him to engage offers a different perspective, and one that enables him to explore his painting more deeply. Page and canvas are the spaces, almost like modules, that challenge him. The Rules of the Forest, an acrylic on wood in four parts, is a likely example. It was constructed using the poetic technique of putting a few words or a sentence on strips of paper.13 These light leaves are replaced here by four cutout
Words and form, module-like, give rise to the work. Since 2019, the square format has accommodated the self-portraits. Dine has executed several (on wood and on canvas) in an expressionist style, applying generous layers of brightly coloured paint. In their number and increasing distance from the subject, they obscure Dine more than they reveal him, as in Antonin Artaud’s self-portraits that he admires. Here, too, the surface material contributes to the reading of the work: it is not always a geometric form; often the wood is cut out like a piece of paper on which the artist sketches a self-portrait with colours or with words. He used this same module as a starting point to create two large paintings. In summer 2019, Dine produced a s elf-portrait at the Bocquel foundry, cast in bronze, in aluminium, and in iron, from a wax mould. While these casts were not originally made to appear in his paintings, they were used in this manner during the coronavirus lockdown, when Dine was particularly prolific. Two of them, the bronze and the aluminium, appear in the long, abstract work Forgotten Harvest, F ragrant Spirit, amid a vibrant haze splashed with colours. Their presence is highlighted by a strip of wood running the full length of the canvas and acting like a line in a notebook. First shown in 2014 at Galerie Templon in Brussels under the title A Fingerprint of Stars, the work has been reworked numerous times by the artist. The cast modules, more or less square in format, are transferred pictorially onto the canvas, giving it rhythm. This brings to mind Dine’s Color Charts of the 1960s and 1970s, but systematicity or classifiable objectivity has today given way to a freer approach, akin to the linguistic method used for his poems, where Dine creates an echo around a word or an idea. In this manner, he integrates into his pictorial work the technical and mental developments derived from his other, non-visual practices.
WORDS AND FORM, MODULELIKE, GIVE RISE TO THE WORK.
Dans l’atelier de Montrouge, août 2020. At the Montrouge studio, August 2020.
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12. Conversation with Jim Dine, Montrouge, June 2020. 13. Jim Dine refers to the “poem moving around, surrealist method, I thought of Brion Gysin”, ibid.
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the studio, pieces of cutout plastic, fragments of African masks. He then sent these items to the foundry, where each was cast in bronze. Having put together the structure forming the base, the artist directed the assemblage of the various pieces, recreating the composition previously executed on the floor of his studio. Finally, he painted each ensemble in enamel. They perch on vertical structures like stelae, or, rather, like the sticks used in Asian shadow play. Yet despite their three-dimensionality they retain the freshness of collage, the spontaneous manipulation having produced a combination of coloured fragments echoing their playful origin, the element of chance in composition. As in the numerous masks made by Marcel Janco using cutout painted cardboard and glue, these works in a rough, crude style present us with a fragmented, dislocated face. Again a form of trompe l’œil? Jim Dine et Annalisa Rimmaudo dans l’atelier de Montrouge, août 2020 . Jim Dine and Annalisa Rimmaudo at the Montrouge studio, August 2020.
In his poem “Masque”,15 Charles Baudelaire c omposes an image of the essence of a mask, ending with this verse: “She weeps, you fool, for having lived! and for / living – yet what she laments the most, / what makes her body tremble head to toe, / is that tomorrow she will have to live, and all tomorrows after – like ourselves!” All these mimicries and substitutes—the faces in a crowd in which the individual has dissolved, the ghost of one’s unconscious, one’s doubles, the illusions produced from an assemblage—no longer serve to hide behind, as do the alter egos Dine has often used. Emptied of self, they express a distancing from the figure and enable a form of abstraction. This is not an artifice to escape reality, a means to elude anxiety and unease. In these latest masks, Jim Dine is symbolising the finiteness and nothingness of the human essence. In his poetry, in which his imagination is honed and translated, this is materialised in acerbic aphorisms: “No Reason to Real”, he writes on one strip of paper. Through this artistic choice revelatory of a grandeur within, in these disruptive times that society is currently experiencing, the artist shifts his anxious, questioning gaze to the place of humankind.
The third cast, in iron, appears in the centre of The Twisted Lyre, a painting executed between 2019 and 2020. Dine reworked it several times, as he often does, opting to embed his self-portrait in the middle of the canvas instead of a Venus that previously served as the artist’s double. The material of this more severe, abrupt version of himself brings a different tension to the work. The head seems to emerge with difficulty from a dense magma. The proportional size of the module in relation to that of the canvas accentuates the self-mise en abyme effect. While the masks of the crowd in At Night, I Ride were simply arranged against a surface, this self-portrait in relief, yet sunk into the pictorial mass surrounding it, is so amalgamated with the rest that it seems to be piercing the paint layer in order to appear.
IN THESE LATEST MASKS, JIM DINE IS SYMBOLISING THE FINITENESS AND NOTHINGNESS OF THE HUMAN ESSENCE.
These casts work as masks, created from the template of his own face. In similar manner, they heighten the distance from the duplicated subject. This theme was in fact the starting point for Jim Dine. In the summer of 1959, he produced numerous painted faces,14 which were exhibited at the Reuben Gallery and that reflect, in their abundance, an exploration of and a fascination with this two-dimensional form standing out from a background. The head and the mask appear once again as the motif in At Dunkerque 1 & 2, two sculptures completed in summer 2020. They took form on the studio floor like two flattened collages made with three-dimensional elements. Dine composed the two faces on the floor by combining different objects: bits of wood found in
Annalisa Rimmaudo, August 2020 15
14. During a stay with an uncle in Kentucky. 15. “Masque” (“The Mask”), a poem first published in La Revue Contemporaine in 1859 and again in the second edition of Les Fleurs du Mal. This English translation by Richard Howard, in Les Fleurs du Mal: The Complete Text of The Flowers of Evil, David. R. Godine Publisher, 1983.
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Å’UVRES | WORKS
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Rules of the Forest, 2020 Huile et acrylique sur panneaux de tilleul et de frĂŞne Oil and acrylic on lime and ash tree slates 283 x 288 cm / 111 3/8 x 113 3/8 in.
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Prophet in the Storm, 2020 Huile, acrylique et bois sur panneau de bois Oil, acrylic and wood on panel 246 x 246 x 19 cm / 96 7/8 x 96 7/8 x 7 1/2 in.
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The Tongue, 2020 Huile, acrylique, bois et objets sur panneau de bois Oil and acrylic on panel with wood and objects 246 x 246 x 15 cm / 96 7/8 x 96 7/8 x 5 7/8 in.
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The Twisted Lyre, 2020 Huile, acrylique et tĂŞte en fer sur panneau de bois Oil, acrylic on linen mounted on panel with iron head 249 x 250 x 21 cm / 98 x 98 3/8 x 8 1/4 in.
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At Night, I Ride, 2020 Huile, acrylique et tĂŞtes en bois sur panneau de bois Oil and acrylic on panel with wooden heads 249 x 249 x 16 cm / 98 x 98 x 6 1/4 in.
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Red Laughing, 2020 Huile, acrylique et outils sur panneau de bois Oil and acrylic on panel with tools 249 x 249 x 14 cm / 98 x 98 x 5 1/2 in.
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Forgotten Harvest, Fragrant Spirit, 2020 Huile, acrylique et tĂŞtes en bronze et aluminium incrustĂŠes sur toile Oil and acrylic on linen with bronze and aluminium heads incrusted 161 x 430 x 21 cm / 63 3/8 x 169 1/4 x 8 1/4 in.
At Dunkerque Version 1 Unique State 1/6, 2020 Bronze Bronze 156 x 143 x 47 cm / 61 3/8 x 56 1/4 x 18 1/2 in.
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At Dunkerque Version 2 Unique State 1/6, 2020 Bronze Bronze 154 x 59 x 57 cm / 60 5/8 x 23 1/4 x 22 1/2 in.
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JIM DINE
John Yau
Poet and critic
BREAKTHROUGH: THE RECENT WORK OF JIM DINE
A
rt making for Jim Dine is as natural and important as breathing. Now in his mid-80s, and living under quarantine for the past five months, he has expanded the parameters of what I would describe as his “late work” by opening up a new, unsettling territory to explore in his work. Haunted by premonition and driven by prophecy, this territory is marked by vulnerability, while brimming with defiance, a sense of outrage, tenderness, and a wickedly vulgar sense of humour. In these large relief-like paintings, modestly scaled self-portraits, and sculptures, he faces as well as ruminates over his mortality.
headlines, and he is not interested in propagating the tenet that all experience is mediated. Whatever fears and anxieties we might have in common, Dine recognises that each of us experiences our mortality differently. Born in Cincinnati, Ohio, in 1935, in the midst of the Great Depression, Dine worked in his family hardware store as he was growing up. In 1958, shortly after graduating from Ohio University with a BFA, he moved to New York City. Within a short time, he was a central figure (along with Claes Oldenburg) in the writing, staging, and performance of Happenings, which were intended to break down the barriers separating “art” and “life.” Although Dine is best known as a painter who works across mediums, as well as a prodigiously gifted draftsman and printmaker, I think his early participation in happenings, with its non-hierarchical use of materials, remains a central feature of his work.
TWO, SEEMINGLY CONTRADICTORY WAYS: TO REINFORCE THE MOTIF AND TO COURT CHAOS.
As an artist whose work has run the gamut from supremely elegant to downright gnarly, Dine has never tried to act cool or hide his feelings. Although he has often been associated with Pop Art, he has shown little interest in that movement’s aloofness or irony. His sincerity is what helps connect him to the earlier generation of Abstract Expressionists, who believed that the commodious materiality of paint could become an embodiment of one’s deepest feelings, however inchoate and tumultuous.
Although Abstract Expressionism and happenings take two very different, seemingly incommensurable approaches to art, both incorporate process and improvisation as ways to move forward. This openness to art-making, and the willingness to follow the work down whatever rabbit hole it takes you, is one feature of Dine’s practice that I don’t think has been considered enough. I believe that it forms the root of the impulse to complicate his paintings’ recognisable, even generic motifs, such as hearts and bathrobes, by attaching tools, scrap wood, socks, boots, cans of one sort or another, and other detritus to his canvases.
Life during the Covid-19 pandemic has made us all feel more vulnerable, especially if we are past middle age. Dine has found a way to embrace the contradictions of what it is like to be humming with boundless energy through a turbulent, chaotic, threatening, and distressing present. At the same time, open as he is to the world around him, his recent works do not feel beholden to this painfully worrying moment. His art is not based on
By affixing objects to his surfaces, Dine reveals a relentless drive to push boundaries, to see how far he 36
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to stop at paint’s fleshy hedonism, but had to do something else to it. You could say that Dine both creates a painting and fights with it. I think he realises how elegant his lines can be and wants to undermine his own abilities and gifts. I am reminded of Willem de Kooning when he drew with his eyes closed or while watching television, anything that would move him beyond his ability to make an achingly graceful contour, or Cy Twombly drawing in the dark, trying to discover new forms through his version of automatism. Like them, Dine refuses to stay within the confines of what he can do, but restlessly attempts to extend his own limits. This refusal is central to any real understanding of the artist’s work. Despite an everexpanding lexicon of recognisable motifs that spans more than half a century, he has never developed a signature style. Nor do his motifs fit a pattern: they have been derived from generic signs, newspaper photos, Classical Art, or as in The Black Paintings, which he started in 2015 as he was about to turn 80, an abstract form that his printers made on a small piece of paper while testing black litho ink.
Prophet in the Storm (détail), 2020 Huile, acrylique et bois sur panneau de bois Oil, acrylic and wood on panel 246 x 246 x 19 cm / 96 7/8 x 96 7/8 x 7 1/2 in.
Dine’s recent paintings, painted reliefs, and sculptures can be understood on an immediate and visceral level as a heated response to the Covid-19 pandemic – the sense that everyday life has been turned upside-down and that the world will likely never again be like it once was. Almost all of the works include a figural element – a head, a tongue or a body with a featureless face – that seems to have endured every type of indignity and veneration, slap and caress. The works, all of which are distinct even where a recognisable motif recurs – such as the craggy face of a woman cast in iron, bronze or aluminium – plumb the swirling depths of personal and collective apprehensions in these perilous times. There is also a new series of self-portraits, simply titled Me and currently numbered 1 through 15, though more may be added.
can go without the painting ending up an incoherent tangle of stuff. Rather than playing it safe by neatly replicating motifs in endless, repetitive series, he uses his materials in two, seemingly contradictory ways: to reinforce the motif and to court chaos. That dance between order and pandemonium has long been one of the animating features of Dine’s work, but in recent years it has become more pronounced and disquieting as the chaos he evokes feels increasingly synonymous with the impending end of one’s life.
DINE BOTH CREATES A PAINTING AND FIGHTS WITH IT.
Dine’s openness to contradictory impulses is complemented by his use of disparate instruments to apply paint to the surface. In any one of his paintings, he is likely to augment his brushes and his hand with commercial rollers, kitchen knives, axes, and adzes, while mixing different materials, such as sand, pebbles, and cellulose paste into the paint. The resulting surfaces can become as dense as hardened lava, grainy as asphalt or wrinkled as scarred or burned skin. Finally, he will go back into his built-up surfaces with a variety of grinder discs and sanders.
Prophet in the Storm is one of seven large, recently completed hybrid works that resist categorisation. With its combination of elements, including scraps of wood, and its crusty, uneven surface, Prophet in the Storm exists somewhere between a raw, painted relief and an assemblage made from tools and studio detritus.
I believe that Dine does as much as he does to a painting because he realised early on that he did not want 37
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two diagonal, countervailing slats form the inverted apex of a wide triangle, suggesting a collar, while others, extending down and away, can be read as bent arms, whose hands are perhaps holding staves. With its irregular, paint-smeared slats and black wooden stovepipe hat, the featureless figure aggressively juts forward from the heavy, impasto surface, which is largely blue in the upper half and black in the lower. Splatters of red paint appear in the lower right corner. Here and there, wood and tools have been completely painted over, so that they are indistinguishable from the gritty ground. Who or what does this spectre symbolise? Abraham Lincoln is the most famous figure in American history to wear a stovepipe hat, but this is surely not meant to be him. There are many images of Uncle Sam wearing a red, white, and blue stovepipe hat as he exhorts us to prove our patriotism, but this association also seems too literal and unlikely. Which leads us to the question, what is the figure prophesying? And what unsettling feelings does the painting stir up? Is the artist responding to the pandemic, or to the widespread demand for social justice after the deaths of unarmed black people at the hands of the police? Could it be both, or something else? Is the faceless figure a personification of death?
Me #7, 2020 Huile sur frêne Oil on ash tree 74 x 49 cm / 29 1/8 x 19 1/4 in.
We look at the painting, ponder its meaning, and no clear answer is forthcoming. The figure might be a prophet, as the title indicates, but he is not doing any preaching. Or if he is, we cannot hear or, in some sense, even see him. Further destabilising our experience of the painting is the pun on “profit” in the title, which gives us another way of thinking about it. Who is growing rich during this stormy time? What CEOs and businesses are making immense profits from the Covid-19 pandemic? Are their profits more important than the circumstances under which their money was made?
Hearing the homonym “profit” in the title underscores the greed and sense of entitlement that continue to run unabated through our destabilised world. The menacing, featureless figure that dominates Prophet in the Storm, with its wooden limbs akimbo, strikes a very different emotional pitch than the hearts and bathrobes that have appeared in Dine’s paintings over the years. Sporting a pair of baggy, grayblue, paint-smeared pants and a black stovepipe hat, which is made from a flat, cutout section of wood attached to the heavily worked, uneven surface, the figure rises ominously from maroon smears of paint along the canvas’s bottom edge, while patches of dark blue sky swirl around its hat. Its torso appears composed of weathered layers of encrusted paint. The apparition’s featureless face is made of two oblong pieces of wood abutted together. The larger section, on the left, is partially covered in black paint. Just below the wooden face,
DINE IMBUES THE PAINTING WITH AN EMOTIONAL PRESENCE.
By inviting us to speculate on what this troubling, featureless figure symbolises, Dine imbues the painting with an emotional presence as he invites us to consider our current reality. What is it that we are most afraid of, and why? For an artist whose love of paint is undeniable, and whose touch can be tender or even erotic, the jarring, scarred, and encrusted surfaces of Prophet in the Storm appear to signal Dine’s entrance into a new, potentially grim and alarming territory. The figure seems to be the sole survivor of some unnamed cataclysm, standing amid the detritus of what 38
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remains of the world. At the same time, Prophet in the Storm, along with other recent works, are replete with a bold, wayward humour.
phe. As a counterpoint to the apocalyptic tone, however, we must also consider how to read the long, pink tongue-phallus – what are we to make of its insubordinate, lewd, and mocking vulgarity?
The mottled surface of The Tongue is affixed with a variety of scrap wood and other materials. The painting’s topography and colour keep changing across the thick surface, which is reminiscent of a paint- spattered, floor, as we might find in an artist’s studio. Does this mean that the viewer is floating in the air, like an angel or a spirit?
In 2015, having just turned 80, Dine made a statement for the catalogue accompanying an exhibition of The Black Paintings: “I used my dictionary of non-objective shapes and various colours to evoke the passion that was just waiting to erupt from my hand. This passion speaks of my use of colour in a tender way and also can evoke loss and tell you about a new kind of happiness, living with a history of screams. As I painted, I related more than ever to the imagined savageness of a mad dog as I saw in my brain the deep red blood moon.”
Just below the midline, on the right, an elongated, comet-like shape resembling a long, pink tongue or abstract phallus streaks downward. A pair of sharp pliers, with its cutting blades pointing at the tonguephallus’s tip, can be seen nearby. What are we to make of their proximity to each other? The potential violence evoked by the pairing adds another layer of sensations into the painting. Here, too, the image can be perceived as the residual record of an unnamed catastro-
DINE’S RECENT WORK SEEMS VISITED BY PREMONITIONS, DREAMS, AND MEMORIES, WHILE ALSO BEING DRIVEN BY PROPHECY AND OUTRAGE.
Since his first solo exhibition in 1960, the intense pleasure that Dine derives from making art has radiated throughout all of his work. As poetic as his statement is, it clearly identifies the energy and desire possessing him – “the passion that was just waiting to erupt from my hand”. Instead of trying to fit things neatly together, Dine embraces the contradictions of being a painter, as when he uses a comma to separate “new kind of happiness” from “living with a history of screams”, a division that is also a connection.
If anything, five years after Dine made this statement, the screams seem to have only gotten louder, and yet – unlikely as it seems – his happiness has become more prominent. It is the jubilation of making, which in no way denies, eliminates, or covers over the sorrow, anxiety, gloom, and apprehension coursing through these works. As I suggested at the outset of this essay, Dine’s recent work, which is to say everything he has made since 2015, seems visited by premonitions, dreams, and memories, while also being driven by prophecy and outrage. It is work that is agitated and tender, forlorn and joyful – and the product of a worldwide pandemic. In his two sculptures, At Dunkerque 1 and At Dunkerque 2, Dine gathered pieces of scrap wood and other materials, took them to a forge, and had them cast into bronze. He brought the bronze pieces back to his studio, painted them, and assembled them into headlike forms.
At Dunkerque Version 2 Unique State 1/6 (détail), 2020 Bronze/Bronze 154 x 59 x 57 cm 60 5/8 x 23 1/4 x 22 1/2 in.
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In these works, Dine’s improvisational process culminates in surprisingly anthropomorphic imagery. Mounted on a metal bar, At Dunkerque 1 rises from a base of cut wood, while supported by another piece of wood jammed under its chin, lending it the look of a totem or trophy. There is something clownish and pathetic about the head, with forms that read as an irregular loaf of blue hair and an orange, triangular nose. Again, Dine introduces an unexpected comic spin as he invites us to speculate about the spirit, tribe or family that this totem could represent. In the series of self-portraits titled Me, Dine paints a flat, frontal outline of his head, looking straight at the viewer. Done in oil and acrylic on linen and/or panel, and ranging in size from 40 x 30 cm to 50 x 70 cm, this series further explores a motif that I first saw in such prints as The Floral Scream (2017), and the related series of eight prints, Tools in a Puzzled Vessel (2017). The motif of the front-facing head that Dine uses in Me continues his interest in expressing states of mind via body parts (hearts) or surrogate portraits (bathrobes), underscoring his preoccupation with connecting inner feelings with outward forms.
Tools in a Puzzled Vessel (Four), 2017 Bois gravé, lithographie et gravure en relief sur papier Rives Woodcut, etching, lithograph, and mechanical abrasion on Rives paper 193,6 × 132,7 cm / 76 1/4 × 52 1/4 in.
TEXTURES AND STROKES COLLIDE AND INTERRUPT EACH OTHER.
Working both with and against the contour of the head, here understood as the demarcation between inner and outer realms – a face invaded by the world, you could say – Dine uses a variety of instruments to apply the paint. The surfaces can be eruptive and lopsided, granular and pebbled, scored and wrinkled, or as smooth and creamy as pudding. Textures and strokes collide and interrupt each other, adding a jarring note to the works. In some paintings, you feel as if the skull is about to burst through the skin of paint, or that the figure and ground are merging. A black streak of a mouth sits grimly amidst the encrusted upheavals of paint. The slits Dine makes for eyes add another ominous note.
The patience of these faces, whatever the paint is doing to them, reminds me of the “mulish imperturbability” that the film critic and poet James Agee ascribed to the silent film star Buster Keaton’s deadpan expression. No matter what is going on around Keaton, no matter how many times he falls, is struck by an object, or tossed like a rag doll, his face never changes. A similar indomitable spirit lifts Dine’s self-portraits out of their deep melancholia. For all their apparent pathos, there is something fiercely absurd and even downright funny about the swipes, smears, taunts, and abuses of paint that he has heaped upon their reticent visages – not to mention the parodic way he has emphasised the ears. What music could they be listening to? What voices – both internal and external – do they hear?
Given the extreme applications of paint, I want to point out that there is none of the emotive deformation that we find in Chaïm Soutine’s portraits, or the gestural distortion we see in Frank Auerbach’s heads. Whereas Soutine’s figures can be overwrought at times, and Auerbach’s heads are often a series of thick, wet strokes, Dine’s frontal self-portraits, embedded in slathers of viscous paint, stoically r egister the indignities of growing old, no matter how discordant the colours or how much scar tissue builds up. No amount of humiliation will make them buckle or turn away.
This series does not constitute a set of variations on a theme, but rather a group of dissimilar heads, each embodying a different, complex mood. Inflections of colour, brushwork, and texture make each one a distinct entity. With these self-portraits, all of which are modest in scale, Dine has added an important body of late works to an already great and diverse oeuvre. 40
JIM DINE
al relief heads in specially designed apertures in the paintings. While he has had a long interest in masks, and has depicted them in works such as Blue Valley (The Mead Of Poetry)1, this is the first time that he has inset a metal relief head into his works.
This is how all of his recent works should be understood: as art made not simply in the face of mortality, but in the midst of a worldwide pandemic as well – which makes them artifacts from a harrowing moment in history. Throughout, Dine never loses sight of the vigilance that such perils demand to protect one’s vulnerability.
In At Night I Ride, Dine carved eight masks from linden wood slabs, which he painted and attached to the largely black, rough and uneven surface of a square painting. Are they meant to be apparitions, something you might dream about at night? Or are they memories? Or signs of the spirits accompanying us on our life journey? Are their intentions sinister or benign?
While Dine has acknowledged his vulnerability from the very beginning, particularly in his hearts and bathrobes, now that he is 85 he is doing so with even greater urgency. In fact, his recent works cast his earlier motifs in a different light, enabling us to discover streams and eddies of feeling that we might have initially overlooked. As an artist who has never developed a cool or aloof style, he has forthrightly marked the passing of time in his work as well as the many disquieting states that such knowledge stirs up, from the oracular to the nightmarish.
And yet, then as now, Dine always inculcates these questions with a generous and telling dose of humour; his contemplation of mortality is not about him, but about all of us during an extreme and exhausting time.
In three recent works, Dine does something unprecedented in his work. In The Twisted Lyre and the related Forgotten Harvest, Fragrant Spirit, he insets cast met-
ART MADE NOT SIMPLY IN THE FACE OF MORTALITY, BUT IN THE MIDST OF A WORLDWIDE PANDEMIC AS WELL.
In The Twisted Lyre and the related Forgotten Harvest, Fragrant Spirit Dine explores the baleful dreams colouring our days. I see his cast iron, bronze, and aluminium heads as the sisters of the Bocca della Verità (Mouth of Truth), the enormous marble mask in the portico of Santa Maria in Cosmedin Church in Rome, Italy. Dedicated to the God of the Sea, the bearded face has holes for its eyes, nose, and mouth, and is said to bite the hand of those who lie. In the title The Twisted Lyre, we hear another pun, “twisted liar”, which opens the work to several contradictory readings. In Ancient Greece, the lyre accompanied the reading of poems. In Dine’s painting, there is no lyre, nor any other musical instrument. And then there is the figure: why does it feel as if the head is decapitated? Is this one of the maenads who dismembered Orpheus, the master of the lyre? What could this deeply creased head, with a section of a slinky funnel for a mouth, possibly be telling us? Are we in the presence of an oracle that speaks in riddles, or of a liar? Can one be both? What about the remnants of a blue dress that stretches from beneath the head to the painting’s bottom edge, or the axe floating above the head’s left temple? What kind of violence do the axes and vises convey? While the ancient myths were riddled with hostility, is our present world any less brutal?
At Night, I Ride (détail), 2020 Huile, acrylique et têtes en bois sur panneau de bois Oil and acrylic on panel with wooden heads 249 x 249 x 16 cm / 98 x 98 x 6 1/4 in.
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1. Oil and objects on two bronze panels and 3 wood panels, 47 x 203 in., 1987.
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For the frieze-like Forgotten Harvest, Fragrant Spirit, Dine seems to be proposing at least two possible narratives, depending on which of the two heads – the one in aluminium or the one in bronze – we choose to listen to. Located on either side of the painting, the considerable distance between them implies that sometimes there is no possibility of dialogue between opposing factions. Given the extreme stands regarding the Covid-19 pandemic afflicting the US, with one side claiming that wearing a face mask is an infringement on personal freedom while the other adheres to public health guidelines concerning masks and social distancing, the heads – which could be viewed as representing two separate news feeds – underscore the feeling that negotiation or compromise has become all but impossible.
The Twisted Lyre (détail), 2020 Huile, acrylique et tête en fer sur panneau de bois Oil, acrylic on linen mounted on panel with iron head 249 x 250 x 21 cm / 98 x 98 3/8 x 8 1/4 in.
RECOGNISING THE ULTIMATE EFFECT OF TIME, DINE REFUSES TO GIVE THE VIEWER OR HIMSELF ANY REASSURANCE.
painting, implying a vanished frieze, and the mottled, gritty, multi-coloured surface, with various relic-like objects affixed to it, seem to suggest that Forgotten Harvest, Fragrant Spirit, like the figure in Prophet in the Storm, has survived a tragic event. Or it could simply be that time itself is devastating. Recognising the ultimate effect of time, Dine refuses to give the viewer or himself any reassurance. In their seemingly haphazard state of dishevelment, these works offer no sanctuary from time passing. That refusal, mixed with the artist’s acceptance of chaos, sets this recent body of work apart from anything done by his contemporaries. In contrast to many of his peers, Dine has not sought refuge in style, nor has he denied the destiny that time is pulling us toward, our unavoidable dissolution. He refuses to avert his eyes, which is why these works feel urgent, necessary, and wild with feeling.
At the same time, in contrast to The Twisted Lyre, with its intimations of violence, Forgotten Harvest, Fragrant Spirit feels as if it belongs in a temple or sacred space, however mysterious or obscure that place might be. The wooden bar spanning the length of the
When I consider the range of choices that Dine has made in such works as The Rules of the Forest, with 42
JIM DINE
its four uneven ash and linden planks leaning against the wall, or Red Laughing, with its wide, gritty band of red paint spanning the surface from edge to edge, the only adjective I can find to encapsulate what Dine is up to is “fearless”. While he has applied paint to various areas of the planks in The Rules of the Forest, he refuses to give viewers an image or attach a tool to their surface – offering them something concrete to hold on to. In this and other recent works, Dine is connecting the “passion waiting […] to erupt from [his] hand” to the “imagined savageness of a mad dog”. Looking at the red drips beneath the wide red band of Red Laughing, we might consider them to be – as the saying goes – the blood, sweat and tears of the artist, but without any trace of melodrama.
CAPABLE OF DELICATELY NUANCED AND SENSUAL LINES, DINE HAS THROWN CAUTION TO THE WIND.
A masterful draftsman capable of delicately nuanced and sensual lines, Dine has thrown caution to the wind. Instead of trying to recapture what he is known for, he has chosen to face this deeply disheartening moment with his heart on his sleeve. Moored in the knowledge that nothing can alter the pull of time, he makes the colour of that “deep red blood moon” – you might call it the colour of a scream, swept and splattered across all these works – laugh as loudly as he can.
At Dunkerque Version 1 Unique State 1/6 (détail), 2020 Bronze Bronze 156 x 143 x 47 cm / 61 3/8 x 56 1/4 x 18 1/2 in.
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JIM DINE
John Yau
Poète et critique d’art
BREAKTHROUGH : ŒUVRES RÉCENTES DE JIM DINE
P
our Jim Dine, faire de l’art est aussi naturel et fondamental que respirer. Aujourd’hui âgé de quatre-vingt-cinq ans, et en quarantaine depuis cinq mois, il s’est mis à explorer un territoire nouveau, trouble, et a ainsi déployé les paramètres de ce que j’appellerais son « œuvre tardive ». Hanté par le prémonitoire et porté par la prophétie, profondément vulnérable, ce monde en friche regorge de défiance, d’un sentiment d’indignation, de tendresse et d’un sens de l’humour diaboliquement vulgaire. Dans ces grandes toiles tout en reliefs, ces autoportraits de dimensions modestes et ces sculptures, l’artiste regarde sa finitude en face et en fait un sujet de méditation.
qui déborde d’une énergie sans limite dans un présent tout à la fois inquiétant, menaçant, chaotique et turbulent. Aussi ouvert au monde soit-il, ses pièces récentes ne semblent rien devoir à ce douloureux moment d’angoisse. Son art ne s’inspire pas des gros titres, et le peintre ne cherche pas à propager la doctrine selon laquelle toute expérience est médiatisée. Malgré les peurs et les angoisses que nous avons en commun, il reconnaît que chacun appréhende sa finitude à sa manière. Né à Cincinnati, dans l’Ohio, en 1935, au plus fort de la grande dépression, Dine travaille toute son enfance dans la quincaillerie familiale. Peu après avoir obtenu sa licence en art de l’Ohio University, il déménage à New York en 1958, où il se fait rapidement remarquer (avec Claes Oldenburg) en tant qu’auteur, metteur en scène et acteur de happenings destinés à faire tomber les barrières entre « l’art » et « la vie ». Dine est surtout connu pour sa peinture sur une grande variété de médiums et pour son exceptionnel talent d’illustrateur et de graveur, mais je pense que sa participation, encore jeune, au développement du happening, avec son utilisation nonhiérarchisée de matériaux, reste une caractéristique centrale de son œuvre.
Son travail parcourt toute la gamme allant de l’élégance suprême au purement choquant, mais il n’a jamais essayé de surfer sur la tendance ni de cacher ses sentiments. Bien qu’il ait souvent été associé au Pop Art, il n’a jamais non plus manifesté de véritable intérêt pour la désinvolture ou l’ironie propre à ce mouvement. Sa sincérité permet de le connecter à une génération plus âgée d’Expressionnistes abstraits aux yeux desquels la spacieuse matérialité de la peinture pouvait devenir l’incarnation des sentiments les plus profonds, quel que fût le tumulte de leur confusion.
L’ARTISTE REGARDE SA FINITUDE EN FACE ET EN FAIT UN SUJET DE MÉDITATION.
Même si l’Expressionnisme abstrait et le happening proposent deux approches de l’art très différentes, incommensurables, tous deux intègrent le processus et l’improvisation à leurs outils de travail. Chez Dine, cette démarche ouverte et cette volonté de poursuivre sa pratique jusqu’au fond du terrier où elle vous mène constituent l’une des particularités qui, à mon sens, n’a pas été suffisamment prise en considération. Je dirais qu’elle nourrit ce besoin de
La pandémie de Covid-19 a accentué un sentiment de vulnérabilité, en particulier chez ceux d’entre nous qui ont passé le mitan de leur vie. Dine a trouvé un moyen d’embrasser les contradictions de celui 44
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compliquer les motifs reconnaissables, voire génériques (comme les cœurs et les robes de chambre) par l’adjonction sur la toile de divers outils, bois de récupération, chaussettes, bottes, canettes indifférenciées et autres détritus.
de motifs facilement reconnaissables, en extension constante depuis plus d’un demi-siècle, il n’a jamais développé de signature stylistique. Ses motifs ne suivent pas non plus de modèle : ils découlent de signes génériques, de photos de journal, de l’art classique ou, dans The Black Paintings, qu’il débuta en 2015 à l’aube de sa quatre-vingtième année, d’une forme abstraite laissée par ses imprimantes sur un petit bout de papier lors d’un test d’encre lithographique.
Ce procédé de juxtaposition témoigne d’une détermination à dépasser les limites, à voir jusqu’où il est possible d’aller sans faire basculer l’œuvre dans un fatras incohérent. Plutôt que de sagement reproduire les motifs en une série de répétitions infinies, Dine utilise ses matériaux de deux façons en apparence contradictoires : pour consolider le motif et pour flirter avec le chaos. Ce pas de deux entre l’ordre et le pandemonium est depuis longtemps l’une des vibrantes particularités de son travail ; elle s’est affirmée ces dernières années jusqu’à devenir plus inquiétante, alors que son évocation du chaos renvoie de plus en plus à la fin imminente de l’existence.
IL POURRAIT ÊTRE DIT QUE DINE SE BAT AVEC LA TOILE AUTANT QU’IL LA CRÉE.
À un niveau immédiat, viscéral, ses sculptures, peintures et reliefs peints récents peuvent se lire comme une réaction emportée à la pandémie de Covid-19 ; le sentiment que la vie quotidienne est chamboulée et que le monde en sera sans doute changé à jamais. Presque chacune des pièces comporte un élément figuratif – une tête, une langue ou un corps au visage anonyme – qui semble avoir connu tous les affronts et tous les égards, tous les coups et toutes les caresses. Les œuvres, distinctes les unes des autres même si des motifs y sont récurrents – tel
Chez Dine, le choix d’instruments disparates pour appliquer la peinture parachève cette disposition aux impulsions contradictoires. Prenez n’importe laquelle de ses toiles, il l’aura probablement réalisée en renforçant ses pinceaux ou ses mains à l’aide de rouleaux commerciaux, de couteaux de cuisine, de haches ou d’herminettes, et en ajoutant divers matériaux comme du sable, des galets ou de la pâte de cellulose. Il en résulte des surfaces agglomérées qui peuvent devenir aussi denses que la lave sèche, aussi granuleuses que l’asphalte, voire aussi plissées qu’une peau scarifiée ou brûlée et sur lesquelles, finalement, il reviendra avec des disques à lamelles et des ponceuses. S’il manipule autant la toile, c’est à mon sens parce qu’il a vite réalisé ne pas vouloir s’arrêter à l’hédonisme charnu de la peinture et qu’il a voulu la prendre autrement. On pourrait dire que Dine se bat avec la toile autant qu’il la crée. Selon moi, il mesure parfaitement le niveau d’élégance que ses lignes peuvent atteindre et cherche à défaire ses capacités comme ses dons. Je repense à Willem De Kooning qui dessinait les yeux fermés, ou en train de regarder la télévision – tout ce qui pouvait le détourner de sa facilité à créer des courbes belles à pleurer –, ou à Cy Twombly qui œuvrait dans l’obscurité, cherchant à découvrir des formes nouvelles au moyen d’un automatisme de son cru. Comme eux, Dine ne se cantonne pas à ce qu’il sait faire ; au contraire, il essaie sans relâche de repousser ses limites. Son travail ne peut véritablement se comprendre qu’à partir de ce refus. Malgré un lexique
Eunice is Gone, 2015 (The Black Paintings Series) Acrylique, sable et charbon sur toile Acrylic, sand and charcoal on canvas 212,7 x 181,6 cm / 83 3/4 x 71 1/2 in.
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le visage tanné d’une femme moulé dans le fer, le bronze ou l’aluminium – sondent les abysses tourbillonnantes des appréhensions collectives et personnelles de ces temps hasardeux. Dine a aussi produit une série inédite d’autoportraits, sobrement intitulée Me et numérotés, pour l’instant, de 1 à 15.
à plat et fixé à la surface irrégulière, très travaillée, de l’œuvre, ce personnage inquiétant s’élève des traces de peinture bordeaux du bas de l’œuvre tandis que des taches d’un ciel bleu foncé tournoient autour de son chapeau. Son buste semble constitué des couches érodées d’une peinture empâtée. Deux pièces de bois oblongues contiguës forment le visage dénué de traits de cette apparition. La plus grande section, située à la gauche de la toile, est partiellement recouverte de peinture noire. Juste sous le visage de bois, deux lattes diagonales opposées constituent le sommet retourné d’un vaste triangle évocateur d’un col tandis que d’autres, qui descendent sur les côtés, suggèrent des bras pliés entre les mains desquels se trouvent peutêtre des gourdins.
Prophet in the Storm fait partie de sept pièces grand format fraîchement terminées qui résistent à toute catégorisation. Constituée d’une variété d’éléments, dont des bouts de bois, et d’une surface irrégulière, craquante, l’œuvre navigue entre le relief peint brut et un assemblage d’outils et de déchets d’atelier. Dans le titre, l’homonyme « profit » rappelle l’avidité et la tendance à se croire tout permis qui sillonnent encore et toujours notre monde chancelant.
DINE INSUFFLE UNE PRÉSENCE ÉMOTIONNELLE À SA PIÈCE.
Avec ses lattes irrégulières, recouvertes de peinture, et son haut-de-forme en bois foncé, cette silhouette anonyme jaillit, pleine de hargne, de l’intense impasto d’une surface majoritairement bleue en haut et noire en bas. Des éclaboussures de peinture rouge se distinguent dans l’angle inférieur droit. Ici et là, du bois et des outils ont été entièrement repeints jusqu’à ne plus se différencier du sol granuleux.
Avec ses membres de bois écartés, la silhouette froide et menaçante qui domine dans Prophet in the Storm ouvre un registre émotionnel très différent de celui des cœurs et des robes de chambre qui ont ponctué les toiles de Dine au fil des ans. Vêtu d’un ample pantalon gris-bleu recouvert de peinture, coiffé d’un haut-de-forme noir fait d’un morceau de bois découpé
Qui, ou que, représente ce spectre ? Abraham Lincoln est le personnage le plus connu de l’histoire des États-Unis à porter un haut-de-forme, mais ça ne peut assurément pas être lui. De nombreuses images de l’Oncle Sam le montrent avec un tel couvre-chef, en bleu, rouge et blanc, tandis qu’il nous exhorte à prouver notre patriotisme, mais à nouveau cette asssociation très littérale semble peu probable. Cela conduit à nous demander ce que prophétise cette silhouette. Que vient remuer cette œuvre au plus profond de nous ? L’artiste réagit-il à la pandémie ou fait-il écho aux voix qui partout s’élèvent pour la justice sociale après la mort de personnes noires non armées aux mains de la police ? Peut-être les deux, ou autre chose encore ? La silhouette sans visage est-elle une personnification de la mort ? Nous regardons l’œuvre, nous réfléchissons à son sens, mais aucune réponse évidente n’advient. Si, comme le titre l’indique, le personnage est un prophète, il ne prêche pas pour autant. Ou du moins prêche-t-il sans que nous l’entendions et, dans un sens, sans même que nous le voyions. Le jeu de mots sur « profit » dans le titre perturbe plus encore notre ressenti et ouvre de nouvelles façons d’aborder l’œuvre. Qui fait son beurre de cette période orageuse ? Quels PDG, quelles compagnies, amassent des profits immenses grâce à la Covid-19 ? Leurs bénéfices prévalent-ils sur les conditions de leur réalisation ?
The Tongue (détail), 2020 Huile, acrylique, bois et objets sur panneau de bois Oil and acrylic on panel with wood and objects 246 x 246 x 15 cm / 96 7/8 x 96 7/8 x 5 7/8 in.
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silhouette apparaît comme l’unique survivante d’un cataclysme sans nom. Dans le même temps, Prophet in the Storm, à l’instar d’autres œuvres récentes, vibre d’un humour imprévisible, hardi. La surface tachetée de The Tongue est augmentée de divers bouts de bois et d’autres matériaux. La topographie et la couleur de cette toile n’ont de cesse de changer tout au long de l’épaisse surface, similaire au sol d’un atelier d’artiste éclaboussé de peinture. Faut-il en déduire que le spectateur flotte dans l’air, tel un ange ou un esprit ? À droite, sous la ligne médiane, une forme fuselée, semblable à celle d’une comète et ressemblant
L’IMAGE PEUT SE PERCEVOIR COMME LA SYNTHÈSE RÉSIDUELLE D’UNE CATASTROPHE INCONNUE.
à une longue langue rose ou à un phallus abstrait, traverse le ciel de la toile. Non loin, nous apercevons une paire de pinces aiguisées, dont les lames pointent vers l’extrémité de la langue-phallus. Que sommes-nous censés faire de leur proximité ? La violence potentielle de cette juxtaposition ajoute une couche de sensations. Ici aussi l’image peut se percevoir comme la synthèse résiduelle d’une catastrophe inconnue. En contrepoint à la tonalité apocalyptique, la langue-phallus rose nous interpelle – que faire de sa licencieuse vulgarité, espiègle et indocile ?
En 2015, alors qu’il vient de fêter ses quatre-vingts ans, Dine publie un texte dans le catalogue qui accompagne une présentation de The Black Paintings : « Pour évoquer la passion qui ne demandait qu’à jaillir de ma main, j’ai eu recours au dictionnaire des formes non-objectives et des variations chromatiques. Cette passion explique mon usage tendre des couleurs et peut aussi bien évoquer la perte que vous dépeindre une nouvelle forme de bonheur, vivant au sein d’une histoire faite de cris. Tandis que je peignais et voyais dans mon cerveau le rouge intense d’une lune de sang, je me suis senti plus proche que jamais de la férocité que notre imaginaire prête à un chien enragé. »
At Dunkerque Version 2 Unique State 1/6, 2020 Bronze Bronze 154 x 59 x 57 cm / 60 5/8 x 23 1/4 x 22 1/2 in.
Avec cette invitation à spéculer sur le symbolisme de ce personnage mystérieux, Dine insuffle une présence émotionnelle à sa pièce tout en nous enjoignant à réfléchir à notre réalité actuelle. De quoi avons-nous peur par-dessus tout, et pourquoi ?
Depuis sa première exposition personnelle en 1960, le plaisir intense que Dine prend à faire de l’art irradie son travail. Poétique, son texte définit néanmoins avec clarté l’énergie et le désir possédant l’artiste ; « la passion qui ne demandait qu’à jaillir de ma main ». Plutôt que de vouloir tout intégrer, il embrasse les contradictions de ce qu’être peintre veut dire, comme
Pour un artiste dont l’amour de la peinture est manifeste et dont la touche est parfois tendre, voire érotique, les surfaces épaisses, scarifiées et discordantes de Prophet in the Storm semblent signaler l’entrée dans un nouveau territoire, potentiellement sombre et redoutable. Droite parmi les vestiges du monde, la 47
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lorsqu’il sépare d’une virgule « une nouvelle forme de bonheur » et « vivant au sein d’une histoire faite de cris », une division qui a aussi effet de connexion. En fait, cinq ans après cette déclaration, les cris semblent surtout s’être intensifiés alors que, tout improbable que cela puisse paraître, son bonheur a grandi. Cette joie de créer ne nie, élimine ni recouvre en aucune façon les accès de peine, d’angoisse, de morosité et d’inquiétude qui traversent ces pièces. Comme je le suggérais au début de cet essai, le travail récent de Dine, à savoir tout ce qu’il a produit depuis 2015, est porté par la prophétie et un sentiment d’indignation cependant que rêves, souvenirs et prémonitions le visitent. Cette œuvre agitée et tendre, esseulée et joyeuse, est aussi le produit de la pandémie. Les deux sculptures, At Dunkerque 1 et At Dunkerque 2 (toutes deux de 2020), ont été réalisées à partir de bouts de bois et d’autres matériaux que Dine a fait couler dans du bronze dans une fonderie. De retour dans son atelier, il a peint les pièces avant de les assembler en forme de têtes. The Floral Scream, 2017 Lithographie et gravure sur bois sur papier Toronoko Lithograph and woodcut on Toronoko paper 186,8 x 129,6 cm / 73 1/2 x 51 in.
Dans ces deux œuvres, le processus d’improvisation aboutit à une imagerie étonnamment anthropomorphique. Montée sur une barre métallique, At Dunkerque 1 s’élève d’une base coupée dans du bois ; coincée sous son menton, une planche soutient cette figure et lui donne un air de totem ou de trophée. Avec ses formes qui évoquent une touffe irrégulière de cheveux bleus ou un nez triangulaire orange, le personnage dégage quelque chose de clownesque, de pathétique. Alors qu’il nous invite à réfléchir à l’esprit, à la tribu ou à la famille dont ce totem pourrait être la représentation, le peintre nous surprend avec une nouvelle pointe d’humour.
LES TEXTURES ET LES COUPS DE PINCEAUX S’INTERROMPENT LORSQU’ILS ENTRENT EN COLLISION.
motif d’un visage de face s’inscrit dans la continuité d’une tendance chez l’artiste à exprimer des états d’esprit par le biais de parties corporelles (le cœur) ou de portraits de substitution (les robes de chambre) et souligne par là même le souci de relier les sentiments intérieurs aux formes externes. Dine, qui travaille autant avec que contre les courbes de la tête, assimilées ici aux démarcations entre intérieur et extérieur (un visage envahi par le monde pourrions-nous dire), applique la peinture au moyen de toute une variété d’instruments. Les surfaces peuvent être asymétriques et explosives, granuleuses comme une plage de cailloux, entaillées de rides ou aussi douces et lisses que la crème. Les textures et les coups de pinceaux s’interrompent lorsqu’ils entrent en collision, ce qui amène une note discordante. Certaines pièces donnent l’impression que le crâne est sur le point d’éclater à travers l’épiderme de la peinture, ou que la silhouette et le fond fusionnent. Une sévère trace noire sert de bouche aux convulsions incrustées de la toile. Les fissures qui leur font office d’yeux y ajoutent une dimension funeste.
Dans la série d’autoportraits intitulée Me, Dine dessine sa tête d’un contour plat et frontal, le regard posé sur le spectateur. Réalisée à l’huile et à l’acrylique sur de la toile et/ou sur un panneau, dans des dimensions allant de 40 x 30 cm à 50 x 70 cm, cette série examine plus en profondeur un motif que j’avais vu pour la première fois dans des estampes comme The Floral Scream (2017) et dans la série de huit estampes qui s’y rattache, Tools in a Puzzled Vessel (2017). Ce 48
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En ce qui concerne l’emploi extrême de la matière peinture, je souhaite signaler l’absence, chez Dine, de déformations émotionnelles telles qu’on en trouve dans les portraits de Chaïm Soutine, ou de distorsions gestuelles comme en présentent les têtes de Frank Auerbach. Alors que les silhouettes du premier peuvent parfois s’avérer trop travaillées, et que les têtes du second sont souvent une série d’épais coups de pinceaux humides, les portraits frontaux de Dine, enfoncés dans des enduits de peinture gluante, expriment stoïquement les indignités de l’âge ; tant pis si les couleurs détonnent, peu importe l’amoncellement de tissu cicatriciel. Aucun degré d’humiliation ne les fera se détourner ni fléchir.
sans compter le traitement parodique des oreilles. Quelle musique peuvent-elles bien écouter ? Quelles voix – internes et externes – entendent-elles ? Cette série ne constitue pas une synthèse de variations sur un thème, elle présente plutôt une collection de têtes dissimilaires, qui forment autant d’incarnations d’humeurs différentes et complexes. Les inflexions de couleur, le travail du pinceau et la texture donnent à chacune d’entre elles une identité propre. Avec ces autoportraits de dimension modeste, l’artiste a ajouté un ensemble important de travaux tardifs à une œuvre déjà vaste et variée. C’est ainsi que ces pièces récentes doivent se comprendre : comme de l’art réalisé non seulement envers et contre la finitude, mais aussi en pleine pandémie. Elles deviennent les artefacts d’un moment historique particulièrement dur. Dine ne relâche jamais la vigilance dont il faut faire preuve en pareilles circonstances si l’on veut protéger sa propre vulnérabilité.
L’impassibilité de ces visages face aux divers outrages de la peinture me rappelle cette « imperturbabilité bornée » que le critique de cinéma et poète James Agee attribuait à l’expression pince-sans-rire de la star du muet Buster Keaton. Quoi qu’il se passe autour de l’acteur, peu importe le nombre de fois qu’un objet le percute, qu’il chute ou qu’on le ballotte comme une poupée de chiffon, son visage reste immuable.
DE L’ART RÉALISÉ NON SEULEMENT ENVERS ET CONTRE LA FINITUDE, MAIS AUSSI EN PLEINE PANDÉMIE.
Un esprit indomptable similaire détourne ces autoportraits de leur profonde mélancolie. Malgré tout leur pathos, il y a quelque chose de puissamment absurde, et même de terriblement drôle, dans les coups, les taches, les railleries et autres mauvais traitements picturaux empilés sur leurs visages réticents,
Si, dès le départ, il a reconnu sa fragilité, en particulier dans ses cœurs et ses robes de chambre, il l’évoque aujourd’hui, à quatrevingt-cinq ans, avec un sentiment d’urgence décuplé. En fait, ses œuvres récentes éclairent ses motifs plus anciens d’un jour nouveau, sous lequel nous découvrons les courants et les tourbillons d’un sentiment dont nous ne nous étions peut-être d’abord pas rendu compte. Pour un artiste qui n’a jamais cultivé le cool ou la désinvolture, Dine a su confronter dans son travail à la fois le passage du temps et les nombreux états qu’il engage, du sybillin au cauchemardesque.
Trois œuvres récentes explorent des territoires jusquelà inconnus chez lui. The Twisted Lyre et Forgotten Harvest, Fragrant Spirit, qui en est proche, le voient incruster des têtes de fonte en relief dans des ouvertures dessinées spécialement pour elles. Même si les masques l’intéressent depuis longtemps – ils figurent dans des œuvres comme Blue Valley (The Mead of Pœtry)1 – c’est la première fois qu’il insère une tête de métal en relief dans son travail. Pour At Night I Ride, Dine a gravé huits masques dans des blocs de tilleul, qu’il a peints et fixés à la surface râpeuse et inégale d’une peinture carrée à dominante noire. Faut-il y voir des apparitions, des objets dont on rêve la nuit ? Ou alors des souvenirs ? La manifestation
Me #2, 2020 Huile sur panneau de bois Oil on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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1.Huile et objets sur deux panneaux de bronze et trois de bois, 119,38 x 515,62 cm, 1987.
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d’esprits qui nous accompagneraient tout au long de notre vie ? Sont-ils bien ou mal intentionnés ? Et pourtant, aujourd’hui comme hier, Dine a toujours instillé une généreuse et significative dose d’humour dans ces questions ; sa contemplation de la finitude lors de cette période épuisante ne s’adresse pas seulement à lui-même, mais aussi à nous tous. The Twisted Lyre et Forgotten Harvest, Fragrant Spirit visitent les rêves sinistres qui colorent notre époque. Je vois les têtes de fonte, d’aluminium ou de bronze comme les sœurs de la Bocca della Verità (Bouche de la Vérité), ce colossal masque de marbre sous le portique de l’église Santa Maria in Cosmedin à Rome. Dédié au dieu de la mer, ce visage barbu – dont on dit qu’il mord la main des menteurs – a des cavités en guise de bouche, de nez et d’yeux. Le titre The Twisted Lyre nous fait entendre un autre jeu de mots, « The Twisted Liar », qui ouvre plusieurs pistes de lecture contradictoires. Dans la Grèce antique, la lyre accompagnait la récitation des poèmes. La peinture ne contient ni lyre ni autre instrument de musique. Il faut aussi considérer la tête : pourquoi avons-nous le sentiment qu’elle a été coupée ? Est-ce là l’une des ménades qui ont démembré Orphée, le maître de la lyre ? Que peut bien nous exprimer cette figure si froissée avec un furtif bout d’entonnoir pour toute bouche ? Sommesnous en présence d’un oracle qui parle en énigmes, ou d’un liar (un menteur) ? Peut-on être les deux à la fois ? Et que dire de ces lambeaux de robe bleus, étirés du dessous de la tête jusqu’au bas de la peinture, ou de la hache qui flotte au dessus de la tempe gauche du visage ? Quel genre de violence convoient ces instruments ? Si les mythes anciens sont chargés d’hostilité, notre présent est-il moins brutal ?
Forgotten Harvest, Fragrant Spirit (détail), 2020 Huile, acrylique et têtes en bronze et aluminium incrustées sur toile Oil and acrylic on linen with bronze and aluminium heads incrusted 161 x 430 x 21 cm / 63 3/8 x 169 1/4 x 8 1/4 in.
FACE À L’ULTIME EFFET DU TEMPS, DINE REFUSE D’APPORTER LE MOINDRE RÉCONFORT AU SPECTATEUR OU À LUI-MÊME.
port du masque attente à la liberté personnelle alors que l’autre adhère aux consignes de santé publique, les figures, dont nous pourrions considérer qu’elles représentent deux fils d’actualité distincts, appuient cette sensation de quasi-impossibilité de la négociation ou du compromis. Forgotten Harvest, Fragrant Spirit s’éloigne pourtant des allusions à la violence de The Twisted Lyre et pourrait avoir sa place dans un temple ou un lieu sacré, aussi mystérieux et obscur soit-il. La barre de bois à l’air de frise effacée qui s’étend sur la partie gauche de la peinture et la surface tachetée, granuleuse et multicolore où sont fixés divers objetsreliques me semblent suggérer que cette toile, comme la figure de Prophet in the Storm, a survécu à un événement tragique. Ou peut-être le temps dévaste-t-il tout, tout simplement.
Proche d’une fresque, Forgotten Harvest, Fragrant Spirit semble proposer au moins deux narrations possibles selon la tête (en aluminium ou en bronze) que nous choisissons d’écouter. La distance considérable entre leur position respective, d’un côté et de l’autre de la toile, suggère que le dialogue n’est parfois pas possible entre des factions opposées. Vues les divergences extrêmes qui affligent les États-Unis à propos de la Covid-19, où un camp affirme que le
Face à l’ultime effet du temps, Dine refuse d’apporter le moindre réconfort au spectateur ou à luimême. Dans leur expression d’un état d’incohérence et de confusion, ces travaux n’offrent aucun répit au temps qui passe. Ce refus, ajouté à sa cooptation du 50
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chaos, place ses œuvres récentes à l’écart de celles de ses contemporains. À la différence de nombre de ses pairs, il n’a pas cherché refuge dans le style ni nié notre inévitable dissolution, cette destinée qui nous emporte. Il récuse l’idée de détourner le regard, comme en témoignent ses travaux urgents, nécessaires, furieusement habités.
[sa] main » à la « férocité que notre imagination prête à un chien enragé ». À regarder les coulures rouges sous la large bande, également rouge, de Red Laughing, nous pourrions y voir, pour reprendre l’expression consacrée, le sang, la sueur et les larmes de l’artiste, mais sans aucune espèce de mélodrame.
CAPABLE DE LIGNES DÉLICATES, SENSUELLES ET NUANCÉES, DINE A JETÉ TOUTE RETENUE AU VENT.
Quand je contemple l’étendue des choix que Dine a faits dans des pièces comme Rules of the Forest, aux quatre panneaux irréguliers de frêne et de tilleul posés contre le mur ou dans Red Laughing, avec sa large bande de peinture rouge granuleuse qui traverse la surface de part en part, « intrépide » est le seul adjectif qui me vient pour résumer ses intentions. L’artiste a beau avoir appliqué de la peinture sur certaines parties des panneaux de Rules of the Forest, il refuse de fixer un outil à leur surface ou de donner une image au spectateur – de lui offrir ne serait-ce qu’un objet concret auquel s’accrocher.
Illustrateur merveilleux capable de lignes délicates, sensuelles et nuancées, Dine a jeté toute retenue au vent. Au lieu d’essayer de recréer ce qui l’a fait connaître, il a choisi d’affronter cette période profondément démoralisante la main sur le cœur. Ancré dans la compréhension qu’il est impossible d’altérer la force du temps, il donne au rouge intense de cette « lune de sang » – peut-être la couleur d’un cri qui se déverse sur ses œuvres – un rire aussi éclatant que possible.
Là, comme dans d’autres travaux récents, Dine connecte « la passion qui ne demandait qu’à jaillir de
Rules of the Forest, 2020 Huile et acrylique sur panneaux de tilleul et de frêne Oil and acrylic on lime and ash tree slates 283 x 288 cm 111 3/8 x 113 3/8 in.
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The Cedarwood Head, 2019 Fusain sur bois de cèdre Charcoal on cedar wood 132 x 97 x 21,5 cm / 52 × 38 1/4 × 8 1/2 in.
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Me #1, 2020 Huile sur toile montĂŠe sur panneau de bois Oil on linen mounted on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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Me #2, 2020 Huile sur panneau de bois Oil on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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Me #3, 2020 Huile sur panneau de bois Oil on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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Me #4, 2020 Huile sur panneau de bois Oil on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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Me #5, 2020 Huile sur panneau de bois Oil on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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Me #6, 2020 Huile sur panneau de bois Oil on panel 65 x 54 cm / 25 5/8 x 21 1/4 in.
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Me #7, 2020 Huile sur frĂŞne Oil on ash tree 74 x 49 cm / 29 1/8 x 19 1/4 in.
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Me #8, 2020 Huile sur toile Oil on linen 50 x 40 cm / 19 5/8 x 15 3/4 in.
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Me #9, 2020 Huile sur toile Oil on linen 50 x 40 cm / 19 5/8 x 15 3/4 in.
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Me #10, 2020 Huile sur toile Oil on linen 50 x 40 cm / 19 5/8 x 15 3/4 in.
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Me #11, 2020 Huile sur toile Oil on linen 50 x 40 cm / 19 5/8 x 15 3/4 in.
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Me #12, 2020 Huile sur toile Oil on linen 50 x 40 cm / 19 5/8 x 15 3/4 in.
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Me #13, 2020 Huile sur toile Oil on linen 55 x 46 cm / 21 5/8 x 18 1/8 in.
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Me #14, 2020 Huile sur toile Oil on linen 55 x 46 cm / 21 5/8 x 18 1/8 in.
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At Blue Mountain Fine Art, working on The Hooligan, Baker City, Oregon, July 2018.
He completes his art studies at Ohio
1957 University and that same year marries a fellow student, Nancy Minto. He stays on for one more year at Ohio University to keep painting and printing because the faculty generously allowed him to use the facilities. Dine moves to New York City. Together
1958 with Claes Oldenburg and Marc Ratliff, he founds the Judson Gallery at the Judson Memorial Church in Greenwich Village. At that time he also meets Allan Kaprow and Bob Whitman. Together they become pioneers in happenings and performance.
JIM DINE Lives and works in Paris (France), Göttingen (Germany) and Walla Walla (Washington, USA).
Born in Cincinnati Ohio
1935 on June 16th.
First solo exhibition is held at the Reuben
1960 Gallery in New York where also he
performs the Car Crash, his most ambitious performance to date. He has an exhibition of new paintings at
1962 the Martha Jackson Gallery. She also
makes a group show called New Forms, New Media that includes Claes Oldenburg, John Chamberlain, and Allan Kaprow. Jasper Johns takes Jim Dine to meet Tatyana Grosman at ULAE and, in the summer of 1962, begins a long printing history with her. Also in 1962, Dine begins a 14-year-long relationship with Ileana Sonnabend who organises a solo exhibition of his paintings in Rome. His time with her included a solo exhibition every two years in her Paris gallery. He participates in the 23rd Venice
His mother dies, 1947 he is 12-years old.
1964 Biennale in the American pavilion.
Dine goes to live with his maternal 1950 grandparents. His grandfather owns a hardware store, for woodworking, plumbing, and building tools.
1965 artist-in-residence at Oberlin College,
Guest lecturer at Yale University and
While in high school at 16, he
1952 begins studies at the Cincinnati Art Academy in the evening. Dine begins studying at the College
1955 of Fine Arts at Ohio University in
Athens, Ohio. He becomes acquainted with various printmaking techniques and, the following September, he begins studies for a few months at The School of Fine Arts at the Museum of Fine Arts in Boston.
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Ohio; first solo museum show at the Allen Memorial Art Museum. Set and costume design for A Midsummer Night’s Dream commissioned by Actor’s Workshop, San Francisco, California. He begins a one-year teaching
1966 residency at Cornell University in New York. He writes his first poems and meets the poet Robert Creeley. He is also commissioned by Holt Rinehart to illustrate an English translation of Apollinaire’s The Poet Assassinated. The translator is the poet Ron Padgett: he becomes his lifelong friend and colleague. The Stedelijk Museum in Amsterdam presents a solo exhibition.
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In the summer, Dine moves to London
1967 with his family and lives there until the summer of 1971. He participates in Documenta IV in
1968 Kassel, Germany.
Dine shows at the Kunsthalle in
1969 Nuremberg, Germany as well as at Galerie Ileana Sonnabend in Paris, France. The Whitney Museum of American Art 1970 in New York offers Dine a retrospective. Dine returns to the US with his family
1971 and goes to live on a farm in Putney,
Wildenstein in New York City. The exhibition Jim Dine: Untersberg 1993-1994 opens at the Salzburg Residenzgalerie in Austria. Dine also has three museum shows this year, the first at the Detroit Institute of Arts highlighting work of his in local collections, Walldrawing at the Kunstverein Kreis Ludwigsburg in Germany as well as Jim Dine: Paintings, Drawings and Sculpture 1973-1993 at the Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice (MAMAC), Nice, France. He is a visiting artist in Berlin at
1995 the Hochschule der Künste. He also shows at Arji Gasiunasen Fine Art Inc., in Palm Beach, Florida.
Vermont. He remains there until 1985. Dine shows with Pace in both Los
Chicago, Illinois, highlighting recent Paintings and Drawings. Dine also has an exhibition of Early Jim Dine from Italian Collections at the Palazzo delle Papesse in Siena, Italy. Since 2001 the artist has lived a part of each year in Paris, France. Photographs So Far is shown at the
2003 Maison européenne de la Photographie in Paris, France. The show then travels to the Hasselblad Center Gothenburg, Sweden; Cleveland Museum of Art, Ohio; SK Foundation in Cologne, Germany, Davison Art Center at Wesleyan University, Connecticut. This exhibition is documented with a four-volume catalogue published by Steidl in Göttingen, Germany. Named Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres, June 25th, 2003.
Dine meets the great etching printer 1975 Aldo Crommelynck in Paris and begins work. They collaborate until Aldo’s passing in 2008.
1996 Angeles and New York. At the same
He participates in Documenta VI in 1977 Kassel, Germany.
1997 etchings and woodcuts printed by
in Washington DC. It is a retrospective of his life as a draftsman up to that time.
Kurt Zein is presented in Vienna, Austria, and Gothenburg, Sweden. He participates in the 47th Venice Biennale and is awarded a doctorate by the California College of the Arts in Oakland, California.
2005 Michener. He purchases a farm in
time Jim Dine. Venus is shown at the Museo Revoltella in Trieste, Italy. The exhibition Me and Zein: Jim Dine
He meets and begins a relationship with 1979 the British print dealer, Alan Cristea, who continues to exhibit his prints worldwide today. Nominated as a member of the American
He meets and begins his ongoing
1980 Academy of Arts and Letters in New York
1998 collaboration with the publisher and
and begins to work for a period of time each year in London where he rents a studio.
printer Gerhard Steidl. Jim Dine: Walking Memory, 1959-1969,
Jim Dine begins a 30-year relationship 1983 with the Walla Walla Foundry in Washington.
1999 exhibition at the Solomon
R. Guggenheim Museum, New York City. Dine begins his ongoing collaboration
The Walker Art Center in 1984-1985 Minneapolis presents a full-career retrospective called Jim Dine: Five Themes. In 1985 he moves back to New York City.
2000 with the Galerie Daniel Templon in Paris, France with the exhibition Œuvres récentes. He has shows with Alan Cristea in London, UK, Wetterling in Sweden and Richard Gray in
Dine designs sets and costumes for
1986 Houston Grand Opera’s 1986-1987 season presentation of Strauss’ Salome.
He begins working with the Viennese
1987 printer Kurt Zein, a collaboration that lasts until 2003. The Albertina Museum in Vienna
1989 presents a solo exhibition of Dine’s work from the Glyptothek and related subjects entitled Youth and the Maiden with an essay by its then director Konrad Oberhuber. Exhibition of drawings of classical
1990 sculpture, In der Glyptothek, Staatliche Antikensammlungen und Glyptothek, Munich. Dine teaches at the Salzburg
1993-1995 International Summer Academy of Fine Arts. Dine shows at the International
1994 Exhibition Centre in Finland. He produces a show of botanical work for Pace
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Solo exhibition Drawings by Jim Dine is
2004 presented at the National Gallery of Art
He marries the photographer Diana
Walla Walla, State of Washington, and sets up a painting and printing studio there. Some drawings is a comprehensive exhibition of Dine’s life in drawing, curated by Stephanie Wiles. Exhibited at Allen Memorial Art Museum, Oberlin College, Ohio, and travelled to Neuberger Museum of Art, Purchase College, State University of New York; Mary and Leigh Block Museum of Art, Northwestern University, Illinois; and Frederick R. Weisman Art Foundation, Pepperdine University, Malibu, California.
Jim Dine in front of Black Bathroom #2 teaching at Oberlin College, Oberlin, Ohio.
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to the SK Foundation in Cologne, Germany. Dine also begins the continuing performance cycle House of Words starting in Göttingen, Germany, at the Günter Grass Archive and going to the Poetry Foundation in Chicago, Illinois; EOF Gallery in Paris, France; Antikenmuseum in Basel, Switzerland; Farewell Books in Austin, Texas; Chapelle Sainte-Anne, La Baule, France; Chiesa dei Santi Luca e Martina, Rome, Italy. Galerie Daniel Templon in Paris presents the show, Jim Dine: 80th Anniversary. The British Museum honours Jim
2016 Dine’s career as a printmaker with an exhibition. The exhibition I never look away at the Albertina Museum Vienna, Austria, takes place that summer. He does a performance at the Poetry Foundation in Chicago reading his poems. He begins a collaboration with Gabi Pechmann and Christoph Chavanne at Steindruck in Apetlon, Austria. Jim Dine inaugurates the new space of
2017 Richard Gray Gallery in Chicago with a
Jim Dine and Aldo Crommelynck in Aldo’s Paris studio.
Galerie Daniel Templon has a show of recent drawings, Hello Yellow Glove highlighting a series of portraits of Gerhard Steidl amongst new tool and Pinocchio drawings.
Aldo et Moi, the complete etchings
2007 of Jim Dine made with Aldo
Crommelynck opens at the Bibliothèque nationale de France, Paris.
Gerhard Steidl publishes Dine’s printing
2013 autobiography called A Printmakers
show of new paintings, Looking at the Present: Recent works by Jim Dine while simultaneously showing historic works at their New York Gallery. The commission from The Chazen Museum of Art at the University of Wisconsin, Madison is inaugurated. Jim Dine’s show The Muse and Seven Black Paintings accompanies the installation of the long poem The Flowering Sheets, shown for the first time at the J. Paul Getty Museum in Malibu, California, at the Accademia di San Luca, Rome, Italy. Also
Document. The 9.3-metre high Busan Pinocchio is inaugurated in Busan, South Korea.
The 9-metre monumental bronze
2008 Walking to Boras is inaugurated
in Boras, Sweden. Two very important exhibitions are inaugurated, the first being Jim Dine: Hot Dreams (52 books), an exhibition developed with Gerhard Steidl centred on Dine’s iconography opens at the Liner Museum in Apenzell, Switzerland. The second, Jim Dine: Poet Singing (The Flowering Sheets) is inaugurated at The J. Paul Getty Museum in Los Angeles, California. The year is complemented by a show at the Baltimore Museum of Art, Front Room: Jim Dine and summary shows of recent work with the Wetterling Gallery in Sweden and Guy Pieters Gallery in Saint-Paul-de-Vence, France. Solo exhibition at the Richard Gray
2009 Gallery in Chicago, Illinois, Old me now, Self-portrait drawings. A retrospective of Jim Dine’s sculpture is
2011 presented at the Frederik Meijer Gardens & Sculpture Park, Grand Rapids, Michigan. Jim Dine: In Celebration of Pinocchio,
2012 Cincinnati Art Museum, Ohio, is
inaugurated. Jonathan Novak has a recent show of paintings in Los Angeles and the
Galerie Daniel Templon shows new
2014 abstract paintings in their Brussels
Gallery. I Knew Him, Jim Dine Skulls (1982-2000) is inaugurated at The Chazen Museum of Art in Madison, Wisconsin. Dine’s collected poems, called Poems
2015 To Work On is published by Cuneiform Press. The Wetterling Gallery has a show Hearts of Stone highlighting recent glazed lava work that Dine had done in the South of France with Hans Spinner. The exhibition My Tools is inaugurated in Cologne, Germany, at the SK Foundation exhibiting a selection of his tool photographs. Dine also shows the new glass works assemblages City of Glass with the Galerie Daniel Templon in Paris, France. These pieces were made collaborating with Jim Mongrain glass in Seattle, Washington. Dine also has a survey show of prints at Museum Folkwang in Essen, Germany, About the Love of Printmaking. A Life in Printmaking is inaugurated at Washington State University Museum of Art, Pullman. This exhibition is followed by People, Places and Things, at The Brattleboro Museum and Art Center in Vermont. Dine stops photographing and donates 15 years of work
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House of Words. The Muse and Seven Black Paintings, Accademia Nazionale di San Luca, Rome, Italy, November 2017.
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that year Jim Dine presents new paintings in an exhibition entitled Montrouge Paintings at the Galerie Templon in Paris, France. Dine makes a gift of 250 prints to the National Gallery of Victoria in Melbourne, Australia, and they honour this gift with an exhibition and a catalogue A Life in Print. Dine also completes this year a year-long project at the Cité de la céramique in Sèvres, a group of Ten Vases with Bronze tools, ordained by the poem Seeing thru the Stardust, the Heat on the Lawn (Claude). Dine completes an extensive interview with Bernard Blistène, Director of the Musée National d’Art Moderne-Centre Pompidou in preparation for his retrospective in the spring of 2018. Jim Dine inaugurates his exhibition at
2018 the Musée National d’Art Moderne-
Centre Pompidou, Paris, France. Exhibition to celebrate his donation of 28 historical works to this French institution. A catalogue is published for the occasion by Steidl. This exhibition travels to Moscow, Russia, in September to be shown at MAMM, Multimedia Art Museum. The Gallery Thomas in Munich, Germany, shows a group of paintings from 2017-18 and three recent bronze sculptures from 2018. There is a catalogue edited for the occasion with a text by Annalisa Rimmaudo. In October Dine inaugurates an exhibition in New York City at Richard Gray Gallery of The Black Paintings with a catalogue published for the occasion. Jim Dine opens Poésie der Pflanze at 2019 the SK Stiftung Kultur in Cologne, Germany. An exhibition showing his heliogravures next to the photography of Karl Blossfeldt. Also in Germany in Munich at the Kunstfoyer VKB, Dine opens I never look away, a group of self-portraits from the Albertina Museum in Vienna. In July of that year, he opens, at Centre Pompidou Malaga, Spain, an exhibition highlighting his donation to the French Institution. In November Jim Dine: Pinocchio, Geppetto, and Other Personal Metaphors inaugurates the print and drawing rooms at the Sidney and Lois Eskenazi Museum of Art in Indiana. Dine donates an important four-panel drawing to the Smart Museum of Art in Chicago in honour of Richard Gray, his long-time dealer and friend. Jim Dine participates in a group exhibition at the Villa Bardini in Florence, Italy. Dine also donates 270 prints to the Snite Museum of Art at Notre Dame University, Indiana.
Smithsonian Museum. The Cristea Roberts Gallery opens a virtual show due to Covid-19 of recent prints, with a catalogue highlighting his collaboration with Gabi Pechmann and Christoph Chavanne. The summer ends with a group show of outdoor sculpture, Field of Dreams, at The Parrish Art Museum, Water Mill, State of New York, showing for the first time The Wheatfields (Agincourt) as well as The Hooligan. In autumn, Dine inaugurates the Poet Singing (The Flowering Sheets) pavilion in Göttingen, Germany, a monumental group of sculptures originally shown at the Getty in 2008. This piece has been donated to the city of Göttingen in honour of Gerhard Steidl. This installation will coincide with the launch of the latest volume of Dine’s catalogue raisonné of prints 20012020. In November Jim Dine will inaugurate a monumental ceiling piece, Faire danser le plafond, a ceramic installation made at the Cité de la Ceramique in Sèvres, France. This site-specific work was commissioned by the GGL Helenis Foundation for the Hotel Richer de Belleval in Montpellier, France, and will be accompanied by a show of prints, paintings and sculpture. Dine ends the year with A Day Longer at the Galerie Templon in Paris, France, a show bringing together paintings made in Montrouge over these past two years accompanied by new bronze sculptures produced at the Bocquel Foundry in France. The exhibition Secret Drawings, which was to be held at the University of the Arts in Philadelphia, PA, has been postponed due to the Covid-19 pandemic, a catalogue has been produced for this group of work by Steidl Verlag.
The Wheatfield (Agincourt), Parrish Art Museum, Water Mill, State of New York, 2020.
The year begins with the release of
2020 A Song at Twilight, a collection of
recent poems published by Cuneiform Press. The publisher’s Joca Seria and Steidl releases A Day Longer, a book of the artists’ poems written in his hand accompanied by a recording Dine made at the Pompidou sound studio in May 2019. In February, Dine inaugurates a large retrospective at the Palazzo delle Esposizioni in Rome, Italy, spanning 6 decades of work. Also in February, Dine begins the process of creating a living artist’s archive with Avis Berman for the
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Muscle and Salt, Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig, Art Basel Parcours, June 2016.
There are several other notable events that have also been postponed due to the current health crisis, notably a show of prints at the Snite Museum at the University of Notre Dame, Indiana, a poetry performance at Seattle Art Museum and the presentation of the monumental bronze The Three Ships at Richard Gray Gallery in Chicago.
Catalogue published for the exhibition Catalogue édité à l’occasion de l’exposition
JIM DINE From November 7 to December 23, 2020 Du 7 novembre au 23 décembre 2020
30 RUE BEAUBOURG 75003 PARIS | +33 (0)1 42 72 14 10
info@templon.com | www.templon.com
Auteurs/Authors: Anne-Claudie Coric, Annalisa Rimmaudo, John Yau Traduction/Translation: Yves-Alexandre Jaquier, Alexandra Keens Coordination éditoriale/Editorial coordination: Théa Chevalin Avec l’aide de/With the support of: Daniel Clarke, Jeri Coppola. Crédits photographiques/Credits: Photos des œuvres/Artworks: B.Huet-Tutti sauf/except p. 8 & p. 45: © Jim Dine Studio; p. 10: Ellen Page Wilson; p. 15, p. 80, p. 82 & p. 83: Daniel Clarke; p. 81: DR; p. 82: Unknown, possibly Nancy Dine; p. IV & p. 85: Diana Michener Couverture/Cover: At Dunkerque Version 1 Unique State 1/6 (détail), 2020 Création, édition/Design and production: Agence Communic'Art 23 rue du Renard – 75004 Paris Tél. : +33 (0)1 43 20 10 49 www.communicart.fr Directeur de la création/Creative director: François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre Imprimé en Belgique/Printed in Belgium © Galerie Templon ISBN : 978-2-917515-38-9 84
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ISBN 978-2-917515-38-9 25€ 30 RUE BEAUBOURG 75003 PARIS | +33 (0)1 42 72 14 10
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