2015
Galerie Daniel Templon
30 rue Beaubourg 75003 Paris 33 (0)1 42 72 14 10 – danieltemplon.com ISBN 978-2-917515-18-1 25€
Galerie Daniel Templon
The Infinite Episode | Jitish K allat
The Infinite Episode | Jitish K allat
galerie daniel templon
The Infinite Episode  | Jitish K allat
galerie daniel templon
foreword |  avant-propos
foreword | avant-propos
JITISH KALLAT’S COSMOPOLITICS
FROM SINGULAR TO PLURAL, FROM PLURAL TO SINGULAR
LA COSMOPOLITIQUE DE JITISH KALLAT
DU SINGULIER AU PLURIEL, DU PLURIEL AU SINGULIER Chantal Pontbriand
The Infinite Episode 2015 Detail/Détail
4
The Infinite Episode | Jitish K allat
If you shed
The Infinite Episode (2015) est une œuvre The Infinite Episode (2015) is a work by tears when you de Jitish Kallat rassemblant, sur un long Jitish Kallat that brings together, on a miss the sun, socle blanc qui rehausse le sol, dix corps white plank laid on the floor, ten animal you also miss d’animaux modelés dans une position bodies shaped as though they were sleepthe stars. assoupie. Moulés en plâtre dentaire, ces ing. Made of dental plaster, these bodies corps arborent tous la même couleur beige bare a neutral beige colour, akin to that of Si vous versez neutre, semblable à la pierre d’albâtre ou alabaster stone or pale yellow earth. The des larmes à de la terre jaune pâle. Étonnamment, bodies are almost all the same size, surquand le soleil les corps sont presque tous de la même prisingly enough as they take the shape of vous manque, taille alors même qu’il s’agit d’espèces different recognizable species: dog, bear, vous ne verrez animales distinctes et reconnaissables : swan, antelope, rhinoceros, chimpanpas les étoiles. chien, ours, cygne, antilope, rhinocéros, zee, cow… They appear fossilized and Rabindranath Tagore 1 chimpanzé, vache… Ils apparaissent shrunken in this process, evoking the effossilisés, comme réduits par ce procédé, fects of museification, artefact or scientific évoquant les effets de la muséification, de specimen. This purposeful scaling down l’artefact ou du spécimen scientifique. Cette réduction of the bodies, their colouring and placement thwarts d’échelle volontaire, leur coloration et leur position time. They show up on the white background as left déjouent le temps. Ils reposent sur ce fond blanc comme to be examined, compared, recognized, classified déposés sur une table d’examen afin d’être comparés, or re-classified, all processes associated to human identifiés, classifiés ou re-classifiés, des processus associés knowledge. They are displayed in a way that they à la connaissance humaine. Ils sont disposés de manière are seen from quite far above, the display seemingly à être observés de haut et depuis une certaine distance, echoing the distanced gaze of the viewer, or of the faisant ainsi écho au regard distancé du spectateur, archaeologist, or else the natural scientist. The gallery de l’archéologue ou encore du biologiste. Le visiteur viewer adopts all these positions at once (so does the entrant dans la galerie adopte toutes ces positions à artist). It is the near/far dichotomy which is exactly that la fois (tout comme l’artiste). C’est cette dichotomie of processes that sustain human knowledge, that drive proche/lointain qui est au cœur des phénomènes qui it even. How could there be any desire if the world sous-tendent la connaissance humaine et qui en est même did not withhold any unknown, anything somewhat le moteur. Comment le désir pourrait-il exister si ce further away, somewhat distant, even unattainable monde ne renfermait pas d’inconnu, de choses lointaines, in some instances, and nevertheless close enough to distantes, parfois même inatteignables, mais néanmoins be glimpsed at, to attract attention, curiosity and suffisamment proches pour les apercevoir, pour qu’elles eventually trigger some sort of quest? The title of the attirent notre attention, notre curiosité, et nous entraînent work holds these paradoxes together. Isn’t an episode finalement dans une sorte de quête ? Le titre de l’œuvre linked to the “end”, a temporary conclusion within a renferme tous ces paradoxes. Mettre en lien les termes chapter when various truths and feelings come together « épisode » et « fin » ne ferait-il pas référence à une in some sort of meaningful conclusion? The infinite is conclusion temporaire à l’intérieur même d’un chapitre, the infinite, and it cannot correspond to an episode, un moment où certaines vérités et sentiments se rejoignent it is a concept for something made to last forever. An dans une sorte de conclusion révélatrice ? L’infini reste impossibility in the end, a phenomenon which names l’infini, il ne peut donc correspondre à aucun épisode, that which is desirable and however unattainable. This c’est un concept signifiant qu’une chose est censée durer impossibility is the substratum of time, an endless pour toujours. Et c’est en fin de compte une impossibilité, flow for which the notion of episode is somewhat un phénomène qui désigne quelque chose de désirable inadequate or foreign.
Chantal Pontbriand
is a curator, art critic and consultant, and is director of Pontbriand W.O.R.K.S. [We-Others and myself_Research_ Knowledge_Systems]. Chantal Pontbriand est commissaire d’exposition et d’événements, critique d’art, consultante. Elle dirige Pontbriand W.O.R.K.S. [We-Others and myself_Research_ Knowledge_Systems].
Previous page/ Page précédente
Breath, 2012 7 channel video 38 5/8 x 181 x 4 in. edition of 3 + 1 AP detail 7 écrans vidéos 98 x 460 x 10 cm édition de 3 + 1 EA détail
5
The Infinite Episode | Jitish K allat
mais néanmoins d’inatteignable. Cette impossibilité est le substrat du temps, un flux incessant pour lequel la notion d’épisode est d’une certaine façon inadéquate ou même étrangère. Pourquoi ces animaux sont-ils figés ainsi, dans une posture semblable au sommeil ? Ils semblent dormir pendant que le monde continue de tourner, comme si le temps s’était arrêté et qu’aucune autre métamorphose n’allait advenir. Ou bien dans un état d’incertitude, d’attente, dans l’expectative ou la régénération. Tels qu’ils nous sont présentés, ils paraissent bien éloignés d’une quelconque forme de vie, comme réduits et paraissant morts, une pâle ombre d’eux-mêmes. La mort rôde par ici, et pourtant, nous, visiteurs, devenons immédiatement attachés à ces quasi-restes, à ces ombres du souvenir, de vies passées et de formes de vie figées dans cette position intime et attachante du sommeil. Que regardons-nous ? Voici un monde sur le point de s’oublier, exploitant sa biopolitique dans toutes les sphères de la vie, fossilisant nos existences dans la machine englobante qu’est devenu le capital, emportant le cœur même de notre existence corporelle. C’est dans les contradictions de ces processus que l’on peut observer la vie, que l’on peut imaginer à nouveau des territoires à explorer, de nouvelles directions à prendre, d’autres manières de voir qui peuvent entraîner d’autres manières de vivre 2.
The Infinite Episode 2015 Detail/Détail
Why are these animals frozen as they are, in a posture akin to sleep? They seem to be sleeping away as the world continues to turn, as though time has stopped and no more metamorphosis could be foreseen. We could also think that they are in a state of limbo, waiting, expectancy or regeneration. They do seem quite removed from any life-form in the state in which they are presented, shrunken, looking dead, a pale shadow of their former selves. The aura of death lurks, and yet we, as viewers, immediately attach ourselves to these quasi-remains, these shadows of remembrance, of bygone lives and life-forms, caught in the intimate and endearing forms of sleep. What are we looking at? This a world that is in the process of forgetting itself, mining its bio-politics in all spheres, fossilizing our existences in the over-arching machine that capital has become, engulfing the very core of bodily existence. It is in the contradictions of these workings that one can see life, that one can reimagine territories to explore, new directions to take, other ways of seeing that can lead to others ways of living.2 Flowchart (2015) is a vitrine that contains sketches and objects that have come together by chance as work goes on in the workspace of the artist. It is in this mind space that unexpected processes occur. It is that of a continuous flow, far from an “infinite episode”. The piece echoes the notions of investigation, process, trial
6
Flowchart (2015) est une vitrine contenant des croquis et des objets rassemblés au hasard pendant le travail de l’artiste dans son atelier. C’est dans cet espace mental que des processus inattendus prennent vie. C’est un flux incessant, loin d’un « épisode infini », faisant écho aux notions d’investigation, de processus, d’essais et d’erreurs, de hasard, qui sous-tendent « le » travail. Le travail qui est, le travail à venir : la vitrine contient des fragments d’un état d’esprit en recherche, n’arrivant pas à trouver de réponse, mais dont le but est de mettre bout à bout les preuves au fur à et mesure qu’elles apparaissent. Que ce soit à travers la feuille morte qui s’est frayé un chemin au cœur de Flowchart, ou le dessin de l’ouroboros, la vitrine fait fortement allusion aux cycles de la vie qui se répètent et qui, de par leur répétition, perpétuent l’énigme fondamentale de la vie. Ces cycles de la vie, ou ces formes de vie, ces formes que prend la vie, tout ce que les conditions de vie sur cette planète permettent de faire émerger, sont constamment explorés par Jitish Kallat et apparaissent sous différents aspects, incarnations, et médiums, en suivant la mise en œuvre de divers processus. La série très « John Cage » intitulée Wind Studies (2015) consiste en des dessins dont la surface est en partie brûlée 3. La forme finale du dessin est laissée entièrement au procédé utilisé consistant en une séquence de gestes, certains déterminés par l’artiste, d’autres laissés au hasard. Kallat trace en lignes abstraites des dessins de formes géométriques qu’il apporte ensuite
The Infinite Episode | Jitish K allat
and error, chance that lay behind “the” work. The work that is, the work to come: the vitrine holds fragments of a searching mind-set, one that cannot come to conclusions about anything, but whose purpose is to assemble what comes about as it comes. Be it the dead leaf that has found its way to the bosom of Flowchart, or the drawing of the ouroboros, the vitrine alludes strongly to life-cycles that repeat themselves, and which in that repetition hold the fundamental enigma of life. These life-cycles, or life-forms, forms that are taken by life, anything that emerges in the living conditions of the planet, are constantly being explored by Jitish Kallat and take different guises, incarnations, media, as they follow different processes that are put into action. The very Cagean series titled Wind Studies (2015) consists of drawings whose surfaces are partially burned.3 The final form of the drawing is left to the process enacted in a sequence of gestures, some of which are set by the artist, others being left to chance. Kallat first makes abstract line drawings of geometrical shapes and then brings them outside his studio to set fire to the lines after pouring an inflammable fluid on them, one line at a time. The lines fire up and leave traces of fumes on either side of the lines depending on the way the wind is blowing at that very instance. Each drawing then gains a subtitle pointing to the durational aspect to these drawings, each one intrinsically linked to the hour of the day, of the month and of the season, when it was made. The rationality of the line drawings, echoing studies of perspectivism, architecture, neural networks or cellular structure, is confronted with the processes of nature, that of the elements that essentially lay out the world as it is fundamentally. A world of endemic change. Kallat seeks out these fundamental rhythms in many of his works. A series of videos punctuates the course of his work. Forensic Trail of the Grand Banquet (2009) shows a black background on which white shapes of matter are floating. Actually, what we are seeing are images made from x-rays of different foods. These cosmic images are put together so as to suggest a journey into space in which unknown constellations, planets, nebulae, are constantly coming towards us. It is as though we were going through a looking glass, discovering a new world, new galaxies. The materiality of the piece, the process that enabled it, the agglomeration of so many images, hundreds of them, which are taken from a banal daily reality and subjected to a banal photographic device in a pathology laboratory, opens up the many universes contained in this one universe in which we gravitate on a daily basis.
à l’extérieur de son atelier. Là, il met le feu aux lignes, l’une après l’autre, après les avoir arrosées d’un liquide inflammable. Les lignes s’embrasent, laissant des traces aléatoires de fumée de part et d’autre, en fonction de la direction du vent au moment où l’action est menée. Chaque dessin reçoit ensuite un sous-titre soulignant son aspect temporel, chacun étant intrinsèquement lié à l’heure du jour, au mois et à la saison de sa création. La rationalité de ces formes, faisant écho aux études du perspectivisme, à l’architecture, aux réseaux neuronaux ou à la structure des cellules, est confrontée aux processus naturels, aux éléments qui, en réalité, ordonnent le monde tel qu’il est fondamentalement. Un monde aux changements endémiques. Kallat part à la recherche de ces rythmes fondamentaux dans beaucoup de ses travaux. Une série de vidéos ponctue le parcours de ses œuvres. Forensic Trail of the Grand Banquet (2009) montre un fond noir devant lequel flottent des formes de matière blanche. En réalité, ce que nous voyons sont des images de différents aliments capturées aux rayons X. Ces images cosmiques réunies suggèrent un voyage dans l’espace dans lequel des constellations, des planètes et des nébuleuses inconnues se dirigent sans cesse vers nous. C’est comme si nous traversions un miroir pour découvrir un nouveau monde, et pourquoi pas de nouvelles galaxies. La matérialité de l’œuvre, le processus qui l’a rendue possible, l’agglomération de tant d’images, des centaines, prises dans la réalité banale et quotidienne et soumises à l’appareil photographique d’un laboratoire de pathologie, ouvrent sur de nombreux mondes contenus dans cet unique univers où nous gravitons tous les jours. Forensic Trail of the Grand Banquet évoque la photosynthèse, la transformation de la matière vivante en
in a state of limbo, waiting, expectancy or regeneration dans un état d’incertitude, d’attente, dans l’expectative ou la régénération
Forensic Trail of the Grand Banquet 2009
Forensic Trail of the Grand Banquet evokes photosynthesis, the transformation of living matter into another living matter, a process enabled by light. Photosynthesis on Earth generates 130 terawatts, three
7
The Infinite Episode | Jitish K allat
Forensic Trail of the Grand Banquet 2009
8
times the aggregate of power consumption by humans in the present day.4 In this work Kallat synthesizes the scale of the energy generated by food production and consumption at its very root, a scale of cosmic proportions. He attempts here to draft a “trail” of the photosynthetic existence of food, which is vital to all spheres of life. Yet, he alludes in his title to a “forensic” trail. This makes us believe that he is bringing to our conscience the potential limits of life on Earth, as the photosynthetic processes are being depleted by human civilization. Exercising a “forensic” activity in his work, he is engaging himself, and hence ourselves as viewers, in a method that seeks to examine remains as evidence of a future understanding, a coming knowledge, a yet undiscovered clue or intuition that could lead to a breakthrough. This could mean that new paths of discovery await an ailing world, a world that forever has struggled to move ahead, and to overcome. The overcoming is linked to becoming; it is the movement that has enabled life to subsist on Earth. Forensic Trail of the Grand Banquet presupposes that the viewing of todays issues, such as war, famine, disease, which the obsessive x-raying of food (700 x-rays make up the film) and the photosynthesis operated in the film itself echo, must be considered in their effects by framing them in a larger view. This view takes on cosmic proportions here. We can imagine that the “world-view” can no longer be sufficient in understanding the scope of today’s issues, and that, as humans, we will soon be faced, with the daunting task of taking on a “cosmic” view.5 This view could mean to finally consider the larger picture than that of the nationalist and continental issues that are still holding ground on this planet. It could mean putting together a world-agenda that could overcome the wide discrepancies that still confront
une autre matière vivante, un processus nécessitant la lumière. La photosynthèse sur Terre génère 130 térawatts, c’est-à-dire trois fois la consommation totale actuelle en énergie 4 des êtres humains. Jitish Kallat, dans cette œuvre, synthétise l’ampleur de l’énergie générée par la production et la consommation alimentaires à sa source, une ampleur aux proportions cosmiques. Il tente ici de dessiner une « trace » de l’existence photosynthétique des aliments, qui est en réalité vitale dans toutes les sphères de la vie. Il fait néanmoins allusion dans le titre à une trace « médico-légale » (« forensic »). Comme s’il tentait ainsi de nous faire prendre conscience des limites potentielles de la vie sur Terre, les processus de photosynthèse étant de plus en plus enrayés par la civilisation humaine. En exerçant cette activité « médico-légale » dans son travail, il s’engage et nous emmène également, nous, spectateurs, dans une approche qui consiste à examiner les restes comme preuves d’une compréhension future, une connaissance à venir, un indice encore caché ou une intuition qui pourrait mener vers une découverte importante. Cela voudrait dire que de nouvelles pistes de découvertes vont s’ouvrir à ce monde souffrant, un monde qui s’est de tout temps battu pour avancer et pour surmonter. Surmonter est intimement lié au fait de devenir, et c’est ce mouvement qui a permis à la vie de subsister sur Terre. Forensic Trail of the Grand Banquet présuppose, dans le fait d’exposer et d’aborder des questions actuelles comme la guerre, la famine, la maladie – dont font écho à la fois le passage obsessif des aliments aux rayons X (le film est composé de 700 clichés de ce type) et la photosynthèse à l’œuvre dans le film – que ces questions doivent être considérées à travers leurs effets en les insérant dans une vision élargie. Cette vision prend ici des proportions cosmiques. On peut aisément comprendre que la « vision du monde » ne soit plus suffisante pour englober l’étendue des problèmes actuels, et qu’en tant qu’humains, nous ferons bientôt face à la tâche effrayante d’assumer une vision « cosmique » 5. Cette vision impliquerait enfin de considérer les choses sous un angle plus global que national ou continental, angles qui dominent toujours notre façon de penser. Cela impliquerait également de mettre en place un programme mondial qui surmonterait l’écart énorme séparant le Nord et le Sud, l’Orient et l’Occident. Enfin, ce nouveau programme s’attaquerait directement au déséquilibre écologique créé jusqu’à présent par la civilisation humaine et qui produit déjà des effets catastrophiques, comme l’apparition de plus en plus fréquente d’ouragans, de tsunamis, de vagues de chaleur ou de froid, d’inondations, de sécheresses, de feux et autres. Le but d’une perspective ou d’une méthode médico-légale est de rassembler des informations afin de mieux évaluer, de juger et de prendre position sur une situation « suspecte ». La racine du mot anglais «forensic» vient du latin et désigne le forum, la place où se rassembler et juger, là où sont discutées les questions d’éthique et de démocratie. The Infinite Episode, dont il était question plus haut, est une œuvre
The Infinite Episode | Jitish K allat
North and South, East and West. Moreover, this new agenda could tackle the ecological disequilibrium that has been created by human civilization so far and that already produces catastrophic effects, such as an increased occurrence of hurricanes, tsunamis, heat and cold spells, floods, droughts, fires, and the likes. The purpose of a forensic outlook or methodology is to gather information in order to be in a better situation to evaluate, judge and take a position on a “suspect” situation. The word itself comes from Latin, and refers to the forum, the place to gather and to judge, the place where questions of ethics and democracy are to be discussed. The Infinite Episode, mentioned earlier on, is a piece that calls upon the viewer to exercise a certain form of forensic activity. It asks many questions which pertain to today’s issues in terms of animal life, such as the extinction of species, questions of preservation/ conservation, ethics with regards to scientific experimentation, commercial exploitation in terms of hunting, fishing, breeding, and genetic manipulation. These are some of the great ethical questions of our time and come to par with those that have occupied the last centuries, such as territory, nationhood, economy, work, class, slavery, exploitation, race, gender, or migrations. The more recent film Infinitum (Here after Here) (2014) shows 30 rotis, the Indian daily bread which is food to over twenty per cent of the world’s population, living in the South-Asian Subcontinent or in areas of the world where the diaspora from these countries has flourished. The flat round breads revolve here in a circle formation which echoes the trajectory of the Moon and the different phases within a lunar cycle. Here again, Kallat coalesces bodily and cosmic concerns which put back to back the basic rhythms of human life and of the universe. This is not the first piece in which the
qui requiert de la part du spectateur d’exercer une certaine forme d’activité médico-légale. Elle met en avant de nombreuses questions qui sont toutes liées aux problèmes relevant de la vie animale, comme l’extinction des espèces, la préservation, l’éthique dans les expérimentations scientifiques, l’exploitation commerciale de la chasse, la pêche, l’élevage et les manipulations génétiques. Voici certaines des grandes questions éthiques de notre temps, tout aussi importantes que celles qui ont occupé les siècles précédents, comme le territoire, la nation, l’économie, le travail, le système de classes, l’esclavage, l’exploitation, la race, le genre ou les migrations. Un film plus récent qui s’intitule Infinitum (Here after Here) (2014) met en scène 30 rotis, ce pain indien qui nourrit plus de 20 % de la population mondiale vivant sur le sous-continent indien ou dans des régions du monde où la diaspora de ces pays s’est installée. Ce pain rond et plat tourne en formant un cercle qui évoque la trajectoire de la Lune et les différentes phases de son cycle. Encore une fois, Kallat réunit des préoccupations corporelles et cosmiques renvoyant dos à dos les rythmes de base de la vie humaine et de l’univers. Ce n’est pas la seule fois qu’apparaît l’image du roti que l’on retrouve dans d’autres œuvres. Le pain, ce mélange simple de farine et d’eau que l’on cuit, est un des aliments les plus anciens et les plus fondamentaux de notre alimentation. Il s’incarne de manières différentes et est étroitement lié à la culture et à l’histoire de chacun. Il a souvent été connoté politiquement pour le rôle qu’il joua, par exemple, pendant la Révolution française. Une autre référence historique s’incarne dans l’eucharistie, la bénédiction du pain qui est au centre des traditions chrétiennes et qui sanctifie le corps de celui qui le reçoit. L’importance du
Syzygy 3 2013 Dental plaster 52 x 48 x 18 ½ in. Unique Plâtre pour empreintes dentaires 132 x 122 x 47 cm Unique
The Infinite Episode | Jitish K allat
Epilogue 2010/11 Pigment print on archival paper 11¼ x 143/8 inches (x 753 prints), display dimensions variable Impression pigments sur papier d’archive 28, 5 x 36,6 cm (x 753 impressions), installation dimensions variables
As though the roti is being eaten away, as though the “world” itself is crumbling away comme si le roti se faisait grignoter, comme si le « monde » partait en miettes
10
trope of the roti appears. We find it also in other works to be discussed. Bread, a simple mixture of flour and water mixed and baked, is one of the world’s oldest and basic foods. It takes on different incarnations and is closely linked to one’s culture and history. It has often taken on political connotations for the role it played for example in the French Revolution. Another historical reference is the Eucharist, the blessing of bread that is at the basis of Christian traditions and sanctifies the recipient’s body. Bread’s importance is secular as much as it is religious. But it is also related to economic questions, and “survival” politics, populations representing so many mouths to feed, or bread just meaning money, a basic commodity for economic exchange. In a country such as India, where there are multitudes to feed, the roti carries a strong connotation relating to “bare life”, those basic conditions needed to exercise one’s right of living. Tracing the trope of the roti in Kallat’s work brings us to other photo and video pieces. Conditions Apply (2007) is a series of seven large backlit translite photographs showing a full roti on the left and its eclipse in different stages going through to the right. It is as though the roti is being eaten away, as though the “world” itself is crumbling away, disappearing in gradual stages. Epilogue (2010-11) is made up of 753 photographs, an over-all installation filling a room in itself made over a decade after Kallat’s father passed away in 1998. It shows rotis laid out as though they were mapping the Moon’s cycle for every one of the 22 000 moons that marked his father’s lifetime. Breath (2012) is a seven two-channel video putting the rotis, always presented on a black background, into “motion” as though mimicking the waxing and waning of the Moon. Bread and breath come together in this rhythmical composition which links food to survival, sustenance, repetition and life
pain est aussi séculaire que religieuse. Mais il est aussi lié à des questions économiques et à des politiques de « survie », les populations représentant tout autant de bouches à nourrir. Il peut aussi tout simplement représenter une monnaie d’échange, une marchandise de base pour les échanges économiques. Dans un pays comme l’Inde, où la surpopulation pose un réel problème d’accès à l’alimentation, le roti est fortement connoté comme représentant la « vie nue », la condition de base pour exercer son droit à la vie. En cherchant le motif du roti dans le travail de Kallat, nous rencontrons d’autres photos et œuvres vidéo. Conditions Apply (2007) est une série de sept grandes photographies sur duratrans rétroéclairées montrant un roti entier à gauche et les différentes étapes de son éclipse à droite. C’est comme si le roti se faisait grignoter, comme si le « monde » partait en miettes, disparaissant progressivement. Epilogue (2010-11) est composée de 753 photographies, une installation entière remplissant une pièce à elle seule et créée sur une dizaine d’années après le décès du père de Kallat en 1998. Elle montre des rotis positionnés pour cartographier le cycle lunaire des 22 000 lunes qui ponctuèrent la vie de son père. Breath (2012) présente sept vidéos à deux canaux montrant des rotis, toujours présentés sur fond noir, en « mouvement », imitant ainsi la croissance et décroissance de la Lune. Le pain et le souffle (« breath ») se rejoignent dans cette composition rythmique tissant des liens entre les aliments et la survie, la subsistance, la répétition et les cycles de vie. On appelle ces rythmes « circadiens », en référence aux processus biologiques observés chez les plantes, les animaux, les champignons et également les cyanobactéries. Une des œuvres de Kallat s’intitule d’ailleurs Circadian Rhyme (2012-2014) et est composée de 24 figurines en résine disposées en petits groupes le long d’un socle de 4,5 mètres de long. Ces figurines montrent des scènes intrigantes de la sphère publique, des
The Infinite Episode | Jitish K allat
cycles. These are known as circadian rhythms, and refer to biological processes observed in plants, animals, fungi as well as cyanobacteria. One of Kallat’s pieces is called Circadian Rhyme (2012-2014) and is composed of 24 resin figurines displayed in small groups along a four and a half meter plank. These figurines show intriguing scenes from the public sphere, civilians, men, women, being searched by others, some of which are dressed as policemen. The policing of public life, as closely related to a survival in the multitude as it is, and its effects on the right of the individual emerge here in the narratives that cross Kallat’s work. These were ever-present in the paintings he produced at an earlier stage, the pop inspired frescoes of anonymous people such as Sweatopia-1 (2008) or The Hour of the Day of the Month of the Season (2012-13). Undoubtedly inspired by the crowded streets of Mumbai where he lives, this canvas amongst others show “close-shot” faces looking about as though in search of something that could inhabit their souls. The hair of the figures, a landscape in itself, is made up of piled up black-ink drawings of street-life, other people, vehicles, going in multiple directions and seemingly inexhaustible in their bustling confusion. In the context of the multi-faceted and complex world that increased and widespread globalisation is producing, Kallat’s abundant and recurrent use of the roti motif is compelling. It pulls the issues of the multitude to that of basic necessities, those linked to the fundamentals of the circadian rhythms which affect not only mankind, but also all forms of life. His constant linkage of the roti as a potent signifier and the cosmos makes us realize that his view of politics searches to go
civils, hommes, femmes, en train de se faire fouiller par d’autres personnes, dont certaines portent un uniforme de police. Le contrôle de la vie publique, déjà en lien fort avec la notion de survie au sein de la multitude, et ses effets sur le droit des individus émergent ici dans les trames narratives qui parcourent le travail de Kallat. Ils étaient déjà très présents dans les peintures réalisées plus tôt, comme les fresques d’inspiration pop de personnes anonymes, Sweatopia-1 (2008) ou The Hour of the Day of the Month of the Season (2012-13). Bien évidemment inspirée des rues bondées de Mumbai où il réside, cette dernière montre des plans rapprochés de visages regardant ailleurs, comme à la recherche de quelque chose, quelque chose qui pourrait combler leur âme. La chevelure de ces personnages, un paysage en soi, est composée d’un empilement de dessins à l’encre noire dépeignant des scènes de rue, des gens, des véhicules, allant dans des directions multiples et dont le débordement d’activité paraît incessant. Dans le contexte de ce monde complexe et aux multiples facettes, produit d’une mondialisation accrue et généralisée, l’utilisation récurrente et abondante du motif du roti par Kallat nous interpelle. Elle renvoie aux problèmes de la multitude et à celui des nécessités de base, liées fondamentalement aux rythmes circadiens qui touchent l’homme, mais aussi toutes les formes de vie. Le lien constant qu’il tisse entre le roti, ce puissant signifiant, et le cosmos nous fait prendre conscience que sa vision de la politique cherche constamment à aller au-delà des métarécits du global et du local et appelle à la nécessité d’avoir une vision plus large encore, en nous demandant dans quelle direction se dirige la planète, et comment nous allons réussir à faire face à une population dont la croissance continue d’exploser et à des ressources
The Hour of the Day of the Month of the Season 2012-2013 Acrylic, oil, varnish and pencil on canvas 84 x 207 in. / Triptych Acrylique, huile, vernis et crayon sur toile 213 x 526 cm/ Triptyque
11
The Infinite Episode | Jitish K allat
beyond the meta-narratives of the global and the local and call for the need to look at the “bigger” picture of where the planet Earth is going, how will we fare as the world population is exploding and its resources are decreasing? Kallat’s Circadian Rhyme alludes to the absurdity of world policing, a product of the security threat, which has become the pervasive discourse with which world politics are being handled today. The “rhythms” have become a “rhyme”, an infantile mantra of fear and punishment, something Michel Foucault foresaw and exposed in his seminal work Discipline and Punish (Surveiller et punir)6.
an infantile mantra of fear and punishment une sorte de mantra infantile de la peur et de la punition
12
Allegorical procedures, pointing to an expanded consciousness that is needed to foster life and a sense of the future, are developed in multiple ways by Kallat. In the work discussed so far, we see that he easily resorts to different materials, forms, ways of working and doing, in order to advance a quest that is nurtured by today’s world as he experiences it in the context of the multitude whose demographics are exploding. This transversality is needed in order to experience the world in its multiple facets, and in order to discover narratives other than the metanarratives (such as surveillance) that have become all too familiar and fruitless. Some works are reminders that difference and hope can continue to manifest themselves as unexpected counter-narratives. Prosody of a pulse rate exhibited in Kallat’s solo exhibition titled Circa at the Ian Potter Museum in Melbourne in 2012 carries one of those allegories. Here we find, spread across the various levels and galleries of the museum, numerous sculptures of sleeping (or deceased) dogs made of un-baked clay strewn with wheat grains. On each one of the dogs, the wheat has sprouts and grows at different rhythms, if it grows at all. Cycles of life and death show up here in their diversity and complexity, as the animals seem to come back to life through an interaction with the vegetable world. Metamorphosis, a process of change and renewal is endemic to the fostering of life cycles, the restoration of the “pulse-rate” and the pursuit of a positive bio-politics that can counter the weight and closure of meta-narratives, be they local or global. The reference to prosody in the title is far from gratuitous as it is the process in speech which introduces rhythms and meaning through intonation. Prosody also introduces emotion in giving meaning to words. This meaning can be rendered more or less powerful, more or less subtle or delicate. It can introduce difference or nuance depending on prosody. Prosody, although based on common language, is related to speech which bears the singular mark of each individual. Here again, Kallat’s politics are carefully grounded in an understanding of the workings of the multitude through and with the singularity of what Giorgio Agamben, a philosopher of bare life, calls the “whatever” being7. But he also shows up as a practitioner of “political rhythms”, as Pascal Michon describes them8.
qui ne cessent de diminuer. Circadian Rhyme fait allusion au côté absurde du contrôle dont le monde fait l’objet, un résultat de la menace sécuritaire, et qui est devenu le discours généralisé justifiant la politique mondiale actuelle. Les « rythmes » sont devenus des « rimes », des comptines, une sorte de mantra infantile de la peur et de la punition, ce que Michel Foucault envisageait déjà dans son ouvrage fondateur Surveiller et punir 6. Les procédures allégoriques, évoquant la nécessité d’une plus grande prise de conscience afin de privilégier la vie et un certain sens de l’avenir, sont développées de multiples façons par Kallat. Dans les travaux que nous venons de décrire, l’artiste a recours à différents matériaux, formes, et façons de travailler et de faire, dans le but de nourrir une quête alimentée par le monde actuel et par son expérience de ce monde, dans le contexte d’une multitude en croissance démographique. Cette transversalité est nécessaire afin de faire l’expérience de ce monde disparate et de découvrir des récits autres que les métarécits (comme ceux liés à la surveillance) qui nous sont devenus bien trop familiers et stériles. Certains de ses travaux nous rappellent que la différence et l’espoir peuvent encore se manifester sous forme de contre-récits inattendus. Prosody of a pulse rate, qui fut montrée dans l’exposition personnelle de Kallat intitulée Circa au Ian Potter Museum de Melbourne en 2012, véhicule l’une de ces allégories. À différents étages du musée et dans plusieurs salles sont disposés de nombreux moulages de chiens endormis (ou morts) faits en terre non cuite parsemée de graines de blé. Sur chaque chien, le blé a germé et croît à des rythmes différents, si tant est qu’il croît. Les cycles de la vie et de la mort apparaissent ici dans leur diversité et leur complexité ; les animaux semblent ainsi revenir à la vie à travers cette interaction avec le monde végétal. La métamorphose, processus de transformation et de renouvellement, est endémique à la
The Infinite Episode | Jitish K allat
Words, text, appear again and again in Kallat’s work. In the Public Notice series, large installations realized in different points of the globe, he has staged texts by Jawaharlal Nehru, Mahatma Gandhi, and Swami Vivekananda. The revisiting of these texts brings them to the attention of the “public”, today’s public, today’s viewers. They solicit new readings, driven by perspectives that are not necessarily historical, but close to the issues that we are confronted with in the present. They also solicit individual viewpoints and readings, emerging from the diversity they are addressing, the multitude they are engaging with. In the first Public Notice (2003), Nehru’s speech, “Tryst with Destiny”, which he gave in 1947 to commemorate India’s independence, is displayed in a series of five acrylic mirrors bearing the words of the text. The words were first strewn on an inflammable adhesive, and then set on fire, thus thwarting the mirror’s surfaces. These send back distorted reflections of the viewers moving about as they attempt to decipher the burnt text. This is a bold gesture on the part of Kallat who is addressing not only his country’s destiny more than fifty years after independence, but also the legacy of violence and sorrow that inhabits India and the world today. The most glorious moments come with a positive/negative fulfilment that seems inevitable, as history has demonstrated. Public Notice was made in the aftermath of the Godhra Riots in India in 2002. Public Notice 2 (2007) dwells upon a speech given by Mahatma Gandhi in protest of the British-imposed tax on salt; the speech was followed by the Dandi March, incarnating Gandhi’s stance on the need for non-violent action. In the large installation, the 1000 words that make up the speech are spelled out along shelves by using 4 479 pieces of fiberglass bones. Speech, words, bones, the triad strongly calls upon bio-politics, the urgency to never
promotion des cycles de vie, à la restauration du « pouls » (« pulse rate ») et à la recherche d’une biopolitique positive qui pourrait contrebalancer le poids et la fin des métarécits, qu’ils soient globaux ou locaux. La référence à la prosodie dans le titre n’est pas gratuite, c’est en effet le processus, dans la parole, qui introduit les rythmes et la signification à travers l’intonation. La prosodie introduit donc également de l’émotion en donnant aux mots leur signification. Cette signification peut prendre plus ou moins de force, de subtilité et de finesse, elle peut faire apparaître de la différence ou de la nuance selon la prosodie. La prosodie, bien que fondée sur le langage commun, est liée à la parole, et cette dernière porte en elle la marque singulière de chaque individu. Encore une fois, la politique de Kallat est soigneusement ancrée dans une compréhension du fonctionnement de la multitude à travers, et avec, la singularité de ce que Giorgio Agamben, exégète de la vie nue, appelle l’être « quelconque » 7. Mais l’artiste agit aussi comme un praticien des « rythmes du politique », comme les décrit Pascal Michon 8.
Circadian Rhyme 1 2012-2013 24 figurines in resin, paint, aluminium and steel 50 x 180 x 15 in. Unique 24 figurines en résine, peinture, aluminium et acier 127 x 457 x 38 cm Unique
Les mots, les textes, font des apparitions récurrentes dans le travail de Kallat. Dans Public Notice, ses grandes installations réalisées en différents points du globe, il met en scène des textes écrits et prononcés par Jawaharlal Nehru, le Mahatma Gandhi et Swami Vivekananda. Le fait de revisiter ces textes les porte à l’attention du « public », le public d’aujourd’hui, les spectateurs d’aujourd’hui. Ils nécessitent de nouvelles lectures, motivées par des perspectives qui ne sont pas nécessairement historiques, mais qui se rapprochent des questions auxquelles nous sommes confrontés actuellement. Ils requièrent également des lectures et des points de vue individuels, qui doivent émerger de la diversité à laquelle s’adressent ces textes, de la multitude avec laquelle ils dialoguent. Dans la première installation, Public Notice (2003), le texte de Nehru, « Tryst with
13
The Infinite Episode | Jitish K allat
Destiny » (« Un rendez-vous avec la destinée »), un discours qu’il prononça en 1947 pour commémorer l’indépendance de l’Inde, est présenté dans une série de cinq miroirs en acrylique recouverts par les mots du texte. Les mots ont d’abord été répandus sur un adhésif inflammable que l’artiste a ensuite embrasé, ébranlant ainsi la surface du miroir en la faisant gondoler. Ces miroirs renvoient des reflets déformés aux visiteurs qui tentent de déchiffrer le texte brûlé. C’est un geste audacieux de la part de Kallat qui fait référence non seulement au destin de son pays, plus de cinquante ans après l’indépendance, mais également à l’héritage de la violence et du désespoir qui hante toujours l’Inde et le reste du monde. Les moments les plus glorieux sont toujours accompagnés d’un accomplissement positif ou négatif qui semble inévitable, comme l’a démontré l’histoire. Public Notice a été réalisée au lendemain des émeutes de Godhra (2002) en Inde.
Public Notice 3
2010
Site specific installation on the Woman Board Grand Staircase of The Art Institute of Chicago LED bulbs, wires and rubber, variable dimensions Installation in situ dans l’escalier du Woman Board de l’Art Institute of Chicago Led et caoutchouc, dimensions variables
forget that any politics first and foremost address living bodies, and the right to live, the right to be sovereign. In a yet more recent version of Public Notice, Kallat used the steps of the grand staircase of the Art Institute of Chicago to display LEDs bearing the words of Swami Vivekananda from a speech given at the inaugural World’s Parliament of Religions on September 11, 1893, held in the same building.9 The speech called for tolerance and the end of religious fanaticism at a time when India and much of the world was still being torn apart by religion and nationalism. Public Notice 3 (2010) happened a decade after the terrorist attacks on the World Trade Centre in 2001. This explains why the words take the five colours of the American Homeland Security Advisory System, red for severe, orange for high, yellow for elevated, blue for guarded and green for low. This piece also incorporates notions of body politics and of bio-politics. Visitors are invited to navigate up and down Vivekananda’s call for tolerance as they are menaced by often antinomic forms of violence counteracted by control and surveillance. Words, violence, tolerance, peace, addressing the other (and others, “the public”) are tropes that come together also in Covering Letter (2012). This installation is a video projection through a wall of fog. The projection is a text by Mahatma Gandhi, a letter addressed to Adolf
14
Public Notice 2 (2007) repose sur un discours donné par le Mahatma Gandhi pour protester contre la taxe sur le sel imposée par les Britanniques ; le discours fut suivi d’une marche, la Marche du sel, incarnant la position de Gandhi sur l’action non violente. Dans cette grande installation, les 1 000 mots qui composent le discours sont disposés le long d’étagères et sont réalisés avec 4 479 os en fibre de verre. Discours, mots, os, cette triade fait fortement référence à la biopolitique, à l’urgence de ne jamais oublier qu’une politique s’adresse toujours et avant tout à des corps vivants, au droit à la vie, au droit d’être souverain. Dans une version cette fois-ci plus récente de Public Notice, Kallat s’est servi des marches de l’escalier de l’Art Institute de Chicago pour exposer des LED formant les mots prononcés par Swami Vivekananda lors d’un discours inaugural au Parlement mondial des religions, le 11 septembre 1893 et qui eut lieu dans le même bâtiment 9. Ce discours appelait à la tolérance et à la fin du fanatisme religieux à une époque où l’Inde et le reste du monde étaient toujours écartelés par la religion et le nationalisme. Public Notice 3 (2010) fut réalisée une décennie après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 au World Trade Centre et ailleurs aux États-Unis. C’est pourquoi les mots arborent les cinq couleurs utilisées pour désigner les différents degrés de risque sécuritaire par l’American Homeland Security Advisory System (Système américain de renseignement sur la sécurité nationale), rouge pour sévère, orange pour sérieux, jaune pour élevé, bleu pour vigilance, et vert pour risque faible. Cette œuvre incorpore les notions de politique corporelle et de biopolitique, les visiteurs étant invités à naviguer à travers l’appel à la tolérance de Vivekananda tout en étant menacés par des formes souvent antinomiques de violence contrebalancées par le contrôle et la surveillance.
The Infinite Episode | Jitish K allat
Hitler in 1939. The letter starts out with “Dear friend” surprisingly enough as Gandhi was aware of Hitler’s politics of abuse. The “foggy” text echoes the loss that Gandhi’s words were bound to fall into in the context of the Second World War. It also cautions us of similar situations popping up in the world of today and invites us to measure the distance between words and reality, the space in-between words, the space lost in the fogginess of the present, that “misty” condition that prevents us from seeing, acknowledging, and even acting upon detrimental situations. What is left? What is it that can still continue to breed hope and to nurture life and growth as the world turns? It can be said that in a body of work that seeks to expand consciousness, incessantly asking questions, searching the many-layered meanings of words and actions, and the way they function, one of the latest works, the seven-part series Sightings D9M4Y2015 (2015) offers a glimpse of a response.10 These are lenticular colour prints of close details of fruit, simultaneously showing the positive and the negative impressions. Shapes and colours morph as the viewer moves in front of the work. As though a new galaxy was emerging under one’s eye, the prints reveal a world that is unfixed, moving, “lively”. A world that changes.11
Les mots, la violence, la tolérance, la paix, s’adresser à l’autre (aux autres, au « public ») sont des thèmes réunis dans Covering Letter (2012). Cette installation est une vidéo projetée sur un mur de brouillard. Il s’agit à nouveau d’un texte du Mahatma Gandhi, plus exactement d’une lettre adressée à Adolf Hitler en 1939. La lettre débute par « Cher ami », ce qui est surprenant lorsqu’on sait que Gandhi était déjà au fait des politiques de répression d’Hitler. Le texte « embrumé » fait écho à l’échec auquel les mots de Gandhi ont été confrontés dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Il nous met également en garde contre des situations similaires qui pourraient encore avoir lieu dans le monde actuel et nous invite à mesurer la distance entre les mots et la réalité, l’espace entre les mots, l’espace perdu dans le brouillard du présent, cette condition floue qui nous empêche de voir, de prendre connaissance et même d’agir face à des situations préjudiciables. Que reste-t-il alors ? Qu’est-ce qui peut encore engendrer de l’espoir et alimenter la vie et la croissance alors que la Terre continue de tourner ? Dans ce travail qui cherche à élargir notre prise de conscience, en questionnant sans cesse, en cherchant les significations complexes et multiples des mots et des actions, et la manière dont ils fonctionnent, l’une des dernières œuvres de Jitish Kallat, la série en sept parties qui s’intitule Sightings D9M4Y2015 (2015), offre un début de réponse 10. Il s’agit d’impressions lenticulaires en couleur montrant des détails de fruits, dont les deux versions, positive et négative, sont visibles. Les formes et les couleurs se métamorphosent sous le regard mobile du spectateur. Comme une nouvelle galaxie qui apparaîtrait sous nos yeux, les impressions révèlent un monde qui n’est pas figé, qui est mobile et « vivant ». Un monde qui change 11.
The “foggy” text (…) invites us to measure the distance between words and reality Le texte « embrumé » (…) nous invite à mesurer la distance entre les mots et la réalité
The Hour of the Day of the Month of the Season, Galerie Daniel Templon, Paris, 2013
15
The Infinite Episode | Jitish K allat
Stray Bird, [translated from Bengali to English by the author], New York: The Macmillan Company, 1916, p. 6.
1
See Rosa Braidotti, The Posthuman, Cambridge: Polity, 2013. Braidotti discusses how cybernetics is affecting the condition of the human and philosophical concepts such as the unity of the subject. It also discusses the sustainability of the planet in this context.
2
I am referring to the American composer John Cage and his seminal work on indeterminacy and chance.
3
U. Steger, W. Achterberg, K. Blok, H. Bode, W. Frenz, C.Gather, G.Hanekamp, D. Imboden, M. Jahnke, M. Kost, R. Kurz, H.G. Nutzinger, T. Ziesemer, Sustainable Development and Innovation in the Energy Sector, Berlin: Springer, 2005, p. 32. (See online: http://bit. ly/1NuHjO1).
4
5 See Isabelle Stengers, Cosmopolitics I, Minneapolis: University of Minnesota Press, 2010. Stengers is a philosopher who links politics and the cosmos as being interdependent and necessary one to the other. A second book on the subject, Cosmopolitics II, came out in 2011. 6 Michel Foucault, Discipline and Punish, New York: Vintage Books, 1975/1995.
Giorgio Agamben, The Coming Community (Theory Out of Bounds), Minneapolis: University of Minnesota Press, 1993. Agamben examines the meaning of bare life for the social being (the whatever being in its singularity amongst the multitude) in the context of the “coming” community. 7
Pascal Michon, Les Rythmes du politique, Démocratie et capitalisme mondialisé, Paris: Prairies ordinaires, 2007. Available online: http://www. contretemps.eu/lectures/ nouveau-livres-en-ligne-entexte-integral-pascal-michonrythmes-politique. Michon explains the necessity to see politics today as rhythms that change the world in its very essence, in bodies, in language which carry the social world, hence the need to examine the world in its daily rhythmical
8
16
variations and intensities. The World’s Parliament of Religions was one of the meetings organized in the context of the World’s Columbian Exposition of 1893, marking the 400 th anniversary of the discovery of the New World by Christopher Columbus. Swami Vivekananda, all though still an un-known monk at the time of the Parliament event, became an influential figure of his time with Indian nationalist leaders such as Mahatma Gandhi, Bal Gangadhar Tilak, and Subhash Chandra Bose. “By focusing on the ancient philosophies of the Hindus, he was able to provide an alternative reformist view of Hinduism, which until then was viewed by India’s colonial masters as a religion dominated by cult worship and “heathen” practices. Vivekananda was also the first to introduce yoga practices in the West. Most importantly, Vivekananda’s teachings inspired an entire generation of Indian Nationalist leaders and provided the moral fiber for the struggle to free India from the oppression of colonialism.” Madhuvanti Ghose, “From Vivekananda to Kallat”, in Jitish Kallat, Public Notice 3, ed. Madhuvanti Ghose, The Art institute of Chicago/Yale University Press, New Haven and London, 2011, p.18. 9
10 The work Sightings D9M4Y2015 is discussed in the conversation between Homi Bhabha and Jitish Kallat page 26 of this publication.
Quentin Meillassoux is another interesting reference with regards to Jitish Kallat’s work. He is a proponent of speculative realism which seeks to counteract the heritage of Kantian philosophy and its selfcentered humanist point of view, revisiting the categories of subjectivity and objectivity. See After Finitude: An Essay on the Necessity of Contingency, trans. by Ray Brassier, London: Bloomsbury Academic, 2010.
11
1 Les Oiseaux de Passage (Stray Birds, 1916), Éditions du Noroît, Montréal, 2008, traduit de l’anglais (version de Rabindranath Tagore) et présenté par Normand Baillargeon. 2
Voir Rosi Braidotti, Le Post-humain, PostÉditions, Fécamp, 2015. Braidotti questionne la manière dont la cybernétique affecte la condition humaine, ainsi que des concepts philosophiques comme l’unité du sujet. Elle questionne également la viabilité de la planète dans ce contexte. 3
Je fais ici référence au travail fondateur du compositeur John Cage sur l’indétermination et le hasard.
4 U. Steger, W. Achterberg, K. Blok, H. Bode, W. Frenz, C.Gather, G.Hanekamp, D. Imboden, M. Jahnke, M. Kost, R. Kurz, H. G. Nutzinger, T. Ziesemer, Sustainable Development and Innovation in the Energy Sector (Springer, Berlin, 2005), p. 32 (voir en ligne : http://bit.ly/1NuHjO1). 5
Voir Isabelle Stengers, Cosmopolitiques II, La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales, Paris, 2003. Stengers est une philosophe qui met en lien le politique et le cosmos comme interdépendants et nécessaires l’un pour l’autre.
6 Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1975/1993. 7
Giorgio Agamben, La communauté qui vient. Théorie de la singularité quelconque, Seuil, Paris, 1990. Agamben examine le sens de la vie à nu pour l’être social (l’être quelconque étant singulier au sein de la multitude) dans le contexte de la communauté « qui vient ». 8
Pascal Michon, Les Rythmes du politique, Démocratie et capitalisme mondialisé, Prairies ordinaires, Paris, 2007. Accessible en ligne : http://www.contretemps. eu/lectures/nouveau-livresen-ligne-en-texte-integralpascal-michon-rythmespolitique. Michon explique la nécessité d’envisager la politique aujourd’hui en tant que rythmes qui transforment le monde dans son essence
même, à travers les corps et le langage qui portent en eux le monde social, d’où le besoin d’examiner le monde dans les variations et les intensités de ses rythmes quotidiens. 9
Le Parlement mondial des religions fut l’un des rendezvous organisés à l’occasion du World’s Fair: Columbian Exhibition, à Chicago, en 1893. Il marquait le 400e anniversaire de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Swami Vivekananda, un moine encore méconnu au moment de l’événement, devint par la suite une figure importante de son époque aux côtés d’autres leaders nationalistes indiens comme le Mahatma Gandhi, Bal Gangadhar Tilak et Subhash Chandra Bose. « En concentrant son attention sur les philosophies anciennes hindoues, il fut en mesure de proposer une opinion réformiste alternative de l’hindouisme qui, jusqu’à présent, était considéré par les officiers coloniaux de l’Inde comme une religion dominée par un culte de l’adoration et des pratiques païennes. Vivekananda fut également le premier à introduire le yoga en Occident. Mais le plus important reste ses enseignements qui ont inspiré une génération entière de leaders nationalistes indiens et ont fourni la fibre morale se trouvant au cœur de la lutte pour libérer l’Inde de son oppression coloniale. » Madhuvanti Ghose, “From Vivekananda to Kallat”, in Jitish Kallat, Public Notice 3, The Art institute of Chicago/ Yale University Press, New Haven et Londres, 2011, p.18. 10 L’œuvre Sightings D9M4Y2015 est abordée dans la conversation entre Homi Bhabha et Jitish Kallat, à la page 26 de cet ouvrage. 11 Quentin Meillassoux est une autre référence intéressante à mettre en lien avec le travail de Jitish Kallat. Il est partisan d’un réalisme spéculatif qui cherche à contrer l’héritage de la philosophie kantienne et son point de vue humaniste et égocentrique, en revisitant les catégories de la subjectivité et de l’objectivité. Voir Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, Seuil, Paris, 2012.
Covering Letter, 2012 Video projection on fog screen variable dimensions. Galerie Daniel Templon, Paris, 2013 Projection vidéo sur écran de fumée dimensions variables. Galerie Daniel Templon Paris, 2013
conversation  | entrevue
conversation | entrevue
Drawing fire1
A Conversation between Homi Bhabha and Jitish Kallat Jitish Kallat Studio, Mumbai, 17th July 2015
DESSINER LE FEU1 une conversation entre Homi Bhabha et Jitish Kallat
Studio de Jitish Kallat, Mumbai, 17 Juillet 2015
Wind Study in progress in the garden of the artist’s studio. Wind Study en cours de réalisation dans le jardin de l’atelier de l’artiste.
20
The Infinite Episode | Jitish K allat
you throw the torch of fire, and the wager of wind!
Homi Bhabha | En regardant ces Homi Bhabha | While looking at these Wind Studies [Études du vent], je pense Wind Studies, I think about the very à l’action même de peindre avec le feu, et act of painting by fire, and the way in à la façon dont ces traces de lignes de feu which these ashy traces of extinguished opèrent une médiation entre lumière et fire-lines mediate light and space as they VOUS LANCEZ espace en jouant sur le papier, modulant play on paper, modulating the flatness of LE DÉFI DU FEU de la sorte la planéité de la surface avec the surface with time-lines that record ET LE PARI des lignes temporelles qui enregistrent the varying forces of wind, fire, and the DU VENT ! les forces variables du vent, du feu et drawn line. In a way, you collude with the Homi Bhabha de la ligne dessinée. En un sens, vous surface flatness of paper by laying upon agissez de connivence avec la planéité it a network of straight lines – although de la surface du papier en traçant sur you nicely distort the modernist grid. elle un réseau de lignes droites – bien Why must the lines be straight to create que vous faussiez habilement la grille moderniste. the effect you seek? By laying downstraight lines you Pourquoi les lignes doivent-elles être droites pour créer are determining the formal rules of the work while l’effet que vous visez ? En traçant des lignes droites vous playing with the vagaries of fire and wind. As an artist déterminez les règles formelles du travail, tout en jouant you throw the torch of fire, and the wager of wind!, avec les errements du feu et du vent. En tant qu’artiste at the drawn line in order to see how far the natural vous lancez le défi du feu, et le pari du vent !, à la ligne elements will extend your will and your design; at the dessinée, pour voir jusqu’où les éléments déploieront same time you are well aware that the full effect and votre volonté et votre dessein ; en même temps vous êtes extent of the work will only be achieved when your bien conscient que l’effet et l’amplitude de l’œuvre ne will is thwarted, and the contingency of the elements seront pleinement atteints que quand votre volonté est takes over from you. I am intrigued by the concept of contrecarrée, et que la contingence des éléments prend aesthetic temporality inscribed in the work but not le dessus. Je suis intrigué par le concept de temporalité immediately or explicitly visible. The symbolic universe esthétique qui est inscrit dans l’œuvre, mais n’y est pas of Wind Studies depends on a process of waiting and immédiatement ou explicitement visible. L’univers watching: the time-lapse between drawing the line or symbolique des Wind Studies dépend d’un processus striking the match and then waiting for fire and wind d’attente et d’observation : le laps de temps entre le to finish their work, to “compose” the drawing, to fait de tracer la ligne ou de frotter une allumette et bring it to presence through extinction. From fire to d’attendre que le feu et le vent terminent leur travail, ashes; life and death; the graph and the grave. afin de « composer » le dessin, de l’amener à la présence par l’extinction. Du feu aux cendres ; la vie et la mort ; le What does it mean for you to incite an action – an act graphique et la tombe 2. of agency – which is, at the same time, dependent on the extinction of that originating act? It is by playing with fire, its distracting and negating effects, that you Quel sens cela a-t-il pour vous d’initier une action – un are able to make the work; and yet you initially lay acte d’agentivité – dépendante de l’extinction même down the lines of control with deliberation. de son acte originel ? C’est en jouant avec le feu, avec ses I suppose what intrigues me is the fact that although effets de distraction et de négation, que vous êtes à même wind and fire do their own thing, and wrest a kind de produire l’œuvre ; et cependant vous posez des lignes of control from the artist, they are no longer simply de contrôle de manière délibérée. Je suppose que ce qui “natural elements”. In fact, the very process of the m’intrigue, c’est que bien que le vent et le feu agissent à making of the work turns them into artistic media – leur guise, et prennent en somme le contrôle à la place de
Homi K. BHABHA
is the Anne F. Rothenberg Professor of the Humanities, Director of the Mahindra Humanities Center, and Senior Advisor to the President and Provost at Harvard University. His most famous work, The Location of Culture, is a seminal theory of cultural hybridity to understand the connections between colonialism and globalization. Homi.K.Bhabha est Anne F. Rothenberg Professeur de sciences humaines, Directeur du Mahindra Humanities Center, conseiller principal du Président et Principal de l’université de Harvard. Son œuvre la plus connue, The Location of Culture, est une théorie séminale de l’hybridation culturelle, qui explore les relations entre colonialisme et mondialisation.
21
The Infinite Episode | Jitish K allat
like, for instance, the play of light in a photograph, or a particular tint of paint. However “natural” they may seem, wind and fire are highly produced and processed media of meaning and expression. They are as much a part of the artifice as any other aspect of the work.
these works open up an interstitial space. ces œuvres créent un espace interstitiel. Homi Bhabha
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Detail/Détail
Jitish Kallat | Homi, I feel I submit these graphite lines, initially laid flat, to natural forces at the moment of incineration, the moment when that line is set aflame and begins its conversation with the wind. The burnt line becomes a transcript of what transpired between wind and fire in the life-duration of that line. It’s so interesting that you bring up this notion about agency, because one of the things that is magnetically drawing me to the work is the repeated submission of one’s free will. By some preset rules, I intuitively make a set of lines, and the drawing until then remains somewhat under my control. But at the point of stepping out of the studio and laying it under the tree where I make the Wind Study, already begins a series of submissions. The only control that I still hold is the choice of which line I might burn and which one I might not, but thereafter it is the wind, that defines both the direction and intensity of the marks left by the line. Sometimes overrun by intense wind, some lines do not have a full life and hence don’t leave any mark or record of their existence as fire. They never arise fully as fire and remain stillborn lines. Homi | Which makes me think that these works open
l’artiste, ils ne sont plus de purs « éléments naturels ». En fait, le processus même de production de l’œuvre les transforme en médias artistiques comme, par exemple, le jeu de la lumière dans une photo, ou une nuance particulière de peinture. Quelque « naturels » qu’ils puissent sembler, le vent et le feu sont des média de sens et d’expression fortement produits et transformés. Ils relèvent tout autant de l’artifice que n’importe quel autre aspect de l’œuvre. Jitish Kallat | Homi, je pense que je soumets ces lignes de graphite, initialement posées à plat, à des forces naturelles, au moment de la calcination, ce moment où la ligne est enflammée et démarre sa conversation avec le vent. La ligne brûlée devient une transcription de ce qui s’est exprimé entre le vent et le feu pendant sa durée de vie. C’est très intéressant que vous mentionniez cette notion d’agentivité, car une des choses qui m’attire comme un aimant vers cette œuvre, c’est la soumission répétée de notre libre arbitre. Selon des règles préétablies, je trace un ensemble de lignes, et le dessin reste jusque-là plus ou moins sous mon contrôle. Mais au moment de sortir de l’atelier et de l’installer sous l’arbre où je travaille, s’enclenche déjà une série de contraintes. La seule chose que je maîtrise encore est le choix de la ligne que je pourrais brûler et de celle que je ne brûlerais pas. Mais après cela, c’est le vent qui définit à la fois la direction et l’intensité des marques laissées sur cette ligne. Parfois, des lignes submergées par un vent intense ne jouissent pas d’une vie complète, et de ce fait elles ne laissent pas de marque ou de témoignage de leur existence en tant que flamme. Elles ne jaillissent jamais vraiment comme flamme et restent des lignes avortées. Homi | Cela me fait penser que ces œuvres créent un espace interstitiel. Comme dans beaucoup de débats sur le libre arbitre et le déterminisme, ou sur l’intention et l’action, le plus intéressant est le mouvement ou le geste qui sous-tend l’ensemble de ce problème : le fait que l’on ne se trouve jamais à l’une ou l’autre extrémité, mais que l’on s’identifie toujours partiellement aux deux états d’esprit. C’est là je crois la question majeure qui pourrait unir ces œuvres en tant que série. Problème qui ne concerne pas tant le destin de la ligne, ou la perturbation apportée par le vent et le feu, que l’impossibilité, dans tout tête-à-tête avec une pratique esthétique, de savoir où et comment se positionner par rapport à son univers de sens et d’expérience. L’œuvre déclenche un affect (plaisir, désir, mémoire culturelle, résonance historique) et l’on en vient à devoir recalibrer son ajustement à l’œuvre, à accepter son agitation – projetée de-ci de-là par le vent, le feu, le graphite. Et tout ceci est aussi perspectif – au sens phénoménologique – que généré psychiquement.
22
The Infinite Episode | Jitish K allat
up an interstitial space. As in many discussions about free will and determinism, or intention and action, the most interesting thing is the movement or the motion that underlies the whole problem: the fact is that you’re never at one pole or the other, you’re always working from a partial identification with both states of being. That, I think, is the larger problem that may hold these works together as a series, which is less about the destiny of the line, or the disruption of wind and fire, but more about the kind of impossibility, in any tryst with aesthetic practice, of knowing where or how to place oneself in relation to its symbolic universe of meaning and experience. The work unleashes an affect (pleasure, desire, cultural memory, historical resonance) and you find yourself having to recalibrate your alignment to the work, to come to terms with its own restlessness – blown hither and thither by wind, fire, graphite. And all this is as perspectival – in a phenomenological sense – as it is psychically driven. This is not to propose some facile relativism or pluralism that says that you can read a work in any way you choose. Works have itineraries that do not depend on closure, on coming to the end of the argument, but on forcing you to begin again and again in negotiating your relation to the work: to begin again from within its formal and conceptual structure, its affective play with material and meaning. Your Public Notice series are, in my view,
Il ne s’agit pas ici de proposer quelque relativisme ou pluralisme facile qui poserait que l’on peut lire une œuvre comme on en a envie. Les œuvres ont un itinéraire qui ne dépend pas d’une « clôture », du fait d’arriver à la fin d’une argumentation, mais implique qu’on se voit forcé de recommencer encore et encore, à négocier sa relation à l’œuvre ; à recommencer, de l’intérieur de sa structure formelle et conceptuelle, son jeu affectif avec les matériaux et avec le sens. Votre série Public Notice [Avis public] porte, selon moi, très clairement sur le recommencement. Les discours canoniques sur le passé de l’Inde sont représentés dans des états altérés de production matérielle – la fabrication de lettres en résine moulées, brûlées avec un liquide inflammable ou illuminées par des milliers d’ampoules LED – qui nous rendent à nouveau conscients de notre présent historique par un soubresaut de la mémoire. Dans le meilleur des cas, l’art ne nous permet jamais d’oublier le meilleur et le pire de nous-mêmes. Et sa condition esthétique et éthique n’a pas à voir avec un souci de « bien faire les choses » ou de « faire en sorte que ça marche » ; c’est le processus inlassable de recommencer en un autre lieu ou un autre temps, de se regrouper, de s’identifier à nouveau. C’est pour cette raison que les concepts psychanalytiques du temps, de la causalité et de l’identification sont tellement pertinents pour comprendre l’art.
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Detail/Détail
Mais recommençons à parler des Wind Studies que nous avons sous les yeux. Comme elles sont placées
23
The Infinite Episode | Jitish K allat
verticalement, nous avons une certaine réaction conditionnée qui fait le lien entre mur, galerie et verticalité. Mais elles demandent aussi à être vues d’en haut comme si elles faisaient partie d’un réseau de bifurcations et de directions qui se propage, une toile. Il serait intéressant d’en mettre quelques-unes au sol. Jitish | Dans les premiers dessins, quand j’ai commencé, le papier était beaucoup plus long et pendait comme un rouleau car je ne savais pas à quel endroit j’allais m’arrêter. En fin de compte ces feuilles sont coupées parce qu’à un certain moment il m’a semblé que l’œuvre d’art n’est rien d’autre qu’une tranche de temps dans un continuum qui garde en elle une « durée » de temps, et c’est ainsi que le titre The Hour of the Day of the Month of the Season [L’heure du jour du mois de la saison] s’est trouvé annexé au titre Wind Study.
ut ui res eos ae conse ctur cones sunt eassuam… nobistia tem as mi, ni au t aquis volupti beate…
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Detail/Détail
very much about beginning again. Canonical discourses of the Indian past are represented in altered states of material production – the fabrication of letters in cast resin, burnt with an inflammable liquid or illuminated with thousands of LED bulbs – that reawaken us to our historical present through an aesthetic jolt of memory. Art, at its best, never allows us to forget the best and the worst of ourselves. And its aesthetic and ethical condition is not a concern with “getting it right” or “making it good”; it is the tireless process of beginning, again from another place and time, of realigning yourself, re-identifying yourself. This is why psychoanalytic concepts of time, causality and identification are so richly relevant to the understanding of art. But let me begin again with the Wind Studies before us. Placed vertically, we have a certain trained wall-andgallery response to them, they have a vertical presence. But they also ask to be seen from above as if they are part of a lateral, spreading network of junctions and directions, a web. It would be interesting to lay some on the floor. Jitish | In the first couple of drawings when I began, the paper was a lot longer, hanging like a scroll because I didn’t know at which point I might stop.
24
Homi | Mais il y a une question intéressante ici. Ces études sur la perturbation de la ligne, et la prodigalité du vent et du feu, sont obligées de se conformer à une feuille de papier particulière. Cette proportion fixe ne restreintelle pas la libre circulation de la structure d’un réseau, où l’on peut recommencer à partir de n’importe quel nœud et redécrire/réinscrire le temps et l’espace de l’œuvre ? Il y a une ligne, il y a un cercle et il y a le feu, mais il y a tout cela : le blanc du papier. Et nous ne devrions pas ignorer son étendue, vu que le papier vierge donne une structure d’ordre, un cadre visuel et conceptuel. Les espaces vides, blancs doivent être lus comme faisant partie intégrante de l’œuvre. Que se passerait-il si vous utilisiez des lignes courbes, sinueuses ? Jitish | En effet Homi, je pense que je suis attiré en ce moment par la rectitude de la ligne parce que le vent la courbe ensuite, chaque fois qu’il souffle. J’ai le sentiment que la rectitude donne à la ligne une nature scalaire, une espèce de norme de référence. Je crois que cette suite d’œuvres n’est en fait qu’un commencement et j’ai l’impression qu’elle me conduit vers d’autres choses dont je ne sais pas ce qu’elles sont. J’ai presque l’impression que cette suite « aère » mes procédés, comme si le vent passait dans mes autres œuvres, et pas seulement dans ces seuls dessins. Homi | Ces œuvres sont blanches et sépia, et ce genre monochromatique a une longue histoire. En un sens je pense à ces œuvres à la lumière de la photographie, et non seulement de la peinture et du dessin. Ce sont bien sûr des « œuvres sur papier », mais les photos ne sontelles pas des œuvres sur papier, même si ce n’est pas la façon dont on en parle familièrement ? Jitish | Ce que vous venez de dire fait émerger justement une expérience fugace, indéfinissable que j’ai eue en travaillant à l’extérieur avec le papier posé à plat sur la table. Je n’y avais pas vraiment pensé
The Infinite Episode | Jitish K allat
Finally these sheets are cut because at some moment it felt like the artwork is nothing but a slice of time in a continuum of time, holding within it a “duration” of time and that’s how the line The Hour of the Day of the Month of the Season got appended to the title Wind Study. Homi | But there is an interesting issue here. These studies in the disruption of the line, and the profligacy of wind and fire, are made to conform to a particular piece of paper. Doesn’t that fixed proportion restrict the free-flow of the structure of a network where you can begin again from any node and redescribe/ reinscribe the time and space of the work? There’s a line, there’s a circle, and there’s the fire, but there is all this (the white of the paper) and we should not ignore its expanse, because the blank paper provides an ordering structure, a visual and conceptual frame. The blank, white spaces in between must be read integrally as part of the work. What would happen if you used curving, wavy lines? Jitish | Yes Homi. I think I am probably at this moment drawn to the straightness of the line because
en termes de photographie jusqu’à ce que vous le disiez. Mais cela semble exprimer parfaitement mon sentiment : le papier (avec ses éléments sur la surface : la ligne, la flamme et le vent) capture ou saisit une image de quelque chose qui ne peut être vu. C’est comme si le papier était placé face au ciel, avec le viseur tourné vers le haut, pour dégager quelque chose du flux nébuleux du moment présent. Homi | Si je devais écrire au sujet de ces œuvres, je parlerais de leur relation formelle indirecte au photo-graphique : ce graphique de la lumière qu’est la photographie, cette alchimie des pratiques de chambre noire qui rappelle les transformations alchimiques de la ligne par le feu et le vent. Il serait donc intéressant de placer les Wind Studies dans un espace intermédiaire : elles sont en partie peinture, qui utilise le feu et le vent, en partie dessin et en partie photographie. J’aime les œuvres qui me laissent perplexe parce que je ne peux pas simplement m’en rendre maître par le biais d’un discours critique. Les Wind Studies comme dessins, comme peintures, comme feu, comme air, comme photographie, et aussi comme œuvres sur papier ; la vénérable pratique du dessin au trait.
The burnt line becomes a transcript of what transpired between wind and fire La ligne brûlée devient la transcription de ce qui s’est exprimé entre le vent et le feu Jitish Kallat
The Infinite Episode, Exhibition view, Galerie Daniel Templon, Paris, 2015 Vue de l’exposition The Infinite Episode, Galerie Daniel Templon, Paris, 2013
25
The Infinite Episode | Jitish K allat
an image from a street or a platter of food could become a gateway to a distant galaxy l’image d’une rue ou d’un plat couvert de nourriture pourrait devenir la porte d’entrée d’une galaxie lointaine Jitish Kallat
Sightings D9M4Y2015 2015 Detail/Détail
the wind then curves it every time it blows. I feel the straightness gives a scalar nature to the line, a kind of reference standard. I think this suite of work is really just a beginning, and I feel as if it is taking me towards other things, and at this stage I don’t know what they are. I almost feel like it is ventilating my processes, as if the wind is actually flowing into my other works rather than these drawings alone. Homi | These works are white and brown-sepia, and this monochromatic format has such a long history. In a way I think about these works in the light of photography in addition to painting or drawing. These are of course “works on paper”, but aren’t photographs works on paper, although that’s not the way they are familiarly talked about? Jitish | What you just said actually extracts an amorphous fleeting experience I’ve felt when I was working outdoors with the paper laid flat on the table. I hadn’t really thought of it in terms of photography until you said it. But it so perfectly seems to articulate this feeling I’ve had that the paper (along with its constituents on the surface: the line, the flame, and the wind) is capturing or taking a picture of something that cannot be seen. It is almost as if the paper is laid facing skywards, with the viewfinder turned upwards, to extract something from a nebulous flux of the present moment.
Le geste de ré-inscrire/ren-forcer le trait avec un adhésif inflammable est comparable à celui de le soumettre à un processus chimique de production d’une image… Je repense aussi, bien sûr, aux lettres brûlées dans votre premier Public Notice. Jitish | C’est bien vrai. En fait, pour ce qui est des matériaux, l’adhésif s’est vraiment réincarné dans mon travail douze ans après. C’est le même adhésif avec lequel j’avais travaillé dans le premier Public Notice, en 2003. Tant d’années après, il s’est réincarné dans une œuvre portée semble-t-il par un objectif distinct. Beaucoup d’éléments reviennent dans mon travail au cours du temps : ils ne cessent de disparaître et de réapparaître. Certaines œuvres pourraient émerger d’un moment historique en tant qu’unité de recherche, à d’autres moments l’image d’une rue ou d’un plat couvert de nourriture pourrait devenir la porte d’entrée d’une galaxie lointaine. Homi | Oui. Quand on pense à l’agentivité et à l’incitation… la notion de libre arbitre inclut une espèce d’agentivité qui calcule. C’est une agentivité calculable. Si nous pensons à l’agentivité et à l’incitation, toutes sortes de choses s’ouvrent. Nous savons que nous sommes des agents parce que nous essayons de faire telle ou telle chose, et alors quelque chose d’autre interfère avec le processus, et nous sommes dissuadés, interrompus. L’agentivité – l’acte intentionnel que je pose pour affirmer la différence que j’apporte au monde et, corrélativement, pour représenter la différence que le monde implique pour moi – a une relation profonde avec les échos intimes de la mémoire personnelle et collective. Puis-je jamais connaître pleinement la différence qu’apportent mes actions, et cependant je dois en assumer la responsabilité. Jitish | En effet Homi, l’interaction et l’interpolation incessantes de notre action dans et sur le monde, qui est dans une mesure égale l’action effectuée par le monde à travers nous et sur nous, constituent une mystérieuse boucle récursive. Je vous propose d’aller voir cette nouvelle pièce photographique intitulée Sightings D9M4Y2015 [Observations J9M4A2015]. Homi | Quel est ce matériau ? Jitish | Ce sont des impressions lenticulaires, et les images sont en réalité sept détails rapprochés de surfaces de fruits. Il y a sept fruits. Celui-ci par exemple est une prune et ce que vous voyez à l’envers, c’est le négatif de la prune. Ainsi on fait la transition entre la couleur du fruit telle que nous la percevons rétinalement – c’est-à-dire sa couleur soustractive après qu’elle a absorbé toutes les autres longueurs d’onde visibles autres que la couleur qu’elle reflète dans notre rétine – et son opposé chromatique. L’image pivote
26
The Infinite Episode | Jitish K allat
Homi | If I were writing about these works I would talk about their oblique formal relation to the photograph: the graph of light that is photography, the alchemy of dark-room practices recall the alchemical transformations of line by fire and wind. So, in a way, one could interestingly place Wind Studies in an intermediary space: part of it is painting with fire and wind, part of it is pencil drawing, part of it is photography.
Sightings D9M4Y2015 2015 Detail/Détail
I love works that baffle me because I can’t simply drive a critical coach and horses through them.Wind Studies as drawings, as paintings, as fire, as air, as photography, and also as works on paper; the timeworn practice of line-drawing. Re-inscribing/ re-inforcing the line with inflammable adhesive is almost like subjecting it to a chemical process in order to produce an image... I’m also, of course, reminded of the burning of letters in your first Public Notice. Jitish | That’s so right, in fact in material terms the adhesive has really reincarnated in my work after 12 years. It is the same adhesive I worked with in Public Notice in 2003, and so many years later it has re-incarnated through what is otherwise seemingly a separate intent. Many elements recur in my work for years and they keep leaving and returning. Some works could emerge from a historical moment as a unit of inquiry, at other times an image from a street or a platter of food could become a gateway to a distant galaxy. Homi | Yes. Thinking about agency and incitement… the notion of free will has within it a kind of agency that calculates. It’s a calculable agency. If we think about agency and incitement, all sorts of things open up. We know that we are agents because we try to do “X” and then something else happens to the process, and we are deterred, interrupted. Agency – the purposive act I perform to affirm the difference I make in the world, and, correspondingly, to represent the difference that the world makes upon me – has a profound relationship to the intimate echoes of personal and collective memory. Can I ever fully know the difference my actions make; and yet I must take responsibility for their effects. Jitish | Indeed Homi, the ceaseless interplay and interpolation of one’s action within and upon the world, which is in equal measure the world executing an action through us and upon us, in a mysterious recursive loop. Let me take you to this new photographic piece titled Sightings D9M4Y2015. Homi | What is the material? Jitish | They are lenticular prints, and the images are actually seven close details of surfaces of fruits.
selon la position qu’on adopte par rapport à l’œuvre, inversant le schéma de stimulation à travers lequel nous faisons l’expérience visuelle du monde en rendant visible son opposé. J’avais cette vision en tête depuis un moment ; et chaque fois que je regardais de près la surface d’un fruit, c’était comme si je voyais une image photographique de l’univers avec des explosions lointaines de supernovas et des constellations dispersées marquées sur sa peau. Le fruit devenait donc une petite porte d’entrée vers une réflexion sur l’énergie contenue dans le fruit en tant qu’incarnation temporaire de ce pouvoir stellaire vital, cette même force se faisant pour un moment passer pour un fruit qui offre dans vos mains une vue spectaculaire du cosmos. Ainsi le code cryptique du titre correspond tout simplement au jour du mois de l’année où je me suis promené dans le Pali Naka Market près de mon atelier et où j’ai acheté ces fruits qui sont ensuite devenus Sightings D9M4Y2015.
To read the object as a layered palimpsest of the positive and the negative Lire les objets comme un palimpseste stratifié du positif et du négatif Homi Bhabha
Homi | Comme diraient les Italiens, tutti frutti ! Ces œuvres sont une affirmation tellement puissante du processus photographique dans le champ visuel, en tant que pratique de transition et de traduction entre différents états. Lire les objets comme un palimpseste stratifié du positif et du négatif, voir les défauts de surface sur la peau des fruits comme porte d’entrée du pouvoir stellaire, ces grandes envolées métaphoriques sont des expérimentations sur des
27
The Infinite Episode | Jitish K allat
The Infinite Episode 2015
There are seven fruits. So this one for instance is a plum and what you’re seeing in the inverse as you move is the negative of the plum. Thus one transitions between the colour of the fruit as we retinally perceive it – which is its subtractive colour after it has absorbed every other visible wavelength of light other than the colour that it reflects back to our retina – and its chromatic opposite. The picture flips depending on where one is standing in relation to the work, reversing the pattern of stimulation through which we experience the world visually by making visible its opposite.
The Infinite Episode 2015 Detail/Détail
This feeling has been in my mind for a while; and every time I looked closely at the surface of a fruit it was as if I was seeing a photographic image of the universe with distant supernovas explosions and dispersed constellations manifested on its skin. The fruit thus became a small gateway to speculate about the very energy in the fruit as a temporary incarnation of this
questions complexes d’échelle. Le langage de l’échelle évoque souvent une mesure humaine à laquelle on peut adhérer ou qu’on peut violer d’une manière flagrante, mais quelque part caché dans l’ombre il y a toujours l’humain en tant que mesure. Elle peut être représentée dans l’objet ou dans l’alignement du spectateur avec l’objet ; l’échelle humaine peut simplement se manifester comme une certaine distance inscrite dans l’acte de voir. Un concept d’échelle différent émerge lorsqu’il y a une stratification dense du temps et de la figure qui révèle le mouvement de déplacement de l’échelle ; ceci me rappelle l’équilibre précaire d’une balance 3. Le caractère déplacé 4 de l’échelle existe au sein de tout objet ou signe spécifique. On a une irrésolution de l’échelle, malgré la conscience de l’espace figuratif et du temps narratif. Un bel exemple d’un tel questionnement de l’échelle et du temps est merveilleusement mis en scène dans l’ensemble d’œuvres de Nalini Malani intitulé Hieroglyphs of Lohar Chawl [Hiéroglyphes de Lohar Chawl]. Jitish | En parlant d’échelle, cette pièce-ci est la sculpture intitulée The Infinite Episode [L’Épisode infini], une sorte de dortoir de dix espèces endormies. Quelque chose semble se produire à ce moment du sommeil : elles prennent toutes la même taille. Homi | J’aime vraiment cela. Le sommeil comme une sorte de mesure scalaire d’une espèce à l’autre. Le sommeil est-il une condition partagée qui établirait une communauté de « taille » ? Je me le demande. La posture du sommeil fournit-elle une sorte de « degré zéro » de la mesure des êtres vivants ? Le sommeil est-il l’abandon de toute agentivité ? Le cygne garde plus ou moins la taille d’un cygne, mais la girafe et le chimpanzé sont rapetissés et raccourcis. Jitish | Tout à fait Homi, mais je n’avais pas vraiment pensé à un degré zéro. J’ai démarré avec une échelle
28
The Infinite Episode | Jitish K allat
vital stellar power; that very force posing as a fruit for a time offering a spectacular sighting of the cosmos in your hands. So the cryptic code within the title is purely the day of the month of the year when I wandered through Pali Naka Market near my studio and bought these fruits which then became Sightings D9M4Y2015.
intuitive. En fait le cygne est venu plus tard, après certaines des autres espèces, et d’abord parce que j’aime la manière qu’il a de dormir avec sa tête repliée.
Homi | As the Italians would say, tutti frutti ! These works are such a strong affirmation of the process of photography in the visual field, as a practice of transition and translation between different states of being. To read the object as a layered palimpsest of the positive and the negative, to see the surface blemishes on the skin of the fruit as a gateway to stellar power; these large metaphoric flights are experiments with complex questions of scale. The language of scale frequently invokes a human measure that may be adhered to or flagrantly violated, but somewhere in the shadows lurks the human as measure. It may be represented in the object or in the alignment of the viewer to the object – the human scale may simply register as a certain distance inscribed in the act of viewing. A different concept of scale emerges when there is a dense layering of time and figure that reveals the shifting movement of scale; this reminds me of the precarious balance of a “weighing scale.” The shiftiness of scale exists within any specific object or sign. You have an irresolution of scale, despite the preoccupation with figurative space and narrative time. A fine example of such a questioning of scale and time is wonderfully executed in Nalini Malani’s body of work titled Hieroglyphs of Lohar Chawl.
Jitish | La sculpture sera moulée en plâtre dentaire et placée sur un socle bas.
Jitish | Talking of scale, this piece here is the sculpture called The Infinite Episode which is almost like a dormitory of ten sleeping species. One thing that seems to occur at this moment of sleep is that they get equalized in scale. Homi | I like that. Sleep as a kind of scalar measure
Homi | C’est très efficace. Vont-ils être moulés et placés de cette manière ?
Homi | J’aime ce geste, mais il faut vraiment que je pose cette question : si le sommeil est un égalisateur (comme la mort ?), qu’en est-il de la différence radicale des rêves et des cauchemars d’une espèce à l’autre ? C’est ce qui fait du sommeil une expérience profondément historique et psychique. Et qu’est-ce que cela dit, Jitish, sur votre propre rêve d’une relation scalaire entre vie humaine et non humaine ? Il est trop tard pour s’appesantir sur la forme « dormante » ici, mais le sommeil est à la fois réparateur et la chose la plus proche de la mort qu’on puisse représenter sous forme corporelle. Nous ne pouvons pas parler du sommeil comme condition de l’art sans penser l’inconscient comme site profond et problématique des relations précaires mais essentielles entre réalité matérielle et réalité psychique, l’état instable entre sommeil et veille. The Wind Studies, The Infinite Episode… que montrezvous d’autre à Paris ?
Sleep as a kind of scalar measure across species. Le sommeil comme une sorte de mesure scalaire d’une espèce à l’autre. Homi Bhabha
Jitish | Il y a cette vitrine, ce terrain de jeu hexagonal, plutôt ouvert, où je continue à déposer des idées et des notes. Je vais peut-être simplement continuer à faire des dessins et assembler des pensées et des images, comme cette constellation de dessins en évolution constante, jusqu’à la date de l’exposition. J’ai travaillé sur ces dessins parallèlement aux Wind Studies, ils permettent l’intervention d’un grand nombre d’éléments fortuits.
29
The Infinite Episode | Jitish K allat
Flowchart 2015
Detail/Détail
across species. Is sleep a shared condition that establishes a commonalty of “size”? I wonder? Does the posture of sleep provide a kind of “zero degree” of the measure of living beings? Is sleep the surrender of agency? The swan is more or less the size of a swan, but the giraffe and the chimp are profoundly cramped and cropped. Jitish | Oh yes, that’s so right Homi, but I hadn’t really thought of a zero degree. I began with an intuitive scale. In fact the swan came later after some of the other species primarily because I love the manner in which it sleeps with its head tucked into itself. Homi | It is very effective, will they be cast and placed like this? Jitish | It will be cast in dental plaster and placed on a low plinth. Homi | I like the gesture, but I really need to ask: if sleep is an equalizer (like death?) what about the radical difference between dreams and nightmares across different species?This is what makes sleep a profoundly historical and psychic experience. And what does this say, Jitish, about your own dream of the
30
Par exemple, ces formes sculpturales sont des fragments d’une sculpture non réalisée de 2013, qui était basée sur l’architecture astronomique. Elles n’étaient même pas censées se trouver dans la vitrine hexagonale, mais elles semblent s’être infiltrées, se posant là d’abord comme des presse-papiers, maintenant installées à demeure parmi ces notes. J’appelle ce dépôt simplement Flowchart [Organigramme], une maquette modélisant une solution ouverte à des problèmes nébuleux. Il y a aussi une vidéo récente intitulée Infinitum (Here after Here) [Ici après ici] dans laquelle trente rotis traversent un cycle évolutif, émergeant lentement jusqu’à atteindre la plénitude, et un cycle de consommation, retournant finalement au vide. Ici l’image du roti se transforme en croissance et décroissance de la Lune. Homi | Ainsi donc il y a deux processus qui opèrent simultanément ? Jitish | Oui. Il y a un processus interne, le cycle de vie de chaque roti, et il y a un processus externe circulaire couvrant le cercle complet du mois lunaire. Comme extension de l’exposition, j’ai l’intention de montrer une vidéo que j’ai faite en 2009, intitulée Forensic Trail of the Grand Banquet [Piste médico-légale du grand banquet]. La vidéo est un voyage à travers un champ
The Infinite Episode | Jitish K allat
scalar relationship between human and non-human life? It is too late to dwell on the “sleeping” form here, but sleep is both restorative and as close to death as we can represent in bodily form. We cannot talk of sleep as a condition of art without a reflection on the “unconscious” as a profound and problematic site of the uneasy, yet essential, relationship between material and psychic reality – the precarious state between sleep and wakefulness.
cosmique dans lequel chaque élément du cosmos est un balayage par rayons X de nourriture, effectué dans le labo de radiologie d’un médecin. Quelques centaines de radiographies de nourriture deviennent des nébuleuses, des planètes, des constellations d’étoiles associant les entrailles de la nourriture et la vaste étendue de l’univers. Le microscopique et le télescopique convergent, et quelque chose de cette œuvre s’est réincarné six ans plus tard sous la forme de Sightings D9M4Y2015.
Wind Studies, The Infinite Episode… what else are you showing in Paris?
Homi | C’est étonnant comme la chose la plus petite, le grain ou la cicatrice, semble exercer une fascination sur vous quand vous travaillez une œuvre. C’est ce petit moment où brûle la surface qui révèle quelque chose qui n’est ni derrière elle ni devant elle, mais quelque chose d’étrange et de surprenant qui émerge juste à côté, une extension de nos sens, et une atténuation de notre sens commun. La tache semble être au centre du processus. On pourrait partir de la ligne ou du point mais une bonne part de notre pensée tourne autour de la tache.
Jitish | There is this hexagonal, somewhat openended playing field, a vitrine where I continue to deposit ideas and notations. I might just continue making drawings, and assemble thoughts and images, as this evolving constellation of drawings, all the way leading up to the date of the exhibition. They have been a parallel process of drawing alongside the Wind Studies, allowing a lot of chance elements to come in. For instance these sculptural forms are fragments of an unrealized sculpture from 2013 that was based on astronomical architecture. They were not even meant to be in the hexagonal vitrine, but they seem to have come in, initially sitting in there like paper weights but now they seem to claim permanent tenancy amongst these notations. I simply call this repository Flowchart, an open-ended solution model to attend to unclear problems.
Jitish | Oui Homi, c’est vrai, souvent pour moi c’est une cicatrice sur notre propre peau, ou des mouchetures sur une feuille ou sur la peau d’un fruit qui devient espace de spéculation. Homi | J’aurais pu donner à cette exposition un titre collectif, Life Cycles [Cycles de vie]. Les œuvres dont nous avons parlé aujourd’hui contribuent à une
The microscopic and the telescopic converge Le microscopique et le télescopique convergent Jitish Kallat
Infinitum (Here after Here)
2014
There is also a recent video titled Infinitum (Here after Here), where thirty rotis go through an evolutionary cycle, emerging slowly to evolve into fullness, and through a cycle of consumption, finally return to emptiness. Here the image of the roti morphs with the waxing and waning of the Moon. Homi | So there are two processes simultaneously going on? Jitish | Yes. There is an internal process, the life cycle of each roti, and there is a circular external process covering the full circle of the lunar month. As an extension to the exhibition I plan to exhibit a video I made in 2009 titled Forensic Trail of the Grand Banquet. The video is a journey through a cosmic field where every element of the cosmos is an X-ray scan of food taken in a doctor’s radiology lab. A few hundred x-rays of food become satellites, planets, nebulae and stellar constellations conflating the insides of food with the vast expanse of the universe. The microscopic and the telescopic converge and something of that work has reincarnated six years later as Sightings D9M4Y2015. Homi | Fascinating how the smallest thing, the speck or the scar, seems to hold a fascination for you in
Annexation, 2009 Detail/Détail
31
The Infinite Episode | Jitish K allat
the crucial task of learning how to look and live by beginning again… la tâche cruciale d’apprendre la manière de regarder et vivre en recommençant… Homi Bhabha
Infinitum (Here after Here) 2014 Detail/Détail
32
crafting the work. It is the small moment where there is a burning of the surface that reveals something that is neither behind it, nor in front of it, but discloses something strange and surprising that emerges adjacent to it – an extension of our senses, and an attenuation of our common sense. The blemish seems to be at the center of the process. You might start with the line or the dot but much of your thinking circulates around the blemish. Jitish | Yes Homi, that’s true, many times for me it’s a scar on one’s own skin, or speckles on a leaf or the skin of a fruit, that becomes the space of speculation. Homi | I might have given this show a collective title: Life Cycles. The works we’ve discussed today contribute to a larger question: what is a life-cycle? How do the materials and mediations of art signify the life-cycles of “natural” elements: wind and fire, vegetal life, fruit skins and roti rotations and animal life, sleeping species? Reflecting on your work today and hearing you speak about it might have led me to suggest that you constantly deal with the origins of life. Sorry, I must revise that, and correct myself. I believe that you are less interested in life’s origins than in what it means for diverse forms of life to cycle through the experience of planetary and historic life. How do different life-cycles begin again, in relation to each other, in order to create an ethical and ecological balance of species-being? And how does the work of art, the artist’s labour, strive to give form and meaning to the imminence of shared Being? For the cycle of life and art is nothing more or less than the crucial task of learning how to look and live by beginning again…
question plus vaste : qu’est-ce qu’un cycle de vie ? De quelle manière les matériaux et médiations de l’art signifient-ils les cycles de vie des éléments « naturels » : le vent et le feu, la vie végétale, les peaux de fruit et les rotations des rotis, la vie animale, les espèces endormies ? Penser votre travail aujourd’hui, et vous entendre en parler, aurait pu m’amener à suggérer que vous vous préoccupez constamment de la question des origines de la vie. Pardon, je dois me corriger, je crois que vous êtes moins intéressé par les origines de la vie que par ce que signifie l’évolution cyclique des diverses formes de vie à travers l’expérience de la vie planétaire et historique. Comment divers cycles de vie recommencent-ils, reliés les uns aux autres, afin de créer un équilibre éthique et écologique de l’être-espèce. Et comment l’œuvre d’art, le travail de l’artiste, s’efforce-t-elle de donner forme et sens à l’imminence d’un être partagé ? Car le cycle de la vie et de l’art n’est ni plus ni moins que la tâche cruciale d’apprendre la manière de regarder et vivre en recommençant…
1 Le titre repose sur un jeu de mots : « to draw fire », en anglais, est une expression idiomatique qui signifie « essuyer le feu » ou des critiques, « être la cible de » mais ici la métaphore habituelle est littéralisée. (NdT) 2 Le texte anglais joue ici sur la proximité entre « graph » et « grave » (« tombe »). (NdT) 3 Le texte anglais joue ici sur l’homonymie entre « scale » (« échelle ») et « weighing scale(s) » (« balance »). (NdT) 4 On a essayé de rendre ici le jeu de l’anglais entre « shifting » (ici « déplacement ») et « shiftiness » (ici « déplacé ») : ce dernier suggère quelque chose de rusé, de louche. (NdT)
The Infinite Episode, Exhibition view, Galerie Daniel Templon, Paris, 2015 Vue de l’exposition The Infinite Episode à la Galerie Daniel Templon, Paris, 2015
Wind Studies | 2015
(The Hour of the Day of the Month of the Season)
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in. Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
The Infinite Episode  | Jitish K allat
35
The Infinite Episode | Jitish K allat
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015
Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in.
Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in.
Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
36
The Infinite Episode | Jitish K allat
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in. Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
37
The Infinite Episode | Jitish K allat
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in. Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
38
The Infinite Episode | Jitish K allat
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in. Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
39
The Infinite Episode | Jitish K allat
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015
Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in.
Burnt adhesive and graphite on Arches paper 67 x 45 in.
Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 170 x 114 cm
40
The Infinite Episode | Jitish K allat
Wind Study (The Hour of the Day of the Month of the Season) 2015 Burnt adhesive and graphite on Arches paper 60 x 45 in. Adhésif et graphite brûlés sur papier Arches 152 x 114 cm
41
The Infinite Episode | 2015
The Infinite Episode 2015 Sculpture, dental plaster 10 elements/edition of 3 27 x 236 1/4 x 31 7/8 in. Sculpture, plâtre pour empreintes dentaires 10 éléments/édition de 3 70 x 600 x 81 cm
The Infinite Episode  | Jitish K allat
Detail
43
The Infinite Episode  | Jitish K allat
44
The Infinite Episode  | Jitish K allat
45
The Infinite Episode  | Jitish K allat
46
The Infinite Episode  | Jitish K allat
47
The Infinite Episode  | Jitish K allat
Sightings D9M4Y2015 | 2015
Sightings D9M4Y2015 2015 7-part lenticular photopiece 27 x 126 in. edition of 3 + 1 AP Photographie lenticulaire en 7 panneaux 68,5 x 320 cm ĂŠdition de 3 + 1EA
50
The Infinite Episode  | Jitish K allat
Details
51
The Infinite Episode  | Jitish K allat
52
The Infinite Episode  | Jitish K allat
53
The Infinite Episode | Jitish K allat
Flowchart | 2015
Flowchart 2015 Vitrine, mixed media (drawings, watercolours, tea washes, gouaches and sculptural elements) 30 1/8 x 64 in.( diam) Vitrine, techniques mixtes (dessins, aquarelles, gouaches, éléments sculpturaux) diam. 162,5 x h 76,5 cm
54
The Infinite Episode  | Jitish K allat
55
The Infinite Episode  | Jitish K allat
56
The Infinite Episode | Jitish K allat
The Infinite Episode, Exhibition view, Galerie Daniel Templon, Paris, 2015 Vue de l’exposition The Infinite Episode à la Galerie Daniel Templon, Paris, 2015
57
The Infinite Episode | Jitish K allat
Infinitum (here after here) | 2014
Infinitum (Here after Here) 2014 Single channel video, projection or screen ed. of 3 + AP Variable dimensions Vidéo monocanal, projection ou écran éd. de 3 + EA Dimensions variables
58
The Infinite Episode  | Jitish K allat
59
The Infinite Episode  | Jitish K allat
60
The Infinite Episode  | Jitish K allat
Filmstills Photogrammes
61
The Infinite Episode | Jitish K allat
Annexation | 2009
Annexation 2009 Black painted resin and iron ed. 3 +1AP 72 x 59 x 51 in. Résine peinte en noir et métal ed. 3 +1 EA 183 x 150 x 130 cm
62
The Infinite Episode | Jitish K allat
Forensic Trail of the Grand Banquet | 2009
Forensic Trail of the Grand Banquet 2009 Single channel video, projection or screen ed. of 5 + AP Variable dimensions Vidéo monocanal, projection ou écran ed. de 5 + EA Dimensions variables
64
The Infinite Episode  | Jitish K allat
65
The Infinite Episode  | Jitish K allat
66
The Infinite Episode  | Jitish K allat
67
The Infinite Episode  | Jitish K allat
68
The Infinite Episode | Jitish K allat
biography | biographie
69
The Infinite Episode | Jitish K allat
Jitish Kallat
Born in 1974 in Mumbai, India where he leaves and works. Né en 1974 à Mumbai (Inde), où il vit et travaille. ducation E Formation
2008 Universal Recipient, Haunch of Venison, Zurich, Switzerland Aquasaurus, Sherman Contemporary Art Foundation, Sydney, Australia Skinside Outside, Arario, Seoul, Korea Public Notice-2, Bodhi Art, Singapore Unclaimed Baggage, Albion, London, UK
2007
B.F.A. (painting), Sir J.J.School of Art, Mumbai, India K.K. Hebbar Art Foundation Award Govt. First Prize, Sir J.J.School of Art, Mumbai, India
365 Lives, Arario Beijing, China Rickshawpolis-3, Gallery Barry Keldoulis, Sydney, Australia Passage to India, Initial Access Frank Cohen Collection, Wolverhampton, UK
1996 - 1997
2006
1990 - 1996
Fellow at the Sir J.J. School of Art, Mumbai, India Awarded Fellowship at Sir J.J.School of Art, Mumbai, India S elected Solo Exhibitions Sélection d’Expositions Personnelles
2015 The Infinite Episode, Galerie Daniel Templon, Paris, France Postdate: Photography and Inherited History in India, San Jose Museum of Art, USA Public Notice 2, Art Gallery of New South Wales, Sydney, Australia
2014 Drawing, Gallery Espace, Mumbai, India Curator of the Kochi-Muziris Biennale, Kochi, India Jitish Kallat : Epilogue, San Jose Museum of Art, San Jose, USA
2013 The Hour of the Day of the Month of the Season, Galerie Daniel Templon, Paris, France Covering Letter, Galerie Daniel Templon, Paris, France
Rickshawpolis-2, Spazio Piazzasempione, Milano, Italy
2005 Rickshawpolis-1, Nature Morte, New Delhi, India Panic Acid, Bodhi Art, Singapore Humiliation Tax, Gallery Chemould, Mumbai, India
2004 The Lie Of The Land, Walsh Gallery, Chicago, USA FAQ, Art Rotterdam, presented by Willem Baars Projects, The Netherlands
2003 Public Notice, National Gallery of Modern Art, Mumbai, India
2002 First Information Report, Bose Pacia Modern, New York, USA
2001 Milk Route, India Habitat Centre, New Delhi, India General Essential, Sakshi Gallery, Bangalore, India
2000 Ibid, Gallery Chemould, Mumbai, India
2012
1999
Jitish Kallat : Circa, Ian Potter Museum, Melbourne, Australia Chlorophyll Park, Nature Morte, Delhi, India
Private limited-I, Bose Pacia Modern, New York, USA Private limited-II, Apparao Gallery, Chennai, India
2011
1998
Stations of a Pause, Chemould Gallery, Mumbai, India
Apostrophe, India Habitat Centre, New Delhi, India
2010
1997
The Astronomy of the Subway, Haunch of Venison, London, UK
P.T.O., Gallery Chemould and Prithvi Gallery, Mumbai, India
70
S elected Group Exhibitions Sélection d’Expositions Collectives
2014 An appetite for painting. Contemporary Painting 2000 – 2014, Museum of Contemporary Art, Oslo, Norway Le festin de l’art, Palais des BeauxArts, Dinard, France Forms of Activism, Lalit Kala Akademi Galleries, New Delhi, India
2013 India: Art Now, Arken Museum of Modern Art, Copenhagen, Denmark Palindrome: Gilbert & George / Jitish Kallat, Arndt, Berlin, Germany
2011 Paris-Delhi-Bombay, Centre Pompidou, Paris, France Maximum India, The Kennedy Centre, Washington D.C., USA
2010 The Empire Strikes Back: Indian Art Today, Saatchi Gallery, London, UK Urban Manners 2, SESC Pompeia, São Paulo, Brasil Changing the World, Arndt Berlin, Germany A long way from home, Arndt Berlin, Germany Bring Me A Lion: An Exhibition of Contemporary Indian Art, The Hunt Gallery, USA All That is Solid Melts Into Air: Indian Contemporary Art in Global Times, Lakereen Gallery, Mumbai, India
2009 Mythologies, Haunch of Venison London, UK Indian Summer, Gallery Christian Hosp, Berlin, Germany Architectonica, Gallery Nature Morte, New Delhi, India India Contemporary, GEM, Museum of Contemporary Art, Den Haag, The Netherlands Life is A Stage, Institute of Contemporary Indian Art (ICIA), Mumbai, India Inaugural Show, Sakshi Gallery, Taipei, China Body Chatter: An Exhibition of Contemporary Indian Art, Walsh Gallery, Chicago, USA
2008 Passage to India, Initial Access Frank Cohen Collection, Wolverhampton, UK Indian Highway, Serpentine Gallery, London, UK Die Tropen, Martin Gropius Bau, Berlin, Germany Chalo India: A New Era of Indian Art, Mori Art Museum, Tokyo, Japan GSK Contemporary, Royal Academy of Arts, London, UK 3rd Guangzhou Triennal, Guangzhou, China
2007 Urban Manners, Hangar Bicocca, Milano, Italy India Now: Contemporary Indian Art Between Continuity and Transformation, Provincia di Milano, Milano, Italy Thermocline Of Art - New Asian Waves, ZKM Museum, Karlsruhe, Germany Best of Artists, Sh Contemporary, Shanghai, China Hungry God, Art Gallery of Ontario, Toronto, Canada India: Public Spaces, Private Places - Contemporary Photography and Video Art, Newark Museum, USA Aftershock, Sainsbury Center for Visual Arts, Norwich, UK Horn Please, KunstMuseum, Bern, Switzerland New Narratives: Contemporary Art From India, Chicago Cultural Centre, Chicago, USA
2006 The 5th Asia Pacific Triennale of Contemporary Art, Queensland Art Gallery and Gallery of Modern Art Brisbane, Australia Passages, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, Belgium Lille 3000, Lille, France The 6th Gwangju Biennale, Gwangju, Korea Hungry God: Indian Contemporary Art, Arario Gallery, Beijing and the Busan Museum, Korea Made by Indians: L’Art à La Plage, Galerie Enrico Navarra, Ramatuelle, France Another Worlds, Arario Gallery, Cheonan, Korea
2005 Indian Summer, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, France The Artist Lives and Works in Baroda/ Bombay/Calcutta/Mysore/Rotterdam/
The Infinite Episode | Jitish K allat
Trivandrum, House of World Culture, Berlin, Germany 1st Pocheon Asian Art Triennale, Pocheon, Korea Paths of Progression, Singapore Tyler Print Institute, Singapore Mom and Pop Art, Walsh Gallery, Chicago, USA International Painting, Gallery GBK, Sydney, Australia Kunst En Oorlod, Kunst en Cultuur Noord, The Netherlands
2004 The Sacrifice – An Intimate I, Collection of Henri Swagemakers, Museum De Beyerd, The Netherlands Contemporary Art from India, Thomas Erben Gallery, New York, USA Summer Show, Bose Pacia Gallery, New York, USA Masala, William Benton Museum, University of Connecticut, USA Zoom! Art in Contemporary India, Culturgest Museum, Lisboa, Portugal
2003 SubTerrain: Artists Dig the Contemporary, Haus der Kulturen der Welt, Berlin, Germany Drawing Conclusions, International exhibitions of artist-writers, New York Arts Gallery, New York, USA Pictorial Transformations, National Art Gallery, Malaysia Urban Graffiti, Woolff Gallery, London, UK Crossing generations: diVERGE, Gallery Chemould’s 40th anniversary, National Gallery of Modern Art, Mumbai, India Indians+Cowboys, Gallery 4a, Sydney, Australia The Tree from the Seed, Henie Onstad Kultursenter, Hovikodden, Norway
2002
2000
1995
Seventh Havana Biennial, Havana, Cuba
Varsha ‘95, Y.B. Chavan Art Gallery, Mumbai, India
1999 The First Fukuoka Asian Art Triennale, Fukuoka Asian Art Museum, Japan Nature Morte, New York Mary Place Gallery, Sydney, Australia
1998 Kunstrai, International Art Fair, Amsterdam, The Netherlands Art of the World 1998, Passage de Retz, Paris, France Multi Media Art of 90’s, CIMA Gallery, Calcutta, India Jehangir Nicholson Collection, National Gallery of Modern Art, Mumbai, India The Wilberding Collection, National Gallery of Modern Art, Mumbai, India Indian Contemporary Art, The R.P.G. collection, Leverkusen and Monheim, Germany
Under Construction, The Japan Foundation Asia Center, Tokyo, Japan India - Contemporary Art from Northeastern Private Collection, Jane Voorhees Zimmerli Art Museum, New Jersey, USA Clicking into Place, organised by Japan Foundation at the Sakshi Gallery, Mumbai, India
Innenseite, Kassel, Germany 50 years of Art in Mumbai, National Gallery of Modern Art, Mumbai, India
2001
1996
Century City, Tate Modern, London, UK Indian Painting, Art Gallery of New South Wales, Sydney, Australia
Miniature Format Show, Sans Tache, Mumbai, India Monsoon Show, Jehangir Art Gallery, Mumbai, India
1997
Awards Récompenses 2001 - Indo-American Society’s “Young Achiever Award” 2002 - Harmony Award 2003 - Provogue-Society “Young Achiever Award”
Ephemeris (The Almanac of a Dancing Shadow) 2012-2013 Acrylic, oil, household gloss and pencil on canvas/ Diptych 90 x 136 in. Acrylique, huile, vernis et crayon sur toile/ Diptyque 229 x 346 cm
C ollections National Gallery of Modern Art, New Delhi, India Art Institute of Chicago, USA Museum of Contemporary Art, Los Angeles, USA Singapore Art Museum FAAM (Fukuoka Asian Art Museum), Japan The Saatchi Gallery, London, UK Initial Access Frank Cohen, Wolverhampton, UK Vanhaerents Art Collection, Bruxelles, Belgium Sigg Collection, Switzerland Arario Gallery, Korea Burger Collection, Hong Kong and Berlin Guy & Myriam Ullens Foundation, Geneva, Switzerland
Previous page/ Page précédente
In Order of Recurrence, 2012-2013 Acrylic, oil, household gloss and pencil on canvas/Diptych 90 x 136 1/4 in. Acrylique, huile, vernis et crayon sur toile /Diptyque 229 x 346 cm
71
Catalogue published for the exhibition Catalogue édité à l’occasion de l’exposition
The Infinite Episode | Jitish K allat From September 5 to October 31, 2015 Du 5 septembre au 31 octobre 2015
Galerie Daniel Templon 30 rue Beaubourg – 75003 Paris Tél. : +33 1 42 72 14 10 info@danieltemplon.com - www.danieltemplon.com Editor / Coordination : Victoire Disderot Translation / Traduction: Anaïs Lasvigne (Chantal Pontbriand), Philippe Hunt (Homi Bhabha) Artworks / Photos des œuvres : B.Huet/TUTTI except /sauf : Epilogue: Iris Dreams, Public Notice 3 : Courtesy The Art Institute of Chicago Cover / Couverture: The Infinite Episode (detail) Back cover/4e de couverture: Sightings D9M4Y2015 (detail)
Création, édition : 23 rue du Renard – 75004 Paris Tél. : +33 1 43 20 10 49 info@communicart.fr Creative director / Directeur de la création : François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre
Printed in Belgium / Imprimé en Belgique © Galerie Daniel Templon ISBN : 978-2-917515-18-1
2015
Galerie Daniel Templon
30 rue Beaubourg 75003 Paris 33 (0)1 42 72 14 10 – danieltemplon.com ISBN 978-2-917515-18-1 25€
Galerie Daniel Templon
The Infinite Episode | Jitish K allat
The Infinite Episode | Jitish K allat
galerie daniel templon