Maurice Estève

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Maurice

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maurice

Estève

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Fiac 2015 | 22 - 25 octobre 2015

Rive gauche Applicat - Prazan  Rive droite

|

3 novembre - 19 décembre 2015

Maurice

Estève


Maurice Estève, 1987.


Introduction

Foreword


Maurice  Estève

Estève d éco uvrir Maurice

Germain Viatte Conservateur général du patrimoine, commissaire de nombreuses expositions et auteur de référence, a notamment dirigé les musées de Marseille, le musée national d’Art moderne et le Centre de création industrielle au Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, le patrimoine et les collections du musée du quai Branly General Curator, curator of numerous exhibitions and leading author, has notably headed: the Museums of Marseille, the Musée National d’Art Moderne and the Centre de création industrielle at the Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, Paris, heritage and collections of the Musée du Quai Branly, Paris

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Maurice Estève dans son atelier rue Lepic, en 1943 Maurice Estève in his studio rue Lepic, 1943

F

A

aut-il le rappeler alors que Franck Prazan nous offre à nouveau la possibilité de revoir l’œuvre de Maurice Estève, et cette fois avec 24 toiles réalisées entre 1929 et 19941 ? Voici un artiste considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs peintres français du XXe siècle. Il fut souvent célébré mais demeure trop méconnu et semble parfois oublié. En 1943, il s’est inscrit, non sans malentendus, dans l’histoire de l’art de notre époque mais sa carrière s’était engagée dès la fin des années vingt avec des œuvres marquantes et prometteuses ; il fut vite distingué à l’étranger, notamment dans le nord de l’Europe, en Suisse et en Allemagne. à Paris, lors de ses expositions dans des galeries de qualité, son œuvre fut toujours saluée avec ferveur par écrivains, historiens et critiques. Lorsque l’on examine attentivement son œuvre et son histoire personnelle, sa personnalité peut néanmoins sembler parfois paradoxale. Je ne m’étendrai pas sur sa biographie mais il convient d’en connaître quelques données fondamentales et je tenterai de lui donner le plus souvent la parole afin de débusquer l’homme et ses intentions d’artiste.

s Frank Prazan once again offers us the possibility to rediscover the work of Maurice Estève, this time with 24 paintings painted between 1929 and 19941, there is no need to recall that Estève is a painter considered by many to be one of the best French artists of the twentieth century. Estève was often celebrated but today remains insufficiently known and sometimes even forgotten. In 1943, he became part, not without misunderstandings, of the history of art of our period; his career had already begun, however, in the late 1920s with forceful and promising works. He rapidly gained recognition abroad, in particular in the North of Europe, Switzerland and Germany. In Paris, at exhibitions in leading galleries, his work was always enthusiastically received by writers, historians and critics. When we take a close look at his work and his life, however, his personality can sometimes appear paradoxical. I will not dwell on his biographical details, although it is necessary to know a few basic facts, and will attempt as often as possible to allow Estève’s own voice to come through so as to identify the man and his intentions as an artist.

« Je découvris le merveilleux »

“I discovered the marvelous”

Né à Culan, petite cité du Cher, le 2 mai 1904, Maurice Estève y meurt le 29 juin 2001. Son existence couvre donc la quasitotalité d’un siècle riche en révolutions esthétiques qui participent à un bouleversement de civilisation sans égal. Il est issu d’une lignée paysanne et ses parents – son père est bottier et sa mère modéliste –, des artisans montés à Paris, le laissent, enfant, à la campagne entre son grand-père et sa grand-mère qui, bien qu’elle

Maurice Estève was born in Culan, a small town in Cher, on 2nd May 1904, and died there on 29th June 2001. His life therefore covers almost the entire twentieth century, a period that witnessed many important aesthetic changes which contributed to an exceptional transformation in civilization. His forebears were peasants and his parents artisans who had moved up to Paris (his father was a bootmaker and his mother a dress designer), leaving

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fût analphabète, « témoignait d’un très grand respect à l’égard de tout ce qui relevait de la culture ». Il se souviendra longtemps de son éblouissement au sortir d’une maladie d’enfance : « En franchissant le petit pont sur la rivière, j’eus comme une illumination. Je découvris le merveilleux : la lumière, les champs, les fleurs (c’était un paysage simple, nullement exceptionnel). Tout concourait à me mettre dans un état d’intense émotion devant la beauté véritable. » Sa grand-mère lui apprend ce qui compte vraiment : « Avec des gens de métier, des artisans, des paysans, on a toujours une conversation passionnante. Ils parlent de ce qu’ils vivent : de leur travail, de leurs semis… On a toujours beaucoup à apprendre d’eux. C’est cela la culture2. » Et ce fut cela son apprentissage, loin des écoles d’art mais au contact d’amis artisans rencontrés au gré des mille « petits métiers » qui lui permettront de subsister jusqu’à la seconde guerre mondiale. à Paris, où il retrouve ses parents pendant les vacances, il y a le Louvre. En 1913, âgé de neuf ans il a, « chance de [sa] vie », la curiosité d’y entrer et, bénéficiant d’un « instinct sûr », d’être attiré « par Chardin, Corot, Courbet – surtout ses deux grandes toiles : Un enterrement à Ornans et L'Atelier3 . » Dans la première, il peut alors s’identifier à l’un des enfants de chœur qui entourent l’officiant et reconnaître une communauté qui ressemble, magnifiquement incarnée et devenue intemporelle, à celle de sa campagne ; dans la seconde, il peut comprendre, tel le gamin ébahi en sabots qui regarde le peintre restituant pour toujours la nature considérée en un moment donné, que la peinture est, comme Courbet l’écrivait à Champfleury, une « allégorie réelle » d’un monde complexe où retrouver « les gens qui vivent de la vie, qui vivent de la mort. C’est la société dans son haut, dans son bas, dans son milieu […]

« j’eus comme une illumination. Je découvris le merveilleux : la lumière, les champs, les fleurs… » “I had a form of awakening. I discovered the marvelous: the light, fields and flowers…”

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the young Maurice in the country with his grandfather and grandmother who, although illiterate, “had the greatest respect for everything related to culture.” Estève would always remember a powerful emotional experience while recovering from a childhood illness: “Crossing the little bridge over the river, I had a form of awakening. I discovered the marvelous: the light, fields and flowers (it was an ordinary landscape, nothing exceptional). The extraordinary beauty of everything placed me in a state of intense emotion.” His grandmother taught him something she considered fundamental: “You always have fascinating conversations with people who have a métier, such as artisans or peasants. They talk about their lives, their work, their projects… They always teach us a great deal. This is culture2.” This then was his apprenticeship far from art schools, exercising the dozens of “petits métiers” that enabled him to survive until the Second World War in the company of his artisan friends. In Paris, where Estève stayed with his parents during the holidays, he discovered the Louvre. In 1913, at the age of nine, he had the “chance of [his] lifetime”, the curiosity to enter the museum and, with “sound instinct”, to be attracted “by Chardin, Corot, Courbet — in particular by the latter’s two large paintings: Un Enterrement à Ornans and L’Atelier3.” Looking at the first painting, he identified with the altar boys who surround the priest, recognizing a community which resembled, magnificently embodied, the communities in his beloved countryside; looking at the second one, he understood, like the astonished child in clogs who gazes at the artist as he captures that single moment in nature, that painting is, as Courbet wrote to Champfleury, a “true allegory” of a complex world in which we find “people who are truly alive and people who are almost dead. This is society with its top, bottom and middle […] society with all its interests and passions4.” Estève recalls other works which impressed him5, during numerous subsequent visits, among which we may distinguish The Battle of San Romano by Paolo Uccello with its hieratic violence and an unidentified Delacroix which may have been La Liberté guidant le peuple, painted in 1830. Although still a child, he was convinced that one day he would be part of a tradition of painting which had survived countless transformations and which would last forever. Estève no doubt also understood that the artist can be a participant in history. Preserved from official teaching of art and not having the opportunity to join the milieux of the modern movement, he was nonetheless aware of it, multiplying throughout the 1920s and 1930s experiments which left him dissatisfied but which show the range of his curiosity and the influences he had absorbed. The catalogue raisonné of his paintings lists 154 works painted between 1915 (when Estève was eleven years old) and 1939, with a total of 818


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la société dans ses intérêts et ses passions4. » Estève se souvient d’autres références5, développées par la suite lors de nombreuses visites, où il faut distinguer d’emblée la violence hiératique de La Bataille de San Romano de Paolo Uccello et un Delacroix non identifié qui pourrait bien être La Liberté guidant le peuple, de 1830. Encore enfant, le voilà donc convaincu de devoir un jour appartenir à une tradition de la peinture qui n’a cessé de se transformer et qui ne saurait s’interrompre. Et il comprend sans doute aussi que l’artiste peut être acteur de l’histoire, à sa façon. Préservé de l’enseignement artistique officiel, n’ayant pas la possibilité de s’inscrire dans les cercles de la modernité, il ne les ignore pourtant pas, multipliant au long des années vingt et trente, déjà établi à Paris, des essais dont il perçoit les faiblesses mais qui témoignent de la diversité de ses curiosités et des influences reçues. Le catalogue raisonné de l’œuvre peint en dénombre 154, de 1915 (il a 11 ans) à 1939, sur un œuvre peint qui s’interrompt en 1994 au n° 818, et l’on comprend combien, lorsqu’il se trouve, à la fin des années quarante, dans la recherche « rectiligne » d’« un monde inconnu », que la tâche puisse devenir exigeante et ardue. Une vocation irrésistible

Le père a violemment récusé la vocation précoce de l’enfant. Le jeune Maurice en souffrira longtemps et il y fait encore allusion, alors qu’il est quadragénaire, dans une lettre à Louis Carré : « Mon père s’est opposé, avec acharnement et violence, dès mon enfance à une vocation qu’il sentait pourtant irrésistible. Lorsque j’avais 16 ans, il brûlait les toiles que je venais de peindre. Et s’il n’ose plus faire ce geste, c’est qu’il sait qu’une toile de son fils peut “faire de l’argent”. Il n’en continue pas moins à manifester à mon égard autant d’incompréhension que de la plus totale indifférence. Son imperméabilité au monde de l’Art est d’ailleurs absolue et sans appel6. »

[fig. 1 et 2] Chômage, La Justice, 1932, gravures sur linoléum, 20,5 x 21,5 cm Linocuts, 20,5 x 21,5 cm

« Je travaillais par saccades »

Les deux toiles de 1929 ici proposées, Feuillage aux trois pichets [rep. p. 33] et Déjeuner sur l’herbe [rep. p. 35], pourraient donner l’illusion que le peintre s’est vite trouvé, tant il semble y intégrer parfaitement le message d’un cubisme transformé par l’irruption de l’objet mécanique. Deux ans auparavant, Fernand Léger7 déclarait : « La technique doit être de plus en plus précise, l’exécution parfaite : conserver l’influence des primitifs. Sortir à tout prix de la peinture impressionniste et cubiste-impressionniste, de la peinture d’intention […]. Une œuvre d’art actuelle doit supporter la comparaison avec n’importe quel objet fabriqué8. » Le 3 mai 1926, Estève écrit à son ami Raymond Robin : « Si je crois encore à Matisse, je m’éloigne de plus en plus des impressionnistes tant ils deviennent fades auprès des jeunes d’aujourd’hui9. » Ces peintures furent présentées dans l’unique exposition individuelle de Maurice Estève pendant l’entre-deux-guerres, en 1930, galerie Yvangot. Une exposition facilitée par un jeune mécène, Tony Mayer, suscitée

works painted by the time he ceased painting in 1994. We can understand that, when in the late 1940s he found himself in a “rectilinear” search for “an unknown world”, this task could become demanding and difficult. An irresistible vocation

Estève’s father was virulently opposed to his son’s precocious vocation. The young Maurice was to suffer from this opposition for many years and still referred to it when he was in his forties, in a letter to Louis Carré: “Ever since I was a child, my father opposed this vocation with violent determination, although he sensed it was irresistible. When I was 16, he burned some paintings that I had just painted. When he no longer dared do this it was because he knew that a painting by his son could ‘make money’. He nevertheless continued to show towards me not only incomprehension

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par Pierre Monteux, avec l’aval de Maurice Raynal. Le peintre Yves Angot10 avait bourlingué comme marin, était devenu pilote d’avion puis de dirigeable pendant la guerre, avant d’ouvrir pour peu de temps sa propre galerie-bar rue de Penthièvre, où l’on imagine les discussions qui purent résulter de cette rencontre. Modernité, beauté, convictions libertaires… Tandis que Léger s’avère soudain fasciné par l’étrangeté poétique des formes naturelles – feuilles, fleurs ou silex – et que Ozenfant aborde son onirisme cosmique, Estève adopte un vocabulaire formel rigoureux qui s’apaise dans la subtilité harmonique des courbes et des couleurs, la nature et les êtres sublimés se pliant à une rhétorique puriste qui semble prolonger ce qui animait Juan Gris peu avant sa mort en 1927. Dans sa chronique de l’exposition d’Estève chez Yvangot, Raynal, évoquant sa conversation avec le peintre, notait11 : « En parlant avec Estève, j’ai retrouvé chez lui un peu du caractère du regretté Juan Gris, et ce n’est pas le plus mince éloge qu’on puisse faire. » Sur le plan de la couleur, c’est le message d’Ozenfant que Maurice Estève respecte12. Citons Gladys Fabre13, parfaitement claire sur ce que propose alors le purisme : « Au hiératisme formel correspond

[fig. 3] la Lecture, 1936 huile sur toile, 146 x 114 cm oil on canvas, 146 x 114 cm

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but total indifference. His imperviousness to the world of art is indeed absolute and final6.” “I worked in fits and starts”

The two paintings created in 1929 exhibited here, Feuillage aux trois pichets [rep. p.33] and Déjeuner sur l’herbe [rep. p. 35], could suggest that the artist rapidly found his personal style, as he appears to have perfectly integrated the message of Cubism transformed by the irruption of mechanical objects. Two years earlier Fernand Léger7 had declared: “Technique must be more and more precise and execution perfect: preserve the influence of the primitives. Leave behind at all cost impressionist and cubist-impressionist painting, as well as painting of intent […] A work of art today must be able to stand comparison with any made object8.” On 3rd May 1926, Estève wrote to his friend Raymond Robin: “Although I still believe in Matisse, I am distancing myself more and more from the impressionists who seem so insipid compared with the young artists of today9.” These paintings were shown in Maurice Estève’s only solo exhibition between the two world wars, in 1930, at the Galerie Yvangot. This exhibition had been made possible by a young patron of the arts, Tony Mayer, encouraged by Pierre Monteux, with the support of Maurice Raynal. The painter Yves Angot10 had first been a sailor, then piloted planes and airships during the war, before opening his short-lived gallery-bar in rue de Penthièvre, where we can imagine the discussions which resulted from all these experiences — modernity, beauty, libertarian convictions… While Léger suddenly became fascinated by the poetic strangeness of natural forms — leaves, flowers or flints — and Ozenfant addressed his cosmic fantasies, Estève adopted a rigourous formal vocabulary softened by a subtle harmony of curves and colours, nature and sublimated human beings bending to purist rhetoric in what appears to be a prolongation of Juan Gris’ preoccupations shortly before his death in 1927. In his account of Estève’s exhibition at the Galerie Yvangot, Raynal, evoking his conversation with the artist, noted11: “In talking to Estève, I found in him a little of the character of the regretted Juan Gris, and this is not the smallest compliment that one can make.” As far as colour is concerned, Maurice Estève respects Ozenfant’s message12. Gladys Fabre13 was perfectly clear about what purism had to propose at this time: “The hieratic form is associated with the banishing of pure, dynamic primary colours, replaced by natural colour (we may make the comparison between the fresco of Antiquity and the purist painting). The colours of the ‘grande gamme’ (ochre, yellow, red, earth, white, black, ultramarine blue) are given preference because they enhance the painting’s construction and unity. These are stable colours which balance each other while the colours of the dynamic range (lemon yellow, orange, vermilion, Veronese green, light cobalt blue) disturb and give a sensation of movement. It is impossible to attribute a specific plan to these colours which sometimes appear in the painting’s


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le bannissement des couleurs franches, dynamiques et primaires, au profit des couleurs naturelles (ce qui confirme le rapprochement entre la fresque antique et la peinture puriste). Les couleurs dites de la grande gamme (ocre, jaune, rouge, terre, blanc, noir, bleu outremer) sont préférées car elles favorisent la construction et l’unité du tableau. Ce sont des couleurs stables qui se tiennent entre elles alors que les couleurs de la gamme dynamique (jaune citron, orange, vermillon, vert Véronèse, bleu de cobalt clair) perturbent et donnent une sensation de mouvement. On ne peut assigner un plan à ces couleurs qui apparaissent tantôt en avant, tantôt en arrière du plan de la toile. » Estève suit ici ces préceptes qu’il mettra au défi plus tard. Comme on le sait, son cœur est aux côtés des travailleurs et le krach de 1929 a ouvert une crise économique sans précédent qui n’est pas sans effet sur les mouvements de l’art dans leur expression et sur la vie quotidienne des artistes. Comme l’indique Jacques Beauffet14, les sympathies d’Estève le conduisent à se rapprocher intellectuellement de personnalités telles que celle d’Henri Barbusse avec son journal Amis du Monde15, d’Henry Poulaille ou de René Lefeuvre, fondateur de la revue Masses. Il lit Bakounine et se défie des communistes tout en envoyant, au nom du groupe des Indélicats, à l’Exposition des écrivains et artistes révolutionnaires16 (AEAR), un ensemble de linogravures17 réalisées de 1932 à 1934 pour les différents albums publiés par le groupe. Leur dénonciation est éloquente et leur graphisme d’une efficacité vacharde, dans l’esprit de Frans Masereel ou de Georges Grosz, pour traiter les sujets qui fâchent : Chômage, Guerre, Tabous (La Justice), Colonisation, Crise, Sportifs et Les Élites [fig. 1 et 2]… Tout en exposant régulièrement, de 1931 à 1938, au Salon des Surindépendants, Estève travaille « par saccades, passant de phases figuratives à des phases pratiquement abstraites18 » et il s’agace de « l’incompréhension du public » qui, comme il l’écrit en 1928, depuis Culan, à son ami Robin19 : « ne pense pas. Il dort. Il lui faut une nourriture toute mâchée, vieille de cinquante ans. Il a peur de ce qu’il ne connaît pas […] Il veut savoir, mais il faut d’abord croire, nom de Dieu ! » Il expérimente en 1928 dans la veine de De Chirico (Les Boules au chevalet) ou de Kisling dans un tableau, Les Tulipes, acquis par la couturière Marie-Louise Calvet pour laquelle il dessine des projets décoratifs. Ce qu’il retient là, comme il le clame à Robin, ce sont les accords acides, savamment désaccordés, de la couleur : « J’aime aussi Kisling20, nom de Dieu ! Sa morbidité, oui ! Ses rouges acidulés, oui ! Ses bleus aigus, certainement ! » Jacques Beauffet souligne la continuité de l’adhésion d’Estève à l’action d’Henri Poulaille qui inaugure en 1935 le Musée du soir, cercle prolétarien de formation et de débats, et qui soutient, cette même année, la création par le peintre Joseph Lacasse de la Galerie L'Équipe. Rencontrés dans ce contexte, Robert et Sonia Delaunay l’engagent dans l’équipe de réalisation de leur projet pour les pavillons des chemins de fer et de l’aéronautique construits par Félix Aublet à l’Exposition internationale de Paris

estève adopte un vocabulaire formel rigoureux qui s’apaise dans la subtilité harmonique des courbes et des couleurs… Estève adopted a rigourous formal vocabulary softened by a subtle harmony of curves and colours…

foreground and sometimes in its background.” Estève followed these precepts, although he was to challenge them later. As we know, his heart was on the side of the workers, and the crash of 1929 had led to an unprecedented economic crisis which affected not only art movements but equally the daily life of artists themselves. Jacques Beauffet indicated14 that Estève’s sympathies meant that he was intellectually drawn to personalities such as Henri Barbusse, the director of the newspaper Amis du Monde15, Henry Poulaille or René Lefeuvre, the founder of the review Masses. He read Bakounin and distrusted the communists although, in the name of the group the Indélicats, he sent a series of linocuts16 (executed between 1932 and 1934 for the different albums published by this group) to the Exposition des Écrivains et Artistes Révolutionnaires17 (AEAR). In a caustic style, in the spirit of Frans Masereel or Georges Grosz, they denounce contentious issues such as Chômage, Guerre, Tabous (La Justice), Colonisation, Crise, Sportifs and Les Élites [fig. 1 & 2]… Between 1931 and 1938, Estève showed regularly at the Salon des Surindépendants, working “in fits and starts, going from figurative phases to virtually abstract phases18,” and expressing his irritation at “the incomprehension of the public” which, as he wrote in 1928, in Culan, to his friend Robin19: “does not think. It sleeps. It needs food which has already been chewed up and is fifty years old. It is frightened of what it doesn’t know […] It wants to know, but it first has to believe, for God’s sake!” In 1928 he experimented a style close to that of De Chirico (Les Boules au chevalet) or of Kisling20 in a painting, Les Tulipes, acquired by the fashion designer Marie-Louise Calvet for whom he executed decorative projects. What interested him here, as he says to Robin, were the acid col-

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en 1937. Sa situation financière peut sembler désespérée ; il doit quitter l’atelier qu’il loue à la Ville de Paris, faute de parvenir à en payer les charges, et est accueilli dans les locaux du Grenier jaune, rue Lepic, où édouard Autant et Louise Lara avaient établi leur « laboratoire de recherches art et action » et où il a pour voisin le jeune comédien André Reybaz. Écrivant sa propre notice biographique pour Louis Carré en 1944, Estève note : « La guerre n’a pas produit pour lui de rupture. La vraie rupture il l’a connue entre 1936 et 1938 pendant la période où les artistes pressentaient un drame terrible qui se préparait21. » On le mesure bien si l’on compare deux des tableaux que le peintre avait gardés après les avoir exposés au Salon des Surindépendants en 1936 et 1937, aujourd’hui conservés au musée Estève de Bourges – La Lecture22 [fig.3] dont l’écriture et le rythme sont très picassiens, et Les Sœurs de Barcelone [fig. 4] qui illustre un sentiment d’attente anxieuse sous la violence d’une monochromie de feu – avec la Cantate à J.-S. Bach de 193823 [fig. 5] où le peintre, retrouvant la maîtrise de la couleur dont il avait fait preuve dans Les Fiancés du Nouvel An (1930) [fig. 6], semble envisager enfin sa propre voie. « Se révéler à soi-même la réalité de ce monde »

Maurice Estève s’est montré longtemps soucieux de ne joindre aucune anecdote à sa biographie de peintre. Il en oublia cet extraordinaire Carnet de guerre « jalousement gardé dans une enveloppe » et récemment publié en fac-similé24, volume qui tient dans la main, « à la mesure de l’exil et des périls » (F. Chapon), produisant des monstres, rage de son désir de créer interrompu par l’imbécillité d’une guerre avortée. Étrange superposition, à

« Humilité et ferveur devant les choses… puis dédain de leur enveloppe apparente pour donner forme à l’émotion. »

“Humility and fervor before things… then disdain of their external apparence to give form to emotion.”

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our harmonies which had been cleverly “deharmonized”: “I also like Kisling, for God’s sake! His morbidity, yes! His acid reds, yes! His bright blues, without hesitation!” Jacques Beauffet draws our attention to Estève’s constant following of Henri Poulaille’s work. The latter began in 1935 with le Musée du Soir, a working men’s club providing training and opportunities for debate which, in the same year, supported the creation of the Galerie L'Équipe by the painter Joseph Lacasse. Estève met Robert and Sonia Delaunay there. They enrolled him in the team working on their project for the Railway and Aviation pavilions built by Felix Aublet for the 1937 Exposition Internationale de Paris. Estève’s financial situation appears to have been desperate as, unable to pay the rent, he had to give up the studio which he rented from the Ville de Paris. He was welcomed at the Grenier Jaune, in rue Lepic, where édouard Autant and Louise Lara had established their Laboratoire de Recherches Art et Action and where his neighbour was the young actor André Reybaz. Writing his own biographical details for Louis Carré in 1944, Estève noted: “The war has not produced a rupture for him. He has already experienced the true rupture between 1936 and 1938, when artists sensed the terrible approaching events21.” We can appreciate this if we compare two of the paintings that the artist kept after showing them at the Salon des Surindépendants in 1936 and 1937, today preserved in the Musée Estève in Bourges — La Lecture22 [fig. 3], with its style and rhythm similar to Picasso’s work, and Les Sœurs de Barcelone [fig.4] which conveys a feeling of anxious expectation beneath an intense burning monochrome — with Cantate à J.-S. Bach of 193823 [fig.5] in which the artist, once again demonstrating a masterful use of colour as he had already shown in Les Fiancés du Nouvel An (1930) [fig.6], seems to be developing a personal path at last. “Revealing to oneself the reality of this world”

For many years Maurice Estève was concerned not to add anything of an anecdotic nature to his biography. He left out the extraordinary Carnet de guerre “jealously kept in an envelope” and recently published in facsimile24, a volume which he never let out of his sight, “throughout exile and its dangers” (F. Chapon), producing in it monsters, furious images of a longing to create interrupted by the stupidity of an abortive war. It contains a strange superimposition, running to the edges of each sheet, of the dread of a grotesque present with an elegiac projection into the future. Estève did not write much in it, admitting the ridiculousness of his revolt and citing Petrarch: “He who can say how he burns has little fire.” After he returned to his country he nonetheless summarized in it his admirable resolutions, henceforth assiduously applied: "*Reality felt, not admitted (not preconceived). Sight received


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ras bord sur chaque feuille, de la hantise d’un présent grotesque et de quelques échos élégiaques pour l’avenir. Estève y écrit peu, avouant, citant Pétrarque, l’inanité de sa révolte : « Feu que l’on peut dire est un bien maigre feu », puis, revenu au pays, il y résume pourtant ses résolutions, admirables et désormais constamment appliquées : « * Réalité ressentie, non admise (non préconçue). Vue, reçue comme une révélation. * Retour au tableau par l’organisation. Soumission à ses lois, aux exigences de l’architecture et de la couleur. Par la vertu des techniques modernes, retour à l’art naïf des primitifs. Par naïveté, entendre sincérité la traduction de l’émotion d’abord, application passionnée ensuite, dans l’exécution. * Tenir l’habileté en arrêt, la surveiller. Lui tordre le cou dès qu’elle montre le bout de son nez. Être, vis-à-vis d’elle, sur ses gardes à tous les instants. Important, sinon capital, mais combat le plus dur. Sacrifice essentiel : l’art est à ce prix. Cependant la main a ses trouvailles qu’il faut utiliser. Une certaine virtuosité technique peut aider… Difficulté à rester clairvoyant et maître devant les apports dus au hasard. Être et rester perméable, toutes antennes dehors avec appels et fringale. S’enrichir se “nourrir“ avec appétit ; ensuite lucidité et choix rigoureux, patiemment, sans hâte inutile, dans la joie (une joie douloureuse parfois, comme un enfantement) * Humilité et ferveur devant les choses… puis dédain de leur enveloppe apparente pour donner forme à l’émotion. – Éviter le pittoresque. Choix du sujet. Plus familière est la connaissance du sujet, plus audacieuse libre en sera la transposition. Ne pas rechercher le thème : se le laisser imposer. » C’est pendant l’Occupation, grâce à ses échanges directs avec les collectionneurs et les galeries, dans un rapport de confiance réciproque, refusant tout contrat, qu’il put s’affirmer tout en conservant sa farouche indépendance de travail. La période de formation d’Estève avait été longue et pénible : « J’ai mené jusqu’en 1938-1939 une vie très difficile. J’avais le plus grand mal à trouver des amateurs. Je ne vendais pas un tableau. Il y avait bien le marchand Pierre Loeb qui m’en avait acheté un, mais pas un second. Il était inféodé à Zervos qui, lui, ne voyait que par Picasso.25 » Quelques années plus tard, peu après s’être engagé avec Louis Carré26, il reçut de lui cette nouvelle : « Je suis heureux de vous dire que j’ai montré vos toiles à Picasso et que celui-ci les a trouvé très intéressantes.27 » Jean Bauret fut l’un des premiers collectionneurs à s’intéresser à sa peinture, parvenant alors à rassembler huit de ses tableaux. Il acheta en août 1942 la Jeune Femme à la cafetière (1941) [ fig. 7], qui avait été présentée lors de son ouverture en janvier par la Galerie Friedland et il eut en mains son Hommage à Cézanne 28 [fig. 8]. Leur relation fut alors tout empreinte de questionnements et de complicités ; Estève lui écrivait le 2 octobre 1942 : « Vous n’arrivez plus à comprendre ce qu’est la peinture, dites-vous ? Allons tant mieux : c’est sans doute parce que vous êtes en très bonne voie pour la sentir. Pour moi, elle est

[fig. 4] Les sœurs de Barcelone, 1936, huile sur toile, 116 x 89 cm Oil on canvas, 116 x 89 cm

like a revelation. *Return to painting through organization. Submission to its laws and to the demands of architecture and colour. By the means of modern techniques, return to the naive art of the primitives. By naïveté understand sincerity of translation, of emotion first, then passionate application in the execution. * Keep cleverness in check, keep a watch on it. Wring its neck as soon as it shows the tip of its nose. Be watchful of it at all times. Important, if not capital, the hardest fight. Essential sacrifice: this is the price of art. The hand however makes its discoveries that we must use. A degree of technical virtuosity can be of help… Difficulty of remaining clear-sighted and in control when faced with contributions due to chance. Be and remain permeable, with all antennae alert, calling out and craving. Enrich and ‘nourish’ oneself with appetite; then lucid and rigourous choices, patiently, without pointless haste, in joy (a painful joy sometimes, like childbirth) * Humility and fervor before things… then disdain of their external apparence to give form to emotion. — Avoid a picturesque choice of subject. The more familiar the subject, the more audaciously free its transposition. Do not look for the subject: allow it to impose itself."

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tourment d’abord. Et cela, déjà, suffit à remplir mes heures. à Medrano, les clowns mes amis, après leurs tours tristes et gais, s’enfuyaient en criant : à la soupe ! Et maintenant, au travail. » Le 15 mai 1945, Estève écrivait à Bauret : « Ce que j’ai oublié de vous écrire, je le crains, c’est que les habitudes de travail prises ces dernières années, provoquées par de menus faits matériels (brosses trop dures, favorables aux empâtements et hostiles au dessin), m’ont entraîné à donner progressivement une importance excessive à la “peau” de la peinture. Cette qualité, cette saveur sont importantes. Elles existent chez Cézanne, Le Greco, Poussin, enfin chez tous les grands. » Et d’insister aussi sur la composition « vers un univers autonome [qui] peut vous paraître, actuellement, trop sacrifiée aux jeux de la lumière et à la délectation de l’épiderme […] Les formes et les accords colorés qui naissent sur ma toile dirigent le sens dans lequel s’engage l’œuvre. Comme la “vérité” de certains personnages conduit l’évolution du roman contre la volonté et le plan préétabli de l’écrivain, j’obéis aux exigences des mouvements tout d’abord indiqués dans le désir et la lucidité pour en être, par la suite, peu à peu prisonnier. » Bauret lui répondit un dimanche, par une lettre torrentielle d’encouragements, comme il aimait les écrire ; elle commençait ainsi : « L’épiderme de vos toiles sent bon, il est transparent, luisant infini de bon sang, il est culotté bronzé doré ensoleillé frotté par votre dieu intérieur mais ce dieu

[fig. 5] Cantate à J. S. Bach, 1938 huile sur toile, 114 x 146 cm Oil on canvas, 114 x 146 cm

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During the Occupation, maintaining relations with collectors and galleries based on a spirit of mutual trust, Estève continued to refuse all contracts, fiercely preserving the independence of his work. His period of training had been long and arduous: “Until 1938-1939 I led a very difficult life. I had the greatest trouble in finding buyers for my work and hardly sold a single painting. The art dealer Pierre Loeb bought one from me, but this was not followed by a second purchase. He was subservient to Zervos who could only see through the eyes of Picasso25.” A few years later, after he began to work with Louis Carré26, the latter informed him: “I am happy to tell you that I have shown your paintings to Picasso and that he finds them very interesting27." Jean Bauret was one of the first collectors to express interest in Estève’s paintings, buying eight of them. In August 1942 he acquired la Jeune Femme à la cafetière (1941) [fig.7], which had been shown by the Galerie Friedland when it opened in January of the same year and, for a while, Bauret also possessed Estève’s Hommage à Cézanne 28 [fig.8]. Their relationship was characterized by debate and complicity; on 2nd October 1942 Estève wrote to Bauret: “You no longer manage to understand what painting is, you say? Good: this is certainly because you are getting close to feeling it. For me, it is first of all torment. And this is enough to occupy me. At Medrano, my friends the clowns, after their sad but gay circuits, fled crying: Let’s eat! And now, to work.” On 15th May 1945, Estève wrote to Bauret: “What I forgot to write to you, I fear, is that the working habits adopted in recent years, generated by petty material matters (too hard brushes, good for impasto and unsuitable for drawing), gradually led me to give an excessive importance to the painting’s ‘skin’. This quality, this flavour are important. It exists with Cézanne, El Greco, Poussin, in fact for all the great artists.” He also insisted on the composition “leading to an autonomous universe [which] may appear to you, at the moment, to have sacrificed much to the play of light and the delight of the skin […] The forms and colour harmonies that appear on my canvas influence the direction in which the work subsequently develops. Just as the ‘truth’ of certain characters shapes the novel’s development contrary to the writer’s wishes and pre-established plan, I obey the demands of movement first expressed with desire and lucidity before gradually becoming their prisoner.” Bauret replied to him one Sunday in a typical letter that contained a torrent of encouragement; it began as follows: “The skin of your paintings seems good, it is transparent, a glistening infinity of good blood. It is daring, tanned golden and rubbed by your inner god, but let this god intervene more profoundly […] The extreme difficulty is to duplicate, to listen to the monster [which we call genius] to help it develop and eliminate all the external influences that stifle it.” At a time of general shortage, these exchanges demonstrate a process of questioning and renewal. Estève knew that Bauret’s textile company at Armentières was close to the Belgian frontier and the


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laissez-le agir plus profondément […] L’extrême difficulté c’est de se dédoubler, d’écouter le monstre [qu’on appelle le génie], de l’aider à se développer, d’éliminer tout ce qui l’étouffe venu de l’extérieur. » Alors que tout manque, ces échanges donnent le ton d’un temps de mises en causes, de ressourcement et de nouveaux démarrages. Pour Estève qui savait que l’entreprise de textiles de Bauret à Armentières était proche de la frontière belge, le débat s’achevait souvent par des questions plus directes : « Avez-vous encore la possibilité d’obtenir du tabac ?… de ce tabac dont je suis démuni depuis quelques jours, qui me manque beaucoup… de ce tabac qui fait l’homme poète, les voyages dans la lune et les couchers de soleil ?29 » Et les marchandages concernaient aussi le fondement même du travail, comme en ce 20 mai (1942 ?) : « J’ai pu réunir un certain nombre de points30 (en voici 72). Si avec cela vous pouvez m’obtenir six mètres d’une bonne toile de lin, je serai rudement content. » Raymond Herbet, qui fut depuis son départ le témoin de la Galerie de France, racontait dans son journal l’étrange atmosphère qui régnait dans les galeries parisiennes le jour de son inauguration, le 8 février 1942, en présence de Louis Hautecœur, secrétaire général des Beaux-Arts : « Pendant que s’achevaient les derniers préparatifs, je flânais çà et là dans les galeries. Il y régnait parfois un étrange climat. Une futilité inattendue en ces jours glacés et empreinte d’inquiétude surprenait dans ces lieux31. » Sans doute mal à l’aise dans cette atmosphère délétère et rassuré par son entrée à la Galerie Louis Carré, Maurice Estève se retira près de Culan, au « Pétrus », comme il l’écrivit à Louis Carré le 24 juillet 1943 dans une longue lettre si révélatrice que j’aimerais la retranscrire ici. Tout y est dit : « Je travaille au milieu d’une solitude absolue, dans une maison abandonnée sur une colline. Mon installation est sommaire. Mais j’ai toujours tenu l’inconfort pour le meilleur excitant de l’esprit. Le luxe m’étoufferait. Mes toiles sont au mur, avec ou sans châssis. Quelques présences cependant : des vaches, intriguées, me regardent sérieusement à travers l’ouverture de la porte, quelques paysans au loin dont j’entends les cris (c’est la moisson) et pour la détente, Proust dont j’ai apporté avec moi tout l’œuvre que je relis avec une extrême avidité […] Mais enfin me voici seul au “Pétrus”, avec mes toiles sur les murs, et tout l’inconnu dont elles sont chargées et dont il faudra dégager la signification. J’abandonne une toile, en reprends une autre, patiemment, avec lenteur. Il ne faut pas se hâter (je me répète souvent cela car des impatiences bousculent parfois et détruisent ce qui n’avait vu le jour qu’après de pénibles et lents efforts – mais tout se retrouve, en définitive). En face, derrière un mur de vieilles pierres, un champ de blé se dore lentement. Les paysans savent que le soleil fera son œuvre – la moisson viendra. Un tableau doit mûrir comme un fruit – c’est

« Les formes et les accords colorés qui naissent sur ma toile dirigent le sens dans lequel s’engage l’œuvre. » “The forms and colour harmonies that appear on my canvas influence the direction in which the work subsequently develops.”

debate often ended with more direct questions: “Are you still able to obtain tobacco?… this tobacco that I have lacked for several days and which I miss enormously… this tobacco that makes men poets, allowing them to travel to the moon and to sunsets?29” Their exchanges also discussed the basic necessities of his work, such as on 20th May (1942?): “I have managed to get together a certain number of points30 (here are 72). I would be extremely grateful if with this you could obtain me six metres of a good linen canvas." Raymond Herbet, who followed the Galerie de France from its earliest days, wrote in his diary about the strange atmosphere which existed in the Paris galleries on the day of its inauguration, on the 8th February 1942, attended by the Secretary General des BeauxArts, Louis Hautecœur: “I strolled round the galleries while the last preparations were being completed, sometimes finding a curious atmosphere in them. One was surprised by this unexpected futility in this freezing weather31.” No doubt ill at ease in this poisonous atmosphere, although reassured by his entry to the Galerie Louis Carré, Maurice Estève withdrew to ‘Pétrus’, near Culan. On 24th July 1943 he wrote a long letter to Louis Carré which is so revealing that I would like to retranscribe it at length. “I work in the midst of absolute solitude, in a house abandoned on a hill. My living conditions are sparse. But I have always considered that discomfort is the best stimulant for the mind. Luxury would suffocate me. My paintings hang on the wall, with or without a frame. There are nonetheless a few presences: some cows, intrigued, looking at me seriously through the door; a few peasants whose distant cries reach me (it’s harvest time) and, for relaxation, Proust whose entire work I have brought along with me and which I am reading with extreme greed […] But here I am at last, alone at ‘Pétrus’ with my paintings

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Titien, je crois, qui a dit qu’il fallait “faire le lit de la peinture” ? De la nature que j’observe chaque jour et qui se modifie paresseusement, je ne retiens rien, au moment du travail, si ce n’est que l’exemple d’une lente et tranquille métamorphose. Il s’agit de trouver un compromis subtil, instable et mouvant entre la crédibilité indispensable du “sujet” (rendue difficile par la suppression du modèle et de l’étude sur nature) et la fidélité à la vision “subjective” du peintre. Ce dualisme engendre le drame plastique, lequel est devenu pour nous, en une suite de “surimpressions”, une source supplémentaire de délectation. Je me remémorais, ces jours-ci, nos dernières causeries et à ce propos j’aurais aimé pouvoir vous dire : “Qu’importe si tout ou partie des moyens employés par un peintre appartient à ses devanciers.” La plus grande, la plus authentique originalité n’est pas la découverte de procédés ou manière nouvelle (ainsi que trop longtemps ma jeunesse et mon ignorance ont pu le croire) mais la nuance d’une vision, née d’une rencontre entre l’utilisation inattendue de procédés traditionnels et la naïveté, la fraîcheur d’une sensibilité particulière encore inexprimée. Il m’importe peu d’être en accord avec les desseins et les “buts” de la peinture contemporaine, ni de me situer à la “tête” d’un groupe, ni enfin d’être en marge (franc-tireur de la “séquelle” ? dont l’unité, entre nous, paraît bien se désagréger ?...) Les lendemains de l’Art sont imprévisibles. Ils sont liés à l’évolution générale des idées. Je ne veux pas faire partie des “professionnels de l’audace”. Je veux simplement organiser et rendre évident en l’amenant à la lumière un monde cohérent, sensible, reflet et écran des richesses qui me parviennent à travers le “prisme” de mes sensations (passées ou présentes) et mes secrètes affinités. Cet effort n’est pas seulement

« trouver un compromis subtil […] entre la crédibilité indispensable du “sujet” […] et la fidélité à la vision “subjective” du peintre. »

“It is a question of finding a subtle compromise […] between the indispensable credibility of the ‘subject’ […] and loyalty to the painter’s ‘subjective’ point of view. ”

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on the walls, and all the unknown with which they are filled and from which it is necessary to extract meaning. I put aside a painting, taking up another, patiently, slowly. There is no need to rush (I often repeat this to myself because this impatience can sometimes disturb and destroy something that has only emerged after slow painful effort — but everything resolves itself, in the end). Opposite, behind an old stone wall, a field of corn is slowly turning gold. The peasants know that the sun will do its work — the harvest will arrive. A painting has to ripen like a fruit — it was Titian, I think, who said that it was necessary ‘to make the painting’s bed.’ From nature, whose lazy changes I observe every day, I retain nothing when I work except for this example of slow and tranquil metamorphosis. It is a question of finding a subtle compromise, unstable yet moving, between the indispensable credibility of the ‘subject’ (made difficult by the absence of a model and study from nature) and loyalty to the painter’s ‘subjective’ point of view. This duality creates the artistic drama, which has become for us, through a series of ‘superimpositions’, an additional source of delight. I recently remembered our last talks and would have liked to have been able to say to you: ‘It does not matter whether all or part of the resources employed by an artist belong to his predecessors.’ The greatest, the most authentic originality is not to discover processes or new styles (as I believed for too long in my youth and ignorance), but a nuanced vision, born from an encounter between the unexpected use of traditional processes and naïveté, the freshness of an original sensitivity which has not yet been expressed. It is of little concern to me to be in agreement with the intentions and ‘aims’ of contemporary painting, nor to place myself at the ‘head’ of a group, nor finally to be on the fringe (maverick of the ‘sequel’? whose unity, between ourselves, appears to disintegrate?...). The future of Art is unpredictable, linked as it is to the general evolution of ideas. I do not want to be a ‘professional of bravery’. I wish simply to organize and make obvious, by bringing it to light, a world which is coherent and sensitive, a reflection and screen of the riches that reach me through the ‘prism’ of my sensations (past or present) and my intimate affinities. The aim of this effort is not only to set me free, to lighten myself (like a tree that sheds its fruit to make way for a new harvest), but equally to reveal to myself the reality of this world. My works show me the way, giving meaning, life and substance to things which without them would remain unknown to me… Art is therefore action, a means of understanding, for both the artist and the art lover whose best role is also that of participant… […] a new art cannot be viable without being true, and to be true is to release naked emotion from the constraint of clichés.” On 3rd August he wrote to Jean Bauret, explaining the inconveniences resulting from his life at Pétrus while also providing precious information about his work: “It is indeed not a small matter for an artist to move his studio, of which he must bring a part if he wishes to pitch his tent somewhere else. I only have small paintings


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dans le but de me libérer, de m’alléger (à la manière de l’arbre qui perd ses fruits pour une récolte nouvelle) mais aussi pour me révéler à moi-même la réalité de ce monde. Ce sont encore mes œuvres qui m’éclairent, qui donnent un sens, une vie, un poids, aux choses qui sans elles me demeureraient inconnues… L’Art serait donc action, moyen de connaissance, pour l’artiste comme pour l’amateur dont le meilleur rôle serait aussi celui d’un acteur… […] un art neuf ne peut être viable sans être vrai, et être vrai c’est dégager des poncifs l’émotion nue. » Le 3 août, il écrivait à Jean Bauret, précisant les tracas dus à son installation au Pétrus tout en apportant de précieuses indications sur son travail : « Ce n’est pas une petite affaire, en effet, pour un peintre de déplacer son atelier, dont il faut qu’il emporte une partie s’il veut planter sa tente ailleurs. Je n’ai avec moi que des toiles de petites dimensions, ce qui me gêne un peu. Je préfère les grandes, avec lesquelles j’ai plus de joies, et une “respiration” plus à ma mesure […] Je vais de l’une à l’autre sans jamais me résigner à considérer l’une d’entre elles comme terminée. Aucune ne le sera sans doute à mon retour, mes exigences ayant tendance à croître au fur et à mesure que mon travail avance […] J’ai amené ici une grosse toile qui m’oblige à me servir de brosses dures et qui nécessitent des touches séparées, posées directement sur la toile, sans médium. C’est long à sécher et comme je ne puis – et n’aime pas – travailler dans le frais, je dois attendre que le travail d’une séance soit sec pour le reprendre […] Ce tourment qui naît des obstacles – difficultés des réalisations – que la matière ingrate met entre notre désir et les moyens d’obtenir la “perfection” âprement recherchée était un de ceux de Cézanne. Et on a souvent commis l’erreur de voir là je ne sais quelle marque d’impuissance, alors qu’au contraire cette inquiétude est celle qui habite chez les plus grands […] car l’émotion et la délectation naissent plus du compromis instable et périlleux entre l’aventure engagée et sa conclusion plus ou moins absolue que devant l’œuvre “aboutie”, “complète” et “définitive” où la perfection est si bien atteinte qu’enfin emprisonné, l’esprit, n’y pouvant plus respirer, en meurt. » La référence à Cézanne va s’affirmer, pour toujours constante, auprès d’Estève. Les photos des deux versions des Grandes Baigneuses étaient toujours affichées dans l’atelier, accompagnées par celles de La Vierge et l’Enfant de Jean Fouquet ou du Nu dans la baignoire de Bonnard33. Dans le Carnet de guerre, sur une évocation au lavis des Grandes Baigneuses, il a rapporté cet axiome de Couperin : « J’aime mieux ce qui me touche que ce qui me surprend. » En 1979, il précisera à propos de Cézanne : « C’est bien entendu une œuvre austère qui échappe nécessairement au public : une construction gigantesque avec son élan ascensionnel, ses membres humains qui se confondent avec les branches des arbres34. » Dans le Carnet de guerre, il est de nombreux arbres qui ont accompagné Estève au fond de sa dérive, tour à tour sages, complexes

[fig. 6] Les Fiancés du Nouvel An, 1930, huile sur toile, 135 x 73 cm Oil on canvas, 135 x 73 cm

with me, which bothers me a bit. I prefer the large ones, with which I have more fun and which provide a ‘respiration’ that suits me better […] I go from one to the other without ever resigning myself to considering any of them as finished. On my return, no doubt none of them will be, my requirements tending to grow as my work advances […] I have brought here a large canvas which obliges me to use hard brushes and which requires separate touches, painted directly onto the canvas, without a medium. This takes a long time to dry and as I cannot — and don’t like — work on a surface that is not yet dry, I have to wait for the work from one session to dry before I can continue […] This torment created by obstacles — execution difficulties — which the thankless material places between our desire and the means to obtain the ‘perfection’ we have doggedly sought, was also experienced by Cézanne. The error has often been made of seeing here some form of helplessness, whereas on the contrary this anxiety is experienced by the greatest […] because emotion and delight are more the result of an unstable and dangerous compro-

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ou monstrueux ; il en est aussi qui tissent une grille rouge disloquée où accrocher un nouvel espace en profondeur sur fond vert. Un motif qui semble entraîner Estève vers son monde personnel, comme le pressent Jean Lescure dans le premier texte qui lui soit consacré par un écrivain35 : « Un vrai arbre – qui n’est pas vert. Un arbre où un homme puisse se loger tout entier des pieds à la tête […] Un arbre, dit quelqu’un, c’est sa vie – Sa figure, dit quelqu’un, c’est ma vie. Et l’homme dit : j’existe. Bien, dit l’arbre. Et c’est lui qui commande. C’est lui qui s’avance et quelqu’un est à genoux. La mise à nu, cela se passe comme une mise à mort. Plus personne pour dire je veux. Mais tous les hommes pour y croire. Et l’un d’eux, il s’appellera Estève, sa vie est confiée au silence, à la stupeur d’attendre qu’il paraisse pour avoir simplement le droit de prononcer : c’est la vérité que je dis. » Alors que s’ouvre un nouveau débat sur l’engagement politique, Estève note sur une feuille non datée36 : « Je ne peins pas ma “classe” (où est-elle ma classe ?), je peins pour moi d’abord, pour m’aider à vivre, pour me prouver que je suis capable de faire œuvre avec laquelle je pourrais vivre. Le bûcheron, le soir, avant de quitter la lisière de la forêt, regarde le chêne abattu, le bois scié et mis en tas ; fatigué, il est content. » Le 5 décembre 1946, Louis Carré informe Estève que le Dr Haavard Rostrup, directeur de la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague, désire l’interviewer dans son atelier. C’est là le début d’une

[fig. 7] Jeune Femme à la cafetière, 1941, huile sur toile, 89 x 116 cm oil on canvas, 89 x 116 cm

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mise between the adventure under way and its more or less absolute conclusion than the consequence of the work ‘accomplished’, ‘complete’ and ‘definitive’, which is of such perfection that, finally imprisoned, the mind, no longer able to breathe, dies.” The references to Cézanne accumulate, becoming a constant in Estève’s work. In his studio there were also the photographs of the two versions of Grandes Baigneuses, alongside Jean Fouquet’s La Vierge et l’Enfant32 and Bonnard’s Nu dans la baignoire33. In the Carnet de guerre, on a wash rendering of the Grandes Baigneuses, he related this axiom of Couperin’s: “I prefer something that touches me to something that surprises me.” In 1979, he commented on the subject of Cézanne: “It is of course an austere work which is inevitably not particularly accessible to the public: a gigantic construction with its upward momentum, its human limbs that become mingled like the branches of trees34." In the Carnet de guerre we find many of the trees that accompanied Estève in the depths of his downward spiral, by turns wise, complex or monstrous; some other trees weave a dislocated red grid on which to hang a new deep space against a green background. A motif which seems to lead Estève towards a personal world, as Jean Lescure senses in the first text that was written about him by a writer35: “A real tree — which is not green. A tree in which a man can be lodged completely from head to toe […] A tree, someone said, is his life — His figure, said someone, is my life. And the man said: ‘I exist’. Good, said the tree. He is the boss. He advances and someone is on their knees. The exposure takes place like a slaughter. There is no one left to say ‘I want’, but all men to believe it. And one of them will be called Estève, his life is given over to silence, to the astonishment of waiting to appear to simply have the right to declare: ‘I say the truth’." While a new debate on political convictions was under way, Estève noted on an undated sheet 36: “I do not paint my ‘class’ (where is my class?), I first of all paint for myself, to help myself to live, to prove to myself that I am capable of doing work with which I can live. The woodcutter, in the evening, before leaving the forest, looks at the felled oak, its wood sawn and stacked in piles; tired, he is content." On 5th December 1946, Louis Carré informed Estève that Dr Haavard Rostrup, director of the Glyptothèque Ny Carlsberg in Copenhagen, wished to interview him in his studio. This was to be the beginning of an international career, rooted in the Scandinavian countries, with the exhibition Bazaine, Estève, Lapicque37 curated by Louis Carré. Since 1948, beginning with the orthogonal maze of La Colline aux trois arbres and a superb sequence of tributes to different professions, Estève had opted radically for an emblematic abstraction fed by his emotional response to his mother earth. Sereine [rep.


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carrière internationale qui s’ancre dans les pays scandinaves à l’occasion d’une exposition Bazaine, Estève, Lapicque37 suscitée par Louis Carré. Depuis 1948, partant du lacis orthogonal de La Colline aux trois arbres et d’une superbe séquence d’hommages aux métiers38, Estève opte radicalement pour une abstraction emblématique qui se nourrit de ce qui l’émeut dans sa terre nourricière. Sereine [rep. p.39] et Aéroport (1951) [rep. p.41] s’inscrivent pleinement dans cet effort de rectitude entre passé et présent, associant composition et densité de la couleur, qui aboutira l’année suivante à cet Hommage à Jean Fouquet qui appartint à son ami le poète André Frénaud. Il y a là un désir de monumentalité : « Je pensais déjà à cela en assistant, avant la guerre, aux projections dont Henri Focillon illustrait ses conférences. Des miniatures de Jean Fouquet, se développant sur toute la hauteur des murs de la Sorbonne, devenaient murales, magnifiquement, avec autorité.39 » Sereine présente une structure complexe où le rapport des rouges, des blancs et des bleus s’infléchit, autour d’un vide blanc médian, dans une courbe obscure à droite du tableau, ployée comme une Vierge d’Annonciation. Il est difficile de ne pas penser ici aux vitraux médiévaux de Chartres et de Bourges ou à ces peintres français du XVe siècle, rigoureux, habiles en tous formats, en toutes matières et notamment dans l’art du vitrail40. Avec Aéroport, un thème qui court tout au long du siècle (Picasso : Notre avenir est dans l’air, 1912) et sur lequel Robert Delaunay (L’équipe de Cardiff, 1913) et Jacques Villon, peintres qu’il affectionne, reviendront à plusieurs reprises, la singularité de son travail s’affirme encore : fondée sur un jeu de plans verticaux, la toile se noue en son centre, le peintre plaçant les masses sombres en partie haute41 tandis que le bas, plus clair et en à-plats, accorde ses deux dynamiques singulières, une flèche blanche sur fond jaune et une ondulation rouge lie-de-vin animée de touches ocre. « Il faut être voyant »

Alors qu’elle préparait avec Estève le catalogue raisonné de son œuvre peint, Monique Prudhomme-Estève ne put localiser ni photographier un ensemble de petites peintures qui portent dans sa recension les numéros 401 à 406. Elles avaient toutes été rassemblées par Gösta Olson pour la Svensk-Franska Konstgalleriet de Stockholm et deux d’entre elles, récemment retrouvées, sont ici réunies. Elles apparaissent à ce moment comme de libres gammes, diversion après l’austérité, plaisir où retrouver, d’une certaine façon, Les Loisirs42 de Fernand Léger, ce peintre qu’il aime « en toutes les périodes de son art43 ». Nomade [rep. p.44] et la Composition n° 1 [rep. p.45] appartiennent toutes deux à ce moment de plaisir et de liberté retrouvés grâce à l’intérêt de ses nouveaux amis scandinaves, responsables de musées, marchands et collectionneurs. à Paris, Estève récuse en 1952 l’inquiétude de Jean Grenier 44 devant « la disparition de l’homme » dans son œuvre : « Il faut être voyant. Les conventions disparaissent, épuisées par leur

« Sa vie est confiée au silence, à la stupeur d’attendre qu’il paraisse pour avoir simplement le droit de prononcer : c’est la vérité que je dis. » “his life is given over to silence, to the astonishment of waiting to appear to simply have the right to declare: I say the truth.”

p. 38] and Aéroport (1951) [rep. p. 40] are part of this attempt at

rectitude between past and present, through a combination of composition and dense colour, which the following year led to Hommage à Jean Fouquet acquired by his friend the poet André Frénaud. Here, there is a search for monumentality: “I had already thought about this while attending, before the war, the projections with which Henri Focillon illustrated his lectures. Miniatures by Jean Fouquet, spreading over the entire height of the walls of the Sorbonne, became murals, magnificent and endowed with authority 39.” Sereine has a complex structure in which the relationship between the reds, whites and blues changes position around an empty white median, in an obscure curve to the right of the painting, bent like a Virgin of the Annunciation. It is difficult not to be reminded of the medieval stained glass at Chartres and Bourges or indeed of various fifteenth century French painters, rigourous, skillful in all formats and materials and in particular in the art of stained glass 40. With Aéroport, a recurrent subject throughout the twentieth century (for instance Picasso’s Notre avenir est dans l’air, 1912) to which Robert Delaunay (L’équipe de Cardiff, 1913) and Jacques Villon, artists appreciated by Estève, returned on several occasions, the specific character of his work becomes even more marked. Based on a series of vertical planes, the painting is centrifugal, the artist placing dark masses in the upper part41 while the lower part, in light and flat areas of colour, provides a harmony of two unusual dynamics, a white arrow against a yellow background and an undulating burgundy with touches of ochre.

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usage. D’autres naissent, se cherchent, nous surprennent mais sont vivantes, et plus exaltantes aujourd’hui qu’elles ne le seront demain, lorsqu’après la naissance du langage sera confectionné le dictionnaire. » Il marque aussi son agacement d’être toujours rattaché à la génération d’un « groupe45 » de la couleur qui lui semble confisqué par un « théoricien » (il s’agit de Bazaine46), et ne valoir que par l’addition de personnalités diverses, auxquelles il adjoindrait bien Gischia et Tal Coat. Sur la couleur même, il dénonce un malentendu, prenant pour exemple Bonnard « à la couleur exclusivement louangée alors que sa forme, sa composition, sa mise en page sont d’une originalité, d’une audacieuse jeunesse, à mon sens bien autrement singulière que chez Braque, par exemple, dont le dessin reste toujours conventionnel et n’invente parfois que dans les limites d’un bon goût décoratif. » Sur l’abord de la toile et son travail de peintre ses explications montrent quelle sera la dynamique de ses nouvelles orientations, dans une toile comme Berlougane (1956) [rep. p.47], par exemple : « Lorsque j’aborde la blancheur de la toile, c’est la brosse en main – ce n’est pas seulement pour y poser de la couleur – la brosse, autant et parfois mieux que le fusain, se promène, essaie ses pas de danse, s’échauffe même et court à l’affût de son rythme, tente de déterminer le centre de gravité de la toile, les champs de repos, écrase une surface sombre, en cerne les contours près de la lumière d’autant plus jaillissante que contrastée […] Souvent, ma brosse, au départ, n’emporte que des tons rompus – gris et noirs – mais dès que la couleur, proche de l’éclat qui est le sien à la sortie du tube, intervient au milieu d’une orchestration composée de valeurs, elle brise le cadre qui n’a pas été conçu pour elle, et né en même temps qu’elle – chaque modification de couleur entraîne un changement du dessin – Il faut arriver à

« Les conventions disparaissent, épuisées par leur usage. D’autres naissent, se cherchent, nous surprennent mais sont vivantes. »

“Conventions disappear, worn out by use. Others are born, asserting themselves and surprising us, but they are alive…”

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“It is necessary to be visionary”

While she was preparing the Catalogue raisonné of his paintings with Estève, Monique Prudhomme-Estève was unable to find, or to photograph, a series of small paintings numbered in her summary from 401 to 406. These works had all been grouped together by Gösta Olson for the Svensk-Franska Konstgalleriet in Stockholm and two of them, recently rediscovered, are shown here. They appear like exercises in freedom, a diversion after austerity, the pleasure of discovering Les Loisirs42 by Fernand Léger, the artist whom he loved “in all periods of his art43.” Nomade [rep. p. 44] and Composition n°1 [rep. p. 45] both belong to this time of renewed pleasure and freedom resulting from the interest in his work shown by his new Scandinavian friends, museum directors, art dealers and collectors. In Paris, in 1952, Estève challenged Jean Grenier’s anxiety44 concerning “The disappearance of man” in his work. “It is necessary to be visionary. Conventions disappear, worn out by use. Others are born, asserting themselves and surprising us, but they are alive, more exciting today than they will be tomorrow when, following the birth of language, the dictionary will be written.” He also made a point of showing his irritation at always being associated with the creation of a “group45” of Colourists that seemed to him to be confiscated by a “theorist” (this was Bazaine46), existing only through the addition of a number of different individuals to whom he would have been happy to add Gischia and Tal Coat. About colour itself, the denounced a misunderstanding, taking Bonnard as his example “whose colour is exclusively praised while his form, composition and layout are of an originality and audacious youthfulness, in my opinion much more unusual than in Braque’s work, for instance, where the drawing always remains conventional and the invention sometimes remains within the limits of decorative good taste.” About his approach to the canvas and his work as a painter, his explanations indicate the direction he would now be taking, in a work, for example, such as Berlougane (1956) [rep. p. 47], exhibited here: “When I approach the white canvas, it’s with the brush in hand — it’s only to apply colour to it — the brush, like charcoal and sometimes better than charcoal, moves around, experiments its pas de danse, warms itself up and then runs at its own rhythm, attempting to determine the painting’s centre of gravity and its areas of repose, crushing a dark surface, outlining the lines which catch the light as much as they are contrasted […]. My brush, to start with, is often only loaded with dull colours — greys and blacks — but as soon as colour, close to its bright state when it comes out of the tube, intervenes among an orchestration of values, it breaks through the frame which was not designed for it


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concevoir ces deux éléments agissant avec simultanéité […] ça n’est pas une petite affaire ! » Il n’est pas surprenant qu’il opère, au même moment, un retour au dessin affirmé comme égal à la peinture, requérant une même énergie, affirmant ainsi la possible vigueur d’une grisaille moderne, rêche, veloutée ou satinée, dans une gestuelle des blancs et des noirs qui accompagne la peinture sans vouloir la préparer 47. On constate, en effet, au mitan des années cinquante, comme un nouveau départ, les débuts d’une diversification affirmée, parallèle à la peinture, avec ses premières lithographies 48, ses aquarelles et bientôt ses collages. Ceci coïncide avec son entrée à la Galerie Villand-Galanis qui organise une première exposition en 1955, présentant trente tableaux peints de 1949 à 1954. Une première monographie rédigée par Pierre Francastel paraît aux éditions Galanis en 1956, alors que les musées de Copenhague et de Stockholm organisent sa première rétrospective de mai à novembre. Ce sont des années positives, parfois marquées par les soucis de santé de sa femme, très fragile des poumons, et de la sienne, ce qui peut le déstabiliser. Viendront bientôt les années soixante, la confirmation du succès, dont il mesure la précarité, avec un nouveau recours à l’isolement indocile. Le 8 décembre 1960, Estève va ironiser auprès de Jean Bauret : « Ah, nous autres, pauvres cigales, ne pourrions rien faire sans nos collectionneurs. Il y a les marchands, bien sûr (et heureusement pour nous) qui sont en quelque sorte notre mère seconde, notre père premier, notre grande sœur. Les Marchands, conscience de l’Art et prêtres de l’Art du négoce. On ne dira jamais assez ce que nous leur devons. Cela est certain, mais souvent ignoré. Cela est injuste. Il convient d’y porter remède. Peut-être faudrait-il que tous les dix ans, les peintres se fassent marchands, et les marchands peintres.49 » « Je n’ose plus sortir en sabots dans mon quartier… »

Les premières expositions rétrospectives qui ont été consacrées en France à l’œuvre de Maurice Estève eurent lieu à Marseille en 1981 puis à Paris, en 1986, aux Galeries nationales du Grand Palais50. Celles-ci avaient valeur de reconnaissance officielle, « en remerciement de la magnifique donation qu’il a consentie à la ville de Bourges en vue de son installation en l’Hôtel des Échevins ». En décembre 1987 s’ouvrait à Bourges un musée qui lui était entièrement consacré, grâce à une première donation de l’artiste et de son épouse, une seconde venant deux ans plus tard en complément. Les « pouvoirs publics » se manifestaient ainsi bien tardivement mais il fallait que l’artiste soit, pour en accepter le principe, l’ordonnateur discret de ces initiatives, encouragé par sa nouvelle épouse, Monique Prudhomme-Estève. Il était, en effet, depuis longtemps très rétif à se trouver confronté, selon une histoire de l’art immédiate, aux amalgames proposés par la critique ou par les responsables de musées. En 1961, il s’agaçait

[fig. 8] Hommage à Cézanne, 1942 huile sur toile, 81 x 116 cm Oil on canvas, 81 x 116 cm

nor created at the same time — each change in colour leading to a change in the drawing — You have to be able to imagine these two factors acting simultaneously […] it is not easy!” It is not surprising that he simultaneously returned to drawing, considered as painting’s equal and requiring the same energy, thereby affirming the potential vigour of a modern grisaille, rough, velvety or smooth, with touches of white and black which go hand in hand with the act of painting rather than being a preparatory step47. In the mid-1950s, the beginnings of a diversification, a form of new departure alongside Estève’s painting, with the first lithographs48, watercolours and, before long, collages, are noticeable. This coincides with his entry to the Galerie Villand-Galanis which held a first exhibition of his work in 1955, presenting thirty paintings created between 1949 and 1954. A first monograph written by Pierre Francastel was published by Éditions Galanis in 1956, and the museums of Copenhagen and Stockholm held Estève’s first retrospective from May to November. These were positive years, sometimes marked however by concern for his wife’s health, as well as for his own health, a concern that could on occasion be destabilizing. In the 1960s, his success was established, although he was aware of its precarious nature and retreated into a further period of stubborn isolation. On 8th December 1960 Estève observed with irony to Jean Bauret: “Ah, we, poor cicadas, would be unable to do anything without our collectors. There are the art dealers, of course (luckily for us) who in a way are our second mother, our primary father, our big

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des embarras des musées français alors qu’une grande rétrospective de ses œuvres était présentée successivement, de juin à décembre, à Bâle, Düsseldorf, Copenhague et Oslo. Il écrivait le 20 mars à Louis Carré51 : « Aux affaires culturelles, on semble vouloir rattraper le temps perdu : que de hâte, que d’empressement. On entasse fébrilement les décorations. Et moi […] je plie sous l’avalanche (mais je vais, très vite, reprendre ma forme) […] N’empêche que je n’ose plus sortir en sabots dans mon quartier, comme naguère à Montmartre. » François Mathey, conservateur du musée des Arts décoratifs, lui apprenait que Gaëtan Picon, directeur général des Arts et des Lettres, s’était entremis pour qu’une exposition de son œuvre soit organisée dans son musée, et qu’il se « proposait bien de le faire mais seulement en 1963. » Il refusa le 5 février 196352 à Jean Cassou, conservateur en chef du musée national d’Art moderne, de participer à la sélection française de la Biennale de São Paulo dont celui-ci était chargé. «  Je trouve préjudiciable à l’Art Français la méthode qui consiste – à l’occasion de chaque Biennale – à “noyer” la personnalité de chaque œuvre au milieu d’un trop grand nombre d’artistes représentés. Je suis, en Art, non pour l’éclectisme, mais

Maurice Estève dans son atelier rue Lepic, 1954 Maurice Estève in his Studio rue Lepic, 1954

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sister. The art dealers, the conscience of art and the priests of the art of commerce: it will never be sufficiently said how much we owe them. This is a fact that is often unjustly ignored. We need to set this right. Perhaps every ten years, artists should become art dealers, and art dealers artists49.” “I no longer dare go out in my neighbourhood in clogs…”

The first retrospective exhibitions of Maurice Estève’s work held in France took place in Marseille in 1981 followed, in 1986, by Paris, with the Galeries Nationales du Grand Palais50. This was equivalent to receiving official recognition, “in thanks for the magnificent donation that he has given to the town of Bourges which will be housed in the Hôtel des Échevins.” In December 1987 a museum opened in Bourges entirely given over to Estève’s work, thanks to a first donation from the artist and his wife, followed by a second donation two years later. The “public authorities” began to show belated interest, however it was necessary for the artist, in order to accept these attentions, to be their discrete coordinator, encouraged by his new wife, Monique Prudhomme-Estève. He had indeed been for many years reluctant to be confronted by the confused notions proposed by critics or the heads of museums based on an instantaneous interpretation of the history of art. In 1961, he had been irritated by the embarrassment of the French museums when a major retrospective of his works was presented successively, from June to December, in Basel, Dusseldorf, Copenhagen and Oslo. On 20th March he wrote to Louis Carré51: “They seem to want to make up for the lost time in the cultural department: what haste, what alacrity. Honours are feverishly accumulated. And I […] flounder beneath the avalanche (but I will recover very, very quickly) […] Nonetheless I no longer dare go out in my neighbourhood in clogs, as I used to in Montmartre.” François Mathey, curator at the Musée des Arts Décoratifs, informed him that Gaëtan Picon, Director General of Arts and Letters, had intervened for an exhibition of Estève’s work to be organized in Mathey’s museum, and that he “indeed proposed to do this but only in 1963.” On 5th February 196352 he turned down Jean Cassou, Chief Curator of the Musée National d’Art Moderne, who had wanted Estève to participate in the French selection for the São Paulo Biennial for which he was responsible. “I find the method which consists — on the occasion of each Biennial — of ‘drowning’ the personality of each work among the excessive number of artists represented to be harmful for French Art. In art, I am not for eclecticism, but for taking a position, for passion and strong convictions. I think this is exactly what is very often lacking in those whose mission it is to organize artistic events.” This was the occasion for him to hope: “Can you imagine one day a large presentation of my works, and even — let’s be optimistic! – perhaps in Paris.” We find here reactions comparable to those of another important recalcitrant,


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pour le parti pris, pour la passion, et les fortes convictions. Je crois que c’est cela qui, précisément, fait défaut, le plus souvent, à ceux qui ont pour mission d’organiser les manifestations artistiques. » C’était pour lui l’occasion d’espérer : « Un jour pourrez-vous envisager une large présentation de mes ouvrages, et même – soyons optimistes ! – à Paris peut-être ». On retrouve là des réactions comparables à celles d’un autre grand réfractaire, Jean Dubuffet qui, au moment de sa donation au musée des Arts décoratifs, en 1967, croyait nécessaire de les ressasser : « Je suis fort persuadé de l’action stérilisante des pompes culturelles. La culture est affaire d'État au lieu que la création d’art est par essence individualiste et subversive.53 » Elles témoignaient, dans un cas comme dans l’autre, d’une farouche indépendance mais aussi du désir de se démarquer d’évolutions artistiques conventionnelles ou « contemporaines » qui leur étaient étrangères. Dans sa lettre à Cassou, Estève indiquait : « Je n’entends nullement m’ériger en juge et condamner certaines tentatives, fussent-elles à mes yeux frivolités gratuites, désespoir, jeux, impuissance ou même canular. Je crois que rien n’est perdu, en définitive, de ce que l’homme tente en marge de l’Art. De toute cette fiévreuse effervescence, loin du bruit, quelques grandes et hautes œuvres sans doute s’élèvent au milieu d’ateliers discrets. » Lorsqu’il reçut, en 1970, le Grand Prix national des Arts, Georges Boudaille retrouva des impressions anciennes54 : « Estève n’est pas l’homme qu’il paraît : il aime la vie, la nature, et une fois franchi le rempart de sa modestie, il se révèle le plus séduisant des causeurs, passionné même lorsqu’il parle de son œuvre. » Quelques années auparavant, pour marquer sans doute sa mauvaise humeur à l’égard de la critique, Estève lui avait dit avec hauteur55 : « Je ne cesse de m’étonner de l’usage que font les hommes des mots. Il semble qu’ils s’en habillent comme d’un travesti. La parole a-t-elle donc été donnée à l’homme pour dissimuler sa pensée ? Il y a du reste des communications impossibles, comme il y a des œuvres fières qui ne font pas le trottoir. » De 1968 à 1972, tentant de modifier les rapports de l’artiste avec l’État, je lui rendis visite au nom du Centre national d’art contemporain sans autre succès56 que celui d’acquérir pour le musée national d’Art moderne Bélasse, un très beau tableau de 1966. Il me fallut, le 29 mars 1972, accepter son propos, « combien peut être décourageante, paralysante, pour un créateur, la subite confrontation avec une œuvre accomplie», et proposer, sans succès, d’« éviter le cheminement clos d’une rétrospective » en montrant « quelque jour au Cnac un jeune peintre éclatant et grave nommé Estève57. » « Imaginez que la race des hommes disparaisse : qu’est-ce que sera la Nature ? »

Considérée rétrospectivement, Bélasse, achevée après le décès de sa femme, dressant en quelque sorte un édifice de structures croissantes et complexes, en éloge à la lumière, s’impose comme un jalon important sur un questionnement que Maurice Estève confiait à Georges Boudaille le 30 octobre 196358 : « Peut-être

« Je suis, en Art, non pour l’éclectisme, mais pour le parti pris, pour la passion, et les fortes convictions. » “In art, I am not for eclecticism, but for taking a position, for passion and strong convictions.”

Jean Dubuffet. When Dubuffet made his donation to the Musée des Arts Décoratifs in 1967 he insisted: “I am strongly persuaded of the sterilizing effect of cultural pumps. Culture is an affair of state whereas the creation of art is naturally individualistic and subversive 53.” They both testify not only to fierce independence but also to the desire to stand out from conventional or ‘contemporary’ artistic changes with which they felt no affinity. In his letter to Cassou, Estève indicated: “I do not in any way want to judge or condemn certain initiatives, even if in my eyes they are gratuitously frivolous, desperate, a game, pointless or even a hoax. I do not think anything is ultimately lost in what man attempts on the fringes of art. Away from this feverish effervescence, far from noise, a few great and significant works are no doubt being created in discrete studios.” When, in 1970, Estève was rewarded Le Grand Prix National des Arts, Georges Boudaille remembered54: “Estève is not who he appears to be: he loves life and nature, and once the rampart of his modesty has been bridged, you discover that he is the most seductive of talkers, even passionate when discussing his work.” A few years before, no doubt to mark the disdain he felt towards critics, Estève had remarked to him loftily55: “I never cease to be amazed by the use men make of words. It seems as if they dress themselves in them like transvestites. Have words been given to man in order to conceal his thoughts? There are indeed things that are impossible to communicate, as there are also proud works that do not walk the street.” Between 1968 and 1972, attempting to bring about a change in the artist’s relations with the state, I visited him on behalf of the Centre national d’art contemporain, but with no success56 other than to acquire for the Musée National d’Art Moderne Bélasse, a very

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parviendrai-je un jour à faire en sorte qu’il ne soit plus possible d’évoquer lesdits paysages dans mes œuvres… Peut-être ne pourrai-je jamais empêcher les amateurs de découvrir quelques fragments apparents de multiples aspects d’une “nature” qui ne nous est chère que dans la mesure où nous sommes là, nous les hommes. Imaginez que la race des hommes disparaisse : qu’est-ce que sera la Nature ? » Selon son habitude, Estève prit au défi cette question qu’il se posait à nouveau à lui-même depuis l’année précédente. Boudara (1967) [rep. p.51] et Bringuenailles (1972) [rep. p.57] sont caractéristiques d’une manière nouvelle de fragmenter le champ de l’image comme s’il s’agissait d’aller au-delà d’une abstraction éminemment conceptuelle et sensible pour inventer une fiction paysagère et organique où le morcellement rythmé de la touche et des formes chamarrées se fait langage. Depuis longtemps, Estève s’était plu à dénicher des noms de lieux-dits, souvent familiers, dont il appréciait la saveur. Le voici maintenant qui invente ou transforme des vocables validant la réalité inexplorée d’une poésie sonore soudain incarnée. Jean Leymarie associait à juste titre ces jeux59 à la pratique du collage qui se développe dans cette période 1965-1973, et dont les résultats sont présentés en 1974 à la Galerie Claude Bernard : « Pour ne pas trahir leur teneur mouvante, leurs ambiguïtés, leur sève rustique et cocasse, il forge des vocables composites, des hybrides verbaux, revigore avec délectation le vieux parler de son pays où s’unissent sagesse et drôlerie. » [fig. 9] « J’aime ce qui se rapproche de l’esprit de liberté […] pas ce qui est systématique »

Cette période fut pourtant dure à vivre pour Estève comme elle le fut pour beaucoup de peintres, suite à un véritable basculement

« De plus en plus je prends conscience de ce que mes recherches se situent à contre-courant. »

“I am increasingly aware that my research runs counter to the current efforts of the vast majority of artists.”

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fine painting made in 1966. On 29th March 1972 I was obliged to accept his remark, “it can be so discouraging, paralyzing, for an artist to be suddenly confronted with a completed work,” and to propose unsuccessfully to “avoid the closed path of a retrospective”, showing, “one day at the Cnac, a dazzling and serious young artist called Estève." “Imagine that mankind was to disappear: what would happen to nature?”

Considered retrospectively, Bélasse, completed after his wife’s death, creates a series of crossing and complex structures, in a tribute to light, marking an important milestone in a process of questioning which Maurice Estève confided to Georges Boudaille on 30th October 196358: “One day maybe I’ll succeed in making it impossible to evoke the said landscapes in my work… Perhaps I will never be able to prevent the spectator from discovering a few visible fragments of the many aspects of a ‘nature’ which is dear to us only to the extent that we men are here. Imagine that mankind was to disappear: what would happen to Nature?” As was his custom, Estève challenged this question that he had already asked himself the previous year. Boudara (1967) [rep. p. 51] and Bringuenailles (1972) [rep. p. 57] are characteristic of a new way of breaking up the image field in an attempt to go beyond an eminently conceptual and sensitive abstraction to invent a landscape and an organic fiction where the rhythmic fragmentation of the stroke dialogues with colourful forms. For many years, Estève had enjoyed digging up the names of often familiar localities whose sound he appreciated. Then he began to invent or transform words, validating the unexplored reality of poetic sounds suddenly brought to life. Jean Leymarie appropriately compared this process59 to that of the collages which Estève developed between 1965-1973 and which were shown in 1974 at the Galerie Claude Bernard: “So as not to betray their moving content, their ambiguities, their rustic and comical sap, he creates composite words, verbal hybrids, reinvigorating with delight the old dialect of his countryside that combined wisdom and humour." [fig.9] “I like that which approaches a spirit of freedom […] not what is systematic”

The period was nonetheless a difficult one for Estève, as indeed it was for many artists, following the significant swing in aesthetic sensitivity which aimed to disqualify the very act of painting. In a letter dated 24th February 1964, published in facsimile by Dom Angelico Surchamp60, he indicates: “I am increasingly aware that my research runs counter to the current efforts of the vast majority of artists. This does not however bother me in the slightest. Only, from time to time, you like to feel that your heart is beating in unison with another person’s.” Without embarking on pointless polemicizing, he considered it important to emphasize, the following year, that this until now united family


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de la sensibilité esthétique qui voudrait disqualifier l’acte même de peindre. Dans une lettre du 24 février 1964, publiée en facsimilé par Dom Angelico Surchamp60, il indique : « De plus en plus je prends conscience de ce que mes recherches se situent à contrecourant de l’effort actuel de la très grande majorité des artistes. Cela ne me gêne nullement d’ailleurs. Simplement, de temps à autre, on aime sentir battre à l’unisson un autre cœur que le sien. » Sans polémiquer vainement, il tient à préciser l’année suivante que cette famille jusqu’alors unie de la peinture remonte aux sources même de l’humain : « J’ai beaucoup plus de déférence pour Lascaux, Altamira, les anciens Irlandais et autres vieux Celtes plus vivants et jeunes que la prétendue “Nouvelle Réalité”61. » Il affirmera de plus en plus son désir de liberté ; à Charles Juliet, en juillet 197962 : « Je garde une prédilection, de la tendresse particulière pour ces esprits qui méditent, qui réfléchissent et qui refusent ce qui leur est proposé, comme d’une nourriture toute faite ; ce qui se rapproche de l’esprit de liberté […] Je n’aime pas ce qui est systématique. » « J’essaie d’apporter de la lumière pour nier la nuit, pour nier la mort »

D’autres atteintes plus graves vont l’ébranler. Au lendemain du décès de sa femme Nelly, le 26 août 1965, Estève écrit à Louis Carré : « à présent, pour moi, voici venue la plus grande épreuve de ma vie. On m’assure de partout que mon travail me sauvera. Or, chose étrange, toute pensée à ce sujet me remplit d’horreur. C’est peut-être que je ne peignais que pour elle ? […] C’est sûrement à cause d’elle qu’en travaillant j’avais envers moi-même tant d’inhumaine exigence pour atteindre à une lumière qui lui était offerte. » Le 27 janvier 1966, il annonce à Louis Carré la mort de Gösta Olson qui avait beaucoup contribué à l’introduire en Scandinavie : « Je pleure cet ami de trente ans. Et quel ami ! Quel homme aussi. Je l’aimais63. » à Charles Juliet, il dira : « Oui je fais un effort vers la négation. » Ainsi s’ouvre bientôt un nouveau chapitre de son art, celui, qui par l’effet de son caractère paradoxal, transforme ses peines et ses fureurs en un ultime chatoiement heureux dans ses multiples registres. Dans le même entretien, il définit à nouveau sa propre loi en évoquant l’œuvre de Van Gogh « qui vient avec une force, avec une vérité. On ne devine jamais la tricherie. Jamais rien n’est là, n’a été écrit, a été déposé pour faire bien, pour faire heureux, toute chose a été profondément ressentie. » « Tout est au fond dans la vue : VOIR, REGARDER »

Dans le choix ici présenté, Trigourrec (1972) [rep. p.53] ouvre cette période où le peintre parvient à conjurer l’aveuglement initial par la saisie lucide de ce qui, peu à peu, lui est offert dans l’enfantement tâtonnant de son œuvre : « Pendant longtemps en travaillant, ou même en regardant une toile au moment où

[fig. 9] Essais de titres Research for titles

of painting goes back to the sources of mankind: “I have far more deference for Lascaux, Altamira, the ancient Irish and other old Celts who are younger and more alive than the alleged ‘Nouvelle Réalité’61.” He increasingly asserted his desire for freedom, writing to Charles Juliet in July 197962: “I retain a preference, a special tenderness for minds that think, reflect and refuse what is proposed to them, like pre-made food; this approaches a spirit of freedom […], I do not like the systematic.” “I try to provide light to deny night, to deny death”

He was to be affected by other more serious trials. On the day following the death of his wife Nelly, the 26th August 1965, Estève wrote to Louis Carré: “I am facing the greatest ordeal of my life. Everyone reassures me that my work will save me. It is strange, even thinking about this subject fills me with dread. Perhaps I only painted for her? […] It is certainly because of her that I was so inhumanly demanding towards myself in order to attain a light to offer her.” On 27th January 1966, he announced to Louis Carré the death of Gösta Olson who had contributed so much in introducing him to Scandinavia: “I mourn this friend whom I have known for thirty years. What a friend! What a man too. I loved him63.”

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je ne travaille pas, je ne vois pas, je sens que je ne vois pas, je me sens vraiment aveugle64 […] Il y a toujours dans une toile, quel que soit son résultat, un élément où la composition peut renaître, repartir ; je découvre cela quelquefois en dehors du travail, devant une toile qui est accrochée au mur, je découvre brusquement. » Le peintre est un flâneur inquiet dans un univers merveilleux qui semble lui échapper et qui soudain se révèle à lui abouti. En présentant ici, en une sorte de réminiscence de sa propre évolution, une ouverture sur la nature, par une percée proposée, tableau dans le tableau, il ouvre les mystères bouleversants du vivant. Le 26 avril 1972, interrogé par Jacques Michel pour Le Monde, Estève insiste une nouvelle fois sur le caractère manuel, matériel de ce travail : « Il arrive même qu’à un certain moment, c’est l’ouvrier qui domine. Je me laisse prendre par le processus d’élaboration, et, tout à coup, je m’arrête parce que

[fig. 10] Les Amants transparents, 1985 huile sur toile, 100 x 73 cm Oil on canvas, 100 x 73 cm

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He said to Charles Juliet: “Yes, I am trying not to think about it too much.” A new chapter in his art was about to open, which through its paradoxical character was to transform his difficulties and frustrations into a final happy many-layered shimmer. In the same interview, he once again defined his own rules, evoking the work of Van Gogh “which presents itself with a force, a truth. You never suspect trickery. Nothing is ever there, has ever been written, or placed there to give pleasure or look good; everything has been deeply felt." “It all comes down to sight: SEE, LOOK”

In the selection presented here, Trigourrec (1972) [rep. p. 53] opens the period during which the artist managed to fend off an initial inability to see by capturing with lucidity what, little by little, gradually emerged from his work: “For a long time when I’m working, or even looking at a painting when I am not working, I can’t see, I feel that I don’t see, I feel really blind64 […] In a painting, whatever the final result, there is always an element of the composition,that can be reborn, have a fresh start. I sometimes discover this out of context, when I am in front of a painting.” The artist is an anxious stroller in a marvelous universe which appears beyond his grasp and which then suddenly reveals itself to him complete. By sensing here, in a kind of reminiscence of his own evolution, an opening to nature, a kind of painting within the painting, he reveals the mysterious emotion of life. On 26th April 1972, interviewed by Jacques Michel for Le Monde, Estève once more insisted on the manual and material character of his work: “It can even be said that at certain moments, it’s the workman who dominates. I allow myself to be led by the development process and, suddenly, I stop because I can no longer see what I’m doing. My hands are acting independently." The next two paintings in this exhibition, Bouquet mécanique (1974) [rep. p.59] and Ratuel (1975) [rep. p.61] bear witness to this ‘workman’s’ ambivalence65. He can both return, as in the first work, to cleverly orchestrated superimpositions, to unusual colour harmonies, to the surprising gyration of impeccable rounded forms, concentrated and stiffened by the intrusion of a few right angles or, as in the second work, abandon himself to dizzy chiaroscuro, the shadow occupying all the upper curve, menaced by an explosion of light and scattered iridescence. It is impossible not to think here of Estève’s love for music. This passion also seems to influence the two paintings created in 1977, Danse du Targui [rep. p.61] and Ouachita-Swing [rep. p.65]. In the first one, the tones, initially present in light and uncertain harmonies, rise and mingle, bursting in a clamour; the second one, with more emphasis on matter, organizes syncopated pulsations in sequences of ringed accents whose rhythm gathers on the left of the painting like the staggeringly audacious breathing of a trumpeter. Sometimes the painter, “in the


Maurice  Estève

je ne vois plus ce que je fais. Ce sont mes mains qui agissent d’elles-mêmes. » Les deux toiles suivantes de cet accrochage, Bouquet mécanique (1974) [rep. p.59] et Ratuel (1975) [rep. p.61] témoignent de l’ambivalence de cet « ouvrier »65. Il peut dans un même temps revenir, pour la première, aux superpositions savamment orchestrées, aux harmonies rares de la couleur, à la giration surprenante de formes arrondies impeccables, concentrées, raidies par l’intrusion de quelques angles droits ; pour la seconde, il s’abandonne au vertige du clair-obscur, l’ombre occupant toute la courbe haute, menacée par l’irruption ascendante de la lumière et de ses irisations dispersées. On ne peut s’empêcher, ici, de penser au goût d’Estève pour la musique66. Un savoir qui s’impose, sur un autre registre, dans les deux peintures de 1977, Danse du Targui [rep. p.63] et Ouachita-Swing [rep. p.65]. Dans la première, les tons, d’abord en accords légers et incertains, s’élèvent, se nouent, pour éclater en tonitruance ; la seconde, plus en matière, rassemble sa pulsation syncopée en séquences d’accents périphériques dont le rythme se rassemble sur la gauche de la toile comme le souffle époustouflant d’audace et de finesse du trompettiste. Parfois, le peintre, « dans la ferveur et la liberté de l’âge » comme l’écrit Jean Leymarie à propos des Amants transparents [fig. 10] de 1985, surprend par une allusion directe, ou une composition inhabituelle et tranchée ainsi dans ce grand tableau, Navicella [rep. p.69], peint la même année. Estève y affirme la monumentalité déclarée d’une forme centrale, étrangement évanescente avec ses roses et orangés pâles vivifiés de plages blanches, et distribuée en colloque de trois masses vivantes, glissantes vers la droite, sur une étendue bleue qui se sature d’ocres clairs, à l’inverse sur la gauche. Les valeurs sont elles-mêmes renversées entre ce motif et son fond, traité en écran de trois couleurs assombries, bleu, rouge et terre d’ombre. Monique Prudhomme-Estève évoque Giotto à propos du titre de ce tableau, et je voudrais me hasarder à invoquer sa Stigmatisation de saint François d’Assise conservée au Louvre, un tableau qui n’a pu le laisser indifférent, où les hiérarchies de dimension et de couleurs du monde réel se trouvent radicalement inversées afin de mieux signifier ce qui lie, par les stigmates, les protagonistes de l’échange sacré : François et le Christ séraphin.

fervour and freedom of age,” as Jean Leymarie writes referring to Amants transparents [fig.10] painted in 1985, surprises us with a direct allusion, or an inhabitual and contrasting composition, as in the large work Navicella [rep. p.69], painted in the same year. Estève here asserts the declared monumentality of a central form, strangely evanescent with its pale pinks and oranges invigorated by white spaces, distributed in three living and conferring masses that slide towards the right, over a blue expanse saturated with light ochres, in opposition to the left side. The values are reversed between this motif and its background, treated as a screen of three darkened colours, blue, red and umber. Monique Prudhomme-Estève refers to Giotto in connection with this painting’s title, and I would like to venture mentionning Giotto’s Stigmatisation of St. Francis of Assisi in the Louvre, a painting that could not have left Estève indifferent, in which the hierarchies of dimension and the colours of the real world are radically inversed in order to better signify the relationship, through the stigmata, between the protagonists of this sacred exchange: Francis and the seraphim Christ.

«En définitive c’est beaucoup plus la lumière qui m’intéresse que la couleur65 »

“In the end, I’m much more interested in light than in colour67”

On a compris la singularité de cette abstraction qui se veut instinctive et s’affirme intimement conceptuelle. Une abstraction à rebours de celles de son temps, rétive devant un géométrisme sec ou les spéculations mathématiques, qui ne recherche ni la fulgurance du mouvement, ni la matière pour elle-même. Qui se situe, en fin de compte, sur le plan de l’humain. Pour marquer la fin de ce florilège et conclure dans ce sens, je voudrais distinguer une opposition renouvelée entre

We have understood the singularity of this abstraction that aims to be instinctive while manifesting itself as intimately conceptual. An abstraction in opposition to those of its time, recalcitrant in the face of dry geometrics or mathematical speculations, which does not seek either lightning movement or matter for its own sake and which ultimately places the human being at its centre. To conclude this anthology, I would like to distinguish a renewed opposition to be found in two works painted in 1988. The first of

« Il y a toujours dans une toile, quel que soit son résultat, un élément où la composition peut renaître, repartir… » “There is always in a canvas, whatever its result, an element where the composition can be reborn, have a fresh start…”

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Maurice  Estève

deux toiles de 1988. La première rend Hommage à Jacques Villon68 [rep. p.77], l’aîné dont il aime la rectitude et la simplicité dans la couleur, la seconde, qui s’intitule Albaster [rep. p.81]. Toutes deux résonnent en fait, de façon différente, dans les formes, la vibration de la touche, la composition. La première est élan, la seconde, repli, comme s’il se retrouvait enfant devant le vieux pont sur l’Arnon avec « toute cette beauté qui m’entourait et dont je me sentais en quelque sorte solidaire. » Toutes deux recherchent la transparence et l’éclat. Elles reflètent ce qu’est le peintre au soir de sa vie. « Je suis né pour vivre dans ce monde de l’art »

Enfin reconnu, et malgré son isolement volontaire, Maurice Estève a reçu lors de ses apparitions régulières en galeries et en manifestations officielles, en France comme à l’étranger, un excellent accueil, très attentif, de la part du public, des collectionneurs et de générations différentes d’écrivains et de critiques69, découvrant peu à peu l’ampleur d’une œuvre tout à la fois homogène et polymorphe. Il était impossible d’insister ici sur cette diversité que j’ai à peine évoquée70. Elle est pourtant un élément déterminant de son monde intérieur, ce qui le conduisait en 1926 à engager son ami Robin à visiter le Salon de l’Araignée : « Je te le répète, tu y rencontreras Georges Grosz. Ce nom seul évoque à lui seul toute sa force et sa pénétrante psychologie. » Cette référence devient évidente dans le Carnet de guerre et elle ressurgit sporadiquement à partir des années soixante, notamment en 1965 et 1968 puis au début des années soixante-dix. Jean Leymarie remarque que son travail de collage était une activité de la campagne, dans son atelier de Culan.

« Je sens, enfin, j’ai la prétention de dire que je crois que je suis né pour vivre dans ce monde de l’art. »

“Lastly, I have the pretention to say that I believe that I was born to live in this world of art.”

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these is Hommage à Jacques Villon68 [rep. p. 77], the elder artist whose rectitude and simple colours Estève admired, the second one is entitled Albaster [rep. p. 81]. Both resonate, differently, through their forms, vibration of touch and compositions. The first conveys momentum, the second withdrawal, as if Estève had once more found himself as a child in front of the old bridge over the Arnon with “all this beauty which surrounded me and with which in a way I felt solidarity.” Both works search for transparency and radiance and reflect the artist’s state of mind late in his life. “I was born to live in this world of art”

At his regular appearances in galleries and at official events, in France as well as abroad, Maurice Estève received an excellent and extremely attentive reception from the public, collectors and different generations of writers and critics69 who gradually discovered the homogeneous and polymorphous breadth of his work, and was acknowledged at last, despite his self-imposed isolation. Although I have hardly mentioned it, it was impossible to emphasize sufficiently this diversity here70. Nevertheless it is certainly a decisive feature of his inner world which, in 1926, led him to encourage his friend Robin to visit the Salon de l’Araignée: “As I told you, you will meet Georges Grosz there. His very name evokes his strength and incisive psychology.” This reference became apparent in the Carnet de guerre and reemerged sporadically from the 1960s onwards, notably in 1965 and 1968 and subsequently in the early 1970s. Jean Leymarie remarked that Estève’s work with collage was done in the country, in his studio at Culan. The artist admits: “I was able, in this field, to give myself up to a figurative evocation that I reject in drawing or painting as well as a certain humour, particularly forbidden to me in watercolour or in my paintings71." This diversity of interests was not limited with Estève to his artistic production; it indeed concerned other areas of his life, such as music or his conviction, at one moment, that the future belonged to cinema: “I thought that painting would not survive this magnificent explosion which brought us moving images, so I considered abandoning it.” It included of course his social and libertarian commitments: “War has broken out in Spain and it has also mobilized my entire mind.” To Charles Juliet, who expressed surprise in Estève’s house, “to find all these books. One might imagine not being at an artist's but at a writer's, there are so many reviews, newspapers and piles of books,” Estève replied, which comes as no surprise to those who have read his letters: “I think that if I had not had a certain talent for painting, I would have liked to write. I also think that in different circumstances I would perhaps have liked to compose. Lastly, I have the pretention to say that I believe I was born to live in this world of art72.” When he isolated himself at Pétrus in 1943, Estève reread Proust “with extreme avidity.” Antoine Compagnon notes that “in Le


Maurice  Estève

Et le peintre d’avouer : « J’ai pu, en ce domaine, m’abandonner à une évocation figurative que je rejette en dessin ou en peinture. Et aussi à un certain humour qui m’est singulièrement interdit en aquarelle ou sur mes toiles71. » Cette complexité d’intérêts ne se limite pas chez Estève à ce qu’il produisit ; elle passe dans sa vie par d’autres paramètres, tels celui de la musique ou sa conviction, à un moment donné, que l’avenir appartient au cinéma : « J’ai pensé que la peinture ne survivrait pas à cette magnifique explosion que nous apportaient les images mouvantes. Alors j’ai pensé abandonner la peinture. » Elle passe bien sûr par ses engagements sociaux et libertaires : « La guerre d’Espagne est arrivée qui a mobilisé aussi tout mon esprit. » à Charles Juliet qui s’étonne chez lui « de trouver tous ces livres. On pourrait se croire moins chez un peintre que chez un écrivain tellement il y a de revues, de journaux et de piles de livres », Estève répond, ce qui ne surprend pas qui a lu ses lettres : « Je crois que si je n’avais pas eu quelque talent pour peindre, j’aurais aimé écrire. Il me semble aussi que dans d’autres circonstances j’aurais aimé peut-être écrire de la musique. Je sens, enfin, j’ai la prétention de dire que je crois que je suis né pour vivre dans ce monde de l’art72. » Lorsqu’il s’isola au Pétrus en 1943, Estève relut Proust « avec une extrême avidité ». Antoine Compagnon note que « dans Le Côté de Guermantes II, le narrateur décrit ainsi le système de plus en plus complet de La Recherche : “Ainsi les espaces de la mémoire se couvraient peu à peu de noms qui, en s’ordonnant, en se composant les uns relativement aux autres, en nouant entre eux des rapports de plus en plus nombreux, imitaient ces œuvres d’art achevées où il n’y a pas une seule touche qui soit isolée, où chaque partie, tour à tour reçoit des autres sa raison d’être comme elle leur impose la sienne.“ » Et Antoine Compagnon de s’interroger : « Définir l’œuvre totale par la complexité composée, est-ce paradoxal ? Est complexe ce qui ne peut se rapporter à une loi unique, ce qui ne peut se réduire à une idée simple73. » Il m’apparaît que la question pourrait bien être posée à propos d’Estève si un musée s’attachait, quelque trente années après sa dernière rétrospective, à révéler l’étonnante complexité de sa personnalité et de sa vie d’artiste, celle, enfin, de l’ensemble de son œuvre.

Germain Viatte, 31 mars 2015

Maurice Estève, 1994

Côté de Guermantes II, the narrator describes as follows the increasingly complete system of Recherche: ‘Thus the regions of the memory became little by little covered by names which, by ordering and arranging themselves in relation to others, by creating between each other more and more numerous relationships, imitated those completed works of art where there is not a single stroke that is isolated, where each part receives in turn from the others its raison d’être and imposes its own on them.’” Antoine Compagnon asks: “Is it paradoxical to define an entire work through composed complexity? That which cannot be governed by a single law is complex, that which cannot be reduced to a simple idea73.” It seems to me that the question could well be asked about Estève if a museum were to decide, some thirty years after his last retrospective, to reveal the astonishing complexity of his personality, life as an artist and entire work.

Germain Viatte, 31st March 2015

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Maurice  Estève

1 0n se souvient de l’ensemble d’œuvres sur papier qu’il présenta lors du Salon du dessin, puis dans sa Galerie Applicat-Prazan/Rive gauche, du 10 avril au 11 mai 2013. 2 Dom Angelico Surchamp, « Entretien avec Estève », in Zodiaque, n° 120, avril 1979, pp. 7 et 8.

Dom Angelico Surchamp, op. cit., p. 8. 3

Cf. Pierre Georgel, Courbet, Le poème de la nature, Découvertes Gallimard/RMN, 1995,p. 65-68.

4

5 Chardin, Corot, Millet et l'École de Barbizon.

Lettre à Louis Carré, 24 juillet 1943 (archives Galerie Louis Carré).

6

7 Sur les positions parfois « déconcertantes » de Léger dans ces années-là, lire « Éric Michaud, L’art, la guerre, la concurrence, les trois combats de Fernand Léger», in cat. exp. Fernand Léger, le rythme de la vie moderne, Flammarion, 1994, p. 62.

« Fernand léger » in Maurice Raynal, Anthologie de la peinture en France de 1906 à nos jours, Éditions Montaigne, Paris 1927.

8

9

notes

notes

Archives Maurice Estève.

Cf. notice de Didier Lecocq, « Le peintre Yvangot a jeté l’ancre à Amboise », in Aéroplane de Touraine, Internet, 10 novembre 2010. 10

Maurice Raynal, « Œuvres d’Estève » in L’Intransigeant, 25 novembre 1930.

11

Cette influence est particulièrement frappante dans Les Premiers Pas (1930), au musée Estève de Bourges.

12

Gladys Fabre, « L’esprit moderne dans la peinture figurative de l’iconographie moderniste au modernisme de conception », in cat. exp. Léger et l’esprit moderne, une alternative d’avant-garde à l’art non objectif (1918-1931), musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1982, p. 138.

l’amitié d’Estève pour Robin : « Il était cordonnier de son métier mais la peinture était sa vie. La sienne, où se retrouvait l’influence de Lhote dans les bleus et les rouges, s’inspirait dans une forme cubisante du clairobscur de La Tour. Il était spontané, enthousiaste, l’image même de la qualité seigneuriale des artistes, audelà de leurs origines, quand la grâce les habite. » 20 Cf. Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et calendes, Neuchâtel 1995, nos 50 et 56. 21

Estève fréquente au début des années trente le Cercle des amis du monde avec ses amis Hajdu, Szenès et Vieira da Silva.

L’une des toiles majeures de sa première exposition individuelle d’après-guerre, à Paris en 1948, Galerie Louis Carré, pour témoigner de la période 1935-1938. 23

Présenté par François Chapon, Édition des Cendres, Maison Bortolazzi, Vérone, Italie 2012. 24

Alain Bosquet, « Estève ou la splendeur de l’énigme », Le Quotidien de Paris, 23 octobre 1986. Pierre Loeb dans son livre Voyages à travers la peinture, Galerie Pierre, de Paris (Bordas, 1946) écrivait, et c’était alors un peu le cas pour Estève : « Pour un artiste, le drame est de ne trouver sa place ni dans l’un ni dans l’autre genre. Il joue de la naïveté ou bien se glisse dans un groupe de combat et déclare solennellement : “Dans le cubisme, c’est moi qui ai peint, le premier, un as de pique.“ » 25

26

Porte de Versailles, 1934.

Monique Prudhomme-Estève et Hans Moestrup, Maurice Estève : l’oeuvre gravé, catalogue raisonné, introduction par Dora Vallier (traduite en danois et en anglais), Forlaget Cordelia, Copenhague, 1986, p. 3842, nos 6-15. 17

Dom Angelico Surchamp, «Entretien avec Estève » in Zodiaque, n° 120, avril 1979, p. 12.

Qu’il avait rencontré en 1941.

10 août 1942, archives Maurice Estève.

27

Robert Maillard, Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995 p. 205, n° 157, et p. 216, n° 185 (rep. couleurs pp. 49 et 50). L’Hommage à Cézanne fut exposé dans l’exposition « Hommage aux anciens », Galerie Friedland en 1942.

28

29 30

26 octobre 1943. Il s’agit de points de rationnement.

Bibliothèque Kandinsky, musée national d’Art moderne, centre Georges Pompidou, fonds Raymond Herbet. Sur cette période, lire Sarah Wilson, « Les jeunes peintres de tradition française » in cat. exp. ParisParis, créations en France 19371957, Centre Georges Pompidou, pp. 106-115, 1981, et Laurence Bertrand-Dorléac, L’Art de la défaite, 1940-1945, Seuil, Paris 1993, pp. 218222. 31

18

Dans son journal (archives Bibliothèque Kandinsky, centre Georges Pompidou), Raymond Herbet en dresse un portrait qui éclaire

19

28

Charles Sterling publie en 1941 (sous le pseudonyme de Charles Jacques) son livre La peinture française, Les peintres du Moyen Âge, dans la Bibliothèque française des arts aux Éditions Pierre Tisné. Il écrit de Fouquet que « d’un seul coup 32

Acquis en 1938 par la Ville de Paris.

34 Dom Angelico Surchamp, op. cit. p.13.

sont présentés pour la première fois Galerie Galanis à Paris. Cf. Monique Prudhomme-Estève et Hans Moestrup, Maurice Estève : l’oeuvre gravé, catalogue raisonné, op. cit., nos 18-25.

48

49

Jean Lescure, « Estève ou les chemins silencieux de la réalité », in cat. exp. Bazaine, Estève, Lapicque, Galerie Louis Carré, 28 février-18 mars 1945, pp. 43-44. Le texte a été écrit du 1er au 20 décembre 1944. Reflet discret des événements, De Gaulle s’apprête alors à se rendre à Moscou pour convaincre Staline d’inviter la France à la conférence de Yalta. 35

36

On pense à La Muse (1935), donnée par Picasso au musée national d’Art moderne en 1947.

15

16

33

22

13

14 Jacques Beauffet, dans la première partie, « Les années fondatrices », d’un texte encore inédit sur Maurice Estève.

Archives Galerie Louis Carré.

[il] arrache la peinture française au gracile et au précieux pour lui révéler la grandeur. »

Archives Maurice Estève.

En décembre 1946 au Stedelijk Museum d’Amsterdam, en février 1947 au Statens Museum for Kunst de Copenhague et, en mars-avril, à Stockholm au Föreningen for Nutida Konst.

Exposition Estève, Galeries nationales du Grand Palais, 17 octobre 1986-12 janvier 1987. Elle était organisée par Jean Leymarie, ancien directeur du musée national d’Art moderne, qui en avait établi et rédigé le catalogue qui comprenait en outre un beau texte d’Yves Peyré, intitulé « à la pointe extrême de la durée ». 51

Archives Galerie Louis Carré.

52

Archives Maurice Estève.

37

Le Souffleur de verre, Le Tisserand, Le Faucheur, Le Peintre-Verrier, Le Lithographe, etc.

38

Projet de réponse à une enquête sur le « Sens de l’art moderne » pour Zodiaque, octobre 1953, n° 18-19. Archives Maurice Estève.

39

Signalons l’intérêt renouvelé de cette période pour l’art du vitrail qui trouve son apothéose en 1953 avec l’exposition Vitraux de France, au musée des Arts décoratifs. En 1957, Estève conçut les vitraux de l’église de Berlincourt dans le Jura suisse.

40

Monique Prudhomme-Estève indique que le peintre « était fasciné par l’idée d’un homme volant ». 41

Fernand Léger, Les Loisirs – Hommage à Louis David (19481949), achat de l’État, 1950, musée national d’Art moderne. Léger explique en juin 1950 dans la revue Esprit : « J’ai voulu marquer un retour à la simplicité par un art direct, compréhensible pour tous, sans subtilité. Je crois que c’est l’avenir et j’aimerais voir les jeunes s’engager dans cette voie. » Le 13 mai 1960 s’ouvrit à Biot le musée Léger qui impressionna beaucoup Estève dès sa visite quelques semaines auparavant (cf. lettre de Sylvie Galanis à Estève, 26 janvier 1960, archives Estève).

42

Dom Angelico Surchamp, op. cit. p. 13. 43

44 Brouillon de lettre, archives Maurice Estève. Jean Grenier répondit le er 1 mars : « Votre lettre qui m’a beaucoup plu et appris méritait une longue réponse de ma part. Voilà que je suis obligé de partir pour Alger. » 45 Il s’agit des «Jeunes Peintres de tradition française », baptisés comme tels en 1941. 46 Charles Lapicque avait déjà manifesté cet agacement dans une lettre à Franck Elgar, datée du 5 décembre 1949, contestant, point par point, la primauté de Bazaine sur son propre travail (archives Maurice Estève). 47

En 1956, 30 aquarelles et 20 dessins

Archives Jean Bauret.

50

Jean Dubuffet, « Ma donation au musée des Arts décoratifs » in Les Dubuffet de Jean Dubuffet, musée des Arts décoratifs, Maeght éditeur, Paris 1992, p. 13. Voir à ce sujet mon texte sur Jean Dubuffet et les pouvoirs publics français publié dans les catalogues des expositions Dubuffet présentées à Prague et à Varsovie en 1993 et 1994. 53

Georges Boudaille, « Maurice Estève Grand Prix national des Arts », Les Lettres françaises, 30 décembre 1970.

54

Georges Boudaille, « Estève », Cimaise, juillet-septembre 1958, p. 19 à 27.

55

J’en fus, en fin de compte, très heureux, mais j’avais noté le 21 janvier 1970 dans mon carnet : « Je téléphone à Estève pour tenter de faire aboutir l’achat de Bélasse prévu depuis longtemps. Je le trouve toujours aussi ferme, me déclarant très ouvertement son hostilité absolue à notre action et aux tendances actuelles de l’art. Je lui dis que mon désaccord avec lui tient à son effacement et que, précisément, ce que je souhaite, c’est de pouvoir lui permettre par cet achat, et s’il le veut par une exposition, de poursuivre son œuvre et de s’exprimer, de dénoncer même tout ce qu’il condamne. Semble touché par mes arguments. »

56

57

Archives Maurice Estève.

Jacques Derrida, in cat. exp. Mémoires d’aveugle, l’autoportrait et autres ruines, musée du Louvre, 1990-1991, p. 69, écrit : « Dès lors qu’il considère, fasciné, arrêté sur l’image, mais disparaissant à ses propres yeux dans l’abîme, le mouvement par lequel un dessinateur tente désespérément de se ressaisir est déjà, dans son présent même, un acte de mémoire. Baudelaire le suggérait dans L’art mnémonique, la mise en œuvre de la mémoire n’est pas au service du dessin […] elle est l’opération même du dessin, et justement sa mise en œuvre. » 64

65 Elles furent toutes deux exposées, de mai à juillet 1977, Galerie Claude Bernard, trois ans après l’exposition qui avait révélé dans ce même lieu l’extraordinaire liberté des collages, déjà démontrée en 1969 par Peter Nathan à la Neue Galerie de Zurich. 66 Arturo Cuellar, musicien qui poursuit l’expertise marchande de son beau-père Peter Nathan, me racontait combien il avait été impressionné, jeune homme (vers 1984), par l’enthousiasme d’Estève lors d’un concert Bach dans l’église d’Obersdörf où l’on jouait le Prélude et fugue Cantemus Domino. Le peintre, citant O. Wilde, lui avait dit : « C’est la nature qui imite l’art et non l’inverse. » 67

Entretien avec Charles Juliet, 1979.

Cf. Germain Viatte, Jacques Villon né Gaston Duchamp (1875-1963), Expression contemporaine – musée de Beaux-Arts d’Angers, 2011-2012, p. 32-33. 68

69 On est frappé par la diversité de leurs regards : mentionnons ainsi pour la seule France, depuis les années soixante-dix : Georges Boudaille, Jacques Michel, Pierre Volboudt, Daniel Abadie, René Deroudille, Jean Leymarie, Jean Guichard-Meili, Yves Peyré, Alain Bosquet, Dora Vallier, François Chapon, Henri-François Debailleux, etc. 70 Elle comprend les collages et aussi les nombreuses pièces de son œuvre dessiné et imprimé, lithographies et monotypes. 71 Cf. cat. exp. Grand Palais, 1986, p. 249.

58

Lettre citée in Georges Boudaille, « Maurice Estève, Grand Prix national des Arts », Les Lettres françaises, 30 décembre 1970.

72

Estève et Jean Bauret s’amusèrent un temps à s’envoyer mutuellement des cartes postales burlesques.

73 Antoine Compagnon, « L’hypertexte proustien » in L’œuvre d’art totale, coll. « Art et artistes », Gallimard/ Musée du Louvre, Paris 2003, p. 93-108.

59

In Zodiaque, avril 1979, p. 6, après avoir reçu le livre sur L’Art irlandais de son correspondant.

60

61 Francis Spar, « Estève – Les étapes de la création », Connaissance des arts, février 1965, pp. 63-67.

Merci à Françoise de L’Épine pour m’avoir communiqué la transcription de cette émission de France Culture.

62

Archives Louis Carré. La Galerie Louis Carré avait présenté, du 6 mai au 12 juin 1965, 24 toiles d’Estève peintes entre 1935 et 1947.

63

Entretiens d’Estève avec Charles Juliet, France Culture, juillet 1979 (transcription par Françoise de L’Épine).


Maurice  Estève

We recall the series of works on paper that he presented at the Salon du Dessin and then at his Gallery Applicat-Prazan/Rive Gauche, from the 10th April to the 11th of May 2013.

1

Dom Angelico Surchamp, “Interview with Estève”, in Zodiaque, n° 120,, April 1979, p. 7 and 8. 2

3 Dom Angelico Surchamp, op. cit., p. 8.

the very image of the lordly quality of artists which, when they are inhabited by grace, goes beyond their origins.” Cf. Robert Maillard and Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et calendes, Neuchatel 1995, nos 50 and 56.

20

21

Archives Galerie Louis Carré.

4

Cf. Pierre Georgel, Courbet, Le Poème de la nature, Découvertes Gallimard/RMN, 1995 p. 65-68.

We are reminded of La Muse (1935), given by Picasso to the Musée National d’Art Moderne in 1947.

Chardin, Corot, Millet and the École de Barbizon

23

5

6 Letter to Louis Carré, 24th July 1943 (archives Galerie Louis Carré).

For Léger’s frequently “disconcerting” positions in these years read éric Michaud, “L’art, la guerre, la concurrence, les trois combats de Fernand Léger”, in the exhibition catalogue Fernand Léger, le rythme de la vie moderne, Flammarion, 1994, p. 62.

7

8 “Fernand Léger” in Maurice Raynal, Anthologie de la peinture en France de 1906 à nos jours, Éditions Montaigne, Paris 1927. 9

Archives Maurice Estève.

Cf. notice by Didier Lecocq, “Le peintre Yvangot a jeté l’ancre à Amboise”, in Aéroplane de Touraine, Internet, 10th November 2010. 10

Maurice Raynal, “Œuvres d’Estève” in L’Intransigeant, 25th November 1930. 11

12 This influence is particularly striking in Les Premiers Pas (1930), in the Musée Estève de Bourges.

Gladys Fabre, “L’esprit moderne dans la peinture figurative de l’iconographie moderniste au modernisme de conception”, in the exhibition catalogue Léger et l’esprit moderne, une alternative d’avantgarde à l’art non objectif (1918-1931), Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1982, p. 138.

13

14 Jacques Beauffet, in the first part, ‘les années fondatrices’, from a text still unpublished about Maurice Estève.

In the early 1930s, Estève frequented the club Amis du Monde with his friends Hajdu, Szenès and Vieira da Silva.

15

Monique Prudhomme-Estève and Hans Moestrup, Maurice Estève : l’oeuvre gravé, catalogue raisonné, introduction by Dora Vallier (translated into Danish and English), Forlaget Cordelia, Copenhagen 1986, p. 38-42, nos 6-15.

16

17

Porte de Versailles, 1934.

Dom Angelico Surchamp, “Entretien avec Estève” in Zodiaque, n° 120, April 1979, p. 12.

18

In his diary (Archives Bibliothèque Kandinsky, Centre Georges Pompidou), Raymond Herbet draws a portrait which gives an idea of Estève’s friendship for Robin: “He was a cobbler by trade but his life was painting. His own, in which can be found the influence of Lhote in the blues and reds, was inspired by a cubist form of La Tour chiaroscuro. He was spontaneous, enthusiast, 19

22

One of the major paintings in his first post-war solo exhibition, in Paris in 1948, at the Galerie Louis Carré, which showed works from the period 1935-1938.

Presented by François Chapon, édition des Cendres, Bortolazzi, Vérona, Italy, 2012. 24

Alain Bosquet, “Estève ou la splendeur de l’énigme”, Le Quotidien de Paris, 23rd October 1986. Pierre Loeb in his book Voyages à travers la peinture, Galerie Pierre, de Paris (Bordas, 1946) wrote, and this could be applied to Estève: “For an artist, the drama is not finding their place in any one genre. They pretend to be naive or slip into a combat force, solemnly declaring: 'In Cubism, I was the first to paint an ace of spades.'” 25

26

Whom he had met in 1941.

10th August 1942, archives Maurice Estève. 27

28 Robert Maillard, Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, p. 205, n° 157, and p. 216, n°185 (reproduced in colour p. 49 and 50). Hommage à Cézanne was shown in the exhibition Hommage aux anciens, at the Galerie Friedland, in 1942. 29

26th October 1943.

30

These are ration coupons.

Bibliothèque Kandinsky, Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, fonds Raymond Herbet. Read Sarah Wilson on this period, “Les jeunes peintres de tradition française” in the exhibition catalogue Paris-Paris, créations en France 1937-1957, Centre Georges Pompidou, 1981, p. 106-115, and Laurence Bertrand-Dorléac, L’Art de la défaite, 1940-1945, Seuil, Paris 1993, p. 218-222.

31

In 1941, Charles Sterling’s book La Peinture française, Les peintres du Moyen Âge was published (under the pseudonym Charles Jacques) as part of the Bibliothèque française des arts by éditions Pierre Tisné. He wrote about Fouquet that “in a single stroke [he] tore French painting from the gracious and precious to reveal its grandeur.”

32

Acquired in 1938 by the Ville de Paris.

33

34 Dom Angelico Surchamp, op.cit. p.13.

Jean Lescure, “Estève ou les chemins silencieux de la réalité”, in the exhibition catalogue Bazaine, Estève, Lapicque, Galerie Louis Carré, 28th February-18th March 1945, p. 43-44. The text was written between the 1st and the 20th of 35

December 1944. A discrete reflection of events as De Gaulle was preparing to go to Moscow to convince Stalin to invite France to the Yalta Conference. 36

Archives Maurice Estève.

In December 1946 at the Stedelijk Museum in Amsterdam, in February 1947 at the Statens Museum for Kunst in Copenhagen and, in March-April, in Stockholm at the Föreningen for Nutida Konst. 37

Le Souffleur de verre, Le Tisserand, Le Faucheur, Le Peintre-Verrier, Le Lithographe, etc.

38

included a fine text by Yves Peyré, titled “à la pointe extrême de la durée”. 51

Archives Galerie Louis Carré.

52

Archives Maurice Estève.

Jean Dubuffet, “Ma donation au Musée des Arts Décoratifs” in Les Dubuffet de Jean Dubuffet, Musée des Arts Décoratifs, Maeght éditeur, Paris 1992, p. 13. See on this subject my text on “Jean Dubuffet et les pouvoirs publics français” published in the catalogues for the Dubuffet exhibitions presented in Prague and Warsaw in 1993 and 1994.

53

Draft for a response to a survey on “Sens de l’art moderne” for Zodiaque, October 1953, n° 18-19. Archives Maurice Estève.

54

We may note the revival of interest during this period in the art of stained glass which reached its height in 1953 with the exhibition Vitraux de France, at the Musée des Arts Décoratifs. In 1957, Estève designed the stained glass for the church in Berlincourt in the Swiss Jura.

Georges Boudaille, “Estève”, Cimaise, July-September 1958, p. 19 to 27.

39

40

41 Monique Prudhomme-Estève indicates that the artist “was fascinated by the idea of a flying man.”

Fernand Léger, Les Loisirs – Hommage à Louis David (1948-1949), State acquisition, 1950, Musée National d’Art Moderne. Léger explained in June 1950 in the review Esprit: “I wanted to create a return to simplicity with an immediate art, understandable to all, without subtlety. I believe that it is the future and I would like to see the young take this path.” On 13th May 1960 the Musée Léger opened at Biot; it had greatly impressed Estève during his visit a few weeks before (cf. letter from Sylvie Galanis to Estève, 26th January 1960, archives Estève).

42

Dom Angelico Surchamp, op. cit. p. 13.

43

Draft of a letter, archives Maurice Estève. Jean Grenier replied on 1st March: “Your letter pleased me greatly and taught me a lot and it deserves a lengthy reply from me. But now I have to leave for Algiers.” 44

This is the “Jeunes peintres de tradition française”, which adopted this name in 1941.

45

Charles Lapicque had already shown this irritation in a letter to Franck Elgar, dated 5th December 1949, contesting, point by point, the supremacy of Bazaine over his own work (archives Maurice Estève). 46

In 1956, 30 watercolours and 20 drawings were presented for the first time at the Galerie Galanis in Paris.

47

48 Cf. Monique Prudhomme-Estève and Hans Moestrup, Maurice Estève : l’oeuvre gravé, catalogue raisonné, op. cit., n° 18-25. 49

Archives Jean Bauret.

Exhibition Estève, Galeries Nationales du Grand Palais, 17th October 1986-12th January 1987. It was curated by Jean Leymarie, former director of the Musée National d’Art Moderne, who prepared the catalogue which 50

Georges Boudaille, “Maurice Estève Grand Prix National des Arts”, Les Lettres françaises, 30th December 1970.

55

I was, in the end, very pleased, but I noted on 21st January 1970 in my note book: “I telephoned Estève to try to bring off the acquisition of Bélasse which has been planned for ages. I find him just as decided, expressing very openly to me his absolute hostility towards our action as well as towards current trends in art. I tell him that my disagreement with him is due to his self-effacement and that what I would like to be able to permit him through this acquisition, and if he wishes through an exhibition, to continue his work and to express and even denounce everything that he condemns. He seems touched by my arguments.” 56

57

Archives Maurice Estève.

Letter quoted in Georges Boudaille, “Maurice Estève, Grand Prix National des Arts”, Les Lettres françaises, 30th December 1970.

58

Estève and Jean Bauret amused each other for a while exchanging farcical postcards.

59

Claude Bernard, three years after the gallery’s exhibition which had revealed the extraordinary freedom of the collages, already shown in 1969 by Peter Nathan at the Neue Galerie in Zurich. 66 Arturo Cuellar, the musician who continues his father-in-law Peter Nathan’s dealing expertise, told me how much he had been impressed, as a young man (around 1984) by Estève’s enthusiasm during a concert in the church of Obersdörf where Bach’s prelude and fugue Cantemus Domino were performed. The artist, quoting Oscar Wilde, said to him: “It is nature which imitates art and not the reverse.” 67

Interview with Charles Juliet, 1979.

Cf. Germain Viatte, Jacques Villon né Gaston Duchamp (1875-1963), Expression contemporaine – Musée des Beaux-Arts d’Angers, 2011-2012, p. 32-33. 68

69 One is struck by the diversity of their views: we can mention for France only, since the 1970s: Georges Boudaille, Jacques Michel, Pierre Volboudt, Daniel Abadie, René Deroudille, Jean Leymarie, Jean Guichard-Meili, Yves Peyré, Alain Bosquet, Dora Vallier, François Chapon, Henri-François Debailleux, etc. 70 It includes the collages, as well as many of his drawings, prints, lithographs and monotypes. 71 Cf. exhibition catalogue Grand Palais, 1986, p. 249.

Estève’s interviews with Charles Juliet, France Culture (transcribed by Françoise de L'Épine), July 1979.

72

73 Antoine Compagnon, “L’hypertexte proustien” in L’œuvre d’art totale, coll. “Art et artistes”, Gallimard/Musée du Louvre, Paris, 2003, p. 93 to 108.

In Zodiaque, April 1979, p. 6, after receiving the book on L’Art irlandais from his correspondent.

60

Francis Spar, “Estève – Les étapes de la création”, Connaissance des arts, February 1965, p. 63-67.

61

I would like to thank Françoise de L'Épine for giving me a transcription of this programme on France Culture.

62

Archives Louis Carré. The Galerie Louis Carré exhibited from 6th May to 12th June 1965, 24 paintings by Estève painted between 1935 and 1947.

63

64 Jacques Derrida, in the exhibition catalogue Mémoires d’aveugle, l’autoportrait et autres ruines, Musée du Louvre, 1990-1991, p. 69, writes: “He considers, fascinated, concentrated on the image, but disappearing in his own eyes into the abyss, the movement by which an artist attempts desperately to regain control is already, in his very present, an act of memory. Baudelaire suggested it in L’art mnémonique, memory does not function to serve drawing […] it is the very operation of drawing, and in fact its implementation.”

They were both exhibited, from May to July 1977, by the Galerie

65

29



Ĺ“uvres

Works


Maurice  Estève

Feuillage aux trois pichets 1929

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 81 x 116 cm

Provenance

Atelier de l’artiste Expositions

Paris, Galerie Yvangot, Estève, 20 nov.-5 déc. 1930  Düsseldorf, Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen, Kunsthalle, 26 juil.-27 août 1961 ; Copenhague, Statens Museum for Kunst, 15 sept.-15 oct. 1961 ; Oslo, Kunstnernes Hus, 11 nov.-3 déc. 1961 ; Estève Bibliographie

XXe siècle, « Hommage à Estève », numéro spécial, Paris 1975, rep. p. 18. Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 62, p. 161

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Déjeuner sur l’herbe

1929

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; dated and titled on the reverse 97 x 130 cm

Provenance

Atelier de l’artiste Expositions

Paris, Galerie Yvangot, Estève, 20 nov.-5 déc. 1930 Bâle, Kunsthalle Basel, 10 juin -16 jul. 1961 ; Düsseldorf, Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen, Kunsthalle, 26 juil.-27 août 1961 ; Copenhague, Statens Museum for Kunst, 15 sept.-15 oct. 1961 ; Oslo, Kunstnernes Hus, 11 nov.-3 déc. 1961 ; Estève Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 65, p. 163

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève


Maurice  Estève

Déjeuner sur l’herbe (détail) Maurice Estève représente ici un déjeuner sur l’herbe, thème qui a inspiré de nombreux artistes tels que Cézanne, son maître préféré, Léger ou Manet. L’influence du cubisme synthétique de Juan Gris et du purisme de Fernand Léger est perceptible. NDLR

Maurice Estève has painted here a déjeuner sur l’herbe, a subject which inspired numerous artists such as Cézanne, his favourite master, Léger and Manet. The influence of Juan Gris’ Synthetic Cubism and Fernand Léger’s Purism is perceptible. ED.

37


Maurice  Estève

Sereine 1951

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 46 x 33 cm

Provenance

Collection privée, France Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 364, p. 284

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Aéroport 1951

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 81 x 60 cm

Provenance

Collection privée, France Expositions

Paris, Galerie Galanis, Estève, 13 mai-30 juin 1955 Copenhague, Statens Museum for Kunst, mai - juin 1956 ; Stockholm, Svensk-Franska Konstgalleriet, 20 oct.-18 nov. 1956 ; Estève Düsseldorf, Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen, Kunsthalle, 26 juil.-27 août 1961 ; Copenhague, Statens Museum for Kunst, 15 sept.-15 oct. 1961 ; Oslo, Kunstnernes Hus, 11 nov.-3 déc. 1961 ; Estève Meymac, Abbaye Saint-André, Les années 50, L’art abstrait, 1985  Saint-Rémy-de-Provence, musée Estrine, Estève, La nature morte sur le chemin de l’abstraction, 20 mars - 13 juin 2010, cat. n° 24, rep. p. coul. Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 373, p. 288

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève


Maurice  Estève

Aéroport (détail) Les années 50 marquent le début de l’aviation civile. Estève avait été frappé par les lumières des tours de contrôle des aéroports ainsi que par les éclairages des pistes d’atterrissage et les postes d’aiguillage. Deux huiles sur toile intitulées Orly et Villacoublay ont été réalisées respectivement en 1952 et 1953. NDLR

The 1950s saw the beginnings of civil aviation. Estève had been struck by the lights on airport control towers as well as by landing strip and signal box lights. Orly and Villacoublay are two other paintings executed in 1952 and 1953 respectively. ED.

43


Maurice  Estève

Nomade

1952

Huile sur toile Signée en haut à gauche ; signée et datée au dos Oil on canvas Signed upper left; signed and dated on the reverse

19 x 27 cm

Provenance

Svensk-Franska Konstgalleriet, Stockholm (1953)  Galerie Galanis - Hentschel, Paris (inv. n° 1028)  The Redfern Gallery, Londres  Collection John Levy, Londres  Applicat-Prazan, Paris  Collection particulière, Marseille Bibliographie

Robert Maillard et Monique PrudhommeEstève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 406, p. 301

44


Maurice  Estève

Composition no 1-1952

1952

Huile sur toile Signée en bas à droite ; signée et datée au dos Oil on canvas Signed lower right; signed and dated on the reverse

24 x 16 cm

Provenance

Ancienne collection Jean Fossez, Lisieux expositions

Göteborg, Göteborgs Konstförening, Fransk Konst, 1953  Genève, Galerie Bonnier, Maurice Estève, 5 déc. 1973-30 janv. 1974 Bibliographie

Robert Maillard et Monique PrudhommeEstève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 401, p. 300

45


Maurice  Estève

Berlougane 1956

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 54 x 65 cm

Provenance

Collection privée, France Expositions

Paris, Galerie Villand-Galanis, Estève, 11 avr.-20 mai 1961, rep. Bâle, Kunsthalle Basel, 10 juin-16 juil. 1961 ; Düsseldorf, Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen, Kunsthalle, 26 juil.-27 août 1961 ; Copenhague, Statens Museum for Kunst, 15 sept.-15 oct. 1961 ; Oslo, Kunstnernes Hus, 11 nov.-3 déc. 1961 ; Estève Marseille, musée Cantini, Estève, juin-août 1981, rep.  Paris, Galeries nationales du Grand Palais, Estève, 17 oct. 1986-12 janv. 1987, cat. n° 53, rep. p. 176 Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 482 p. 333

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève


Maurice  Estève

Berlougane (détail) Dans son atelier de Paris, Estève recrée en signes plastiques, sans concession narrative, l’atmosphère des lieux visités. Berlougane, habitante de Beaulieu-sur-Mer, station balnéaire près de Nice, est le vocable sonore de cette petite toile à l’intense lumière méditerranéenne. Les formes ramassées, cernées de noir, ont l’éclat rouge et bleu des vitraux. Extrait du catalogue de l’exposition Estève, Paris, Grand Palais, 17 oct. 1986-12 janv. 1987

In his Paris studio, Estève recreates in pictorial language, without concession to narrative, the atmosphere of places he has visited. Berlougane, an inhabitant of Beaulieu-sur-Mer, a seaside resort near Nice, is the “word sound” of this small painting with its intense Mediterranean light. The compact forms outlined in black are in bright red and blue evoking stained glass. Extract from the catalogue of the exhibition Estève at the Grand Palais, Paris, 17th October 1986-12th January 1987

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Maurice  Estève

Boudara 1967

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 40 x 115 cm

Provenance

Boudara est une invention verbale qui évoque l’Afrique du Nord. Le côté narratif de l’œuvre renvoie à un voyage dans un lieu-dit imaginaire. Maurice Estève créait des listes de titres puis, avec sa femme Monique, ils jouaient ensemble avec les mots, s’attardant sur les sonorités, en changeant parfois une syllabe ou en rajoutant une lettre, afin de donner au mieux des titres aux tableaux. NDlr

Boudara is a verbal invention which evokes North Africa. The work’s narrative dimension refers the spectator to a journey in an imagined locality. Maurice Estève created lists of titles, then, with his wife Monique, played with the words, lingering over their sonorities, sometimes changing a syllable or adding a letter, to find the best titles for his paintings. ED.

50

Atelier de l’artiste Expositions

Marseille, musée Cantini, juin-août 1981 ; Luxembourg, musée de l’état, 18 sept.-18 oct. 1981 ; Metz, musée de Metz, 23 oct.-6 déc. 1981 ; Estève , rep. Paris, Galerie Claude Bernard, Hommage à Maurice Estève, 7 mars-30 avr. 2003 Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, n° 599 p. 381, rep. double p. coul. pp. 82-83


Maurice  Estève

51


Maurice  Estève

Trigourrec 1972

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 146 x 97 cm

Provenance

Collection H.R. Astrup, Oslo  Collection particulière, Paris Expositions

Paris, Galerie Claude Bernard, Estève, 1977, cat. no 15, rep. coul.  Houston, Wildenstein Art Center, 1977-1978 Paris, Forum des Halles, Paris, Patrie des peintres, 1978  Paris, mairie du XVIIIe arrdt, L’art vivant à Paris, 1978 Ancy-le-Franc, château d’Ancy-le-Franc, Estève, 9 juin - 16 sept. 1979, cat., rep. Marseille, musée Cantini, juin-août 1981 ; Luxembourg, musée de l’état, 18 sept.-18 oct. 1981 ; Metz, musée de Metz, 23 oct.-6 déc. 1981 ; Estève, cat. n° 38, rep. p. 51, rep. coul. en couverture  Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 17 oct. 1986-12 jan. 1987, cat. n° 80, rep. p. 188 ; Hövikodden, Fondation Sonja Henie-Niels Onstad, 21 fév.-19 avr. 1987 ; Tübingen, Kunsthalle, 9 mai-5 juil. 1987 ; Estève Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 618, p. 389

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève


Maurice  Estève

Trigourrec (détail) Estève fait parfois référence, dans ses désignations, à la Bretagne, à cette terre primitive et longtemps préservée où subsistent, qui le touchent profondément, les enclos paroissiaux, les fontaines sacrées, les vestiges mystérieux de la civilisation celtique et les pierres levées de la préhistoire. Le titre suggère également le caractère tripartite de la composition. Extrait du catalogue de l’exposition Estève, Paris, Grand Palais, 17 oct. 1986-12 janv. 1987

Estève sometimes refers, through his words, to Brittany, to this primitive long-preserved land which, moving him deeply, preserves parish enclosures, sacred fountains, mysterious remains of the Celtic civilization and the standing stones of prehistory. The title also suggests the composition’s tripartite character. Extract from the catalogue of the exhibition Estève at the Grand Palais, Paris, 17th October 1986-12th January 1987

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Maurice  Estève

Bringuenailles 1972

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 61 x 38 cm

Provenance

Maurice Estève avait une affection particulière pour l’écrivain humaniste tourangeau François Rabelais dont il connaissait nombre d’ouvrages. Le nom du géant rabelaisien Bringuenarilles, surnommé l’avaleur de moulins à vent, a été contracté en Bringuenailles. NDlr

Maurice Estève was particularly fond of the humanist writer from Tours, François Rabelais, with whose works he was well acquainted. The name of Rabelais’ giant Bringuenarilles, nicknamed the windmill swallower, was contracted to Bringuenailles. ED.

56

Collection privée Exposition

Londres, The Redfern Gallery, Maurice Estève, 14 juin-14 juil. 2006, cat., rep. coul. p. 15 Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 614, p. 387


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Bouquet mécanique 1974

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 50 x 61 cm

Provenance

Galerie Claude Bernard, Paris Collection particulière, Paris Exposition

Paris, Galerie Claude Bernard, Estève, peintures récentes, 4 mai-16 juil. 1977, rep. Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 627, p. 392

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Ratuel 1975

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 60 x 73 cm

Provenance

Maurice Estève avait une grande admiration pour Gérard Philipe qui est enterré à Ramatuelle. Ratuel est une invention verbale qui rappelle ce célèbre village de Provence. Cette œuvre fait l'objet d'une procédure d'acquisition par le musée des Beaux-Arts de Dijon. NDlr

Maurice Estève greatly admired Gérard Philipe who is buried at Ramatuelle. Ratuel is a verbal invention which evokes the famous village in Provence. This work is currently being acquired by the Musée des Beaux-Arts de Dijon. ED.

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Collection privée, France Expositions

Bourges, Maison de la culture, 15 janv.-6 mars 1983 ; Châteauroux, musée Bertrand, 30 mars-10 mai 1983 ; Estève, Proposition pour une rétrospective  Paris, Galeries nationales du Grand Palais, Estève, 17 oct. 1986-12 jan. 1987, cat. n° 85, rep. p. 190, rep. p. coul. p. 55 Paris, Galerie Claude Bernard, Hommage à Maurice Estève, 7 mars-30 avr. 2003  Saint-Rémy-de-Provence, musée Estrine, Estève, La nature morte sur le chemin de l’abstraction, 20 mars-13 juin 2010, cat. n° 37, rep. pp. coul. Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 638, p. 396, rep. coul. p. 24


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Danse du Targui 1979

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 115 x 40 cm

Provenance

« Targui » désigne en arabe le Touareg. Estève fait référence au Sahara et à ses nomades que l’on peut ici deviner enturbannés dans un désert doré. NDlr

“Targui” means “Tuareg” in Arabic. Estève is referring to the Sahara and its turbaned nomads whom we can pick out in the golden desert. ED.

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Collection privée Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 688 p. 414, rep. pp. coul., p. 95


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Ouachita-Swing 1979

Huile sur bois Signée et datée en haut à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on board Signed and dated upper left; signed, dated and titled on the reverse 69 x 54 cm

Provenance

Collection privée, France Exposition

Bourges, Maison de la culture, 15 janv.- 6 mars 1983 ; Châteauroux, musée Bertrand, 30 mars-10 mai 1983 ; Estève, Proposition pour une rétrospective Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 691, p. 415

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Ouachita-Swing (détail) Appréciant les westerns et passionné de jazz, Estève fait référence à une tribu indienne, les Ouachitas, qu’il associe au jazz et plus précisément au swing joué par les big bands. NDLR

Keen on Western and passionate about jazz, Estève is referring to the Indian Ouachitas tribe, which he associates with jazz and in particular with swing played by big bands. ed.

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Maurice  Estève

Navicella 1985

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 81 x 116 cm

Provenance

Atelier de l’artiste Expositions

Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 17 oct. 1986-12 jan. 1987, cat. n° 114, rep. p. 203, rep. pp. coul., p. 65 ; Hövikodden, Fondation Sonja Henie-Niels Onstad, 21 fév.-19 avr. 1987 ; Tübingen, Kunsthalle, 9 mai-5 juil. 1987 ; Estève  Paris, Galerie Claude Bernard, Hommage à Maurice Estève, 7 mars-30 avr. 2003, cat. vol. II, Huiles sur toile, n° 13, rep. double p. coul. Londres, The Redfern Gallery, Maurice Estève, 14 juin-14 juil. 2006, cat., rep. coul. p. 31 Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 754, p. 437, rep. pp. coul., p. 104

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève


Maurice  Estève

Navicella (détail) En italien, « navicella » signifie « petite barque » et désigne aussi le monument, fontaine par exemple, ayant l’aspect d’une barque. Une étrange construction jaune à reflets blancs, moitié mégalithe, moitié barque à tête de reptile ou d’oiseau, repose sur un tertre vert, devant un écran rouge, entre deux étendues de bleu limpide, ciel et mer, l’une plus claire, l’autre plus sombre. Extrait du catalogue de l’exposition Estève , Paris, Grand Palais, 17 oct. 1986-12 janv. 1987

In Italian, “navicella” means “small boat” and also designates a monument, such as a fountain, with the appearance of a boat. A strange yellow construction with white reflections, half megalith, half boat with a reptile or bird’s head, stands on a green mound, in front of a red screen, between two expanses of clear blue sky and sea, one light, the other dark. Extract from the catalogue of the exhibition Estève at the Grand Palais, Paris, 17th October 1986-12th January 1987

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Maurice  Estève

Roulti 1988 Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 46 x 61 cm

Provenance

Parfois Maurice Estève a recours à l’argot ou à des expressions drolatiques. Ici, Roulti est une contraction de l’expression familière « Roule-t-il ? ». ndlr

Maurice Estève sometimes used slang or comical expressions. Roulti here is a contraction of the familiar expression “Roule-t-il?” ED.

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Atelier de l’artiste Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 765, p. 440


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Havène 1988

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 46 x 61 cm

Provenance

Maurice Estève fait parfois appel aux sonorités des langues étrangères. Ici Havène vient de « haven » qui signifie « port » en hollandais. L’artiste retranscrit dans ce tableau la lumière particulière des ports de commerce, embrumée par les fumées sortant des cheminées des bateaux. ndlr

Maurice Estève sometimes employed sounds from foreign languages. Here Havène comes from “haven” which means “port” in Dutch. In this painting the artist conveys the light of a busy commercial port, hazy with smoke from ships’ funnels. ED.

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Collection privée, France Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 766, p. 441


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Hommage à Jacques Villon 1988

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 73 x 54 cm

Provenance

Maurice Estève était très admiratif du travail de Jacques Villon avec qui il avait collaboré lors de l’Exposition internationale de 1937. Dans ce tableau, on retrouve le rythme de composition utilisé par Villon, et notamment les lignes géométriques verticales. Estève avait pris des photographies de l’atelier de Villon avant sa destruction. ndlr

Maurice Estève greatly admired the work of Jacques Villon with whom he had worked during the 1937 International Exhibition. In this painting, we find a compositional rhythm similar to that of Villon, particularly apparent in the vertical geometrical lines. Estève photographed Villon’s studio before its destruction. ED.

Estève et Jacques Villon au travail pour le Pavillon de l'Aviation, Expositon Internationale, 1937 Estève and Jacques Villon preparing for the Aviation Pavilion at the 1937 International Exhibition

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Atelier de l’artiste exposition

Paris, Galerie Claude Bernard, Hommage à Maurice Estève, 7 mars-30 avr. 2003 Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 767, p. 441, rep. pp. coul. p. 110


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Toudoro 1988

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 60 x 73 cm

Provenance

Le choix de Toudoro a sans doute été dicté par la musicalité de ce mot dérivé d’un lieu réel ou imaginaire, inspiré d’une consonance africaine. ndlr

The choice of Toudoro was certainly dictated by the musicality of this word derived from a real or imagined place and inspired by an African sound. ED.

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Atelier de l’artiste Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 770, p. 442


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Albaster 1988

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 73 x 54 cm

Provenance

En latin, albâtre se dit « alabaster ». L’artiste a ici contracté le mot pour le rendre plus agréable. On retrouve sur ce tableau une couleur organique d’albâtre bleu-vert. ndlr

“Alabaster” is originally a Latin word. The artist uses a contracted form of the word here to make it sound more agreeable. The organic bluish green in the painting is similar to the colour of alabaster. ED.

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Atelier de l’artiste Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 774, p. 443


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Baki 1989

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 54 x 73 cm

Provenance

Maurice Estève ne cesse de créer de surprenantes inventions verbales qui ouvrent la porte au rêve et au voyage. Inspiré vraisemblablement par l’Afrique noire, ce titre évoque un lieu ou un dialecte, réel ou imaginaire. ndlr

Maurice Estève constantly created surprising verbal inventions that allow the spectator to dream and travel. No doubt inspired by Sub-Saharan Africa, this title evokes a place or dialect, real or imagined. ED.

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Atelier de l’artiste Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 782, p. 446


Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Géométrie 91 1991

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 92 x 73 cm

Provenance

Atelier de l’artiste exposition

Saint-Rémy-de-Provence, musée Estrine, Estève, La nature morte sur le chemin de l’abstraction, 20 mars-13 juin 2010, cat. n° 46, rep. p. coul. Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 800, p. 452

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Géométrie 1992

Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower left; signed, dated and titled on the reverse 65 x 81 cm

Provenance

Atelier de l’artiste exposition

Londres, The Redfern Gallery, Maurice Estève, 14 juin-14 juil. 2006, cat., rep. coul. p. 39 Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 801, p. 452

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Maurice  Estève

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Maurice  Estève

Blanche oblique 1994

Huile sur toile Signée et datée en bas à droite ; signée, datée et titrée au dos Oil on canvas Signed and dated lower right; signed, dated and titled on the reverse 73 x 92 cm

Provenance

Atelier de l’artiste Bibliographie

Robert Maillard et Monique Prudhomme-Estève, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995, no 818, p. 458

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Maurice  Estève

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A-796, 1962 Aquarelle sur papier Signée et datée en bas à droite Watercolor on paper Signed and dated lower right 34 x 48 cm Provenance

Collection privée Peter Nathan, Zurich (acquise auprès de l’artiste) Exposition

Paris, Applicat-Prazan, Maurice Estève, 10 avr.-11 mai 2013, cat., rep. double p. coul. pp. 30-31

quelques œuvres sur papier

A few works on paper A-968, 1967 Aquarelle sur papier Signée et datée en haut à gauche Watercolor on paper Signed and dated upper left 44 x 59 cm Provenance

Galerie Claude Bernard, Paris Collection particulière, Suisse

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Maurice  Estève

A-964, 1967 Aquarelle sur papier Signée et datée en bas à droite Watercolor on paper Signed and dated lower right

Ombres gravées (D-1602), 1963 Fusain et crayons de couleur sur papier Signé et daté en bas à droite Charcoal and coloured pencils on paper Signed and dated lower right 30,5 x 43,5 cm Provenance

Collection particulière, Rouen

Bourdra, 1971 Collages et techniques mixtes sur papier Signé et daté en bas à droite

50 x 32 cm Provenance

Neue Galerie, Zurich Galerie Nathan, Zurich Collection particulière, Suisse Expositions

Zurich, Neue Galerie, Estève, 42 aquarelles, 5 avr. -19 mai 1973, cat. n° 16, rep. coul. p. 19 Paris, Applicat-Prazan, Maurice Estève, 10 avr.-11 mai 2013, cat., rep. pp. coul. p. 27.

D-1828, 1969

Fusain et crayons de couleur sur papier Signé et daté en bas vers la droite

Collages and mixed media on paper Signed and dated lower right

Charcoal and coloured pencils on paper Signed and dated lower to the right

49,7 x 58 cm

42 x 32 cm

Provenance

Galerie Claude Bernard, Paris Expositions

Paris, Galerie Claude Bernard, Estève, Collages 1965-1973, avr.-juin 1974, cat. n° 23, rep.  Paris, Applicat-Prazan, Maurice Estève, 10 avr.-11 mai 2013, cat., rep. double p. coul. pp. 34-35

Provenance

Galerie Ditesheim, Neuchâtel Ancienne collection de Monsieur et Madame André Rosselet, Suisse Exposition

Paris, Galerie Claude Bernard, Estève, Dessins 1960-1971, mars-avril 1972, cat. n° 31, rep.

Bibliographie

Monique Prudhomme-Estève et Muriel Desroches, Répertoire des collages de Maurice Estève, musée Estève-Ville de Bourges, mars 1999, n° 167 C, rep. p. 96

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Biographie

Biography


Maurice  Estève

1904

1928

Maurice Estève est né le 2 mai à Culan, dans le Cher, où il passe toute son enfance auprès de ses grands-parents qui lui transmettent des valeurs assimilées au contact des réalités terriennes. De la maison familiale, il gardera toujours un souvenir ému et en fera son atelier d’été à partir de 1954.

Il subit l’influence du surréalisme, en particulier de Giorgio De Chirico, et abandonne l’étude sur nature. Il s’intéresse à la théorie du purisme et au manifeste publié par Ozenfant et Jeanneret dit Le Corbusier.

1913

Lors d’un premier séjour à Paris auprès de ses parents artisans, il découvre le musée du Louvre, dont seul il a franchi les portes. C’est l’émerveillement, malgré son jeune âge ; cette première visite aura été décisive : « Je voyais désormais la nature à travers les tableaux de grands maîtres. »

1929

Il prend part au Salon des Surindépendants, où on verra régulièrement quelques-unes de ses œuvres jusqu’en 1938, confrontées aux œuvres de Braque, Léger, Picasso et à celles d’autres peintres encore peu connus. Il connaît une vie difficile, exerçant des petits métiers pour se consacrer dès qu’il le peut à la peinture. 1930

1914-1918

Il passe les années de guerre à Culan et obtient le certificat d’études primaires. 1919

Maurice  Estève – 1904-2001

« Pourquoi peindre, que peindre, pour qui… »

Estève est à Paris. Persuadé que seul un métier manuel peut assurer son avenir, son père lui refuse la poursuite de toute étude à caractère intellectuel et le met en apprentissage chez un typographe, puis chez un fabricant de mobilier moderne qui lui permet de dessiner. Il parvient à suivre les cours du soir de dessin de la Ville de Paris ; il fait des rencontres qui vont l’amener à s’interroger face à une société en « ébullition ». Il réserve du temps pour la lecture, il est un autodidacte d’une curiosité éclectique. Un Autoportrait au fusain (1919) témoigne de sa maturité.

Il quitte l’atelier qu’il occupait rue de Fouarre, chez son grand-père maternel, pour un atelier de la Ville de Paris, porte de Vanves. Première exposition particulière de peintures d’Estève organisée à la Galerie Yvangot par Tony Meyer, mécène et acheteur de ses dessins de chaussures. Ses toiles sont remarquées par Maurice Raynal qui note dans sa chronique de L’Intransigeant : « Cet art est sympathique à cause de sa sincérité et de son dédain des solutions faciles qui attirent violemment mais ne retiennent jamais longtemps. En parlant avec Estève, j’ai retrouvé chez lui un peu du caractère du regretté Juan Gris, et ce n’est pas le plus mince éloge que je puisse lui faire. » Temps de crise : aucun tableau n’est vendu. 1931-1936

1923

La virulente opposition de son père à sa vocation de peintre incite Estève à accepter l’offre qui lui est faite de diriger un atelier de dessins de châles et de tissus à Barcelone où il découvre l’art roman catalan ; il cesse de peindre pendant un an. 1924

De retour à Paris, il fréquente l’atelier libre de l’académie Colarossi, à Montparnasse ; il étudie les primitifs au Louvre et, parmi les modernes, s’enthousiasme pour Cézanne qui restera pour lui le maître incontesté ; il découvre l’œuvre de Léger. 1925

Marie-Louise Calvet, directrice d’une maison de haute couture, qui employait la mère du peintre, devient le premier collectionneur d’Estève en achetant Paysanne endormie aux rideaux verts (1924, premier état).

Estève participe à de nombreux débats sur la culture et l’avenir de la peinture. Amateur assidu des salles de cinéma, il envisage d’abandonner la peinture pour la mise en scène. Avec quelques peintres et artisans, il crée le groupe des Indélicats et publie une revue contestataire composée de linogravures signées entre autres Falk, Robin, Debarbieux et, dans le dernier numéro, Pignon et Fougeron. Sous la pression d’une récupération politique, le groupe se sépare. 1936

Bouleversé par les événements de la guerre d’Espagne, il peint trois toiles à caractère « expressionniste » qu’il expose au Salon des Surindépendants la même année. 1937

Sur le conseil de Braque, Gösta Olson, directeur de la Svensk-Franska

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Maurice  Estève

Konstgalleriet de Stockholm, demande à Estève de participer à l’exposition Peinture française avec Braque, Matisse, Picasso, Juan Gris et Léger. à l’occasion de cette exposition, le Kunstmuseum de Göteborg lui achète La Femme au bain de pieds de 1933. Début de l’intérêt des pays scandinaves pour l’œuvre d’Estève. Par ailleurs, il est invité avec Jacques Villon à l’exposition du 22e groupe des Artistes de ce temps, au Petit Palais à Paris, où figurent également Lipchitz, Georg, Desnoyer et Adam. Estève participe à la réalisation des grandes décorations murales de Robert et Sonia Delaunay pour les pavillons des Chemins de fer et de l’Aviation à l’Exposition internationale de Paris. Durant les travaux, exécutés dans un garage désaffecté, une petite exposition est organisée en l’honneur de la visite de Matisse, qui remarquera les toiles d’Estève, notamment Le Canapé bleu et La Partie de cartes de 1935, toiles acquises par Louis Carré en 1941. 1938

Exposition collective à la Galerie L’Équipe à Paris. Estève exécute de nombreux petits dessins à l’encre et à l’aquarelle prémonitoires de son évolution vers l’abstraction stoppée par les années de trouble qui vont suivre. 1939-1940

Plusieurs mois de loyer impayés entraînent son expulsion de l’atelier de la Ville de Paris, porte de Vanves. En juillet, aidé par Fougeron et Adam, il s’installe dans un grenier, 66 rue Lepic. Quelques semaines plus tard, il est mobilisé et affecté à la base de Brétigny-sur-Orge, grâce à l’intervention du poète André Frénaud. Des notations satiriques, des croquis rehaussés de couleur dans ses Carnets de guerre témoignent de cette époque. Démobilisé à Auch en août 1940, il retourne à Culan et s’isole dans une ferme, le Pétrus, pour dessiner. 1941

De retour à Paris, il se remet à peindre. 1942

Pour participer à l’exposition Hommage aux Anciens, organisée par la Galerie Friedland à Paris, Estève choisit de rendre hommage à Cézanne. Il accepte un accord d’exclusivité avec la Galerie Louis Carré mais refuse de signer un contrat écrit. Libéré de tout souci matériel, il connaît désormais un rythme de travail plus régulier. Désormais il met en chantier

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plusieurs tableaux simultanément. Les groupes de réflexion et de discussion fréquentés par Estève, Vieira da Silva, Szénès, Adam, Hajdu et d’autres artistes poètes ou musiciens, sont démantelés par la guerre. Estève s’isole désormais dans son atelier, ne fréquentant alors que quelques peintres : Gischia, rencontré en 1941 chez Jeanne Laurent, Lapicque, Legueult, Pignon, Bazaine mais protège l’intimité de son atelier.

1954

Premiers achats de la galerie VillandGalanis. 1955

Paris : exposition particulière à la Galerie Galanis (trente tableaux de 1949 à 1954). Estève s’installe rue Monsieur-le-Prince, au Quartier latin. Dès cette époque, il reviendra à Culan travailler plus particulièrement les œuvres sur papier.

crée trois cartons de tapisseries (Le Prince, Chantlune et L’Accueil) tissées par la maison Pinton à Felletin, dans l’atelier d’Henri Bacaud, et éditées par I. Iynedjian de Lausanne. Il renouera avec la tapisserie en 1972 avec Bodableu, en 1973 avec Zacapa, en 1987 avec Massarbault (tissée à Beauvais dans les Ateliers nationaux) et en 1990 avec Modanatura. Estève réalise une série de plus de cent monotypes. Oubliés, retrouvés en 1980.

1956 1943

Il expose à la Galerie de France (Paris) aux côtés de Beaudin, Borès, Gischia et Pignon, à l’occasion de la sortie aux Éditions du Chêne d’un album, Cinq peintres d’aujourd’hui, préfacé par Roger Lesbats, alias Frank Elgar. 1945-1947

Exposition itinérante Bazaine, Estève, Lapicque à la Galerie Louis Carré à Paris, Amsterdam (1946), Stockholm (1947) et Copenhague (1947) où le conservateur du musée Jörn Rubow fait l’acquisition de deux toiles. Estève fait la connaissance d’Henri Laurens en 1945, et de Fernand Léger en 1946, qu’il ne rencontrera que deux fois. Commencée en 1927 sur le thème du cirque, la série des « métiers » se poursuit en 1947 avec Le Sculpteur qui marque « le passage d’une stylisation formaliste vers une poétique des formes et des lumières » (Pierre Francastel). 1948

Deuxième exposition personnelle, Galerie Louis Carré (Paris) La Galerie Louis Carré et une galerie de New York, associées, proposent un contrat à Bazaine, à Lapicque et à Estève qui refuse de signer un document. L’échec du projet entraîne la fin de la collaboration entre Estève et Louis Carré et la fin des relations entre Estève et Jean Bazaine. Le musée national d’Art moderne achète en 1951 Intérieur de juillet (1950), en 1952 Danseur du Far-West (1951), en 1953 Rebecca (1952). 1952

Estève aborde la lithographie en couleur à l’atelier Clot avec Jour de fête – hommage au cinéaste Jacques Tati –, technique qu’il continuera d’explorer à l’atelier Desjobert en 1954, puis à partir de 1955 à l’atelier Fernand Mourlot. Estève grave lui-même les pierres ou les plaques de zinc.

Rétrospective Estève au Statens Museum for Kunst, Copenhague. En décembre, parution aux Éditions Galanis de la première monographie sur Estève, signée Pierre Francastel (la jaquette est ornée d’une lithographie originale de l’artiste). Essentielle pour la compréhension de l’œuvre d’Estève, cette monographie en retrace la genèse et les étapes formatrices avant d’analyser « les ressorts de l’invention plastique et les liens qu’y entretiennent le réel et l’imaginaire. » 1957-1958

Il crée les vitraux de la petite église du village de Berlincourt, dans le Jura suisse. Acquisition du tableau Tourdille (1958) par Gabrielle Kueny pour le musée de Grenoble. 1960

Paris : exposition à la Galerie VillandGalanis (cent dessins de 1920 à 1954), accompagnée de la publication d’un ouvrage consacré aux dessins de l’artiste. Frank Elgar y conclut son texte par ces mots : « L’art français du dessin n’a jamais rien offert depuis Daumier, depuis Seurat, de plus révélateur que ce langage robuste, charnu, saturé de toutes les magnificences qu’un cœur solitaire et une pensée lucide ont amoncelées pour leur plus certaine, leur plus insigne, leur plus durable gloire. »

1964

Le décès accidentel d’Henri Villand, suivi un an plus tard de la disparition de Nelly, épouse d’Estève, interrompt une période faste qui a révélé l’ampleur de son œuvre. 1965

En février, la revue Connaissance des Arts reproduit, dans son n° 156, quelques-uns des états par lesquels sont passées trois de ses peintures commencées en 1961 et achevées en 1963 ou 1964 : Chamatoi, Célui et Crouleplate. Accompagnées d’un article de Francis Spar « Les étapes de la création » et de trois lettres de l’artiste, ces reproductions illustrent à merveille la manière dont l’artiste conduit ses toiles jusqu’à leur accomplissement. S’excusant de sa lenteur, Estève écrit à Francis Spar : « Je vous avais prévenu que ce serait long. Ce n’était pas une boutade ni de la coquetterie. Je vous le redis : je suis le peintre le plus long du siècle. Ce n’est pas rien par ces temps épris de vitesse. Je tiens à mon titre (il y a peu de chance qu’on me l’enlève – je ne suis pas inquiet). » Cette même année, l’artiste réalise ses premiers collages. 1967

Exposition particulière à Zurich à la Neue Galerie : huiles, aquarelles et dessins.

1961

La Galerie Villand-Galanis organise une importante rétrospective présentée successivement à la Kunsthalle de Bâle, au Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen de Düsseldorf, au Statens Museum for Kunst de Copenhague et à la Kunstnernes Hus d’Oslo (cent trente-et-une peintures, dix-neuf aquarelles, vingt-trois dessins). Publication aux Éditions Fernand Hazan, dans la collection « Peintres d’aujourd’hui », d’un album de reproductions en couleur présenté par Joseph-émile Muller.

1968

1963

1970

Conseillé par Pierre Baudouin, Estève

Le Grand Prix national des Arts lui est

Estève suit avec intérêt les événements et assiste à quelques soirées à la Sorbonne. Il confie un portefeuille de lithographies à la galerie de Monique Prudhomme à Culan. 1969

Première exposition de soixante-neuf collages à la Neue Galerie de Zurich, catalogue préfacé par Pierre Francastel. On ne découvrira, à Paris, cet aspect de son art qu’en avril 1974, à la Galerie Claude Bernard, avec une préface de Jean Leymarie.


Maurice  Estève

décerné : pour éviter la cérémonie de la remise du prix, il part aussitôt pour Culan. 1971

Le musée national d’Art moderne (Paris) fait l’acquisition de deux toiles : Moulin noir (1959) et Bélasse (1966). 1972

Après sept ans d’absence aux cimaises de la capitale, Estève, à la demande pressante de Jeanne Laurent, expose à la Galerie Claude Bernard soixante dessins de 1960 à 1971. 1973

Exposition de quarante-deux aquarelles de 1957 à 1972, à la Galerie Claude Bernard à Paris. Simultanément la Neue Galerie de Zurich présente également quarante-deux aquarelles de ces mêmes années avec une préface de Dora Vallier. 1974

Parution aux Éditions Fernand Hazan, Paris, dans la collection « Ateliers d’aujourd’hui », d’une monographie signée Joseph-émile Muller.

La ville s’engage à restaurer l’Hôtel des Échevins pour en faire le musée Estève. 1987 (19 décembre) : inauguration à Bourges du musée Estève en l’Hôtel des Échevins. 1987 : création du carton pour la tapisserie Massarbault pour la bibliothèque de la Maison de la culture. 1988 : décoration d’une cheminée industrielle à Bourges-Nord, qui sera détruite en 2009. 1989 : Estève crée une affiche (1789. La Prise de la parole) dans le cadre des manifestations organisées à Bourges pour commémorer le bicentenaire de la Révolution française. 11 juin : signature de l’acte d’une deuxième donation à la ville de Bourges, complétant la collection du musée par cinq œuvres. 1991 : création d’une affiche pour les 15 ans du Printemps de Bourges. 1993 : création d’une sérigraphie pour l’inscription de la cathédrale de Bourges au patrimoine mondial de l’Unesco. 1997 : donation de 80 lithographies, collection complète, à la ville de Bourges.

Galerie Louis Carré au printemps 1994, à l’occasion de son 90e anniversaire, puis au musée Estève.

Expositions posthumes 2002

1994

2003

Kim Menzer, musicien danois, et son frère John, avec la collaboration de Jean-Claude Carrière, filment un portrait d’Estève à Culan, Bourges et Paris. Estève cesse volontairement la peinture à l’huile, conscient de sa difficulté à se concentrer. Il a réalisé plus de 818 peintures à l’huile.

Paris, Galerie Claude Bernard, Hommage à Maurice Estève, peintures

1995

Publication du catalogue raisonné de son œuvre peint. Éditions Ides et Calendes (Neuchâtel, Suisse). 1996-1999

Paris : exposition de peintures à la Galerie Claude Bernard. Préface de Pierre Volboudt. La dernière présentation de peintures à Paris avait eu lieu en 1961.

Don d’Estève de quatre toiles au Musée national d’Art moderne : Liseuse (1929), Aquarium (1944), Drôlu du Haut (1964), Le Poitevin (1977). Épouse Monique Prudhomme, rencontrée en 1967 à Culan.

1981

Le musée Cantini à Marseille, le musée de l’État à Luxembourg et le musée de Metz présentent successivement un ensemble d’œuvres de 1950 à 1980 : cinquante-six peintures, dix aquarelles, quinze collages, dix dessins, avec une préface de Marc Le Bot. Achat par le musée de la Cour d’Or de Metz de la toile Pouiraque (1970). 1982

Ayant conservé un certain nombre d’œuvres dans son atelier, Estève envisage de les rendre accessibles au plus grand nombre dans le cadre d’un musée monographique. C’est le début d’une longue complicité avec la ville de Bourges ponctuée par : 1983 : Estève, Proposition pour une rétrospective, cent œuvres et documents présentés à la Maison de la culture en prévision du projet de donation à la ville. 1983 : création d’une affiche pour la 20e saison de la Maison de la culture. 1985 (2 juillet) : signature de l’acte de donation à la ville de Bourges de cinquanteneuf toiles, trente-quatre dessins, vingt aquarelles, dix collages et deux tapisseries.

Vesdun (Cher) : tout le village, pavoisé aux couleurs du peintre, commémore le centième anniversaire d’Estève. 2005

Bourges, musée Estève, Monotypes, une forme de l’unique Paris, Galerie Claude Bernard, œuvres sur papier Paris, Galerie Daniel Gervis, Monotypes 2006

Londres, The Redfern Gallery, Maurice Estève 2008

1999

2010

Exposition Collages : invention, subversion ou diversion ?, texte de François Chapon, Bourges, musée Estève.

Saint-Rémy-de-Provence, musée Estrine, Estève, La nature morte sur le chemin de l’abstraction Exposition reprise et augmentée au musée Estève, Bourges

2001

Album pour la jeunesse Mon petit Estève, texte de Marie Sellier

En mars, le Dr Plaussu, directeur de la Galerie Tendances à Paris et médecin personnel du peintre, organise une exposition de dessins, choix fait en concertation avec Estève quelques mois avant sa disparition.

2012

26 juin 2001 - Maurice Estève meurt à Culan.

2015

1986

12 avril : émission d’un timbre-poste français reproduisant Skibet, huile sur toile de 1979, tiré à six millions d’exemplaires. Paris, octobre 1986-janvier 1987 : Rétrospective Estève, organisée par la Réunion des musées nationaux au Grand Palais (cent seize peintures, cinquante aquarelles, quarante-six dessins, quinze collages, trois tapisseries), en remerciements de la donation faite par l’artiste à la ville de Bourges. Rétrospective présentée en Norvège, à Oslo et en Allemagne, à Tübingen.

2004

Réalise trois séries de collages pour un calendrier des années 1996, 1997 et 2000.

1983 1977

Paris, Fiac, stand Galerie Claude Bernard, Hommage à Estève, œuvres sur papier

Édition du fac-similé du Carnet de guerre, avec texte de François Chapon, Éditions des Cendres 2013

Paris, Salon du dessin, Applicat-Prazan, œuvres sur papier Paris, Fiac, Applicat-Prazan

1990

Paris : exposition Peintures récentes, Galerie Louis Carré. Catalogue préfacé par François Chapon. 1993

Estève réalise l’affiche et la couverture du programme du Festival d’art lyrique d’Aixen-Provence qui lui procure l’occasion de revisiter avec émotion les lieux de Cézanne et de découvrir le Jas de Bouffand. Dès son retour à Culan, il réalise une série d’aquarelles qui seront présentées à la

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Maurice  Estève

1904

Maurice Estève was born on 2nd May in Culan, in the Cher, where he spent his childhood living with his grandparents, who transmitted to him the values of rural life. He always retained fond memories of the family house and, from 1954 onwards, used it as his summer studio. 1913

During a first visit to Paris to stay with his artisan parents, he discovered the Musée du Louvre, which he explored by himself. Despite not being ten years old yet, he was astonished and this first visit was to be decisive: "From then on I was to see nature through the paintings of the great masters."

Maurice  Estève – 1904-2001

“Why paint, paint what, for whom…”

Marie-Louise Calvet, director of a haute couture fashion house, which employed the artist’s mother, became Estève’s first collector, buying Paysanne endormie aux rideaux verts (1924, first state). 1928

He was influenced by Surrealism, in particular by Giorgio De Chirico, and abandoned study from nature. He became interested in the theory of Purism and in the manifesto published by Ozenfant and Jeanneret (Le Corbusier). 1929

1914-1918

He spent the war years in Culan and obtained the certificat d’études primaires.

Estève participated in the Salon des Surindépendants, where he showed regularly until 1938, alongside Braque, Léger, Picasso, etc. His life was difficult, obliging him to practice petits métiers to earn a living and to paint only in his free time.

1919

1930

Estève was now living in Paris. His father, persuaded that only a manual profession could guarantee his son a secure future, forbade Estève to pursue an intellectual career and placed him in apprenticeship, first with a typographer and then with a modern furniture designer who permitted him to draw. He attended drawing evening classes organized by the Ville de Paris, meeting people who encouraged him to think about the upheavals through which society was going. Self-educated, he read widely and possessed an eclectic curiosity. An Autoportrait in charcoal (1919) testifies to his maturity. 1923

His father’s violent opposition to his calling to become an artist caused Estève to accept an offer to run a design studio for shawls and fabrics in Barcelona. He discovered Catalan Romanesque art and for a year stopped painting. 1924

On his return to Paris, he frequented the free classes dispensed at the Académie Colarossi, in Montparnasse; he studied the primitives in the Louvre and, among more recent artists, appreciated Cézanne who remained for Estève the uncontested master; he also discovered the work of Léger.

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1925

He left the studio which he had been occupying in the rue de Fouarre, at his maternal grandfather’s, for a studio rented from the Ville de Paris, at the Porte de Vanves. The first solo exhibition of Estève’s paintings was organized at the Galerie Yvangot by Tony Meyer, an art patron and buyer of Estève’s designs for shoes; his paintings were noticed by Maurice Raynal, who wrote in his column in L’Intransigeant: "This work is appealing because of its sincerity and its disdain for the easy solutions that violently attract but which never retain ones attention. Talking with Estève, I found that he had something of the character of the regretted Juan Gris, and this is not the smallest compliment that I can make him." Affected by the economic crisis, not a single work was sold. 1931-1936

Estève took part in numerous discussions on culture and the future of painting. An assiduous enthusiast of cinema, he considered abandoning painting for film directing. With other artists and artisans, he created the group the Indélicats and published an anti-establishment review with linocuts by artists such as Falk, Robin and Debarbieux and, in the final issue, Pignon and Fougeron. Under pressure from political exploitation, the group separated.


Maurice  Estève

1936

Upset by the events of the Spanish Civil War, Estève painted three "expressionist" works that he exhibited at the Salon des Surindépendants. 1937

On the advice of Braque, Gösta Olson, director of the Svensk-Franska Konstgalleriet in Stockholm, asked Estève to participate in the exhibition Peinture française with Braque, Matisse, Picasso, Juan Gris and Léger. During the exhibition, the Kunstmuseum at Göteborg acquired La Femme au bain de pieds of 1933. The Scandinavian countries began to show an interest in Estève’s work. He and Jacques Villon were invited to the exhibition of the 22nd group of Artistes de ce temps, at the Petit Palais in Paris, which also included Lipchitz, Georg, Desnoyer and Adam. Estève participated in the creation of the large murals by Robert and Sonia Delaunay for the Railway and Aviation pavilions at the Exposition Internationale de Paris. During this project, carried out in a disused garage, a small exhibition was held in honour of a visit paid by Matisse, who remarked upon Estève’s paintings and in particular Le Canapé bleu and La Partie de cartes of 1935; both of these works were acquired by Louis Carré in 1941. 1938

Group exhibition at the Galerie L’équipe, in Paris. Estève did a large number of small ink drawings and watercolours that prefigured his later shift towards abstraction, postponed by the war years. 1939-1940

Unable to pay the rent, Estève was forced to leave the studio rented from the Ville de Paris at the Porte de Vanves and in July, helped by Fougeron and Adam, he moved to an attic at 66 rue Lepic. A few weeks later, he was mobilized and, thanks to intervention by the poet André Frénaud, assigned to a military base at Brétigny-sur-Orge. Satirical notations and sketches enhanced with colour in his Carnets de guerre record this period. Demobilized at Auch, in August 1940, Estève returned to Culan and isolated himself on a farm, Pétrus, to draw. 1941

On his return to Paris, he took up painting again.

1942

For his participation in the exhibition Hommage aux Anciens, organized by the Galerie Friedland in Paris, Estève chose to pay tribute to Cézanne. He accepted an exclusive agreement with the Galerie Louis Carré, refusing however to sign a written contract. Freed from material worries, he was now able to work more regularly, painting several works simultaneously. The groups of reflection and discussion frequented by Estève, Vieira da Silva, Szénès, Adam, Hajdu and other artists, poets or musicians, were disbanded by the war. Estève now isolated himself in his studio seeing only a few painters: Gischia, met in 1941 at Jeanne Laurent’s, Lapicque, Legueult, Pignon and Bazaine. 1943

He exhibited at the Galerie de France (Paris) alongside Beaudin, Borès, Gischia and Pignon on the occasion of the publication by éditions du Chêne of an album, Cinq peintres d’aujourd’hui, prefaced by Roger Lesbats (Frank Elgar). 1945-1947

Itinerant exhibition Bazaine, Estève, Lapicque at the Galerie Louis Carré in Paris, Amsterdam (1946), Stockholm (1947) and Copenhagen (1947), where the museum’s curator, Jörn Rubow, acquired two paintings. Estève met Henri Laurens in 1945 and Fernand Léger on two occasions in 1946. In 1947, he continued to work on the series métiers, (begun in 1927 on the subject of the circus), with Le Sculpteur, which marks "the passage from a formal style towards poetic forms and light." (Pierre Francastel). 1948

Second solo exhibition, Galerie Louis Carré (Paris). The Galerie Louis Carré, in partnership with a gallery in New York, proposed a contract to Bazaine, Lapicque and Estève but the latter refused to sign the document. This project’s failure led to the end of the professional relationship between Estève and Louis Carré and the termination of the relationship between Estève and Jean Bazaine. In 1951, the Musée National d’Art Moderne acquired Intérieur de juillet (1950), in 1952 Danseur du Far-West (1951) and in 1953 Rebecca (1952).

1952

Estève began working on colour lithography at the atelier Clot with Jour de fête – a tribute to the film director Jacques Tati – continuing, in 1954, to explore this technique at the atelier Desjobert and then, from 1955 onwards, at the atelier Fernand Mourlot. Estève engraved his stones or zinc plates himself. 1954

First acquisitions of Estève’s work by the Galerie Villand-Galanis. 1955

Paris: solo exhibition at the Galerie Galanis (thirty paintings from 1949 to 1954). Estève moved to rue Monsieurle-Prince, in the Latin Quarter. From now on, he would often return to his studio in Culan, in particular to work on the works on paper. 1956

Retrospective of Estève’s work at the Statens Museum for Kunst, in Copenhagen. In December, publication by éditions Galanis of the first monograph on Estève, written by Pierre Francastel (the cover was decorated by an original lithograph by the artist). Essential to understanding Estève’s work, this monograph retraces its beginnings and formative stages before analyzing the process of plastic invention and the connections between the real and the imaginary. 1957-1958

Estève created a series of stained glass windows for the small church in the village of Berlincourt, in the Swiss Jura. Acquisition by Gabrielle Kueny for the Musée de Grenoble of the painting Tourdille (1958). 1960

Exhibition at the Galerie VillandGalanis in Paris (one hundred drawings from 1920 to 1954), accompanied by the publication of a catalogue. Frank Elgar concluded his text with these words: "The French art of drawing has never offered anything since Daumier, or since Seurat, as revealing as this robust language, full and saturated with all the magnificences that a solitary heart and lucid mind have accumulated for their most certain, their most remarkable, their most durable glory."

1961

The Galerie Villand-Galanis organized an important retrospective presented successively at the Kunsthalle in Basel, the Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen in Düsseldorf, the Statens Museum for Kunst in Copenhagen and the Kunstnernes Hus in Oslo: one hundred and thirty-one paintings, nineteen watercolours, twenty-three drawings. Publication by éditions Fernand Hazan, in the collection “Peintres d’aujourd’hui”, of an album of colour reproductions, with a text by Josephémile Muller. 1963

On Pierre Baudouin’s recommendation, Estève created three tapestry cartoons, Le Prince, Chantlune and L’Accueil, woven by Pinton at Felletin, in Henri Bacaud’s workshop and published by I. Iynedjian in Lausanne. He worked again with tapestry in 1972 with Bodableu, in 1973 with Zacapa, in 1987 with Massarbault (woven at Beauvais in the national workshops) and in 1990 with Modanatura. Estève executed a series of more than one hundred monotypes, overlooked until their rediscovery in 1980. 1964

The accidental death of Henri Villand and, the following year, of Estève’s wife, Nelly, interrupted a period of artistic fulfillment during which he had explored new techniques. 1965

In February, the review Connaissance des Arts reproduced, in its 156th issue, the different states of three of his paintings, begun in 1961 and completed in 1963 or 1964: Chamatoi, Célui and Crouleplate, accompanied by an article by Francis Spar The phases of creation and three letters from the artist; these reproductions give an excellent idea of the way in which Estève developed his paintings until their completion. Excusing himself for his slowness, he wrote to F. Spar: "I warned you that it would take a long time. It was not a joke or a caprice. I’ll tell you again: I’m the slowest artist of the century. This is not insignificant in these times obsessed by speed. I attach importance to my title (I’m not worried — there is little chance that it will be taken from me)." Estève made his first collages.

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Maurice  Estève

1967

Solo exhibition in Zurich at the Neue Galerie: oils, watercolours and drawings. 1968

Estève followed the events with interest attending a number of parties at the Sorbonne. He left a portfolio of lithographs at Monique Prudhomme’s gallery in Culan. 1969

First exhibition of sixty-nine collages at the Neue Galerie in Zurich with a catalogue prefaced by Pierre Francastel. This aspect of his work was not shown in Paris until April 1974, at the Galerie Claude Bernard, with a preface by Jean Leymarie. 1970

Estève was awarded the Grand Prix National des Arts: he left immediately for Culan to avoid the award ceremony. 1971

The Musée National d’Art Moderne acquired two paintings: Moulin noir (1959) and Bélasse (1966). 1972

After seven years without an exhibition in the capital, Estève, at the suggestion of Jeanne Laurent, exhibited at the Galerie Claude Bernard sixty drawings, from 1960 to 1971. 1973

Exhibition of forty-two watercolours, from 1957 to 1972, at the Galerie Claude Bernard in Paris, simultaneously with the Neue Galerie in Zurich which presented forty-two watercolours from the same period with a preface by Dora Vallier. 1974

Publication by éditions Fernand Hazan, Paris, in the collection Ateliers d’aujourd’hui, of a monograph by Joseph-émile Muller. 1977

Paris: exhibition of paintings at the Galerie Claude Bernard with a preface by Pierre Volboudt. This was the first exhibition of Estève’s paintings in Paris since 1961. 1981

The Musée Cantini in Marseille, the Musée de l’état in Luxemburg and the Musée de Metz presented in succession

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a series of works from 1950 to 1980: fiftysix paintings, ten watercolours, fifteen collages, ten drawings, with a preface by Marc Le Bot. Acquisition by the Musée de la Cour d’Or in Metz of the painting Pouiraque (1970). 1982

Estève, who had kept a certain number of works in his studio, wished to make them accessible to the general public through a museum of his work. This was the beginning of a long relationship with the Ville de Bourges punctuated by: 1983: Estève, Proposition pour une Rétrospective, one hundred works and documents presented at the Maison de la Culture to be followed by a donation to the town. 1983: creation of a poster for the 20th season of the Maison de la Culture. 1985, 2nd July: signature of the act of donation to the Ville de Bourges of fiftynine paintings, thirty-four drawings, twenty watercolours, ten collages and two tapestries. The Ville undertook to restore the Hôtel des échevins to create the Musée Estève. 1987, 19th December: inauguration of the Musée Estève in the Hôtel des échevins. 1987: creation of a cartoon for the tapestry Massarbault for the library of the Maison de la Culture. 1988: decoration of an industrial chimney in Bourges-Nord, destroyed in 2009. 1989: Estève created a poster (1789. La Prise de la parole) as part of the events organized in Bourges to commemorate the bicentenary of the French Revolution. 11th June: signature of the act of a second donation to the Ville de Bourges, adding five works to the museum’s collection. 1991: creation of a poster for the 15th anniversary of the Printemps de Bourges. 1993: creation of a screen print for the listing of Bourges cathedral as a Unesco world heritage site. 1997: donation of eighty lithographs, the complete collection, to the Ville de Bourges 1983

Donation by Estève of four paintings to the Musée National d’Art Moderne: Liseuse (1929), Aquarium (1944), Drôlu du Haut (1964), Le Poitevin (1977). He married Monique Prudhomme, met in 1967 in Culan.

1986

12th April: issue of a French postage stamp printed in six million copies, reproducing Skibet, an oil painting of 1979. Paris October 1986-January 1987: Estève retrospective, organized by the Réunion des musées nationaux at the Grand Palais (one hundred and sixteen paintings, fifty watercolours, forty-six drawings, fifteen collages, three tapestries), in recognition of the donation made by the artist to the Ville de Bourges. Retrospective presented in Norway, in Oslo, and in Germany, at Tübingen. 1990

Paris: exhibition of Recent paintings at the Galerie Louis Carré with a catalogue prefaced by François Chapon. 1993

Estève created the poster and programme cover for the Opera Festival at Aix-en-Provence. This gave him the opportunity to revisit with emotion the sites painted by Cézanne and to discover the Jas de Bouffand. On his return to Culan he painted a series of watercolours, presented at the Galerie Louis Carré in the spring of 1994, on the occasion of his 90th birthday, and then at the Musée Estève. 1994

The Danish musician Kim Menzer, and his brother John, working with Jean-Claude Carrière, made a documentary about Estève filmed in Culan, Bourges and Paris. Estève voluntarily stopped painting in oil, conscious of his difficulty in concentrating. He had painted more than 818 oil paintings. 1995

Publication of the catalogue raisonné of his paintings, éditions Ides et Calendes (Switzerland). 1996-1999

He created three series of collages for the calendars of the years 1996, 1997 and 2000. 1999

Exhibition Collages: Invention, subversion ou diversion ? Text by François Chapon, Bourges, Musée Estève. 2001

In March, Dr Plaussu, director of the

Galerie Tendances in Paris and the artist’s personal doctor, organized an exhibition of drawings, choosing them with Estève a few months before the artist died. 26th June 2001: Maurice Estève died in Culan.

Posthumous exhibitions 2002

Paris, Fiac, stand Galerie Claude Bernard, Hommage à Estève, works on paper

2003

Paris, Galerie Claude Bernard, Hommage à Maurice Estève, paintings 2004

Vesdun (Cher): the entire village commemorated Estève’s one hundredth anniversary, decorated in the painter’s colours. 2005

Bourges, Musée Estève, Monotypes, une forme de l’unique Paris, Galerie Claude Bernard, works on paper Paris, Galerie Daniel Gervis, Monotypes 2006

London, The Redfern Gallery, Maurice Estève 2008

Album for youth Mon petit Estève, text by Marie Sellier 2010

Musée Estrine, Saint-Rémy-deProvence, Estève, La nature morte sur le chemin de l’abstraction Exhibition shown in an enlarged version at the Musée Estève, Bourges 2012

Publication of a facsimile of Carnet de guerre, with a text by François Chapon, éditions des Cendres 2013

Paris, Salon du dessin, Applicat-Prazan, works on paper 2015 Paris, Fiac, Applicat-Prazan


Maurice  Estève

BIBLIOGRAPHIE SéLECTIVE

Selected bibliography Pierre Francastel, Estève, Galanis-Flammarion, Paris 1956

Maurice Estève, 1994 Frank Edgar, Estève, dessins, Galanis, Paris 1960 Joseph-émile Muller, Estève, coll. « Peintres d’aujourd’hui », Fernand Hazan, Paris 1961 « Hommage à Maurice Estève », XXe siècle numéro spécial conçu et réalisé par Gualtieri di san Lazzaro, Société internationale d’art du XXe siècle, Paris, 1975.

Principales institutions conservant des œuvres de Maurice Estève

Main institutions holding works by Maurice Estève

« Maurice Estève », Zodiaque n° 120 (numéro spécial), La Pierre qui vire 1979 Monique Estève-Prudhomme et Hans Moestrup,

ALLEMAGNE

LILLE, musée des Beaux-Arts

Maurice Estève : l’oeuvre gravé, catalogue raisonné, introduction

SARREBRUCK, Saarland Museum, Moderne Galerie

MARSEILLE, musée Cantini

de Dora Vallier, Forlaget Cordelia, Copenhague 1986

AUSTRALIE SYDNEY, The Art Gallery

of New South Wales BELGIQUE LIÈGE, musée des Beaux-Arts CANADA OTTAWA, National Gallery of Canada DANEMARK COPENHAGUE, Statens Museum for Kunst

METZ, musée de la Cour d’Or PARIS, musée national d’Art moderne centre Georges Pompidou

Jean Leymarie et Yves Peyré, Estève (œuvres 1919-1985),

PARIS, musée d’Art moderne

du Grand Palais, RMN, Paris 1986

de la Ville de Paris SAINT-CYPRIEN, Fondation François

et Souza Desnoyer SAINT-RéMY-de-PROVENCE, musée Estrine

Monique Estève-Prudhomme et Robert Maillard, Estève, Catalogue raisonné de l’œuvre peint,

ITALIE

NEW YORK, Andrew Dickson White

LUXEMBOURG

Museum of Art, Cornell University

LUXEMBOURG, musée de Luxembourg

ANN ARBOR UMMA (The University

LUXEMBOURG, musée d’Art et d’Histoire

of Michigan Museum of Art) BOSTON, Boston University Art Gallery

NORVèGE

FRANCE

Henie-Niels Onstad

AIX-en-PROVENCE, musée Granet

OSLO, Nasjionalgalleriet

COLMAR, musée d’Unterlinden

Musée Estève, musées de la ville de Bourges, Bourges 1990

LONDRES, Tate Gallery

MILAN, Pinacoteca di Brera

CHâTEAUROUX, musée Bertrand

Monique Estève-Prudhomme, Catalogue de la Collection du

GRANDE-BRETAGNe

éTATS-UNIS

BOURGES, musée Estève

catalogue de la rétrospective des Galeries nationales

HÖVIKODDEN, Fondation Sonja

SUèDE GÖTEBORG, Kunstmuseum

DUNKERQUE, musée des Beaux-Arts

SUISSE

GRENOBLE, musée des Beaux-Arts

GENèVE, Fondation Gandur pour l’Art

LE HAVRE, musée des Beaux-Arts

LUGANO, Fondation Thyssen-Bornemisza

Ides et Calendes, Neuchâtel 1995 Robert Maillard, Estève, Collection Polychrome, Ides et Calendes, Neuchâtel 1995 François Chapon, Catalogue de l’exposition Collages, invention, subversion ou diversion ?, suivi du répertoire complet des collages d’Estève établi par Monique EstèvePrudhomme, musées de la ville de Bourges, Bourges 1999 Monotypes, une forme de l’unique, catalogue de l’exposition suivi du répertoire complet des monotypes d’Estève établi et commenté par Monique Estève-Prudhomme, musées de la ville de Bourges, Bourges 2005 Maurice Estève, The Redfern Gallery, Londres 2006

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Maurice  Estève

R emerciements Merci à Madame Monique Prudhomme-Estève Merci à Madame Catherine Michaud Merci à Monsieur Germain Viatte* Merci à Madame Nele van der Meer Merci aux collaboratrices de la galerie, Mesdames Céline Hersant, Elspeth Chabbi, Perla Levy et Annik Rozwadowska. * Paris-Paris  (musée national d’Art moderne - centre Georges Pompidou, 28 mai-2 novembre 1981) demeure encore à ce jour la plus belle exposition qu’il m’ait été permis de voir. Travailler avec son commissaire, Monsieur Germain Viatte, à l’élaboration de ce catalogue Maurice Estève a été pour moi un privilège. Franck Prazan Applicat-Prazan 16 rue de Seine - 75006 Paris 14 avenue Matignon - 75008 Paris Tél + 33 (0)1 43 25 39 24 Fax + 33 (0)1 43 25 39 25 galerie@applicat-prazan.com www.applicat-prazan.com ApplicatPrazan

Création, édition : 23 rue du Renard 75004 Paris  Tél + 33 (0)1 43 20 10 49 contact@communicart.fr Directeur de la création : François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre Photos d’archives : Baumann (p.2), Marc Vaux (p.5), Jean Dubout (pp. 7 et 24), DR (pp.8, 11, 15, 16, 19, 20, 68, 76), RMN (p.12), Konstantinos Ignatiaotis (p.27) Photos œuvres : Courtesy Applicat-Prazan, Paris Photos Art Digital Studio © Adagp, Paris 2015 © Germain Viatte pour son texte © James Mayor pour sa traduction Imprimé en Belgique © Applicat-Prazan Dépôt légal octobre 2015 isbn 978-2-916277-41-7

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