Prune Nourry, Catharsis

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PRUNE NOURRY Catharsis





PARIS | GRENIER SAINT-L A ZARE

PRUNE NOURRY Catharsis



Avant-propos |

Foreword


PRUNE NOURRY

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CATHARSIS

La catharsis : corps, objet, purification.

Body, Object, Purification: Catharsis.

L

a catharsis, en grec “purifier”, “nettoyer” ou “clarifier”, est le telos, ou point culminant, d’un long processus physique et psychique au cours duquel, à travers la matière et le rituel, le corps et l’esprit se projettent sur notre monde. Aristote, qui a été le premier à utiliser ce terme, concevait à l’origine la catharsis comme une métaphore relative à la santé. Le corps se purifie du mal, il se défait de la maladie sur la voie de la guérison.

Ittai Weinryb

Professeur agrégé au Bard Graduate Center, New York, Etats-Unis Associate professor at Bard Graduate Center, New York, USA.

C

atharsis, in Greek meaning “purify,” “cleanse” or “clarify,” is a telos or a highpoint in a long physical and mental process in which the body and soul, through material and ritual, project themselves onto this world. Aristotle, the first to use the term, originally saw catharsis as a health-related metaphor. The body purifies itself from harm; it disposes of illness on the way to recovery.

La catharsis a souvent été vue par les psychologues comme un outil permettant d’exprimer des émotions profondément enfouies. Elle est le moyen de libérer des affects puissants et réprimés et de soulager ainsi le corps de la douleur, qu’elle soit émotionnelle, psychique ou physique. Des sociologues tels qu’Émile Durkheim l’ont définie comme un outil permettant de partager des émotions et de renforcer les liens entre les humains, offrant ainsi un moyen réciproque de partager et de vivre une confiance renouvelée dans la vie et dans l’esprit de communauté.

Catharsis was often viewed by psychologists as a tool to express deep hidden emotions. Catharsis offers a way to release strong repressed sentiments and therefore relieve the body from pain, emotional, mental or physical. Sociologists, such as Emile Durkheim, defined the term as a tool for sharing emotions and strengthening ties between humans, offering a reciprocal way to share and experience a renewed trust in life and in a sense of community.

La pratique de l’offrande votive est un phénomène global et transhistorique qui constitue un accès à la catharsis. Parfois appelés ex-voto (abréviation de l’expression latine “ex voto suscepto”, que l’on peut traduire par “selon le vœu fait”), ces artefacts matériels sont offerts à un saint, à une divinité ou à

The practice of votive giving is a global and transhistorical phenomenon that offers a gateway to catharsis. Sometimes known as ex-votos (from the Latin phrase “ex voto suscepto” translating to “from the vow made”), these material artefacts are offered to a saint, deity or otherworldly figure as an act of faith, to make a pledge or fulfill a vow. While often these objects

La Femme Miracle, 2019 Argent/Silver 232 x 170 x 12 cm 91 3/8 x 66 7/8 x 4 3/4 in. Édition de 3 + 2 E.A. Edition of 3 + 2 A.P.

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PRUNE NOURRY

une entité d’un autre monde pour faire acte de foi, pour prendre un engagement ou pour faire un vœu.

are viewed as material exchange between humans and deities, they, in fact, offer a channel for human

Bien qu’on pense souvent que ces objets servent à un échange matériel entre les humains et les divinités,

expression and disposal of harm or illness, a form of self-expression achieved through catharsis. Ex-votos

il s’agit en réalité d’un moyen pour les humains de s’exprimer et d’éliminer le mal ou la maladie, d’une

therefore can be seen as material catharsis – art made in matter in a moment of catharsis.

forme d’expression de soi réalisée dans la catharsis. On peut donc voir les ex-voto comme une cathar-

In the exhibition Catharsis, Prune Nourry investigates

sis matérielle : une œuvre d’art créée à partir de la matière dans un moment de catharsis.

the relations between art, ex-votos and catharsis. Bodily organs made in silver and terracotta, feet, arms,

Dans l’exposition intitulée Catharsis, Prune Nourry

eyes, belly, breasts and a vagina, all recall the votive process and evidence events and circumstance; they

interroge les rapports entre l’art, les ex-voto et la catharsis. Des organes en argent

are markers of illness and, as such, fragments of an autobiography. Their making reveals anguish and as-

et en terre cuite, des pieds, des bras, des yeux, un ventre, des

pirations, their presence symbolises healing. They are materials marking catharsis for the body and soul dis-

seins et un vagin rappellent le processus votif et constituent les

posed as part of a sacred ritual resulting in healing. Through a process of mimesis, the living body part is

LEUR CONFECTION RÉVÈLE ANGOISSES ET ASPIRATIONS, LEUR PRÉSENCE SYMBOLISE LA GUÉRISON.

traces d’événements et de leurs circonstances ; ils constituent des marqueurs de la maladie et, en tant que tels, les fragments d’une autobiographie. Leur confection est révélatrice d’angoisses et d’aspirations, leur présence symbolise la guérison. Ce sont les objets matériels signalant la catharsis pour le corps et l’esprit, disposés dans le cadre d’un rituel sacré aboutissant à la guérison. À travers le processus de mimêsis, l’organe vivant est imprimé dans la matière et transformé. L’engendrement d’une descendance étant l’une des

imprinted into matter and transformed. Fertility is key for making votives, as producing offsprings is a central human concern. Glass, as material, offers, on the one hand, a sense of transparency and immaculate presence, on the other hand, is associated with medical instruments where the material’s transparency denotes objectivity in the medicinal process. In Prune Nourry’s work, glass operates as a marker to the relations between votive giving and medicinal healing, especially around the issue of fertility. Her works allude to in vitro fertilization, where life is created outside the female body, in glass test tubes. The objects are ready, performing the operation, for the

Plaque votive, alliage d’argent, VIe-VIIe siècle, Syrie, The Walters Art Museum, Baltimore. Votive plaque, silver alloy, VIth-VIIth century CE, Syria, The Walters Art Museum, Baltimore.

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CATHARSIS

principales préoccupations de l’humain, la fertilité est une notion clé dans l’offrande votive. Le verre, comme matériau, produit d’une part un effet de transparence et de présence immaculée, et d’autre part, il est associé aux instruments médicaux, pour lesquels la transparence de la matière suggère l’objectivité du processus thérapeutique. Dans l’œuvre de Prune Nourry, le verre fonctionne comme un marqueur des rapports entre l’offrande votive et la guérison médicale, en particulier pour ce qui concerne la question de la fertilité. Ses œuvres évoquent la fécondation in vitro, au cours de laquelle la vie est créée en dehors du corps de la femme, dans des éprouvettes en verre. Les objets sont prêts, ils exécutent l’opération pour préparer le

La Femme Miracle, 2019 (détail)

moment cathartique marqué par la création de la vie dans le verre votif. La catharsis est ensuite accomplie.

cathartic moment marked by the creation of life out of the votive glass. Catharsis is then accomplished.

Au cœur de l’exposition, l’Amazone fait face à son sein, son organe, une partie de son corps. Le sein amputé ne constitue pas un signe de faiblesse, mais plutôt un signe apotropaïque de force. Dans la légende antique, les Amazones s’enlevaient un sein pour affirmer leur valeur en tant qu’archères. De nos jours, on procède à l’ablation mammaire afin de se protéger contre le cancer du sein. L’Amazone porte des bâtons d’encens desquels la fumée sacrée monte vers les cieux avec les vœux et la guérison émanant du sein fragmenté ; l’encens contient le moment de la catharsis, dans lequel se rejoignent la maladie, le désir, l’objet et la guérison pour s’élever et atteindre un état transcendantal.

As an axis in the exhibition, the Amazon stands in direct opposite to her breast organ body-part. The removed breast is not a sign of weakness but rather an apotropaic sign of strength. In the antique legend, the Amazons removed one of their breasts to prove their quality as archer. Today breast removal is done to protect against breast cancer. The Amazon is dotted with incense sticks, raising holy smoke to the heavens and carrying the wishes and healing from the fragmented breast; the incense capsu­ lizes the moment of catharsis - where illness, wish, object and healing meet, ascend, and become transcendental.

THEIR MAKING REVEALS ANGUISH AND ASPIRATIONS, THEIR PRESENCE SYMBOLISES HEALING.

Les ex-voto sont la catharsis faite matière. En reproduisant la plasticité de la chair et en associant les attributs de la vie et de la mort, ils sont les témoins d’émotions partagées partout dans le monde et à travers l’humanité tout entière.

Ex-votos are catharsis made in matter. Reproducing the plasticity of flesh, combining lifelike and deathlike qualities, they are evidence for shared emotions around the world and throughout humankind.

Torse aux côtes sculptées, en provenance du Nordeste brésilien, bois, avant 1960. Collection Beate Echols and Michael Shub. Torso with incised ribs, from Northeastern Brazil, wood, before 1960. Collection of Beate Echols and Michael Shub.

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PRUNE NOURRY

Fragments Archéologie de l’espoir

Fragments Archaeology of Hope

L’

archéologue jouit d’un privilège inouï : en touchant du doigt le passé, il abolit le temps. Il met au jour les archives du sol,

fait émerger les artefacts de temps révolus et sa rencontre avec les femmes et les hommes du passé s’effectue sans intermédiaire, dans cette sorte de collapse temporel vertigineux… L’anthropologue scrutateur s’immisce au cœur de l’intime, dans les ossements fossilisés ou dans l’infiniment petit des gènes anciens, cherchant à restituer une histoire parcimonieusement livrée. La longue épopée des humains, au plus loin que puisse remonter le décryptage de ses pérégrinations, est indissociable de l’histoire de ses représentations corporelles. L’archéologie et ses sciences corollaires en sont les témoins vibrants et curieux. Animal narcissique, l’homme s’est toujours représenté. Tel quel ou fantasmé. Chaque époque, chaque communauté nous livre sa façon de contempler le corps, selon les canons d’une esthétique qui peut dissuader autant qu’elle époustoufle. Avec autant d’humilité que d’arrogance. De l’opulence charnue des Vénus de la préhistoire aux musculatures incongrues des kouroï

Valérie Delattre, Théresia Duvernay Institut national de recherches archéologiques préventives French National Institute for Preventive Archaelogical research

T

he archaeologist enjoys an extraordinary privilege. In touching the past, she abolishes time. She brings to light the archives of the earth, brings forth artefacts from bygone times and encounters the men and women of the past without intermediaries, in a vertiginous telescoping of time. The poring anthropologist enters the inner depths of intimacy, via fossilised bones or the infinitely small of ancient genes as she seeks to recreate a history parsimoniously divulged. As far back as the deciphering of its peregrinations can go, the epic tale of humankind has always been inseparable from the history of its corporeal rep-

Ex-voto en tôle de bronze martelée , Ier-IIe siècle, site de la ZAC du Clos de la Fontaine de l’Étuvée, Orléans (Loiret). Ex-voto made of hammered bronze sheet, 1st–2nd century CE, Clos de la 3 de l’Étuvée development site (ZAC), Orléans (Loiret).

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CATHARSIS

athéniens, du sourire énigmatique d’un ange gothique à la stylisation effilée d’une idole cycladique, le corps, à nu ou dissimulé, magnifié et envié, jalonne l’histoire d’une humanité qui s’est projetée en images d’éternité. Il suffit de parcourir les galeries d’un musée, de feuilleter les livres d’art pour croiser ces visages et ces silhouettes. La beauté corporelle exulte dans les vitrines, au détour d’un chapiteau roman ou d’un temple Ex-voto anatomique en frêne, IIe-IIIe siècle, représentant le bas d’un corps féminin découvert à Mesnil-Saint-Nicaise (Somme).

antique. Partout, au musée comme sur Instagram, les corps sont souvent trop beaux, trop idéalisés. Car à côté d’un trop sublime profil de Néfertiti – Je suis belle, ô mortels ! comme un

Anatomical ex-voto in ash wood, 2nd–3rd century CE representing the lower body of a woman, discovered in Mesnil-Saint-Nicaise (Somme).

rêve de pierre – nous submerge aussi une humanité chahutée, 1

LES EX-VOTO ET LES EX-DONO, FRAGMENTS VOLONTAIRES EXPRIMANT LA COMPLÉTUDE PERDUE.

abîmée et incomplète. Souvent accidentée. À côté des Mendiants de Bruegel, aux chairs torturées et appareillées, l’histoire

de l’homme c’est aussi celle des grotesques grecs en terracotta, des nains musiciens de l’Égypte pharaonique, des pouilleux grimaçants de l’Antiquité et des lépreux du Moyen Âge. Une cohorte d’humains amoindris et magnifiés dans leur vulnérabilité qu’on soigne, qu’on raille, qu’on rejette ou qu’on accueille. L’histoire du corps et de ses représentations, c’est aussi celle des bubons, des moignons, des œdèmes et des peaux qui grattent et se desquament. Loin de toute beauté figée, elle raconte un quotidien plus réel, celui des souffrances, du mal-être, mais aussi de l’assistance, de la bienveillance, de l’espoir, des soins et de la guérison. Le corps narre aussi des réalités quotidiennes, faites d’heurs et de malheurs, et nos ancêtres ont su le mettre en scène dans sa crudité douloureuse. Souvent par fragments. Des petits bouts d’un grand tout. L’archéologue multiplie les découvertes de ces “incomplétudes” corporelles. Alors, bien sûr, il est des fragments miraculeux, des Milo sans bras ou des Samothrace sans tête… Mais le quotidien de l’archéologue est surtout celui d’une histoire de bouts cassés, tessons et tesselles, ballottés et malmenés après des siècles ou des millénaires d’oublis inconfortables. Et puis, il y a cet inventaire lancinant de fragments qui n’en sont pas, isolés qu’ils sont du corps global. Tels sont les ex-voto et les ex-dono, souvent anatomiques, qui jalonnent les époques, les religiosités, les panthéons en un long fil d’espérance et de soulagement. Fragments volontaires exprimant la complétude perdue. Ces “petits bouts complets”, voulus comme tels, incarnent un remerciement, portent un message, cata-

resentations. Archaeology and its corollary sciences are the vibrant and curious witnesses of this fact. Man is a narcissistic animal and has always represented himself. Warts and all or wish fulfilment. Every period, every community gives us its way of contemplating the body, in accordance with the canons of an aesthetic that can be as dissuasive as it is stunning. As humble as it is arrogant. From the fleshy opulence of a prehistoric Venus to the incongruous musculature of Athenian kouroi, from the enigmatic smile of a Gothic angel to the stylisation of a slender Cycladic idol, the body, naked or concealed, magnified and envied, appears throughout the history of a humanity that projects itself into images of eternity. You need only walk through the galleries of a museum or leaf through an art book to find these faces and figures. Corporeal beauty exults in display cases, on Romanesque capitals or in antique temples. Everywhere, in museums and on Instagram, the bodies are often too beautiful, too idealised. For alongside the excessively sublime profile of Nefertiti – I am beautiful, oh mortals, like a dream of stone1 – we are also immersed in a humanity that is frantic, damaged and incomplete. Often imperfect. Next to Bruegel’s Beggars with their tortured, crutched and callipered flesh, the history of humankind is also

THE EX-VOTO AND EX-DONO, DELIBERATE FRAGMENTS EXPRESSING A LOST COMPLETENESS.

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1. La Beauté, in Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire (1857).


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the history of terracotta Greek grotesques, of dwarf musicians from pharaonic Egypt, of the flea-ridden, grimacing figures of Antiquity and the lepers of the Middle Ages. A cohort of diminished human figures magnifying a vulnerability that is cared for, mocked, rejected or welcomed. The history of the body and its representations is also the history of bubos and stumps, of oedemas and itching and peeling skin. Far from any static beauty, it relates a more real quotidian, a world of suffering, of malaise, but also assistance, kindness and hope, care and cure. The body also narrates everyday reality, made up of fortunes and misfortunes, and our ancestors knew how to bring out all its painful rawness. Often in fragments. Little bits of a big whole. The archaeologist

Ex-voto en tôle de bronze martelée , Ier-IIe siècle, site de la ZAC du Clos de la Fontaine de l’Étuvée, Orléans (Loiret).

multiplies discoveries of these corporeal incompletenesses. And yes, of course, there are the miracu­lous

Ex-voto made of hammered bronze sheet, 1st–2nd century CE, Clos de la Fontaine de l’Étuvée development site (ZAC), Orléans (Loiret).

fragments, armless Milos or headless Samothraces. But the archaeologist’s daily lot is above all a long sequence of broken bits, shards and tesserae, churned and chipped by centuries or millennia of uncomfortable oblivion. And then there is that insistent inventory of fragments that are not fragments, isolated from the overall body. Such are the exvoto and ex-dono, often anatomical, that punctuate periods and religions and pantheons in a long line of hope and relief. Deliberate fragments expressing a lost completeness. These “complete little bits,” intended as such, embody an act of thanks, carry a message, catalyse sufferings, authorise reconstruction. Twisted legs, deformed arms, swollen lungs, migrainous heads in wood, in limestone, in bronze sheet or in marble, these bits of human beings, awkward and minimally limned or perfectly descriptive, abound close to shrines, are as much at home in the temple of a healing river god as in the church of a one-true god and his thaumaturgical saints. Figurative or schematic, they shed light on lives that are stressed and accident-prone. They speak to the invisible healer. Drawing, sculpting, describing this niggling ill, making images of the body’s ailments – this is a way of starting the cure for which we look to the invisible. The illness is fixed, diverted into a block of limestone, the slender branch of a tree or a chunk of metal. Sometimes humble fragments of wood come down to us, fragile and putrescible witnesses sealed forever into the mud whereas the arrogance of intention engraved in bronze may have

lysent des souffrances, autorisent la reconstruction. Jambes tordues, bras déformés, poumons boursouflés, têtes migraineuses, en bois, en calcaire, en tôle de bronze ou en marbre, ces bouts d’humains, malhabiles et à peine esquissés ou parfaitement descriptifs, abondent au plus près des sanctuaires, dans le temple d’une divinité fluviale guérisseuse comme dans l’église d’un dieu unique et de ses saints thaumaturges. Figuratifs ou schématiques, ils mettent en lumière des vies chahutées et accidentées. Ils s’adressent à l’invisible guérisseur. Dessiner, sculpter, décrire ce mal qui ronge, mettre les maux du corps en images amorcent la guérison qu’on attend de l’invisible. La maladie est fixée, détournée dans un bloc de calcaire, une frêle branche d’arbre ou un morceau de métal. Nous parviennent parfois d’humbles fragments de bois, témoins fragiles et putrescibles, à jamais scellés dans la boue. Alors que l’arrogance d’une intention gravée dans le bronze périra sous les coups de marteau d’une nouvelle religion destructrice. L’invisible est invoqué, l’invisible qui guérit, quand bien même on ne renonce pas au savoir des “sachants”, médecins, chamans, sorciers, druides, neurochirurgiens, oncologues, naturopathes…, dans la pénombre de rituels méconnus des grottes néandertaliennes ou dans les couloirs aux néons vacillants d’un hôpital contemporain. Qui es-tu, toi, en espérance de guérison ? Une Gauloise en mal d’enfant, au ventre si sec que tu l’as fait représenter sur une planche en bois pour la déposer dans le sanctuaire de Séquana, protectrice des sources de la Seine ? Entre femmes, déesse, et humble paysanne celte, on se comprend…

PATIENT AND CREATIVE, PRUNE CONSTRUCTS IN ORDER TO REPAIR.

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CATHARSIS

Un romain borgne, dont la vue s’est envolée sur les champs de bataille d’un empereur belliqueux ? Ton

perished under the hammer blows of a destructive new religion.

regard perdu, gravé sur le bronze, invoque Apollon et convoque la guérison.

The invisible is invoked, the invisible that cures, even when there is no renouncing the knowledge of the

Une vieille moniale cistercienne, percluse d’arthrose, boiteuse et bossue, douloureuse et tordue, accrochant

“learned,” the doctors, shamans, wizards, druids, neurosurgeons, oncologists, and naturopaths – be

ta si nécessaire béquille au-dessus de l’autel de ton Dieu unique ? Que vienne le die sanitamem et que

it in the penumbra of the lost rituals of Neanderthal caves or the flickering neon lights of contemporary

s’éloigne à jamais le dies irae… Chacun d’entre nous s’en est remis à son dieu qui sauve,

hospital corridors. Who are you, you and your hope of a cure?

à sa divinité qui guérit. À son irrationnel bienfaiteur, de la supplique à la reconnaissance. Le métronome de la

A Gaul unable to bear child, your belly so dry that you had it represented on a piece of wood to be left in the

santé qui rythme l’anxiété et le soulagement. L’intention et le remer-

sanctuary of Sequana, protector of the sources of the Seine? Goddess or humble Celtic peasant, women

ciement. Le vœu et la délivrance. Ex-voto et ex-dono.

understand women. A one-eyed Roman whose sight was struck down on

L’archéologie compose une fresque, un kaléidoscope de toutes ces vies

the battlefields of some bellicose emperor? Your lost gaze, engraved in bronze, invokes Apollo and sum-

humaines, fragmentaires et complètes. S’arrête-t-elle là ? Sans doute pas ! Elle se doit de convoquer le passé pour mieux comprendre notre présent. En posant des jalons. Les grands questionnements sont universels, et nos comportements s’inspirent de ceux du passé. Ce passé qui précède un futur antérieur. Alors ? De nos jours ? Avons-nous recours à nos propres invisibles guérisseurs ? Notre époque où l’expertise et la technologie règnent en maîtres a-t-elle délaissé la folle espérance de l’irrationnel à vouloir tout connaître et tout comprendre ? Ou, à l’inverse, laisset-on trop de place à ce non palpable au point qu’il n’est plus audible ? Et puis il y a des invisibles insoupçonnés. L’art en est un. Prune s’approprie et réinvente le processus universel et plurimillénaire de la catharsis. Prune, patiente et créatrice, construit pour réparer. Prune a trouvé son sanctuaire.

mons restoration. An old Cistercian nun, racked with arthritis, limping and hunchbacked, twisted and in pain, hanging your much-needed crutch above the altar of your one true God? May the die sanitamem come and may the dies irae never return. We have all placed our trust in our saving god, in our healing divinity. In our irrational benefactor, from supplication to gratitude. The metronome of health that sets the rhythm of anxiety and relief. Intention and thanks. Vow and deliverance. Ex-voto and ex-dono. Archaeology composes a fresco, a kaleidoscope of all these fragmentary or complete human lives. Does it stop there, though? Surely not! Its role is to summon the past in order to better understand our present. By putting down markers. The big questions are universal, and our present behaviour is inspired by ancient patterns. A past that precedes a future perfect. So what about today? Do we, too, resort to our own invisible healers? Has our period when expertise and technology reign supreme abandoned the mad hope of the irrational in its obsession with knowing and understanding everything? Or, conversely, do we leave too much room to this impalpable something, with the result that we can no longer hear it? And then there is the unsuspected invisible. Art is one such. Prune appropriates and reinvents the universal and multimillennial process of catharsis. Patient and creative, Prune constructs in order to repair. Prune has found her shrine.

PRUNE, PATIENTE ET CRÉATRICE, CONSTRUIT POUR RÉPARER.

Head of Terracotta Daughter #1 Haoping (Mold), 2013 Bronze/Bronze 40 x 12,5 x 32 cm 15 3/4 x 5 x 12 5/8 in.

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PRUNE NOURRY

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CATHARSIS

Entretien |

Interview

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PRUNE NOURRY

Dîner Procréatif/ Procreative Dinner, 2009 Performance, Geneva, Switzerland.

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CATHARSIS

Prune Nourry:

on Sculpture and from the Singular to the Universal

de la sculpture et de l’expérience singulière à l’universel

P

ar-delà la dimension solitaire de la sculpture, le collectif et le social occupent une place importante dans le travail et dans l’œuvre de Prune Nourry. Rencontre et dialogue entre l’artiste et Alain Quemin, critique d’art, professeur de sociologie à l’université Paris 8 et membre de l’Institut universitaire de France. Alain Quemin — Un trait important de votre pratique artistique consiste à procéder par projets en mobilisant toute une chaîne de coopération autour de vous – nous y reviendrons–, mais à la base de votre pratique, en lien avec votre formation, il y a la sculpture… Prune Nourry — Absolument. Pour moi, la sculpture constitue l’épine dorsale de mon travail.

Alain Quemin

Entretien avec / Interview with Prune Nourry, 9.9.2019

B

eyond the solitary aspect of sculpture, the collective and the social occupy an important position in Prune Nourry’s practice and work. The artist spoke to Alain Quemin, an art critic, professor of sociology at the Université Paris-8 and member of the Institut Universitaire de France. Alain Quemin — An important aspect of your artistic practice is that you proceed by projects, mobilising a whole chain of cooperation around you. We’ll talk more about that, but at the base of your practice, in relation to your training, there is sculpture. Prune Nourry — Absolutely, for me sculpture is the backbone of my work.

— Vous avez reçu une formation très axée sur la maîtrise technique de la sculpture sur bois, à l’École Boulle, néanmoins, le bois est assez peu présent dans votre œuvre. Ce matériau a pourtant des veines, on pourrait donc s’attendre à ce qu’il résonne fortement avec votre travail qui a trait au corps, et qu’il l’envahisse, mais ce n’est pas le cas. Comment expliquer cela ? — La sculpture sur bois a été pour moi très importante, au-delà du matériau même. Le choix du bois, c’était aussi celui d’une formation et d’une démarche. Je trouvais très intéressant de suivre un apprentissage qui n’était pas axé sur le concept mais sur la

— Your training at the École Boulle put great emphasis on technical accomplishment in wood sculpture but wood isn’t very prominent in your art. And yet it’s a material that has veins and one might expect it to resonate powerfully with your work, which has to do with the body, and to be everywhere in it, but that’s not the case. How do you explain that? — Wood sculpture has been very important for me, in a way that goes beyond the actual material. Choosing 15


PRUNE NOURRY

matière, sur la maîtrise du savoir-faire, en considérant que le concept était et serait en moi, que je pourrais le développer au long de mon parcours. — Quand vous avez suivi la formation en sculpture de l’École Boulle, vous vouliez déjà devenir artiste plasticienne ? — Exactement, depuis que j’ai une dizaine d’années, c’était clairement mon objectif même si je ne savais pas bien ce que ça voulait dire être artiste ! L’École Boulle était vraiment pour moi le moyen d’accéder à la technique. Je suis entrée et je suis sortie de l’École avec le projet de devenir artiste, cela s’imposait à moi. J’ai commencé ma formation avec un enseignant très axé sur la dimension artisanale et je l’ai poursuivie avec un second professeur plus centré sur l’artistique. Les deux m’ont beaucoup donné. rune Nourry sculptant les Terracotta Daughters P à Xi’An, Chine, 2012.

— La formation de l’École Boulle est très axée sur le bois… — C’est très vrai, mais il y a deux spécialités, le bois et le métal. Personnellement, j’ai choisi le bois, parce que c’est l’un des matériaux les plus difficiles à sculpter, précisément à cause des veines, du sens du fil qu’il faut respecter, des collages qu’il faut faire ; on enlève de la matière, le rapport au temps et à l’outillage est très complexe. Il faut aussi anticiper comment le bois bouge dans le temps, on a vraiment le sentiment de travailler avec une matière vivante.

rune Nourry sculpting the Terracotta Daughters P in Xi’An, China, 2012.

wood also meant choosing a training and an approach. I found it very interesting to take a training that was based not on a concept but on a material, on mastery and know-how, bearing in mind that I had and would continue to have a concept, one that I could go on developing throughout my career.

LA TERRE EST UN MATÉRIAU TRÈS ORGANIQUE, ELLE OFFRE UNE GRANDE LIBERTÉ.

— When you took the sculpture course at the École Boulle, did you already want to be an artist? — Exactly, ever since I was about ten, that was clearly my goal! Even though I didn’t really know what that meant. For me, the École Boulle was really a way of acquiring technique. I entered and I left the school with a plan to become an artist. This was clear to me. I started my training with a teacher who was very interested in the artisanal dimension and I continued with a second teacher who concentrated more on the artistic. Both really gave me a lot.

— Et le métal ? — À l’École Boulle, j’allais aussi souvent visiter les ateliers de métal, cela me sert également aujourd’hui quand je recours à ce matériau. Cela m’a inspirée pour travailler avec un orfèvre pour créer, par exemple, La Femme Miracle en argent, dans mon exposition actuelle. J’avais pu découvrir cette technique du métal dans l’atelier de ciselure et cela m’intéressait déjà beaucoup. J’ai réalisé la sculpture initiale en terre, ensuite nous avons créé le moule et le contremoule, puis nous avons confié celui-ci à un artisan orfèvre.

— The École Boulle training is very strong on wood… — That’s quite true, but there are two specialities, wood and metal. Personally, I chose wood because it’s one of the most difficult materials to sculpt, precisely because of the veins and direction of the grain, which you have to respect, the gluing you have to do; you take away material, the relation to time and the tools is very complex. You also have to anticipate the way the wood will move in time. You really do have the feeling you’re working with living matter.

— Vous avez un grand respect pour l’artisanat… — Tout à fait. Je pense que l’École Boulle m’a rendue très sensible à cet univers de l’artisanat. Pour moi l’artiste et l’artisan sont complémentaires, je ne cherche pas à être spécialisée dans un unique matériau, je me mets souvent en danger avec des nouvelles techniques, par curiosité ou pour sortir de ma zone de

— And metal? — I also spent quite a lot of time in the metal workshop at Boulle, and that’s also of use to me now, when I work 16


CATHARSIS

confort, la tête dans les nuages, là où l’artisan a plus les pieds sur terre, bien ancré dans une spécialité qu’il

with that material. It inspired me to collaborate with a silversmith to create, for example, the silver Femme

maîtrise. L’artiste le pousse à penser autrement et, ensemble, ils réalisent une idée qui, au départ, sem-

Miracle in my current show. I discovered that metalworking technique in the chasing workshop and it al-

blait techniquement impossible.

ready interested me a lot back then. I made the initial sculpture in clay, then we created the two moulds, after

— Vous pouvez donner un exemple ? — Dans cette exposition, la River Woman, qui est

which we entrusted this to a silversmith.

exposée dans la section “In vitro” de la galerie, au soussol, et qui a déjà été montrée dans l’exposition Glass-

— You have a lot of respect for craftsmanship… — Quite so. I think the École Boulle made me very at-

tress pendant la Biennale de Venise de cette année, a été réalisée en verre de laboratoire. J’ai contacté un

tentive to this world of crafts. For me, the artisan and artist are complementary. I don’t try to specialise in a

maître verrier de Murano car j’avais vraiment envie depuis longtemps de réaliser cette œuvre en verre et

single material, I frequently take risks with new techniques, out of curiosity or in order to step outside my

tous les artisans que j’avais contactés m’avaient dans un premier temps répondu que c’était impossible. Je

comfort zone, with my head in the clouds, whereas the artisan has

leur disais qu’il fallait absolument que l’on trouve une solution, ce projet me tenait vraiment à cœur. En vou-

his feet more on the ground, is well rooted in a speciality that he mas-

lant à tout prix trouver un moyen et en réfléchissant, j’ai fini par leur proposer de travailler en verre de laboratoire, en Pyrex, pour que ce soit plus solide. En plus, je trouvais que cela renforcerait encore le concept, le sens de l’œuvre. Je pense que ça, c’est aussi un vrai travail de l’artiste que de chercher à exprimer le plus clairement possible l’idée qui donne son sens à sa création. Parce qu’on a trouvé un langage commun, on a trouvé ensemble un artisan de la région, spécialisé dans le Pyrex. Tout est alors devenu fluide et organique. Je pense que cette relation artisteartisans, faite d’un grand respect pour ceux-ci, pour toute l’aide qu’ils apportent à mon travail, vient vraiment nourrir mon œuvre, sa réalisation et le sens que je recherche. J’ai une grande estime pour le savoirfaire qui m’amène à m’intéresser aux techniques, à chercher à les maîtriser moi-même, mais aussi, quand c’est nécessaire, à déléguer une partie de la réalisation à des collaborateurs qui sont de véritables experts en leur domaine.

ters. The artist incites him to think differently and together they produce an idea that at the beginning seemed technically impossible.

CLAY IS A VERY ORGANIC MATERIAL, SO IT OFFERS REAL FREEDOM.

— Could you give an example? — In this exhibition, River Woman, which is exhibited in the gallery’s “In vitro” section, in the basement, and which has already been shown, in the Glasstress exhibition at this year’s Venice Biennale, was made in la­boratory glass. I contacted a master glassmaker in Murano because for a long time I had really wanted to make this work in glass and all the artisans I contacted replied straight out that it was impossible. I told them that we absolutely had to find a solution, that this project was really important to me. I was really set on finding a way to do it and, thinking hard, I ended up suggesting they work with laboratory glass, in Pyrex, so that it would be more solid. What’s more, to me this further strengthened the concept, the meaning of the work. I think that this too is what an artist does, to try to express as clearly as possible the idea that gives the creation its meaning. Because we found a common language, together we found an artisan from the region who specialised in Pyrex. Everything now became fluid and organic. I think that this artist-artisan relationship, founded on my great respect for them, for all the help they give me in my work, really nourishes my art, its processes and the meaning I am looking for. I really admire expertise, which is why I get interested in techniques and try to learn them myself, but also, when necessary, to delegate part of the making to collaborators who are true experts in their field.

— Et parmi tous les matériaux que vous utilisez, lequel serait votre matériau de prédilection ? — La terre ! L’argile est un peu un matériau non noble, j’aime qu’elle se trouve partout. Pour beaucoup de sculpteurs, c’est un matériau d’esquisse. Bizarrement, je ne suis pas quelqu’un qui réalise beaucoup d’esquisses ou de dessins, je préfère effectuer plusieurs tentatives. L’œuvre finale ne sera pas forcément en terre, mais j’aime travailler la terre, je peux mouler ensuite ma sculpture initiale pour réaliser l’œuvre en d’autres matériaux. La terre est un matériau très organique, d’un processus moins contraignant que le bois, elle offre une grande liberté. On peut ôter, ajouter facilement et on peut travailler directement avec ses mains, sans outils.

— And out of all the materials you use, which is your favourite? 17


PRUNE NOURRY

— Vous êtes à la fois une artiste qui s’investit physiquement dans ses propres œuvres, qui sculpte

— Clay! Clay is kind of a modest material; I like the fact that it’s everywhere. For many sculptors it’s a mater­

notamment, et en même temps, vous êtes un exemple d’artiste entrepreneuse, qui anime, qui

ial for sketches. Oddly enough, I’m not someone who makes many sketches or drawings. I prefer to make sev-

coordonne des équipes autour d’elle, qui développe des projets de grande envergure qui ne pourraient

eral attempts. The finished work may not necessarily be in clay, but I love working the material. I can mould

pas être menés si elle créait seule… — À part pour sculpter, où j’aime être seule dans un

my initial sculpture and then make the piece in other materials. Clay is a very organic material, its process is

cocon, j’aime travailler en équipe et dans l’action. Actuellement, je mène de front un projet double,

less restrictive than with wood, so it offers real freedom. It’s easy to remove and add things and you can work

Catharsis et Serendipity. Le second est un film, un vrai travail d’équipe. C’est un documentaire sur les

directly with your hands, without tools.

liens troublants entre la maladie qui m’a touchée à 31 ans, un

— You are both an artist who engages physically with her own works, who sculpts for example, and at the

cancer du sein, et les projets passés que j’avais développés avant

same time you’re an example of the artist as entrepreneur, who leads and coordinates teams, who develops

cela sur plus de dix ans. Comme si j’avais lu dans le futur, ou que

large-scale projects that could not be realised if she created on her own.

j’aie sculpté la tumeur comme de la matière en moi. Catharsis est un point d’aboutissement, ou au moins de passage, une synthèse des préoccupations qui avaient déjà affleuré dans ma pratique antérieure. Les sculptures qui appartiennent à cet ensemble Catharsis vont au-delà du sein, touchent tout le corps, notamment la fertilité, car elle peut être affectée par la chimiothérapie. Ainsi, j’ai dû faire prélever et congeler mes ovocytes pour préserver mes chances d’une grossesse future. Certes, je pars ici de mon vécu, de mon expérience personnelle, mais j’espère porter un message plus universel, pouvoir parler à des gens estropiés par la vie d’une façon ou d’une autre. Nous sommes tous pleins de cicatrices, du corps ou de l’âme. Nous sommes tous morcelés, cherchant à nous construire ou à nous reconstruire. Ce projet parle aussi de l’amputation, physique ou symbolique. C’est vraiment là l’objet de mon projet Catharsis.

— Apart from sculpting, when I like to be alone in a cocoon, I enjoy working in a team, being in the thick of the action. At the moment I’m busy on a double project, Catharsis and Serendipity. The second is a film, a real piece of teamwork. It’s a documentary about the troubling connections between the illness that hit me when I was 31, breast cancer, and past projects that I worked on over ten years before that. It’s as if I’d seen the future, or as if I sculpted the tumour like a mater­ial within me. Catharsis is a culmination or at least a transitional moment, a synthesis of concerns that had already come to the surface in my earlier practice. The sculptures in this ensemble are not just about the breast, they touch on the whole body and notably fertility, which can be affected by chemotherapy. For example I had to have oocytes retrieved and frozen in order to preserve my chances of a future pregnancy. Yes, it’s true that I started with my personal experience here, but I hope to be able to convey a more universal message, to be able to speak to people who have been maimed by life in one way or another. We are all covered in scars, on the body or on the soul. We are all broken up and trying to construct or reconstruct ourselves. This project also talks about amputation, both physical and symbolic. That is really the subject of my Catharsis project.

CATHARSIS EST UN POINT D’ABOUTISSEMENT, OU AU MOINS DE PASSAGE.

CATHARSIS IS A CULMINATION OR AT LEAST A TRANSITIONAL MOMENT.

—Cela vous est venu comment au cours de la maladie ? — L’idée s’est révélée et imposée progressivement au cours de mes traitements. J’ai vécu des situations étranges comme le fait de me retrouver allongée, les jambes écartées, pour le prélèvement de mes ovocytes par un médecin, alors que j’avais filmé une situation similaire des années plus tôt. Je me suis replongée dans mes archives et j’ai retrouvé mes rushes, filmant une femme les jambes écartées qui faisait exactement la même chose que moi. Et c’était précisément à cause d’un cancer du sein. J’avais complètement oublié cela. Dans un projet passé, les Dîners Procréatifs, je faisais servir un moulage de mon téton en pâte d’amande sans savoir que je le perdrais un jour. Je servais égale-

— How did this come to you during the illness? — The idea came to me and developed gradually during my treatment. I lived through some strange situations, like lying down, legs apart, so that a doctor could retrieve my oocytes, when in fact I had filmed a similar situation years earlier. I delved back into my archives 18


Walking Holy Daughter, 2012 Bronze, verre/Bronze, glass 152,5 x 53 x 95 cm 60 x 21 x 37 1/2 in.

19


PRUNE NOURRY

ment des œufs congelés en entrée ! J’avais fait beaucoup de recherches dans la clinique du professeur

and I found my rushes, filming a woman with legs open doing exactly the same thing as me. And it was precisely

René Frydman et j’ai été prise en charge dans la clinique de son successeur, le professeur Michael Gryn-

because of a breast cancer. I had completely forgotten it. In an old project, the Procreative Dinners, I served

berg. J’étais venue dans cet espace comme observatrice, pour nourrir mon œuvre, et des années plus tard,

up a cast of my nipple made of marzipan. I had no idea that one day I would lose it. I also served frozen eggs as

je me retrouvais dans la position de patiente. L’inversion des rôles était troublante. Ces images que j’avais

an appetiser! I did a lot of my research in the clinic of professor René Frydman and I was treated in the clinic

filmées alors prenaient un autre sens, elles allaient trouver toute leur place dans un projet bien ultérieur.

of his successor, professor Michael Grynberg. I had entered that space as an observer, looking for ideas for my

— Votre œuvre se développe à la fois par projets

work, and years later I found myself in the position of a patient. The role reversal was disturbing. Those images

et par cycles qui regroupent plusieurs de ceux-ci… — Effectivement, il y a des pro-

I’d filmed at the time now took on a new meaning. They were going to take their place in a much later project.

jets à grande échelle que je mène, et, parallèlement à ceux-ci, il y a

— Your work develops both in projects and in cycles

des petits thèmes qui émergent et qui, souvent, plus tard, se

of several projects. — That’s right. There are the large-scale projects that

développent selon un principe inattendu de “sérendipité”. C’est vraiment ce qui m’a incitée à créer un film et ce qui l’a guidé. L’expérience de la maladie a suscité d’autres coïncidences troublantes : pour la reconstruction de mon sein, le chirurgien m’a proposé de recourir à de la peau de fœtus bovin, de devenir en quelque sorte un hybride femme-vache, comme dans mes projets passés, Holy Daughters et Holy River ! Je n’ai pas souhaité recourir à cette technique, mais c’était très troublant de me retrouver ainsi, en quelque sorte en position de sculpture, de mes propres sculptures de surcroît, alors qu’elles peuvent paraître tellement irréelles. Mais les nouvelles technologies du vivant, qui sont une des préoccupations de mon travail, déplacent les frontières tout comme la création artistique.

I do and, parallel to these, there are smaller themes that emerge and that develop by their own serendipitous logic. That’s really what led me to make a film, and what guided the film. The experience of illness brought about other troubling coincidences, too. To reconstruct my breast, the surgeon suggested we use the skin of a bovine foetus, so I would become a kind of woman-cow hybrid, just like in my past projects Holy Daughters and Holy River! I decided against that technique, but it was very disturbing to find myself in the position of a sculpture, and one of my own sculptures, too, when these may seem so unreal. But the new biotechnologies that are one of the concerns of my work are shifting the frontiers, just as art does.

J’AIME LA DURÉE QU’APPORTENT CERTAINS MATÉRIAUX, MAIS AUSSI L’ÉPHÉMÈRE.

— It could be said that your first three projects, the Bébés Domestiques, the Procreative Dinners and the Sperm Bar all belong to the same cycle, with that transversal interest in questions of procreation, selection and hybridisation that you have just mentioned. — Absolutely. In this ensemble, the Procreative Dinner was an important phase. The question of selection, notably of sex, was what drove the development of the Asian trilogy, because the imbalance of the sexes is a very important societal issue there. Sociology, anthropology, demography – they all interest me a great deal.

— On peut dire que vos trois premiers projets, les Bébés Domestiques, les Dîners Procréatifs et le Sperm Bar, appartiennent à un même cycle, avec cet intérêt transversal pour les questions de procréation, de sélection et d’hybridation que vous venez d’évoquer… — Absolument. Dans cet ensemble, le Dîner Procréatif a été une étape importante avec la question de la sélection, notamment du sexe, cela a permis à la trilogie asiatique de se développer ensuite, parce que le déséquilibre entre les sexes y représente un sujet de société très important. La sociologie, l’anthropologie, la démographie, tout cela m’intéresse beaucoup.

— The series with Holy Daughters, Holy River and Terracotta Daughters constitute another cycle, directly engendered by the previous one, which was very important because these projects, and particularly the third one, got your work a lot of attention. — Those works were essential for me because they really brought me closer to artisans. When I was working on the Holy Daughters project in 2010, I naturally sculpted those pieces myself, in clay, but later on I worked

— Les séries des Holy Daughters, Holy River et Terracotta Daughters constituent un autre cycle, direc20


CATHARSIS

tement engendré par le précédent qui est très important parce que ces projets, en particulier le troisième,

with a master founder to make them in bronze so as to finance my performance. Some time after that, I left an

ont beaucoup attiré l’attention sur votre travail… — Ces travaux sont aussi essentiels pour moi, parce

acrylic resin version of the work out in the street in India and recorded people’s reactions. I went back to India

qu’ils m’ont beaucoup rapprochée des artisans. Quand j’ai mené le projet des Holy Daughters en

again for Holy River, this time to work with craftsmen who use clay

2010, je les ai, bien sûr, sculptées moi-même, en terre, mais j’ai ensuite travaillé avec un maître fon-

taken from the Ganges, the holy river, and I invented a new divin-

deur pour les réaliser en bronze pour financer ma performance. J’ai ensuite placé et abandonné une

ity, asking people to reappropriate it in keeping with their codes. I

version en résine acrylique de ces œuvres dans les rues, en Inde, et j’ai documenté les réactions des

started out with the Holy Daughters, which were black and naked,

gens. Par la suite, pour Holy River, je suis repartie en Inde, pour travailler cette fois avec des artisans tra-

but the Indians I was working with explained that the divinity had to

vaillant la terre extraite du Gange, le fleuve sacré, et j’ai inventé une nouvelle divinité en demandant aux

be white and dressed in cloth and flowers. Having made the statue,

gens de se la réapproprier selon leurs codes. J’étais partie des Holy Daughters, qui étaient noires, nues.

we followed the traditional Puja procession, at the end of which it

Mes interlocuteurs indiens m’ont expliqué qu’il fallait que la divinité soit blanche et habillée de tissus et de fleurs. Une fois la statue fabriquée, nous avons suivi la procession traditionnelle des Pujas, au terme de laquelle elle a été immergée dans le Gange et a disparu. Pour la série suivante, celle des Terracotta Daughters, j’ai aussi travaillé avec des artisans.

was put into the Ganges, where it disappeared. For the next series, the Terracotta Daughters, I again worked with craftsmen.

I LIKE THE ELEMENT OF DURATION YOU GET WITH CERTAIN MATERIALS, BUT ALSO THE EPHEMERAL.

— Would you agree that the performance aspect was more developed in your first projects, whereas later on it was as if sculpture caught up with you again, and it now plays a more important role? — I like the element of duration you get with certain materials, but also the ephemeral, when only the story is left. Terracotta Daughters is an installation, it’s there, underground, in China, but in a sense it has dis-

—Êtes-vous d’accord que, dans vos premiers projets, la dimension de performance était davantage développée, alors que, par la suite, vous avez été comme rattrapée par la sculpture, laquelle occupe désormais une place plus importante ? — J’aime la durée qu’apportent certains matériaux, mais aussi l’éphémère et l’histoire seule qui reste. Terracotta Daughters, c’est une installation, elle est là, sous terre, en Chine, mais elle a disparu d’une certaine façon, pour un temps. Pour Catharsis, j’ai créé une œuvre centrale, l’Amazone, qui est une sculpture, mais elle s’est accompagnée de deux performances, l’une dans le Meatpacking District à New York, sur une place publique sous la High Line ; la seconde performance était réservée à mes proches, sur une barge au milieu de la Hudson River, comme un rite de passage, un voyage symbolique, pour marquer la fin des traitements et la guérison. Mon désir, pour cette sculpture, serait qu’elle rejoigne une institution comme un hôpital où elle serait accessible aux femmes qui traversent la même chose que ce que j’ai vécu, et qui pourraient déposer un bâton d’encens, comme un geste appelant une guérison ou un remer-

Prune Nourry à cheval et l’équipe de création des Terracotta Daughters. Portrait of Prune Nourry on a horse and the Terracotta Daughters factory team.

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PRUNE NOURRY

ciement pour celle-ci. Il s’agirait ici de créer un nouveau rituel, comme ceux qui existent pour favoriser la

appeared, for a while. For Catharsis I created a central work, The Amazon, which is a sculpture, but it was

fertilité quand on doit tourner autour d’un pilier dans un temple, ou comme les Mizuko Kuyo au Japon.

also accompanied by two performances, one in New York’s Meatpacking District, on a public square be-

— Dans votre travail, le cérémoniel est important…

low the High Line, while the second was done exclusively for family and friends, on a barge in the middle

— Oui, c’est vrai, cela me surprend un peu, dit ainsi, mais c’est exact. Le rituel, le symbole, et aussi l’his-

of the Hudson River, like a rite of passage, a symbolic voyage to mark the end of my treatment and my cure.

toire qu’on raconte après autour du projet ou de la performance sont importants pour moi. Tout comme

What I would like for this sculpture is for it to enter an institution like a hospital, where it could be seen by

le processus de fabrication, qui fait tout autant partie de l’histoire et qui est aussi une forme de rite.

women who are going through the same thing as I went through. They could leave an incense stick as a

— Vous anticipez souvent la manière dont le spec-

way of asking for a cure or giving thanks for one. The idea would be to create a new ritual, like the fertility rite

tateur peut s’approprier l’œuvre, et plus précisément comment cette appropriation peut se faire de

when you have to walk around a pillar in a temple, or like the Mizuko Kuyo in Japan.

manière collective. La sculpture n’est pas du tout un objet inerte

— The ceremonial aspect is important in your work.

dont l’artiste se désintéresserait après sa création… — J’aime clairement créer des histoires mais c’est aussi important pour moi que l’autre puisse s’approprier l’œuvre et se raconter son histoire. Pour les Holy Daughters, la Holy River ou les Terracotta Daughters, je ne pouvais pas du tout savoir comment les gens se les approprieraient. Je ne peux pas, et d’ailleurs je ne veux pas, contrôler le devenir de mes œuvres. Quand j’ai fait voyager les Terracotta Daughters de la Chine au Mexique en 2014, l’exposition a connu un grand succès parce que les visiteurs étaient convaincus qu’elles étaient mexicaines, en réinterprétant l’œuvre au regard de la place des femmes dans leur pays, les violences exercées contre celles-ci, les disparitions et les féminicides. C’était un contexte culturel très différent de celui dans lequel l’œuvre avait été pensée et créée, mais elle fonctionnait également de la sorte.

— Yes, that’s true. It sounds a bit surprising when put like that, but it’s true. Ritual, symbols and also the stories that are told around the project or performance are important to me, as is the production process, which is just as much a part of the story and is also a form of rite.

JE SUIS SENSIBLE À L’ASPECT INCLUSIF, QUE L’ŒUVRE NE S’ARRÊTE PAS À MON SEUL REGARD.

— You often anticipate the way in which viewers may appropriate the work and, more precisely, the collective way in which this appropriation may take place. With you, sculpture is anything but an inert object that the artist loses interest in after making it. —I clearly like to create stories but it’s also important to me that others should be able to appropriate the work and tell their story. For Holy Daughters, Holy River and Terracotta Daughters, there was no way I could know how people were going to appropriate them. I can’t and in fact don’t want to control what my works become. When I took the Terracotta Daughters from China to Mexico in 2014, the exhibition was a great success because visitors there were convinced that it was Mexican and interpreted the work in terms of the place that women have in their country, and the violence against them, the disappearances and femicides. The cultural context was very different from the one in which the work was conceived and made, but it also worked in that way.

— Mais c’est un objectif de votre travail que les œuvres puissent interagir avec les gens auxquels elles seront confrontées, et que ce ne soit pas seulement une réaction individuelle, que les œuvres parlent aussi à des groupes… — Je suis sensible à l’aspect inclusif, que l’œuvre ne s’arrête pas à mon seul regard. J’aime que l’œuvre vive ; pour moi, une sculpture est prête quand elle me donne l’impression qu’elle a une vie à part entière. Je me rappelle avoir terminé la sculpture Walking Holy Daughter une nuit à cinq heures du matin ; je suis sortie de mon atelier et, quand je suis entrée de

— But that is something you aim for, that works can interact with the people who see them, and for something more than just individual reactions, that the works should also speak to groups. — I am very conscious of inclusiveness, the idea that the work doesn’t end with my simple gaze. I like the work to live; for me, a sculpture is ready when it gives me the impression that it has a life of its own. I remember when I completed the Walking Holy Daughter sculpture one night at five in the morning. I went out 22


CATHARSIS

nouveau dans la pièce, j’ai flippé, j’ai eu l’impression qu’il y avait quelqu’un qui me regardait. J’ai su qu’elle était prête. Ensuite, la vie de l’œuvre se poursuit à travers le regard des spectateurs, ils l’interprètent selon leur culture, leur cadre de référence, leur histoire…

Les Terracotta Daughters au Diego Rivera Anahuacalli Museum, 2014 (Mexico City, Mexico), musée conçu en 1941 par Diego Rivera sur le modèle d’un temple aztèque. The Terracotta Daughters at Diego Rivera Anahuacalli Museum, 2014 (Mexico City, Mexico), a museum designed by Diego Rivera in 1941 along the lines of an Aztec temple.

— Vos œuvres contiennent de nombreuses thématiques sociales – qui sont centrales pour les sciences sociales d’aujourd’hui – le genre et la place des femmes, la filiation et la sélection questionnées par les nouvelles technologies de procréation, l’identité, même la mondialisation quand vous faites circuler les œuvres dans des contextes nationaux et culturels très différents, mais il y a aussi une dimension fortement sociale dans votre travail à travers les occasions collectives de réagir face aux œuvres que vous intégrez dans votre démarche… — Absolument. Je pense que l’individuel et le social sont liés. D’ailleurs, mon expérience individuelle du cancer s’inscrit dans une histoire universelle, elle y a trouvé sa place et l’alimente, les deux ne sont pas antinomiques.

of my studio and when I came back into the room, I flipped out, I had the impression that something there was watching me. I knew then that it was ready. Afterwards, the life of the work continues in the gaze of beholders. They interpret it in keeping with their culture, their frame of reference, their history. — Your works contain a lot of social themes, themes that are central in the social sciences today: gender and the position of women, filiation and selection as questioned by the new technologies of procreation, identity, and even globalisation when you have the works circulate in very different national and cultural contexts. But there is also a strong social dimension in your art because of the opportunities for a collective response to the works that you integrate into your approach. — Absolutely. I think that the individual and the social are connected. Indeed, my individual experience of cancer is part of a universal history – it takes its place

I AM VERY CONSCIOUS OF INCLUSIVENESS, THE IDEA THAT THE WORK DOESN’T END WITH MY SIMPLE GAZE.

— Votre processus de création est également très partagé entre le solitaire et le collectif. — Il y a, dans mon travail, une part vraiment très solitaire. Quand je fais de la sculpture, je n’aime pas que l’on me regarde faire ou que l’on me parle. Ça a été très dur pour moi, en Chine, parce que je travaillais dans un atelier grand ouvert où beaucoup de gens du village venaient voir la curiosité, l’étrangère qui faisait des “soldates”, alors que j’avais vraiment besoin d’être 23


Collection d’ex-votos de l’artiste dans son studio, Brooklyn, New York, Etats-Unis. Collection of ex-votos in the artist’s studio, Brooklyn, New York, USA.

concentrée. Au départ, je fais une œuvre de façon très personnelle, individuelle, parce qu’elle m’est nécessaire et qu’elle me vient des tripes. Ensuite, une fois que je l’expose, l’œuvre ne m’appartient plus vraiment, et j’apprends des autres, qui y voient des choses que je n’avais pas vues.

there and contributes to it. These two things are not mutually exclusive. — Your creative process is also very much divided between the solitary and the collective. — There is a part of my work that is really very soli­ tary. When I am making sculpture, I don’t like to be watched, or people to talk to me. It was very hard for me in China because I was working in a studio that was totally open and lots of villagers came along to see the curiosity, this foreign woman who was making women soldiers, when I really needed to concentrate. At first, I make work in a very personal, individual way, because it’s a necessity for me, it comes from the gut. Afterwards, when I exhibit it, the work doesn’t really belong to me any more and I learn from others who see things in it that I hadn’t.

— Mais votre travail se caractérise par une forte présence du multiple. En sculpture, il existe plusieurs originaux, vous recourez aussi à des moules, après la phase de sculpture, vous effectuez tout un travail de coordination auprès d’artisans et de collaborateurs, des cérémonies peuvent intégrer aussi un ensemble de personnes. Cette conception du processus de création et de réception échappe complètement au cliché de l’art comme activité uniquement individuelle… — C’est vrai que j’aime beaucoup utiliser des moules. Cela me permet de faire exister l’œuvre de diverses façons, de tester différents matériaux, de raconter l’histoire différemment ou en contrastes. Là encore, la diversité permet aussi de se mettre en danger, de sortir de sa zone de confort.

LE CANCER EST VENU ME RAPPELER QUE L’ARTISTE N’EST JAMAIS OBJECTIF.

— But there is a strong sense of the multiple in your work. In sculpture there are several originals. You also use moulds. After the sculpture phase you do a whole lot of work coordinating with artisans and collaborators, and the ceremonies can involve groups of people. This conception of the process of creation and reception is completely at odds with the cliché of art as a uniquely individual activity. — It’s true that I really like to use moulds. It means I can make the work exist in different ways, I can try out different materials, can tell the story differently or with contrasts. There too, diversity is a way of taking risks, of getting outside my comfort zone.

— Vous accordez une grande place à penser à ce que vont devenir les œuvres, qui ne sont pas de simples objets dont vous vous désintéresseriez une fois créés, qui sont investis d’une vie, d’une destinée… —Une œuvre est perçue selon les cadres de réfé-

— You give a lot of time to thinking about what the works will become. These are not simple objects that 24


CATHARSIS

rences des gens qui vont être confrontés à elle, mais les personnes peuvent aussi s’intéresser à mes

you lose interest in once you’ve made them. You give them a life, a destiny of their own.

intentions, je n’impose rien, j’aime bien les différents niveaux de lecture possibles. J’aime quand une œuvre

— A work is perceived through the different frames of reference of its beholders, but people may also be

peut être pensée seule mais aussi dans son ensemble. Dans mon exposition actuelle, à la Galerie Templon, à

interested in my intentions. I don’t impose anything; I like the different levels of interpretation that are

Paris, il existe clairement un fil conducteur et, pourtant, les œuvres sont très diverses, elles sont réalisées

possible. I like it when a work can be conceived on its own but also as part of its ensemble. In my current

dans des matériaux extrêmement différents et toutes font partie de mon histoire d’une manière ou d’une

exhibition at Galerie Templon in Paris there is clearly a guiding thread and yet the works are highly diverse.

autre. C’est un peu comme des enfants que l’on élève pour qu’ils aient leur propre vie, leur propre devenir

They were made in materials that are extremely different and all of them are part of my story in one way

qu’on ne maîtrise pas, mais l’ADN qu’on leur transmet est bien en eux même s’il évolue, impacté par leur

or another. It’s a bit like children that you bring up to have their own life, their own future that you do not

propre histoire et l’environnement.

control, but the DNA you have given them is very much there even if this evolves, under the impact of

— Comment définiriez-vous le rôle que le cancer a joué dans votre expérience d’artiste ?

their own history and environment.

— Clairement, il m’a ramenée à mon propre corps alors que j’étais davantage dans une démarche anthropologique plus objective, j’avais une distance avec mes projets qui n’étaient pas en lien direct avec moi. Le cancer est venu me rappeler que l’artiste n’est jamais objectif, c’est comme si j’avais sculpté cette tumeur à l’intérieur de moi pour me ramener à mon corps. Même si, avec Catharsis, j’espère porter un message très universel. Ce projet et le film Serendipity m’ont aidée à passer l’épreuve de la maladie, et j’espère que ça pourra aider d’autres personnes d’une manière ou d’une autre.

— How would you define the role that cancer has played in your experience as an artist? — Clearly, it brought me back to my own body at a time when my approach was a more objective, anthropological one. I kept a certain distance in relation to my projects, which did not have a direct connection with me. Cancer came along and reminded me that an artist is never objective. It’s as if I had sculpted that tumour inside me in order to bring me back to my body. Even if I am hoping that the message of Catharsis is a universal one. This project and the film Serendipity helped me get through the ordeal of illness and I hope that it will be able to help other people in one way or another.

CANCER CAME ALONG AND REMINDED ME THAT AN ARTIST IS NEVER OBJECTIVE.

— Vous pensez que le projet Catharsis touche actuellement à sa fin ou il vous reste des choses à créer dans ce cadre ? —Les projets dialoguent entre eux à travers les années. Dans l’exposition Catharsis, on retrouve dans la section “In vitro” des sculptures que j’avais réalisées en 2010, sans savoir encore dans quel ensemble elles entreraient, et elles prennent tout leur sens aujourd’hui. Quand j’ai créé, avec les Holy Daughters, une sculpture mi-sein mi-pis de vache, je ne pouvais pas encore savoir que le sein prendrait cette dimension cruciale qui a été la sienne avec l’expérience du cancer. J’aime ne pas fermer la porte d’un projet. La chronologie n’est pas strictement linéaire, c’est plus une suite de cycles qui se répondent. En tant qu’artiste, on crée en étant parfois dépassé par le sens à venir de sa création ; celuici s’imposera plus tard. C’est le grand enseignement que je retire de Serendipity.

— Do you think the Catharsis project is coming to an end or do you still have things to create in that framework? —The projects dialogue with each other over the years. The exhibition Catharsis has an “In vitro” section where you can see sculptures I made in 2010, when I had no idea what ensemble they would be a part of, and today they have acquired their full meaning. When I made a sculpture that was half-breast, halfcow’s udder for Holy Daughters, I had no idea that my experience of cancer would make the breast so crucially important. I don’t like to close the door of a project. Chronology is not strictly linear, it’s more a series of cycles that respond to each other. As an artist, you sometimes make work with no sense of its coming meaning. This falls into place only later. For me, that’s the great lesson of Serendipity. 25



In Vivo


L’Organe Miracle, 2019 Terre cuite/Terracotta 72 x 38 x 2 cm 28 3/8 x 15 x 0 3/4 in. Édition de 5 + 2 E.A. Edition of 5 + 2 A.P.

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La Femme Miracle, 2019 Terre cuite / Terracotta 232 x 170 x 12 cm 91 3/8 x 66 7/8 x 4 3/4 in. Édition de 3 + 2 E.A. Edition of 3 + 2 A.P.

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“Le système médical occidental nous morcelle, on est vus comme des morceaux de corps, on doit aller voir tel ou tel spécialiste pour chaque partie, alors qu’on est un tout, non seulement un corps, mais aussi une âme liée à ce corps.” “The Western medical system divides us up. We are seen as bits of bodies, we have to go and see this or that specialist for each part when really we are a whole, not just a body but also a soul bound to this body.”

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La Femme Miracle, 2019 Bronze / Bronze 232 x 150 x 12 cm 91 3/8 x 59 x 4 3/4 in. Édition de 3 + 2 E.A. Edition of 3 + 2 A.P.

La Femme Miracle, 2019 Terre cuite/Terracotta 232 x 170 x 12 cm 91 3/8 x 66 7/8 x 4 3/4 in. Édition de 3 + 2 E.A. Edition of 3 + 2 A.P.

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“Les Amazones sont une tribu mythique de femmes « soldates » qui se coupaient un sein pour être plus performantes avec leur arme (arc et flèches). On ne sait pas si elles ont vraiment existé et c’est aussi ça que j’aime.” “The Amazons are a mythical tribe of women warriors who cut off one of their breasts so as to make more effective use of their weapon (bow and arrow). We don’t know if they really existed, and that is another thing I like.”

Catharsis, 2019 Bronze et simulacre encens (inox) Bronze and incense (inox) 43 x 34 x 25 cm 16 7/8 x 13 3/8 x 9 7/8 in. Édition de 5 + 2 E.A. Edition of 5 + 2 A.P.

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Sain des Seins, 2019 CasÊine de lait et simulacre encens (inox)/Milk casein and incense (inox) 154 (diam.) x 44 cm 60 5/8 (diam.) x 17 3/8 in. Édition de 3 + 2 E.A. Edition of 3 + 2 A.P.

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Ĺ’il Nourricier #1, 2019 Verre et bronze/Glass and bronze 15 x 20 x 20 cm 5 7/8 x 7 7/8 x 7 7/8 in. Unique

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Ĺ’il Nourricier #2, 2019 Verre et bronze/Glass and bronze 15 x 20 x 20 cm 5 7/8 x 7 7/8 x 7 7/8 in. Unique

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Prothèse de l’âme (Sein), 2 019 Bois brûlé/Burnt Wood 60 x 67 cm (diam.) 23 5/8 x 26 3/8 in. (diam.) Unique

Prothèse de l’âme (Bras), 2 019 Bois brûlé/Burnt Wood 100 x 25 x 25 cm 39 3/8 x 9 7/8 x 9 7/8 in. Unique

Prothèse de l’âme (Jambe), 2 019 Bois brûlé/Burnt Wood 127 x 28 x 59 cm 50 x 11 x 23 1/4 in. Unique

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“L’exposition Catharsis est sur la vie, la guérison ou l’espoir. On peut voir, dans l’installation avec les flèches, l’attaque d’un sein par la maladie, comme on peut y voir la fertilisation d’un œuf par des centaines de spermatozoïdes.” “The exhibition Catharsis is about life, healing or hope. The installation with the arrows can be read as the illness attacking a breast, just as it can be seen as an egg being fertilised by hundreds of spermatozoa.”

Self-Defense, 2019 Arc et flèche en bois/ Wooden bow and arrow 148 x 82 x 13 cm 58 1/4 x 32 1/4 x 5 1/8 in. Unique

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Amazone Érogène, 2019 Cible et flèches en bois/ Wooden target and arrows Dimensions variables Variable dimensions Unique

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CATHARSIS

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In Vitro


“Autrefois on s’en remettait aux déesses de la fécondité ou à l’Église pour le désir d’enfant. Aujourd’hui les médecins sont devenus les nouveaux dieux de la fertilité. In Vitro Veritas.” “In the old days women hoping for children entrusted their desire to fertility goddesses or the Church. Nowadays doctors have become the new gods of fertility. In Vitro Veritas.”

Fractal Lungs, 2 019 Verre de laboratoire/Lab glass 50 x 60 x 25 cm 19 5/8 x 23 5/8 x 9 7/8 in. Édition de 5 + 2 E.A. Edition of 5 + 2 A.P.

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Installation vidéo   Video installation

In Vitro Fertilization, 2 010 Equipement de laboratoire, pyrex et acier Laboratory equipment, pyrex, stainless steel 180 x 70 x 35 cm 70 7/8 x 27 1/2 x 13 3/4 in. Unique

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In Vitro Mater, 2010 Equipement de laboratoire, pyrex et trayeuse Laboratory equipment, pyrex, milking machine 102 x 50 x 48 cm 40 1/8 x 19 5/8 x 18 7/8 in. Unique


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Fertility (in a Milky Way), 2 019 Verre/Glass 25 x 28 x 33 cm 9 7/8 x 11 x 13 in. Édition de 5 + 2 E.A. Edition of 5 + 2 A.P.

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CATHARSIS

River Woman, 2019 Verre de laboratoire/Lab glass 185 x 75 x 20 cm 72 7/8 x 29 1/2 x 7 7/8 in. Édition de 5 + 2 E.A. Edition of 5 + 2 A.P.

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“Quand on est malade, on est des ‘patients’ passifs, on nous installe sur un brancard alors qu’on pourrait marcher jusqu’à la salle d’opération. Le film m’a aidée, en me faisant dire ‘action’ à moi-même pour filmer, à être dans la proaction ; créative et proactive dans la maladie.” “When we are ill we are passive ‘patients’ they put us on a gurney even though we could perfectly well walk to the operating theatre. By making me say ‘action’ in order to shoot, the film helped me be creative and proactive in my illness.”


Le Film |

The Movie

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Discours d’Angelina Jolie Présentation du film Serendipidity en ouverture du festival Doc Fortnight au MoMA, première américaine, 21 février 2019 Angelina Jolie’s introductory speech to Serendipity screening MoMA Doc Fortnight Festival’s opening night, US premiere, February 21, 2019 Projeté en 2019 au Festival International du Film de Berlin - Berlinale, Allemagne (première européenne) et au Tribeca Film Festival, New York, USA Screened in 2019 at International Film Festpiele, Berlinale, Berlin, Germany (Europe premiere) and Tribeca Film Festival, New York, USA C’est un honneur pour moi d’être ici pour soutenir une amie très chère, Prune Nourry, et présenter

I’m honored to be here to support my dear friend, Prune Nourry, and to introduce a unique, brave and

un film unique, courageux, hypnotisant, Qui témoigne de la force d’esprit d’une femme,

mesmerizing film: A tribute to the spirit of a woman, and a journey into

et constitue un voyage au cœur de la pensée et de l’âme d’une artiste véritable.

the mind and soul of a true artist. Prune’s decision to turn the camera on herself during

La décision prise par Prune de tourner la caméra vers elle-même au long de sa lutte contre le cancer est un acte de générosité. Je pense que, ce faisant, elle nous aide tous à nous sentir un peu plus courageux : Plus reliés à nos corps et plus reliés les uns aux autres, Plus disposés à accepter nos propres cicatrices, Et plus à même de comprendre que ces choses font elles aussi partie de la vie, et de ce que c’est que d’être une femme. Cancer : c’est un mot qui déclenche encore la peur en nous. Mais la peur apparaît souvent parce que nous ne savons pas quels sont les choix et les options

her struggle with cancer was an act of generosity. I think in the process, she helps all of us to feel a little more brave: More connected to our bodies and to each other, More willing to accept our own scars, And better able to understand that these things too are part of life, and part of what it is to be a woman. Cancer is a word that still strikes fear in us. But fear often comes from not knowing what our choices and options are. Even if it can’t always be conquered, fear can be met head on with the support of others. There is a beautiful moment in your film, Prune, when you describe being asked what superpower you wished you had. You reply, the power to heal with your hands. In a very real way, I think that is what you do with your art. You make us look at life, our bodies and our experiences, in a different way. In a kinder light. You remind us to have those conversations about life and love and art and what it is to be a woman, body and soul. And learning to accept ourselves as we are, and all life brings, is a form of healing. So thank you Prune for your courage and humanity and for your unconquerable spirit. I thank everyone here tonight for coming to share in this very special film. It is my pleasure to introduce to you all to Prune Nourry and Serendipity.

qui nous sont donnés. Même si on ne peut pas toujours la vaincre, il est possible de faire face à la peur quand on est soutenu. Il y a un très beau moment dans ton film, Prune, où tu racontes qu’on t’a demandé un jour quel superpouvoir tu aimerais avoir. Tu réponds que c’est le pouvoir de guérir avec tes mains. Je crois que c’est ce que tu fais, de manière très réelle, avec tes œuvres. Tu nous amènes à regarder autrement la vie, nos corps, nos expériences. Sous une lumière plus douce. Tu nous rappelles d’avoir ces conversations sur la vie, sur l’amour et sur l’art, et sur ce que c’est que d’être une femme, corps et âme. Et apprendre ainsi à nous accepter telles que nous sommes, et à accepter tout ce que nous réserve la vie, c’est une forme de guérison. Merci donc à toi, Prune, pour ton courage et ton humanité, et pour ton esprit invincible. Je remercie tout le monde d’être venu ce soir prendre part à l’expérience de ce film exceptionnel. J’ai maintenant le plaisir de vous présenter Prune Nourry et Serendipity.

Serendipity (extraits/film stills), 2018, 74 min Réalisé par Prune Nourry, écrit et produit par Alastair Siddons, montage par Paul Carlin, producteurs exécutifs Angelina Jolie, Sol Guy, Darren Aronofsky. Directed by Prune Nourry, written and produced by Alastair Siddons, edited by Paul Carlin, executive producers: Angelina Jolie, Sol Guy, Darren Aronofsky.

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CATHARSIS

Prune Nourry

Née en 1985 à Paris, France Vit et travaille à New York, États-Unis Born in 1985 in Paris, France Lives and works in New York, USA Education 2006 – École Boulle, sculpture sur bois, Paris, France

Expositions personnelles et performances/Solo Exhibitions and performances (Selection) Catharsis, Galerie Templon, Paris, France

Le Dîner Archéologique, installation

2019 Daughters, Château Malromé,

2014 and performance, in collaboration

Saint-André-du-Bois, France Procreative Cocktail, performance, in collaboration with Chef Andoni Luis Aduriz (Mugaritz), Tribeca Film Festival, New York, USA

with Jean-François Piège, Le Centquatre, Paris, France Terracotta Daughters, Diego Rivera Anahuacalli Museum, Mexico City, Mexico Terracotta Daughters, China Institute, New York, USA Imbalance, performance, New York, USA Terracotta Daughters, Flux Laboratory, Zurich, Switzerland Terracotta Daughters, Galerie Magda Danysz , Paris, France

The Amazon, installation and

2018 performance, The Standard, High Line, New York, USA La destruction n’est pas une fin en soi, Les Rencontres de la Photographie, Les Magasins Électriques, Arles, France Soins, corps et langages, installation for ARIP conference, Palais des Papes, Avignon, France

Terracotta Daughters, Galerie Magda

2013 Danysz, Shanghai, China

Holy, Carte Blanche à Prune Nourry,

Genesis, Casino Venier, Venice, Italy Procreative Dinner, Flux Laboratory, Geneva, Switzerland Holy Daughters, Galerie Henrik Springmann, Berlin, Germany

2017 Musée Guimet, Paris, France

Contemporary Archeology, Galerie Daniel Templon, Brussels, Belgium Imbalance, Galerie Magda Danysz,

2016 Paris, France

Holy Daughters, The Invisible Dog Art

2012 Center, New York, USA

Terracotta Daughters,

2015 The Earth Ceremony, performance,

Holy River, performance, Calcutta Arts

2011 Club, Kolkata, India

Shanghai, China Terracotta Daughters, Simon Studer Art, Geneva, Switzerland

Spermbar, installation and performance, Crossing the Line Festival, New York, USA Holy Daughters, performance,

2010 New Delhi, India

Procreative Dinner, Espace “R”,

2009 Geneva, Switzerland

Procreative Dinner, The Laboratory Studio, Paris, France

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PRUNE NOURRY

Les Bébés Domestiques, performance,

Wooster on Spring, 11 Spring Street,

2008 Tokyo, Japan

2006 New York, USA

Adoption Day #2, performance, Galerie Elaine Levy, Brussels, Belgium

Aux Arts Citoyens, Espace des Blancs Manteaux, Paris, France

Les Bébés Domestiques, performance,

Exposition collective, Galerie “M”,

2007 Galerie Max Lang, New York, USA

2004 Paris, France

Adoption Day #1, performance, Galerie Jaguar Shoes, London, United Kingdom Exposition in situ, quai de la Mégisserie, Paris, France

Toit et Moi, Galerie La Loge, Paris, France

Expositions collectives/ Group Exhibitions (selection)

2018 DOC Fortnight Festival, New York, USA;

Films/Films Serendipity, Screened in 2019 at MoMA

International Film Festpiele, Berlinale, Berlin, Germany; Tribeca Film Festival, New York, USA; US & France release : October 2019

Glasstress, Fondazione Berengo Art

2019 Space, Venice, Italy

Bêtes de scène, Fondation Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, France

Conférences/ Colloques

Collection David H. Brolliet, Genève :

2018 40 ans de coups de cœur et un docu

Serendipity, Tribeca Film Festival,

2019 New York, USA

de 60 min., Fondation Fernet-Branca, Saint-Louis, France

Fubiz Talks, 3rd edition, Salle Pleyel, Paris,

2018 France

Hidden Art, Simon Studer Art, 2017 Geneva, Switzerland

Luncheon series, Park Avenue Armory, New York, USA

Anima, Invisible Dog Art Center,

2016 New York, USA

Sélections procréatives, Palais de Tokyo,

2017 Paris, France

Voices of 20 Contemporary Artists at Idem

2015 Paris, Tokyo Station Gallery, Tokyo, Japan

Mapping Memory, CUNY University,

2016 New York, USA

The Drawing Hand™ Chapter 4, Galerie Magda Danys, London, United Kingdom 360°, Galerie Magda Danysz, Shanghai, China Sleeping Beauty, Galerie Magda Danysz, Paris, France Asia Now, Espace Pierre Cardin, Paris, France

Designing a Museum for the Future, Aurora Museum, Shanghai, China Art and Society : Can imagination change

2014 reality?, Le Centquatre, Paris, France Terracotta Daughters, Alliance Française, Institut Français, New York, USA

Girls, Galerie Perrotin, Paris, France 2014 La Part Animale, Galerie Sophie Sheidecker, Paris, France Terracotta Daughters & Imbalance, Le Centquatre, Paris, France

Holy Daughters, Six Selective

2010 Abortions in India, India Habitat Center, New Delhi, India The Emergence of Contemporary Indian Art, musée du Quai Branly, Paris, France

At Home, Centro de Arte

2013 Contemporáneo, Malaga, Spain

Interview, Sciences Po, Paris.

2009 Moderator Malvika Maheshwari

Itinérances (#13) Group Show, Polka 2011 Galerie, Paris, France Paris-Delhi-Bombay, Centre Pompidou, Paris, France

Auditorium of the Louvre, Paris. Moderator Sonia Brunel How we draw the borderline between

2008 humans and animals: Challenging art

Gimme More, Galerie Elaine Levy, 2009 Brussels, Belgium

experiments with hybrid pet babies, University of Tokyo, Tokyo, Japan

Les Bébés Domestiques, KJBi Art Space,

2008 Brussels, Belgium

Interview, Sciences Po, Paris. Moderator

2007 Gérard Rodach

Biennale d’Issy, musée de la Carte à jouer,

2007 Issy-les-Moulineaux, France

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Prune Nourry remercie la Galerie Templon et toutes les personnes ayant rendu possible cette exposition et tout particulièrement son équipe, Franck Barboiron, Maïa Dibie, Delphine Toutain et Charlotte Tournilhac. Un grand merci à Valérie Delattre, Théresia Duvernay, Alain Quemin, Ittai Weinryb et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Prune Nourry remercie également l’équipe qui a soutenu et permis au film d’exister, Alastair Siddons, Sol Guy, Paul Carlin, Angelina Jolie, Darren Aronofsky, Mindy Nyby, Raj Roy, Philip Engelhorn, Cameron Yates, Kirsten Johnson, Rosalie Varda et Ciné-tamaris, Matilde Incerti, et sa famille.

Prune Nourry would like to express her sincere thanks to Galerie Templon and everyone who made this exhibition possible, in particular her team: Franck Barboiron, Maïa Dibie, Delphine Toutain and Charlotte Tournilhac. She extends her warmest thanks to Valérie Delattre, Théresia Duvernay, Alain Quemin, Ittai Weinryb and the French National Institute for Preventive Archaelogical research (Inrap). She would also like to give a special thank to the team who supported and produced the movie, Alastair Siddons, Sol Guy, Paul Carlin, Angelina Jolie, Darren Aronofsky, Mindy Nyby, Raj Roy, Philip Engelhorn, Cameron Yates, Kirsten Johnson, Rosalie Varda and Ciné-tamaris, Matilde Incerti, and to her family.


Catalogue édité à l’occasion de l’exposition Catalogue published for the exhibition

PRUNE NOURRY Catharsis

Du 7 septembre au 19 octobre 2019 From September 7 to October 19, 2019

28 RUE DU GRENIER SAINT-LAZARE 75003 PARIS | +33 (0)1 85 76 55 55

info@templon.com | www.templon.com

Auteur/Author: Valérie Delattre, Théresia Duvernay, Prune Nourry, Alain Quemin, Ittai Weinryb Traduction/Translation: Charles Penwarden, Elisa Crabeil Coordination éditoriale/Editorial coordination: Daniela Franck Edition/Editor: Théa Chevalin Toutes les œuvres/All works © Prune Nourry Crédits photographiques/Credits: © Zachary Bako : pp.16, 21 ; © Baudouin : p.11 ; © Malcolm Brown : p.19 ; © Franklin Burger : pp.12, 60, 63 ; © Creative Commons license : pp.6, 7 ; © Denis Gliksman, Inrap : p.9 ; © B.Huet-Tutti : pp.2, 4, 26-55 ; © Antoine Levi : p.14 ; © Myr Muratet, Inrap : pp.8, 10 ; © Prune Nourry Studio : couverture et 4e de couverture, pp.23, 24 ; © Serendipity Movie : p.56-58. Création, édition :

Agence Communic’Art

23 rue du Renard – 75004 Paris Tél. : +33 (0)1 43 20 10 49 www.communicart.fr Directeur de la création/Creative director: François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre Imprimé en Belgique/Printed in Belgium © Galerie Templon ISBN : 978-2-917515-36-5



F


Couverture/Cover

L’Amazone – Haute de presque quatre mètres, cette sculpture en ciment est née au printemps 2018 sur l’ancien chantier naval du Brooklyn Navy Yard à New York, dans un entrepôt historique de plus de 2 300 mètres carrés. Elle représente une guerrière blessée au sein, inspirée de la mythologie grecque et d’une statue en marbre du Metropolitan Museum of Art. Puisant dans l’expérience intime du cancer du sein vécue par l’artiste, l’œuvre-catharsis fait écho à la tradition ancienne qui raconte que les guerrières de la tribu des Amazones s’amputaient de leur sein droit afin de perfectionner leur maniement de l’arc. Ses yeux noisette en verre soufflé donnent l’impression qu’elle est vivante, et les bâtonnets d’encens rouge dont elle est en partie recouverte évoquent des aiguilles d’acupuncture. Elle a été exposée pour la première fois en 2018, à l’occasion d’une performance publique sur l’esplanade du Standard High Line à New York, puis elle a voyagé sur une barge pour atteindre l’Hudson River. C’est là qu’au cours d’une cérémonie privée donnée sur l’eau, l’artiste lui a brisé un sein tandis que ses proches, famille et amis, allumaient tous les bâtonnets d’encens dans un geste cathartique symbolisant la guérison.

The Amazon – The 12-foot-tall cement was born in the spring of 2018 in the Brooklyn Navy Yard, NY, in a historic 25,000 sq.ft. warehouse. She represents a female warrior with a wounded breast, and was inspired by Greek mythology and a marble statue from the Metropolitan Museum of Art. Rooted in the artist’s intimate experience with breast cancer, the catharsis piece echoes a once claimed tradition that the Amazons, a tribe of women warriors, cut off their right breast to be more competent archers. Her hazel-brown handblown glass eyes make her feel alive, and she is partly covered with red incense sticks recalling acupuncture needles. She was shown for the first time in 2018 for a public performance on the plaza of the Standard High Line, NY, and then traveled on a barge to the Hudson River. There, during a private ceremony on the water, the artist broke the breast while supportive friends and family of the artist lit all the incenses sticks, as a cathartic gesture symbolizing the healing. G


info@templon.com | www.templon.com

ISBN 978-2-917515-36-5 25€

28 RUE DU GRENIER SAINT-LAZARE 75003 PARIS | +33 (0)1 85 76 55 55


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