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La tomate de plein champ

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Région d’El Jadida La tomate de plein champ : une culture traditionnelle en constante adaptation

Abdelmoumen Guennouni

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La production de tomate dans la région d’El Jadida a une histoire très ancienne puisqu’elle remonte à la période coloniale (encouragée par l’assurance du marché français et la proximité des centres de consomman- tion) et même plus loin. Les produits maraîchers hors saison d’El Jadida et Oualidia (zone Doukkala-Abda, aux conditions climatique particulièrement favorables) étaient connus aussi bien à l’échelon national qu’international. De la sorte, la région d’El Jadida s’est affirmée comme l’un des plus grands bassins de production de tomate de primeur et d’arrière saison avec le Souss Massa et la région de Casablanca.

Un contexte en évolution incessante Pour l’histoire, il faut signaler que les exportations marocaines dépassaient largement le seuil des 100.000 tonnes pendant la fin des années 50 et un peu plus de 120 000 tonnes dans les années 60.

Elles servaient en quasi totalité à approvisionner le marché français du mois de Novembre au mois de Juin (Série Etudes et Recherches, INRA Montpellier 1985). Plus tard, Les exportations ont augmenté de 20 % environ (142 000 tonnes en moyenne de 1970 A 1975) suite

www.agri-mag.com au premier choc pétrolier de 1973, pour connaitre depuis la campagne 72/73 une régression continue qui les a maintenues depuis 1980 en dessous du seuil des 100 000 tonnes (90 000 tonnes en 83/84). Depuis, le Maroc a entrepris des actions de diversification des marchés et des

productions ainsi qu’un ambitieux programme de modernisation et de mise à jour du secteur qui a permis d’améliorer la situation. En effet, après avoir occupé une large place dans la production et l’exportation de tomate côtelée de printemps, la région a pris une place prépondérante dans la production de tomate ronde et lisse, place renforcée avec la mise en place des cultures sous abris vers la fin des années 1970 dans le cadre de l’introduction par l’OCE (créé en 1965) des nouvelles techniques de production de primeurs destinés essentiellement à l’export (Plan de Développement du Maraichage Primeur). Les tomates de plein champ ont profité à leur tour du développement technologique pour l’amélioration de la production et de la qualité en passant des variétés fixées dont les semences étaient prélevées par les producteurs sur les fruits en fin de champ, aux variétés hybrides dotées des meilleures caractéristiques (résistances, productivité, transport, …) et qui sont

actuellement généralisées et bien connues des producteurs. Parmi ces techniques on peut signaler les méthodes de conduite, la production de plants, l’irrigation localisée, la maitrise de la fertilisation, la lutte contre les ennemis de la culture, etc.

Témoignage d’un producteur Lors d’une visite dans la région d’El Jadida l’occasion s’est présentée pour rendre visite à un producteur de tomate et de longue date. Il s’agit de M Bassit El Mokhtar de Ouled Salah à quelques kilomètres à l’Est de l’ancienne ville maroco-portugaise qui s’appelait Mazagan il y a bien longtemps.

Un producteur averti en vaut deux En plus de courgette et autres légumes, M Bassit produit de la tomate de plein champ depuis 13 ans, sur une superficie moyenne de 15 ha/an dont une partie en location auprès des agriculteurs

du voisinage. C’est un producteur connu dans le milieu professionnel pour son sérieux et son engagement assurant à ses cultures tous les besoins en intrants et facteurs de production et n’hésitant pas devant les dépenses et efforts nécessaires, même s’ils sont très coûteux. En même temps qu’il est très exigeant dans ses choix de variétés, de parcelles, … n’hésitant pas à essayer de nouvelles variétés (cellesci étant en constante évolution) et apports pour répondre aux besoins du marché en termes de tonnages

Tomate indéterminée de plein champ

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Au centre M Bassit El Mokhtar (accompagné de M Chahid Bouchaib et Khayi Mohamed, producteurs de la région)

A droite M. Abdelhak Rochdi, responsable commercial PIONAGRI.

A gauche Yassine Masrour commercial zone centre Pionagri,

et de qualité.

Cycle de production La production de tomate dans la région s’est limitée au plein champ après la libéralisation des exportations marocaines (depuis 1985 suite aux préconisations de la BM et du FMI) et la migration de la production sous abris vers la région d’Agadir. Ainsi, et d’après M Bassit, la production de tomate indéterminée de plein champ dans la région a lieu en deux créneaux : - Le créneau 1, caractérisé par un semis courant janvier-février pour une entrée en production en juin. Les variétés utilisées sont non tolérantes au Tylc (vu la faible pression du virus en cette pétiode) et à gros calibre permettant de limiter l’effet de la salinité de l’eau d’irrigation sur le calibre. Pour une culture bien conduite, comme celle de M Bassir, la production peut atteindre 100 à 130 t/ ha alors qu’elle ne dépasse pas 60 à

80 t/ha en général surtout quand la salinité de l’eau est élevée et que la conduite de la culture n’est pas bien menée. - Créneau 2 au cours duquel les semis sont étalés entre avril et juin pour une production commençant en aout et pouvant se poursuivre jusqu’en décembre sachant que M Bassit a continué à récolter jusqu’à fin janvier cette année tant que les prix sont favorables. Cependant il doit arracher les plantes de tomate pour ne pas rater le créneau de la culture suivante. Les variétés adoptées pour ce créneau son vigoureuses et tolérantes au Tylcv en raison de la prolifération de la mouche blanche au cours de ce créneau. A signaler que la production des plants est effectuée localement par le producteur lui-même et que les plantules restent dans les plateaux en moyenne un mois jusqu’à leur plantation

Caractéristiques de la région

Dans la région, signale M Bassit, la salinité de l’eau d’irrigation est très fréquente et varie d’un puits à l’autre pouvant atteindre une conductivité électrique entre 3 et 5 milimhos/cm. Il rappelle dans ce sens, que plus la salinité de l’eau est élevée, plus elle a un effet dépressif sur la production. Ainsi une salinité de 5 mmhos/cm cause une chute de 25% de la production et avec 4 mmhos/cm la baisse est de 17% sachant que pour une production optimale un taux de 3 mmhos/cm et moins est nécessaire. La qualité du sol est essentielle également et les parcelles ayant déjà connu la production de tomate sont à éviter, d’où la difficulté de trouver des terrains relativement vierges dont les prix de location sont de plus en plus chers en plus des réticences de leurs propriétaires. La recherche de parcelles nouvelles est justifiée entre autres, par la nécessité de traitements des sols ayant déjà porté des cultures de tomate et dont le coût de traitement est plus élevé que le prix de la location.

Itinéraire technique Depuis que M Bassit a commencé dans le domaine de la tomate plein champ, les techniques de production n’ont pas beaucoup évolué. - La plantation se fait avec une distance de 1,40 m entre rangs et 80- 90 cm entre plants sur les lignes (lignes jumelées avec alternance des plants des deux lignes) - La densité de plantation varie entre 16.000 et 18.000 plants à l’hectare, sachant que la conduite des plantes de tomate se fait sur deux bras (la tige principale et un rejet) - Dans cette configuration, chaque plante peut produire en moyenne 8 kgs de tomates - Le coût de production d’un hectare atteint 200.000 dh si on dispose déjà des outils de production et 220.000 dh/ha si ci c’est une première installation. Ainsi le prix de revient départ champ se situe entre 2,30 et 2,50 dh/kg - Sur le plan phytosanitaire les principaux fléaux enregistrés par la production dans la région sont le Tylc en été, Tuta absoluta à partir de mars, en plus des acariens toute l’année et l’oïdium. Les traitements sont coûteux et s’ils ne sont pas bien menés, les rendements peuvent être sérieusement affectés.

Dans ce cadre, il faut signaler quatre pratiques culturales utilisées par les producteurs D’El Jadida : Décaler les dates de semis par rapport à la période d’activité de l’insecte et à son alimentation, arracher les mau- vaises herbes qui peuvent héberger l’insecte ou le virus, éviter la planta- tion de cultures proches à risque de contamination comme le poivron et les haricots, utiliser des produits fertilisants pour renforcer la vigueur de la plante.

Commercialisation Depuis l’arrêt du conditionnement et des exportations dans la région, la production de tomate plein champ est destinée exclusivement au marché local et aucune expor- tation n’est effectuée à partir de cette origine. M Bassit explique que les ventes se font sur place entre le producteur et les intermédiaires et les prix varient d’une année à l’autre et au cours de la même campagne et dépendent du marché, de l’offre et la demande. Certains produc- teurs peuvent tenter de vendre eux-mêmes leur production sur les marchés de Casablanca ou du Nord du Maroc mais les coûts élevés du transport et frais d’approche sont prohibitifs. En effet ils peuvent at- teindre 15 à 17 dh par caisse (31 kg/ caisse) pour Casablanca et 25 dh pour le Nord. Par exemple, les prix de vente ont culminé cette année à 70 dh par caisse avec une évolu- tion en dents de scie alors que l’an- née dernière ils étaient descendus jusqu’à 20 dh/caisse.

www.agri-mag.com Quel avenir ? Quand à l’avenir de la tomate de plein champ dans la région, M Bas- sit est très réservé surtout avec une offre de plus en plus importante alors que la demande ne suit pas. En outre, la production de tomate d’Agadir commence à se prolonger jusqu’à la période estivale qui est la principale sur le plan commercial pour les producteurs de la région. Par ailleurs cette production du Sud commence à les concurrencer également sur le créneau d’octobre novembre qui était dédié essen- tiellement à la région côtière d’El Jadida habituée à assurer une pro- duction de juin à décembre. En plus il fait remarquer que le gap entre le prix de vente entre producteur et consommateur est de trois fois ou plus, suite aux nombreuses inter- ventions des intermédiaires.

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