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Risque de réémergence de la

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Drosophila Suzukii

Drosophila Suzukii

Risque de réémergence de la rouille noire du blé

Pr. Ezzahiri Brahim / IAV Hassan II - Rabat

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Agriculture du Maghreb N° 125 - Février 2020 www.agri-mag.com 50 D ans cet article, nous décrivons la maladie et les conditions de son développement dans un premier temps. Nous présentons ensuite nos observations de terrain sur les indices de réémergence imminente de cette maladie au Maroc et les propositions de mesures de prévention et de lutte à entreprendre à court et moyen termes. Agent causal et symptômes de la rouille noire La rouille noire appelée aussi rouille des tiges est une maladie redoutable du blé. Elle peut occasionner des pertes de rendement pouvant aller jusqu’à 70%. Cette maladie est causée par le champignon Puccinia graminis f.sp. tritici doté de grandes capacités de survie, d’adaptation et de dissémination. La maladie se manifeste sous forme de pustules allongées de couleur rouge-brique à marron foncé. Elle se développe sur les feuilles, les tiges et les glumes des épis (Figure 1). Ces pustules composées de spores qui assurent la dissémination rapide de la maladie. En fin de cycle du blé, les pustules du champignon sont transformées en forme de conservation de couleur noire, ce qui explique le nom attribué à la maladie. Cycle de la maladie Le champignon responsable de la rouille noire possède un cycle complexe composé de deux phases asexuée et sexuée, exigeant deux hôtes distincts. La première phase se passe sur blé, considéré comme hôte principal du champignon en assurant sa multiplication active. La phase sexuée exige un hôte alternatif du genre Berberis. Les rôles joués par cette phase sont la survie et la création de la variabilité du champignon. Au Maroc, il existe une espèce Berberis hispanica appelée communément épine-vinette qui est l’hôte alternatif de la rouille noire. Cette espèce pérenne se trouve à plus de 2.500 m d’altitude dans le Haut Atlas, le Moyen Atlas et le Rif. Dans les conditions marocaines, cet hôte alternatif peut jouer occasionnellement un rôle dans la variabilité du champignon en générant de nouvelles races de ce dernier par le biais de recombinaisons génétiques. Pour la survie du champignon nous avons des évidences de sa conservation en zones côtières irriguées sous forme asexuée sur des repousses du blé. Conditions de développement de la maladie Le développement de la rouille noire est favorisé par des conditions humides et chaudes (15 - 35°C). Ce qui fait que le risque de la maladie augmente à la sortie de l’hiver, surtout lorsque le printemps est doux et pluvieux. Le prolongement du cycle de la culture par la subsistance de conditions humides en avril-mai rend les variétés sensibles du blé très vulnérables aux attaques du champignon. Indicateurs de réémergence de la rouille noire au Maroc Les observations sur deux années Historiquement, la rouille noire était la principale maladie du blé au Maroc jusqu’aux années 1970 qui ont connu l’introduction et la généralisation de variétés résistantes issues de germoplasme développé par le centre international CIMMYT au Mexique. Depuis cette époque, la maladie est devenue rare et sporadique. Elle a été observée de temps en temps en zones montagneuses sur des variétés locales du blé. Seulement, et depuis deux ans, nous avons relevé des indications de la possibilité de retour à grande échelle de cette maladie au Maroc. Figure 1. Pustules de rouille noire sur feuille, tiges et glumes de l’épi

Figure 2: Pustules de rouille noire sur des talles tardives non récoltées du blé tendre à proximité de Sidi Slimane dans le Gharb

Figure 3. Plante attaquée par la rouille noire dans un champ de blé tendre près de Dar Guedari dans la région du Gharb

Figure 4. Champ du blé tendre sévèrement attaqué par la rouille noire près de Dar Guedari dans le Gharb

Figure 6. Foyer de survie de la rouille noire du blé localisé près de Mograne dans la région du Gharb. nous ont permis de constater que la rouille noire du blé est en train de s’installer dans la région du Gharb sur la base des constatations sur le terrain et selon la chronologie suivante :

22 juin 2018 : Nous avons observé la présence des pustules de la rouille noire sur des plantes non récoltées du blé tendre à proximité de Sidi Slimane dans le Gharb (Figure 2)

2 mai 2019 : Nous avons détecté la présence de la rouille noire dans un champ du blé tendre situé dans la région de Dar Guedari dans le Gharb (Figure 3).

12 juin 2019 : La rouille noire s’est généralisée dans le champ de blé tendre qui a été repéré auparavant près de Dar Guedari dans la région du Gharb (Figure 4). Les plantes attaquées ont versé et le rendement et la qualité du grain ont été sévèrement réduits (Figure 5).

24 décembre 2019: Nous avons détecté un foyer de survie de la rouille noire près de Mograne dans la région du Gharb (Figure 6). Il s’agit d’un champ où le blé tendre a été semé en mélange avec du bersim pour un usage fourrager. A la date du 24 décembre 2019, le blé se trouvait au stade de remplissage du grain.

Indicateurs de risque de développement de la rouille noire cette campagne Le développement épidémique de la rouille noire dépend de la prér- sence du champignon sous forme de foyers primaires en automne, de la sensibilité des variétés cultivées et des conditions climatiques. Concernant le premier facteur, la détection le 24 décembre 2019 d’un foyer primaire de la rouille noire est une indication que le champignon a réussi sa survie estivale et constitue une menace pour la culture du blé au moins dans la région Nord-Ouest du Maroc. Pour le deuxième facteur, nous avons observé que les variétés à haut potentiel de production et qui sont appréciées par les agriculteurs sont très sensibles à la maladie. Reste le troisième facteur qui va déterminer la précocité et l’ampleur des attaques de la rouille noire. L’expanFigure 5. Impact de la rouille noire sur la qualité du gain du blé (a : sain, b malade) A B

sion rapide de la maladie sur les variétés sensibles du blé, du moins dans la région Nord Ouest du Maroc, serait favorisée par la persistance d’un temps doux et humide en hiver et au printemps.

Actions de prévention et de lutte Des mesures doivent être envisagées à court et moyen termes pour pouvoir remédier à une éventuelle réémergence de la rouille noire sur blé. A court terme, il serait utile de renforcer la surveillance phytosanitaire pour pouvoir détecter les premiers signes de présence de la rouille noire et d’appliquer des fongicides ciblant cette maladie dans les zones à risque. A moyen terme, il est important d’établir une stratégie nationale visant la prévention du développement de la rouille noire, en caractérisant les races du champignon responsable, en initiant un criblage des variétés pour leur résistance, en procédant au retrait progressif des variétés sensibles et en renforçant les actions de sensibilisation sur le positionnement et le choix des fongicides efficaces contre cette maladie.

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