Céréaliculture
Risque de réémergence de la rouille noire du blé Pr. Ezzahiri Brahim / IAV Hassan II - Rabat
Historiquement, la rouille noire était la principale maladie du blé au Maroc jusqu’aux années 1970 qui ont connu l’introduction et la généralisation de variétés résistantes issues de germoplasme développé par le centre international CIMMYT au Mexique. Depuis cette époque, la maladie est devenue rare et sporadique. Elle a été observée de temps en temps en zones montagneuses sur des variétés locales du blé. Seulement, et depuis deux ans, nous avons relevé des indications de la possibilité de retour à grande échelle de cette maladie au Maroc.
D
ans cet article, nous décrivons la maladie et les conditions de son développement dans un premier temps. Nous présentons ensuite nos observations de terrain sur les indices de réémergence imminente de cette maladie au Maroc et les propositions de mesures de prévention et de lutte à entreprendre à court et moyen termes.
Agent causal et symptômes de la rouille noire
Figure 1. Pustules de rouille noire sur feuille, tiges et glumes de l’épi
La rouille noire appelée aussi rouille des tiges est une maladie redoutable du blé. Elle peut occasionner des pertes de rendement pouvant aller jusqu’à 70%. Cette maladie est causée par le champignon Puccinia graminis f.sp. tritici doté de grandes capacités de survie, d’adaptation et de dissémination. La maladie se manifeste sous forme de pustules allongées de couleur rouge-brique à marron foncé. Elle se développe sur les feuilles, les tiges et les glumes des épis (Figure 1). Ces pustules composées de spores qui assurent la dissé-
mination rapide de la maladie. En fin de cycle du blé, les pustules du champignon sont transformées en forme de conservation de couleur noire, ce qui explique le nom attribué à la maladie.
Cycle de la maladie
Le champignon responsable de la rouille noire possède un cycle complexe composé de deux phases asexuée et sexuée, exigeant deux hôtes distincts. La première phase se passe sur blé, considéré comme hôte principal du champignon en assurant sa multiplication active. La phase sexuée exige un hôte alternatif du genre Berberis. Les rôles joués par cette phase sont la survie et la création de la variabilité du champignon. Au Maroc, il existe une espèce Berberis hispanica appelée communément épine-vinette qui est l’hôte alternatif de la rouille noire. Cette espèce pérenne se trouve à plus de 2.500 m d’altitude dans le Haut Atlas, le Moyen Atlas et le Rif. Dans les conditions marocaines, cet hôte
alternatif peut jouer occasionnellement un rôle dans la variabilité du champignon en générant de nouvelles races de ce dernier par le biais de recombinaisons génétiques. Pour la survie du champignon nous avons des évidences de sa conservation en zones côtières irriguées sous forme asexuée sur des repousses du blé.
Conditions de développement de la maladie
Le développement de la rouille noire est favorisé par des conditions humides et chaudes (15 35°C). Ce qui fait que le risque de la maladie augmente à la sortie de l’hiver, surtout lorsque le printemps est doux et pluvieux. Le prolongement du cycle de la culture par la subsistance de conditions humides en avril-mai rend les variétés sensibles du blé très vulnérables aux attaques du champignon.
Indicateurs de réémergence de la rouille noire au Maroc
Les observations sur deux années Figure 2: Pustules de rouille noire sur des talles tardives non récoltées du blé tendre à proximité de Sidi Slimane dans le Gharb
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Agriculture du Maghreb N° 125 - Février 2020
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