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Numéro 164

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GALERIE TANDEM, voyage entre deux cultures

© Photo Galerie Tandem

Interview exclusive



Grands pouvoirs : Grandes responsabilités par Khalid mhammedi En 1962 . Un jeune universitaire américain du nom de Peter Parker travaillait dans le laboratoire de son université quand il fut piqué par une araignée radioactive, cet accident lui donna de super pouvoirs : agilité, réflexes accélérés, précognition, force surhumaine, facteur guérisseur. Au départ le jeune Peter Parker n’a pas su comment déployer ses super pouvoirs et il ne comprit le sens à donner à sa vie de super héro qu’à la mort (accidentelle et tragique) de son oncle Ben. - A grand pouvoir , grande responsabilité ! rappelle toi Peter pour ne pas le regretter par la suite, à grands pouvoirs il t’incombe de grandes responsabilités vis-à-vis de la société et vis-à-vis de ta conscience. Tout ceci se passe dans l’imagination de Stan Lee et Steve Ditko. Treve d’imaginaire et souhaitons, dans le monde réel, à notre leila Slimani nationale tout le bonheur et le succès du monde mondial , ce petit être frêle et délicat vient du haut de ses 31 ans et ses 160 cm de remporter le prestigieux prix Goncourt avec son second roman « Chanson Douce « . Roman en rupture de stock en France et en partage sous format pdf par la communauté whatsapp au Maroc. Leila a là l’occasion de faire connaître la littérature du pays

en France, contrairement à Taher Ben Jelloun qui en a eu l’occasion mais n’a rien fait de tel. Un prix de cette ampleur implique une responsabilité vis-à-vis de son pays d’origine, si elle peut user de sa visibilité désormais massive pour sortir des auteurs talentueux de l’anonymat, cela l’honorerait de le faire, bien que n’y étant pas obligée. A l’exception de quelques écrivains, la majorité des gens de lettre ne parle jamais au grand jamais de ses pairs, préférant capitaliser seule sur un succès ( passager par définition) et se focalisant sur une carrière ou sur les débouchés marketing du nom soudain célèbre. Notre Slimani, auréolée dorénavant de son Goncourt, pourrait s’engager sincèrement à faire lire ses compatriotes maintenant que tout ce qu’elle dit prend une ampleur internationale. C’est un pouvoir immense dont elle peut faire usage pour ressusciter la littérature marocaine locale, étant entendu que celle des écrivains publiés en France n’a nullement besoin de cet énorme coup de pouce. Peter Parker est devenu par la suite le légendaire Spider Man . C’est le moindre mal que nous souhaitons à leila : LA LÉGENDE. © culturetoute.com 09.11.2016 culturetoute.com 3



Numéro 164 du 9 novembre 2016 couverture Ahmad Bouzoubaa pour culturetoute.com

SOMMAIRE

actu 03 Chronique, Grands pouvoirs : Grandes responsabilités 12 Photo, Maradji, photographe des trois règnes

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12 Cinéma, Pourquoi le Maroc est le « petit Hollywood d’Afrique » (CNN) 13 Musique , Ahmed Soultan, Daoudia, DJ Van et Amine AUB récompensés aux Afrima 13 édition, Rentrée Littéraire L’Union professionnelle des éditeurs du Maroc (UPEM) organisera la deuxième

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en une 06 Art, GALERIE TANDEM, voyage entre deux culturesINTERVIEW Exclusive

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08 édition, Nizar Kerboute, ce médecin qui fait de la poésie une véritable Rédemption !

magazine 14 Musique, Monia Rizkallah, un peu de douceur dans ce monde de brutes INTERVIEW Exclusive 16 Cinéma, OCEANS - Art Project by Mehdi Jassifi

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20 édition, Rachid Khaless, l’homme, l’universitaire et l’écrivain Exclusive 24 Art, “Madame Tallal de Chtouka” la chronique Art de Mourad HAMAYET 09.11.2016 culturetoute.com 5


GALERIE TANDEM, voyage entre deux cultures par Khalid mhammedi

Quand Olivia BRUNIE, en compagnie de son époux Julien BRUNIE (de la maison Christie’s), venus, tous les deux, s’installer au Maroc et y construire leur maison, elle a été séduite de prime abord par l’artisanat marocain qu’elle voulait, avec beaucoup d’enthousiasme, intégrer à la décoration de leur demeure, mais pas encore en l’état.

Geoffrey CHAPUIS, expert en pierres précieuse, diplômé du GIA et riche d’une expérience probante chez Christie’s, qui a aboutit à la décision de créer une galerie d’objets d’art, d’art de vivre, de bijoux, d’ameublement et de cadeaux qui ouvrira ses portes dans les prochaines semaines au sein de l’hôtel SOFITEL à Rabat.

Ses années d’immersion dans le monde du luxe et du raffinement aussi bien au Ritz Paris en tant que directrice marketing et commerciale que dans ses expériences personnelles de décorations de grandes demeures d’Europe et d’Afrique, l’ont poussée à vouloir mettre sa touche perfectionniste et artistique dans l’enceinte de cet artisanat d’ores et déjà de prédilection. Sa villa située au quartier Souissi à Rabat est un savant mélange d’objets chinés à travers le monde, de tableaux de maitres et de réalisations d’artisans marocains dont la main a été dirigée et, mieux encore, orientée vers des performances faisant une sorte de bigarrure on ne peut plus heureuse entre deux univers d’apparence éloignés, à savoir : artisanat et art déco.

Sur une surface de 70m², cette galerie d’objets d’art se présentera sous forme d’un des salons de la maison d’Olivia avec un mot d’ordre exclusif et unique : « Un objet qui ne trouve pas sa place chez moi , ne trouvera pas place à la galerie ».

Cette expérience qui a duré quelques 2 ans a fait murir une réflexion dans la tête d’OLIVIA qu’elle a partagée avec le jeune 6 culturetoute.com 09.11.2016

Galerie Tandem est ainsi née ; Galerie Tandem, c’est une histoire de complicité, née d’une grande amitié entre deux passionnés. Olivia Brunie et Geoffrey Chapuis ont concrétisé un rêve en fondant une galerie digne de ce nom. Quand on parle de galerie, c’est dans le sens où nous sommes face à un espace à thèmes. “J’ai pensé à un espace d’inspiration qui soit dans la droite lignée de l’esprit Italie-France des années 60 et 70 du siècle dernier. Mon objectif est de recevoir des personnes désireuses d’avoir des idées, de s’inspirer de nos thèmes et thématiques pour leur décoration de


Interview exclusive Khalid Mhammedi: Que pensez-vous de l’expérience d’un webzine culturel au Maroc comme culturetoute.com Olivia Brunie : Moi je trouve ça très bien et surtout courageux de s’engager sur un format aussi fréquent. Mais il y a des choses qui se passent au Maroc donc de la matière ! C’est aussi avant-gardiste donc ça ne peut que devenir plus grand ! Olivia brunie : De plus les gens achètent de moins en moins la presse papier. Et le format web permet à tous de le lire, donc même à ceux qui n’ont pas les moyens. La culture d’ordinaire réservée aux élites est offerte à tous ! 09.11.2016 culturetoute.com 7


table ou leur déco d’intérieur. Vous savez, parfois tout part d’un objet, qui donne corps à une idée et finit par changer tout un espace”, souligne Olivia Brunie. Chaque mois donc, nous sommes face à une mise en scène étudiée, conçue et menée à ses confins en des déclinaisons multiples. Chaque mois cette mise en image est centrée sur l’objet certes, mais pas exclusivement la peinture ou les arts plastiques. “C’est dans ce sens que j’insiste sur le mot galerie dans son sens le plus précis. Une galerie n’est pas un concept store, mais un espace étudié autour de plusieurs objets et dont chacun obéit à une mise en scène précise”, explique Olivia Brunie. Nous avons droit à des antiquités, des bijoux, des objets chinés ici et ailleurs, avec toujours cette subtilité dans l’agencement pour présenter une thématique ficelée de bout en bout. Homogénéité de l’esprit qui préside à la galerie, mais aussi une vision globale d’un concept novateur qui fait la part belle à la beauté dans toutes ses manifestations. “Il ne s’agit pas pour nous de donner dans les tendances. Mais dans les interférences entre plusieurs affinités pour offrir à nos clients des idées, des concepts à développer, le tout avec une vision du beau et du chic”. L’art a une grande place dans Tandem, mais aussi le travail ciselé de la joaillerie, des meubles, des sculptures... bref, tout ce que le voyage nous fait découvrir et que l’on porte avec soi pour le partager avec les autres. Tandem c’est aussi cela: une passion à partager. Un hymne aux différentes cultures dans un beau brassage dont le maître-mot reste cette rythmique donnée par les rencontres avec les artistes et les artisans dans un esprit de partage et de complicité. © culturetoute.com

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A propos de Geoffrey CHAPUIS

Geoffrey est né et a grandit à Lyon. Très jeune il a eu la chance de beaucoup voyager et notamment en Afrique, continent qui le l’ouïe dès son plus jeune âge. Épicurien, toujours intéressé par les belles choses, Geoffrey est curieux et attentif à ceux qui l’entourent et de la même manière toujours à la recherche de l’objet parfait, de l’ambiance parfaite. Diplômé à la fois d’une école supérieure de Commerce française et de l’institut américain de gemmologie, il a enrichit son parcours d’une expérience professionnelle chez Christie’s, leader mondial des ventes aux enchères. Son expérience à l’internationale lui offre l’opportunité de rencontrer des leaders de premiers plan très tôt, Geoffrey décide en 2016 de s’installer Maroc et de s’ouvrir sur l’Afrique. Il crée ainsi avec Olivia Brunie la Galerie Tandem qui souhaite présenter des artistes mais plus encore être le lieu de destination des collectionneurs et amateurs de beaux objets, à la recherche d’un décoré raffiné ou d’un cadeau marquant, unique et personnalisé. Tandem aspire à créer une expérience unique à Rabat pour le Royaume chérifien, elle est aussi tournée vers l’Afrique et le moyen Orient.


A propos d’Olivia BRUNIE

Olivia Brunie dévore le Maroc avec passion. Elle vit à Rabat. Après une enfance heureuse en Charente maritime, elle est diplôme de l’école supérieure de commerce à Paris et effectue une carrière brillante dans l’hôtellerie pendant près de 15 ans en occupant des postes de direction pour les groupes Méridien et Concorde mais aussi pour le mythique Hotel Ritz à Paris. Mariée et mère de 2 enfants Olivia développe un goût pour la décoration et les objets grâce à des expériences personnelles qui la conduise à décorer d’importantes maisons en Europe et en Afrique. Avec un goût prononcé pour l’art et l’artisanat elle décide de fonder la galerie Tandem à Rabat qui a vocation à créer des objets précieux et uniques, créer des décors somptueux ou légers mais différents. Passionnée par la richesse de l’artisanat et la beauté des techniques ancestrales elle est toujours à la recherche d’un objet rare et exceptionnel, un objet ancien ou une création nouvelle qui revisite une tradition. 09.11.2016 culturetoute.com 9


Nizar Kerboute, ce médecin qui fait de la poésie une véritable Rédemption !

par Mounir SERHANI

A

uteur de trois recueils de poésie, Nizar Kerboute est un docteur en médecine dentaire à Rabat. Né à Taza en 1982, il dirige la revue SMS poétique et plusieurs ateliers d’écriture. Il a publié Cendres d’un amoureux, Un rouge avalé par le noir et Un Toit de Papillons (publié dans sa version française chez l’Harmattan en 2016) Ses poèmes ont été édités dans plusieurs revues littéraires, au

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Maroc et à l’Etranger. Il sort prochainement un nouveau recueil sur la vie des poètes, l’angoisse d’écrire et l’absurdité de la vie. Il s’agit d’un profil atypique. Nizar Kerboute exerce le verbe poétique depuis un domaine qui d’apparence s’éloigne de la ferveur et de l’univers des muses. Comme dans la tradition grecque, le médecin réclame l’aide des orateurs, ces amoureux des paroles et de l’art de la rhétorique. Il côtoie, au quotidien, le sang, le matériau stérilisé et les patients souffrants ! Comme s’il avait un rendez-vous avec la douleur. Lui rendre visite dans son cabinet de chirurgien dentiste c’est se rendre compte de la nature d’une vie sise au-delà du poétique. Pourtant, il ne cesse de lire et parfois d’écrire même au chevet d’un patient allongé, la bouche ouverte, attendant que l’anesthésie fasse son effet ! Nizar recourt à maintes reprises à la parole thérapeutique à même d’apaiser les affres de ses patients qui à l’écoute de quelques fragments poétiques voient disparaître leur douleur, comme par enchantement. Ceci n’est pas une métaphore, ni une image d’ailleurs. Ce jeune chirurgien dentiste poétise tout ce qui l’entoure et appréhende de facto l’aspect morbide que revêt un tel métier fade et insipide. Dans une rencontre organisée autour de son œuvre à la médiathèque de Rabat, il n’a cessé de déclarer son amour


son rendez-vous Avec un petit poème Imitant la marche d’Al- Mutanabbî Et la voix d’une métaphore blessée Dont les mots ne sont pas encore pansés (…) Un Toit de Papillons est un recueil rend hommage au poème, à l’œil du poète et à l’esthétique lucide à même de captiver tous les détails d’un quotidien ennuyeux et enragé. Nizar Kerboute décrit des corps fragmentaires qui se multiplient à l’unisson sans déboucher sur la platitude du réel. En effet, plusieurs motifs reviennent comme des leitmotivs rétifs à la reproduction insensée. Chaque détail revêt un sens particulier à telle enseigne qu’il déclenche une vie à part entière. Il s’agit donc d’un texte qui privilégie la condensation rigoureuse se nourrissant ainsi d’un regard d’esthète susceptible d’assigner à la poésie un pouvoir pictural, voire même cinématographique. Les scènes pour la poésie, cette autre vie qui commence et les coups de théâtre prolifèrent, les chez lui après 18h, soit l’heure heureuse de la personnages endossent des rôles éphémères vie, celle d’un poète d’âme et de sensibilité. mais s’éternisent dans la mémoire du poète De la suggestivité avant toute chose ! De la qui n’offre aucun détail gratuit. Tout converge poésie avant toute chose ! Voici le credo d’un in fine vers l’unité des fragments. Ainsi médecin qui s’élève autant que possible tel Kerboute fait-il du texte un prétexte dans un Albatros baudelairien afin de transcender la mesure où le véritable poème se niche une besogne « bourrée » de silence et de derrière le silence et le blanc. L’absence et blancs. Le poème est donc un espace de vie l’ombre sont effectivement deux topoi qui et d’espoir. Il est plausible que la littérature illustrent cette volonté perpétuelle d’insinuer soit salvatrice. Pour lui, les livres le consolent, le monde au lieu de le réécrire dans un voire le sauvent de la mort, cette déperdition langage prosaïque. C’est donc le soussymbolique qu’il refuse viscéralement car en entendu doublé du présupposé qui structure l’absence du littéraire, la vie serait noire et cette poésie rebelle à la redondance et à la sans odeur. répétition. Ecoutons-le nous susurrer : Oui, lisons ce fragment Il récite à l’écoute d’une bouteille de vin Comme s’il était poète solitaire Il part avec ses yeux Ce qu’il apprend des cris Dans la peine du soir Et des titres de journaux oubliés Et disparaît dans sa montre Sur le chemin du retour à la première ruelle Qui pèse lourdement sur son avant-bras Après le silence Comme s’il était un poète égarant son Un Toit de Papillons est un recueil qui part chemin à la recherche d’un plaisir contemplatif et Vers un bar ami d’une quête de soi, car le poète tourne le dos Partageant les moments de délire à la vie quotidienne pour vivre la poésie et Et les saisons de la solitude pluvieuse poétiser la vie. Il ne se souvient plus des traits des chaises Où il causait avec ses affres fidèles © culturetoute.com Il se rappelle la dernière fois où il a oublié 09.11.2016 culturetoute.com 11


la revue de presse #du Mercredi 9 Novembre 2016 Maradji, photographe des trois règnes Artiste au talent intarissable, Mohamed Maradji, connu sous le nom de «photographe des Trois Rois», a largement contribué à l’enrichissement de la mémoire photographique qui restera longtemps marquée de son empreinte. Natif de Casablanca en 1939, Maradji a fait ses débuts dans les années 1956, à l’âge de 16 ans, comme photographe ambulant dans les rues de sa ville natale, pour un dirham la... © libe.ma Le 9 novembre 2016

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Pourquoi le Maroc est le « petit Hollywood d’Afrique » (CNN) Le Maroc, qui est sur le point de devenir une plaque tournante de grandes réalisations cinématographiques, ne cesse d’attirer les grands du septième art, affirme un rapport de la chaîne CNN. Au cours des ces 20 dernières années, le Maroc est devenu populaire par des films tels que Army of One, Syriana et le thriller d’espionnage Body of Lies du réalisateur Ridley Scott, connu pour ses films qui traitent du terrorisme... © lesiteinfo.com Le 8 novembre 2016


Ahmed Soultan, Daoudia, DJ Van et Amine AUB récompensés aux Afrima

CAprès avoir primé Ahmed Soultan et Manal Bk en 2015, les All Africa Music Awards (Afrima) ont livré leur verdict lundi 7 octobre au Nigeria. Alors que les artistes marocains ont été nommés 23 fois dans l’ensemble des catégories de l’édition 2016, ils sont quatre à avoir décroché un trophée. Habitué des distinctions africaines, Ahmed Soultan a encore une fois été primé. Il a ainsi décroché le prix de «l’album de l’année» pour son opus «Music Has No Boundaries» («La musique n’a pas de frontières»). © huffpostmaghreb.com Le 8 novembre 2016

Rentrée Littéraire L’Union professionnelle des éditeurs du Maroc (UPEM) organisera la deuxième Rentrée littéraire nationale, le 12 novembre à Marrakech, avec pour objectif de permettre au public d’être en contact direct avec les livres. Cette journée nationale «portes ouvertes» vise à insérer le livre dans la mosaïque culturelle nationale, si riche et si diversifiée dans la perspective de..... © libe.ma Le 9 novembre 2016 09.11.2016 culturetoute.com 13


Monia Rizkallah, un peu de douceur dans ce monde de brutes Interview exclusive

par Nadia JACQUOT

Si vous deviez citer un titre classique, un musicien qui a compté dans votre vie ? J’adore Wagner, mais d’aussi loin que je me souvienne, Ravel est le premier compositeur que j’ai découvert. Je me souviens du tout premier concert de l’Orchestre de Bordeaux auquel j’ai assisté. C’était le Boléro de Ravel. J’étais assise à côté de mon père et il se souvenait que j’avais bondi de mon fauteuil en faisant l’expérience, pour Qu’est-ce vous a donné envie de faire du la toute première fois, d’un fortissimo d’orchestre. Ça m’a bouleversé. violon ton métier ? Je prenais des cours dans l’école de Citez moi un artiste ou style musical musique de mon quartier à Bordeaux que vous adorez. Quelle musique à 1000 en France. Mon professeur, Mme lieux du classique et du violon écoutezVallée, était membre de l’orchestre vous? de Bordeaux-Aquitaine. Un jour, elle A la maison pour me défouler j’écoute du m’a invité à un concert du Grand chaabi. J’adore le chaabi. J’écoute aussi Théâtre de Bordeaux. C’était une soirée les musiques pop rock du moment. Mais extraordinaire. Les gens portaient de en ce moment, j’écoute les vieux tubes de belles tenues. C’était la fête. Ce monde Mickael Jackson. avec ses codes me fascinait. Mme Vallée me racontait ses tournées Parlez-nous de vos projets ? avec l’orchestre et me ramenait de ses Je travaille actuellement sur un projet de voyages des quatre coins du monde des petits souvenirs. Ça me faisait rêver. Puis masterclass qu’on a appelé El Akademia. C’est en cours d’élaboration. Je ne peux un jour, très sûre de moi, je lui ai dit que pas trop en dire pour le moment. je la remplacerai à l’orchestre. En quelques mots, ce sont des La musique classique, c’est depuis son jeune âge que Monia Rizkallah vit bercée de symphonies et de concertos, que ce soit de Mendelssohn ou de Mozart. Elle tombe naturellement amoureuse du violon à l’âge de 7ans en visionnant la rediffusion d’un concert d’orchestre à la télévision. Le violon devient alors comme une évidence. Le violon devient sa vie.

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Monia Rizkallah Violoniste française d’origine marocaine, c’est au conservatoire de Bordeaux qu’elle fait ses premiers pas dans la musique. Reçue au Conservatoire National Supérieur de Paris, elle obtient plusieurs prix de violon et de musique de chambre. Elle intègre l’Académie Mozart à Varsovie et intègre l’Opéra de Berlin en 2000. Aujourd’hui, elle chef des deuxièmes violons à l’Opéra de Berlin et l’entraîneur à l’Académie l’Opéra de Berlin.

sessions intensives données par des musiciens d’orchestres de renommée internationale destinées aux musiciens d’orchestres locaux. J’aimerais voir ce projet se réaliser au Maroc. L’objectif est la transmission de connaissances et d’expériences. À la fin du programme, les musiciens locaux et internationaux effectueront un concert ensemble.

Le 5 n du dineovembre à l’o avec Cor de gala du ccasion nchita W SI urst DA

Qu’est ce que la culture selon Monia ? Il serait très audacieux et même présomptueux de ma part d’avoir une définition personnelle. La culture est complexe. La culture est multiple, et elle est aussi essentielle que l’oxygène. Elle s’affranchit. Elle se libère souvent des codes. Elle rapproche comme elle peut. Elle peut emprisonner ou interpeller, mais dans tous les cas, elle accompagne les hommes. C’est une part l’identité. © culturetoute.com 09.11.2016 culturetoute.com 15


par Khalid MHAMMEDI Dans le cadre de la COP22 qui se tiendra du 7 au 18 Novembre 2016 à Marrakech, l’association ARKANE MAROC, militante pour l’Art et toutes les formes d’expressions artistiques libres et libertaires, membre de l’Alliance Marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD), a obtenu la labélisation «COP22 Marrakech» pour le projet WACE (World Art COOP EXPRESSIONS) jumelé avec ARKANE AFRIKA 2 (deuxième étape).

OCEANS - Art Project by Mehdi Jassifi OCEANS , on a compris le choix de la thématique en ce moment précis , expliquez nous le choix des partenaires ? OCEANS est un projet artistique incluant des artistes de différentes disciplines. Oda Simi reconnue comme djette à travers sa campagne féministe sous le Hashtag #Evenboobscanmix. Oda est aussi une jeune femme très engagée par sa vision et ses idéaux décalés et avant-gardistes. Amal El Atrache reconnu en tant qu’actrice marocaine sur le grand et le petit écran. Amal est aussi une artiste pluridisciplinaire pratiquant de la peinture, dessin, photographie et aussi performance. Au sein du projet OCEANS, Amal a visé haut et nous donne un avant gout de ses atouts en réalisation vidéographique. Et moi-même en tant que concepteur de ce projet. J’essai de multiplier par ce projet mes performances et développer un exercice dans le même créneau d’art que je pratique. pourquoi ce titre ? Ce projet vise à sensibiliser au sujet du manque alarmant d’accès 16 culturetoute.com 09.11.2016

à l’eau potable en Afrique et au Moyen Orient. Aujourd’hui rare sont les pays qui ne sont pas très impactés par cette crise. Certains Etats comme le Maroc et Israël, pensent à développer des technologies écologiques et avant-gardistes. De plus en plus de centrales de désalinisation des eaux de mer voient le jour mais pas encore assez pour fournir les zones les plus arides de notre planète. plusieurs aspects artistiques se réunissent dans ce travail , les projecteurs sont braqués sur lequel ? Ce projet sera présenté sous la forme d’une vidéo-performance réalisée par Amal El Atrache où je me mets en scène personnellement accompagné de l’artiste Oda Simi. Et d’une série photographique issue de la performance réalisée. Bien que ce projet ait des inspirations géopolitiques, son essence reste artistique et humaine. on vous a connu sur un projet plus audacieux que la presse international a abordé plus que la nationale , tu t’assagis ?


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MEHDI JASSIFI / BIOGRAPHIE

M e h d i J a s s i fi e s t n é à Casablanca en 1992 et débute très tôt la photographie à 18 ans. En 2012, il rejoint le collectif SOORA qui est la première galerie en ligne de photo marocaine. Depuis, il a exposé ses travaux dans plusieurs villes du Maroc et en France, notamment à la Biennale de Marrakech 2014, au sein du programme Mastermind d’art contemporain à la galerie Venise Cadre (GVCC) à Casablanca (2016) et la semaine internationale de Quimperlé en Bretagne 2015. Mehdi aime les Hommes. Sans frontières ni tabous. Et sa sensibilité à fleur de peau fait de lui un demandeur de questions qui parfois (même souvent) transgressent les règles établies. Des questions qu’il exprime à travers son objectif. Il rêve d’un monde où l’obscurantisme est balayé par la lumière de ses flashs. Un monde où les Hommes sont égaux en Droits et en Devoirs. Et en Humanité.

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(Rire) J’ai toujours été sage. Mais cela ne m’empêche d’approcher des sujets très sensibles d’ailleurs j’ai commencé comme cela avec ma première série photographique intitulée « Too young to get married ». J’assume mon statut d’artiste militant. C’est dans ce créneau là où je peux exprimer mon art en toute sincérité et le plus humainement possible. Faire des jolies créations insignifiantes ne m’inspire pas vraiment. Je suis inspiré du monde dans lequel je vie, par la beauté et toute la cruauté injuste que j’y trouve. au fait , et au delà de la bio officielle , qui est mehdi jassifi ? Je suis exactement comme ma biographie officielle me décrit : « Mehdi aime les Hommes. Sans frontières ni tabous. Et sa sensibilité à fleur de peau fait de lui un demandeur de questions qui parfois (même souvent) transgressent les règles établies. » des projets futures ? Je suis en pleine finalisation du volet vidéo-performance Détox – Hchouma Project. De nouvelles collaborations verront le jour dans le cadre de ce projet. Deux autres projets seront concrétisés au cours de l’année suivant (2017) mais je préfère en parler au moment venu !

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Interview avec Rachid Khaless par Mhammedi Khalil

Rachid Khaless, l’homme, l’universitaire et l’écrivain Présentez nous Rachid Khaless, l’homme, l’universitaire et l’écrivain ? Ca démarre bien avec vous à Culture toute ! Je suis né dans une petite bourgade du Gharb et je suis originaire de Taza. J’ai fait études de littérature française puis une agrégation en lettres françaises. Aussitôt, je me suis destiné à une carrière d’enseignant, métier qui permet d’être libre et de fréquenter les livres, mes véritables amours ! Autant l’homme que je suis est rêveur et désordonné, autant l’universitaire est rigoureux et exigent ! Heureuse contradiction que j’assume. Mais l’un et l’autre cultivent l’idéal de la vie comme elle vient et réinterrogent en elle ce qui se dissipe ou advient. Je suis dans une attitude d’accueil de ce qui m’entoure. A y voir de près, je suis un aventurier de la vie. L’écrivain en moi est, je crois, la synthèse de l’homme et de l’universitaire. De par mon métier, je suis un lecteur. Je suis constamment aux voisinages des livres et je ne suis dépaysé de cet 20 culturetoute.com 09.11.2016

univers quand j’écris. Etre sensible au monde, j’observe les choses et les êtres et j’enregistre. Je suis un peu voyeur de ce côté. Et ça m’aide beaucoup dans l’écriture. Mais je m’analyse constamment moi-même. Du coup, les psys n’ont jamais vu l’odeur de mon argent ! Justement, j’ai publié Cantiques du désert et Dissidences à l’Harmattan, respectivement en 2004 et 2009. Puis Dans le désir de durer en 2014 à la Maison de la poésie au Maroc. Un recueil chaque cinq ans ! Pour le roman, je publie un ou deux par an. 2015 a vu la publication de Pour qu’Allah aime Lou Lou et Quand Adam a décidé de vivre. Cette année, j’ai publié Absolut hob et bientôt mon quatrième recueil de poésie intitulé Guerre totale. J’ai donc le goût de l’effort, je crois. Comment se passent votre journée type ? Ma journée est une véritable course ! Pourtant je déteste la vitesse. J’aspire à une vie moins effrénée et plus gratifiante en rencontres


humaines. En attendant, c’est les cours à l’université Med V, les lectures quotidiennes et, quand j’ai un peu de temps, je me livre à des activités artistiques. Mais la nuit a un attrait particulier sur moi. Quand je n’écris pas, je fais la fête. Quoi de plus normal pour un homme comme moi. Asolut hob relate une histoire d’amour étrange, comment peut-on avoir l’idée de départ d’un tel livre ? Je vous remercie pour cette question. Le point de départ de mes romans est d’abord une idée. Quand Adam a décidé de vivre, par exemple, relate l’histoire d’un homme déclaré officiellement mort et qui doit prouver qu’il est vivant ! Absolut hob est l’histoire d’un couple éperdument amoureux et qui vit avec un cadavre. Je ne crois pas à l’inspiration, mais au labeur. Je cherche une trame et quand je la tiens, c’est parti pour la rédaction. J’écris rapidement. Absolut hob s’inspire de mon vécu, mais ce n’est pas ma vie. Pour ce livre, je voulais interroger les signes, premier matériau d’un romancier, et j’ai pensé aux tatouages, écriture portéé au corps avec une beauté et une maîtrise incomparables. Ah ! quelle merveille un corps tatoué ! Dans ce livre c’est l’écriture romanesque qui interroge l’écriture sur le corps. Pourtant, je n’en propose aucun discours. J’écris la vie des protagonistes de façon poétique. Si poétique que j’en ai l’amplitude grâce à mon ami, Mounir Serhani qui est un lecteur boulimique et fin connaisseur de la littérature contemporaine au Maroc. Il m’a proposé de lire ce texte par sa voix. Il en avait lu des extraits à Fès, en marge d’un Festival et il m’a bluffé par mon propre texte. Cet après-midi là, la lecture nous a sauvés de l’ennui et de l’attente. Dites-nous combien de temps et d’énergie cela vous prend un roman comme Absolut hob ? J’écris très rapidement comme j’ai déjà dit. Absolut hob a été rédigé en 25 jours, il ya deux ans. Mais j’ai laissé reposer ce manuscrit pour reprendre, plus tard, sa correction. Ça

m’a coûté quelques semaines d’élagage et de relecture à haute voix pour obtenir du rythme. Je tiens à remercier le nouvelliste Issam-Eddine Tbeur qui a accepté de relire le manuscrit. D’habitude, je me relis et quand les mots créent des images, je libère le texte – qui ne m’appartient plus. D’ailleurs je ne lis plus mes textes romanesques quand ils sont publiés ! Pour ce livre, la presse est unanime à le saluer, le succès commercial est il au rendez-vous ? Effectivement, les échos sont bons. Les lecteurs et la critique ont été sensibles à l’histoire du narrateur et de Lilas, la femme qu’il aime. Le livre est largement diffusé et le rythme des ventes est assez encourageants pour ce roman mis en vente il y a seulement trois ou quatre mois. Parler de succès commercial serait très prétentieux de ma part. Ce livre est sélectionné pour des prix littéraires. Les organiseurs de ces prix ont été attentifs, je crois, à sa qualité littéraire et à la vision qu’il véhicule. J’attends donc la suite des événements. Le temps de vie d’un romancier n’a rien à voir avec le temps de vie d’un livre. Seule la postérité décide de sa longévité ou pas. Un écrivain arrive-t-il à vivre de sa plume ? Oui, sous d’autres cieux. Au Maroc, c’est extrêmement dur de vivre de sa plume. Pour ça, il faut imposer le respect des droits d’auteur et assurer une large diffusion des livres. Très souvent, ce n’est pas le cas. A des exceptions près, tous les écrivains gagnent leur vie en travaillant. Il faut surtout les honorer pour leur statut symbolique et pour le rôle qu’ils jouent dans la société. Vous avez un autre talent que vous cachez, la peinture ! Attendez-vous un meilleur moment pour faire votre coming-out. Vous semblez bien informé ! Au fond, ça ne m’étonne pas de vous. Cette passion m’accompagne depuis plusieurs années. Je 09.11.2016 culturetoute.com 21


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peins assez régulièrement des personnages tendrement monstrueux saisis dans un moment d’étonnement. Les corps sont hâves, les figures émaciées et les mains démesurés. La morphologie humaine est sciemment déformée et cela donne une figuration revisitée, renouvelée. Ces créatures issues de mon imagination font peur à certaines personnes alors que, moi, je les accueille dans l’écrin de ma tendresse ! Au fait, je propose un travail figuratif à mi-chemin entre peinture et dessin. Et en ce moment, je prépare une exposition. Je pense pouvoir la réaliser courant 2017. Vous cultivez une image de Bad-Boy, c’est voulu ? C’est la vie qui s’exprime ainsi en moi. Et je laisse faire. Je suis un révolté et je n’hésite pas à dire ce que je pense. Ça intimide certains, ça plaît à d’autres. Mais je suis très fidèle à l’amitié. Je suis intransigeant sur une chose : ma dignité. Pour le reste, j’essaie de comprendre l’attitude des uns et des autres. Si des gens ne m’apprécient pas, je m’en fous. Bad-boy pour dire : bon vivant, alors je prends. Et que ce monde demeure ! On dit que vous adorez la ville de Tanger, pourquoi ? J’ai envie de répondre : qui n’aime pas Tanger ? Cette ville est, à mon avis, le Maroc concentré. Elle est ancrée en terre marocaine et regarde en direction de l’Europe. Tradition et modernité y voisinent. C’était la ville de mes vacances. Très lié à un cousin, je passais tout mon temps libre à écumer les ruelles et m’imprégner de la lumière de la ville, de ses contes et légendes, racontés, autour d’un calumet de kif, par un vieux. C’est une belle histoire d’amitié. Adulte, cette amitié continue de me guider. Je suis Président de l’association Med-Cultures et j’anime avec Hamid Abbou, mon ami d’enfance et libraire de la ville, des activités culturelles qui ont un bel écho dans la région. Tanger est un véritable pôle économique mais la culture est retard sur l’évolution rapide de la ville. La culture continue de me faire voyager.

10. Des projets futurs ? Absolument. Mais contrariés, j’avoue, par le manque de temps. Il y a plus d’un an, j’ai écrit un roman intitulé provisoirement Crime dans le désert. C’est une réflexion sur la responsabilité de l’homme. A-t-il ou non le choix devant sa destinée ? Ce livre a été conçu et comme un roman d’apprentissage. Le protagoniste, Qabli, entreprend un long voyage vers de Sud, mais aussi vers le sud de son cœur, et découvre que sa volonté est constamment mise à l’épreuve. Quel choix sera le sien ? Il me faut numériser ce texte et le proposer à l’édition. Par ailleurs, je suis sur un nouveau texte romanesque. Je vous fais cette promesse : vous aurez l’exclusivité d’annoncer ce projet. Quatrième de couverture : Un couple éperdument amoureux vit avec un cadavre. Par amour pour sa femme, le narrateur accepte et aussitôt regrette de ne pas avoir enterré sa belle-mère. Lilas, l’héroïne, croit déceler le sens même de sa vie dans les tatouages portés à sept zones névralgiques du corps de la défunte. L’homme entreprend alors une enquête au cours de laquelle il sera amené à s’interroger sur l’essence de cette passion que le couple baptise hob. « Devant le mystère de ces tatouages qu’elle aurait aimé arracher à coup d’ongles, tarissant en elle le deuil, voulait-elle se convaincre, malgré le déchirement des adieux, qu’un âge venait de mourir et qu’un autre la happait alors qu’elle s’y attendait le moins ? Un néant insondable allait accueillir et dissiper ce cadavre familier. En attendant, se persuada-t-elle, il fallait de toute urgence en conserver la forme, en fixer l’allure, en saisir la signification » Avec Absolut hob, sa troisième fiction, Rachid Khaless signe un roman d’amour étrange. Le lecteur, qui y découvre l’échec de l’homme devant les leurres de la vie, ne manquera pas d’en réinterroger l’ordre secret et l’horizon.

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(1) Tallal, Portrait imaginaire, 2012 (2) Chaïbia – Masque, 1965

Madame Tallal de Chtouka Son fils s’appelle Houcine. Il est artiste-peintre comme elle et l’était bien avant elle. Il habitait les Hauts de Casablanca, tout près d’un hôtel ou s’est joué le sort du monde en 1943. Il avait une petite voiture ‘’sport’’ décapotable, de couleur bleu-ciel si ma mémoire ne m’abuse et il était – et est encore probablement - d’une douceur et d’une gentillesse peu communes. Nous nous voyions assez souvent avec d’autres amis et restions ensemble jusque tard dans la nuit à refaire le monde, avant qu’il ne me propose gentiment de me raccompagner dans le centre-ville ou je demeurais.

par Mourad HAMAYET

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Je l’appelais tout simplement Tallal, et j’ai ignoré son prénom, Houcine donc, pendant des décennies. A la limite il préférait qu’on l’appelât ainsi, de son nom d’artistepeintre. J’aime vraiment beaucoup sa peinture : ces œuvres étranges, envoutantes, délicates, un peu surréalistes, ses masques de la nuit, ses personnages échappés de l’obscurité, toujours légers, vaporeux et mystérieux. Lui-même se jugeait à l’époque très sévèrement et me disait constamment devoir travailler beaucoup pour arriver à dire ce qu’il avait à dire. Un jour, alors


*(2)

que je ne savais strictement rien de sa généalogie, il m’informa qu’il rêvait de peindre aussi bien que sa mère dont, me dit-il, il était certain qu’elle connaitrait une gloire mondiale. J’en restai coi et lui demandai de me parler davantage de sa génitrice. Il me raconta son histoire que tout le monde connait maintenant et me fit voir quelques-unes de ses œuvres, chez un mécène européen. - Son nom d’artiste ? - Chaïbia… http://touria.damoussi.over-blog. com/article-chaibia-tallal-la-defuntepeintre-marocaine-de-renommeemondiale-106160255.html L’art naïf - auquel ressortissaient ces toiles, ne respectant ni la perspective, ni les dimensions, ni l’intensité de la couleur, ni la précision du dessinavait pourtant les faveurs du public qui considérait le caractère ’’naïf’’ comme normal pour notre toute jeune peinture issue d’une civilisation qui s’est longtemps interdit la figuration.

Et le succès de cette grande dame arriva alors sous forme de raz de marée sur les cinq continents, partout où l’on goûte la peinture. Au Maroc, hélas, elle a souffert et continue de souffrir des exactions d’un monstre hideux : la contrefaçon. Est-il possible, où que l’on aille, de ne pas se retrouver nez à nez avec une croûte infâme criminellement signée du nom de Chaïbia ? C’en est grotesque et l’on a signé de son nom jusqu’à des ‘’œuvres’’ non supérieures, esthétiquement parlant, à des couches de bébé usagées tendues sur cadre ! Elles ornent les salons et les Puis-je avouer ce que je lui dis alors ? Je couloirs - et je le jure pour l’avoir vue, pense que oui, car je suis absous par le jusqu’aux toilettes de nombre de maisons délai de prescription : bourgeoises ! Au point qu’aujourd’hui, les - Je dois avouer que le travail de ta experts affirment que les tableaux signés maman ne laisse pas indifférent ! ‘’Chaïbia’’ contrefaits, en circulation, Il faillit s’étrangler et ne me cacha même dépassent de loin, en nombre, les œuvres pas qu’il fallait être aveugle et n’entendre originales. rien à la chose picturale pour oser faire Alors désolé de vous dire la vérité, mais preuve de tant de tiédeur en parlant du si vous possédez un de ces tableaux dont pur génie de sa maman, précisant qu’en la côte des originaux dépasse souvent le comparaison, son travail était un essai million de dirhams, avant de vous croire poussif ! riche, faites-le expertiser. En fait, il était indéniable qu’à mesure que Pour clore, je vous souffle un ‘’truc’’ qui je regardais les œuvres de la paysanne vous permettra peut-être d’épargner le des Doukkalas qui lui avait donné le jour, montant d’une expertise sérieuse : Si j’en découvrais l’équilibre, le sens des c’est laid, c’est un faux et quel que soit le proportions, l’originalité des couleurs et prix payé, il est exorbitant. même une espèce de gouaille, d’humour ©culturetoute.com populaire enthousiasmant, propre à me régaler. 09.11.2016 culturetoute.com 25


“L’attrait de l’illusion et la Jungle des humains” dans Hot Maroc de Yassin Adnan par Mounir SERHANI Une comédie noire et subversive Yassin Adnan est pluriel dans sa création. Poète, nouvelliste et romancier, il décide, après cinq ans de travail acharné et patient, de publier son premier roman qui n’a pas l’air d’un premier roman car il s’affiche d’ores et déjà mature et convaincant. Hot Maroc nous plonge dans l’ambiance d’un regard mobile qui rappelle celle du « Cahier du voyageur » où les multiples espaces visités s’opposent à la fixité des êtres souffrant de torpeur maladive ou, pis encore, d’un dégoût de vivre, c’est-à-dire de se déplacer. Vivre cette espèce d’ubiquité c’est être un vrai citoyen du monde. Effectivement, les 460 pages écrites, et il est noté noir sur 26 culturetoute.com 09.11.2016

blanc, entre Côte d’Azur (2011) et Bruxelles (2015). D’entrée de jeu, il faut dire que la linéarité narrative nous trompe car elle se trahit elle-même : le linéaire est juste apparent. Le récit est, en effet, fondé sur une trame inextricablement complexe dans la mesure où le roman dans son intégralité aboutit à une sorte de puzzle qui refuse qu’on lui enlève un détail qui fait bel et bien sens. A l’image d’un anti-héros voltairien, le personnage principal se retire parfois en préférant le silence qui consiste à semer des blancs transversaux dans le corps fragmentaire du roman. En somme, Hot Maroc donne à voir une société en détresse dans laquelle on scrute les tares


de la conjoncture actuelle. Il n’est pas hyperbolique de comparer Laâouina au personnage du Tambour de Günter Grass, à savoir Oscar qui regardait les tréfonds de la société “d’en bas”, comme s’il réalisait le regard “en contre plongée”, comme dirait un cinématographe. Sa lâcheté rappelle également la nonchalance des personnages de Céline qui n’effectuent leur revanche que dans la fiction, ou souvent dans le monde onirique qui est un espace de substitution par excellence. Laâouina se résigne devant ses ennemis et n’ose jamais les affronter, mais procède à un règlement de comptes fallacieux et irréel. C’est grâce à l’avènement de la nouvelle technologie que ce personnage va pouvoir se venger des autres. Une guerre totale et, du coup, pérenne se déclenche et rien ne peut en endiguer le déferlement intarissable. Et le romancier de nous inviter à l’univers de « Illusions perdues » (Balzac) où l’on fait une critique acerbe du journalisme qui dirige la masse depuis les zones d’ombres. Hot Maroc, une revue électronique dont la malhonnêteté est le maitre-mot influant ainsi l’opinion publique. Il s’agit d’un épisode sur la dépravation des hommes par le biais de la plume « prostituée » ! Le parallélisme avec la bête humaine n’est

pas aléatoire, d’autant plus que chaque personnage de Hot Maroc a son corollaire dans le monde bestiaire. Des similitudes autant physiques que comportementales. En fait, cette approche zoologique est adoptée à des fins analytiques dont le seul et unique objet est bien entendu le genre humain dans ses faiblesses, ses défauts, ses splendeurs et ses misères. De l’universitaire arriviste et incompétent au donquichottesque estudiantin utopiste, le monde est un simple théâtre, « le theatrum mundis », un bal masqué où même le tragique se trouve, en l’occurrence, déjoué avec un humour extrêmement décontracté. La démagogie des politiciens, la prostitution des journalistes dépourvus de toute conscience morale, voici les deux univers primordiaux d’un roman structuré par une donne majeure ; j’ai nommé : la déception. L’échec d’une génération, l’échec d’un esprit réformiste et pourquoi pas l’échec d’une nouvelle idéologie. C’est pour dire que c’est une écriture résolument actuelle d’un Maroc en devenir. Les tares d’une société ou le Maroc en miniature Rahal est un écureuil qui fait partie de 09.11.2016 culturetoute.com 27


Avec feu le Roi Abdallah d’Arabie Saoudite

Avec Akadir Benali, Abdellah Taïa, Rahim Al khasar au Trophée Beyrouth 39


cette facture satirique qui bat en brèches les différents visages d’une société en faillite, en crise de sens et on ne peut plus à la dérive. L’espace romanesque est subdivisé entre deux lieux principaux : l’université et le cybercafé. Et l’écartèlement des personnages sont autant l’expression du déchirement de l’individu moderne face aux mutations imposées par un monde en permanent changement que la représentation allégorique d’un Maroc en miniature. Ainsi serait-il difficile de classer génériquement ce roman, Hot Maroc, dans la mesure où il serait réducteur de le qualifier d’historique ou encore de réaliste. Il ne s’agit même pas d’un simple biographème car Rahal est un anti-héros qui s’adonne à ce que Roland Barthes appelle « le ne rien faire », ses actes sont manqués, ses comportements biaisés et vécus sous le signe de la lâcheté et de la rétrogradation. Il est dénudé de toute grandeur et de toute noblesse. Son aspect prosaïque, pour ne pas dire terre à terre, fait de lui, comme par enchantement, un être versatile dont le destin est voué sinon au fatalisme du moins au hasard de l’Histoire. Rien ne se fait grâce à sa volonté de sujet autonome. Or c’est là où réside paradoxalement la matière romanesque inépuisable : les rebondissements prolifèrent et les péripéties résultent du hasard, de l’accidentel. Mais le lieu adulé de ce personnage décalé est incarné bien évidemment par l’espace du rêve où cet infiniment petit devient, soudain, un infiniment grand, parce que le rêve est un lieu de prouesses et d’exploits épiques. Car le rêve est une affirmation de soi. Car le rêve est le moment propice pour que le moi tourne le dos au monde. Car le rêve anesthésie le mal de vivre et injecte la force d’affronter. Car Rahal est un être faible et fragile écrasé par des forces puissances. Car il incarne parfaitement le personnage tragique, conscient de sa finitude ! La constellation de personnages n’est que satellitaire dans la mesure où ces derniers ne représentent que de pâles reflets, des êtres factices, que voile une vraie faune : Abdeslam la mante, Halima le cygne, Aziz le lévrier, Mourad la gerbille, Atika la vache, Bouchaïb l’éléphant, Alyazid le chien, etc. La pieuvre et la chamelle, choisies comme symboles électoraux par deux partis politiques, nous transportent dans le zoo

électoral marocain. C’est un “monde à l’envers” qui permet de dé-couvrir, avec subtilité et beaucoup d’humour, le bestiaire en nous. Hot Maroc est une comédie « noire » qui décrit ce brusque changement que la vie des marocains a connu après l’apparition de l’Internet à tel point que cette vie comme elle advient passe d’un coup du sens de la frugalité sereine au vacarme du progrès. Il est question d’un roman qui raconte les faits politiques à travers un personnage désespéré vivant dans l’ombre et se délectant dans les fausses accusations en ayant recours, sans aucun courage ni scrupules, j’allais dire cyniquement, à la pseudonymie, dans un monde purement virtuel qui lui assigne par contre du caractère et de l’ampleur, ne serait-ce qu’à titre mensonger et illusoire. Bref, de la classe des émigrés échouant dans la délinquance à celle des opportunistes dégoutants, l’auteur ne cesse de brosser le tableau d’une société en décadence. Même le religieux est détourné de son terrain naturel pour servir des intérêts plus terrestres et profanes. Le progrès numérique fabrique, entre autres, les figures éminentes du fanatisme religieux, le désespoir des jeunes marocains les oblige à quitter le pays pour un éventuel eldorado outre-mer et les petites gens sont enfoncés dans l’abîme. Ce roman est écrit dans et pour la marge. Un plaidoyer pour les marginaux ! C’est de la périphérie qu’il s’agit dans Hot Maroc, un récit omniscient qui donne la parole aux négligés de l’Histoire dans une alliance insolite dans laquelle les frontières entre le virtuel et le réel s’estompent complètement pour que la jungle des pulsions triomphe : la dissolution des valeurs, la haine, la rancune, les magouilles, les pièges et la cruauté. Comme dans « Le trottoir de l’apocalypse », Yassin Adnan se délecte dans la négation de la vie, dans la déception indifférente à l’image d’une métaphysique cioranienne qui se complait dans ce que Nietzsche aurait appelé : le gai désespoir. © culturetoute.com 09.11.2016 culturetoute.com 29


Exposition

L’Histoire du Maroc exposée à Paris L’exposition se poursuivra jusqu’au 30 décembre prochain Après “Le Maroc contemporain” à l’Institut du monde arabe et “Le Maroc médiéval” au Musée du Louvre, une nouvelle exposition dédiée à l’Histoire du Royaume se tient actuellement au Musée de l’Ordre de la Libération à Paris.... © libe.MA

«Ailleurs», la traversée du désert de Othman Naciri (VIDÉO)

Ahmad Bouzoubaa, Fondateur et créatif de lamaisondesartistes.ma & culturetoute.com

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