Numéro 230
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e n g a t n o m a l e u q u ! die e l l e b est yet a m a H d ra par mou
EXPOSITION,Harmonie avec Fatna chanane
F
idèle à ses traditions culturelles et artistiques, le Carré Français de Casablanca n’a cessé d’activer sa participation à des événements artistiques et à des projets d’innovation, en alimentant et articulant la réflexion sur l’art à la lumière de son contexte actuel. A ce titre, cet espace pilote au Maroc présente du 4 au 12 février 2017 les œuvres les plus représentatives de l’artiste peintre talentueuse Fatna Chanane (vit et travaille à Casablanca) pour faire connaitre davantage la qualité de sa recherche plastique en bonne et due forme. Cette artiste hypersensible a fait de son langage créatif un laboratoire artistique dont les tableaux exposés témoignent d’un grand degré de doigté et de créativité. Une occasion idoine pour apprécier un panorama iconographique impressionnant qui revisite notre beauté environnante, et qui nous donne la possibilité de contempler les repères authentiques de notre mémoire collective. Ainsi, Fatna Chanane a mené à bien une approche stylistique personnalisée qui valorise le potentiel artisanal à travers un rapport transversal et interactif
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avec le patrimoine culturel qui fait en sorte que les récepteurs avisés s’approprient la richesse immatérielle, et participent activement à la conservation de ses atouts , tout en assurant une concertation efficace sur le devenir et la mise à niveau de leurs espaces vécus et habités : un voyage émouvant voire intriguant dans l’univers des arts traditionnels avec leurs dimensions civilisationelles et patrimoniales. Vu la dynamique de développement artistique amorcée par les grands chantiers structurants au Maroc, Fatna Chanane est animée par la volonté arrêtée d’améliorer les qualités intrinsèques sa peinture pittoresque et le désir de mettre en toile une harmonie esthétique révélatrice à plusieurs titres. Dans ce contexte, nous tenons à remercier vivement le Carré Français de Casablanca d’avoir initié cette exposition artistique marquée par quelques facettes saillantes des œuvres le plus abouties de cette artiste singulière. C’est grâce à l’approche participative de toute l’équipe de cette galerie que cette belle initiative a vu le jour, et ce dans un
esprit d’ouverture, de retrouvailles et d’échanges. Fatna Chanane est convaincue que cette exposition individuelle va lui permettre de concevoir une nouvelle manière d’approcher l’acte pictural, en côtoyant et en concertant les acteurs et les spécialistes en la matière. Il est à souligner que cette exposition se veut un prolongement qualitatif par rapport au parcours novateur de notre chère artiste dans le cadre de ses recherches approfondies suite à une synergie entre sa créativité personnelle et notre patrimoine collectif. Cette nouvelle exposition est amplement un tournant pour Fatna
Chanane pour faire valoir son talent d’artiste et sa sensibilités créative. Elle se présente également comme un carrefour ouvert où toutes ses démarches picturales se rencontrent et se confrontent dans un seul dessein : promouvoir la création de demain en la rendant accessible à tous. Un référentiel à capitaliser sur ses révélations et ses illuminations pour répondre à l’horizon d’attente contemporain des passionnés d’art et anticiper sur celui d’avenir. Salima Al Ansary Commissaire de l’exposition ©culturetoute.com 27.01.2017 culturetoute.com 3
en images par Ahmad BOUZOUBAA
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Numéro 230 du 10 février 2017 directeur publication Ahmad Bouzoubaa contact@culturetoute.com
actu 10 Art, Des experts exposent le bilan de la graphie tifinaghe, 14 ans après son adoption officielle 10 Festival, Nouvelle édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde sous le signe «L’eau et le sacré»
en une
08
SOMMAIRE
#culturetoute
08 Tourisme, Dieu que la montagn est belle !
magazine 08 Edition, Trois chroniqueurs et un billettiste
12
16 PHOTO, « 3Acha al Malik », écrit Maitre Gims sur Facebook ! 14 Culture, “MON AMérique à moi” une chronique de Mourad HAMAYET
18
16 Evenement, La cinémathèque de Tanger célèbre son 10e anniversaire 02 Art, EXPOSITION,Harmonie avec Fatna chanane 20 Evenement, La troupe indienne Dhwani de Kathak enchante le public casablancais 10.02.2017 culturetoute.com 7
par Mourad HAMAYET
A
ccepteriez-vous de répondre à une question ? Ne soyez pas vexé d’en ignorer la réponse exacte car vous ne seriez hélas, qu’un membre supplémentaire d’une immense majorité !... Voici la question : Au Maroc, combien y a-t-il de montagnes culminant à plus de 4000 mètres ? Vous avez probablement répondu ‘’1’’ car vous avez mille fois pu contempler le majestueux Toubqal depuis Marrakech. Vous êtes dans l’erreur. Vous avez peut-être répondu ‘’2’’ par prudence ! Mais vous êtes encore dans l’erreur. La bonne réponse est ‘’4’’. ‘’La marche contre le vent, la marche dans la montagne est sans doute l’exercice qui aide le mieux à vaincre le complexe d’infériorité.’’ Gaston Bachelard Ce sont : Jbel Toubqal : 4 167 m. Jbel Ouanoukrim et ses deux cimes : le Timezguida : 4 089 m. et le Ras Ouanoukrim : 4 083 m. Ighil M’Goun : 4 071 m. Jbel N’Tarourt : 4 001 m. Le géographe Jean Célérier,
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1887-1962, qui a occupé le poste de Directeur d’études à l’Institut des hautes études marocaines de Rabat, au temps du protectorat et qui est considéré comme un des meilleurs connaisseurs occidentaux de la montagne marocaine, a prétendu que la montagne au Maroc, loin d’être un élément de décor comme on le croit souvent, est bien plus la colonne vertébral du Pays et elle permet de distinguer les 4 groupes ethnoculturels bien distincts que sont le Rif, le Moyen-Atlas, le Haut-Atlas et l’Anti-Atlas. ‘’Le tumultueux torrent qui descend des montagnes va se perdre dans les ravins, mais la plus modeste goutte de rosée est aspirée par le soleil qui l’élève jusqu’aux étoiles.’’ Saadi (poète persan du XIIIème siècle) Le rôle de chacun de ces groupes dans la communauté nationale change et se décrit en fonction du progrès, de l’histoire et assurément des choix des hommes. Mais il est tout de même curieux que les ‘’hauteurs’’ aient si souvent servi de repoussoir à la plaine et aux
vallées ! Pourtant, point de rencontre entre le ciel et la terre, elle est partout le symbole de la transcendance. Dans notre cosmologie musulmane, Kâf est le nom donné à la montagne, lieu dominant le monde terrestre… ‘’Ne te moque pas de ma demeure La poutre en est inclinée et la chambre petite. Mais la lune qui brille sur la montagne est à moi.’’ Sin Heum (écrivain coréen du XVIIème siècle) La montagne par elle-même est une invitation à l’élévation, à l’approfondissement de la pensée, qu’elle soit savante ou non : en montagne, les choses, les pensées et les humains ont une qualité, un sens et une intensité supplémentaires. Qui peut s’étonner que la montagne agrandisse et éclaire ? “Soyez assis avec toute la majesté inaltérable et inébranlable de la montagne. Laissez votre esprit s’élever, prendre son essor et planer dans le ciel.” Sogyal Rinpoché (Lama Tibétain né en 1947) Au Maroc, les zones de montagne couvrent près de 10 régions comprenant environ 31 provinces avec plus de 63 municipalités et plus de 610 communes rurales. Ces zones représentent 26% de la superficie nationale et près de 30% en population avec une densité de 40 hab/km2. Mais, quoique couvrant une énorme portion du territoire national, quoique maintenant plus du quart du cheptel,
quoique riche de 15 milliards de M3 d’eau et de 3 000 indices et gîtes miniers, quoique couverte à 67% par la forêt et quoiqu’offrant des trésors touristiques sans nombre, la montagne se trouve dans un contexte peu propice au développement : enclavement, sous-équipement, inconsistance économique et misère sociale. “Entre les rivages des océans et le sommet de la plus haute montagne est tracée une route secrète que vous devez absolument parcourir avant de ne faire qu’un avec les fils de la Terre.” Khalil Gibran Il est assurément temps que tous ses avoirs, tous ses savoirs, toutes ses richesses et toutes ses beautés nous poussent à établir notre ‘’Espace Montagnard’’ dans ses fonctions, toutes ses fonctions, géographiques, démographiques, économiques, sociales et culturelles… Ne nions pas le fantastique travail des innombrables associations régionales ou locales de développement économique, social et culturel, mais par-delà cette action, par-delà l’indéniable prise de conscience de l’Etat, il faut une prise de conscience par l’ensemble des Marocains du fait que la montagne fait partie de leur identité, de leur être. «Quand tu es arrivé au sommet de la montagne, continue de grimper» Proverbe chinois ©culturetoute.com 10.02.2017 culturetoute.com 9
la revue de presse #du vendredi 10 février 2017 Des experts exposent le bilan de la graphie tifinaghe, 14 ans après son adoption officielle «Tifinagh entre authenticité et innovation» a été le thème d’une conférence organisée par l’Institut Royal de la culture amazighe (IRCAM), mercredi soir à Rabat, à l’occasion du 14ème anniversaire de l’approbation Royale de l’adoption de la graphie tifinaghe pour transcrire la langue amazighe. Le 10 février de chaque année est une occasion «dont nous sommes fiers et une journée mémorable, qui a... libe.ma Le 10 février 2017
Nouvelle édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde sous le signe «L’eau et le sacré»
La 23ème édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde sera organisée du 12 au 20maisousle signe «L’eau et le sacré». Cette édition, organisée sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, sera l’occasion pour explorer le symbolisme de l’eau et exhorter le monde à se réconcilier avec l’environnement et se mobiliser pour l’avenir des générationsfutures et de la planète. «L’eau,... libe.ma Le 10 février 2017
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16 000 RECRUTEURS
140 000 ETUDIANTS
22 000
OFFRES DE STAGE
/stagiaires.ma
@StagiairesMA
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© lesiteinfo.com
“
Les Simpson”
à l’honneur au Festival International de Cinéma d’Animation de Meknès (VIDEO) Le Festival International de Cinéma d’Animation de Meknès (FICAM) qui se déroulera à Meknès du 17 au 22 mars, recevra un invité de marque cette année. C’est David Silverman, l’invité d’honneur de cette édition, qui fera un exposé sur l’histoire de la fameuse série qu’il a réalisée et qui a battu tous les records d’audience dans le monde. C’est en effet à l’occasion du 30ème anniversaire de la série « Les Simpson » que le festival en collaboration avec l’institut
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français de Meknès, a tenu à faire honneur à cette production devenue légendaire. Cette série a commencé en 1986 sous la forme de préludes lors de la diffusion d’émissions télévisées, avant que la chaîne Fox ne décide de produire cette série sous un nouveau jour. Ainsi, « Les Simpson » ont connu leur heure de gloire à partir de 1989 et cela continue jusqu’à aujourd’hui, puisqu’ils ont conquis le monde entier et ont été traduits dans toutes langues y compris à l’arabe.
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Najib Refaif, Naïm Kamal, Mohammed Laroussi, Khalil Hachimi Idrissi
Trois chroniqueurs et un billettiste Par Abdallah Bensmain, auteur de « Alors l’information ? Les journalistes parlent du journalisme… et d’eux-mêmes ».
L
a presse nationale a donné
70, à La Vie Eco, en passant par Le
3 chroniqueurs de talent…
Courrier de l’Atlas, Najib Refaif est
et au long cours.
toujours sur la brèche, avec une
Abdallah Najib Refaif,
érudition toujours aussi largement
Naïm Kamal et Mohammed
déployée.
Laroussi y officient depuis les
Naïm Kamal a été présent dans
années 80 et continuent avec
plusieurs publications mais celles
une égale persévérance. Ils ont
qui semblent lui réussir dans la
en commun d’avoir sévi dans les
durée sont L’observateur du Maroc et
pages de Sindbad à une même
le site www.quid.ma qu’il a fondé. A
époque, entre 82 et 89, année de
l’Opinion sa chronique « La puce à
cessation de la publication.
l’oreille » ne passait pas inaperçue.
Dans cette publication, culturelle
Parmi ses modèles dans la presse,
à sa naissance, généraliste à sa
outre Jean Lacouture, il se référait
disparition, l’historien retrouvera
avec constance et respect à Delfeil
également les signatures de
de Ton qui tenait chronique dans
Mustapha Sehimi et de Abderrahim Le Nouvel Observateur, à partir de Bergache, comme chroniqueurs,
1975, sous le titre : « Les lundis
bien entendu.
de Delfeil de Ton ». Naïm Kamal
D’Al Maghrib, à la fin des années
animera, des années et des années
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plus tard, dans « Aujourd’hui le Maroc »,
L’écriture de Khalil Hachimi Idrissi
une chronique « Un vendredi par moi »
avait la vivacité du billet auquel avait
qui semble être un clin d’œil au maître,
donné ses lettres de noblesse Bernard
Delfeil de Ton.
Escarpit dans Le Monde (en une dizaine
Mohammed Laroussi a multiplié
de lignes, Robert Escarpit vous donnait
les supports. Actuellement il tient
suffisamment d’entrain pour toute la
« chronique » sur www.le360.ma, avec
journée, dans l’impatience de la lecture
pour voisins de palier Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, un pilier du quotidien Le Monde, Tahar Ben Jelloun, Leila Slimani et Fouad Laroui. Khalil Hachimi Idrissi est un autre artiste de la chronique, cassé dans son élan par ses responsabilités éditoriales à l’agence Map. Sa maîtrise du Billet qui n’est pas
du billet du lendemain !) et la longueur de la chronique, plus souvent que de coutume, qui en rendait le ton moins incisif. Abdallah Najib Refaif et Mohammed Laroussi viennent de publier des choix de chroniques, l’un aux Ed. Virgule, l’autre
la chronique en fait, avait atteint des
aux Ed. Rimal. A quand les chroniques
sommets à Maroc Hebdo. Il en a fait
de Naïm Kamal en recueil ou - du
un recueil « Billets bleus, chroniques
moins - un choix, car la masse doit en
marocaines », paru aux Ed. ALM, en
être encyclopédique par son volume,
2010 et reédité par Eddif-La Croisée des
aussi bien que celle de Najib Refaïf qui a
Chemins, avec une préface de Mostafa
procédé à une sélection ?
Nissabouri.
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La cinémathèque de Tanger célèbre son 10e anniversaire La cinémathèque de Tanger a programmé pour le mois de février une panoplie d’événements culturels à travers la projection d’une série de chefsd’œuvre cinématographiques, dans le cadre de la célébration du 10e anniversaire de sa création. Parmi les films programmés figurent «Moi, Daniel Blake» de Ken Loach (Grande-Bretagne2016), primé de la palme d’or au Festival de Cannes en 2016, «La La Land» de Damien Chazelle, qui revient en musique en livrant aux spectateurs un hommage aux comédies musicales hollywodiennes et «Les nouveaux héros» de Don Hall et Chris Williams (Etats-Unis-2014) avec Scott Adsit et Ryan Potter. © lematin.com
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n e s r a t s e ROi s e c s e t tou o avec SM l phot
! k i l a M l e a h c 3a
“ ”
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Maitre GIMS
L
e célèbre chanteur a posté une belle photo ce mardi sur sa page Facebook. Il a écrit: « 3acha al Malik », (Vive le Roi). Les fans de Maitre Gims et les Marocains ont apprécié: « Vive notre roi. Très longue vie au roi », « Le meilleur des rois du monde, toujours aussi sympa », « Magnifique photo! »… Plus de 12.000 likes en 3 heures sur la page Facebook
de Maitre Gims. Le rappeur est un grand amoureux du Maroc. L’année dernière, lors du festival Mawazine, il avait remercié le roi Mohammed VI « qui fait beaucoup pour l’Afrique », invitant le public à chanter à l’unisson l’hymne national marocain. ©lesiteinfo.com
m o C . e t u o t e r u t l u c r u s
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© libe.ma
La troupe indienne Dhwani de Kathak enchante le public casablancais La danseuse indienne, Vaswati Misra, et la troupe Dhwani de Kathak de danse classique ont séduit, dimanche, le public de Casablanca avec un spectacle de danse dans le cadre d’une tournée au Maroc. Ce spectacle s’inscrivant dans le cadre du renforcement des relations diplomatiques et culturelles entre le Royaume du Maroc et la République de l’Inde a emporté le public venu nombreux au Centre culturel de Sidi Belyout. Puisant dans le patrimoine ancestral indien, ce concert qui s’est déroulé en présence notamment de l’ambassadeur de l’Inde au Maroc a été ponctué d’un atelier de chorégraphie animé par la danseuse Vaswati Misra et la troupe
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l’accompagnant au profit des élèves des Conservatoires de musique et de danse de Rabat et Salé. Initiée par le ministère de la Culture en partenariat avec l’ambassade de l’Inde à Rabat, cette tournée de la troupe Dhwani de Kathak et la danseuse indienne ont présenté successivement des spectacles les 26, 27 et 28 janvier au Théâtre national Mohammed V de Rabat, au Théâtre Afifi d’El Jadida et au Centre culturel de Settat. L’artiste Vaswati Misra qui a entamé sa carrière à l’âge de sept ans a été initiée par les célèbres figures de la danse indienne avant de constituer en 1984 la troupe Dhwani de Kathak.
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Propos recueillis par Mohamed Thara, plasticien et enseignant chercheur en Arts, à l’Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 et Olivier Rachet. ©lesiteinfo.com
Rencontre internationale des artistes de Fès: l’Allemagne à l’honneur Entretien avec
l a u c s a P
, n a d r Jo
directeur artistique de la galerie Werkstatt à Berlin et commissaire de l’exposition collective L’Art en Temps de Crise, qui s’est tenue au Palais Dar Bacha Tazi à Fès, du 12 au 24 janvier. Placé sous la direction du photographe marocain Omar Chennafi, l’évènement a rassemblé des artistes venus de tous horizons. 22 culturetoute.com 10.02.2017
Le Site info: La 2ème édition de la rencontre internationale des artistes de Fès “Fez Gathering” accueille l’Allemagne comme invitée d’honneur. Que représente pour vous cette participation ? PJ : Tout d’abord, c’est un honneur pour nous de participer à la 2ème édition de la rencontre internationale des artistes de Fès. A l’heure actuelle, l’Allemagne et le Maroc sont des partenaires concernant la question de l’asile et des droits internationaux des réfugiés, un partenariat qui a commencé en 2015. Nous pensons que l’art est capable de nous aider à faire face à ces problèmes qui découlent de ces différentes crises politiques, religieuses et économiques, en rassemblant un groupe international d’artistes ici à Fès. Nous participons à cet évènement pour partager l’art, encourager les collaborations au-delà des frontières géographiques, et réfléchir sur le rôle de l’art en temps de crise. La collaboration entre nos deux pays est primordiale, mais elle doit être suivie par l’action. Le Site info: « L’Art en Temps de Crise » est la thématique retenue pour cette édition, pourquoi ce choix ? Et comment l’art doit-il répondre aux crises? PJ : L’art est un pont qui relie différentes perspectives pour créer une société diversifiée. En outre, l’art lui-même est un processus façonné par des problèmes tels que la mondialisation, la politique, la culture, la religion et l’extrémisme, ainsi que les perspectives individuelles et les points de vue des artistes eux-mêmes. Nous pensons que
l’art est à la fois un pont pour transporter les gens d’un espace à un autre, et un chemin qui traverse l’espace entre ses extrémités. C’est à travers l’art que les sociétés intègrent leurs nombreuses cultures, et c’est à travers l’art que les sociétés, dans un temps de crise, se stabilisent finalement. Pour ne citer qu’un exemple, pensons au tableau Guernica de Picasso qui dénonce le bombardement de la ville de Guernica, ordonné par les nationalistes espagnols et exécuté par des troupes allemandes nazies et fascistes italiennes. Pour la deuxième question, je pense qu’on répond aux crises par l’humanisme et l’art permet à l’homme de conquérir son humanité, symbole de sa différence par rapport aux autres espèces. Le Site info: L’exposition collective au Palais Dar Bacha Tazi « L’Art en Temps de Crise » a réuni une dizaine d’artistes internationaux, allemands et marocains. Selon vous, quels sont les points communs entre ces artistes retenus pour cette exposition? PJ : L’exposition réunit une dizaine d’artistes de différents pays qui ont des motivations et des approches différentes pour interroger la question très difficile de la crise. Nous sommes tous d’accord que l’art est susceptible de provoquer notre appétit intellectuel, mais ne peut pas suffire à notre faim. Il y a une responsabilité sociale à réaliser à travers l’art. L’exposition ouvre un espace de dialogue pour les artistes qui s’engagent dans la poursuite de ses thèmes, avec des œuvres qui touchent à la narration, à l’art conceptuel, à la vidéo ou à l’abstraction, mais toujours à la poursuite de questions peu confortables. Les points communs entre ces artistes, c’est qu’ils essayent de contribuer à la réflexion autour de la crise et des problèmes contemporains, faisant appel à un autre niveau de l’action pratique.
française des étrangers. Parmi la sélection, il y a l’œuvre de Rudolf zur Lippe, philosophe et peintre allemand, professeur de philosophie à l’Université de Francfort, il a préparé sa Thèse d’état en philosophie sociale et esthétique, avec Theodor W. Adorno. Sa peinture gestuelle est un témoignage sensuel qui se fie aux énergies universelles. Il y a l’œuvre de l’américain Timothy Hennessy, un artiste peintre majeur de la scène de New York des années 70. Il y a l’œuvre de Evi Blink qui photographie les réfugiés en Allemagne en attente de savoir s’ils obtiendront l’asile. Il y a Luca Carboni directeur de la compagnie de théâtre Gli Incauti basée à Bologne en Italie, qui travaille en collaboration avec le comédien Gabriel Da Costa. Les deux présentent le projet The Blink Experiment, une installation vidéo qui explore le monde de l’image et de la crise d’identité dans nos sociétés contemporaines. Il y a la sculpture/ installation flottante en tourbe de coco de la française Caroline le Méhauté articulée autour de l’opposition entre le terrestre et l’aérien. Dans un deuxième temps, dans la continuité de notre réflexion, nous avons invité des artistes marocains qui interrogent la question de la crise dans leur œuvre, comme Mohamed Thara qui propose l’installation vidéo Aussi longtemps que je peux retenir mon souffle qui traite de la crise des réfugiés et retrace le naufrage en Méditerranée du bateau de migrants de Lampedusa en montrant en parallèle la migration des hirondelles vers l’Afrique. Il y a aussi d’autres artistes marocains comme Madiha Sebbani et Soukaina Joual qui font de la performance dans l’espace public un outil de contestation politique et sociale. Enfin, il y a les artistes du collectif Think Tanger, comme Hicham Gardaf et Ouhaddou Sara qui appréhendent avec City Manifesto les mutations de la ville de Tanger. Tous ces artistes s’unissent pour vous présenter près d’une vingtaine d’œuvres à l’occasion de cette exposition collective.
Le Site info: Comment s’est fait le choix de ces artistes sélectionnés pour Le Site info: Parlez-nous du parcours cette exposition ? de cette exposition. PJ : Comme commissaire d’exposition, dans PJ : Les œuvres de cette exposition sont un premier temps, j’ai essayé avec Evi Blink appréhendées de manière à engager avec les de réunir des artistes qui ont déjà exposé artistes et le public une réflexion sensible sur à Werkstattgalerie, la galerie que je dirige les enjeux artistiques majeurs de la création à Berlin, comme l’écrivain et photographe contemporaine. Nous ouvrons avec cette français Pierre Jouve qui présente sa série manifestation un véritable dialogue et nous Marianne Brisée. Il a suivi pendant un an une proposons un nouveau regard sur la question unité de police parisienne pour réaliser des de la crise. ©lesiteinfo.com photographies sur la politique d’intégration
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Propos recueillis par Nezha Kandoussi
Interview Exclusive Avec Mahdi Naïm, architecte, ingénieur et designer marocain
Mahdi Naïm est un architecte, ingénieur et designer marocain, né à Essaouira,il y a 39 ans et installé en France depuis 15 ans. C’est un « polyglotte de la forme », comme il se définit lui-même. Pour lui, le designer a un rapport au monde, qu’il aide à construire, et quand l’artiste a un rapport à la vie, qu’il contemple. Entretien de haute volée sur les idées et les techniques. Attention, décollage ! 24 culturetoute.com 10.02.2017
Bonjour Mahdi, merci d’avoir accepté de répondre à mes questions pour culturetoute.com Tout d’abord, tu connais le magazine culturetoute.com, qu’en penses-tu ? Je trouve que c’est un magazine de très bonne qualité, utile et agréable à lire. Peux-tu me parler de ton parcours académique ? J’ai fait des études d’architecture à Rabat. Après avoir travaillé pour des bureaux d’études sur de nombreux projets d’ouvrage d’art, j’ai voulu compléter ma formation pour parer à des lacunes en résistance de matériaux. J’ai donc entrepris une formation au CNAM entre 2002 et 2005. Je voulais acquérir le pragmatisme de l’ingénieur en plus de l’approche de l’architecte. Et pour finir, j’ai suivi la formation Challenge Plus HEC avec un accent sur l’entreprenariat. Et ton parcours professionnel ? Même si j’ai une formation d’architecte au départ, je me suis tourné vers les bureaux d’études de conception en génie civil à Paris. J’ai travaillé dans les cabinets INGERIOP, SYSTRA, EGIS-IOSIS et SNC Lavalin. Ce sont les bureaux qui traitent de projets d’envergure comme des centrales nucléaires, des lignes à grande vitesse, aéroports, métros, les ouvrages d’art somme toute. Ce sont des expériences qui m’ont marqué, car pluridisciplinaires avec donc cette exigence de travail d’équipe. J’ai travaillé sur des projets comme les charpentes métalliques des usines Renault: Très formateur.
Ensuite, j’ai fait de l’édition de meubles et j’ai fondé « The Close Galerie » à Paris en 2007. En 2009 je suis allé ouvrir un studio d’architecture à Casablanca, le studio IDA. De retour en France en 2011: à Lyon, j’ai monté une société en « design & sourcing industriel » . Nous accompagnons les PMEPMI, startuppers et porteurs de projets à packager leurs idées pour qu’elles soient attrayantes et donc plus vendables. Je suis associé avec un ingénieur mécanique qui s’occupe des études techniques et de faisabilité. Mon rôle consiste à travailler la partie « attractivité ». Et comment es-tu venu au design ? Dans mon métier d’architecte, je travaillais sur des grands projets passionnants, mais qui pouvaient durer très longtemps. A tel point que cela en devenait frustrant d’attendre avant de voir le résultat de son travail. Et moi ce qui m’intéressait, c’était d’agir sur la conception, de participer à révolutionner l’architecture. C’est comme cela que j’en suis venu la conception-produit. Au design à proprement parler. La réalité, c’est que le travail sur le produit, c’est de l’architecture à moindre échelle. Ce sont les mêmes outils, les mêmes questions – on y traite de la même question de l’usage par exemple - mais l’échelle fait que le résultat arrive plus rapidement et donc : soit on est satisfait, soit on modifie et on en profite pour aborder de nouvelles thématiques et problématiques. Hormis cet aspect, le design et l’architecture ont la même logique. Est-ce-que tu peux nous parler de 10.02.2017 culturetoute.com 25
ton approche au design? J’ai exercé plusieurs métiers dans le design et chaque approche est différente. C’est justement ce qui me m’intéresse. En 2007, j’ai fondé « The Close Galerie » à Paris. Notre activité était d’éditer et promouvoir du mobilier. C’était une approche globale de l’usage du meuble, de la conception à la commercialisation en passant par les études de faisabilité, du prototype. L’esthétique, le style, bien qu’importants, ne sont pas des éléments essentiels pour moi. L’harmonie oui, mais l’aspect pur n’est pas ma priorité. Ce qui m’intéresse, c’est le processus intellectuel, l’usage d’algorithmes, le sens philosophique, l’apport des nouvelles technologies, de matériaux innovants. Combiner art, ingénierie, industrie. Et pour moi, le but ultime du design est d’être diffusé à grande échelle. Pour parler design, c’est une condition sine qua non. Notre approche au sein de Mahdi Design Lab, aujourd’hui, est de trouver des solutions pour répondre à la réalité et aux contraintes des porteurs de projet, et en tenant compte de la demande économique. C’est très stimulant ! On plonge dans des thématiques qui dépassent l’idée que l’on se fait du design. Il faut non seulement traduire
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l’intention de l’entrepreneur, mais aussi – comme dans le cas des projets connectés - sortir du carré. Il faut introduire de la sensualité, de l’organique, de l’émotion pour s’éloigner de l’aspect industriel et créer une identité et de l’attractivité pour le client. Le client étant d’une part notre client et l’utilisateur final, qui utilisera le produit. Tu as fait tes études au Maroc et tu y es retourné pendant 2 ans. Pourquoi estu rentré ? Je suis effectivement rentré au Maroc, où je me suis installé pendant 2 ans, à mon compte, parce que j’avais un projet, celui de rendre le design accessible aux Marocains. Sur place, j’ai été contraint de faire marche arrière pour différentes raisons. D’abord, le design au Maroc est encore jeune. Ensuite, comme je te le disais, pour moi, le design est une démarche et une recherche intellectuelles appliquées à la vie de tous les jours. Au Maroc, le design reste encore une question de tendance. On manque d’exigences à l’égard du design. Et puis, il y a l’aspect : propriété intellectuelle. Nous héritons d’une longue tradition d’artisanat qui raisonne par transmission du savoir-faire. Le designer, lui, se distingue par la signature, ce
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qui lui confère, par la même occasion, une responsabilité face à l’utilisateur. En France, le design est une question d’époque. On aborde le design dans le cadre de questions d’usage, d’écologie, d’économie etc. Ce que j’appelle les questions d’époque et c’est ce qui m’intéresse. La comparaison Maroc-France n’est pas heureuse, le Maroc serait plus comparable à des pays comme l’Inde ou le Brésil, de par la richesse de son patrimoine et de ses traditions. Est-ce-que tu envisages d’y retourner ? Oui, bien-sûr, c’est en projet. Le Maroc est une porte qui s’ouvre sur l’Afrique, plein de ressources, avec un climat économique très favorable. Et à propos du Maroc, est-ce une source d’inspiration ? Pour moi, le Maroc est une fenêtre sur le monde. Il est Occident et Orient. C’est un pays qui prépare à tout sauf à la schizophrénie et encore moins à l’enfermement dans tel ou tel style ou aspect. C’est un carrefour culturel avec une grande diversité décomplexée. Si on prend les moucharabiehs, par exemple, ce qu’il faut retenir, ce n’est pas l’aspect qui deviendrait une source d’inspiration. Les moucharabiehs sont un formidable témoignage de l’ensemble des connaissances de leur époque, qu’elles soient mathématiques, philosophiques, artistiques… Un aspect de l’identité du Maroc que je trouve intéressant à exploiter, parce qu’il permet de sortir de ce qui est perçu comme
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marocain, c’est la berbérité. Nommer une chaise d’inspiration scandinave Arouit (papillon), par exemple, est un vrai bonheur. A moins d’être un connaisseur, le nom est intraçable du point de vue de l’identité. Parfait ! Quelles sont tes inspirations alors ? Tout dépend de la problématique. La problématique amène à l’inspiration et l’inspiration nourrit la problématique. Je trouve surtout mes inspirations dans la philosophie, comme chez Hannah Arendt, Nietzsche, Jung, je suis un camusien dans l’esprit. L’absurde, le désenchantement du monde sont des thèmes qui me parlent. J’aime aussi la poésie contemporaine, comme celle de Salah Stétié. La destruction du langage m’inspire beaucoup. Pourrais-tu me parler de projets de design réalisés et de tes projets à venir ? Oui, ils sont de plusieurs natures. Les projets clients sur lesquels j’ai travaillés, je peux nommer les valises cabine pour SO NOMAD (Saint Honoré), une ceinture personnalisable pour LOOP ME. Une de mes réalisations personnelles : un vase organique, qui émerge comme une série de plis complexes, et qui exprime la complexité formelle des systèmes de croissance naturelle. A venir, la préparation d’une exposition d’objets décoratifs….et surtout continuer à rechercher et à créer. L’horizon, c’est l’INFINI. Merci Mahdi ! © culturetotue.com
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