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Houston Maludi, Un africain dans la ville

PAR / BY ARMELLE MALVOISIN

Houston Maludi

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Un Africain dans la ville

SUR L’INVITATION D’AKAA, L’ARTISTE CONGOLAIS HOUSTON MALUDI, REPRÉSENTÉ PAR LA GALERIE PARISIENNE MAGNIN-A, PROPOSE UNE INSTALLATION IMMERSIVE SUR LE THÈME DE LA VILLE, DANS LA NEF CENTRALE DU CARREAU DU TEMPLE. UNE JUBILATION POUR CE PEINTRE URBANISTE QUI NOUS EMMÈNE DANS L’UNIVERS INFINI DE L’ORDRE ET LE CHAOS.

Dans l’entrée de la foire, se présente une architecture s’étendant sur 34 m 2 au sol, avec des volumes variables de 2,5 à 4 mètres de hauteur, qui appelle le visiteur à déambuler dans et autour de ses structures confiées au peintre Houston Maludi. Couvrant partiellement l’installation intitulée "L’Ordre et le Chaos", deux papiers peints (noir sur fond blanc et blanc sur fond noir) reproduisent à une échelle légèrement supérieure les paysages urbains de l’artiste congolais, tandis que de grandes toiles dessinées à l’encre de Chine, placées le long des cimaises, font figure de fresques. « Poser mes toiles dans cette structure est une suite logique dans ma démarche urbanistique. Chacune de mes œuvres se présente comme un quartier d’une ville ». La ville est en effet au cœur du travail Houston Maludi. D’abord sa ville de naissance, Kinshasa, mégalopole où l’artiste vit, qui ne cesse de croître hors de tout contrôle. « J’aime voir les choses de façon globale, sous la forme de panoramas. Alors que normalement pour un peintre, son modèle c’est l’individu, mon modèle à moi c’est la ville, avec sa somme d’individus et de constructions en tout genre ». Issu de « l’école de la ligne » enseignée par son maître kinois Kamba Luesa, Houston Maludi a développé, après des années de recherches formelles expérimentales, ce qu’il appelle le « Cubisme Monochrome Symbiotique Quantique » qui s’inspire à la fois du cubisme de Picasso et de la physique quantique qui veut que toute matière peut être préparée de telle manière qu’elle se trouve dans plusieurs états superposés susceptibles d’interférer avec eux-mêmes. En 2006, avant de trouver son propre style, l’artiste avait souhaité faire une pause avec la peinture. Il s’est alors rendu à Kasangulu dans la région Bas-Congo pour pratiquer l’agriculture « qui m’a appris la patience pour bien faire les choses ». À son retour à Kinshasa en 2008, il trouve enfin sa voie. Les couleurs progressivement disparaissent de ses toiles pour laisser place à une bichromie (une seule couleur sur fond blanc ou noir). C’est une étape nécessaire qui lui permet de mieux se concentrer sur la ligne et de pratiquer une analyse et une dissection de la forme qu’il appelle son « cubisme ». Se référant à la théorie de la superposition des états que décrit Max Planck dans ses travaux sur la mécanique quantique, il peut ainsi plus aisément mettre en place un processus qu’il nomme la « symbiotique » où les formes se mélangent entre elles. Cherchant à atteindre une unité parfaite et discrète des éléments, les lignes continues et sinueuses de Houston Maludi parcourent ses toiles, traçant l’épaule d’un personnage, la toiture d’une maison et le châssis d’une voiture d’un seul et même trait. Ses vibrants paysages urbains d’une densité graphique inouïe foisonnent de personnages, d’architectures, d’arbres, de routes et de véhicules qui semblent se superposer sur différents niveaux de lecture. « En Afrique, l’ordre de distribution de la matière dans l’espace urbain se fait de manière chaotique, dans le sens où tout se construit de manière aléatoire, rapporte l’artiste. L’Afrique moderne se construit par superposition avec l’ancienne Afrique ». Son enchevêtrement chaotique de fines lignes qui nous immergent au cœur des mégalopoles africaines encombrées, traduit aussi pour Houston Maludi, le dynamisme et la richesse de la jeunesse africaine, ainsi que l’espoir d’un peuple qui s’épanouit de façon improbable, sans l’aide des politiques, « dans le secteur informel ce qu’on appelle en Afrique (selon une expression congolaise) « l’article 15 », autrement dit l’art de la débrouille ». Si la palette colorée, volontairement limitée, accentue la qualité graphique du travail d’Houston Maludi, l’on observe dans ses derniers travaux une sorte de retour à la couleur, par touches. Signe d’une plus grande maîtrise et d’une certaine maturité ? « Je me concentre toujours essentiellement sur la forme, mais aujourd’hui la couleur réapparait dans mes œuvres, par tempérament, comme un caméléon ». Remplies avec une sorte d’horror vacui, ses compositions ont atteint un tel niveau de densification qu’un nouveau phénomène semble se produire : « comme la matière qui s’effondre dans un trou noir, le vide gagne certaines zones de mes toiles pour les décompresser». Ainsi Houton Maludi nous fait voir l’infini de l’univers et au-delà.

Houston Maludi, Liberté, 2018, Encre de chine sur toile © Courtesy MAGNIN-A

Houston Maludi, Red Time, 2019 Encre de chine sur toile © Courtesy MAGNIN-A

An African in the City

ON THE INVITATION OF AKAA, AND REPRESENTED BY THE PARISIAN GALLERY MAGNIN-A, THE CONGOLESE ARTIST HOUSTON MALUDI PRESENTS AN IMMERSIVE INSTALLATION ON THE THEME OF "THE CITY", IN THE CENTRAL HALL OF THE CARREAU DU TEMPLE. THIS IS AN EXULTATION FOR THIS URBAN PAINTER WHO INVITES US INTO THE INFINITE UNIVERSE OF THE ORDER AND THE CHAOS.

At the entrance of the fair, a 34 square meters-large structure with variable volumes ranging from of 2.5 to 4 meters high, invites visitors to wander in and around the walls entrusted to the painter Houston Maludi. Two wallpapers (black on a white background and white on a black background), which partially cover the installation The Order and the Chaos, reproduce on a slightly larger scale the urban landscapes imagined by the artist, while large ink-on-canvas pieces hang along the wall like frescoes. "Integrating my paintings into this structure is a logical continuation of my urbanistic approach. Each of my works represents a district of a city.” The city is indeed at the heart of Houston Maludi’s work. He was born and lives in Kinshasa, a megalopolis that continues to grow out of control. "I like to see things globally, in the form of panoramas. While the painter usually uses the individual as a model, mine is the city with its sum of individuals and constructions of all kinds.” Having studied at "L’école de la ligne" and taught by the Kinshasa artist Kamba Luesa, Houston Maludi developed, after years of experimental formal research, what he calls the "Cubism Monochrom Symbiotic Quantum," which is inspired by both Picasso’s cubism and quantum physics. All matter may be prepared in such a way that several superimposed states can interfere with themselves. In 2006, before finding his own style, the artist wanted to take a break from painting. He went to Kasangulu in the Lower-Congo region to practice agriculture "which taught me the patience to do things right." When he returned to Kinshasa in 2008, he finally found his way. The colors gradually disappeared from his paintings to make room for a duotone (a single color on a white or black background). This is a necessary step that allows him to better focus on the line and practice an analysis and dissection of the form he calls his "cubism." Referring to Max Planck’s theory of superposition of states in his work on quantum mechanics, Maludi can more easily set up a process he calls "symbiotic" in which forms are mixed together. Seeking to achieve a perfect and inconspicuous unity of elements, Houston Maludi’s sleek, curvilinear lines roam his canvases, linking a character’s shoulder, the roof of a house, and the chassis of a car in one single line. His vibrant cityscapes of incredible graphic density are rife with characters, architecture, trees, roads and vehicles that seem to overlap on different levels of reading. "In Africa, the order of distribution of matter in an urban space is chaotic, in the sense that everything is built in a random way," says the artist. Modern Africa is built by superposition with ancient Africa. The chaotic interweaving of fine lines immerses us in the heart of congested African megacities. In Maludi’s work, it represents the dynamism and richness of African youth, as well as the hope of a people who flourish, without the help of politicians, in an improbable way, known in Africa as "the informal sector" or (according to a Congolese expression) "Article 15." In other words, "the art of managing on your own". If his color palette, voluntarily limited, accentuates the graphic quality of the work, one might observe in his latest pieces a kind of return to color, by section. Is this a sign of greater control and maturity? "I always focus mainly on form, but today the color reappears in my works, by temperament, like a chameleon". Filled with a kind of fear of emptiness, his compositions reached such a level of densification that a new phenomenon seems to occur: "Like the material that collapses into a black hole, the void takes over some areas of my paintings to decompress them". In this way, Houston Maludi shows us the infinity of the universe and beyond.

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