Maquette livre Perchicot

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Michel MONTAGUT

Perchicot De la piste à la scène


Conception graphique et mise en page : Alissa RUIZ Tutrice : Julie Muñoaga ISBN : © atlantica, BIARRITZ, 2017

Atlantica : 18, allée Marie-Politzer – 64200 Biarritz 05 59 52 84 00 – contact@atlantica.fr Paris : 3, rue Séguier – 75006 Paris Catalogue en ligne : www.atlantica.fr


Michel MONTAGUT

Perchicot De la piste à la scène

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À Thérèse



Un été dans les années 1970, en plein spectacle taurin à Saint-Jeande-Luz. La télévision retransmet une course de vachettes inspirées d’Intervilles, et soudain, la voix du présentateur s’élance : « Mesdames et messieurs le sauteur va maintenant passer par-dessus la vache, les deux pieds dans le béret, ce béret si bien chanté par Perchicot ! » Mes oreilles frisent, mon sang ne fait qu’un tour. Je relève la tête à la fois surpris et touché au cœur. Ainsi, Arnaud André Perchicot, mon grand-oncle, appartient-il à la mémoire collective ! Suffisamment pour être cité comme une référence dans une émission populaire suivie par des millions de téléspectateurs un soir de juillet. Ce chanteur et ancien champion de cyclisme, cet homme inclassable qui eut plusieurs vies, celui dont j’ai entendu raconter les aventures depuis mon enfance, n’a donc pas tout à fait disparu. Rembobinage. J’avais six ans lorsque Arnaud André Perchicot mourut et malgré l’omniprésence de sa légende dans l’univers familial, je ne peux pas dire que je le connaissais vraiment. Bien qu’il fût le frère de ma grand-mère, je ne savais guère que deux ou trois anecdotes sur lui : il avait été champion cycliste avant la Seconde Guerre mondiale, puis avait eu un accident d’avion qui mit un terme à sa carrière. Il s’était reconverti dans le music-hall avec talent et son plus grand triomphe, dans le Sud-Ouest tout au moins, avait été Le béret. Côté vie privée, il semblait ne s’être jamais marié et n’avait pas de descendance. Les pièces à conviction me manquaient cruellement : aucun 78 tours ni photo à portée de mains. Perchicot s’évapora à nouveau de mon esprit. Dix ans plus tard, mon grand-oncle réapparut à la faveur d’un enregistrement involontaire sur mon magnétoscope. J’avais laissé l’appareil courir jusqu’à la fin de la bande, et sans le vouloir, gravé le clip de la chanson À La Varenne, titre très connu de Perchicot, tourné en extérieur et considéré comme le premier vidéo-clip français. Ce soir-là, À La Varenne ouvrait une émission consacrée


au cinéma. Le lendemain, je reçus un appel de ma tante qui me demanda si j’avais vu ledit passage. Je découvris avec joie que j’avais enregistré la bonne chaîne. Grâce à cette vidéo d’excellente qualité, j’étais désormais en possession de ma première pièce du puzzle. Le déclic qui allait donner naissance à ce livre se produisit chez mon disquaire. Au milieu d’une compilation de chansons françaises d’avant-guerre, j’y dénichais Les gars de la marine, un titre de Perchicot que j’avais souvent entendu fredonner par mon père, lui-même ancien sous-marinier. J’y vis un signe pour dépoussiérer le mythe familial tissé autour de Perchicot et aller puiser dans les mémoires des derniers témoins avant que ceux-ci ne disparaissent à leur tour. Ce livre est à cet égard une biographie mais surtout émane de mon envie de ressusciter un personnage français, incarnation d’une époque révolue, dont la genèse date de la fin du XIXe siècle.

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CHAPITRE

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L’enfance

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Tout commence le 9 août 1888 à Bayonne, jour de la Saint-Amour. Arnaud André naquit dans le nouveau quartier de Saint-Esprit, ancien bourg de la rive droite de l’Adour, rattaché à Bayonne lors de l’arrivée du chemin de fer en 1857. André son second prénom prendra rapidement l’ascendant sur le premier - est le fils de JeanBaptiste Perchicot, tailleur de pierre, et de Marie Isabelle Daragnès, lisseuse. Le couple eut six autres enfants dont seulement trois survécurent : Marguerite, née en 1893, Charles né en 1896 et Germaine née en 1899. Un an après André, un petit garçon prénommé Louis ne devait pas dépasser les dix-huit mois. Juste avant Marguerite, Jean Léon, puis Marie Anna née en 1894, succombèrent également en bas âge. En s’agrandissant la famille déménage, toujours à Bayonne, rue Bergeret, puis en 1894 rue Bourgneuf, et enfin rue Maubec au « Chalet Mon Rêve », situé à l’angle de l’avenue du 18 avril 1814, sur les hauteurs non loin de la citadelle. C’est là que Marie Isabelle et Jean-Baptiste finiront par acquérir, ou fonder, le doute est permis, une marbrerie. Devenue aujourd’hui la marbrerie Bousquet, elle est située juste à côté du cimetière Saint-Esprit où le couple Perchicot repose dans son caveau au côté de leur fils aîné André. Les Daragnès (qui s’écrit parfois Daraignès), comme les Perchicot sont deux familles originaires de Bidache, village original de l’intérieur du Pays basque français où est ancrée une tradition de tailleurs de pierre, perpétuée chez les Perchicot par le père d’André. On y trouve notamment la trace d’un Vincent Perchicot (1725-1792), maître tailleur de pierre, fils d’Arnaud Perchicot et de Marie Larran, père de sept enfants parmi lesquels deux Arnaud Perchicot. Même si elle n’est pas clairement établie, une parenté ancienne existe sûrement entre les deux familles. La pratique était en outrecourante de donner un prénom commun au premier garçon de chaque génération.

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La consultation des archives nous apprend aussi que chez les Perchicot la longévité est une qualité familiale. Une coupure de presse datée du 4 mars 1906 raconte que « la doyenne des femmes de France vient de s’éteindre, à Bidache, dans sa cent septième année. Elle se nommait Marie Daraignes, veuve Perchicot, mais elle était plus connue, dans le pays sous le surnom de “Pitchonne”, petit poisson, parce que lorsqu’elle vint au monde, elle n’était guère plus grosse qu’un poisson. La “Pitchonne” eut sept enfants, dont deux jumeaux, et à la célébration de sa centième année, elle comptait autour d’elle quarante-neuf arrière-petitsfils. La vénérable doyenne a conservé toute sa lucidité d’esprit jusqu’à ses derniers moments. » Pour André Perchicot, il s’agit de la sœur de son arrière-grandpère Jean Daragnès (1806-1879), c’est donc son arrière-grandtante. Et pour moi qui vous raconte cette histoire c’est mon arrière arrière arrière-grand-tante. Le point commun de tous ces gens ? Avoir passé l’essentiel de leur vie à Bidache. Pour André, il en sera tout autrement. Pour l’instant, ignorant tout de son destin, il grandit sans opulence matérielle tout en ne manquant de rien. Inscrit en école maternelle à l’asile Saint-André de Bayonne, il se fait remarquer pour la première fois sur une scène à l’âge de neuf ans, en prononçant à l’église Saint-André, un sermon qui, tant sur le fond que la forme, époustoufle son auditoire. Faut-il y voir le début d’une carrière religieuse ? Il était encore de tradition à la fin du XIXe siècle au Pays Basque comme dans de nombreuses régions françaises, d’avoir dans toute bonne famille chrétienne un prêtre ou une religieuse. Est-ce une raison pour le faire étudier au collège catholique Moncade à Orthez, fondé en 1850 par saint Michel Garicoït, ou ses parents lui ont-ils simplement choisi un bon collège ? Ses études sont brillantes : en quatrième, il décroche un prix d’excellence, un premier prix d’instruction religieuse, un premier 12


prix de version latine, et prémonitoire ? - un premier prix de langue anglaise. Au collège, il étudie avec les pères Béthammarites et sort à seulement dix-sept ans, diplômé de deux baccalauréats, un littéraire et un scientifique. En 1905, le fait est suffisamment exceptionnel pour le noter. Il en gardera une culture générale peu commune pour l’époque. Nul doute qu’il ait pensé à la soutane. Outre son éducation catholique et ses prix d’instruction religieuse, il s’est déjà fait remarquer, plus jeune, par ses dons d’élocution. Les pères, ses éducateurs, l’ont détecté comme un candidat potentiel à la prêtrise. Va-t-il entrer au petit séminaire de Bayonne ? Après avoir longuement médité, il prend la décision de ne pas s’engager dans cette voie. Comme il l’expliquera plus tard dans une entrevue : « Non décidément ! Malgré toutes mes vicissitudes, j’ai gardé la foi, mais j’aimais trop la bonne vie matérielle pour faire un prêtre. » La messe est dite ! Ses parents veulent un travail sérieux pour lui. Il opte donc pour une préparation à l’examen d’entrée de l’école des Pontset-Chaussées, qu’il réussit. Il y entre, y occupe une fonction de dessinateur jusqu’à son appel sous les drapeaux. Le 8 octobre il intègre les ran sera pas si compliqué, il est affecté à Bayonne, à la citadelle située à Saint-Esprit, à quelques centaines de mètres de la maison familiale. Ce cantonnement abrite neuf cents hommes de troupe, il aura l’occasion de s’y faire de nouveaux amis. Le registre d’incorporation le mentionne « employé des Ponts et Chaussées ». Ultérieurement cette mention sera rectifiée en rouge par « artiste lyrique ». Cette modification n’a pu intervenir qu’après la Grande Guerre lorsqu’il fut affecté à la réserve. On le voit sur deux photos imprésentables car trop délavées, dans ses fonctions, travaillant avec le niveau sur le bassin de radoub de Bayonne et sur une drague. On devine un garçon sûr de lui, fier de ses origines basques et de sa 13


région, volontaire, mais aussi méticuleux pour tout ce qu’il entreprend. Son service militaire lui a cependant permis de réfléchir à sa vie professionnelle. Il a pris conscience que le sport cycliste est sa voie, il va s’y consacrer à fond, sans hésiter. Désormais, il lui faut convaincre ses parents, les faire changer d’avis car il a besoin de leur accord. À ses yeux, la famille, c’est sacré. Toute sa vie, il reviendra ainsi se reposer et se ressourcer au chalet parental « Mon rêve » auquel il fera ajouter une pièce pour lui. Sa vie privée reste mystérieuse. Il ne se mariera pas, tout en ayant de nombreuses conquêtes féminines, plusieurs témoignages le confirment.

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CHAPITRE

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Premiers tours de roues

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Si André ne prend pas la robe, ses années au lycée de Bayonne ont pourtant été décisives. Pour s’y rendre, il doit en effet traverser la ville, et le moyen de locomotion le plus naturel est un vélo. Ah sa petite reine, il l’aime ! Il la bichonne, l’entretient. À chaque trajet, il passe à côté du vélodrome des Glacis, aujourd’hui remplacé par un grand parc de stationnement. Un jour il n’y tient plus, la curiosité est trop forte, il entre. Accoudé contre la balustrade, la main enserrant le cuir de son siège, l’adolescent regarde, fasciné par les champions locaux. Poussé par une fougue qu’il ne se connaissait pas, il enfourche son vélo et commence à s’entraîner aux côtés de ses aînés. Il s’impose rapidement et vient régulièrement faire ses tours, en cachette de la famille. Quelques mois plus tard, force est de constater que ce petit jeune est déjà bien difficile à battre. Grâce à une loi de finances de 1893 qui taxait chaque bicyclette à hauteur de 10 francs par an, on suit avec précision l’évolution du parc national de bicyclettes. En cinq années seulement, il a triplé, passant de 151 045 cycles en 1893 à 483 414 en 1898. La taxe est abaissée à 6 francs, ce qui provoque immédiatement un boum dans les achats. En 1899, on compte 838 856 cycles et en 1906 près de 2 millions. L’année suivante, la taxe est à nouveau abaissée à 5 francs, la ruée continue : en 1914, on enregistre près de 3 millions et demi de cycles. La population française étant évaluée en 1911 à 40 millions d’habitants, on n’est pas loin d’avoir une bicyclette pour 10 habitants et ceci en vingt ans seulement. La bicyclette s’inscrit désormais comme un objet coutumier du paysage français. Pourtant au début du siècle, un vélo représente un achat important, bien plus qu’aujourd’hui, et cet investissement est loin d’être à la portée de toutes les bourses. Cela vaut au jeune André ses premiers ennuis en famille, il refuse de se séparer de son coursier même dans sa chambre, et après l’avoir consciencieusement huilé, l’accroche au-dessus de son lit ! De temps à autre l’huile goutte sur le lit... et

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le tache, provoquant l’ire de sa mère ! Bien plus qu’un sport, le cyclisme sera pour André une véritable passion.Tout au long de ses différentes carrières, la bicyclette restera le fil rouge de sa vie, et il enfourchera à chaque fois que cela lui sera possible sa petite Reine pour parcourir quelques kilomètres quotidiennement. Autant il est aisé de nos jours de suivre la carrière d’un personnage connu, hommes et femmes politiques, sportifs de haut niveau, artistes, que radios et télévisions suivent pas à pas, autant il est difficile et délicat de reconstituer la carrière d’un sportif dont les exploits sont antérieurs à la Seconde Guerre mondiale. En 1905, le cyclisme est au sommet de sa popularité mais il n’y a pas de radio, encore moins de télévision pour suivre les courses par étapes. Il n’y a pas non plus de congés payés, il faudra attendre 1936 pour y avoir droit. Le Tour de France ne passe pas souvent… et pas partout. Pour le voir il faut pratiquement qu’il passe devant votre porte. On ne peut le suivre que par la presse écrite, qui devient ainsi l’unique source pour retracer la vie d’un sportif. La tâche s’avère encore plus ardue en ce qui concerne les événements intimes qui jalonnent une vie, qui plus est les sentiments et les états d’âme d’une personne. Lorsque je me suis attelé à la rédaction de ce livre, la difficulté principale a été de trouver des témoignages directs ; les entrevues se font rares, les archives sont parfois détruites ou introuvables et une importante quantité de journaux locaux ont disparu ou changé de nom. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, apparaît encore parfois la rubrique « vélocipédie », c’est le cas dans Le Figaro, La Croix, mais pour d’autres elle est déjà devenue « cyclisme » depuis 1912 (Le Journal Amusant, Le Temps, Le Matin, Le Gaulois, Le Petit Parisien).

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Dans toute la France, il existe une quantité importante de vélodromes. En Aquitaine on en trouve à Aire-sur-Adour, Agen (333 mètres, en ciment), Bayonne (325 mètres, en mâchefer), Bordeaux (vélodrome du Parc 402 mètres en ciment situé à Caudéran, ainsi que le vélodrome Mondésir de 333 mètres, en ciment également), Dax (vélodrome du champ de Cuyés), La Réole (vélodrome des Charmettes), Le Boucau (vélodrome de l’Adour), Pau (333 mètres, piste en macadam), Tarbes (vélodrome des Pyrénées), Toulouse (402 mètres en ciment, mais surtout le vélodrome du Bazacle, piste de 250 mètres en ciment). Cette liste n’est pas exhaustive. En Espagne, à proximité, Saint-Sébastien en possède également un : le vélodrome d’Atocha1. Le Grand Paris en compte également une bonne quantité : Parc des Princes, piste municipale du Bois de Vincennes, Vélodrome d’Hiver, Palais des Sports, vélodrome Buffalo à Neuilly-sur-Seine, pour ne citer que les principaux. Leur nombre élevé démontre la vitalité et la popularité du cyclisme sur piste à la Belle Époque. Les vélodromes sont pour les spectateurs la seule possibilité de voir les vedettes lors des compétitions, pendant toute une après-midi, de les applaudir, les acclamer, voire de les siffler tout à leur gré. 1. Il a été construit par le Club cycliste de Saint-Sébastien présidé par le Français XXX Comet, installé dans la ville depuis plusieurs années, aidé de son compatriote Gervais. Le club était parvenu après de grands efforts à construire le vélodrome d’Atocha lequel connut son époque de splendeur de 1880... jusqu’à sa disparition. Monsieur Comet était également le moniteur du roi Alphonse XIII, dans l’art de monter à bicyclette, avec ses “machines” maintenues en permanence sur le terrain. Comet et le Club cycliste furent les organisateurs de fameuses compétitions, en particulier en septembre, auxquelles assitait souvent la famille royale. Cependant les footballeurs de la Real Sociedad de Saint-Sébastien, club fondé en 1913, appuyé par l’énorme succès croissant de leur sport firent construire le stade d’Atocha au même endroit et il fallut détruire le vélodrome. Comet, profondément déçu de ces événements, lança une malédiction contre le club de football : « Jamais la Real Sociedad ne sera championne d’Espagne »… Si le Club cycliste avait réussi à être champion du premier coup, il faudra attendre presque soixante-dix ans pour que les footballeurs soient champions. 19


André Perchicot prend sa première licence en 1905, et effectue sa première course au Boucau à quelques kilomètres de Bayonne. En 1906 il continue à courir dans le voisinage, encore au Boucau (Prix Furon), puis à Dax au moins deux fois mais on ignore les résultats de ces épreuves. À cette époque - et ce jusqu’au 20 décembre 1940 - c’est l’Union vélocipédique de France (UVF), ancêtre de la Fédération française de cyclisme, qui organise le sport cycliste dans le pays. Dès sa création en 1881, l’UVF a octroyé le statut professionnel aux coureurs cyclistes français. Fraîchement âgé de 18 ans, André Perchicot prend en 1907, sa première licence comme professionnel. Cette année-là, il passe le brevet militaire des 50 kilomètres dont il termine premier en 1 h 33 min.2 Le 10 novembre, il participe à la réunion de clôture de l’Union cycliste tarbaise qui se déroule au Vélodrome des Pyrénées. Il participe à la vitesse professionnelle. Il remporte la deuxième série devant Ducour, puis la finale devant Pierrefitte et Ducasse. 1908 sera l’année qui le fait décoller : le 12 avril se déroule à Pau le championnat des Basses-Pyrénées, qui ne sont pas encore les Pyrénées-Atlantiques, et il obtient ici son premier titre.

2. Extrait de l’avis paru le 30 juin 1917 dans la presse sportive haut-garonnaise. « Brevet Militaire Cycliste Avec l’agrément du ministre de la Guerre l’Union vélocipédique de France organise, pour le 1er juillet, une épreuve officielle de 200 kilomètres pour l’obtention du Brevet militaire. Elle est réservée aux jeunes gens de la classe 1919 et aux ajournés des classes précédentes. Les concurrents qui accompliront les 100 kilomètres en moins de 5 heures recevront le diplôme de l’Union vélocipédique de France. Les possesseurs de ce Brevet militaire sont choisis de préférence à tous les autres pour remplir dans l’armée l’emploi de cycliste-planton, d’agent de liaison, ou pour être affectés dans un groupe de cyclistes combattants, s’ils sont reconnus bons par les majors. Les engagements sont reçus chez M. J. Foissac, chef délégué sportif de la Haute-Garonne, 2, rue de Gascogne, à Toulouse, accompagnés de la somme de 1 franc pour les concurrents ayant une licence, et de 2 francs pour tous les autres. » 20


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CHAPITRE

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À la conquête de l’Espagne

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À Bayonne, il est fréquent de maîtriser quelques mots d’espagnol, matinés de basque, et à ce petit jeu, André n’est pas plus mauvais que les autres. Il se décide donc à se lancer dans des compétitions en Espagne. San Sebastien n’est distant que de cinquante-quatre kilomètres de Bayonne, ce qui n’est guère plus loin que Dax et bien plus près que Pau ou Bordeaux, et surtout la cité espagnole dispose du vélodrome d’Atocha (ne pas confondre avec la gare madrilène du même nom) construit pour que le public puisse assister aux courses de vélocipèdes. Pour se rendre en Espagne, il faut franchir la Bidassoa qui sert de frontière entre Hendaye, côté français, et Irun, côté espagnol. Aujourd’hui c’est chose facile, il y a plusieurs ponts qui permettent ce passage à tous types de véhicules, mais en 1908, c’est une autre affaire. Il n’y avait pas de pont routier ! Seul un pont ferroviaire existait et les fréquences et horaires de ces trains internationaux sont bien compliqués à retrouver aujourd’hui. En outre, les réseaux ferroviaires français et espagnols avaient, pour des raisons historiques, des espacements de rails différents, lesquels obligeaient à chaque passage de la frontière à un transbordement d’un train à l’autre, rendant le voyage désagréable et lent. Pour aller en Espagne, sans emprunter le train, il fallait utiliser un service de barques qui partaient juste à coté du petit pavillon des douanes situé à Hendaye à la hauteur de l’actuelle gare de chemin de fer. Aujourd’hui cette navette existe toujours et relie le centre de Fontarrabie au port de plaisance d’Hendaye. Certes les barques ont été remplacées par des bateaux d’une trentaine de places et le diesel a remplacé les rames, mais le passage des vélos est toujours gratuit. Un pont fut construit à cet endroit et terminé en 1916, cependant son utilisation resta limitée, pour cause de conflit mondial, jusqu’à l’armistice de 1918. Plus tard c’est ce pont qui permettra à des milliers d’Espagnols de fuir la guerre civile espagnole vers la France. Depuis 1966 d’autres ponts proches acheminent un dense trafic routier et autoroutier. 24


André n’a pas froid aux yeux et se lance avec son vélo, empruntant le train ou la barque, pour sa première compétition internationale. Un article paru dans la presse sportive espagnole du 14 mai 1908, rend compte de cette expérience malheureuse : « Hier dimanche on a couru au Vélodrome de San Sebastien les courses organisées par le Club Cycliste de S. S. Inutil. Il faut dire qu’avec nos coureurs routiers (puisqu’il n’y a pas de vélodrome à Irun) on ne pouvait espérer un résultat grandiose ; cependant Mancisidor parvint à terminer troisième dans la course nationale gagnée par Echevarria de Bilbao ; Amiano et Hontaux terminèrent troisième de leur série et ne participèrent donc pas à la finale. Nous ne voulons pas créer des querelles, mais nous observons des choses et des choses, tant dans le jury que parmi les coureurs ; ceci n’est pas l’endroit pour les ébruiter… mais mon Dieu ! Messieurs du jury, comment pouvez-vous regarder aussi tranquilles l’accident de Perchicot et l’attentat de Mancisidor ?… Je ne savais pas que le jury se lavait les mains en voyant voler dans les airs le sympathique Perchicot, puisque Echevarria fit une manœuvre identique à celle que Bardanne fit à Mancisidor et que ce dernier put éviter, perdant la deuxième place, pour ne pas subir le sort de l’incomparable coureur des Basses-Pyrénées. Enfin, ce sont des “combines” de vélodrome nous dit l’individu du Jury à qui nous présentions une réclamation… quelles “combines”, eh ! que l’on tue quelqu’un c’est déplorable, mais que l’on dise en plus que c’est pour une “combine”? » C’est un journaliste espagnol du très sérieux El Mundo Deportivo, journal sportif paraissant toujours, qui fait ce commentaire. Malgré le nationalisme qui existe et existait dans ces compétitions d’intérêt régional, mais internationales, le journaliste est clairement outré par le traitement réservé au Français. Il faut croire que c’était vraiment de la grosse artillerie. Mais Perchicot est solide, basque et obstiné, trois qualités qu’il revendiquera fièrement toute sa vie. On l’imagine rentrer à Bayonne piteux, meurtri et revanchard.

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Le 14 juillet à Bordeaux, André remporte l’interrégionale, ce qui lui donne le droit de participer au Grand Prix. Dans sa série, il affronte pour la première fois un champion de France, Hourlier, devant qui il doit s’incliner. Le 18 août, il est à Toulouse au vélodrome du Bazacle. La presse toulousaine, riche en commentaires, raconte : « En plus des arrivées de la course d’amateurs Bordeaux-Toulouse, nous avons assisté à diverses épreuves très disputées, dont voici les résultats : Vitesse (professionnels). .1, Perchicot (Bayonne) ; 2, Mercaillou (Toulouse) ; 3, Maldérou (Toulouse). » Le journaliste se fait également le porte parole des coureurs : « Pourquoi la salle de douches, pourtant nécessaire aujourd’hui, ne fonctionne-t-elle pas ? Le 21 mars 1909, Perchicot retourne au vélodrome d’Atocha pour le Grand Prix des fêtes de Saint-Sébastien : il gagne l’épreuve de vitesse devant Jaime Duran, champion d’Espagne de vitesse. Les champions français et même européens ont tourné sur cette piste, et il n’y avait pas un jeune de la région qui ne connaissait leurs noms et leur palmarès. Les noms de Perchicot et de Jaime Duran et le palpitant défi qu’ils connurent à Atocha restèrent longtemps dans la mémoire de ceux qui y assistèrent. Le 23 mars, nouvelle réunion au même endroit organisée par le « Ciclista Foot-Ball Club ». Le champion du monde Ellegaard qui était engagé n’a pu se présenter au départ à cause de grèves en 26


France qui l’ont empêché d’arriver à temps. En catégorie nationale, Jaime Duran gagne facilement la finale devant Echevarria et Elizalde. En catégorie internationale, il y a dix-sept coureurs en compétition. Après avoir gagné leur série se présentent en finale Duran, Devecis et Perchicot : dans le dernier tour, malheureusement pour lui Duran crève et Perchicot gagne devant Devecis. Le 25 mars Perchicot est à Bordeaux et gagne l’interrégionale. Le 25 avril, à Bordeaux au criterium Peugeot il remporte la Régionale. Il sera ensuite opposé à Rütt, vainqueur de Hourlier grâce à l’aide illégale de son compatriote Mayer. Cette manœuvre des deux Allemands paraît être une mauvaise habitude qui leur causera quelques problèmes. En effet, ils seront suspendus un temps par l’Union cycliste internationale, ce que l’on apprend, en 1910, par un bulletin mensuel de l’UVF où est publiée la note suivante : « Suspension des pistes de Hanovre et Steglitz Les vélodromes allemands de Hanovre et Steglitz sont déclarés suspendus jusqu’à nouvel ordre, par décision prise à l’unanimité du bureau de l’Union cycliste internationale, pour avoir laissé courir les coureurs Rütt et Meyer punis de suspension par le bureau de l’UCI (Décision de Bruxelles, 25 juillet 1910). Tous les coureurs qui prendraient part à des courses courues sur ces vélodromes seraient susceptibles d’être suspendus. » Nouvelle réunion le 20 mai à Saint-Sébastien. Lors de la présentation par la presse du match Duran-Perchicot, ce dernier est présenté comme champion du sud de la France. Sa réputation régionale s’affirme et lui donne l’occasion de se frotter aux meilleurs.

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Le 20 juin, à Toulouse au Bazacle, réunion nocturne devant un public considérable avec les résultats suivants : – Vitesse interrégionale, finale ; 1. Perchicot ; 2. Devecis ; 3. Maldérou. – Tandems : 1. Perchicot-Weber ; 2. Devecis-Boumac ; 3. Maldérou frères… Le lendemain 21 juin, à 14 heures, André est à Tarbes, vélodrome des Pyrénées, pour une réunion où se retrouvent tous les meilleurs régionaux, mais dont les résultats me sont inconnus. Le 8 août, André revient à Toulouse, pour la course de 12 heures à l’Américaine qui a lieu au vélodrome du Bazacle, devant une nombreuse assistance. Il fait équipe avec Jean-Baptiste Dortignacq, récent vainqueur de Paris-Tours. En voici le commentaire de presse : « Le départ a été donné à six heures et demie du matin, mais cette première heure a été contrariée par la pluie, et les équipes ont dû quitter la piste au bout d’une vingtaine de tours. Après une deuxième interruption de six minutes, les coureurs ont repris leur cours. Pucheu a été mis hors course à la suite d’un plaquage. Lesgourgues, qui avait pris le départ sans son équipier, absent, a décidé de former équipe avec Dangos, équipier de Pucheu, en perdant un tour sur le groupe de tête. Voici les résultats de cette très intéressante épreuve : 1/ Perchicot-Dortignac ; 2/ Bouteiller-Germain ; 3/ Auhert-Bettini ; 4/ Weber-Combelles ; 5/ Calbet-Devecis, 6/ Duffaut-Saint-Cricq ; 7/ Lannes-Albaret; 8/Lesgourgues-Dangos, à un tour ; 9/ Mere-Mostachi, loin. L’équipe victorieuse Perchicot-Dortignacq a reçu, à l’arrivée, une écharpe d’honneur et a été portée en triomphe. »

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Le 27 juillet c’est chez lui à Bayonne, qu’il remporte son match devant Amiaux deuxième et Bournac troisième. Le 29 août, toujours à Toulouse au Bazacle, nouvelle réunion dans laquelle, en catégorie régionale professionnelle, Perchicot gagne sa série, et en finale, gêné dans le virage il se relève et finit quatrième. La finale est remportée par Weber. « Suite à cet incident la presse toulousaine annonce le 12 septembre : Le grand prix de la ville de Toulouse (demi-fond) se disputera cette année le 19 septembre prochain, au Vélodrome du Bazacle. Cette épreuve se courra par invitation et contre la montre en deux manches de 30 minutes chacune. Elle sera encadrée par une course à pied sous les règlements de l’UVF, et le fameux match Weber-Perchicot. Tout le monde se souvient de la discussion qu’il y eut entre les deux amateurs à la suite de la course de douze heures, et plus récemment à la réunion du Circuit Peugeot, où Weber fut classé premier et Perchicot, parti grand favori arriva quatrième. M. Bonnafous, avec à-propos, profita de cet incident et régla leur situation en leur faisant courir un match dans le courant de septembre avec un enjeu de 100 francs qui serait versé par le perdant ; ils acceptèrent et signèrent immédiatement avec leurs témoins qui étaient Germain Bouteiller et Dortignacq… Ce match se courra en deux manches ; il ne pourra y avoir d’excuse pour le vaincu et le vainqueur sera certainement le meilleur. » Il s’agit donc d’un défi personnel entre Weber et Perchicot. Ceci est une excellente publicité pour l’organisateur, moins de frais et l’assurance pour le public d’une motivation indiscutable, d’honneur et financière chez les deux participants. La date devra être repoussée et ce match aura finalement lieu le 26 septembre.

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En attendant Perchicot revient le 16 septembre à Saint-Sébastien pour une très importante et copieuse réunion malheureusement perturbée par la pluie. Compétitions : Internationale amateurs, Régionale Basque (espagnol)-Navarre, Régionale française, Nationale espagnole, Championnat de Guipuzcoa (province espagnole), Nationale tandems espagnole, Grand Prix International, et Internationale ( ???) tandems. Nous retiendrons le mauvais état général de la piste qui provoque l’abandon de Perchicot dans la course régionale française et une nouvelle crevaison de Duran-Elizalde en tandems, ce qui leur fait perdre la course. Dans le Grand Prix International, clou de la journée, se présentent en finale Rütt, Poulain, Perchicot et Janin. Perchicot emballe avec un grand courage et bat les deux colosses Poulain second, à trois-quarts de longueur, et Rütt troisième à une demi-roue. Une ovation grandiose récompense le vainqueur. De plus, le tandem Rütt-Perchicot remporte devant Laffitte-Château la compétition internationale de tandems. Cette fois-ci le retour est beaucoup plus brillant. André à 21 ans, il vient de battre Gabriel Poulain, champion du monde 1905 et champion de France 1905 (second en 1906 et 1907) ainsi que Walter Rütt troisième au championnat du monde 1907.

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Dans la même compétition était également le champion d’Espagne.André a été généreusement récompensé et ovationné. Même ses parents, guère enthousiastes à l’idée de le voir embrasser la voie du cyclisme professionnel le félicitent chaleureusement. Il faut maintenant aller à Toulouse affronter Weber pour ce match défi3 Certainement qu’après avoir battu Rütt et Poulain, André se sent davantage sûr de lui pour ce qu’il doit considérer comme une justice sportive.Vainqueur en deux manches de la vitesse et du handicap, André n’a rien laissé à Weber. Il peut rentrer à Bayonne satisfait. Le 16 octobre, retour à Saint-Sébastien pour courir la très renommée Copa del Rey (Coupe du roi d’Espagne), et il gagne à nouveau devant Poulain et Rütt, deux des sprinters les plus dangereux d’Europe et de la planète… Atocha lui réussit vraiment. Plus tard, lorsqu’un journaliste lui demandera ce que représentait la Copa del Rey, il répondra sans hésiter « C’était la gloire ! ». André pense probablement à aller tenter sa chance à Paris, il doit en rêver, mais le service militaire est là, et il lui faudra attendre deux ans. En 1910, il termine troisième du Grand Prix de Vitesse de Bordeaux. Le 1er mai, on le trouve à Toulouse où il gagne la vitesse devant Polledri et Hedspath. Associé à Polledri il remporte la course de tandems. Le 16 mai à Bayonne, chez lui, il gagne la série régionale.

3.Voir les résultats de cette journée du 27 septembre en annexes 32


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Le mardi 2 août la course est organisée par le Club Ciclista de San Sebastian, sous le patronage de la municipalité. Les meilleurs cyclistes licenciés de la corniche cantabrique, y compris de la zone française jusqu’à Bayonne se sont inscrits. Le coureurs espagnols présents protestent, menaçant de ne pas partir, car ils voient le danger de ne pas bénéficier des « succulents prix » annoncés. La polémique vient du caractère régional ou international de la course. Il faut trancher : les juges acceptent que les Français participent, mais sans entrer en lice pour le bénéfice des prix. Ils recevront une indemnisation « identique aux récompenses que leur classement pourrait leur valoir ». La course put partir… mais l’affaire continua les jours suivants et il y eut des opinions divergentes dans la presse locale entre Luis Elizalde, porte-parole des coureurs qui se sentaient affectés, et la position du journaliste Embalaje (c’est son pseudonyme), également secrétaire de la Fédération régionale de Guipuzcoa. La presse rapporte que la course fut très disputée… Il y avait deux tours à couvrir soit 32 kilomètres. 17 concurrents sont au départ. Il fallut emmener Vicente Blanco sans connaissance à la suite d’une chute. En cette pluvieuse matinée d’été, la victoire se joua au sprint entre sept coureurs. Les Espagnols avaient raison d’avoir peur, car effectivement le vainqueur fut Perchicot, sous licence française. Classement : 1/ André Perchicot champion du sud de France 1h 05mn 30s. 2/ Alzate (Racing Club Irun) 3/ Roberto Abadia (Irun Sporting Club) 4/ Sebastian Echaniz, champion de Guipuzcoa 5/ José San Sebastian, Donostia 6/ Pedro Sorriquieta, champion de Bizkaia 7/ Dionisio Echevarria - Azpeitia…

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Le premier prix était d’une valeur de 75 pesetas, puis 40, 20, 15... Les coureurs classés reçurent également de splendides cadeaux offerts par les commerçants. Grâce à cette anecdote, réapparue dans la presse locale espagnole à l’occasion du centenaire de l’événement, on comprend combien il était difficile pour André de courir en terre étrangère. Les coureurs espagnols font une manifestation, ils refusent les participants français, moyen radical pour que tous les prix et cadeaux qui paraissent vraiment importants, restent aux compétiteurs locaux. Où est passé l’esprit de compétition ? Seul l’appât des gains compte et le mieux est encore, si possible, d’éliminer certains concurrents avant le départ. Je remarque également que tout au long de l’article espagnol, on n’évoque ni le point de vue, ni le nombre, ni le ou les noms des coureurs français. Seul apparaît Perchicot lors du classement, il faut bien le nommer, puisqu’il est vainqueur ! Seul apparaît Perchicot lors du classement, il faut bien le nommer, puisqu’il est vainqueur ! 1911 est l’année de l’attente. Perchicot attend d’être libéré du service militaire pour avoir le champ libre et enfin suivre sa vocation. Ce n’est quand même pas une année blanche. 1er du Grand Prix de Bayonne de vitesse devant Woody Hedspath, coureur noir américain, le seul semble-t-il avec Major Taylor à être venu courir en Europe. 3e du Grand Prix de Pau de vitesse Le 23 avril à Toulouse, a lieu la réunion de réouverture. André remporte sa série, puis sa demi-finale.

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La finale revient à Didier devant Perchicot et Pouchois troisième. Le 4 juin il court à Pau (résultats en annexes). Le 5 juin il est second à Bayonne derrière Etcheverry. Le 8 juillet le Bayonnais Perchicot remporte le Grand Prix de vitesse de Montluçon devant Martin de Montluçon et Michau de Limoges. Le 6 août il court à Vailly-sur-Sauldre… Tout d’abord on remarque qu’il commence à sortir de son périmètre habituel, c’est-à-dire l’Aquitaine et le Pays basque espagnol. On le voit à Montluçon et à Vailly-sur-Sauldre, commune qui compte à ce jour quelque huit cents habitants, située dans le Cher entre Bourges et Orléans. Sa notoriété croît peu à peu. La commission sportive de l’Union vélocipédiste de France dans son bulletin d’avril 1911 donne la liste de professionnels classés en deuxième catégorie. Ils sont une soixantaine parmi lesquels, outre André Perchicot, E. Siméonie, M. Dupuy, E. Christophe, R. Cottrel, H. Pélissier, Ch. Crupelandt, etc. Les professionnels français sont à cette époque classés en cinq catégories : tout en haut les Hors Catégorie où l’on trouve une poignée de champions, puis viennent les première, seconde, troisième et enfin quatrième catégorie. Suivent les indépendants et les amateurs, également classés par catégorie. Les amateurs ne doivent recevoir aucun prix ou avantage de quelque valeur. On voit parfois dans le bulletin de l’UVF un coureur amateur être classé d’office professionnel pour avoir reçu un prix illicite.

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Paris, Ã nous deux

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Enfin libre ! Le 24 septembre 1911, le soldat de 2e classe Arnaud André Perchicot est « envoyé dans la disponibilité le premier octobre 1911 ». Au revoir l’uniforme et les Ponts-et-Chaussées, il est fin prêt, ses contacts avec Hourlier, Poulain et autres champions dont l’activité est centrée à Paris, lui ont permis d’obtenir les renseignements sur l’organisation de la vie d’un coureur professionnel dans la capitale : quel hôtel choisir, où s’entraîner, etc. Il sait qu’il devra commencer dans les épreuves d’ouverture des réunions, par les courses de primes. Ses victoires, pour importantes qu’elles soient, ont été acquises en province ou en Espagne. Pour se faire un nom, il lui faut maintenant conquérir Paris. Il s’y installe donc très rapidement. On ne trouve aucune trace d’un précédent séjour dans la capitale. Certes André a déjà voyagé, mais c’est la première fois qu’il se retrouve hors du cercle familial. Paris incarne le rêve de tous les jeunes provinciaux et André y arrive gonflé d’ambitions, bercé de rêves de toutes sortes. Dès le 17 novembre, il est au Vél d’Hiv pour disputer un match avec Polledri. André gagne la première manche, Polledri la seconde. La belle est gagnée par Polledri… qui bientôt déclassé, permet à Perchicot d’être déclaré vainqueur. C’est un bon début. André s’adapte rapidement à sa vie parisienne, il reçoit même des visites. Ainsi un journaliste de l’Aéro, le 1er décembre, raconte : « Traversant le quartier des coureurs, je suis intrigué par une conversation animée entre deux hommes dotés, tous deux, d’un accent basque des plus prononcés. Je m’avance et aperçois Perchicot et Chiquito de Cambo, le célèbre pelotari, discutant aprement, sur les avantages différents des sports qu’ils pratiquent personnellement. Et comme aucun d’eux ne veut faire de concession à l’autre, cela peut durer encore longtemps... »

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Le 15 décembre, André participe à la réunion Championnat d’Hiver remporté par Pouchois, et termine, pour sa part, second d’un 1000 mètres juste derrière Perraud. Le 23 décembre, on annonce une course de vitesse au Vel d’Hiv : Pouchois est sacré champion d’hiver contre cinq cyclistes qui vraisemblablement, sont Gardellin, Martin, Perchicot, Polledri et Perraud. Aucun résultat connu. L’année 1912 s’annonce belle de riches promesses pour André Perchicot qui va pouvoir mener pour la première fois de sa vie sa carrière comme il l’entend. Le voilà enfin dans la ville lumière : tout lui fait envie, et pas seulement les vélodromes, il veut découvrir les spectacles, les revues, les music-halls. Il est jeune, solide, doté d’une volonté sans borne et d’une énergie insatiable, prêt à mordre la vie. Il va piocher dans les plaisirs noctambules qu’offrent la capitale, écouter, voir et apprendre de nouveaux codes. Parmi les vélodromes qu’André Perchicot est amené à fréquenter, il en est un qui intrigue particulièrement le jeune homme : c’est celui de Neuilly, le vélodrome Buffalo. Lorsque la figure mythique de la Conquête de l’Ouest, Buffalo Bill, est passé à Paris en 1905 avec sa troupe théâtrale pour sa seconde tournée française, il a donné un spectacle grandiose au pied de la tour Eiffel. André Perchicot ne l’a pas vu, il était encore à Bayonne, mais il en a entendu parler. Trois millions de spectateurs se sont pressés pour assister au spectacle du chasseur de bisons cette année-là. En 1889, pendant l’Exposition universelle, le colonel Cody dit Buffalo Bill avait planté sa tente indo-américaine à Neuilly près de la porte Maillot. Quatre ans plus tard, Herbert Duncan faisait construire le vélodrome, dont Tristan Bernard serait le directeur.

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La Belle Époque qui accompagne André Perchicot dans ses débuts à Paris est un monde en mouvement. En Amérique latine, de l’autre côté du Rio Grande, le Mexique est secoué par les révoltes d’Emiliano Zapata au centre du pays et de Pancho Villa au nord. Le 11 décembre 1911, le norvégien Roald Amundsen atteint le pôle Sud. 1912 va connaître deux événements qui vont passionner les Français, voire le monde entier. Le 28 avril 1912, Jules Bonnot, le chef de la bande à Bonnot, celui qui tenait la France en haleine, est tué.Tout a commencé le 21 décembre 1911 à Paris par le braquage de la Société Générale durant lequel Bonnot et ses sbires utilisent une voiture pour la première fois dans l’histoire du banditisme. La police ne disposant que de chevaux et de vélos n’arrive pas à les arrêter. Cependant elle finit peu à peu par localiser Bonnot qui se retranche dans un garage. Débute alors un véritable siège auquel participent tout d’abord les gendarmes, les pompiers, les gens du voisinage, des soldats en permission. Tous viennent armés, rejoints bientôt par les renforts de police et par l’armée. Un journaliste évalue la foule qui assiste au siège à dix mille personnes, postées sur les toits avoisinants ou à cheval derrière et sur les murs. Pendant ce temps Bonnot et sa bande tirent quasiment sans discontinuer… On finira par poser une bombe contre le garage et le faire sauter. Grièvement blessé, Bonnot continuera à tirer. Il faudra lui tirer dessus et il mourra dans la journée. Après cette affaire, la police sera enfin équipée de voitures, les fameuses Brigades du Tigre. 1912 reste l’année de la courte et désastreuse carrière du Titanic, qui coule dans la nuit du 14 au 15 avril, lors de son voyage inaugural. Le bilan d’environ mille cinq cents morts pour sept cents survivants horrifie le monde entier. Dans les Balkans, après quelques 43


bruits de bottes, les hostilités commencent, ouvrant une brèche dans l’Europe d’hier ; encore quelques années et les Empires austro-hongrois et russes ne tarderont pas à sombrer comme Le Titanic. À Paris, il n’existe pas encore de Six Jours cyclistes, mais le cyclisme sur piste continue. Pour André et ses compères, l’année commence doucement, en s’entraînant. Le 9 février, au Vél d’Hiv, associé à Jacquard il remporte une épreuve de tandems puis termine second de l’épreuve de primes gagnée par Seigneur. Le 19 février au même endroit, avec Appelhans ils sont troisième de la course des 10 kilomètres. Le 26 février, à nouveau avec Jacquard ils terminent deuxième de la course de tandems. En mars, on apprend qu’André Perchicot est domicilié dans un hôtel situé 23 rue Brey, dans le XVIIe arrondissement de Paris. Le 1er avril, le cycliste est éliminé au Parc des Princes dès la série par Pouchois, mais le 21 à Buffalo, en ouverture de la réunion, il remporte la course scratch. Entre-temps, le 14 avril il s’est rendu à Bordeaux et a participé à la réunion du jour. Perchicot est deuxième derrière Ellegaard et devant Friol. Il semble que l’air du pays lui a fait du bien. Le 28 avril au vélodrome de Neuilly se déroule le Grand Prix de Buffalo avec Ellegaard, Dupré, Pouchois, Hourlier, Védrine, Perchicot... Le Grand Prix est remporté par Ellegaard, devant Dupré, et Perchicot remporte la course de primes devant Fournous. Le 26 mai, au Parc des Princes, au cours du meeting de la Pentecôte, c’est le championnat de France de vitesse. Fondé en 1831, cette course fut d’abord pratiquée en bicycle sur 10 kilomètres. Sous cette formule, il fut gagné en 1881 par Medinger, en 1882 par de Civry en 1883, 1884, 1885, par Medinger en 1886, par Duncan en 1887, par Medinger et par Chereau. 44


Puis la bicyclette détrône le bicycle et Cottereau s’adjuge le titre. En 1891, la distance est réduite à 5 kilomètres. Sous cette nouvelle formule, les Champions de France sont : Medinger en 1891, puis Cassignard en 1892 et 1893. En 1894, Farman, celui qui construira des avions en 1914-1918, gagne le Championnat sur un kilomètre puis Gougoltz le gagne sur deux kilomètres en 1895, et Jacquelin sur la même distance en 1896. Ensuite, c’est la distance de 1 kilomètre qui prévaut pour les années suivantes et le bouquet du vainqueur revient à Bourillon en 1897, Morin en 1898 et à nouveau Bourillon en 18994. En cette année 1912, c’est au tour de Perchicot d’ajouter son nom à la liste des rois de la vitesse.Voici le commentaire de l’épreuve par le journaliste du Matin : « Perchicot à ce jour n’avait pas brillé d’un éclat particulier dans les épreuves cyclistes, aussi n’avait-il pas la faveur de notre pronostic dans le championnat professionnel. D’un coup il s’est imposé en enlevant le titre que Hourlier avait perdu contre lui dans une demi-finale. Ce n’est point par surprise que Perchicot est devenu champion : il fit dans sa série le meilleur temps sur 200 mètres, de même dans la demi-finale et dans la finale il réussit le meilleur temps de la journée : 11 s 3/5. Aligné avec Friol et Dupré, Perchicot tint son rôle modestement, se contentant de suivre Friol quand celui-ci démarra à la sortie du dernier virage. Il demeura ainsi jusqu’à 100 mètres du poteau, où il passa pour gagner d’une roue. Dupré n’avait pas jugé utile de prolonger son effort5. »

4. Enfin, c’est l’ère du Parc des Princes, la distance est définitivement fixée à deux tours de piste et voici la fin du palmarès : 1900 : Jacquelin 1901 : Jue 1902 : Jacquelin 1903 : Thuau – 1904 : Friol - 1905 : Poulain - 1906 et 1907 : Friol - 1908 : Hourlier 1909 : Dupré 1910 : Friol 1911 : Hourlier. 5. Le détail des résultats se trouve en annexes.

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Joie et fierté. Sur les photos, le Bayonnais apparaît vêtu du maillot tricolore. Cette victoire le propulse au niveau national, et international. Sept mois après son installation à Paris, Perchicot vient de faire ses preuves. Réaliste, le jeune champion tout en comprenant la valeur de ce tremplin qui s’offre à lui les contrats pleuvent tout l’été -, sait qu’il lui faudra confirmer ce premier trophée. Le lendemain, il devait courir à Paris, mais il avait promis de retourner au pays. Il y serait même revenu plus tôt si on avait bien voulu lui rendre son engagement dans le championnat de France. Il ne se plaindra pas de ce refus et arrive à Bayonne pour montrer son beau maillot tricolore. Il en profite pour gagner devant Ellegaard et Moretti, troisième. Tout le Pays basque l’applaudit et le congratule, ainsi que sa famille. Ce qui pour lui, reste sa plus grande récompense. Sans prendre le temps de se reposer, Perchicot remonte sur Paris et court le 2 juin à Buffalo pour un match à trois. Ellegaard, qui ne traîne pas pour prendre sa revanche, arrive premier avec 4 points, Perchicot deuxième avec 6 points et Poulain troisième avec 8 points. Le 9 juin, il est à Bordeaux au vélodrome du Parc : Ellegaard, champion du monde, rencontre Perchicot, nouveau champion de France, sur 1000 mètres, en trois manches. Affluence énorme. Le match est historique. Dans la première manche, Perchicot se dégage avant l’entrée de l’avant-dernier virage et, dans un effort admirable, bat Ellegaard d’un pneu : 200 mètres en 12 secondes 1/5. Au cours de la deuxième manche, dans un rush splendide, c’est Ellegaard qui bat Perchicot d’un pneu : 200 mètres en 12 secondes. Dans la belle, Perchicot tarde à fournir son effort et ne peut mieux faire que terminer à hauteur du pédalier du Danois, les 200 mètres en 11secondes 4/5.

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Le 13 juin à Paris, au vélodrome Buffalo, André affronte Schilling en tête à tête. Perchicot l’emporte en deux manches sèches. Le 17 juin, un peu d’air méditerranéen, c’est le Grand Prix de Marseille remporté par Friol, devant Perchicot, et Védrines troisième. Le 19 juin, dans les colonnes du Figaro, la marque automobile Peugeot annonce qu’elle reprend les courses cyclistes avec Perchicot et Hourlier pour la piste. Après une série de compétitions à Berlin en compagnie de Carapezzi, Peter, Rütt, Ellegaard, Arend, Perchicot participe début juillet au Grand Prix de France de vitesse à Vincennes. André gagne sa série, puis se fait éliminer en demi-finale, finissant second derrière Friol6. Le 7 juillet c’est le Grand Prix de Reims et en finale 1/Hourlier 2/Perchicot 3/Gardellin. Le 13 juillet au Grand Prix de Paris remporté par Hourlier, André termine second de sa demi-finale, battu par Friol, devançant Moretti. À cette occasion la caisse de secours de l’UVF reçoit au moment du paiement des prix une participation de chaque coureur. Le 14 juillet il faut déjà être à Berlin. Le Grand Prix est disputé en séries avec une victoire aux points. Stabe et Perchicot sont ex aequo avec 6 points, Moretti deuxième avec 7 points. Lors de la belle entre les deux premiers, Stabe l’emporte. Le 28 juillet retour à Reims où André termine à nouveau second derrière l’enfant du pays Hourlier, Gardelin est troisième.

6. Résultats en annexes. 48


Une disctinction intattendue arrive via le bulletin mensuel de l’UVF daté de juillet 1912 : « Le coureur professionnel André Perchicot, champion de France de vitesse 1912, sera dorénavant classé dans la catégorie hors série. » Du 14 au 18 août, il participe à des compétitions à Copenhague, patrie de Ellegaard, et termine troisième de la finale de vitesse. Entre-temps le grand imprésario du cyclisme aux États-Unis lui a offert un contrat pour une période de septembre à décembre. Un an après avoir quitté son Pays basque natal, le Nouveau Monde lui ouvre ses bras pour quatre mois. Jamais un territoire n’a si bien porté son nom car il s’agit bien d’un monde nouveau qui s’ouvre à lui. Il n’hésite pas, faisant ce qu’il sait le mieux : foncer..

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Et maintenant l’Amérique !

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André embarque à bord du Kaiser Wilhem Der Grosse, à Brème, ville du nord-ouest de l’Allemagne posée sur le fleuve Weser à soixante kilomètres de son arrivée en mer du Nord. Le paquebot franchit l’océan sans problème et Perchicot se trouve à pied d’œuvre pour participer au championnat du monde de vitesse à Newark, tout près de New York, dans un vélodrome qui sera détruit quelques années plus tard pour laisser place à l’actuel aéroport international. Les séries7 sont courues le 30 août, et la finale a lieu le 4 septembre. Sont qualifiés Kramer (USA), Grenda (Aus) et Perchicot (France). Au départ, Kramer prend le commandement immédiatement et mène à vive allure. Au dernier tour, l’Américain pousse à fond et malgré leurs efforts Grenda et Perchicot ne peuvent mieux faire que terminer derrière lui à quelques centimètres et dans cet ordre. Kramer est acclamé et ses deux adversaires ovationnés. Quelques jours plus tard, on apprend que Kramer, le nouveau champion du monde, ne viendra pas en Europe car ses conditions financières jugées exorbitantes n’ont pas été acceptées. Aussitot après le championnat du monde de Newark, à Vailsburg, petite ville proche de Newark, s’est courue la revanche de la finale. C’est Kramer qui l’emporte à nouveau, mais plus difficilement, sur Perchicot deuxième, et Grenda troisième. Jusqu’en octobre, André enchaîne les compétitions sur la Côte Est, à New Haven, Boston, Newark, New York... Du 21 au 26 octobre, il participe aux deuxièmes Six-Jours de Toronto, faisant équipe avec l’Américain Jim Moran. Pour André Perchicot, ce sont ses premiers Six-Jours. L’idéal pour débuter, car il s’agit d’une version « douce » ; on n’y court en effet, que huit heures par jour et 7. André gagne la sienne et se retrouve qualifié en compagnie de Kramer, Grenda, Drobach, Cameron, Demarx, Mac Kay, ainsi que les coureurs français Friol et Dupuy, éliminés en demi-finales.Voir détails des résultats en annexe.

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non 24 heures sur 24 comme il se pratiquait alors, traditionnellement et strictement dans ces épreuves. Mis à part Perchicot et l’Italien Gardellini, on ne trouve que des anglophones, Américains ou Australiens. C’est un sacré baptême du feu, dans un milieu inhabituel, où il devra utiliser au mieux ses facultés d’adaptation. Malgré tout, le résultat8 n’est pas mauvais puisqu’avec l’expérimenté Jim Moran, ils terminent deuxième de l’épreuve derrière Paddy Hehir et Eddy Root, les vainqueurs ayant parcouru 970 miles ¼. Du du 4 au 10 novembre, André participe au Six-Jours de Boston9. Le dernier jour, deux coureurs sont tombés et ont été contraints à l’abandon : Bedell s’est cassé la clavicule et Perchicot a subi une grave contusion à l’œil... Son coéquipier, comme cela se pratiquait, fait alors équipe avec un autre coureur dans la même situation. On retrouve en effet Ernie Pye associé à John Bedell, troisième au classement final. Bedell avait-il vraiment la clavicule cassée ? Difficile à croire puisqu’il termine l’épreuve... À moins qu’il n’y ait eu deux frères Bedell. Effectivement on trouve trace lors de plusieurs Six-Jours disputés aux États-Unis une équipe composée des frères John et Menus Bedell. Loin de sa patrie et des siens, André commence à ressentir le mal du pays. Alors que son séjour américain s’éternise, il dessine sur l’une de ses photos d’identité, une bulle à la manière des bandes desssinées : « Vivement le chalet Mon Rêve ! Encore quelques jours à faire ici et c’est la quille », peut-on encore y lire. Le champion ne manque ni d’humour ni de ressource. Cependant pour terminer sa tournée, il lui faut enchaîner avec les Six-Days de New York qui se déroulent au Madison Square Garden du 9 au 14 décembre 8. Classement en annexes 9. Résultats en annexes. Voir aussi la coupure de presse montrant l’équipe Ernie Pye (Australie) - Perchicot (France) engagée pour cette compétition. 53


1912. Les Américains ont déjà une longue expérience en matière de courses de Six-Jours. Dès 1879, des courses de plusieurs jours sont organisées en même temps que celles des patineurs. C’est en 1886 que se tient la première course « sérieuse » sur cent quarantedeux heures à Minneapolis En 1887, à New York, une femme participe même à la compétition. On verra également en 1895 Frankie Nelson remporter des Six Days exclusivement féminins. En 1912, c’est au tour de l’Europe de succomber à l’engouement pour ce type d’épreuve : Bruxelles en verra deux du 11 au 16 mars et du 20 au 25 décembre. Francfort organise même une course de huit jours. Dresde aura sa course de Six-Jours du 28 février au 5 mars et de Huit du 30 novembre au 7 décembre, tout comme Berlin du 3 au 9 février et du 19 au 25 février. Paris, aussi, aura ses premiers Six Jours. Retour à New York, où quinze équipes sont au départ, qui vont tourner Six Jours sur cette piste de 160 mètres. Le prologue débute par un match à quatre : Kramer, Perchicot, Clark, Verri. Perchicot fait équipe avec le champion suisse Oscar Egg qui vient de battre le 11 septembre au Vel d’Hiv à Paris le record du monde du 10 kilomètres sans entraîneur, détenu auparavant par Berthet. La fièvre sportive suscitée par l’événement autour du Madison est incroyable. Les principaux journaux accrochaient de grands tableaux visibles de loin, annonçant la position de chaque équipe heure par heure, et contant les divers incidents. Tramways, autobus et autres moyens de transport étaient assaillis par le public, tout comme les guichets d’entrée. Pour son organisateur Chapman, l’enjeu est de taille, et les résultats au rendez-vous. Il récolte une recette de 86 300 dollars10. Un record.

10. La liste des équipes et le classement final sont en annexes. 54


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Egg (Suisse) – Perchicot (Fr) est la seule équipe européenne à terminer, malgré deux chutes, dont une assez sévère, d’Oscar Egg. La tournée américaine prend fin. Riche de souvenirs, d’émotions et de dollars, Perchicot n’oubliera jamais une aventure qui aurait pu mal tourner dans le Bronx : « Un soir notre champion se rendait au quartier du Bronx pour y rencontrer son camarade Joe Fogler. Le quartier du Bronx devenu depuis Coney Island était à l’époque quelque chose comme notre Belleville. Des rues lépreuses grouillantes de vie, de misère et de vice. La nuit était belle et sur le pont de Brooklyn, Perchicot s’arrêta pour admirer les étoiles qui se jouaient dans l’eau sombre, et les glissades des remorqueurs, puis il repartit sans souci, et pourquoi en eût-il eu des soucis ? En sifflotant un refrain populaire. Soudain dans l’ombre d’une porte quelque chose brille vaguement. Un commandement : – Hands up ! Perchicot obéit, deux hommes le menacent de leur revolver. L’un des individus le fouille et dit : – Not fire ! Son portefeuille est capturé en un tournemain. À la lueur d’une lampe électrique ses agresseurs l’examinent. Celui qui a parlé le premier dit : – C’est un coureur français « this son of a beach » (ce fils de chien). Puis moins rudement : – Where are you going (où allez-vous ?) – I’m going see Fogler (Je vais voir Fogler) Les deux agresseurs se concertent un moment. Ils étaient vétus de maillots sombres. – Des boxeurs, pensa Perchicot ! Son interlocuteur reprit la parole : – Voilà ton portefeuille, on te le rend, tu en as de la chance d’être un coureur.Vive le sport ! Et maintenant viens avec nous… 56


Ce devait être un humoriste car le bougre ajouta : – Nous te conduirons, le quartier n’est pas sûr. » Le retour se fait par le paquebot La France. Un lot imposant de champions américains et australiens est de la partie : Hehir, Grenda, Pye, Heaton, Fogler, Root, Hill, Galvin, Walthour, Collins, Clark, Moran et les européens Brocco, Berthet, Perchicot, Egg, Suter frères, ainsi que le boxeur Ledoux. Tous venant courir dans la vieille Europe. La presse française titre le 27 décembre : « L’invasion américaine continue. » Ils ont choisi un paquebot transatlantique français flambant neuf, puisque lancé en 1912, cinq jours seulement après la catastrophe du Titanic. À l’époque, il est le plus grand paquebot français, le seul à arborer fièrement quatre cheminées, ses dimensions ayant été dictées par celles des bassins du Havre. Le luxe et le style de ses aménagements lui valent le surnom de « Versailles des Mers ». Il peut transporter 2 400 passagers. Rien de tel pour que des sportifs arrivent à destination en pleine forme, prêts à gagner. Pour Perchicot, point de course en vue. C’est le moment du repos et de la récupération. Sitôt foulé le sol français, il met le cap sur sa ville natale Bayonne sans perdre une minute. Acclamé, fêté par ses pairs et ses amis, pressé de raconter sa vie américaine, il déclare tout de go à la presse locale : « J’ai trouvé là-bas des gens d’une affabilité exquise, j’ai fait un voyage extraordinaire, appris l’anglais, développé mes muscles, perfectionné ma tactique et augmenté mon endurance. Je crois que je pourrai leur montrer, à Paris, que je ne suis pas loin de valoir les meilleurs. » La société cycliste le Guidon Bayonnais a décidé d’organiser dans les jours qui suivent une promenade où sont conviés tous les cyclistes, membres du club ou non, et dont la direction est naturellement confiée à son président d’honneur, André Perchicot. Une jolie manière de clore l’année. 57


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CHAPITRE

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L’année 1913

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Quelques photos, datées de janvier et février 1913, font état d’une ou plusieurs sorties à Capbreton avec son frère Charles, surnommé familièrement « Lolo », mais aussi Sinault, Egg, Luguet, Faber, Engel. À table et lors de parties de pêche sur le bateau, on raffole des huîtres produites au lac d’Hossegor, lequel relié à la mer par un canal, se remplit et se vide au rythme des marées. Une autre série de photos avec Lolo, raconte une promenade dans le Béarn : Peyrehorade, où les deux frères rendent visite à Jean-Baptiste Dortignacq, avec qui André a gagné les 12 heures de Toulouse, puis à Pau, Arudy, Eaux-Bonnes et ensuite devant les grottes de Bétharram. Né en 1884 à Arudy (Pyrénées-Atlantiques), Dortignacq fut surnommé « La Gazelle » : il participa à six Tours de France dont le premier en 1903. Il y remporta sept victoires d’étapes et en 1904, il termina second. Installé en Pays d’Orthe, il s’est éteint à Peyrehorade le 13 mai 1928, à l’âge de 44 ans, après s’être reconverti comme hongreur. Après ces vacances, le cycliste remonte le 9 mars à Paris direction la piste du Vel d’Hiv pour le Prix du Conseil où le prestigieux Frank Kramer, champion du monde en titre, connaît sa première défaite en Europe11. Le 23 mars c’est la réouverture du vélodrome du Parc des Princes, pour la première réunion du meeting de Pâques12. Le 30 mars la presse annonce que la course de Six Jours dont le départ a été donné le 24 mars à Prague a été interrompue à la 52e heure par abandon de tous les coureurs, suite à une discussion avec les organisateurs. Le 31 mars au Palais des Sports de Paris, on annonce pour le 2 avril, 100 kilomètres à l’américaine avec les 11. Lors de la finale du tournoi de vitesse, il termine troisième derrière Hourlier, vainqueur, et Ellegaard deuxième. Résultats sont en annexes. 12. Résultats en annexes. 60


équipes Perchicot-Lapize, Hourlier-Egg, etc. Finalement Kramer fait équipe avec Oscar Egg et ils remportent de main de maître cette course émotionnante devant des gradins archi-combles. Perchicot-Lapize terminent à un tour dans le gros du peloton. Le 2 mai, André participe à une réunion à Buffalo. La vitesse est disputée par manches. Résultats : 1/Friol (7 points) 2/Hourlier (8 points) 3/Perchicot 4/Pouchois. Le 4 mai à Tours, Perchicot (4 points) remporte de Grand Prix du Conseil Général devant Friol (5 points) et Poulain (9 points), dans cet ordre. Le 23 mai, au Parc des Princes, lors de la réunion organisée à l’occasion de l’arrivée de Bordeaux-Paris (vainqueur Mottlat), André remporte le handicap couru sur 804 mètres. Quant à la vitesse, seules les séries seront courues. La course Bordeaux Paris est en avance, et on n’a pas le temps de courir demi-finales et finale. Le 1er juin doit se dérouler au Parc des Princes le championnat de France 1913 de vitesse, mais à la suite de pluies importantes, la réunion est déplacée au dernier moment au Vélodrome d’Hiver qui, lui, est couvert. Détenteur du titre, Perchicot réussit à se classer premier de la finale. Malheureusement, pour André, l’UVF décide que cette course ne peut compter pour le Championnat de France de vitesse, les règlements exigeant que la course ait lieu en plein air. Le voilà champion de France 1913 pour quelques minutes seulement. Cette mésaventure lui laisse une saveur amère, voire un désir de revanche contre le mauvais sort. Une belle occasion se présente une semaine plus tard à Bordeaux.

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Champion d’Europe Le 8 juin 1913, le championnat d’Europe est organisé à Bordeaux au vélodrome du Parc de Caudéran. Perchicot triomphe sur une bicyclette Peugeot et des pneumatiques Wolber dans une course dont la fin a été malheureusement rendue moins palpitante à la suite d’une crevaison survenue au pneu de Hourlier, juste au moment où Perchicot passait à l’extérieur. Poulain avait renoncé à la lutte 200 mètres avant le poteau. À la clef, des montants de 500, 300 et 200 francs pour les trois finalistes. Mais le plus important est ailleurs : voilà Perchicot champion d’Europe. Sa revanche, il la tient ! L’écharpe lui est ceinte par le député de la Gironde Charles Chaumet. Ce que personne ne peut savoir à cette date, c’est que le titre échu va lui rester dévolu longtemps. L’année suivante, le premier conflit mondial reporte sine die la tenue du championnat. L’Europe se déchire et l’heure n’est plus aux compétitions sportives. Le titre sera remis en jeu en 1920 - Marcel Dupuy est sacré -, mais cette année-là, André Perchicot ne sera plus dans la course, ayant définitivement tourné la page du cyclisme professionnel. Cependant n’allons point trop vite en besogne et laissons Perchicot savourer pleinement sa victoire ! Le 17 juin, une grande fête est organisée par Henri Desgranges au Parc des Princes, dont le produit était destiné à remplir la caisse de l’œuvre de rapatriement des artistes. Il s’agit de fournir une aide aux comédiens qu’abandonnent les impresarii en manque d’argent lors de tournées en province, sans leur laisser les moyens suffisants pour rentrer dans leurs foyers. Ce fut une joyeuse manifestation de solidarité, où l’on vit de charmantes actrices et des acteurs aimés du public se mesurer

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successivement dans des courses à brouettes, d’ânes, à bicyclette et patins à roulettes. Mademoiselle Gloria, vedette du Moulin Rouge, remporta la victoire sur son âne valeureux. Dans le Derby des Cabots, les petits chiens de Mademoiselles Vix et Otéro, à une encolure l’un de l’autre, triomphèrent d’un peloton compact. Les champions cyclistes Hourlier et Perchicot se lancent à la poursuite d’un record : Hourlier bat le record du kilomètre « lancé », en 1 min 9s. 3/5, et pour ne pas être en reste, Perchicot celui du kilomètre « arrêté » en 1 min 13 s. 2/5. André est très fier de ce record du monde, plus tard il le mentionnera sur l’une de ses cartes de visite aux côtés de ses titres de champion de France et d’Europe. Ensuite Darragon, sur 10 kilomètres derrière motocyclette, devance Guignard, victime d’une crevaison. Puis, fuyant la pluie battante, la foule se réfugie dans les tribunes, où les attend un concert concocté au déboté.

Le Grand-Prix de la ville de Paris En ce mois de juin 1913, Perchicot a dans sa ligne de mire le Grand Prix de Paris. Il faut s’y préparer et deux réunions au vélodrome Buffalo s’avèrent une excellente mise en bouche. Le 19 juin, il court le 100 km13 à l’américaine, avec Octave Lapize comme coéquipier. Le 20 juin, le tandem Perchicot-Lapize termine second derrière Comès-Olliveri, puis le 26 sur la même piste, c’est un tournoi de vitesse. Organisé sous le haut Patronage du président de la République Raymond Poincaré et de son épouse, le Grand Prix de la ville de Paris est une compétition capitale - peut-il en être autrement à Paris ? qui se déroule sur trois dates. Dans les tribunes officielles 13

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du Vélodrome de Vincennes, sont également visibles le président du conseil Louis Barthou, le ministre de l’Intérieur Louis-Lucien Klotz, le ministre de la Marine Pierre Baudin, ainsi que Paul Chassaigne-Goyon président du conseil municipal de Paris, et Henri Galli, ancien président de ce même conseil. Les finales eurent lieu le 6 juillet. Dans la demi-finale sur 1 000 mètres en vitesse, André Perchicot termine troisième, après une embardée il monte sur la pelouse, la manche est recourue et Pouchois l’emporte, André est à 5 centimètres derrière. Walter Rütt qui se déclarait juste avant la finale « satisfait d’être débarrassé de Hourlier, Friol et Perchicot, ceux qu’[il] redoutait le plus » remporte le Grand Prix de Paris devant Pouchois et Moretti. Le 13 juillet à Berlin, c’est le Critérium des Sprinters avec le classement final suivant : Perchicot est sixième, derrière Rütt, Hourlier, Meyer, Schürmann et Pouchois. Le 27 juillet, retour en Aquitaine, André est à Agen. Il donne à dix heures du matin le départ de la course sur route Agen-Montauban-Agen, puis un peu plus tard participe à la réunion d’attente de l’arrivée. Le Championnat de France de vitesse, qui devait, on s’en souvient, être couru le 1er juin se joue le 17 août au Parc des Princes (demi-finales et finale sur 1 333 m). Tous les concurrents se présentent au poteau au grand complet : Perchicot, Hourlier, Friol, Pouchois, Dupré, etc. Le nouveau champion de France Friol gagne une fois de plus (dernier 200 m. en 12 s. 2/5), devant Hourlier et Poulain. Hourlier semble en déclin de forme, Poulain doit continuer à progresser, Pouchois causa forte impression mais fut éliminé en demi-finale par le futur champion, et l’ex-champion de France Perchicot ne fit pas la course que l’on attendait de lui, car de l’avis de certains il était surentraîné. Furieux, Perchicot revient à Toulouse le 10 août, où il remporte l’épreuve de vitesse devant

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Schilling, Sauge et Bournac mais aussi le handicap et une course de vitesse seul contre le tandem Schilling-Bournac. L’honneur est sauf. Perchicot impressionne toujours autant ses pairs et son public. À Bourges, le 15 août, Perchicot remporte de Grand Prix de l’été devant Hedspath et Bournac, dans cet ordre. Départ pour le Danemark. Fin août, le prix de vitesse de Copenhague sacre Walter Rütt devant Perchicot, deuxième, et Ellegaard, troisième. Perchicot doit se maintenir en forme car les 28 et 31 août, ont lieu en Allemagne à Leipzig les championnats du monde sur piste. La vitesse se disputera sur une distance de 1 000 mètres et la France sera représentée par Hourlier, Poulain, Perchicot et Friol. Rütt remporte le titre devant Ellegaard et Perchicot14. André décroche cette fois encore un bel accessit mondial et le meilleur résultat français en vitesse. Le 14 septembre, André court à Hanovre devant dix mille personnes, avant de revenir le 16 septembre au Vél d’Hiv de Paris pour participer à une réunion de charité, au bénéfice de la veuve et des enfants de l’entraîneur Gussie Lawson, mort accidentellement à Cologne huit jours auparavant, avec une poule de vitesse en dix matchs15. Houlier est déclaré vainqueur. Le 21 septembre, retour en Allemagne, pour courir à Nuremberg, puis le lendemain à Leipzig lors de la définition du championnat de Bavière. Rütt et Perchicot s’affrontent. Dans le critérium et dans le Handicap, Rütt l’emporte.

14. Résultats en annexes 15. Résultats en annexes 65


Le 26 septembre fin de la tournée allemande à Leipzig, sur la piste du dernier championnat du monde16. Le 26 octobre la presse parisienne annonce que pour les SixJours de New York au Madison Square Garden, la participation française sera composée de Petit-Breton et Perchicot qui feront équipe, tandis que Brocco sera associé à l’italien Verri. En attendant on court au Vélodrome d’Hiver le 27 octobre pour la première journée du Grand prix d’ouverture17. Perchicot reçoit une amende de 50 francs et est déclassé pour dans le dernier tour avoir provoqué la chute de Vigé en le dépassant. Le 1er novembre, réunion nocturne au Veld’Hiv de Bruxelles (résultats en annexes), et pour le lendemain, 2 novembre on change de Vel’hiv pour retrouver celui de Paris et la deuxième dernière journée du Grand Prix Parisien. Rütt remporte la première demi-finale devant Poulain et Dupuy. Dans la seconde demi-finale Polledri gagne devant Perchicot à une longueur et Pouchois troisième. Cependant le journal l’Aéro raconte : « La seconde demi-finale donna lieu à un incident regrettable. Polledri qui avait nettement gagné, et que le tableau d’affichage indiquait premier, fut déclassé au profit de Perchicot sans que l’on sache exactement pourquoi. Hâtons-nous d’ajouter à la décharge de l’ancien champion de France, qu’il n’était pour rien dans cette sanction, n’ayant déposé aucune réclamation. C’est paraît-il pour avoir gêné Pouchois que l’Italien fut sanctionné après coup. Cette mesure coercitive fut unanimement blâmée et le public ne se gêna nullement pour faire entendre son mécontentement aux commissaires, 16. Résultats en annexes 17. Résultats en annexes 66


qui en prennent tout de même un peu trop à leur aise… Dans la finale il n’y eut finalement pas de lutte, Rütt mena délibérément l’emballage et résista à toutes les attaques, Meurger et Perchicot finissaient très près dans cet ordre. Perchicot avait dû courir la veille au soir, à Bruxelles, toute une série d’épreuves très dures dont il s’était tiré à son honneur du reste, il a donc une excuse. » Le quotidien le Petit Parisien, rejette la faute sur les commissaires et titre : « Alors, si les juges officiels à l’arrivée s’en mêlent !... » Un autre quotidien rapporte le même incident et commente que Perchicot est sifflé et hué dès qu’il apparaît en piste pour courir la finale. Normalement les finalistes font un tour d’honneur, mais cette fois, André ne s’y aventure pas … Épilogue. Pour en terminer, il faut savoir que le bulletin de décembre 1913 de l’UVF publie une note sur l’incident Perchicot-Polledri, ce que l’on doit considérer comme le jugement officiel de l’affaire. La voici : « Le coureur Polledri ayant fait appel auprès de la Commission Sportive à la suite de la décision prise par les commissaires de courses de la réunion du 2 novembre 1913, lors de la demi-finale du Prix d’ouverture du Vélodrome d’Hiver, la Commission Sportive a entendu les explications de l’intéressé et celles des commissaires de courses qui ont témoigné de la façon la plus formelle qu’au moment où Perchicot s’est engagé à la corde, Polledri était à l’extérieur de la ligne rouge. Dans ces conditions, la place, à la corde, était acquise au coureur Perchicot et Polledri ne devait plus se rabattre. La décision des commissaires de course est homologuée et la réclamation en appel du coureur Polledri est repoussée. »

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Donc la veille au soir à Bruxelles, André avait participé à une poule de vitesse en sept matchs qu’il remporta avec 15 points devant Ellegaard 12 points,Van Bever troisième et Arend quatrième. Avec, en prime, une belle ovation à Perchicot, qui avait dû faire plusieurs tours d’honneur… comme quoi tout peut changer d’un jour à l’autre, et passer des bravos aux sifflets. Le 12 octobre, retour à Bruxelles, pour la réunion d’ouverture du Vel d’Hiv Bruxellois, les résultats sont en annexes. Je vous avais bien dit, que Perchicot est arrivé à Paris, bien décidé à découvir les plaisirs, et la culture de la capitale. Voici une anecdote que rapporte la presse sportive du 26 octobre 1913 : « Comme la plupart des amateurs de théatre, un de nos meilleurs sprinters n’aime pas payer sa place, et pour ce, n’hésite pas à employer toutes sortes de ruses. Aussi c’est sans trop de surprise qu’on a vu avant-hier Perchicot, dans les couloirs de l’Opéra, revétu d’une tenue toute neuve de machiniste. » Je ne pense pas qu’il ait eu des problèmes pour payer sa place, mais simpplement envie de faire un gag, de se faire remarquer. Peut être y avait-il un pari à la clé ? Sinon, un resquilleur se fait discret et ne va pas se promener ainsi déguisé, dans les zones publiques Le samedi 1er novembre, André participe à une réunion au Vel d’Hiv Bruxellois, Perchicot est en forme et remporte la poule de vitesse.

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