la lettre de
l’Observatoire E d i t o
n° 26 - 1er trimestre 2009
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L’actualité juridique, économique et sociale des Travailleurs Indépendants et des Petites Entreprises leur ressemble : elle bouge tout le temps. Cette lettre s’en fait l’écho
La couverture maladie complémentaire d’entreprise, une alternative à l’assurance maladie obligatoire ? Elle est, en tous cas, en passe de jouer un rôle significatif dans la gestion du système de santé face au déficit chronique de la branche maladie.
En effet, depuis le 1er janvier dernier, les chefs d’entreprise doivent avoir mis en place un régime complémentaire à adhésion obligatoire s’ils veulent continuer à bénéficier des exonérations de charges sociales et des déductibilités fiscales* dont ils profitaient jusqu’alors en adhésion facultative. Avec cette mesure, les pouvoirs publics marquent leur volonté de reporter encore davantage le financement des dépenses de soins et biens de santé à la sphère privée. Quels sont les effets bénéfiques du déploiement des contrats complémentaires santé obligatoires d’entreprise ? Un système de couverture décentralisé se met en place, laissant une plus grande part aux acteurs privés : quelles sont les conséquences d’un tel changement (inégalités inter-entreprises, inter-branches...) ? La Lettre analyse cette nouvelle orientation et en étudie particulièrement les impacts sur les TPE (entreprises de moins de 20 salariés). En fin de lettre, un point d’actualité sur l’autoentrepreneuriat est à lire. Ce nouveau régime vient compléter le dispositif de la micro-entreprise en élargissant encore davantage les facilités de mise à son compte. Chantal Benoist Directeur de la rédaction * Loi Fillon du 21 août 2003.
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La complémentaire santé d’entreprise
obligatoire
Stéphane Rapelli – Chargé d’études et de recherches
S o m m a i r e Introduction générale
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I- Le cadrage juridique du marché de la complémentaire santé d’entreprise I. 1 - La définition des acteurs du marché I. 2 - La promotion des complémentaires obligatoires
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II- Les enjeux de la complémentaire maladie d’entreprise II. 1 - Un système régulé attractif... II. 2 - ... mais sujet à débats
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III- La complémentaire santé d’entreprise obligatoire dans les TPE III. 1 - Les secteurs concernés III. 2 - Les offreurs de garanties III. 3 - Les principales garanties offertes
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Conclusion
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Bibliographie
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Présentation de l’Observatoire
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L’actualité des indépendants L’auto-entrepreneuriat implique-t-il la fin du micro-entrepreneuriat ? • Des options fiscales avantageuses • Des obligations administratives encore allégées • Un objectif : accroître le volume d’activité
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La complémentaire santé d’entreprise obligatoire
I n t r o d u c t i o n
g é n é r a l e
À
l’heure où les déficits de la branche maladie semblent incontrôlables, les regards se portent sur la couverture maladie complémentaire d’entreprise. Initialement perçue comme un avantage accordé aux salariés par l’employeur, elle est en passe de prendre une place notable dans le financement de la consommation de soins et de biens médicaux. En effet, les pouvoirs publics se sont attachés à organiser son marché tout en la rendant attractive par des aménagements fiscaux. Toutefois, ces avantages sont concédés aux seuls complémentaires collectives rendues obligatoires au niveau de l’entreprise ou de la branche. Cette orientation conduit à s’interroger sur les stratégies qui sous-tendent le développement des complémentaires d’entreprise et à en étudier l’impact sur les très petites entreprises.
La protection sociale complémentaire La protection sociale complémentaire se décompose en deux éléments principaux. Ils se distinguent par la nature des risques qu’ils couvrent.
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la prévoyance complémentaire couvre les risques sociaux que sont le
décès, l’incapacité de travail ou l’invalidité, la maternité, l’accident de travail, la vieillesse et dans une certaine mesure le chômage. Ces risques sont communément qualifiés de “gros risques”. Lors de leur réalisation, une partie des frais qu’ils génèrent est prise en charge par le régime obligatoire de la Sécurité sociale. La prévoyance complémentaire proposée par les organismes de prévoyance complète cette prise en charge partielle. Cette assurance peut être acquise individuellement ou dans le cadre d’une entreprise. Dans ce dernier cas, il s’agit de la prévoyance collective qui est mise en place au niveau de la seule entreprise, d’un ensemble d’entreprises ou d’une branche professionnelle.
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la couverture maladie complémentaire concerne les “petits risques”,
c’est-à-dire les frais de santé : consultation, pharmacie, hospitalisation, soins dentaires, optique, cures thermales, actes d’auxiliaires médicaux et appareillages. La Sécurité sociale rembourse une partie de ces frais laissant tout ou partie du montant à la charge de l’assuré. La complémentaire maladie vient compléter les remboursements du régime obligatoire à l’exception des franchises médicales et de la participation forfaitaire qui doivent légalement rester à la charge de l’assuré. La complémentaire santé peut être acquise individuellement. Mais elle peut être acquise par le biais de l’entreprise. Il s’agit alors d’une couverture complémentaire maladie d’entreprise. La protection sociale complémentaire d’entreprise peut être déployée de manière facultative. Elle est alors le fait de l’employeur seul ou le résultat d’une concertation avec les représentants des salariés. À un niveau de dialogue social supérieur, elle peut être introduite par des accords de branche. Les négociations entre les partenaires sociaux et les organismes assureurs permettent d’obtenir une tarification généralement avantageuse. Les accords de branche peuvent aussi prévoir une protection sociale complémentaire obligatoire. Chaque entreprise couverte par ces accords est alors tenue d’affilier ses salariés. Une prévoyance complémentaire obligatoire est ainsi fréquemment inscrite dans les conventions collectives. La couverture maladie complémentaire obligatoire est plus rare, mais tend à se développer rapidement.
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La lettre de l’Observatoire - n° 26
I- Le cadrage juridique du marché de la complémentaire santé d’entreprise Dans le domaine de la couverture du risque maladie, la protection sociale d’entreprise a pris une importance croissante au cours des dix dernière années. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les dernières estimations dévoilées par l’IRDES*. Les résultats de l’étude montrent ainsi que près de 61 % des contrats de complémentaire santé – hors Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C) – bénéficiant aux travailleurs, sont acquis par le biais de l’entreprise qui les emploie. En outre, 81 % des salariés interrogés à l’occasion d’un récent sondage du CRÉDOC révèlent une nette préférence pour le contrat d’entreprise en matière de complémentaire santé qu’elle soit obligatoire ou facultative. À la lumière de ces informations, il est aisé de conclure à un engouement prononcé vis-à-vis de la couverture maladie complémentaire d’entreprise. Néanmoins, l’expression de cette opinion des plus favorables n’exprime pas une préférence sociale qui aurait émergé en dehors de toute intervention. Les pouvoirs publics se sont attachés à ériger un environnement juridique fortement incitatif autorisant un déploiement massif des complémentaires maladie d’entreprise et, plus généralement, de la prévoyance collective. Deux apports législatifs principaux ont marqué son édification en consolidant des dispositions légales antérieures.
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La définition des acteurs du marché
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e déploiement de la couverture maladie complémentaire d’entreprise s’appuie essentiellement sur la loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques Le régime correspond – loi n° 89-1009 surnommée à l’ensemble des droits loi Évin – complétée par la et obligations régissant loi du 8 août 1994 relative la protection sociale à la protection sociale comcomplémentaire établi plémentaire des salariés – loi au sein de l’entreprise n° 94-678 dite loi Veil. L’artiou de la branche. culation de ces deux textes Le gestionnaire est structure la protection sociale l’organisme garantissant d’entreprise et organise le contractuellement marché assurantiel attenant les engagements pris pour les cinq risques tradipar l’entreprise tionnels que sont le décès, la maladie ou la maternité, l’accident du travail, l’incapacité de travail ou l’invalidité et le chômage. Ainsi, comme le rappelle Cesaro (2008) la distinction entre le régime et le gestionnaire est formellement précisée.
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ans ce cadre, seuls trois types d’organismes sont juridiquement habilités à offrir et gérer un régime complémentaire d’entreprise : • les entreprises d’assurance relevant du code des assurances, • les institutions de prévoyance gouvernées par le code de la Sécurité sociale et le code rural, • les mutuelles régies par le code de la mutualité.
Par cette restriction portant sur les offreurs potentiels de régimes, le législateur assure la pérennité des garanties offertes aux bénéficiaires dans la mesure où elles ne sont pas tributaires de la survie de l’entreprise. Il faut d’ailleurs souligner que dans le cadre d’une couverture complémentaire collective obligatoire, le gestionnaire est astreint à proposer la continuité des garanties lorsque le salarié quitte l’entreprise, sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’une démission volontaire. Cela se traduit par un contrat individuel dont la tarification est fortement encadrée : le montant maximal des garanties du nouveau contrat doit être égal à 1,5 fois le tarif global de la couverture en vigueur dans l’entreprise.
Un régime fiscal attractif
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u côté des demandeurs, le législateur a opéré une dichotomie entre les bénéficiaires – les salariés – et l’employeur. Cette distinction s’exprime au travers des modalités de financement de la couverture maladie complémentaire. En effet, les coLes catégories objectives tisations versées au régime de travailleurs sont sont partagées entre le salarié repérées par le code et l’employeur. Ce dernier est du travail – ouvriers, tenu de prendre en charge employés, agents au moins 20 % du montant de maîtrise, ingénieurs des cotisations, mais la praet cadres – et, tique montre que près de la dans une certaine moitié de cette somme est mesure, par les accords généralement financée par collectifs. l’employeur. Cette part doit être appliquée uniformément
* Institut de recherche et documentation en économie de la santé, voir l’étude de Kambia-Chopin, Perronin, Pierre et Rochereau (2008).
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La complémentaire santé d’entreprise obligatoire
à toutes les cotisations versées par les salariés. Lorsque le régime prévoit des modalités tarifaires et de couverture différenciées en fonction des catégories objectives de salariés, la participation de l’employeur doit être uniforme pour les salariés d’une même catégorie.
En revanche, la couverture complémentaire est imposée aux salariés intégrant l’entreprise postérieurement à son déploiement. De plus, le prélèvement des cotisations (précompte sur le salaire) constitue alors une modification des termes du contrat de travail.
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n outre, le dualisme des demandeurs est inscrit au cœur même des modalités de mise en place d’un régime complémentaire obligatoire. Dans cette optique, il s’agit notamment de la formulation des besoins des bénéficiaires en termes de garanties et du choix de gestionnaire du régime. La loi retient trois alternatives fondées sur une déclinaison de la négociation collective : • un accord collectif pouvant être conclu au niveau de l’entreprise ou au niveau de la branche par le biais d’une convention collective. Par ce premier mode de détermination de la demande, la loi privilégie le rôle des organisations représentatives patronales et salariales dans la mise en place d’un régime complémentaire obligatoire. Cet aspect doit être souligné dans la mesure où les accords d’entreprise sont subordonnés aux conventions collectives. Les premiers ne peuvent donc pas déroger aux règles édictées par ces dernières. • un référendum initié par le chef d’entreprise. Dans ce cadre, il s’agit d’obtenir l’assentiment des salariés quant à un projet de régime proposé par le chef d’entreprise et, de facto, par un organisme gestionnaire. Bien que la loi confère au référendum la même valeur que les accords collectifs, il est étonnant de constater qu’aucune règle de majorité n’est définie. Toutefois, le bon sens laisse à penser que l’entrepreneur soucieux de la cohésion de groupe au sein de son entreprise respectera l’expression de la majorité. • une décision unilatérale de l’employeur. Cette alternative n’exclut pas totalement les salariés du processus décisionnel. Ces derniers peuvent en effet refuser d’adhérer, à condition qu’ils aient été embauchés avant la mise en place du régime.
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- Figure 1 Relations tripartites de la complémentaire d’entreprise
contrat commercial
Entreprise employeuse
Organisme assureur
contrat de travail
contrat d’adhésion
Salarié
Finalement, les lois Évin et Veil instituent une relation tripartite sur le marché de la couverture maladie d’entreprise (Fig. 1). La position de l’employeur est toutefois particulière puisqu’il est techniquement le souscripteur du contrat d’assurance collective pour le compte de ses salariés. Sa responsabilité est donc accrue tant au niveau du maintien des garanties vis-à-vis de ses salariés que du règlement des primes à l’organisme gestionnaire. Néanmoins, les régimes collectifs ont été rendus très attractifs dans la mesure où les primes, versées par l’employeur comme par le salarié, bénéficient d’exonérations de cotisations sociales et fiscales plafonnées.
La promotion des complémentaires obligatoires
Initialement,
les exonérations concernaient indifféremment excéder 3 % du montant de huit PASS. Ce plafonnement les couvertures complémentaires obligatoires et facultatives, était déjà appliqué avant la promulgation de la loi Fillon. sous réserve que le régime bénéficie à la totalité des salariés de Ces contributions échappent à la CSG et à la CRDS. Enfin, le l’entreprise ou d’une catégorie objective d’employés. Toutefois, plafonnement des exonérations est fixé à 6 % du PASS augmenté le second apport juridique notable – la loi n° 2003-775 du 21 de 1,5 % du revenu brut annuel dans la limite de 12 % du PASS août 2003 portant réforme des retraites dite loi Fillon – a réservé ne période de transition, prenant fin le premier janvier 2009, aux seuls régimes complémentaires à adhésion obligatoire ces permettant la transformation des régimes à allègements de charges. adhésion facultative existant avant 2005 en Plus précisément, le montant des primes Le Plafond Annuel régime à adhésion obligatoire a été prévue versées par l’employeur – le cas échéant, par le de la Sécurité Sociale par la loi. Cette disposition exprime clairecomité d’entreprise – et le salarié est exonéré (PASS) est fixé ment la volonté des pouvoirs publics de voir fiscalement. L’exonération est limitée à 7 % à 34 308 e pour 2009. la couverture maladie complémentaire d’endu PASS augmenté de 3 % de la rémunération treprise – et plus généralement la protection annuelle brute, sans que ce total ne puisse
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sociale d’entreprise – prendre un rôle croissant dans la gestion du système de santé. Dans cette optique, les règles régissant les régimes obligatoires ont été renforcées par une prise en compte de la jurisprudence.
Des contrats responsables
Parallèlement,
les
contrats doivent se conformer aux caractéristiques des contrats responsables telles que définies par la loi n°2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. La participation de l’employeur l est ainsi précisé que la participation de Ainsi, le régime complémentaire ne doit ne doit pas se substituer l’employeur ne doit pas se substituer à pas prendre en charge la participation à un élément de salaire. un élément de salaire. Si cette disposition forfaitaire de 1 e de l’assuré, la majoration permet de préserver une certaine neudu ticket modérateur appliquée lors de tralité du déploiement du régime sur les consultations effectuées hors du parcours revenus salariaux – et d’éviter d’ajouter au mécontentement qui de soins et les franchises médicales. accompagne généralement sa mise en place – elle vise surtout, En revanche, des niveaux de prise en charge minimaux sont comme le précise Barthélémy (2006), à asseoir juridiquement prévus pour les consultations, les médicaments, les frais d’anales exonérations fiscales et sociales. lyse et les prestations de prévention. Du point de vue des organismes gestionnaires, les contraintes induites par ce cahier a loi précise que certains types de travailleurs peuvent des charges sont toutefois atténuées par les exonérations bénéficier d’une dérogation à l’adhésion à la couverture fiscales et sociales dont ils bénéficient en retour. complémentaire. Il s’agit des salariés : ’ensemble des règles ainsi établies par • bénéficiant de la CMU-C ou d’une aide le législateur structurent le marché de L’ensemble des règles établies à l’acquisition d’une complémentaire la couverture complémentaire maladie par le législateur santé, d’entreprise dans un cadre juridique restructurent le marché • employés sous l’égide d’un contrat à lativement serré mais complexe, puisqu’il de la couverture complémentaire durée déterminé et des apprentis, s’appuie sur de nombreux corps de règles • travaillant pour plusieurs employeurs à (codes des assurances, de la Sécurité sociamaladie d’entreprise dans un cadre condition qu’ils cotisent à une couverle, du travail, de commerce, général des juridique relativement serré ture complémentaire obligatoire dans impôts...) et de conventions. mais complexe. l’une des entreprises employeuses, En outre, la loi du 4 mai 2004 relative à Il s’appuie sur de nombreux corps • bénéficiant de la couverture compléla formation professionnelle tout au long mentaire obligatoire de leur conjoint, de la vie et au dialogue social* impose de règles et de conventions. • saisonniers. légalement la négociation des accords de prévoyance au sein des entreprises. Cette nfin, la loi Fillon apporte quelques précisions importantes sur réglementation confirme, s’il en était besoin, la place croisla constitution des contrats d’assurance. sante accordée à la sphère entrepreneuriale dans la gestion du En particulier, leurs garanties ne peuvent pas être subordonnées système de santé. à des critères de durée de travail, d’âge ou d’ancienneté du salarié dès qu’elle excède douze mois. e déploiement d’un tel arsenal juridique conduit touPlus généralement, le gestionnaire du régime n’est pas tefois à mettre en question les stratégies sous-jacentes autorisé à opérer de distinction tarifaire – les primes devant au développement de la couverture maladie d’entreêtre identiques pour chaque salarié de la prise. En organisant ainsi l’intervention même catégorie objective – et ne peut du marché dans l’assurance maladie comdonc pas effectuer de discrimination des plémentaire et, plus généralement, dans Le gestionnaire du régime risques. la protection sociale, le législateur semn’est pas autorisé à opérer Il faut certainement lire dans cette ble exprimer la volonté de redéfinir les de distinction tarifaire caractéristique la volonté du législateur fondements de la couverture des risques. et ne peut donc pas effectuer de ménager un système assurantiel Cette orientation n’est pas sans poser un solidaire. certain nombre de questions. n de discrimination des risques.
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la lettre de
l’Observatoire
Publication trimestrielle éditée par l’Observatoire Alptis de la Protection Sociale 12, rue Clapeyron - 75379 PARIS CEDEX 08 n Tél. : 01 44 70 75 64 n Fax : 01 44 70 75 64 E-mail : observatoire@alptis.fr
Direction de publication : Georges Coudert. Direction de la rédaction : Chantal Benoist. Rédaction : Cyrille Piatecki, Stéphane Rapelli. Coordination : Pascaline Delgutte. Maquette : Déesse Design. ISSN : 1621-97-83. Dépôt légal en cours
* Loi n° 04-391.
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La complémentaire santé d’entreprise obligatoire
II- Les enjeux de la complémentaire maladie d’entreprise Le dernier compte de résultat positif de la CNAMTS, hors excédents exceptionnels issus de plans de refinancement, a été observé en 1969 à l’occasion de son second exercice comptable.
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Face à l’accroissement du rôle de l’entreprise et du marché, bon nombre d’observateurs perçoivent un mouvement de mutation radicale de notre système d’assurance maladie. Certes, le débat n’est pas récent et les analyses alarmistes laissant augurer d’une privatisation progressive menant à un modèle proche de celui observé aux États-Unis émergent régulièrement. Le déficit chronique de la branche maladie (4,6 milliards d’euros en 2008), qui sous l’effet des réductions de cotisations mécaniquement générées par l’accroissement du chômage devrait encore s’aggraver en 2009, offre un contexte favorable aux hypothèses les plus extrêmes. Toutefois, si le développement de la couverture maladie complémentaire d’entreprise peut être assimilé à un transfert de charges de la sphère publique vers la sphère privée, l’analyse ne peut se limiter à ce seul constat. Il convient d’étudier plus en avant les fondements et les mécanismes qui gouvernent ce type d’assurance complémentaire.
Un système régulé attractif...
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’un point de vue global, la volonté d’un amoindrissement du Un transfert de charges discuté financement public de la dépense de soins et de biens médicaux e report sur un système d’assurance privée individuelle est est patente. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les mesures successives adoptées au cours des dernières années à l’image de potentiellement porteur d’inégalités. Turquet (2006) rappelle ainsi que la réduction de la prise en charla franchise médicale ou du parcours de ge assumée par la Sécurité sociale génère soins coordonné. Ces dernières cherchent Une personne sur sept moins un effet de responsabilisation sur à contenir une partie des dépenses de renonce à des soins les assurés qu’une exclusion de ceux qui l’assurance maladie par une stratégie n’ont pas la capacité de payer une coude responsabilisation des usagers du pour raisons financières verture complémentaire. Une étude de système de santé, en privilégiant une l’IRDES montre en effet qu’une personne logique de co-paiement. Pourtant, la part de la Sécurité sociale dans le financement de ces dépenses est sur sept renonce à des soins pour raisons financières et que plus de 14 % des ménages dépourvus de complémentaire disposent relativement stable depuis 1995 et reste proche de 77 %. d’un revenu inférieur à 800 e par mois. Plus généralement, la ais, une approche plus détaillée montre que si les soins qualité de la couverture individuelle est fortement corrélée au niveau de revenu et à la catégorie-sociohospitaliers sont pris en charge à plus professionnelle. En d’autres termes, une de 91 %, les coûts des médicaments inégalité dans l’accès aux soins émerge (67,6 %) et surtout les soins ambulatoires Si les soins hospitaliers tant au niveau quantitatif que qualitatif. (65,5 %) restent largement à la charge sont pris en charge à plus de 91 %, des organismes complémentaires et des les coûts des médicaments (67,6 %) ette situation est en opposition directe ménages. Ce dernier poste est d’ailleurs et surtout les soins ambulatoires avec les principes d’égalité d’accès aux caractérisé par une décroissance marquée soins et de leur qualité qui ont présidé de la participation de la Sécurité sociale (65,5 %) restent largement à la constitution de l’assurance maladie qui le finançait à hauteur de 67 % en 2000. à la charge des organismes en 1945. Leur respect implique donc une Les mesures de réductions des dépenses, complémentaires et des ménages. certaine régulation de l’offre de complédont l’examen est hors de portée de la mentaire. La mise en place de la CMU-C présente étude, semblent porter leurs et, dans une certaine mesure, de l’aide fruits. Dans ce contexte le recours à une couverture complémentaire des frais de santé s’avère emprunt à l’acquisition d’une complémentaire santé a répondu à cette exigence pour les populations les plus défavorisées. Mais ces de pragmatisme, au moins au niveau individuel.
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dispositifs correspondent plus à une extension de la solidarité financière nationale qu’à une régulation du marché assurantiel. En revanche, les couvertures complémentaires collectives participent directement d’une logique de régulation, d’autant plus lorsqu’elles sont rendues obligatoires.
des cotisations. La loi Fillon interdit aux organismes d’assurance de discriminer les individus en fonction de leurs caractéristiques personnelles lors de l’élaboration des garanties de contrats collectifs. En d’autres termes, les tarifs ne peuvent être ajustés par l’assureur en fonction de l’état de santé individuel. Dès lors, les cotisations – montant forfaitaire ou pourcentage es études de l’IRDES montrent ainsi Les contrats d’entreprises du salaire – sont identiques pour tous que les contrats d’entreprises offrent de offrent de meilleures garanties les membres d’une même catégorie de meilleures garanties que celles obtenues que celles obtenues dans le cadre salariés au sein de l’entreprise ou de la dans le cadre de contrats individuels. de contrats individuels. branche. Lorsque la complémentaire est Selon les estimations, seuls 27 % des rendue obligatoire, cette règlementation contrats collectifs offrent des garanties constitue un avantage tant pour l’orgaplutôt faibles (notamment en optique et en dentaire) alors que cette part atteint 62 % pour les contrats nisme assureur que pour l’assuré. individuels. En revanche, les contrats collectifs obligatoires, offrent en moyenne des niveaux de garanties plus avantageux n effet, les personnes jouissant d’un bon état de santé sont que les contrats collectifs facultatifs. peu enclines à contracter une assurance. Elles considèrent que les cotisations sont trop élevées par rapport aux prestations dont n autre aspect positif des complémentaires d’entreprise elles bénéficient. Dans le cadre d’une couverture individuelle, concerne les coûts supportés par l’assuré. Ces derniers sont moins ce sont donc les individus présentant les plus grands risques de importants à qualité égale, mais cet aspect doit être modulé au santé qui vont souscrire une complémentaire. Les économistes regard de la participation de l’employeur. Enfin, la couverture parlent alors d’un phénomène d’antisélection qui justifie l’application de tarifs adaptés au profil complémentaire obligatoire d’entreprise sanitaire de l’assuré, mais entraîne papermet à des catégories socioprofesrallèlement une absence de solidarité sionnelles caractérisées par un niveau de Les tarifs ne peuvent être ajustés financière entre les assurés. La couverture revenu relativement faible d’accéder à par l’assureur en fonction d’entreprise obligatoire permet d’éliminer une complémentaire de qualité. de l’état de santé individuel. l’ensemble de ces limites en assurant une mutualisation des risques entre les bienes caractéristiques sont directement portants et les consommateurs de biens reliées aux capacités de négociation accrues des entreprises et, plus encore, des représentants de et services médicaux. Cette solidarité financière horizontale branches professionnelles. Les organismes assureurs peuvent autorise finalement l’assureur à proposer un meilleur niveau être aisément mis en concurrence au regard de l’envergure des de garanties à l’ensemble des assurés tout en ménageant une contrats collectifs demandés. Cette capacité de négociation tarification attractive. s’avère d’ailleurs plus limitée dans le cas des petites entreprises. Les observations réalisées par Turquet (2006) au cours d’une es caractéristiques conduisent à penser que le déploiement enquête portant sur un panel d’entreprises montrent en effet d’un système de complémentaires obligatoires d’entreprises est que les PME régionales bénéficient de garanties relativement des plus opportun. En effet, il constitue une forme de régulation faibles par rapport aux grandes entreprises. du marché assurantiel face aux contrôles toujours plus serrés et nécessaires des dépenses du régime obligatoire. Néanmoins, son développement fait émerger deux types de questions. Le L’avantage du nombre premier concerne la nature de la solidarité qu’instituent ces es différentiels observés entre les complémentaires d’entre- couvertures d’entreprise. Le second, beaucoup plus sensible, prises et individuelles tiennent aussi aux modalités de calculs renvoie à la gouvernance de l’assurance maladie.
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La solidarité horizontale s’exerce entre classes de risque (des bien-portants vers les malades). La solidarité verticale s’exerce entre classes de revenu, caractéristique à la complémentaire individuelle.
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... mais sujet à débats
couverture complémentaire santé d’entreprise obligatoire repose sur un principe de solidarité horizontale, répondant ainsi au troisième principe fondateur de l’assurance maladie.
Mais cette solidarité se restreint aux frontières du groupe bénéficiant de la couverture : au maximum l’ensemble des salariés de la branche, au minimum la catégorie objective d’employés concernés au sein de l’entreprise. À l’image de Del Sol et Turquet (2005), certains s’inquiètent de ce rétrécissement, puisqu’il tend à faire émerger une “solidarité fragmentée” au niveau national.
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Une fragmentation de la solidarité ?
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ette caractéristique est naturellement intrinsèque à un système de couverture fondé sur l’appartenance de l’assuré à une entreprise. Mais elle est à l’origine d’un certain degré d’inégalité. En effet, le montant des cotisations est calculé en fonction de l’estimation du coût des risques propres à la population assurée. Moins la population des assurés est nombreuse, c’est-à-dire plus le périmètre de mutualisation est étroit, plus le coût devant être supporté par chacun des assurés est mécaniquement important.
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n outre, la dimension du périmètre de mutualisation joue directement sur l’estimation des risques, celle-ci étant plus aisée du point de vue statistique lorsqu’un nombre important de personnes est pris en compte. Ces particularités apportent une explication supplémentaire à la faiblesse relative des garanties proposées par les couvertures collectives dans les petites entreprises qui ne bénéficient pas d’un dispositif conventionnel.
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Un pilotage délicat
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e rôle accru des organismes complémentaires est susceptible de générer des perturbations dans le pilotage du système de santé. En effet, ils contribuent à solvabiliser la demande en soins et biens médicaux tout en étant soumis aux pressions concurrentielles du marché de l’assurance complémentaire. Cette configuration peut conduire à deux types de dysfonctionnements principaux : • les stratégies commerciales des organismes complémentaires sont susceptibles de contrecarrer les plans de réduction de la consommation médicale et de responsabilisation des assurés développés par les pouvoirs publics, • les choix inhérents aux niveaux de remboursements, à la définition des nomenclatures des biens et services remboursables et à la gestion du risque maladie arrêtés par les organismes obligatoires peuvent accroitre les coûts supportés par les complémentaires et leurs assurés tout en déstabilisant le marché assurantiel.
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Avec
l’UNOCAM, les organismes complémentaires peuvent donc prendre part à la gouvernance du système d’assurance maladie.De plus, leurs attributions connaissent une évolution constante depuis 2004. De simple organe consultatif, l’Union prend une place prépondérante dans la conclusion des accords concernant les soins et les biens Grâce à la mise en place médicaux dont la part remboursée par de l’Union Nationale des Organismes le régime obligatoire est minoritaire (optique et dentaire notamment). En Complémentaires d’Assurance effet, le projet de loi de financement de Maladie (UNOCAM), les organismes la Sécurité sociale de 2009 prévoit que complémentaires peuvent prendre ces accords conventionnels devront être part à la gouvernance du système obligatoirement ratifiés par l’UNOCAM sans que les syndicats des professionnels d’assurance maladie. médicaux puissent opposer leur véto.
our autant, ces inégalités inter-entreprises et inter-branches sont inévitables dans le cadre d’un système de couverture décentralisé laissant une plus grande part aux acteurs privés. Parallèlement, elles doivent être pondérées par l’accès plus aisé à la couverture complémentaire qu’offrent les contrats collectifs à des catégories de travailleurs traditionnellement défavorisés alors même que le désengagement du régime obligatoire est de plus en plus marqué. Sous cet éclairage, le rôle croissant des organismes complémentaires dans la prise en charge des coûts de santé semble donc nécessaire et bénéfique.
Afin
prévu la mise en place de l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (UNOCAM) qui réunit les représentants des mutuelles, des institutions de prévoyance et des sociétés d’assurances. Cette création marque l’institutionnalisation du rôle des organismes complémentaires en les associant directement à la gestion du système de santé. Elle est ainsi consultée lors de la l’élaboration des grilles de remboursement des prestations médicales, de la détermination des prix des produits médicaux et de la conception des projets de loi de financement de la Sécurité sociale. De plus, elle peut participer aux négociations conventionnelles aux côtés de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et des syndicats de professionnels de la santé.
de parer à ces distortions, la loi du 13 août 2004 a
L’avenir
de l’assurance maladie semble donc se construire autour du développement d’un marché de la couverture complémentaire régulé et coordonné par l’ensemble de ses acteurs. À ce titre la complémentaire santé d’entreprise est promise à un grand avenir. Naturellement, cette combinaison des sphères publiques et privées reste perfectible. Chacun doit trouver sa place dans ce système naissant, comme le rappellent les débats concernant la contribution des organismes complémentaires au fonds CMU pour un montant d’un milliard d’euros. La question est alors de savoir dans quelle mesure ces organismes – et donc leurs assurés – doivent concourir à l’accès universel aux soins, qui est avant tout une prérogative du régime obligatoire.
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nfin, des outils incitatifs visant à contrôler la consommation de biens et soins médicaux par les assurés d’un régime d’entreprise obligatoire doivent être envisagés. La tarification attrayante de ces régimes – dont le maintien par les assureurs participe en partie d’une stratégie concurrentielle – est susceptible de faire émerger un phénomène de déresponsabilisation des assurés. Ce biais appelle donc une certaine vigilance, tant du point de vue des objectifs nationaux de maîtrise des dépenses que des variations tarifaires importantes que peuvent subir les assurés lorsqu’ils quittent le régime d’entreprise. n
La lettre de l’Observatoire - n° 26
III- La complémentaire santé d’entreprise obligatoire dans les TPE L’approche de la couverture santé obligatoire au sein des très petites entreprises (TPE, comprenant de un à dix-neufs salariés) est particulièrement délicate. En effet, les bases de données regroupant les informations concernant les accords conclus au sein des entreprises restent rares et parcellaires. Pourtant, comme le montre un rapport de la DREES*, les TPE deviennent des acteurs majeurs de la négociation collective depuis 1999 et elles concluent maintenant deux fois plus d’accords que les entreprises de deux cent salariés et plus. En outre, la protection sociale complémentaire d’entreprise est le thème de négociation le plus souvent observé. Mais les informations sont trop agrégées pour déterminer la place prise par la couverture maladie dans ces négociations. En revanche, la complémentaire santé d’entreprise obligatoire peut être observée au travers des conventions et accords collectifs nationaux. Plus de 330 textes viennent ainsi compléter le droit du travail dans différentes branches professionnelles. Seuls 46 d’entre-eux instituent un régime de complémentaire santé facultatif ou obligatoire. Dans ce domaine, les TPE sont concernées par 37 conventions dont 25 établissant une couverture maladie complémentaire obligatoire. C’est sur ces dernières que portent nos observations.
1
Les secteurs concernés
La couverture maladie conventionnelle obligatoire – généralement dénommée “régime frais de santé” au sein des conventions collectives – concerne des TPE appartenant à six secteurs d’activité économique principaux. C’est au sein des secteurs du commerce et de l’industrie manufacturière que les accords sont les plus nombreux (Graphe 1). Le commerce de détail est ainsi directement concerné par les conventions collectives des dé-
taillants-fabricants de la confiserie-chocolaterie, des épiceries et des commerces de détail de fruits et légumes et de produits laitiers, des pharmacies d’officines et de la poissonnerie. Dans le secteur de l’industrie manufacturière, les accords concernent essentiellement les branches liées à la production et au conditionnement des produits pharmaceutiques. Mais, ils bénéficient principalement à des entreprises comptant plus de 19 salariés.
- Graphe 1 Répartition sectorielle (%) des conventions collectives Source : Observatoire Alptis
Activités financières Services collectifs et personnels
16,7
6,7 Agriculture
16,7 Services aux entreprises
13,3
26,7 20 Industrie manufacturière
Commerce
* Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques. Cet excellent rapport a été rédigé par Kerleau, Durand, Fretel et Hirtzlin (2008).
9
La complémentaire santé d’entreprise obligatoire
D
’un point de vue global, plus de 160 000 TPE* – soit 12,5 % de l’ensemble des TPE françaises hors entreprises sans salariés – sont dotées d’une complémentaire santé collective rendue obligatoire par l’application d’accords conventionnels nationaux (Graphe 2). Si le commerce regroupe 30 % de l’ensemble des TPE concernées, elles ne sont que 3,3 % à appartenir au secteur agricole. Bien que ce dernier compte cinq conventions collectives, les branches signataires (entreprises d’accouvage et de sélection, entreprises paysagistes et établissements d’entraînement de chevaux de course) ne représentent qu’un nombre réduit d’entreprises. Il est à noter que les garanties du régime frais de santé de la convention collective nationale de la coiffure sont celles qui bénéficient au plus grand nombre de TPE (37 200). Viennent ensuite les branches de la boulangerie-pâtisserie (25 500 TPE) et des pharmacies d’officine (22 300 TPE).
P
lus de 603 500 salariés de TPE – soit 9,4 % de l’ensemble des salariés de TPE – jouissent des accords nationaux inhérents à la complémentaire maladie obligatoire. Le secteur du commerce est, une fois de plus, le plus impacté par ces dispositifs, puisqu’il concentre 35 % des salariés couverts (Graphe 3). Cette part atteint 20 % dans les secteurs de l’industrie manufacturière et des services collectifs et personnels. Cette configuration résulte de la présence de branche dont les conventions collectives couvrent le plus grand nombre de salariés de TPE. Ainsi, 103 100 salariés sont concernés par celle des pharmacies d’officine, les effectifs s’élevant à 92 600 pour la branche de la boulangerie-pâtisserie et 91 200 pour la coiffure.
- Graphe 2 Répartition sectorielle des TPE couvertes Source : Observatoire Alptis
Activités financières Agriculture Commerce Industrie manufacturière Services aux entreprises Services collectifs et personnels 0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
Nombre de TPE
250 000
Effectifs
- Graphe 3 Répartition sectorielle des salariés de TPE couverts Source : Observatoire Alptis
Activités financières Agriculture Commerce Industrie manufacturière Services aux entreprises Services collectifs et personnels 0
50 000
100 000
150 000
200 000
* Par cohérence avec l’étendue des conventions collectives nationales, les salariés chefs d’entreprises sont exclus des effectifs comptabilisés.
10
La lettre de l’Observatoire - n° 26
2
Les offreurs de garanties
La proportion des salariés de TPE couverts par les dispositifs conventionnels nationaux reste relativement modeste. Néanmoins, les accords d’entreprises tendent à s’accroître depuis les cinq dernières années. En outre, le volume des effectifs couverts constitue tout de même un marché conséquent pour les organismes gérant les régimes mis en place.
C
que sur le marché de la prévoyance d’entreprise, l’activité des organismes assureurs est très spécialisée. Cette spécialisation doit beaucoup au cloisonnement légal des activités d’assurance qui a prévalu jusqu’en 2001. C’est à partir de cette date que les mutuelles ont pu élargir leurs activités dans les domaines de la prévoyance collective, de la protection juridique, de l’assistance...
es derniers sont généralement choisis Le volume des effectifs couverts a prévalence des institutions de prévoau cours des négociations de branche. Les par les dispositifs conventionnels mutuelles sont ainsi très présentes dans entreprises couvertes par les conventions nationaux constitue un marché la gestion des frais de santé, alors que les collectives nationales concernées sont léconséquent pour les organismes sociétés d’assurances centrent leur activité galement tenues d’adhérer aux organissur la couverture des risques invalidité, mes désignés. Dans le cas des TPE, seules dédiés à cet effet. incapacité et décès. Pour leur part, les les conventions des entreprises de courinstitutions de prévoyance interviennent tage d’assurances et/ou de réassurances et de la mutualité laissent le libre choix des gestionnaires. Ils de manière homogène sur les différents segments. Or, dans sont alors désignés par le biais de négociations collectives in- les branches étudiées, ces dernières bénéficient d’une rente de ternes aux entreprises, sous réserve que les garanties proposées situation puisqu’elles sont généralement en charge d’un régime soient au minimum équivalentes aux garanties prévues par les de prévoyance conventionnel pré-existant à la couverture maladie complémentaire. conventions nationales.
L
Q
uatorze organismes interviennent dans la gestion des régimes des autres branches. Elle est traditionnellement accordée à un seul organisme, à l’exception des branches de l’architecture, de la coiffure et de la poissonnerie qui ont opté pour une cogestion entre deux organismes. La diversité des offreurs observée a priori reste toutefois limitée. En effet, onze d’entre-eux sont des institutions de prévoyance, les trois restant étant des mutuelles. a prévalence des institutions de prévoyance sur le marché est relativement naturelle. En effet, Kerleau & al. (2008) montrent
L
3
Les
N
éanmoins, la relative jeunesse du marché laisse présager une recomposition de la structure de l’offre de complémentaires au cours des prochaines années. Seuls 14 % de l’ensemble des branches professionnelles disposent d’une couverture maladie conventionnelle. Le marché reste donc largement ouvert. En outre, tous les organismes assureurs s’orientent vers une diversification de leurs produits et de leur portefeuille de clientèle. C’est le signe d’une intensification de la concurrence sur un marché résolument porteur.
Les principales garanties offertes L
garanties prévues par les régimes conventionnels es différences les plus importantes sont relevées dans les obligatoires de complémentaire santé sont marquées par une garanties portant sur les postes de dépenses les moins bien très large diversité. De grandes différences remboursés par l’assurance maladie, peuvent ainsi être relevées tant en ce qui c’est-à-dire les frais d’optiques et les concerne l’intitulé des garanties, que soins dentaires. Les modes de calculs Des différences importantes leur mode de calcul ou l’importance des de ces garanties rendent leur comparaisont relevées dans les garanties remboursements prévus. D’un point de vue son malaisée. En effet, les rembourseportant sur les postes de dépenses général, la couverture complémentaire ne ments peuvent être exprimés en monles moins bien remboursés s’étend pas systématiquement aux ayanttant (forfaitaire, part du ticket modéradroits. Dans un quart des conventions teur plafonné, frais réels), mais aussi par l’assurance maladie, collectives étudiées, cette extension est en pourcentage (de la base de rembourc’est-à-dire les frais d’optiques optionnelle et payante. En outre, les sement de la Sécurité sociale, du plafond et les soins dentaires. garanties bénéficiant au personnel cadre annuel de la Sécurité sociale, du tarif conet non-cadre ne sont généralement ventionnel) ou d’une combinaison de ces pas différenciées, mais le montant des éléments. Les chiffres présentés sont donc cotisations (employeur et employé) est modulé en fonction du le résultat d’estimations réalisées par l’Observatoire Alptis. statut du salarié concerné. Enfin, la plupart des régimes observés prévoient des options facultatives à la charge du salarié venant es remboursements des frais dentaires sont très variables améliorer les garanties conventionnelles. en fonction du secteur d’activité économique et des soins
L
11
La complémentaire santé d’entreprise obligatoire
considérés (Tableau 1). Le secteur des activités financières bénéficie de la couverture la moins généreuse. Mais, tout en laissant le choix de l’organisme gestionnaire aux entreprises, les accords collectifs nationaux de ce secteur ne fixent qu’un niveau de garanties minimal. Il est donc fort probable que les garanties effectives négociées par chacune des entreprises offrent un niveau de remboursement globalement plus élevé.
L’analyse des postes de dépenses montre que celles qui sont refusées par la Sécurité sociale restent assez peu remboursées par les complémentaires conventionnelles. 22 % d’entre elles excluent les lentilles écartées par l’assurance maladie et 44 % offrent un montant forfaitaire identique pour les lentilles acceptées et refusées. En outre, près des trois quarts des accords collectifs ne couvrent pas la kératotomie (traitement chirurgical de la myopie).
- Tableau 1 Estimation du montant moyen remboursé pour les frais dentaires (e) Source : Observatoire Alptis
Activités financières
Agriculture
Commerce
Industrie manufacturière
Services aux entreprises
Services collectifs et personnels
Ensemble
Soins dentaires*
22
12
27
23
12
67
27
Inlays core**
73
260
195
280
228
227
229
Prothèses remboursées par la Sécurité sociale
87
365
254
372
297
269
298
Prothèses remboursées par la Sécurité sociale
87
214
302
372
207
380
272
orthodontie acceptée par la Sécurité sociale
0
185
144
231
103
158
160
orthodontie refusée par la Sécurité sociale
0
298
144
260
59
79
162
Implants
0
0
163
133
333
0
105
* En secteur conventionné, y compris les dépassements.
** En secteur conventionné et non-conventionné (l’inlay core permet de poser une couronne dentaire).
Les salariés du secteur de l’industrie manufacturière jouissent Au quant à eux des remboursements les plus importants. Ils sont en moyenne 3,4 fois plus élevés que ceux observés dans le secteur des activités financières. Toutefois, cette comparaison doit être considérée avec prudence, car la comparaison du coût réel de ces complémentaires reste impossible.
Le détail des postes de dépense montre que deux tiers des régimes conventionnels remboursent uniquement le ticket modérateur des soins dentaires en secteur conventionné hors dépassement. En outre, la couverture des frais d’orthodontie et des implants reste relativement mince. Plus de 60 % des dispositifs ne prévoient pas de remboursements pour ce dernier poste qui, de plus, n’est pas remboursé par la Sécurité sociale.
L’étude des montants des garanties couvrant les frais d’optique (voir Tableau 2 p. 13) montre que les remboursements les moins importants sont observés dans le commerce. C’est au sein du secteur des services aux entreprises que sont accordées les couvertures les plus généreuses. Il faut noter que les montants constatés pour ce secteur sont atténués par la présence de la branche des entreprises artistiques et culturelles dont les accords nationaux ne couvrent pas la prise en charge de ce type de frais.
12
regard des travaux de l’IRDES, les couvertures des frais dentaires et d’optiques étudiées s’avèrent d’un assez bon niveau. De plus, les dispositifs conventionnels tendent à couvrir une large gamme de dépenses. Ainsi, près de 70 % des accords nationaux prévoient un remboursement des frais liés aux cures thermales dont une partie est prise en charge par la Sécurité sociale. Le versement d’une prime venant compléter les frais engagés lors de la maternité ou de l’adoption est prévu par 31 % des accords. Enfin, la prise en charge partielle d’actes horsnomenclature – acupuncture, chiropractie... – est offerte par un quart des conventions.
E
n revanche, il peut être surprenant de constater que plus de sept dispositifs sur dix n’intègrent pas le remboursement de prestations de prévention. En effet, pour prétendre à l’exonération fiscale et sociale des primes versées par les employeurs comme par les salariés, les contrats collectifs obligatoires doivent répondre aux caractéristiques des contrats responsables. Or, pour répondre à cet impératif, au moins deux actes de prévention – détartrage annuel complet, dépistage de l’hépatite B, dépistage des troubles de l’audition, vaccination... – doivent être remboursés.
Néanmoins, cette carence observée doit certainement plus à un
La lettre de l’Observatoire - n° 26
- Tableau 2 Estimation du montant moyen remboursé pour les frais d’optique (e) Source : Observatoire Alptis
Activités financières
Agriculture
Commerce
Industrie manufacturière
Services aux entreprises
Services collectifs et personnels
Ensemble
Montures + verres unifocaux
265
239
129
192
319
200
202
Montures + verres multifocaux ou progressifs
270
287
139
252
430
201
243
Lentilles acceptées par la Sécurité sociale
154
237
119
127
236
217
164
Lentilles refusées par la Sécurité sociale
0
233
141
115
347
74
145
Kératotomie
0
0
25
108
0
55
51
retard dans la mise à jour des conventions collectives nationales qu’à un manque de clairvoyance de la part des représentants des branches professionnelles. Il faut pourtant noter que la
période de transition permettant aux régimes existant de se conformer à la loi Fillon avait été étendue de juin à décembre 2008. n
C o n c l u s i o n F
ace au désengagement patent de l’assurance maladie dans la prise en charge du coût des biens et services médicaux, la couverture maladie complémentaire d’entreprise constitue une alternative pragmatique et nécessaire. Fondée sur le dialogue social, elle préserve un certain niveau de solidarité même si celui-ci est réduit au périmètre de la profession. Certains pourraient d’ailleurs voir dans son développement une revanche de l’histoire dans la mesure où la protection sociale a émergé au XIXe siècle au cœur même de l’entreprise.
T
outefois, pour nécessaire qu’il soit, le report d’une partie de la couverture maladie vers la sphère entrepreneuriale doit être opéré avec précaution. En incitant au déploiement de dispositifs obligatoires – que ce soit au niveau de l’entreprise ou de la branche – les pouvoirs publics doivent prendre garde à la stratégie de chacun des acteurs présents. En particulier, les politiques de régulation des dépenses de l’assurance maladie doivent préserver les marges de manœuvre des organismes assureurs tout comme l’équilibre financier des assurés.
E
n outre, la mise en place des régimes complémentaires à caractère obligatoire dans les TPE ne doit pas effacer l’impératif d’un dialogue social effectif entre les différents partenaires, notamment lorsqu’il s’agit d’accords signés au niveau national. En effet, les chefs de TPE dénoncent fréquemment l’absence de concertation. Ainsi, le dispositif mis en place au sein de la convention collective nationale des entreprises d’architecture en 2008 est largement contesté dans la profession. La situation est similaire dans la branche de la boulangerie-pâtisserie. Des professionnels se sont d’ailleurs désolidarisés de la Confédération de la boulangerie et ont créé une organisation professionnelle autonome : l’Association pain, pâtisserie, avenir et tradition.
F
orce est de constater que les représentants de branche doivent faire preuve de pédagogie pour éclairer les chefs de TPE sur les fondements de la protection sociale d’entreprise mise en place au niveau national. Sans cet effort, les dispositifs risquent de paraître illégitimes, générateurs de coûts d’exploitation supplémentaires et finalement complètement rejetés. Cet effort est d’autant plus nécessaire puisque les négociations collectives internes à l’entreprise portent de plus en plus souvent sur les complémentaires santé. Cette tendance montre bien que les chefs de TPE sont malgré tout conscients des avantages offerts tant pour leur entreprise que pour leurs salariés. n
13
La complémentaire santé d’entreprise obligatoire
B i b l i o g r a p h i e n Barthélémy, J. (2006), “Protection complémentaire : champ de la règle de neutralité fiscale et sociale des contributions”, Droit Social 11, 1026-1031 n Cesaro, J.-F. (2006), “Protection sociale d’entreprise et assurance”, Droit Social 2, 165-178 n Couffinhal, A. et Perronnin, M. (2004), “Accès à la couverture complémentaire maladie en France : une comparaison des niveaux de remboursement”, Questions d’Économie de la Santé 80, 6 p. n Del Sol, M. et Turquet, P. (2005), “Les organismes complémentaires d’assurance maladie et la gestion du risque maladie à l’aune de la réforme du 13 août 2004”, Revue de Droit Sanitaire et Social 2, 308-323 n Fenina, A., Geffroy, Y. et Duee, M. (2008), “Comptes nationaux de la santé 2007”, Document de travail DREES 126, 72 p.
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L’Observatoire Alptis de la Protection Sociale réunit les Associations de Prévoyance du Groupe Alptis, des universitaires, des chercheurs et des personnalités représentant le monde des Travailleurs Indépendants et des petites entreprises qui composent son Conseil d’Administration.
n S on comité scientifique est constitué d’un directeur scientifique, Cyrille Piatecki, et de chercheurs dans des disciplines variées : Jacques Bichot, Gérard Duru, Olivier Ferrier, Nicolas Moizard et Jean Riondet.
n S on premier objectif est d’appréhender le problème de la Protection Sociale des Travailleurs Indépendants, des très petites entreprises et de leurs salariés.
n S on rôle est de recueillir et traiter des informations dans ces domaines, et de les diffuser au moyen d’ouvrages et d’une lettre semestrielle.
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Erratum Une malencontreuse erreur s’est glissée dans la dernière Lettre de l’Observatoire (n° 25). Contrairement à ce qui est indiqué au renvoi 2 de la page 3, Georges Cabanis ne fut pas le médecin de Marat, mais bien celui de Mirabeau. Nous remercions nos lecteurs avisés de nous avoir signalé cette méprise.
La lettre de l’Observatoire - n° 26
L’Observatoire
Alptis
Les Indépendants au cœur des préoccupations d’Alptis…
Créé en 1996, l’Observatoire Alptis de la Protection Sociale fait partie du Groupe associatif Alptis, spécialiste de l’assurance de personnes.
Un centre de recherches spécialisé L’Observatoire Alptis est un centre de recherches qui s’attache à analyser l’actualité économique, sociale et juridique du monde des travailleurs indépendants et des petites entreprises. Par le biais de ses publications, il propose un éclairage approfondi des différents aspects de la vie de ce monde ainsi que des éléments de prospective. Riche de l’apport de son Comité scientifique et de son Conseil d’Administration réunissant universitaires, chercheurs, représentants des professions indépendantes…, l’Observatoire est devenu au fil des ans une référence reconnue et légitimée par les professionnels et les institutionnels de la Protection sociale.
Alptis Seniors
Alptis Entreprises Apsl2
Alptis Frontaliers
Alptis Assurances, filiale des Associations
En effet ce sont des travailleurs non salariés, indépendants et isolés qui ont fondé l’Association Alptis en 1976. Objectif : répondre à leurs besoins en matière d’assurance complémentaire. À l’époque, ils ne bénéficiaient pas du même niveau de protection sociale que les salariés. Aujourd’hui, Alptis construit des solutions d’assurance de personnes adaptées à chacun.
Le Groupe associatif Alptis fédère 6 Associations à but non lucratif qui partagent la même éthique associative tout en développant une spécificité propre aux groupes d’affinités qui les constituent. Alptis1
Les travailleurs non salariés et les salariés des petites entreprises tiennent une place privilégiée chez Alptis.
Les indépendants demeurent toutefois ses premiers partenaires.
Apti3
1. Alptis : association lyonnaise de prévoyance des travailleurs indépendants des isolés et des salariés. 2. Apsl : association de prévoyance des salariés de la région lyonnaise.
Groupe Alptis Assurances
3. Apti : association de prévoyance des travailleurs indépendants.
c-mon-assurance.com
Le Groupe associatif Alptis en bref... Fort de près de 300 000 personnes protégées en Santé et Prévoyance, le Groupe associatif Alptis construit des solutions d’assurance en toute indépendance des sociétés d’assurance. Il investit ses résultats dans la qualité de service et l’élaboration de ses garanties. Ainsi, quels que soient l’état de santé, la situation familiale, le statut..., le Groupe Alptis : • propose des garanties spécifiques négociées au meilleur prix auprès des plus grands organismes d’assurances, Conseil • protège à chaque moment de la vie : emprunt, maladie, arrêt de travail, invalidité, accident, dépendance, décès..., • offre des services utiles et concrets : assistance complète 7j/7 (livraison de médicaments, aide à domicile, garde d’enfant malade…), remboursement rapide (en 48 heures au maximum), tiers payant, prises en charges hospitalières...
Vente
Associations
d’Assurés-Adhérents
Alptis
Contrats de roupe
Gestion
Alptis Distributeurs
Porteurs de Risques
Courtiers Conseil indépendants
Produits/Garanties Alptis
Commercialisation
Conception Né ociation
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L’actualité des Indépendants
L’auto-entrepreneuriat implique-t-il la fin du micro-entrepreneuriat ? Introduit par le rapport Hurel en 2008 (voir la Lettre de l’Observatoire n° 24), institué par la loi de modernisation de l’économie, le statut de l’autoentrepreneur est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Selon le Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi, la création de ce régime compte « parmi les mesures les plus significatives adoptées afin d’encourager les entrepreneurs dans la création d’entreprises ». Mais, plutôt que de remplacer le dispositif de la micro-entreprise qui constitue déjà un mode d’activité indépendante simplifié, l’auto-entrepreneuriat vient le compléter en élargissant encore les facilités de mise à son compte. Ainsi, les deux dispositifs possèdent une base commune, puisque le régime fiscal classique de la micro-entreprise est appliqué de plein droit à l’autoentrepreneur. Il concerne donc les entreprises individuelles (personnes physiques) dont le chiffre d’affaires n’excède pas : • 80 000 e dans le cadre d’activités commerciales ou de prestations d’hébergement ; • 32 000 e pour les prestations de services à caractère commercial ou artisanal et les activités soumises à l’imposition sur les bénéfices noncommerciaux. Sous ces conditions, l’entreprise est dispensée de la déclaration et du paiement de la TVA (franchise en base de TVA).
16
familiales, assurance vieillesse, CSG et CRDS) en fonction des recettes effectivement encaissées. Ce régime constitue un avantage indéniable par rapport au régime de la micro-entreprise classique. En effet, le micro-entrepreneur est soumis à des charges forfaitaires annuelles durant les deux premières années de son activité. L’auto-entrepreneur est donc affranchi d’une avance de trésorerie et peut estimer précisément le montant de ses charges (de 12 % à 21,3 % des encaissements en fonction de la nature de l’activité). En outre, l’absence de recettes se traduit par une absence de cotisations. En d’autres termes, ce régime efface l’effet de seuil de taxation qui met parfois en péril la pérennité des micro-entreprises par manque de trésorerie. De fait, le forfait qui leur est classiquement appliqué fait l’objet d’un montant minimal obligatoirement et de régularisations en fin d’année lorsque les encaissements excèdent la base de calcul forfaitaire.
L’auto-entrepreneur est donc bien un micro-entrepreneur. En revanche, il se distingue fiscalement par le choix d’un régime micro-social simplifié et, accessoirement, d’un versement libératoire de l’impôt sur le revenu. En outre, l’auto-entrepreneur bénéficie de formalités administratives simplifiées lors de la création de son activité.
De plus, l’auto-entrepreneur peut opter pour le versement libératoire de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, l’impôt sur le revenu est lui aussi assis sur les encaissements effectifs (de 1 % à 2,2 % selon la nature de l’activité). Le versement est libératoire puisqu’il est réglé en même temps que les cotisations sociales au cours de l’année. L’auto-entrepreneur, à la différence du micro-entrepreneur classique, ne doit donc pas constituer de réserves financières pour le paiement de ses impôts. Comme pour les cotisations sociales, une absence de recettes se traduit par une absence d’imposition. De plus, cette option est accompagnée d’une exonération totale de taxe professionnelle au cours des trois premières années
Des options fiscales avantageuses
Des obligations administratives encore allégées
Le régime micro-social permet à l’autoentrepreneur de s’acquitter de ses charges sociales (maladie, allocations
À la différence du micro-entrepreneur classique, l’auto-entrepreneur est dispensé d’immatriculation auprès du re-
gistre du commerce et des sociétés et/ ou du répertoire des métiers. Incidemment, les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale sont dispensés de l’obligation de stage à l’installation qui prévaut traditionnellement. Certaines activités restent toutefois soumises à des conditions de qualification comme celles du bâtiment, de l’alimentaire, de la coiffure... L’enregistrement de l’auto-entrepreneur s’effectue par le biais d’un formulaire unique permettant d’obtenir un numéro d’identification SIREN et la déclaration d’activité auprès du RSI et des services fiscaux. En outre, les procédures de sortie du régime sont ellesaussi simplifiées. Parallèlement, la loi a prévu une protection accrue du patrimoine personnel du micro ou de l’auto-entrepreneur. Ainsi, le patrimoine foncier peut être protégé de la saisie par une déclaration notariée soumise à publication. Cette mesure rend donc l’activité de l’entrepreneur individuel moins risquée en cas de défaillance.
Un objectif : accroître le volume d’activité En favorisant le cumul sans restriction d’une activité non-salariée avec une activité salariée ou d’une retraite, les pouvoirs publics affichent clairement leur volonté d’accroitre le volume d’activité et d’emploi au niveau national. En outre, ce régime vise à lutter contre le travail dissimulé. Toutefois, la question de la pérennité des micro-entreprises ainsi créées par une simple déclaration sur le site de l’auto-entrepreneuriat (www.lautoentrepreneur.fr) reste en suspens. De plus, la qualité des biens et services produits au regard des simplifications d’enregistrement est elle aussi sujette à débats. Néanmoins, cette formule semble répondre à un réel besoin : près de 20 000 personnes ont adhéré au régime de l’auto-entrepreneur au cours de la première quinzaine de janvier.