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la lettre de
l’Observatoire E d i t o
n°23 - 1er semestre 2007
A l’heure de l’augmentation des pathologies chroniques – cancer, diabète, asthme… - et du vieillissement de la population, de réels besoins sanitaires et sociaux émergent, accompagnés de nouvelles contraintes financières. Destinés à décloisonner le système de santé, les réseaux de santé - dispositifs plus ou moins formels issus d’initiatives privées fortement hétérogènes - tentent d’y répondre. Ils visent, en effet, à rationaliser les coûts et à améliorer la qualité des soins et des prestations. Les conditions sont-elles réunies aujourd’hui pour promouvoir de telles structures propres à développer une organisation alternative de l’offre de soins ? Dans le cadre de la Réforme de la santé, jusqu’à quel point institutionnaliser cet outil à vocation pragmatique et facultative ? Quel avenir pour ces réseaux porteurs d’attentes fortes mais confrontés à la question de leur évaluation et de leur gestion ? L’analyse proposée dans cette Lettre apporte un regard éclairé et documenté sur les potentialités de tels réseaux. Chantal Benoist Directeur de la rédaction
“
L’actualité juridique, économique et sociale des Travailleurs Indépendants et des petites entreprises leur ressemble : elle bouge tout le temps. Cette lettre s’en fait l’écho
”
LES RÉSEAUX DE SANTÉ Stéphane Rapelli, Chargé d’études
Sommaire Introduction générale
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Un portrait des réseaux de santé • Les contours des réseaux de santé • L'information comme élément structurant • Les réseaux en pratique • Des sources de financement multiples
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Les réseaux de santé : de l'expérimentation à l'institutionnalisation • Des liens de filiation variés • Un besoin patent d'adaptation du système de santé • L'émergence de dispositifs disparates • Une institutionnalisation tardive et stratégique
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Les réseaux de santé en question • Quelle place pour les réseaux de santé au sein du système de santé • Logique d'action ou logique de gestion
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Glossaire
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Introduction générale Depuis une vingtaine d'années, les potentialités des organisations réticulaires
font l'objet d'une attention croissante dans de nombreux domaines. Le réaménagement du tissu productif, les modes de diffusion de l'information ou même les loisirs sont, notamment, des champs propices à l'émergence de réseaux. Dans les domaines de la santé et du médico-social, cette tendance s'est traduite par la création des réseaux de santé. Transversaux aux institutions et aux dispositifs existants, ils sont présentés par leurs promoteurs comme des structures novatrices et efficaces pouvant pallier certaines défaillances du système de santé. Néanmoins, du fait de leur évolution historique, les rôles et les finalités de ces réseaux sont aujourd'hui âprement débattus. Ces discussions ont une répercussion immédiate sur la structuration de notre système de santé. En adoptant différents points de vue, cette étude tente d'apporter quelques éléments de réflexion propres à amorcer un débat sur la place et l'avenir des réseaux au sein du système de santé. (1)
Un portrait des réseaux de santé
I• UN PORTRAIT DES RÉSEAUX DE SANTÉ Depuis la loi du 4 mars 2002, les réseaux de santé bénéficient d'une reconnaissance institutionnelle qui leur offre un cadre juridique fondé sur la définition de leurs rôles et missions. Bien qu'une définition normative soit énoncée dans les textes de loi, la pratique des réseaux sur le terrain laisse entrevoir un nombre important de dispositifs aux finalités, formes et outils variés. La multiplicité des champs d'action couverts par les réseaux peut expliquer cette diversité. L'hétérogénéité s'exprime aussi au sein des financements dont bénéficient les réseaux. Au premier abord, cette diversité est à l'origine d'un manque patent de lisibilité. Néanmoins, la mise en exergue de quelques éléments saillants permet de brosser un portrait synthétique de ces réseaux. 1.1 Les contours des réseaux de santé
Le législateur, par le biais de l'article L. 6321-1 du code de la santé publique, s'est attaché à définir les réseaux de santé au regard de leurs finalités. De manière très pragmatique, il précise que ces dispositifs “ont pour objet de favoriser l'accès aux soins, la coordination, la continuité ou l'interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l'éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins”. Les dimensions temporelles et géographiques sont deux autres caractéristiques systématiquement retenues par les acteurs de terrain. Ainsi, pour la Coordination Nationale des Réseaux (CNR)(2), ils constituent « à un moment donné, sur un territoire donné, la réponse organisée d'un ensemble de professionnels et/ou de structures » à des problèmes de santé donnés. Cette caractérisation met en lumière la nature novatrice et adaptative des réseaux. La flexibilité des dispositifs est d'ailleurs une qualité ardemment défendue par leurs promoteurs.
Toute la spécificité des réseaux repose principalement sur les concepts de coordination et d'interdisciplinarité. L'offre de soins et de services sociaux traditionnelle est construite sur une logique de spécialisation qui se traduit directement par un morcellement des disciplines et des secteurs. Dans une telle configuration, si la coopération
existe, elle est de nature informelle. Elle se développe alors sous la forme de réseaux de relations et elle ne vise qu'une amélioration individuelle de la pratique médicale. La structuration des réseaux de santé place les professionnels dans une logique diamétralement opposée. En effet, ces réseaux sont destinés à proposer au patient(3) une prise en charge globale couvrant tous les aspects de son affection.
Cette approche holiste conduit à rassembler, sur la base du volontariat et au sein d'un même dispositif, les compétences de professionnels d'horizons très variés qui avaient peu d'incitations à se rencontrer dans le système classique. De fait, la loi prévoit que les réseaux puissent être constitués entre des professionnels de santé libéraux, des médecins du travail, des établissements de santé, des groupements de coopération sanitaire, des centres de santé, des institutions sociales ou médico-sociales, des organisations à vocation sanitaire ou sociale et puissent intégrer des représentants des usagers. Il s'agit donc d'une coordination formelle qui, à ce titre, repose sur une structure juridique définie. ➜ Personnalité morale
D’un point de vue technique, l'article L. 6321-2 stipule que les réseaux peuvent être constitués sous la forme de Groupements de Coopération Sanitaire (GCS), de Groupements d'Intérêt Économique (GIE), de Groupements
(1) Par cette dénomination, il faut entendre toutes les organisations se structurant sur un modèle de réseau. (2) Association qui vise à fédérer et représenter l'ensemble des réseaux et qui reste le principal interlocuteur des pouvoir publics. (3) Les promoteurs des réseaux de santé préfèrent employer le terme « d'usager » plutôt que de « patient. »
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Naturellement, la constitution d'une personnalité morale d'Intérêt Public (GIP) ou d'associations. En outre, le reste pour l'Assurance maladie, comme pour le ministère législateur a créé en avril 2006(4) le Groupement de de la Santé, une garantie juridique minimale. Mais Coopérations Sociales ou Médico-Sociales (GCSMS) avec la Bonafini (2006) souligne que cette démarche n'est pas volonté affichée de proposer aux réseaux de santé une neutre. En effet, dès lors qu'une personne morale assure structure juridique idéale. Malgré une absence patente de des soins - tels que définis par les articles statistiques à ce sujet, il est unanimement La majorité des dispositifs L. 6111-1 et 2 du code de la santé reconnu que la majorité des dispositifs réticulaires s'appuie sur publique -, elle est apparentée à un réticulaires s'appuie sur des statuts des statuts associatifs. établissement de santé. De ce fait, le associatifs. Cette conformation s'explique fonctionnement du réseau doit répondre à des contraintes essentiellement par la simplicité du déploiement et de la légales en matière d'autorisation, de planification et de gestion des structures de type Loi 1901. De plus, le contractualisation. Cet aspect est d'ailleurs à l'origine fonctionnement sous forme associative semble plus en d'une partie des débats ayant trait à la définition du rôle adéquation avec l'esprit militant et désintéressé qui des réseaux dans le système de santé. Néanmoins, leur caractérise les porteurs des projets de réseaux. Les autres originalité découle moins de leur architecture statutaire instruments juridiques présentent des inconvénients que de la diversité des flux d'information qu'implique la notables comme le principe de la solidarité des membres nécessaire articulation des complémentarités comme des (GIE), l'exclusion des personnes physiques (GIP) ou la particularités. lourdeur des procédures d'agrément (GCS). 1.2 L'information comme élément structurant
La réussite d'une prise en charge globale ne peut se faire l'enrichissement et l'actualisation des connaissances et du sans un certain niveau d'interdisciplinarité, une réelle savoir-faire. La mixité des spécialisations produit des effets continuité et une rationalisation effective des soins. d'apprentissage non négligeables qui se révèlent particuLa bonne articulation de ces éléments nécessite lièrement attractifs pour les professionnels. De plus, ces une circulation intensive de l'information entre tous effets participent d'un accroissement qualitatif continu les protagonistes engagés dans le dispositif. Cette des soins et des services proposés. particularité se trouve directement énoncée dans les L’approche qualitative permet d'introduire une autre objectifs des réseaux puisqu'une partie de leurs efforts est source d'information par le biais de l'évaluation de destinée à l'éducation à la santé et à la prévention. l'activité réticulaire. Cet exercice, Les échanges entre les professionnels et initialement intégré par les promoteurs Le formatage de l'information les usagers ont donc vocation à être des réseaux afin d'en améliorer les renforcés dans ce type de dispositifs, par la mise au point de référentiels pratiques, a valeur d'objectif et d'autant plus que l'usager est lui-même reste une préoccupation prégnante d'obligation légale. Le code de la santé au sein des réseaux. un émetteur potentiel d'information. publique stipule ainsi que des D'ailleurs, nombre de réseaux se veulent démarches d'évaluation doivent être entreprises afin de un espace de discussion, de partage d'expériences et garantir la qualité des services et des prestations. À cette d'initiatives pour les patients. Mais, c'est dans le cadre de fin, l’Agence Nationale d’Évaluation et d’Accréditation en la coordination interprofessionnelle que les flux Santé (ANAES) préconise de retenir quatre dimensions d'informations prennent toute leur importance. essentielles lors de l'auto-évaluation : En premier lieu, la coopération nécessite la création de • l'intégration et la satisfaction des usagers et des référentiels communs. Les études de terrain, dans la veine professionnels ; de celle réalisée par Grenier & Pauget (2006)(5), montrent • le fonctionnement du réseau (pilotage, formalisation des que le volontariat qui prévaut à la formation des réseaux décisions ...) ; ne suffit pas à garantir la pérennité de la coordination, • la qualité de prise en charge des patients relativement notamment entre les spécialistes, les généralistes et les aux modalités existantes en dehors du réseau ; acteurs médico-sociaux. L'absence de repères collectifs • le rapport coûts/objectifs. ainsi que les différentiels de langages, de compétences ou D'autre part, l'ANAES a élaboré des procédures tout simplement d'interprétation peuvent rapidement d'évaluation externe dans le cadre de processus conduire à un échec relationnel. Le formatage de d'accréditation en vue de l'octroi de financements publics. l'information par la mise au point de référentiels reste une Les critères retenus visent à s'assurer de la réalité du préoccupation prégnante au sein des réseaux. réseau, de la qualité de la prise en charge des patients, de leur sécurité, de l'optimisation des ressources et de Corrélativement, cette activité met en lumière une l'adaptabilité du dispositif. conséquence positive de l'approche pluridisciplinaire : (4) Décret 2006-403 du 6 avril 2006. Esper (2006) analyse précisément l'articulation des dispositions de ce décret. (5) Les auteurs ont étudié pendant quatre ans un réseau dédié à la maladie d'Alzheimer.
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Un portrait des réseaux de santé
La circulation de l'information est donc un rouage essentiel de la dynamique des réseaux de santé. Même si elle s'avère parfois délicate, sa bonne articulation autorise la poursuite d'objectifs qualitatifs élevés. Elle permet aussi de multiplier les combinaisons d'acteurs et de spécialités, ce qui conduit les réseaux à s'adapter à de nombreux champs sanitaires et sociaux. Cette capacité évolutive est indéniablement un avantage mais elle rend la perception globale des dispositifs réticulaires complexe. 1.3 Les réseaux en pratique • techniques : variantes des réseaux de moyens, ils sont supportés par des outils spécifiques à l'image de la télémédecine ; • réglementés : ce sont les réseaux directement intégrés dans les outils de la politique de santé (réseaux régionaux) ; • expérimentaux visés par le code de la Sécurité sociale : ils sont liés à un dispositif de financement dérogatoire soumis à un agrément ministériel(8).
En raison de la très grande variété des champs d'application dans lesquels se sont développés les réseaux, il n'existe pas de typologie exhaustive et unanime. Il n'est donc pas étonnant de constater que l'Observatoire National des Réseaux de Santé(6) (ONRS) en distingue quatre types très différents de ceux qui sont retenus par le CNR. Bonafini (2006) propose une catégorisation séduisante et plus détaillée, articulée autour de sept classes de réseaux : • thématiques : ils concentrent leurs activités sur la prise en charge d'une pathologie souvent chronique (cancer, diabète, asthme), d'une population donnée (personnes âgées dépendantes, jeunes défavorisés) ou s'orientent vers une spécialité d'organe (appareil respiratoire, système cardio-vasculaire) ; • de territoire : ils s'impliquent directement dans la prise en charge physique et assurent des soins sur un territoire défini (réseaux d'hospitalisation à domicile(7)) ; • de proximité : ils correspondent à des problématiques localisées et associent les approches sanitaires et sociales ; • de moyens : ils organisent le partage de ressources ou de compétences dans des domaines spécifiques (hygiène hospitalière, plateaux techniques...) ;
L’hétérogénéité des typologies n'est pas la seule difficulté à l'approche pragmatique des réseaux. Leur dénombrement reste un exercice ardu puisque seuls les réseaux subventionnés sont recensés avec une certaine fiabilité. À titre d'exemple, la CNR répertorie 79 réseaux en Île-de-France contre 73 pour l'ONRS. Au plan national, les écarts sont encore plus importants : les estimations les plus optimistes font état de 2 000 réseaux, alors que l'ONRS en comptabilise 709. Néanmoins, en s'appuyant sur cette dernière base, il est possible d'apprécier la répartition des réseaux en fonction de leur domaine d'action et de leur implantation régionale.
Figure 1 Répartition des réseaux selon leur champ d’application Source : d'après l'ONS (2007) Soins palliatifs / Douleur
L a figure 1 montre ainsi que les quatre champs d'intervention principaux rassemblent près de 51 % de l'ensemble des réseaux. D’ailleurs, la cardiologie et la diabétologie sont deux des domaines qui ont vu l'émergence des réseaux pionniers dans les années 1980. En outre, le nombre important de dispositifs orientés vers les soins palliatifs et le traitement de la douleur (101 réseaux recensés par l'ONRS) s'explique par une demande croissante de la part des médecins et des soignants. En effet, ils se trouvent souvent très démunis face à la détresse physique, morale et parfois matérielle des patients et de leur famille. La mutualisation des actions sanitaires et sociales constitue, sans conteste, la réponse la plus adaptée à ce type de situation.
Cancérologie Gérontologie Diabètologie Périnatalité Addictologie Soins de proximité / Urgences Médico-social Cardio-vasculaire Neurologie Maladies infectieuses Pathologies respiratoires Nutrition Santé mentale Handicap Néphrologie Ophtalmologie / ORL %
Maladies rares Information Autres 0
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% (6) Organisme créé en 2005 par le Ministère de la santé. Il a pour sujet d'étude les réseaux bénéficiaires d'un financement public. (7) Ce type de prestations doit être distingué des dispositifs hospitaliers d'hospitalisation à domicile (HAD). Ces derniers, qui constituent une structure de soins alternative à l'hospitalisation, font partie intégrante des protocoles de soins déployés au sein des établissements hospitaliers. (8) Seuls 19 réseaux ont pu bénéficier de cet agrément depuis 1999.
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1.4 Des sources de financement multiples
Figure 2 Répartition régionale des réseaux de santé Source : d'après l'ONS (2007)
L es
modalités de financement des réseaux de santé se révèlent très peu lisibles. Pourtant, la question de la soutenabilité financière est particulièrement sensible, que ce soit sur le plan du fonctionnement quotidien de ces structures ou de la prise en compte des prestations et des actes délivrés. En effet, les dérogations tarifaires inhérentes aux prestations sont soumises à évaluation pendant trois années avant de pouvoir être pérennisées. De plus, elles ne sont accordées qu'avec parcimonie aux réseaux expérimentaux agréés. Cette configuration conduit les promoteurs de réseaux à rechercher des sources de financement composites leur permettant d'assurer le versement d'une rémunération ou, tout au moins, d'indemnités aux équipes de professionnels. En outre, ils doivent entreprendre des actions d'évaluation et mettre en place des systèmes de formation et d'informations partagées coûteux.
Nombre de réseaux 1à9 10 à 19 20 à 39 40 à 59 60 et plus
L a figure 2 fait état d'une répartition régionale des réseaux marquée par une forte hétérogénéité. Il faut souligner que celle-ci semble faiblement corrélée à la répartition de la population ou des médecins. Une adaptation pragmatique à la demande locale pourrait expliquer cette configuration. En effet, les réseaux subventionnés ne sont développés qu'au regard de leur utilité réelle. Néanmoins, des tests statistiques mettant en relation ces répartitions avec des indicateurs pertinents (structure par âge, taux de fréquentation des dispositifs hors réseaux...) seraient nécessaires pour évaluer la robustesse des liens de causalité.
Trois types de financeurs sont repérables. Les pouvoirs publics accordent des subventions par le biais du Ministère de la Santé, des Agences Régionales de l'Hospitalisation (ARH), des DRASS, des DDASS et des collectivités territoriales. L'Assurance Maladie est le second financeur. Son rôle est important puisqu'elle gère l'accès à des fonds dédiés pour certaines actions spécifiques dans le domaine de la politique de santé (voir le tableau 1). Enfin, des financements et des apports en nature émanant des secteurs privés sont envisageables (particuliers, laboratoires pharmaceutiques, mutuelles, assurances...). Des expériences récentes montrent que ce type de soutien tend fortement à se développer. Dans
les faits, les réseaux de santé sont très dépendants du Fonds d'Aide à la Qualité des Soins de Ville (FAQSV) et de
Tableau 1 Les principales sources de subvention des réseaux de santé Objectifs
Bénéficiaires
Gestion
Budget 2006
FAQSV Fonds d'aide à la qualité des soins de ville
Financer toute action participant à l'amélioration de la qualité de la prise en charge globale de la santé du patient
Professionnels et regroupements de professionnels de santé libéraux, centres de santé
Représentant des professions libérales de santé, des établissements de soins, CNAMTS, URCAM
115,5 M€
DNDR Dotation nationale de développement des réseaux
Prise en charge des frais de fonctionnement des réseaux, des actions de prévention et de formation, rémunération des prestations (hors champ conventionnel)
Professionnels et regroupements de professionnels de santé libéraux, établissements de santé
ARH et URCAM
157,5 M€
FNPEIS Promouvoir des actions Fonds national de propres à améliorer l'état prévention, d'éducation de santé de la population et d'information en santé
Associations et établissements de santé dont l'action se situe dans le champ des Programmes CNAMTS, CRAM, CPAM régionaux de santé et du Schéma régional d'éducation pour la Santé.
647 M€*
FORMMEL Fonds d'organisation et de modernisation de la médecine libérale
Professionnels libéraux
317 M€*
Promouvoir la modernisation et le développement technique de la médecine libérale
CNAMTS
* Chiffres de 2005
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Un portrait des réseaux de santé
la Dotation Nationale de Développement des Réseaux de candidats aux financements continue de croître. (DNDR). Ces financements sont actuellement remis en En outre, des circulaires font état d'un relèvement des question. Le premier créé en 1999 par l'article 25 de la loi critères d'attribution des financements, notamment quant de financement de la Sécurité sociale, était financé par les aux “garanties apportées par les promoteurs sur la régimes obligatoires de l'Assurance Maladie. Son action a capacité [des] réseaux à disposer des données nécessaires pris fin le 31 décembre 2006. La DNDR, prévue en 2001 par au suivi de [leurs] activités et des résultats obtenus”(9). Comme il est rappelé dans la troisième partie de notre l'article L 162-43 du code de la Sécurité sociale et déployée étude, la collecte et la constitution de bases de données en 2002, prend place au sein de l'Objectif National des cohérentes ne sont pas sans difficultés et nécessitent la Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM) : elle constitue mise en place de procédures relativement lourdes au sein sa cinquième enveloppe. des réseaux. Aussi nécessaires qu'elles Depuis le premier juillet 2007, elle a Aussi nécessaires qu'elles soient, soient, les procédures d'attribution fusionné avec l'ancien FAQSV en un les procédures d'attribution pourraient bien constituer une épreuve Fonds d'Intervention pour la Qualité et la pourraient bien constituer fastidieuse concourant à limiter Coordination des Soins (FIQCS), une épreuve fastidieuse l'émergence de nouveaux dispositifs. conformément à la loi de financement de concourant à limiter l'émergence la Sécurité sociale. Dans l'ensemble, s’il reste difficile de de nouveaux dispositifs. Face à ces évolutions, les promoteurs de parler d'un réel désengagement réseaux craignent que les budgets débloqués soient économique des pouvoirs publics, il faut noter une fortement réduits. En particulier, la CNR dénonce une situation riche d'ambivalences. La frilosité financière diminution de 20 % des fonds destinés aux réseaux. dénoncée par les promoteurs de réseaux fait face à une Toutefois, dans le contexte actuel de transition, il reste instrumentation croissante de ces dispositifs au sein des difficile de cerner les stratégies de financement à long politiques de santé. En effet, l'évolution historique des terme. On note quand même une certaine stagnation des réseaux met en relief cette tendance de fond et conduit à montants limitatifs de la DNDR ces deux dernières années s'interroger sur les perspectives d'avenir des dispositifs (environ 150 millions d'euros) alors même que le nombre réticulaires.
De l’expérimentation à l’institutionnalisation
2• LES RÉSEAUX DE SANTÉ : DE L'EXPÉRIMENTATION À L'INSTITUTIONNALISATION La récente reconnaissance institutionnelle des réseaux de santé est venue ponctuer la maturation relativement lente d'une organisation alternative de l'offre de soins. Leur histoire est riche d'enseignements et montre que les débats actuels plongent leurs racines dans les mutations conceptuelles du périmètre et de la fonction réticulaire au sein du système de santé. Plus encore, son analyse permet de cerner les enjeux socio-économiques, juridiques, politiques et stratégiques qui ont conduit le législateur à expérimenter puis institutionnaliser des dispositifs issus d'initiatives privées militantes. Enfin, l'évolution historique rappelle que l'orientation du rôle alloué aux réseaux par les politiques hospitalières et de santé risque de mettre en opposition des logiques d'acteurs inconciliables. 2.1 Des liens de filiation variés une organisation coopérative permettant de coordonner manière assez étonnante, un éclairage rétrospectif des actions de prophylaxie et d'éducation à domicile, indique que la France a connu des structures réticulaires de traitements en établissement de soins d'offre de soins au cours du siècle dernier. Pour de nombreux auteurs, et de surveillance épidémiologique. Ainsi, pour de nombreux auteurs, les réseaux de santé actuels sont les héritiers les réseaux de santé actuels sont Sans en posséder l'appellation, le terme directs des dispositifs antituberculeux les héritiers directs des dispositifs n'étant pas consacré à l'époque, ce type antituberculeux institués d'organisation possédait tous les atouts institués par la loi en 1914. des réseaux de santé. La mise au point d'un par la loi en 1914. Afin de lutter contre cette maladie qui antibiotique performant (la streptomycine) emportait 150 000 personnes par an, le en 1943 va rapidement conduire au démantèlement de ces législateur avait imposé aux préfets des grandes villes structures de soins. l'ouverture de dispensaires autour desquels était développée
De
(9) Circulaire n° DHOS/02/03/UNCAM/2007/197 du 15 mai 2007 relative au référentiel d'organisation national des réseaux de santé “personnes âgées”.
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➜ Délimitation marquée entre curatif et préventif
➜ Réseaux institutionnels
L es modèles de coopération intersectorielle sont alors abandonnés. En effet, la promulgation de l'ordonnance du 4 octobre 1945 est à l'origine d'une dichotomie marquée entre les actions de prévention et les actes médicaux. De solides cloisonnements émergent, isolant les secteurs hospitaliers, ambulatoires et sociaux. La médecine libérale voit son champ d'action réduit aux soins, c'est-àdire aux actes techniques remboursables par la toute nouvelle Assurance Maladie. Comme le précise Viñas (1998), cette délimitation découle d'une logique de quantification objective des actes médicaux. La dimension sociale de la santé, qui couvre les champs de la prévention et de la lutte contre les fléaux sociaux (alcoolisme, toxicomanie, troubles psychiatriques…), est remise à la charge de l'État et de l'hôpital public.
Des dispositifs institutionnels coopératifs intrasectoriels sont alors élaborés. Il s'agit des réseaux sanitaires spécialisés gérés par la DDASS. Néanmoins, ces réseaux s'apparentent plus à des filières(10) et souffrent d'un manque d'implication patent de la part de l'autorité publique. Le financement, qui ne relève pas de l'Assurance Maladie mais de la loi de financement de la Sécurité sociale, s'avère très réduit au regard des objectifs visés (dépistage des cancers, prévention des maladies vénériennes…). En outre, leur articulation réglementaire est peu robuste puisqu'elle repose principalement sur un ensemble de circulaires. Finalement, ces réseaux institutionnels auront une portée opérationnelle très restreinte.
2.2 Un besoin patent d'adaptation du système de santé
Il faut attendre les années 1980 pour que les potentialités des modèles d'offre de soins en réseau prennent une réelle importance. Le contexte économique marqué par la crise, l'émergence de groupes sociaux se distinguant par une précarité sociale croissante, la prise en compte du vieillissement de la population et les prémices des politiques de régionalisation hospitalière appellent à une redéfinition des rôles et des rouages du système de santé. Si l'heure n'est pas encore au décloisonnement total des secteurs sanitaires et sociaux, c'est la recherche d'une plus grande maîtrise du budget de la santé qui va conduire le législateur à encourager la création des Réseaux de Soins Coordonnés (RSC) par la loi du 19 janvier 1983.
Au
début des années 1990 la pandémie de Sida, l'accroissement du nombre de personnes dépendantes et la propagation de l'hépatite C vont montrer la faible adaptabilité du système santé issu de l'ordonnance de 1945. Ces nouvelles contraintes ne peuvent trouver de réponses purement financières et rappellent cruellement la nécessaire articulation des dimensions sanitaires et sociales. En effet, face à des pathologies lourdes et durables, la prévention comme l'accompagnement du patient doivent être envisagés conjointement aux actes curatifs. Deux types d'initiatives sont alors observables. Le déploiement de réseaux institutionnels est, une nouvelle fois, encouragé. Dans cette optique, la direction générale de la Santé émet en 1991 une circulaire institutionnalisant Ces dispositifs s'inspirent largement des principes de les réseaux ville/hôpital visant à lutter contre le Sida. gestion de soins américains (managed care) et des Health Jusqu'en 1999, une vingtaine de circulaires sont ainsi Maintenance Organizations (HMO). Ils conservent les produites afin de formaliser les coopérations dans les fondements concurrentiels du modèle américain. Ainsi, domaines des soins de proximité, de la chaque réseau propose librement un prix toxicomanie, de la santé des jeunes, de annuel pour la prise en charge d'un Le contexte économique marqué l'hépatite C, des soins palliatifs, du par la crise, l'émergence de panier de soins à ses adhérents. diabète, de la périnatalité, de l'alcoolisme groupes sociaux se distinguant En contrepartie, l'Assurance Maladie leur et de la cancérologie. Bien que le par une précarité sociale attribue une dotation annuelle financement soit réparti entre l'État et croissante, la prise en compte forfaitaire fixe en laissant à leur charge la différence entre le prix proposé et la du vieillissement de la population l'Assurance maladie, le développement de ces réseaux institutionnalisés reste et les prémices des politiques dotation. modeste. de régionalisation hospitalière Ce mode de gestion par l'offre hospitalière
appellent à une redéfinition va rapidement montrer ses limites. ➜ Des initiatives militantes en des rôles et des rouages En particulier, l'accent est mis sur la du système de santé. réponse aux défaillances du maîtrise des coûts sans réelle intégration système de soins des dimensions quantitatives et qualitatives des soins. Par ailleurs, les outils de gestion verticale Parallèlement, des dispositifs coopératifs se créent en utilisés s'avèrent inadaptés au fonctionnement réticulaire. marge des encadrements tutélaires. Ces structures, plus ou La circulation de l'information est chaotique et les outils moins formelles, se développent essentiellement sur un d'évaluation sont inexistants. Bonafini (2006) note schéma associatif(11) depuis les années 1980 à l'initiative de professionnels libéraux et hospitaliers. Elles sont perçues qu'une dizaine d'expérimentations de RSC ont été comme une réponse militante des professionnels aux réalisées sans suite. (10) Fondée sur une organisation verticale très hiérarchisée plutôt que transversale. (11) Elles ne prennent que très rarement la forme d'un groupement d'intérêt économique.
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De l’expérimentation à l’institutionnalisation
défaillances du système de soins issues du cloisonnement prévalant dans les dispositifs conventionnels. Les barrières isolant les domaines du sanitaire et du social ainsi que les modes de prise en charge entre l'hôpital et la médecine de ville sont ainsi franchies, au moins en partie. Les modes de financement de ces réseaux se révèlent disparates et doivent être négociés avec les autorités de tutelles (DRASS, ARH) et des financeurs privés. Le développement croissant de ce type d'initiatives dans la première moitié des années 1990 et l'absence d'un cadre réglementaire adéquat conduisent aux ordonnances du 24 avril 1996 – ordonnances Juppé relatives à la maîtrise des dépenses de santé et portant réforme de l'hospitalisation(12) – qui composent les premières bases statutaires des réseaux.
2.3 L'émergence de dispositifs disparates
Pour autant, comme le soulignent Barre & Houdart (1998), les dispositifs envisagés ne bénéficient pas encore de définition monolithique et exhaustive. En effet, le code de la santé publique(13) retient les réseaux de soins mais ne les perçoit qu'au travers de leur objet (améliorer l'orientation du patient, favoriser la coordination et la continuité des soins, promouvoir des soins de proximité de qualité). Le code de la Sécurité sociale(14) ne propose pas de définition plus stricte. En revanche, il intègre la notion de filières et réseaux de soins en lui donnant une portée expérimentale (sur une durée de 5 ans) tout en précisant un mécanisme de financement global, avec l'objectif affirmé de favoriser une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Ces fondements juridiques sont renforcés en 1999 par la création du FAQSV et par une circulaire(15) visant à mettre fin à la prolifération des textes tout en définissant les règles et les outils nécessaires à leur développement.
➜ Des réflexions diverses sur la trajectoire de soins
direction générale de la Santé et de la direction des Hôpitaux. • les réseaux de soins coordonnés expérimentaux(16). Ils ont pour vocation de développer des innovations organisationnelles et tarifaires dans les domaines caractérisés par une inadaptation du paiement à l'acte. Ils bénéficient donc de dérogations aux mécanismes de financement de la Sécurité sociale (paiement direct, frais couverts par l'Assurance Maladie…). Leur fonctionnement est réglementé par l'article L 162-31-1 du code de la Sécurité sociale et leur financement résulte de diverses participations (caisses d'Assurance Maladie, hôpitaux, assureurs privés…) ; • les réseaux conventionnels. Ils associent des professionnels de la santé et du secteur social sous l'égide d'une convention agréée par une ARH. Ces dispositifs associatifs, dont le fonctionnement est juridiquement encadré par la circulaire 99-648 de novembre 1999, doivent négocier annuellement leurs financements auprès de tutelles (DRASS, URCAM, ARH). Toutefois, ils peuvent bénéficier d'apports privés.
Robelet, Serré & Bourgueil (2005) soulignent que cette volonté d'homogénéisation réglementaire confère aux réseaux de soins une place à part entière dans les outils de Cette typologie met en valeur un certain nombre de réforme du système de santé. Néanmoins, le polymordichotomies caractéristiques qui sont, sans conteste, à phisme des dispositifs subsiste en raison de la difficile mise l'origine des débats actuels concernant les réseaux de en adéquation du statut juridique des différents acteurs. santé. Si les motifs de coordination et de rationalisation Au crépuscule des années 1990, quatre principaux types de la prise en charge sont transversaux à tous les types de de réseaux sont repérables : dispositifs, les deux premiers se placent directement dans la • les réseaux inter-établissements. Leur continuité des expériences de réseaux objectif, défini par le législateur, est La multiplicité des dispositifs formels antérieures. Leur articulation reste d'assurer une coopération hospitalière réticulaires découle de animée par une logique d'adaptation de accrue par une meilleure orientation la cohabitation de logiques et l'offre hospitalière aux modifications de la du patient, la coordination et la de stratégies d'acteurs différentes, demande et aux nouvelles contraintes continuité des soins et la promotion de celles des collectivités territoriales, financières. À ce titre, ils s'apparentent à soins de proximité de qualité. Leur des professionnels libéraux des outils de régulation dans le cadre de la fonctionnement repose sur des et des particuliers. politique hospitalière. En revanche, les conventions signées entre les deux autres types correspondent, de établissements sanitaires et sociaux dans le cadre de manière plus évidente, à la recherche d'une amélioration l'article L 712-3-2 de la santé publique. Ils sont financés qualitative de l'offre de soins concertée entre les différents par les ARH ; partenaires (professionnels, tutelles et usagers). Ces réseaux • les réseaux ville/hôpital. Ils sont souvent qualifiés de représentent des innovations de terrain fondées sur une monothématiques car ils se destinent à la prise en réflexion en termes de trajectoire de soins. charge sanitaire et sociale de patients atteints d'une La multiplicité des dispositifs réticulaires découle de la pathologie particulière ou d'un type de population cohabitation de logiques et de stratégies d'acteurs donné. Ces réseaux, principalement financés par les ARH différentes, dont Patte (1998) propose une synthèse séduiet l'URCAM, associent des professionnels de la ville et de sante. Ce dernier repère trois inspirations fondamentales l'hôpital sur le fondement de directives issues de la (12) (13) (14) (15) (16)
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Ordonnances 96-345 et 96-356. Article L 712-3-2. Article L 162-31-1. Circulaire 99-648 du 25 novembre 1999 relative aux “réseaux de soins préventifs, curatifs, palliatifs ou sociaux”. Réseaux dits de type Soubie en référence au président du Conseil d'Orientation des Filières et Réseaux de Soins institué par les ordonnances Juppé.
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à la constitution des réseaux venant s'additionner à la recherche de réseaux d'efficience par les financeurs institutionnels. Ainsi, les collectivités territoriales s'engagent dans des réseaux de services animés par des préoccupations médico-sociales (maintien à domicile des personnes dépendantes, aide ménagère, téléalarme…). Les professionnels s'organisent en groupes de libéraux afin de proposer un service de soins complet au sein de réseaux de complémentarité et de communication. Enfin, le rôle d'orientation des réseaux par les usagers est retenu en raison de leur capacité de mobilisation en faveur de préoccupations communes comme le Sida ou les maladies rares.
2.4 Une institutionnalisation tardive et stratégique
Finalement, ces approches alternatives des réseaux de soins conduisent au maintien d'un certain degré de cloisonnement entre les secteurs hospitaliers, ambulatoires et sociaux. Parallèlement, les lourdeurs inhérentes aux procédures d'agrément des dispositifs(17), le manque de lisibilité des financements, la multiplication des cadres juridiques et les carences en outils d'évaluation adéquats conduisent à des résultats mitigés. Malgré tout, les modèles d'organisation réticulaire continuent de séduire et des démarches visant à prolonger leur développement sont entreprises. La CNR est créée en 1997 afin de “fédérer l'action des réseaux sanitaires et sociaux”. La loi de financement de la Sécurité sociale de 2001 proroge la période expérimentale de 5 ans et prévoit un transfert de l'instruction des dossiers vers les ARH. Mais il faut attendre le 4 mars 2002 avec la loi relative au droit des malades et à la qualité du système de santé pour que la reconnaissance institutionnelle soit unifiée et achevée. Avec l'article L. 6321-1 du code de la santé publique, le législateur va initier une profonde évolution des réseaux. En premier lieu, la notion de réseaux de santé vient se substituer à celle de réseaux de soins. Cette nouvelle appellation n'est pas vierge de toute neutralité puisque certains, comme Robelet & al. (2005), voient dans cette mutation la volonté de faire du réseau l'outil privilégié du rapprochement des secteurs sanitaire et social. Mais s'il est vrai que la transversalité interdisciplinaire est bien inscrite dans le texte, le domaine social n'apparaît qu'en filigrane avec l'énumération des personnes physiques et morales pouvant participer aux réseaux. Les réels changements se situent dans la définition des fonctions et des obligations régissant les dispositifs réticulaires.
1914
Dispositifs anti-tuberculeux
1945
Réseaux sanitaires spécialisés • séparation entre prévention et soins • atomisation de la prise en charge • spécification technique
1983
Réseaux de soins • initiatives privées de création de réseau
1991
Réseaux ville-hôpital • circulaires favorisant la multiplication des réseaux
1996
Réseaux de soins coordonnés expérimentaux Réseaux inter-établissement • ordonnances Juppé
1999
Réseaux conventionnels • création du FOASV
2002
Institutionnalisation des réseaux de santé • création de la DNDR
et un réseau structuré par une association(18) de type loi 1901 ou un GIE - se heurte ainsi à une impossibilité juridique. De fait, “l'hôpital ne peut coopérer qu'à la condition qu'il ne délègue aucune de ses missions essentielles de service public ni aucune des responsabilités qui en résultent”. Le législateur a L a loi stipule que les réseaux “assurent Si les enjeux que représentent toutefois corrigé ce manquement par une prise en charge adaptée aux besoins la rationalisation de la trajectoire l'ordonnance du 4 septembre 2003 en de la personne tant sur le plan de des patients, le décloisonnement rendant possible la cession des autoril'éducation à la santé, de la prévention, des différents secteurs et sations sanitaires par les établissements du diagnostic que des soins”. Une l'amélioration des pratiques publics et les établissements de santé fonction soignante est reconnue aux restent prépondérants, l'intégration privés (cliniques). Cette cession reste réseaux ce qui implique, corrélativement, conditionnelle à une autorisation admivolontariste des réseaux au sein l'admission d'un nouveau type des outils de régulation du système nistrative. En outre, les dispositions d'établissement de santé. Cette nouvelle prévoient que les réseaux bénéficient de santé semble les éloigner de configuration est à l'origine d'une leur fonction novatrice première. eux-mêmes d'un pouvoir de délégation à complexification statutaire des dispositifs l'égard de leurs membres ou d'autres soutenant les réseaux. Ravelet (2006) rappelle les difficultés réseaux et établissements de santé. Par cette légitimation juridiques qui émergent alors. de leurs champs d'action, les réseaux se trouvent dotés de La délégation des activités de soins - en particulier dans le tous les attributs juridiques permettant de les élever au rang d'établissement de santé. cadre d'une relation entre un établissement de santé public
(17) Bonafini (2002) rapporte qu'au cours des 5 premières années d'expérimentation prévues par les ordonnances de 1996, moins d'une dizaine de dossiers ont pu faire l'objet d'un agrément ministériel au titre des réseaux de soins coordonnés expérimentaux. Il faut noter que la Direction générale de la santé recensait alors plus de 1000 réseaux. (18) Il faut noter que la structure associative reste la forme statutaire dominante des réseaux de santé.
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De l’expérimentation à l’institutionnalisation
➜ Les réseaux comme outil de recomposition de l’offre de soins
Il faut souligner que les implications de la loi du 4 mars 2002 ne se limitent pas au seul cadre juridique. Le texte est porteur d'une redéfinition politique de la place des réseaux au sein du système de santé. Les pouvoirs publics voient ainsi leur rôle de pilotage renforcé et les réseaux deviennent des éléments constitutifs de la politique hospitalière, notamment des Schémas Régionaux d'Organisation Sanitaire (SROS). Par le biais de circulaires ministérielles, l'incitation à leur développement est explicitement réclamée. La politique de santé publique est, elle aussi, fortement impactée. Le Plan cancer(19) illustre parfaitement le propos puisqu'il prévoit notamment que “la pratique de la cancérologie devra s'inscrire obligatoirement dans le cadre des réseaux”. Les objectifs des pouvoirs publics sont donc clairs : les réseaux de santé doivent être considérés comme un outil de recomposition de l'offre de soins. La création de la DNDR et la mise en place du cahier des charges conditionnant l'attribution de financements viennent confirmer cette volonté. Dans ce cadre, obligation est faite de formaliser le fonctionnement réticulaire afin de quantifier et justifier les modes de coordination retenus.
Finalement,
au cours des 20 dernières années la conceptualisation des réseaux de santé a subi de profondes mutations. Si les enjeux que représentent la rationalisation de la trajectoire des patients, le décloisonnement des différents secteurs et l'amélioration des pratiques restent prépondérants, l'intégration volontariste des réseaux au sein des outils de régulation du système de santé semble les éloigner de leur fonction novatrice première. En outre, il est fort probable que les principaux acteurs de santé concernés n'adhèrent pas à une articulation obligatoire de leur dispositif. Cette dernière s'opposerait aux vocations militantes qui sont à l'origine de la création de la grande majorité des réseaux. D'autre part, une formalisation juridico-administrative trop élaborée n'est pas sans laisser en suspens le respect des principes de la médecine libérale. Il semble donc impératif de s'interroger sur la soutenabilité des objectifs politiques énoncés car il serait dommageable que, comme le prétendent Robelet & al. (2005), les réseaux soient “devenus un outil parmi d'autres de la politique de santé et [que] s'ils restent porteurs d'attentes fortes, personne n'en attend plus une profonde réforme du système de santé”.
Les réseaux de santé en question
3• LES RÉSEAUX DE SANTÉ EN QUESTION Les efforts remarquables en termes d'institutionnalisation et de financement dont ont bénéficié les réseaux de santé sont la traduction d'une volonté politique forte de développement de ces dispositifs. Il faut constater qu'ils ont connu un réel engouement. Celui-ci s'est traduit par une croissance rapide de leur nombre aux cours des dernières années. Ainsi, 530 réseaux étaient subventionnés par la DNDR en 2004 et l'ONRS en recensait 709 en 2006. Mais cette volonté est susceptible d'achopper sur des oppositions émanant des acteurs de terrain. Ces derniers craignent de voir la fonction des réseaux se dénaturer. De fait, les dispositions législatives et les grandes lignes stratégiques des politiques de santé laissent présager une absorption complète de ces dispositifs au sein du système de santé. En outre, la reconnaissance légale des réseaux s'est accompagnée d'une obligation de formalisme qui conduit à articuler une logique d'action avec une logique de gestion. Cette articulation, pour légitime qu'elle soit, semble générer de nombreuses difficultés fonctionnelles auxquelles les professionnels ne sont traditionnellement pas préparés. 3.1 Quelle place pour les réseaux de santé au sein du système de santé ?
Comme
le souligne la plupart des études, l'institutionnalisation des réseaux de santé s'est inévitablement accompagnée d'une réflexion sur leur place au coeur du système de santé(20). D'un point de vue historique, ils ont été développés dans une optique interstitielle et facultative. En d'autres termes, ils visaient à proposer une approche complémentaire au système classique d'offre de soins permettant d'investir efficacement des domaines hors des limites d'une approche purement curative. Aujourd'hui encore, ces fondements semblent justifiés dès lors que les pathologies concernées relèvent de l'agrégation de différents facteurs et dont la seule prise
en charge par le secteur hospitalier ou libéral s'avère insuffisante. L'efficacité des réseaux dans le cas de la lutte contre la dénutrition et l'obésité rappelée par Rotily & Delabre (2004) illustre parfaitement cette approche. Il en est de même de leur utilité dans l'amélioration qualitative des procédures de maintien à domicile de personnes malades ou âgées défendue par Poisson & Riondet (2005). Ces quelques études, parmi beaucoup d'autres, mettent systématiquement en exergue les gains qualitatifs et parfois économiques que permettent une organisation réticulaire décentralisée et adaptative.
(19) Les 70 mesures élaborées par la Mission interministérielle pour la lutte contre le cancer sont consultables sur internet : http://www.e-cancer.fr/v1/fichiers/public/plancancerbase.pdf. (20) Voir sur ce sujet Bonafini (2002, 2006) ou, pour une approche plus juridique, Ravelet (2006).
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Or,
sur les fondements législatifs introduits par la loi du 4 mars 2002, les réseaux de santé, ou tout au moins les schémas d'organisation réticulaire, ont été directement intégrés aux outils de politique hospitalière et de santé publique. Dans cette optique, il s'agit pour les pouvoirs publics de déployer une offre de soins propre à allier efficacité et moindres coûts. Ces préoccupations présidaient déjà aux expériences de développement des réseaux sanitaires spécialisés ou, plus récemment, des réseaux inter-établissements. Mais, pour Ravelet (2006), l'objectif est maintenant d'imposer un mode de fonctionnement en contraignant les acteurs à adopter des organisations prenant la forme de réseaux dans la plupart des domaines hospitaliers. Une circulaire(21) fait d'ailleurs état de cette orientation politique puisqu'elle précise explicitement que “les projets à vocation modélisante seront privilégiés” et, plus exactement, ceux “dont le mode d'organisation peut-être retenu en vue d'une restructuration de l'offre de soins”. Un pan de la stratégie de long terme des pouvoirs publics est donc dévoilé : le système hospitalier doit être revu en termes de structuration en réseaux.
➜ L’organisation réticulaire, élément structurant du système de santé
Le
domaine de la santé publique est lui-même directement concerné par cette approche volontariste, même si les incitations à la restructuration sont initiées de manière plus subtile. Sans faire de référence immédiate au concept réticulaire, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique énonce ainsi les principes d'intersectorialité(22) et de concertation(23), tous deux explicitement mis en oeuvre par les réseaux de santé volontaires. Toutefois, l'émergence de réseaux est clairement perçue comme un préalable impératif dans le déploiement des nombreux plans sanitaires et sociaux envisagés par le ministère de la Santé (Plans cancer,
gérontologie, canicule, autisme…) La portée des actions envisagées dans ce cadre repose sur des réseaux qui ont été à l'origine de multiples procédures d'agrément et de labellisation.
Sous le double éclairage des politiques hospitalières et de santé publique, la volonté d'imposer le réseau comme un mode obligatoire de structuration transparaît donc clairement. Finalement, l'objectif n'est plus de promouvoir la coopération afin d'obtenir une organisation de l'offre plus efficace mais de la recomposer. Cependant, cette stratégie n'est pas sans rencontrer quelques réticences. Comme attendu, certains y voient une tentative de transcription du système de santé américain au cadre français. La pratique en réseau implique, en effet, un certain degré de décentralisation et l'accroissement de l'autonomie des professionnels. Mais c'est oublier trop rapidement le rôle prégnant des autorités de tutelle, notamment sur le plan du financement des réseaux et de la dépense des usagers en biens et services médicaux. C'est d'ailleurs relativement à ces questions financières que se rattachent les principaux problèmes rencontrés par les réseaux de santé.
➜ Les écueils de l’institutionnalisation des réseaux
Ainsi, la question de leur pérennité est posée. En effet, il semblerait que la politique de financement des dispositifs réticulaires soit revue à la baisse. Pour la première fois depuis sa création, la dotation de la DNDR a connu, une très légère diminution entre 2005 et 2006 (-0,6 %). En outre, la fusion de cette dotation avec le FAQSV -qui avait vu son action prorogée jusqu'au 31 décembre 2006- en un Fonds d'Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins (FIQCS) unique au premier juillet 2007 laisse émerger quelques inquiétudes. Comme le souligne la CNR, la correspondance stricte entre les dotations des différents budgets n'est pas assurée. Cette situation est donc susceptible de remettre en question la stratégie politique de long terme qui semblait
Figure 3 Dotation de la DNDR Source : Journal Officiel de la République Française
(21) Circulaire conjointe de la CNAMTS, de la MSA et de la CANAM n° CIR-175/2002 du 30 décembre 2002. (22) “Principe selon lequel les stratégies d'action coordonnent autant que nécessaire les interventions de l'ensemble des secteurs concernés pour atteindre un objectif défini”. (23) “Principe selon lequel la discussion des objectifs et l'élaboration des plans de santé publique doivent comporter une concertation avec les professionnels de santé, les acteurs économiques et le milieu associatif”.
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prévaloir jusqu'à présent. Parallèlement, la survie de nombreux réseaux est actuellement en suspens puisqu'il leur est difficile d'établir des budgets prévisionnels en raison d'un risque de non renouvellement des apports par le biais de subventions.
Or, la liberté de prescription et le paiement à l'acte sont des principes qui ont une valeur juridique. Ils sont pour l'instant garantis par l'article L. 6321-1 du code de la santé publique qui, en défendant le caractère facultatif des réseaux de santé, assure le respect des principes de la médecine libérale. D’un point de vue global, Néanmoins, des dérogations législatives la volonté politique de pourraient en atténuer la portée.
D’autre part, conférer aux réseaux de santé un caractère structurant et non plus facultatif risque de faire émerger restructuration du système de santé des protestations de la part des acteurs parle biais des réseaux se heurte D’un point de vue global, la volonté de terrain. Si les praticiens libéraux donc à un paradoxe conséquent : politique de restructuration du système acceptent l'institutionnalisation et les celui de vouloir institutionnaliser de santé par le biais des réseaux se heurte donc à un paradoxe conséquent : financements qui lui sont attachés, ils un outil à vocation facultative celui de vouloir institutionnaliser un outil pointent une remise en cause de la et pragmatique afin d'étendre pratique de leur activité. En effet, dans son fonctionnement à l'ensemble à vocation facultative et pragmatique afin d'étendre son fonctionnement à l'optique réticulaire, les principes de du système. l'ensemble du système. Cette approche l'exercice libéral peuvent être fortement pourrait rapidement se heurter à une atténués sur deux points. Tout d'abord, la défection rapide des professionnels qui appréhendaient liberté de prescription se trouve limitée par le respect de initialement les réseaux sur le principe d'un engagement protocoles collectifs. En outre, l'assimilation des réseaux à volontaire teinté d'un certain militantisme. des établissements de soins fait émerger la problématique Cette institutionnalisation a d'ailleurs des conséquences du mode de financement des actes et des prestations. De immédiates sur l'activité quotidienne des réseaux par le fait, si dans le secteur ambulatoire le paiement à l'acte biais d'une exigence de formalisation qui peut se révéler prévaut, la tarification à l'activité (capitation) est imposée handicapante. aux établissements de soins privés depuis 2004. 3.2 Logique d'action ou logique de gestion ?
L a loi du 4 mars 2002 a introduit une obligation de formalisation des réseaux par leurs promoteurs. Cette formalisation qui vise essentiellement au pilotage rationnel des dispositifs touche aussi les autres aspects de l'activité des réseaux. Robelet & al. (2005) précisent qu'elle concerne l'explicitation des pratiques de soins, la constitution de dossiers de soins ou l'organisation de réunions faisant le point sur la prise en charge des usagers. Toutefois, la formalisation est surtout perçue par les autorités tutélaires comme un outil de gestion inhérente à la recherche d'un certain niveau de qualité et d'efficacité dans le fonctionnement réticulaire. Dans ce cadre, obligation est faite d'évaluer les réseaux de santé.
➜ L’évaluation et la gestion des réseaux en question
Les réseaux de santé sont en effet confrontés a un problème de taille. La formalisation et son évaluation nécessitent des compétences qui ne sont, a priori, pas détenues par les promoteurs. Ainsi, la culture de l'évaluation est encore faiblement implantée dans les référentiels des acteurs médicaux ou sociaux. Antras-Ferry & al. (2006) soulignent que peu de réseaux s'engagent véritablement dans une démarche d'autoévaluation “souvent par manque de compétences nécessaires et notamment d'une formation adéquate à la gestion de projet”. En d'autres termes, les promoteurs de dispositifs, qui en sont aussi les coordonnateurs, ne sont pas Pour autant, si l'évaluation est requise légalement au sein nécessairement de bons administrateurs des dispositifs, elle n'est pas pratiquée et de bons gestionnaires. Les promoteurs de dispositifs, qui par des spécialistes en la matière. Or, Cette configuration s'explique largement cette démarche d'évaluation représente en sont aussi les coordonnateurs, par les fondements de l'émergence des ne sont pas nécessairement une épreuve considérable dans la vie des réseaux de santé puisqu'ils sont le fait de de bons administrateurs et réseaux puisqu'elle conditionne l'octroi professionnels constatant une carence de bons gestionnaires. de subventions. Des mesures du service dans un domaine précis. En outre, la médical ou médico-social rendu, d'innoformalisation nécessite la définition de rôles précis au sein vation de l'organisation de l'offre ou de résultats médicodu réseau et, finalement, d'une structure hiérarchique. économiques sont ainsi attendues par l'URCAM et les (24) Or, l'articulation de ces rôles peine à se défaire des ARH. C'est d'ailleurs sur ces éléments qu'un rapport de principes régissant les hiérarchies professionnelles qui l'Inspection générale des affaires sociales a fait état de sont, comme le montre l'étude de Grenier & Pauget “résultats observés très limités” voire même “plus que (2006), particulièrement sensibles dans les domaines de décevants”. Au-delà de ces constatations, les conclusions la santé. Le coordonnateur se doit donc de posséder du rapport mettent en exergue la faiblesse méthododes compétences managériales et un sens aigu de logique et l'hétérogénéité des indicateurs retenus. C'est ce dernier constat qui appelle la réflexion. l'intermédiation. (24) Ce rapport a été présenté par Daniel, Delpal & Lannel Ongue (2006).
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En d'autres termes, le coordonnateur d'un réseau de santé doit posséder toutes les facultés d'un chef d'entreprise classique. La raréfaction potentielle des financements ne fait que renforcer l'impérieuse nécessité des qualités entrepreneuriales des créateurs de réseaux. Pour ces derniers, il s'agit d'intégrer le passage d'une logique d'action – qui prévaut lors de la constitution des dispositifs - à une logique de gestion telle qu'elle est introduite par le renforcement de l'institutionnalisation et la stratégie de régulation du système qui lui est sousjacente. Dans ce contexte, plusieurs alternatives sont envisageables. Partant du principe qu'un praticien, même s'il est travailleur indépendant, n'est pas nécessairement un bon chef d'entreprise, un système de formation au management et à la gestion pourrait favoriser la bonne conduite des réseaux. Néanmoins, les individus concernés
disposent le plus souvent d'un capital-temps relativement restreint puisqu'ils mènent de front leur activité professionnelle et la gestion d'un réseau. Dès lors, plutôt que de faire appel à des expertises extérieures, il serait certainement profitable de s'interroger sur l'institutionnalisation d'un nouveau métier à part entière - coordonnateur de réseaux et sur les conditions d'exercice de celui-ci.
Une
telle innovation, accompagnée d'outils de mesure ad hoc de l'activité, pourrait constituer une réponse intéressante aux questions inhérentes à l'évaluation et à la gestion des réseaux de santé. En outre, elle pourrait légitimer plus en avant leur spécificité relativement à l'offre de soins traditionnelle et conforter leur rôle interstitiel. Néanmoins, les orientations politiques actuelles semblent peu propices à ce type de développements.
Conclusion Issus d'initiatives individuelles, les réseaux de santé correspondent sans conteste à de réels besoins sanitaires et sociaux. Des études factuelles, dans la veine de celles réalisées par Molenat (2003) ou Poisson & Riondet (2005), montrent clairement l'utilité et les gains que sont susceptibles de générer de tels dispositifs, Les stratégies développées tant au niveau des patients que des professionnels. Plus encore, ces améliorations dans le cadre des politiques sont potentiellement génératrices d'une rationalisation des coûts du système de santé et d'un accroissement qualitatif des soins et des prestations. Néanmoins, des hospitalières et de santé publique ne doivent pas conduire indicateurs pertinents restent à construire afin de mener des évaluations robustes à l'élaboration de cadres des bénéfices supposés. Enfin, les stratégies développées dans le cadre des institutionnels inadaptés. politiques hospitalières et de santé publique ne doivent pas conduire à l'élaboration de cadres institutionnels inadaptés. D’un point de vue général, il convient avant tout d'envisager des démarches permettant d'atténuer les principales contradictions dont souffrent les réseaux de santé. En effet, ces derniers sont destinés à décloisonner le système de santé en se fondant sur leurs spécificités. Or, ils sont soumis à un fort degré de formalisation alors même qu'ils doivent être suffisamment souples pour garantir l'émergence d'initiatives individuelles et une coordination effective des acteurs. Par ailleurs, leurs actions sont régies par des principes d'adaptabilité et de variabilité alors que leurs résultats doivent être en conformité avec les attentes des autorités tutélaires. Ces observations conduisent à s'interroger sur le degré optimal d'intervention des pouvoirs publics dans le domaine des réseaux de santé. Cette intervention se justifie naturellement au regard des secteurs concernés. Tout ce qui a trait au médico-social ne saurait souffrir d'une carence réglementaire. Il faut aussi souligner qu'une partie des dispositions législatives relevées participe d'une élévation de la qualité des soins et des services proposés. Ce type d'intervention peut être efficace, comme tendent à le montrer les résultats globaux obtenus par l'application du parcours de soins coordonnés. Dans cette optique, l'adoption au sein du système de santé de schémas organisationnels construits sur un modèle réticulaire semble envisageable. Cette voie est d'autant plus souhaitable que les expériences rappelées plus haut montrent l'efficacité d'une telle organisation. Cependant, la restructuration de l'offre de soins traditionnelle, en particulier hospitalière, nécessite-t-elle réellement l'absorption des dispositifs alternatifs qui ont émergé jusqu'à présent ? Il est à craindre qu'une telle démarche, par excès de structuration, conduise à asphyxier les initiatives permettant l'émergence de nouveaux réseaux et à amoindrir leurs capacités d'adaptation. Par ailleurs, est-il judicieux de contraindre fortement cette offre alternative, potentiellement créatrice d'activité ? Il suffit, pour s'en convaincre, d'observer la formidable croissance du secteur des services à la personne qui, ces deux dernières années, a généré plus de 190 000 emplois. En outre, cette approche ne doit pas susciter d'appréhension quant à la privatisation d'un pan de la santé. Le financement et son contrôle par les autorités tutélaires restent, à l'heure actuelle, la seule garantie de pérennité des réseaux. Parallèlement, le rôle résolument interstitiel de ces dispositifs répond à une carence du système de santé. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas laisser l'initiative et le pragmatisme répondre à des besoins patents ? Un réel débat s'impose.
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Glossaire ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation GCSMS : Groupement de Coopérations Sociales ou Médico-Sociales CNR : Coordination Nationale des Réseaux DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales DNDR : Dotation Nationale de Développement des Réseaux DRASS : Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales FAQSV : Fonds d’Aide à la Qualité des Soins de Ville FIQCS : Fonds d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins GIE : Groupement d’Intérêt Economique ONDAM : Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie ONRS : Observatoire National des Réseaux de Santé ONS : Office National des Statistiques RSC : Réseaux de Soins Coordonnés SROS : Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire URCAM : Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie
Bibliographie Antras-Ferry, J. & al. (2006),
Molenat, F. (2003),
“Les problématiques et les apports de l'évaluation d'un réseau de santé”, Annales de Cardiologie et d'Angéiologie 55, 3-5
“Quelle prise en charge nutritionnelle avant et après l'hospitalisation : réflexions autour d'un projet de réseau ville-hôpital à Aix-en-Provence”, Nutrition Clinique et Métabolisme 17, 276-285
Barre, S. & Houdart, L. (1998), “Les statuts juridiques des réseaux”, ADSP 24, 18-20
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Daniel, C., Delpal, B. & Lannel Ongue, C. (2006), “Contrôle et évaluation du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FQASV)”, Rapport de synthèse 2006-022, IGAS, 163 p.
Esper, C. (2006), “Un instrument juridique nouveau au bénéfice du secteur social et médico-social : le groupement de coopération sociale ou médico-sociale”, Revue de Droit Sanitaire et Social 5/2006, 909-917
Grenier, C. & Pauget, B. (2006), “La création de réseaux de santé : vecteur de recomposition professionnelle ?”, Actes de colloque La métamorphose des organisations, Grefige Ceremo, 27 p. 14
Patte, D. (1998), “Les réseaux et la santé publique”, ADSP 24, 15-16
Poisson, M. A. & Riondet, J. (2005), “Le réseau de santé médico-social, point d'appui du retour à son domicile d'une personne dépendante”, Santé et Systémique 8, 115-138
Ravelet, A. (2006), “La recomposition de l'offre hospitalière publique et privée dans le cadre des réseaux de santé”, Revue de Droit Sanitaire et Social 5/2006, 879-894
Robelet, M., Serré, M. & Bourgueil, Y. (2005), “La coordination dans les réseaux de santé : entre logiques gestionnaires et dynamiques professionnelles”, Revue Française des Affaires Sociales 1-2005, 233-260
Rotily, M. & Delabre, A. (2004), “Des réseaux de nutrition : pourquoi et comment ?”, Nutrition Clinique et Métabolisme, 18, 114-119
Viñas J. M. (1998), “L'avènement des réseaux : de la tuberculose aux ordonnances de 1996”, ADSP 24, 13-14
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Rétrospective Thèmes significatifs explorés par La Lettre depuis 10 ans La Prestation Spécifique Dépendance (PSD) (avril 1997) Les indépendants sont-ils plus spécifiquement dépendants ? Numéro spécial commerce (février 2000) Définitions du commerce de gros et de détail, d’hypermarché, de magasin d’usine… et décryptage du poids économique du commerce, de ses acteurs, des entreprises… Le statut du conjoint du Travailleur Indépendant (décembre 2000) Collaborateur, salarié ou associé ? Le choix n’est pas neutre puisqu’il conditionne la protection sociale. Les contrats Madelin : quel bilan ? (février 2002) Succès des contrats prévoyance santé mais bilan contrasté pour les contrats retraite… Numéro spécial sur les fonds de pension (juin 2002) Qu’est-ce que les fonds de pension ? Comment fonctionnent les systèmes de retraite de nos voisins ? Le statut social du gérant de SARL (août 2003) Statut majoritaire ou minoritaire ? Le créateur doit prendre le temps de bien mesurer les implications de son choix. En effet, de la position du gérant dépend la nature de sa protection sociale. La retraite… en réforme (novembre 2004) La loi du 21 août 2003 : quels impacts ? Décryptage d’une loi au pragmatisme certain. Le Compagnonnage : une voie d’avenir (novembre 2005) Pourquoi le Compagnonnage jouit-il, contrairement aux autres filières d’apprentissage, d’une excellente réputation ? Les indépendants aux frontières de l’indépendance (1er semestre 2006) Les statuts existants (entrepreneur individuel, gérant de SARL, salarié…) sont-ils adaptés à l’organisation actuelle du travail ? Existe-t-il une “troisième voie” entre indépendance totale et salariat ? Les travailleurs indépendants européens : bilans et conjectures (2e semestre 2006) Quelle place l’entrepreunariat occupe-t-il dans le champs économique européen ? Les TPE/PME sont-elles au cœur de la politique européenne pour l’emploi ? Quelles sont les principales orientations de cette politique ? N’hésitez pas à consulter ces études sur le site www.alptis.org, rubrique L’Observatoire, onglet Publications.
L’Observatoire Alptis de la Protection Sociale réunit les Associations de Prévoyance du Groupe Alptis, des universitaires, des chercheurs et des personnalités représentant le monde des Travailleurs Indépendants et des petites entreprises qui composent son Conseil d’Administration. Son comité scientifique est constitué d’un directeur scientifique, Cyrille Piatecki, et de chercheurs dans des disciplines variées : Jacques Bichot, Gérard Duru, Olivier Ferrier, Alain Lofi, Nicolas Moizard et Jean Riondet. Son premier objectif est d’appréhender le problème de la Protection Sociale des Travailleurs Indépendants, des très petites entreprises et de leurs salariés. Son rôle est de recueillir et traiter des informations dans ces domaines, et de les diffuser au moyen d’ouvrages et d’une lettre semestrielle.
la lettre de
l’Observatoire est une publication semestrielle éditée par l’Observatoire Alptis de la Protection Sociale 12, rue Clapeyron - 75379 PARIS CEDEX 08 Tél. : 01 44 70 75 64 - Fax : 01 44 70 75 64 E-mail : observatoire@alptis.fr Direction de la publication : Georges Coudert Direction de la rédaction : Chantal Benoist Rédaction : Cyrille Piatecki, Stéphane Rapelli Coordination : Pascaline Delgutte ISSN : 1621-97-83 Dépôt légal en cours
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Ouvrages édités par l’Observatoire Alptis Les Travailleurs Indépendants C. PIATECKI, Olivier FERRIER, P. ULMANN, Mars 1997, éd. Economica. Préface de Jacques Bichot. Les Travailleurs Indépendants avaient fait jusqu’ici l’objet de peu d’études. Peut-être parce que l’emploi indépendant ne représente qu’une petite partie de la population active. Pourtant, par le rôle qu’ils peuvent jouer dans la création d’emplois productifs, les TI sont dignes du plus grand intérêt (200 000 emplois créés de 1987 à 1997.) Pour sa première étude, l’Observatoire se penche sur l’évolution de leur environnement socio-économique, pour la période courant entre 1975 et 1995. Les auteurs s’attachent à établir les facteurs démographiques, sociologiques, économiques et juridiques qui influent sur cette catégorie de la population. Philippe Ulmann : Doctorant en économie à l’université de Paris XII Val-de-Marne Jacques Bichot : Professeur agrégé des universités en économie à l’université Lumière (Lyon III), il est également membre du conseil économique et social.
Le patrimoine des travailleurs indépendants, théorie et faits O. FERRIER, C. PIATECKI, janvier 1999, éd. Continent Europe. Cette deuxième étude de l’Observatoire fournit des éléments de réflexion théoriques, descriptifs et empiriques sur les problèmes liés à la stratégie patrimoniale des travailleurs indépendants. En effet, bien qu’ils ne représentent que 5 % de la population totale et 11 % de la population active, ils détiennent plus de 20 % du patrimoine national. Cyrille Piatecki : Directeur scientifique de l’Observatoire Alptis, il est également professeur agrégé des universités en économie à l’université d’Orléans.
Les très petites entreprises O. FERRIER, 2002, éd. De Boeck. Malgré la place non négligeable que les TPE occupent dans la vie économique française, peu d’études leur sont consacrées. L’auteur est le premier à traiter spécifiquement de cet univers. Différents thèmes (typologie, financement, secteurs d’activité, démographie, représentations institutionnelles, employeurs et employés, les TPE en Europe et dans le monde…) sont abordés et mis en perspective avec le monde des travailleurs non salariés, lui aussi mal connu. Une impressionnante masse de données statistiques illustre l’ensemble. Olivier Ferrier : Maître de conférences en économie à la Faculté de sciences économiques et de gestion de l’université de Paris XII Val-de-Marne, il est également membre de l’Equipe de Recherche sur l’Utilisation des Données Individuelles et Temporelles en Economie (ERUDITE). Il est spécialiste des Très Petites Entreprises et des Travailleurs Non Salariés notamment.
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Les très petites entreprises O. Ferrier, 2002, éd. De Boeck Chèque à l’ordre de De Boeck Diffusion
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Le patrimoine des Travailleurs Indépendants, théorie et faits O. Ferrier, C. Piatecki, janvier 1999, éd. Continent Europe Chèque à l’ordre de Lavoisier SAS
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Les Travailleurs Indépendants O. Ferrier, C. Piatecki, P. Ulmann, mars 1997, éd. Économica Chèque à l’ordre de Lavoisier SAS
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