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L'EXEMPLE DU CERVEAU:
DES SYNAPSES EN SILICIUM ET UN SYSTÈME SANGUIN ÉLECTRONIQUE POUR LES PUCES DES ORDINATEURS
Le développement des systèmes cognitifs se passe à tous les niveaux dans les ordinateurs et il nécessite des points de vue révolutionnaires, de Stephan Schneider, Executive Briefing Consultant, IBM Research – Zurich L'ordinateur Watson original, qui a participé au jeu télévisé Jeopardy! il y a trois ans, était composé de deux séries de grosses armoires informatiques, comme des gros frigidaires, et contenaient 92 serveurs qui consommaient près de 85 kilowatts d'énergie en fonctionnement, ce qui correspond à la consommation d'énergie de l'éclairage public d'une petite ville. En comparaison, notre cerveau consomme à peu près la même chose qu'une ampoule économique, soit 20 watts. Le potentiel des systèmes cognitifs ne pourra réellement être exploité que lorsque l'efficience énergétique de tels systèmes sera d'un tout autre ordre de grandeur.
Stephan Schneider Stephan Schneider discute des derniers développements technologiques et de leur potentiel avec la direction d'entreprises européennes de fabrication, de télécommunication et de production d'énergie au Centre de recherche d'IBM à Rüschlikon.
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Les chercheurs d'IBM travaillent à tous les niveaux dans l'ordinateur. Cela commence à l'échelle du nanomètre, par des recherches sur de nouveaux matériaux et de nouveaux concepts pour réaliser des transistors plus performants et moins gourmands en énergie. Cela continue par de nouvelles technologies de stockage pour disposer d'un accès rapide à d'immenses quantités de données. Pour terminer, ils développent des composants électro-optiques permettant un transfert plus performant des données en utilisant la lumière, au sein même de l'ordinateur et des puces électroniques. Ces domaines de recherches résultent d'un changement de philosophie: ce n'est plus le processeur qui est au centre du système mais les demandes au système pour traiter globalement d'immenses quantités de données de la manière la plus rapide et la plus efficace. Un aspect important de cette orientation est le redimensionnement, le «scaling in». Cela signifie que les composants de stockage et de logique sont étroitement intégrés dans une pile de puces compacte et tridimensionnelle, ce qui réduit la surface occupée et raccourcit d'un facteur important les liaisons pour les données entre les composants. Dans les piles de puces plus complexes, le refroidissement et l'alimentation en énergie constituent un
véritable défi car les besoins en électricité, en communication et en refroidissement au sein d'une puce 3D se passent en volume et non «seulement» en surface, comme c'est le cas aujourd'hui. Pour Bruno Michel et son équipe du centre de recherche IBM de Rüschlikon, le cerveau humain est la principale source d'inspiration pour résoudre ce problème. Leur but est d'atteindre la même efficience énergétique. Notre cerveau est 10 000 fois plus compact et consomme 10 000 fois moins d'énergie que les ordinateurs actuels car il possède un réseau unique et extrêmement performant de vaisseaux et de capillaire sanguins qui sert aussi bien à réguler la chaleur qu'à fournir l'énergie. Michel et son équipe tentent de copier ce schéma dans les puces 3D à refroidissement liquide: le refroidissement liquide assure non seulement une température de fonctionnement optimale dans les circuits mais il doit également assurer la distribution du courant. Les puces 3D à «circulation sanguine électronique» des chercheurs IBM sont basées sur un système de micro-canaux qui conduit le liquide entre les différentes couches des circuits en utilisant le principe d'une batterie à liquide électrochimiques. L'énergie n'est plus distribuée par des fils électriques mais au moyen de réactions électro chimiques rédox des produits chimiques se trouvant dans le liquide. La tâche des chercheurs est de miniaturiser la batterie liquide et d'améliorer son rendement. S'ils y parviennent, les ordinateurs actuels qui disposent d'une puissance de 1 pétaflop/s et qui représentent la taille d'une salle de classe pourraient être réduits à la taille d'un PC courant. Le cerveau sert également d'exemple aux chercheurs du centre de recherche IBM en Californie. Dans le cadre du projets SyNAPSE, ils développent des puces informatiques d'un nouveau genre que l'on appelle neuro-synaptiques et qui imitent les capacités fondamentales du cerveau humain en
matière de perception, de cognition et de réaction. Bien que les ordinateurs actuels soient d'excellentes machines à calculer qui dépassent largement le cerveau humain dans cette discipline, leur méthode de travail séquentielle et leur architecture traditionnelle sont totalement inefficaces pour la saisie et le traitement simultané de données diversiformes ou d'informations visuelles ou sensorielles complexes, comme dans la reconnaissance d'images par exemple. Dans le cerveau humain, les processus de perception et de pensée les plus divers se déroulent simultanément avec des performances et une efficience énergétique fascinantes. L'idée suivie dans SyNAPSE est en totale rupture avec l'architecture de Von Neumann qui, depuis plus d'un demi-siècle, est à l'origine de la plupart des ordinateurs employés aujourd'hui. L'exécution de tâches dépend ici de programmes définis et d'instructions traitées l'une après l'autre. À l'opposé, les puces neuro-synaptiques contiennent des circuits en silicium et des algorithmes dont la construction est inspirée de la neuro-biologie et qui opèrent de manière semblable à ce qui se passe entre les neurones et les synapses dans notre cerveau. Les deux premiers prototypes ont été réalisés en 2011 à l'échelle d'un laboratoire. Bien que leurs performances soient encore très éloignées de celles du cerveau humain, elles sont tout de même suffisantes pour démontrer et tester des capacités comme la navigation, la vue mécanique, la reconnaissance des objets et l'enregistrement et la classification associatifs. Les puces neu1
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ro-synaptiques imitent la plasticité structurelle et synaptique du cerveau humain, non seulement pour être capables d'analyser simultanément et de manière beaucoup plus efficace et performante des données sensorielles de différents types mais aussi pour pouvoir se reconfigurer dynamiquement en fonction des interactions avec l'environnement. Ces fonctionnalités sont complémentaires à celles de Watson. Pour simplifier, on pourrait considérer ces deux technologies comme les moitiés gauches et droites du cerveau. Watson représente la partie gauche, qui se concentre sur la parole et la pensée analytique, et les puces neuro-synaptiques la partie droite, qui assume le traitement des perceptions sensorielles et la reconnaissance des objets. La combinaison de ces deux technologies a été déterminante pour un nouveau type d'applications, par exemple pour que la vision devienne une réalité dans la conduite automobile hautement automatisée. Les voitures modernes, qui sont déjà équipées de plus de 60 processeurs actuellement, apportent leur assistance dans des situations de conduite simples, comme pour le parcage ou sous la forme d'avertissement en cas de risque de collision. Mais pour les situations de circulation complexes, comme un carrefour animé, et pour saisir et traiter en temps réel des informations de différentes natures, comme des bulletins routiers, des données provenant de capteurs, les instructions du conducteur ou des informations techniques, il faut pouvoir disposer des fonctionnalités et de l'efficacité des futurs systèmes cognitifs.
Synapse Cette photo montre l'une des deux puces neurosynaptiques présentées en 2011 par les chercheurs d'IBM. Les deux noyaux de processeur ont été réalisés en CMOS SOI de 45 nm et ils contiennent 256 neurones. La première puce de test contient 262'144 synapses programmables, l'autre 65'536 synapses capables d'apprendre. https://ibm.biz/ibmsynapse
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Puces 3D Bruno Michel et son équipe du Centre de recherche IBM de Rüschlikon ont présenté des systèmes test à refroidissement liquide dotés de structures de refroidissement intégrées, de l'épaisseur d'un cheveu, qui conduisent le liquide entre les différentes couches afin de refroidir efficacement des puces 3D. Ce refroidissement «intercouche» atteint une capacité de refroidissement de 3 kW/cm3. Les illustrations montrent ce système test de la taille d'un morceau de sucre (1), un schéma du refroidissement intercouche (2) et une photo réalisée au microscope électronique à balayage qui montre les couches microscopiques du circuit ainsi que les structures de refroidissement (3).
Repcool Un système de test analyse le mécanisme de la batterie à liquide électrochimique à l'échelle microscopique. Le but des chercheurs est d'intégrer cette technologie dans une pile de puces. Le liquide y joue le rôle d’électrolyte entre deux électrodes – un peu comme dans une batterie. Les pairs d'électrodes sont composées d'une électrode centrale qui charge le liquide en électricité et d'un grand nombre d'électrodes réceptrices qui se situent sur les différentes couches de la pile de puces 3D. https://ibm.biz/repcool
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