La Parisienne, médiatisation d'un style et d'une idéologie

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LA PARISIENNE, MÉDIATISATION D’UN STYLE ET D’UNE IDÉOLOGIE DE 1963 À AUJOURD’HUI Mars 2020, Ambre Chambon


LA PARISIENNE, MÉDIATISATION D’UN STYLE ET D’UNE IDÉOLOGIE DE 1963 À AUJOURD’HUI COMMENT VOGUE PARIS A FAIT DE CE MYTHE SA LIGNE ÉDITORIALE ?

Les publications du Vogue sous la direction d’Edmonde Charles-Roux (rédactrice en chef de 1948 à 1966) dans le contexte d’après-guerre marquent cette volonté de faire du magazine une vitrine du luxe et du rayonnement culturel de Paris. L’essor du commerce et l’apparition du prêt-à-porter engendrent un tournant dans les modes de vie et en parallèle une certaine idée du luxe à la française est démocratisée. C’est notamment à travers les publications Vogue que s’établit une construction imagée et éditoriale du chic, de l’élégance et de la modernité incarnée par la femme, proclamant ainsi une certaine forme d’émancipation. La publication de février 1963 signe un article sur la parisienne à travers des illustrations de silhouettes classées et annotées. Si la couverture dessine déjà les contours d’une identité du magazine par la résonance entre la photographie et le texte, le contenu éditorial n’a pas totalement délaissé l’illustration pour la photographie. La figure de la parisienne ne date pas du XXe siècle, en effet si cette construction sociale et culturelle apparaît autour du XVIe siècle (selon l’historienne Emmanuelle Retaillaud), elle semble se cristalliser avec l’industrialisation qui laisse place au déploiement de la société moderne. Cette figure féminine traverse les siècles et Vogue Paris participe à son évolution devenue bien plus qu’un phénomène de mode. Alors comment Vogue élabore les contours d’une femme rêvée et d’un phénomène intangible ? Quelles évolutions constate-t-on entre la médiatisation de la parisienne en 63 à aujourd’hui ? Pourquoi ce mythe connait-il un succès international ? Et enfin comment Vogue Paris a fait de ce mythe sa ligne éditoriale ? Dans un premier temps il s’agira de déceler les contours de la parisienne telle qu’elle s’énonce en 1963, puis de la comparer dans son évolution et notamment sur ce qu’elle est devenue aujourd’hui au sein de l’édition Vogue.

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INSTITUTION D’UN STYLE ET D’UNE IDÉOLOGIE

Qui est la parisienne selon Vogue en 1963 ? « Une parisienne c’est ça ». Le titre de l’article donne le ton au texte qui se veut prescripteur par l’usage de l’impératif. L’écriture est franche, assurée voire même prophétique. L’auteur est intimement convaincu et le fait savoir. On retrouve ici l’héritage des précédentes revues de mode de Mallarmé avec La Dernière Mode (1874) aux Toilettes Parisiennes de la première moitié du XXe siècle. En effet, les trente trois annotations qui suivent deviennent presque des commandements nécessaires à la définition de la parisienne. Autrement dit, il faut appliquer ces règles pour incarner la vraie parisienne selon Vogue. La femme de 1963 prenait-elle ces conseils au pied de la lettre ? En tout cas, le statut qu’occupe l’auteur marque déjà un exercice de pouvoir sur la femme et confère aux magazines de mode ce caractère prémonitoire et directif. Le cadre spatiale énoncé se veut immédiatement synonyme d’un Paris élégant et aisé, pourtant le début du texte oppose la distinction du lieu et de ses fréquentations mal vêtues. Très vite se met en place deux catégories de parisiennes: celles qui sont bien habillées et les autres. Implicitement, le texte engage une part moralisatrice à ses lectrices. La corrélation entre le lieu fréquenté et la tenue vestimentaire est inévitable selon le magazine dans le but de ne faire qu’un avec le lieu. S’ensuit une longue énumération des lieux et des toilettes. Chaque occasion et évènement du quotidien fait l’objet d’un apparat particulier. La plupart de ces sorties bourgeoises (épicerie fine, fleuriste, brocante - mais pas n’importe lesquelles - et restaurants), sont très précises quant à l’énonciation du lieu et du quartier. Il s’agirait presque d’un petit guide conseillé de façon amical et dont la narration vient se créer entre chaque quartier («il n’y a qu’un pas pour être rive gauche »). Le quotidien de la parisienne relève ainsi le caractère mondain

et suggère un art de vivre total. Les illustrations insistent sur la pluralité du vestiaire de la parisienne (qui plus est, se voit adapté à la saison et à la tendance) et évoquent l’idée d’une femme énoncée comme seule (célibataire), impérativement bien habillée mais dont quelques symboles rappellent qu’elle souhaite être vu en société. Chaque silhouette esquisse une parisienne à l’attitude bien travaillée qui semble prendre la pose et est parfois entourée d’éléments qui se rapportent au lieu (brocante, marché). À l’aube d’un mai 68, la femme n’est pas pleinement libre et agit toujours en fonction de l’autorité masculine, car la parisienne est avant un objet de séduction. Les quelques silhouettes masculines aux traits caricaturaux par rapport à ceux de la femme associent directement l’idée que la parisienne doit être bien vêtue pour contribuer à son pouvoir séducteur. Si cette femme existe c’est aussi par le biais du regard extérieur et donc du regard masculin. Ainsi, Vogue impose ce culte de la parisienne qui se doit de posséder autant de tenues que de sorties. La parisienne est mise en scène par son attitude appliquée et la sobriété du trait (parfois relevé par une touche de couleur) met à l’honneur sa sophistication vestimentaire. Les corps sont sveltes, les jambes toujours apparentes et elles ont une coupe de cheveux courte héritée des garçonnes. Jusque là on retrouve les codes mis en place par Coco Chanel notamment à travers la typologie des vêtements, l’allure désinvolte et froide face au regard masculin tout en conservant cette unité cohérente dans la façon de s’habiller. Ainsi les jupes et les robes n’arrivent pas plus haut qu’aux genoux, les tailleurs sont boutonnés jusqu’au col, les accessoires sont indispensables (chapeaux, bijoux, gants) et les escarpins sont les seules chaussures envisageables. Sa silhouette longiligne se justifie par le contexte d’après-guerre où les femmes commencent à s’émanciper, on retrouve donc cette nécessité de montrer un corps en bonne santé et actif. Quant à son âge, il est difficile de trancher car même si la pureté du trait lui

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confère un corps dynamique et un visage sans ride, son apparence relève une certaine maturité qui lui donne un côté « dame » sûrement propre à l’époque. Par ailleurs, l’essor des marques de prêt-à-porter est directement lié à la richesse du vestiaire de la parisienne. Bien qu’il soit proche de l’élitisme de la haute couture, les annotations renvoient la lectrice à la griffe du modèle dessiné et permet ainsi de le rendre accessible. Toutefois il faut noter que si le modèle est si bien présenté (prix, matières, couleurs) c’est justement pour le promouvoir en tant que seul et unique modèle relatif à la parisienne. Nous en revenons encore au titre, mais l’injonction va au-delà d’une quelconque pièce suggérée, c’est seulement cette pièce de créateur qui est prescrite. Le commentaire associé à la silhouette vient donc préciser les détails des coupes, couleurs et matières pour en faire l’éloge. En début de texte, l’auteur se plaignait des « mauvais tissus » qui sont contrastés par les matières nobles énoncées plus tard (twill de soie, laine, crêpe de soie). Enfin ces petites saynètes autour de l’habit de la parisienne donne un idéal de représentation et donc une part de rêve à la lectrice qui ne peut que s’approprier les recommandations. Vogue précise donc l’allure de la parisienne en décrivant la richesse de son style vestimentaire, mais aussi en dépassant l’apparence par l’association d’une idéologie déjà énoncée dans une publication de 1936 « Une femme élégante est élégante en toute occasion et toujours à sa place. »

La parisienne, bien plus qu’un style, l’incarnation d’un art de vivre à la française Vogue Paris annonce le ton dès la première ligne: la parisienne est une créature sociale qui se définit aussi par son environnement. Il semblerait qu’il y ait une cartographie de la parisienne. Si cette dernière flâne entre le 6e, 7e, 8e, 16e et 3e arrondissement, la chrono-

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logie de ses péripéties qu’établit le magazine donne une suite logique du déroulement de la journée en commençant par les biens de consommations alimentaires (poissonnerie, boulangerie, épiceries), les produits liés à la décoration d’intérieur et à l’apparence (marchés, brocante, antiquaires) et enfin à la restauration et autres loisirs (club, art, théâtre). On voit ainsi émerger la naissance du lifestyle (ou art de vivre) de la parisienne. Chaque moment de la journée se voit associé à une tenue et une sortie pour témoigner d’une qualité luxueuse de vie. Par ailleurs on notera le vocabulaire employé pour ce qui est de la relation vêtement/lieu, les termes « rencontré » ou « aperçu » font du vêtement une entité séparé de l’individu qui le porte. Le vêtement et le lieu ne font qu’un et vise à faire office de fond carte postale idéalisé. Le souci d’être en accord avec son environnement et les activités énumérées affirment bien l’appartenance de la parisienne à une classe aisée. Dans La Philosophie de l’argent, Simmel affirme que la position dans la société dépend de l’argent, tout comme la libération de l’individu mène à la construction d’une identité. Vogue dresse alors un portrait bien plus large qu’une simple apparence, et montre que cette parisienne se définit aussi par son mode de vie. Tout ce qui est rapporté à elle nous amène des informations sur son quotidien. Elle est donc collectionneuse, amatrice de gastronomie française, ouverte à des saveurs plus exotiques et la qualité du contenu de son assiette est aussi excellente que ce qu’elle porte. Elle n’hésite pas à combiner les plaisirs comme regarder de l’art tout en dégustant une entrecôte et nous ne savons pas si elle travaille. Nous sommes donc confronter à la promotion d’un élitisme. Mais est-elle pour autant progressiste ou conservatrice ? L’hypothèse la plus envisageable serait d’affirmer que si elle peut s’offrir tout ce luxe, c’est probablement par l’héritage de sa famille ou l’argent de son mari. Elle vit donc encore dans un souci de dépendance financière mais aussi sociale: elle n’existe que par le regard des autres et c’est parce qu’elle est regardée qu’elle se doit d’être irréprochable en toute circonstance.


Entre traditions et modernité, cette figure se voit immortalisée et définit par Vogue pour mieux la faire durer dans le temps et dans les consciences. Mais a-t-elle évolué depuis ?

LA PARISIENNE DE NOS JOURS, UNE FIGURE NON ÉVOLUTIVE ? La parisienne, objet de consommation

Si la parisienne telle qu’elle est définit en 1963 par Vogue montre le portrait d’une consommatrice, c’est aussi un phénomène qui encourage à la consommation. La mention des marques portées par la parisienne fait d’elle un véritable objet de consommation, et en plus de cela s’ajoute les lieux fréquentés qui sont vivement mis en valeur et répertoriés à la suite (on relèvera que les numéros et les heures d’ouvertures des restaurants ne sont pas mis de côté). C’est l’émergence d’un phénomène pluriel qui s’exprime à la fois sur le plan stylistique, social, économique que politique. Aujourd’hui la parisienne n’est pas évoquée à travers le caractère universel des illustrations de 1963 mais s’est précisée par une iconographie. Ainsi, la parisienne porte un nom. Si on les énumère de façon non exhaustive par ordre chronologique, il s’agit d’une Inès de La Fressange, Caroline de Maigret, en passant par Jeanne Damas. Toutes de générations différentes, leur allure reste insensiblement la même, faisant ainsi de cette personnalité une identité commerciale. Derrière chacune de ces personnalités se cachent un label relatif à la capitale française. Il semblerait presque qu’il y ait un business model autour de la parfaite parisienne, où celle-ci commence par étaler son style sur la sphère médiatique, puis la publication d’un livre (La Parisienne d’Inès de La Fressange, How To be a Parisian de Caroline de Maigret et À Paris de Jeanne Damas) et enfin lancer sa marque éponyme ou une col-

laboration. Le vestiaire et le lifestyle de la parisienne attire et il fait vendre. Elle est la représentation parfaite de la réussite sociale et commerciale. La publication de 63 participe probablement à la construction de cette image marketing qui de nos jours connaît un succès international. Les marques de luxe l’ont compris assez tôt. En effet, la promotion d’un art de vivre à la française, et plus particulièrement parisien est devenu une clé de la réussite. On retrouvera dans la parfumerie une forte connotation à l’identité de la parisienne notamment chez Guerlain (La Petite Robe Noire) ou Yves Saint Laurent (Mon Paris). Elle participe donc à l’identité du patrimoine français et promeut à l’international une image très stéréotypée.

Un vestiaire et un mode de vie inchangés depuis 63? La libération des corps et des idées des années 60 à aujourd’hui ont tout de même contribué à une évolution stylistique de la parisienne qui se caractérise par d’autres typologies vestimentaires tout en conservant ses valeurs de sophistication et de modernité. De ce fait, le jean droit brut, la marinière, le blazer ou le trench accompagnés d’une paire de mocassin et d’une bouche rouge font la panoplie idéale de la parisienne moderne. À cela s’ajoute son allure toujours désinvolte et sa maigreur évidente que l’on retrouvera dans l’ADN de nombreuses marques allant d’une gamme de prêt-à-porter premium à moyen de gamme. Isabel Marant jouera sur le vestiaire d’une parisienne vagabonde qui flotte dans ses vêtements mais toujours avec élégance. Plus récemment le groupe SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot) reflète l’image d’une parisienne citadine et effortless au prix d’un « luxe abordable ». On ne retrouve plus autant les tailleurs à hauteur de genoux, les robes droites qui dévoilent peu la peau, si ce n’est que cette austérité peut encore se faire sentir

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chez la femme Celine d’Hedi Slimane, adepte d’une germanopratine élitiste. On remarquera par ailleurs une transfiguration des codes du vestiaire masculin chez la parisienne. Une chemise blanche légèrement oversize, des blazers avec des épaules plus imposantes et d’un seul coup la parisienne semble être en quête d’un pouvoir ou d’un statut égal à celui de l’homme. L’édition de 1963 présentait cette femme seule mais toujours sous le regard masculin, toutefois aujourd’hui on pourrait associer cette influence masculine comme une volonté de prise de pouvoir et d’inversement des codes. La parisienne à l’ère d’Instagram cultive l’effortless et n’aspire pas à une outrance gestuelle. Elle se situe dans un juste milieu comportemental: peu de maquillage, pas de coiffure hyper travaillée, peu d’accessoires. Son vestiaire est composé d’essentiels car elle ne se plie pas à la mode, c’est elle qui incarne la mode. Concernant son mode de vie, ses lieux fétiches sont toujours les mêmes. Depuis le jardin du palais royal, La Grand Épicerie, la terrasse d’un café rive gauche avec une cigarette, un roman et un espresso ou dans son intérieur bourgeois, la parisienne conserve encore ce lien directe entre son environnement et son allure digne d’une carte postale idéaliste. La journaliste Alice Pfeiffer qualifie cette créature de mythe, puisqu’elle n’existe qu’à travers le pouvoir médiatique. La pérennité de cette idéologie à travers les siècles ne fait que s’accentuer par les réseaux sociaux en oubliant par la même occasion de nombreuses catégories de femmes. En plus de soumettre une pression sociale et morale, elle prône une absence de diversité (sexuelle, ethnique, morphologique). Peut-on encore faire durer l’existence de ce phénomène dans une société qui tend vers la diversité ? Comment Vogue Paris contourne le caractère exclusif de la parisienne moderne ?

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Les nouveaux modes de diffusion de la parisienne du XXIe siècle La parisienne s’est imposée comme une ligne éditoriale incontournable et symbolise le succès de Vogue. À travers les décennies et ses rédactrices, le magazine a su faire évoluer cette figure en passant d’une parisienne flirtant avec le porno chic de Carine Roitfeld à une vision plus traditionnelle pour Emmanuelle Alt. Finalement, ces publications ne s’adresseraient pas à une parisienne ou une française qui ne se reconnaitrait pas dans les pages, mais plutôt à une étrangère qui rêve de Paris et de ce qui l’entoure, puisque la parisienne n’est pas nécessairement originaire de Paris. C’est bien ce que nous montre l’évolution magazine en ciblant avant tout un public étranger et jeune dans son nouveau format digital « Une fille, un style » sur leur chaîne Youtube. En diffusant cette série sur la plateforme en ligne, Vogue donne une nouvelle place à la parisienne que sur ses magazines (aujourd’hui peu consultés par les millenials). JEUNESSE ET SUCCÈS ÉTERNELS POUR LA PARISIENNE Cette compilation de vidéos (dont certaines sont titrées « dans l’appartement parisien de… ») proposent en moins de deux minutes un portrait d’une jeune femme (en moyenne 25ans) dans son appartement aux influences parisiennes. Le titre (« Une fille, un style ») connote immédiatement ce culte de la jeunesse qui prend ses racines dans les années 60 avec l’idée de la femme enfant, notamment auprès de l’icône de mode Twiggy. Ce ne sont pas des femmes matures qui sont présentées mais au contraire la réussite sociale d’une jeune femme agée d’une vingtaine voire trentaine d’années. En plus d’être pour la plupart grandes, minces et cultivées elles ont toutes le luxe d’avoir le temps pour chiner, flâner dans la ville ou exercer une activité artistique en guise de source de revenu. En effet, leur activité professionnelle sont aussi marqueur d’une liberté, certaines sont artiste peintre, photographe, acheteuse, professeure de lettres… Or la réalité du marché immobilier


parisien amène à se questionner sur l’acquisition d’une telle surface à leur âge et suggère potentiellement un héritage familial ou une situation maritale conséquente. Mais Vogue préfère mettre en avant la gloire d’une femme indépendante autant sur le plan financier que professionnel. PROMOTION D’UNE FAUSSE DIVERSITÉ ? Le magazine joue sur les limites du caractère exclusif et discriminant de la parisienne. Jusqu’à présent elle figure dans l’inconscient collectif par l’image d’une jeune femme mince, élancée à la peau blanche et aux cheveux lisses. Les enjeux moraux et marketing contemporains ont néanmoins impacté la représentation de la parisienne qui dans cette compilation de vidéos prend ses origines ailleurs qu’en France. Le chic est ainsi retranscrit à travers le multiculturalisme et l’exotisme de ses origines qui lui confèrent une toute autre nature de cheveux ou couleur de peau. En incluant une forme de diversité (bien que discutable sur sa morphologie et ses origines sociales), Vogue modernise cette nouvelle génération de parisiennes tout en préservant son statut bourgeois. Sa richesse culturelle s’étend aussi sur la dimension lifestyle comme pour la parisienne de 1963. Il est en effet important de témoigner d’un certain bon goût à travers les objets et le mobilier d’intérieur. Ainsi, il n’est pas étonnant de retrouver des pièces agencées avec soin et minimalisme tout en étant ponctuées par des objets signés Eames, Charlotte Perriand ou Ettore Sottssass. Tout objet, autant d’intérieur qu’accessoires de styles est bon pour se différencier des autres. L’idée de la parisienne qui va chiner ou rechercher des pièces vintage est inhérente à cette figure, et cela depuis 1963. Même si leur style ne diffère pas ou peu d’une parisienne à une autre, il est surprenant de les entendre qualifier leurs goûts « d’hétéroclites ». Cette auto-proclamation marque une volonté de prôner une singularité, mais qui d’un point de vue externe s’avère illégitime lorsqu’on se penche sur leur éloquence, leur situation familiale, professionnelle et plus généralement leur style en fin de compte tous similaires.

La parisienne, atemporelle ou intemporelle ? Le rapport de la parisienne au temps mérite une réflexion. Son style garde la même essence et se balade entre les notions de chic, d’élégance et de sophistication sans pour autant se plier aux tendances éphémères. Elle s’applique ses propres codes esthétiques considérés comme intemporels mais comme pour la parisienne de 1963 elle aime piocher dans le passé. Son rapport au temps la situe entre le passé et le présent, soit autrement dit entre tradition et modernité. Ainsi la médiatisation de cette figure ne cessera d’exister chez Vogue, puisqu’elle témoigne de l’histoire et de l’ADN du magazine. Si cette pérennité lui est assurée c’est aussi parce que ses valeurs sont incarnées par la rédaction. Sa présence chez Vogue se fait sur les éditos, sur les réseaux sociaux mais aussi en backstage par celles qui la matérialisent. Aussi, Emmanuelle Alt ou plus récemment Eugénie Trochu qui s’occupe du format « Une Fille, un style », se verront s’octroyer le statut de parisienne largement médiatisées via Vogue même et autres articles de street style. Faut-il dénoncer le manque de diversité des rédactrices qui influe sur la ligne éditoriale et cultive le cliché de la parisienne ? L’inclusivité et la diversité au sein des entreprises est un réel sujet qui prend aujourd’hui une place capitale. En juillet 2019, Chanel annonce créer un poste dédié à la diversité salariale. Le reflet de la culture d’entreprise devient un enjeux majeur et notamment l’importance d’incarner des valeurs inclusives en surface comme en interne fait écho à notre parisienne qui incarne ses valeurs dans son intérieur comme dans son apparence extérieure. Enfin, la parisienne de 1963 édifiée par Vogue illustre l’essence d’un style et d’un art de vivre qui laisse son héritage quelques décennies plus tard. Si la parisienne peut s’apparenter à un mythe, elle reste néanmoins ancrée dans le patrimoine français et témoigne d’un succès international. Faute de diversité physique, ethnique et sociale, elle restera un phénomène contesté mais néanmoins toujours médiatisé. Mars 2020, Ambre Chambon 7


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SOURCES ET CRÉDITS: La parisienne, histoire d’un mythe, Emmanuelle Retaillaud 2020 Je ne suis pas parisienne, Alice Pfeiffer 2019 La philosophie de l’argent, Georg Simmel Revues Toilettes Parisiennes, archives Vogue Gallica BnF Une Fille, Un Style, Vogue Paris Youtube The State Of Fashion 2020, Business Of Fashion

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