IN MEMORY OF TOMORROW
SOMMAIRE
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in memory of tomorrow
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AVANT-PROPOS
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MAKE FASHION WRONG AGAIN BUY LESS, WEAR MORE
12-15 16-19 20-23
CREATE NOW RE-MAKE LESS TIME FOR TIMELESS NO TREND IS THE NEW TREND DEATH FOLLOWS FASHION TIME TO REVIVE THE ASHES 3
AVANT- PROPOS
La mode n’a jamais été autre chose que la parodie du cadavre bariolé. Walter Benjamin
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Ce manifeste propose une lecture nouvelle sur la temporalité du système de mode actuel. Au regard de quelques exemples allant de l’actualité jusqu’à la création vestimentaire, cette proposition expose le paradoxe des contraintes économiques et créatives. La citation de Benjamin n’a jamais été aussi vraie dans un temps où la sacralisation du vêtement est arrivée à son paroxysme, influant ainsi sur la valeur que nous leur accordons. Quel souvenir garde-t-on de cette confusion temporelle ?
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Allant jusqu’à dix collections par an, l’industrie de la mode impose depuis quelques décennies un rythme de renouvellement considérable. Cette production incessante paraît pour le moins irréalisable autant du point de vue créatif, qu’économique. Pourtant, en France elle représente 154 Milliard d’euros de chiffre d’affaire (source IFM 2019). Mais aujourd’hui, avec l’impulsion d’enjeux écologiques majeurs, et des revendications économiques et sociales de plus en plus présentes, ce cycle n’a-t-il pas perdu toute légitimité ?
ORY ORROW
Walter Benjamin propose dans Paris Capitale du XIXe Siècle, Le Livre des passages une critique sur le système de mode qui pose les fondations d’un circuit éminemment paradoxal. Ainsi, ce rythme imposé à la mode engendre une certaine idéalisation du corps, où la créativité ne parvient plus à se modeler sur ses formes primaires. C’est de là que le corps est projeté vers un ailleurs qui fait de lui une entité sacralisée par la marchandise. A tel point qu’il en devient ce « cadavre bariolé » comme l’énonce le philosophe. Le facteur majeur qu’est la saisonnalité influe directement sur le vêtement et sa production. Cet impact se traduit donc de façon globale, autant sur le plan économique, sociologique que créatif. Il est nécessaire de réviser la question du cycle court et perpétuel du système de mode et d’envisager le vêtement comme l’image d’une société dans l’hyper-consommation. En quatre pistes de réflexions, ce manifeste est le point de départ d’un style revendicateur.
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MAKE FASHION WRONG AGAIN buy less wear more
CREATE NOW DESTROY NOW re-make
1. MAKE FASHION WRONG AGAIN
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LESS TIME FOR TIMELESS no trend is the new trend
Le 23 août 2019 paraissait au G7 le communiqué de presse « Fashion Pact » regroupant les grands acteurs du secteur de la mode. Il évoque 3 points d’engagement majeurs dans un but de sauvegarde écologique. Les grandes industries de la mode et du textile y sont encouragées à suivre ces engagements concernant le climat, la biodiversité et les océans. Or, si l’on s’en tient aux quelques propositions évoquées, la mesure d’action reste floue, et plutôt irréalisable pour de grands industriels. Si Kering propose ces mesures inédites pour un milieu comme la mode, sa posture ne s’énonce pas de façon radicale. L’intérêt même de ce pacte se trouve dans son contexte: il s’agirait probablement d’une volonté de communiquer sur un enjeu au coeur de l’actualité afin de valoriser l’image de ces marques. Mais ces actions vontelles se produire ? N’est-ce pas insuffisant vis-à-vis de la réalité écologique et économique ?
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Faisons de l’inaction politique une traduction stylistique. En effet, certains termes se répètent à plusieurs reprises dans ce programme, en appliquant ces actions sur le corps, l’idée d’une silhouette aux contours politisés s’articulerait au sens strict des termes.
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1.1 buy less wear more
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LESS TIME FOR TIMELESS no trend is the new trend
La question du « comment produire moins mais mieux » n’a plus sa place. Inutile de s’obstiner à trouver des mesures en vue de changer un empire industriel aux fondations solides. L’industrialisation de la filière textile était certes tardive par rapport aux autres industries, toutefois ses fondements témoignent aujourd’hui d’un système ultra-performant. Depuis l’approvisionnement des matières, en passant par la production jusqu’à la distribution des biens, la division des secteurs semble avoir prouvé son efficacité. Alors pour ce qui est du Fashion Pact, tenons-nous en aux quelques termes dans leur singularité. Usons du ton sarcastique pour jouer de l’absurdité des propositions. « Soutenir » est probablement le terme qui ressort le plus tout au long de ce pacte. Il n’est pas nécessaire de soutenir telle ou telle organisation comme le précise l’écrit, mais c’est à notre corps-même de soutenir cette charge de consommation produite depuis l’origine de l’industrialisation. Le désordre climatique n’a qu’à s’exprimer à travers notre vestiaire, un peu comme le montre Demna Gvasalia chez Balenciaga. En effet, son défilé SS 2020 propose un corps dans l’espace démocratique, avec une scénographie rappelant fortement les Nations Unies. Certaines silhouettes se noient sous un effet
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d’accumulation de couches de vêtements; esthétique explorée par Demna depuis quelques saisons. C’est le corps envisagé comme support, à l’anatomie inédite mais éloquente quant à un futur proche vers lequel nous tendons. La consommation a atteint son paroxysme et la commercialisation du vêtement a fait de la mode un monstre. Nous sommes le monstre qui avons donné naissance à cette industrie massive. Le monstre hors-norme, croulant sous la masse de textiles à l’image de la performance « Russian Doll », collection Automne-Hiver 2000 de Viktor & Rolf. Ce sont ces 70 kilos de vêtements qui s’accumulent sur le corps frêle du mannequin, qui aujourd’hui, avec une nouvelle lecture illustrent ce trop-plein. Le vêtement étouffe, envahit et oppresse le corps jusqu’à sa disparition quasi-totale. La mode prend le dessus et le corps n’en devient que fragilisé par cet amoncellement incessant. L’importance n’est pas de renouveler l’exclusif, mais bien de conserver sur soi ce qui est déjà acquis et d’en faire une stratification. Il n’y a plus de sens dans les discours politiques alors nous aussi devenons des non-sens. Un corps sans fin, ni commencement, un corps qui soutient la matière accumulée.
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2. CREATE NOW DESTROY NOW
L’effervescence des défilés, c’est là où se joue la sacralisation propre du vêtement. L’exclusivité suscite l’envie immédiate et le temps de distribution du défilé jusqu’à la boutique apparaît comme un temps trop long. Le luxe c’est aussi ça, vouloir, et posséder dans l’instant T. See now buy now est un outil marketing récemment apparu dans l’optique de vendre dès que le modèle a été vu lors du défilé. Le désir n’a plus de limite et l’aisance économique prend le dessus sur la raison. Parallèlement à ça, la maison Burberry provoque un scandale en juillet 2018 avec près de 31 millions d’euros d’invendus détruits. Dans la volonté de vendre le plus possible, les marques produisent des quantités astronomiques dépassant la réalité du marché. La fin de vie du vêtement est précipitée et la créativité en est réduite à un cycle qui s’intensifie. Une demande de nouveauté plus importante, une possession instantanée, et une destruction qui s’enchaîne, c’est ce qui engendre l’oubli de l’essence créative du vêtement.
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LESS TIME FOR TIMELESS no trend is the new trend
Dans Philosophie de la modernité, tome 1, Simmel affirme que les classes sociales sont à l’origine de cette rapidité du changement. Le vêtement ne serait qu’une projection permanente vers un futur qui nous échappe, toujours en quête d’un inconnu désirable. Comme le précisent Christel Carlotti et Gildas Miny dans leur essai Quelle est la spécificité de la mode en tant que modèle économique original ?, le système économique de la mode a tourné à la perversion. En effet, le consommateur habitué à ce renouvellement forcé de l’offre devient de plus en plus exigent et est amené à demander lui-même la prochaine pièce encore inexistante. La dématérialisation de l’acte d’achat (souvent compulsif) efface les étapes intermédiaires nécessaires à la production du vêtement. Le consommateur est entraîné dans ce cercle infernal qui ne cesse de vouloir produire de la nouveauté. Pourtant à vouloir considérablement réduire le cycle de vie du vêtement, nous en oublions l’aura de celui-ci. Sous le prisme de la mode et de ses enjeux contemporains, prenons l’exemple de l’exposition Monumenta au Grand Palais, où Boltanski nous confronterait violemment avec l’image de la conséquence du consumérisme inconscient. La montagne de vêtements sur laquelle sont proje-
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tées d’autres pièces révèle un amas de textiles à peine reconnaissables dans leur individualité. De même que les pièces allongées au sol renvoient une image glaçante d’un cimetière où serait enterrés des cadavres de vêtements. Le cadavre bariolé comme le mentionne Benjamin, c’est aussi cette vision d’un vêtement sans vie, d’un vêtement qui a sombré dans l’oubli d’une conscience bien trop peu éveillée. La notion d’unicité n’a plus sa place dans une société d’hyper-consommation, ainsi la valorisation du processus créatif autour du vêtement est délaissée pour une simple image éphémère. Peut-être faudrait-il reprendre le pouvoir sur notre sens de la consommation ? Peut-être que la récupération d’un vêtement avec une histoire déjà existante pourrait remédier à cette problématique. Avec un marché de la seconde-main de plus en plus présent et la notion de story-telling souvent exploitée, le terrain est favorable à la valorisation de l’histoire du vêtement.
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2.1 re-make
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Conserver pour ré-utiliser. Quand bien même le vêtement serait usagé, c’est bien cela qui souligne la valeur essentielle d’une pièce. Walter Benjamin affirme notamment « Mais les guenilles, le rebut ; je ne veux pas en faire l’inventaire, mais leur permettre d’obtenir justice de la seule façon possible : en les utilisant ». Le vestiaire peut donc s’apparenter à un cabinet de curiosité, espace clos où seraient conservées ces reliques. L’usure naissante, la déchirure, la loque, les fragments d’un vêtement ne sont pas signe d’une vieillesse dépassée mais d’une histoire valorisée. Le vêtement doit témoigner du passé pour dévoiler une caractéristique de beauté singulière. Le corps serait la monstration d’une démarche archéologique. A l’image de la collection Automne Hiver 2009 d’Alexander McQueen où le créateur a récupéré certaines de ses anciennes pièces (décor/vêtements) de façon à les ré-utiliser comme un patchwork au sein de sa collection. Ce geste est encore travaillé par Sarah Burton qui en fait l’ADN de la marque.
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La création vestimentaire doit donc se faire comme un assemblage de fragments à partir de ce qui est déjà existant. La matière n’a plus besoin d’être créée, elle existe déjà en quantité suffisante. Le processus de création peut désormais se prêter à la valorisation de la matière usée.
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3. LESS TIME FOR TIMELESS
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Les saisons étaient à l’origine de la cadence créative du système, or de nos jours l’offre a dépassé la contrainte liée au climat. Les cabinets de tendances proposent chaque année des carnets autour de pistes d’inspiration (les couleurs, coupes, destinations, atmosphères) sujets à un intérêt de masse. La presse et les réseaux sociaux participent à cette accélération de la nouveauté. A chaque saison sont proposées des tendances qui se noient parmi la diversité de l’offre. Ce n’est pas une jupe-culotte qu’il faut porter pour la saison automne-hiver 2019 mais LA jupe-culotte Celine. Pourtant ce modèle sera repris est recopié à l’infini par les entreprises de fast-fashion, tout en créant une saturation du marché. Par conséquent, il y a une hyper-proposition de ce qui est conseillé à porter à un instant précis, et immédiatement après la tendance s’efface pour une nouvelle. Si l’entreprise d’intelligence artificielle Heuritech a développé un outil comme prévision des tendances, l’intérêt de vouloir limiter et préciser les tendances au potentiel certain, ne vient pas arranger le problème de surproduction.
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La courbe de vie d’une tendance est très limitée comme l’explique Antonio Rafele dans sa thèse La mode et la mort, et cela s’est accéléré avec Instagram et l’envie de faire événement autour d’une attitude, d’une silhouette. L’éphémère ne doit plus s’imposer comme leitmotiv inhérent au système de mode.
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3.1 no trend is the new trend
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Finissons-en avec les tendances qui prônent la gloire de l’éphémère. L’ère est venue à la longévité et la persistance du style dans le temps. La diversité des coupes et des matières n’ont plus de sens dans une société où la problématique écologique nous submerge. Revenons à une singularité et surtout à la fonction initiale du vêtement. Certains s’étonnent des allures proposées par Slimane chez Celine, pourtant la cohérence de ses collections reflètent bien l’idéologie « La mode passe le style reste » d’Yves Saint Laurent. En effet, si les allures d’une néo-bourgeoise demeurent quasiment identiques, cette armée de clones Celine sont évocateurs de codes esthétiques propres à une identité. Pourquoi changer radicalement de style alors que l’adoption d’un seul et même vestiaire suffit à nous habiller été comme hiver ? Plus besoin de diversifier les formes, les couleurs. La tendance, c’est le vestiaire au style linéaire qui marque une forme d’intemporalité.
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Un certain minimalisme s’impose: pas de motif, de matière trop innovante ni de détail hyper-stylisé. Le vêtement doit revenir à une sobriété qui serait elle-même éloquente de l’aisance expressive. La parisienne de Slimane au-delà de ses vêtements est reconnaissable parce qu’elle incarne déjà cette bourgeoise rive Gauche, le vêtement ne fait que renforcer cette image.
Privilégions la neutralité et la cohérence stylistique. Quand bien même le vêtement serait une vitrine de notre personnalité, cette fonction n’est pas dans l’absolu indispensable à la compréhension d’une allure. 19
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4. DEATH FOLLOWS F(ASH)ION
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Nous le savons déjà, la mode est la 2e industrie la plus polluante dans le monde, et pourtant nous persistons à vouloir produire en suivant un calendrier bien rythmé. L’économie autour de ce système et si performante qu’il en est difficile de s’en détacher. Nous avons vu que le vêtement est après tout lié directement au facteur temporel (le calendrier, la saison), à l’économie (la production, la distribution, la communication) mais aussi à la relation au corps (psychique et physique). Ainsi s’établit ce fétichisme autour du corps de mode comme le décrit Walter Benjamin. La courbe de vie d’un vêtement est devenue tellement courte, qu’à peine créé le désir est déjà mort. Et c’est bien cette notion de mort qui est constamment présente, bien qu’aux premières apparences, la mode semble s’en éloigner. La mode est entourée de vanités, la mode par essence n’est que l’apparence de l’éphémère, elle est immédiate et s’apparente donc bien à ce cadavre bariolé auquel faisait référence Benjamin. La Comtesse Greffulhe illustre cette relation inhérente entre la mode et la mort lorsqu’en 1892 elle rédige un testament plutôt atypique, dans lequel elle explique avec précision la façon dont elle veut être vêtue à sa mort. Jusqu’à son cercueil, l’élégance l’habillera accompagnée des fragments de ses souvenirs, comme si la mémoire était mise
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à égalité avec la mode. Une intimité s’est construite entre le vêtement et le corps, puisque l’individu en s’habillant se pare d’une seconde peau, un corps fantôme qui n’est de passage que pour quelques temps. Et paradoxalement, nous fuyons le vieillissement du corps. Les pièces vestimentaires s’accumulent comme des reliques au fond du placard, le corps n’est finalement qu’une vitrine sociale. C’est la notion de « conspicuous waste » qu’établit l’économiste Thorstein Veblen, autrement dit la prodigalité ostentatoire, qui accompagne le cycle de vie du vêtement et le mène vers sa fin. Ce besoin d’assouvir un désir n’est pas uniquement présent chez le consommateur, il a aussi sa place à la genèse de la création comme le mentionnait Alexander McQueen: « It was like exorcising my ghost ». En quatre siècles, la mode s’est imposée comme un système auto-destructeur, avec une envie de créer de la nouveauté, répondre à une demande de plus en plus variée, alors qu’aujourd’hui les contraintes écologiques, sociales et économiques sont inévitables.
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4.1 revive the ashes
Comment fabriquer du permanent à partir du transitoire ? Si cette question semble impensable autant d’un point de vue technique qu’esthétique, il faut néanmoins tenter d’y répondre à travers quelques propositions.
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- Le corps ne doit pas craindre le vieillissement, tout comme le vêtement ne doit pas effacer les traces du temps, au contraire, ils doivent être une glorification du passé. En effet, les peintures du XVIIe siècle qui sont aujourd’hui considérées comme des oeuvres majeures faisaient de la vanité un art à part entière. Elles montraient notamment la prospérité de la société dans une économie en plein essor. La silhouette peut elle aussi se confronter à cette épreuve du temps, en sublimant la putréfaction et le signe de la mort. Le vêtement peut ainsi s’apparenter à une réflexion du temps. - La couleur vive signifiant la nouveauté, il faudrait bannir toute couleur trop éclatante qui viendrait détruire la simplicité donné par les teintes naturelles. Les couleurs ocres, terres, le blanc, le off-white, les carbones peuvent suffirent à créer la constitution d’un vestiaire. - Comme énoncé précédemment, la stratification du vêtement témoigne de l’absurdité du système de mode, alors c’est aux pièces de se superposer et ainsi laisser entrevoir la particularité de chacune d’entre elles. La saison n’est plus un critère fiable pour s’habiller comme le souligne la journaliste Vanessa Friedman dans un article du New York Times: « the absurdity of adhering to the traditional
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seasons and seeing clothes you can’t buy or wear for six months ». Les matières peuvent alors se fusionner pour s’adapter à la non-saisonnalité et ainsi créer un jeu de superposition. Les strates se construiraient en fonction du climat: de la couche la plus fine à la plus épaisse pour permettre l’amovibilité du vêtement. Les quelques hypothèses exploitées par Hussein Chalyan sont très éloquentes vis à vis des enjeux actuels. Le créateur voit le vêtement comme une enveloppe du corps. Cette protection est souvent symbolisée dans ses collections notamment dans Medea ( Printemps-Été 2002) où les couches de soie et de coton sont semblables à une fouille archéologique et laissent place à la mémoire du vêtement dans son état actuel. Tout comme sa collection de fin d’étude qui était déjà un geste fort propre à son esthétique; en effet The Tangent Flows (1993) dévoile un vêtement vieilli sous l’effet de l’enterrement. L’approche philosophique de Chalyan transcende le vêtement, pour lui « Le vêtement est un fantôme de toutes les vies multiples qu’il peut avoir eues ». Considérons cette philosophie comme une esthétique à adopter. Le vêtement et le corps doivent honorer la mémoire du temps. Faisons de la mode une anthropologie nouvelle. Le temps est venu du prestige de la lenteur et du souvenir. 23
SOURCES
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Paris Capitale du XIXe siècle, Le Livre des Passages Walter Benjamin 1934 Fashion Pact Kering 2018 Philosophie de la modernité, tome 1 Simmel 1989 Testament de la Comtesse Greffulhe 1892 Quelle est la spécificité de la mode en tant que modèle économique original ? Christel Carlotti, Gildas Miny IFM 2007 La mode et la mort Antonio Rafele 2007
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CRÉDITS
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Ambre Chambon ÉCOLE DUPERRÉ PARIS JANVIER 2020
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