Actes des conférences | La Terre est notre métier 2013
ACTES DES CONFERENCES Les conférences du salon La Terre est Notre Métier 2013 se déroulent sur 3 journées, du vendredi 11 octobre au dimanche 13 octobre 2013. Au total 18 conférences de 1h30 sont programmées sur ces trois journées. Elles sont organisées en partenariat avec les GAB bretons, les Civam de Bretagne, la CIRAB, et font intervenir des techniciens ou animateurs des GAB ou des Chambres d'agriculture, des producteurs, des chercheurs de l'INRA, etc. Ces conférences s'adressent aux agriculteurs bio et conventionnels, aux techniciens et animateurs du développement agricole durable, aux étudiants et élèves en formation, futurs ingénieurs agronomes, aux distributeurs et transformateurs et ainsi qu'aux élus. Les actes contenus dans ce document sont des résumés des présentations orales faites lors des conférences du Salon La Terre est Notre Métier 2013. Ce document est publié avant les conférences afin de pouvoir les diffuser directement sur le salon. Il est donc possible que les présentations orales diffèrent légèrement en fonction des orientations qu'apportera le public. Ces actes sont également disponibles sur le site Internet du salon: www.salonbio.fr/
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Actes des conférences | La Terre est notre métier 2013
Table des matières 1 - Quel développement pour les filières biologiques ? Stratégie et avenir du marché
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2 – S’installer en maraîchage biologique
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3 – Certificat d’obtention végétale, quel avenir pour les semences paysannes ?
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4 – Choix variétal en légumes biologiques : le point de vue de 2 stations d’essais bretonnes
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5 – Comment gérer l’adaptation de son troupeau laitier en cas d’aléas climatiques
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6 – Agroforesterie : quels intérêts pour l’agriculture biologique ?
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7 – OGM. Tous cobayes
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8 – La nécessité d’une sélection bio pour assurer la diversité des variétés et pour une souveraineté alimentaire
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9 – L’organisation collective pour structurer les filières : l’exemple de la filière lait bio
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10 – Alimentation 100% bio en élevage de monogastrique. Quelles pistes sont explorées par la recherche
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11 – Manger bio et local en restauration collective en conciliant équilibre budgétaire, équilibre alimentaire et éducation au goût
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12 – Adaptation des variétés de chanvre au contexte pédoclimatique breton
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13 – « Je veux m’installer… Je veux accueillir des porteurs de projet sur ma ferme… Je veux transmettre… » Les nids d’activité : des formes innovantes d’installation transmission sur les fermes existantes
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14 – La bio pour tous : exemples d’initiatives sociales et solidaires
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15 – Maïs population : comment valoriser les expériences du réseau breton ?
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16 – L’indépendance économique et financière des femmes agricultrices
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17 – Circuits courts et circuits longs : comment conjuguer les modes de commercialisation
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1. Quel développement pour les filières biologiques ? Stratégie et avenir du marché Table ronde animée par Romuald Bonnant, journaliste à France 2. Intervenants : Jean-Pol Kerjean, directeur de maison Grand Ouest, Biocoop Christophe Baron, président de Biolait, éleveur laitier bio à Allaire (Morbihan) Joseph Rousseau, président du Cerafel Alain Delangle, agriculteur biologique, administrateur de la FNAB Delphine Stroh, Carrefour
I - La nouvelle économie bio selon la FNAB par Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB. Définir ce que l'Économie Bio apporte à ses acteurs - producteurs, consommateurs, citoyens, territoires - est une question essentielle si l’on souhaite développer de façon pérenne l’agriculture biologique. Nous sommes constamment confrontés au discours dominant de la « compétitivité prix ». C’est pourquoi les producteurs biologiques français souhaitent montrer comment ils « font économie », comment et pourquoi la bio doit être une partie intégrante de la transition écologique et sociale du modèle agro-alimentaire. Le « changement d’échelle » de l’agriculture biologique ne peut pas être abordé par la seule logique de la compétitivité des filières : la course à une taille critique, l’hyperspécialisation, l’intégration des producteurs… Non seulement ces démarches basées sur la pression négligent les aspects environnementaux et sociaux, mais elles aboutissent à des systèmes de production totalement déséquilibrés. On pourrait aussi s’interroger sur la compétitivité de ces filières agro-alimentaires. Elles sont souvent dépendantes du financement public des investissements industriels, sans compter les soutiens de la PAC. Mais avec quelle légitimité et quels bénéfices pour la société ? La filière biologique a su innover et proposer de nouvelles pistes. Nos modèles d’organisations sont riches de liens aux autres, et respectent l’environnement. Ils redonnent aux fermes un rôle majeur au sein d’un territoire. Celles-ci créent et entretiennent le bien public à long terme (qualité des sols, de l’air et de l’eau) et l’identité culturelle (paysage, réseaux sociaux, lien entre producteurs et consommateurs…). Ce projet répond aux enjeux de société d’aujourd’hui et de demain : l’alimentation, la cohésion entre les espaces urbains et les campagnes, l’emploi sur les territoires, la reconquête d’un environnement sain et de terres fertiles... Et ce projet, nous voulons le partager, le soumettre à vos avis, car il nous concerne tous.
II – Stratégie commerciale de Biocoop par Jean-Pol Kerjean La politique commerciale de Biocoop ne se comprend que dans une stratégie générale de
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développement de la Bio qui est à l’origine de notre mouvement. Nous voulons développer l’agriculture bio, et une agriculture paysanne de proximité, en cohérence avec les fondamentaux de la bio ; notamment le lien au sol, l’équité des échanges, la saisonnalité, etc. Notre réseau se veut plus qu’une simple enseigne de distribution, elle veut participer à la construction de filières. En ce sens, nous prenons le contrepied d’une évolution ouverte par le nouveau cahier des charges européen : distension du lien au sol, mondialisation des approvisionnements, opacité des origines, transport en avion, etc. Pour Biocoop, cela a pour conséquence un choix de gamme qui privilégie la relation durable avec des producteurs organisés (ainsi Bio direct, Biolait, l’APFLBB et d’autres organisations de producteurs sont sociétaires de la coopérative Biocoop au sein d’une section agricole). Donc nous ne répondons pas systématiquement à la demande du consommateur : par exemple sur du suremballage ou des produits désaisonnalisés. Un cahier des charges qui oblige nos magasins sociétaires à privilégier le local et à respecter les saisons Nous avons une vision très « filière » de notre marketing, qui peut conduire à proposer une bio « chère ». Nous compensons par la promotion des produits basiques comme le vrac au détriment des produits sophistiqués ou suremballés, mais cela demande à ce que nous accompagnions nos clients dans une autre façon de consommer (moins jeter, refaire des plats simples, moins de protéines animales, etc.) Je peux illustrer l’incohérence d’une certaine bio, avec une histoire du lait bio allemand qui arrive en Bretagne ; ou des tomates bio d’Almeria (Espagne) qui n’ont jamais vu la terre. Ces chaines longues sont facteurs d’opacité et de dérives. Par ailleurs, en termes de maillage du réseau nous voulons être proche du consommateur idéalement (c’est le cas en Bretagne) avoir toujours une Biocoop à moins de 20 minutes d’accès. Nous promouvons pour cela des formats de magasin de proximité : 200 à 400m². On peut aussi expliquer comment nous sommes organisés pour accueillir des créateurs de Biocoop (une vingtaine par an), en leur donnant à la fois une culture de la bio « selon Biocoop » et des apports de professionnalisme en gestion management commercial. Nous insistons sur la qualité de l’accueil et du conseil, afin que les courses en soient plus une corvée pour les consommateurs. En fait, nous essayons de combiner exigence sur le produit, ses qualités intrinsèque et extrinsèques, et une ouverture à une bio gouteuse simple et abordable.
III – BIOLAIT : UNE ORGANISATION COMMERCIALE DE PRODUCTEURS par Christophe Baron Qui sommes-nous ? Regroupant à ce jour plus de 600 fermes certifiées "bio", la SAS Biolait collecte leur lait sur 53 départements en France. Cette collecte est réalisée par une quinzaine de camions, propriété du groupement, et par des accords de sous-traitance avec d’autres entreprises. Une quarantaine de salariés assurent toutes les tâches de collecte, suivi qualité, organisation logistique, négoce du lait, comptabilité et relations avec les producteurs. Un conseil d’administration de 15 producteurs fortement impliqués fixe les orientations et anime la vie démocratique du Groupement très attaché à un fonctionnement de type coopératif.
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Nos produits Au service des entreprises de transformation laitière, Biolait commercialise du lait entier et les produits industriels issus d’une première transformation (poudre grasse, poudre écrémée, crème, lait écrémé etc.) A travers ces différents produits et par ses contacts avec les transformateurs, le Groupement joue un rôle de passerelle permettant à la filière d’optimiser au mieux l’équilibre matière. Biolait, entreprise 100% bio, assure une traçabilité de ses produits vendus. Une charte de qualité interne est en cours de réalisation pour conforter ces exigences d’une bio parfaitement tracée et garante de son éthique d’origine auprès du consommateur. Notre stratégie commerciale Elle vise tout d’abord l’ensemble des transformateurs laitiers français. Une cinquantaine d’entre eux ont ainsi contractualisé leur fourniture de lait biologique avec Biolait. Ils bénéficient ainsi d’une logistique adaptée à leurs besoins tant sur les quantités que sur les périodes de livraison. Cela leur permet d’optimiser au mieux leurs outils industriels. Attaché à une éthique dans les relations économiques, le Groupement Biolait participe aussi à des partenariats tripartites associant producteur, transformateur et distributeur. C’est sur ces bases que s’est construit il y a une douzaine d’années la relation avec le réseau de distribution spécialisé BIOCOOP sur toute une gamme de produits laitiers. Plus récemment, un accord avec le groupe Système U et la Laiterie Saint Denis de l’Hôtel a permis de structurer la fourniture de lait conditionné pour le groupe coopératif de distribution. Avec le souci de poursuivre le développement de la bio en France, tout en préservant le nécessaire équilibre des marchés, Biolait s’intéresse aussi depuis quelques mois aux marchés exports. Des échanges se développent au niveau Européen et une prospective vers des marchés plus lointains dans des pays qui ne disposent pas de lait biologique a été engagée depuis un an.
IV - CERAFEL, premier groupement Bio français en volume par le Cerafel Le Cerafel, anciennement Comité Economique Agricole Régional "Fruits et Légumes" de la région Bretagne, est désormais, depuis les réformes successives de l’organisation commune des marchés et de l’organisation économique de la filière des fruits et légumes intervenues en début d’année 2008, une Association d’Organisations de Producteurs (AOP) reconnue par arrêté du 4 décembre 2008 paru au JO le 5 février 2009. Cerafel regroupe 7 organisations de producteurs (OP) et représente près de 2 100 exploitations en fruits, légumes frais, horticulture et plants de pommes de terre. Son Président, Joseph Rousseau, est producteur de légumes et de fraises dans les Côtes d’Armor et l’OP (UCPT Union des Coopératives de Paimpol et Tréguier) dont il est vice-président, est membre de Cerafel. Sous l’élan des producteurs, avec à leur tête Alexis Gourvennec, la Bretagne a, dès 1962, mis en place une organisation économique de la filière légumes frais bretonne. C’est ainsi qu'ils ont fondé la SICA (Société d’Initiative et de Coopération Agricole), puis le Cerafel grâce à la loi d’orientation agricole qui a donné à cette évolution un cadre juridique. Grâce à cette organisation, les producteurs ont pu pendant plus de quarante ans réguler et coordonner le marché des principaux fruits et légumes bretons.
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Cerafel est une Organisation Professionnelle Agricole gérée par les producteurs, ce qui signifie que dans toutes les instances de décisions, les délégués sont des agriculteurs mandatés par leurs organisations de producteurs. C’est en 1997 que quelques producteurs conventionnels, adhérents de Cerafel ont commencé leur conversion vers le bio, et créé leur commission régionale. En 2011, plus de 12 300 T ont été produites sous le logo AB. Le premier groupement Bio français en volume Les volumes ont sans cesse progressé depuis les premières conversions avec une augmentation encore plus marquée ces dernières années. Les surfaces ont ainsi été multipliées par 3 les 5 dernières années. C'est le fruit de la mise en place de nouvelles conversions mais aussi de la conversion progressive de certaines exploitations. Les crucifères (chou, brocolis...) représentent une part importante des volumes mais des produits de diversification se sont également développés, c'est le cas notamment des cultures sous-abris, ou encore des légumes anciens. Ces légumes bio sont vendus dans toute l’Europe sous les logos AB et Bio Européens. Des produits "bio" frais, et transformés La vocation première de Prince de Bretagne est l’approvisionnement du marché du frais mais la transformation constitue également un débouché de taille pour ces produits qui font l’objet d’une préoccupation constante : la maîtrise de la qualité avec le respect par les Organisations de Producteurs d'un cahier des charges pour chaque produit. De plus, la gamme bio est également investie dans la recherche avec, en particulier, la station expérimentale spécialisée dans le bio à Pleumeur-Gautier.
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2. S’installer en maraîchage biologique Intervenant : Manu Bué, technicien maraîchage au GAB 29 Maraîchage bio : quelle durabilité ? (d’après les travaux de Moana Freeman). Le bio est à la mode, et le maraîchage bio attire beaucoup de porteurs de projet, notamment issus de milieu sans attache agricole et donc avec des difficultés d’accès au foncier et des manques fréquents de réalisme sur le métier d’agriculteur. Cette vague est marquée depuis 5 ans, puisque, pour illustration dans le Finistère, le nombre de maraîchers bio en circuit court est passé de 25 en 2003, à 75 en 2009, et 110 en 2012. Afin de mieux conseiller les candidats à l’installation en maraîchage bio, et de leur donner des repères sur le plan économique, il était nécessaire de compléter une première étude réalisée sur le sujet en 2006. Ainsi, sur 2009-2010 et après dépouillement, les données de 25 structures maraîchères, plus ou moins âgées, permettent d’en dessiner le portrait et les ‘performances’ économiques. Une étude complémentaire sur 2013 permet de dresser des typologies de fermes plus ou moins récemment installées, et de mettre en relief les facteurs de réussite (synthèse en cours). Voici quelques éléments, non-exhaustifs, du métier de maraîcher… Sur l’échantillon, voici quelques grands traits. •
Le statut juridique de l’exploitation individuelle est majoritaire à hauteur de 56%, avec : o le choix du forfait agricole en régime fiscal pour 80% o l’assujettissement à la TVA pour 71% o un âge moyen d’installation entre 30 et 35 ans o 19% des chefs d’exploitation sont des femmes
•
la surface moyenne pour une activité de maraîchage uniquement est de o 3,54 ha de SAU o dont 2,69ha de cultivés en plein champ et o 1880m² cultivés sous abri (serres froides) o une diversité de cultures, en moyenne 37 espèces et/ou cultivars
Où les maraîchers individuels…ne travaillent pas seuls …mais travaillent beaucoup L’étude ne recense aucune structure d’une seule UTH, les écarts mesurés s’étalent de 1,1 à 3,7 UTH. Organisation individuelle OIT Nombre d’UTH 1,71 dont MO familiale 0,46 dont MO salariée 0,19 dont MO stagiaire 0,06
% de travail moyen effectué 100% 23% 11% 3,5%
Organisation collective OCT 2,65 0,17 0,10 0,09
% de travail moyen effectué 100% 6,4% 3,7% 3,4%
Il apparaît l’intervention d’une main d’œuvre familiale quasi systématique dans les structures individuelles, ou la présence d’une main d’œuvre salariée dans le cas d’absence de disponibilité familiale. Enfin, le temps de travail moyen, par semaine et par UTH, est déclaré à 49h pour le groupe OCT (de 37 à 60h/semaine) et 45h pour le groupe OIT (de 25 à 70h/semaine).
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Moyennes Surface cultivée en ha Surface cultivée ha/UTH Temps de travail hebdomadaire /UTH Temps de travail hebdomadaire /ha de surface cultivée/UTH
Groupe OIT 2,18 1,27 44,75 35,23
Groupe OCT 4,12 1,55 48,96 31,58
Ramenés à l’unité, ces chiffres indiquent un moindre temps de travail en organisation collective, soulevant trois raisons cumulables : • • •
Une meilleure optimisation du temps quand on travaille à deux et plus, Une moindre diversité de cultures, Des économies d’échelle (plus grande surface cultivée par espèce).
Il apparaît que le temps de travail et le chiffre d’affaires n’ont pas de lien direct, néanmoins les meilleurs ratios apparaissent sur les systèmes avec une main d’œuvre salariée à l’année et des installations de plus de 9 ans, au contraire des ratio plus défavorables sur les installations de moins de 5 ans. Quelle composition de ce temps de travail ?
Les semaines chez les maraîchers qui pratiquent la vente directe, sont rythmées par la vente et la préparation des légumes pour la vente. Les autres tâches sont moins bien définies par les maraîchers. Les temps de repos sont comptés, avec peu de vacances : Moyennes Groupe OIT Vacances (nb jours/an) 15,47 Repos (nb de jours/semaine) 1,38 Régularité des jours de repos 75%
Groupe OCT 25,25 1,19 78%
Quel mode de vente ? Par prudence ou habitude, les maraîchers vendent en moyenne par l’intermédiaire de 3 types de vente. En premier, les marchés de plein vent sont plutôt importants : • •
1,8 pour le groupe OIT, 2,7 dans le groupe OCT
La vente en paniers est souvent le deuxième mode de vente, avec en moyenne 43 paniers par semaine en individuel, 56 pour le collectif.
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La multiplication des modes de vente ne procure pas un chiffre d’affaires par UTH élevé ; c’est plutôt la fréquentation des lieux de vente (marchés estivaux, en grande ville,…) et la régularité de la clientèle qui semble être la clé. Malgré tout, la commercialisation en système paniers (de 35 à 200 paniers/semaine) est un élément commun aux structures qui présentent un CA/UTH élevé. Des éléments économiques particuliers Peu d’investissements, et une forte valeur ajoutée : voilà en résumé ce qui peut ressortir de quelques chiffres recueillis, chiffres à prendre pour ce qu’ils sont, étant donnée la non obligation, au régime forfaitaire, de livrer une comptabilité certifiée au Centre des Impôts. Mais les relevés sur cahier de caisses permettent de cerner plusieurs facteurs clé, et de donner des indicateurs. Ce qui ressort : • les producteurs en organisation collective ont un plus gros volume de production à l’hectare de surface de culture, que les individuels, • les charges opérationnelles sont très variables, plus que les charges de structure, avec une moyenne de MSA à 2098 /ferme individuelle par exemple, • des taux d’endettement moyen (annuités/EBE) de 12% (OIT) et 18% (OCT) (calculés sur des échantillons différents du tableau de synthèse ci-dessus). - Efficacité commerciale (rapport EBE sur produit) Pour rappel, l’EBE doit couvrir les annuités de la banque, les besoins privés de la famille et un peu d’argent de côté (= capacité d’autofinancement). Le rapport EBE sur produit est en moyenne de : • 33% pour OIT, • 55% pour OCT Ces chiffres sont sans commentaire : les systèmes collectifs sont une fois et demi plus efficaces que les systèmes individuels. - Investissements de départ Dans tous les cas la plupart des maraîchers s’installent avec peu de moyens financiers, comparativement à d’autres secteurs comme l’élevage, et investissent majoritairement dans du matériel d’occasion. Valeurs moyennes des investissements de départ : • 29 019 en OIT (groupe OIT), • 74 730 en OCT (groupe OCT) Valeurs moyennes de l’actif immobilisé : • 28 761 en valeur vénale (groupe OIT), • 53 475 en valeur comptable (groupe OCT) - Prélèvements Sur un échantillon de 21 réponses, les prélèvements paraissent très bas, trop bas pour un métier d’entrepreneur, cependant, ils sont satisfaisants pour environ 55% des producteurs, et pas satisfaisants pour 17%. Conclusion : comment améliorer la situation ? C’est d’abord pour un changement de vie, en accord avec des valeurs, que de nouveaux producteurs s’engagent dans la voie du maraîchage, avec une moindre prise de risque financière, mais également une moindre rentabilité au tournant. Pourtant cette étude montre la ligne à suivre : le travail à plusieurs, permet des meilleures conditions de production et de vente, en réfléchissant à des synergies au sein de structures (GAEC) ou entre producteurs (GIE, entraide…).
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Ce métier pénible gagnera aussi par une meilleure ergonomie de travail (postures, mécanisation, réussite technique, planification), pour moins d’heures pénibles et plus de vacances.
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3. Certificat d’obtention végétale : quel avenir pour les semences paysannes ? Intervenant : Guy Kastler : Ancien éleveur bio dans l’Hérault, il est chargé de mission de Nature & Progrès, délégué général du Réseau Semences Paysannes et assume des responsabilités nationales à la Confédération paysanne depuis plusieurs années. Il représente la Confédération paysanne au sein du comité économique, éthique et social du Haut Conseil des Biotechnologies. Que vivent les semences paysannes ! Condensé d'un article publié en intégralité dans le n°238 de Biocontact, septembre 2013 « Il n’y a pas de souveraineté alimentaire sans respect des droits des paysans d’utiliser et d’échanger leurs semences, boutures, plants et greffes. Ces droits sont niés par les lois qui permettent à dix sociétés transnationales de contrôler les trois quarts du commerce mondial de semences. Celui qui contrôle les semences contrôle les peuples… » La Commission européenne a proposé le 6 mai dernier de nouveaux règlements qui d'un côté semblent ouvrir de nouvelles opportunités pour les semences paysannes, mais de l'autre côté renforcent la confiscation des semences par les brevets et les certificats d’obtention végétale (COV), les normes sanitaires, la privatisation du contrôle des marchés et l’impossible coexistence avec les OGM. Ils anticipent la fusion législative euro-américaine du futur traité transatlantique de libreéchange. Les droits collectifs d’usage des semences paysannes L’agriculture est née lorsque des hommes ont reproduit les plantes répondant à leurs besoins. Les sélections paysannes nous ont légués des centaines de milliers de variétés locales, toutes riches d’une grande diversité interne. Cette diversité est le produit de l’adaptation des plantes à la diversité des terroirs, à la variabilité des climats, aux évolutions des besoins humains et des techniques de culture. Les paysans l’ont obtenue en choisissant régulièrement une partie de leur récolte pour la ressemer et en échangeant régulièrement leurs semences. Dans chaque communauté paysanne, des droits d’usage collectifs, souvent non écrits, garantissent la conservation et le renouvellement des variétés locales, du stock semencier nécessaire aux prochains semis, sa protection contre les maladies, les ravageurs et les guerres. L’« amélioration » des plantes, le catalogue et le COV Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat français met en place une politique semencière publique. L’Inra (Institut nationale de la recherche agronomique) est chargé de sélectionner au sein de l'immense diversité des semences paysannes quelques « variétés élites » adaptées aux nouveaux engrais et pesticides chimiques qui suppriment la diversité des terroirs. La diversité et la plasticité des semences paysannes n'a plus accès au marché, interdite par le catalogue qui n'autorise la commercialisation de semences que si elles appartiennent à une variété de ces variétés « Distincte, Homogène et Stable (DHS) ». En 1961, le COV garantit à l’obtenteur le monopole exclusif de commercialisation de semences de sa variété DHS. L’utilisation de cette variété reste néanmoins libre pour en sélectionner d’autres et ce premier COV ne limite pas non plus les semences de ferme reproduites par les agriculteurs. Les marqueurs du brevet Dès les années 1980, les marqueurs moléculaires permettent d’identifier les gènes et les caractères
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des plantes dans les semences de ferme, dans les produits des récoltes et aussi après un croisement avec une nouvelle variété. Brevetés, ils permettent d'interdire les semences de ferme et toute nouvelle sélection. Mieux : ce brevet vagabonde d’une plante à l’autre avec les pollens et les graines transportés par les abeilles, le vent, les animaux, les machines ou les hommes. Il n’a plus besoin du catalogue pour interdire les semences fermières et s'emparer des semences paysannes. C’est ainsi qu’en moins de quinze ans, plus de 90 % des principales cultures américaines sont devenues des OGM brevetés, tandis que le prix de leurs semences était multiplié par quatre. Pour résister à cette nouvelle concurrence, les obtenteurs modifient le COV. En 1991, le système « open source » de 1961 devient une mauvaise copie du brevet qui fait des semences de ferme une contrefaçon. La loi sur les COV de 2011 les interdira en France ou, pour 21 espèces, les soumettra au paiement de royalties reversées aux obtenteurs. Les nouveaux brevets arrivent cachés Les premières plantes brevetées arrivent en Europe avec les OGM. Grâce à l’opposition de la société civile et à la résistance des faucheurs volontaires, leur culture s’est peu développée. Mais d’autres OGM brevetés envahissent les champs beaucoup plus discrètement : les tournesols, maïs et autres colzas mutés tolérants aux herbicides. Bien qu’elle les définisse comme OGM, l'Europe les exonère de toute réglementation. En l’absence d’évaluation, on ne sait rien de l’impact sanitaire de la consommation alimentaire de ces plantes qui ont absorbé des herbicides sans mourir. Et on ne tient pas compte de leur impact environnemental : utilisation accrue d’herbicides pour combattre les plantes sauvages devenues à leur tour tolérantes. D’autres brevets protègent aussi désormais des caractères dits « natifs », naturellement présents dans les plantes : brocoli, oignon, melon, laitue, piment, concombre… Toutes les semences deviennent ainsi la propriété exclusive de celui qui décrit un de leurs caractères associé à des marqueurs moléculaires ou biochimiques. Et si les supermarchés qui vendent des plantes entières ont toujours besoin de légumes et de fruits parfaitement calibrés issus de variétés DHS, ce n’est pas le cas de la nouvelle « économie de la biomasse » : quelle que soit la variété ou l’espèce végétale, la seule chose qui l’intéresse est l’association de fibre végétale indifférenciée à quelques caractères brevetés permettant la production industrielle de carburants, de plastiques, de cosmétiques, de médicaments ou de matières alimentaires industrielles. Quant aux nouveaux OGM qui contiennent jusqu’à 14 transgènes, il devient impossible de les homogénéiser et de les stabiliser. Les nouveaux breveteurs des plantes ne veulent plus standardiser les variétés pour les inscrire au catalogue. Pour qui assouplir le catalogue ? La proposition de nouveau règlement européen répond à plusieurs demandes des défenseurs des semences paysannes, biologiques ou anciennes : elle confirme que les agriculteurs peuvent échanger leurs semences sans les enregistrer au catalogue ; elle autorise les micro-entreprises (ne réalisant pas plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et n’employant pas plus de dix personnes) à commercialiser des semences de variétés « de niche » non enregistrées ; elle autorise les variétés hétérogènes interdites par les standards DHS du catalogue. Mais ces nouveautés ouvrent aussi le marché aux semences brevetées non DHS. Faut-il les refuser en bloc pour réclamer un « marché libre » de toutes les semences ? Ne vaut-il pas mieux demander au Parlement européen de les appliquer pleinement pour les semences paysannes et biologiques, mais d’en fermer la porte aux brevets et aux technologies de manipulation génétique ? La privatisation du service public de contrôle et des normes sanitaires Avec les « autocontrôles sous contrôle officiel », les nouveaux règlements imposent à tous les opérateurs les procédures internes et les normes propres aux grandes entreprises : audits, équipements et personnel qualifié agréés, analyses, obligations hors de portée des paysans et des petites entreprises et incompatibles avec les pratiques biologiques et paysannes (traitements chimiques obligatoires).
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Rejoignez les actions du Réseau Semences Paysannes Seule une forte mobilisation citoyenne peut convaincre le Parlement et le Conseil européens de refuser cette ouverture du marché aux nouvelles semences brevetées et la privatisation des services publics de contrôle, pour respecter pleinement les droits des paysans de sélectionner, multiplier, échanger et protéger leurs semences. Sans attendre, le Réseau Semences Paysannes a décidé d'appliquer ces droits dans les fermes, les jardins, les écoles..., rejoignez ses actions : nos droits ne s'usent que lorsqu'on ne s'en sert pas ! Le Réseau Semences Paysannes regroupe plus de 70 organisations locales ou nationales impliquées dans des initiatives de promotion et de défense de la biodiversité cultivée et des savoir-faire associés. Outre la coordination et la consolidation des initiatives locales, il travaille à la diffusion des savoirs paysans, à la promotion de modes de gestion collectifs et de protection des semences paysannes, ainsi qu’à la reconnaissance scientifique et juridique des pratiques paysannes et artisanales de production, d’échange et de diffusion de semences et de plants. www.semencespaysannes.org. www.semonslabiodiversité.com
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4. Choix variétal en légumes biologiques : le point de vue de deux stations bretonnes d’essais Table ronde animée par Stanislas Lubac, animateur de la CIRAB La question des semences et des variétés en Agriculture est une question centrale : sans variétés et semences de qualité, les agriculteurs ne peuvent espérer une production qui réponde à leurs attentes, quels que soient les critères qu’ils utilisent pour en juger (rendement, résistance, diversité, qualité gustative,…). En production bio, les agriculteurs doivent utiliser des semences multipliées en AB. Il s’agit le plus souvent de variétés conventionnelles multipliées pendant une génération en AB – et dans de plus rares cas de variétés sélectionnées et multipliées en AB. En production maraîchère biologique, la diversité des espèces produites et la diversité des variétés au sein de ces espèces rendent complexes les choix variétaux pour les agriculteurs. C’est pour faciliter ce choix que les organismes de développement et stations de recherche spécialisés dans le domaine du maraîchage ou du maraîchage biologique réalisent des essais variétaux. La Bretagne est une région riche de ce point de vue : en plus des conseillers spécialisés en légumes des Groupements départementaux d’Agriculteurs Biologiques et des Chambres d’agricultures, les agriculteurs peuvent en effet s’appuyer sur les travaux de plusieurs stations réparties sur son territoire, dans des zones pédoclimatiques contrastées, et répondant aux attentes de maraîchers ou légumiers, pour une valorisation en gros ou en vente directe. Cette table ronde fera ainsi intervenir différents acteurs de la recherche et du développement en ce qui concerne le choix variétal en maraîchage biologique. Maët Le Lan (SEHBS) et Mathieu Conseil (PAIS) expliqueront leur démarche expérimentale pour la mise en place d’essai variétaux et tenteront ainsi de donner des éléments afin d’orienter les choix variétaux des producteurs pour des légumes de plein champ et sous abri.
Les intervenants : Maët Le Lan (SEHBS). Depuis 2006, Maët Le Lan est responsable des expérimentations sur la Station Expérimentale Horticole de Bretagne Sud, de la Chambre d’Agriculture du Morbihan. Dans ce cadre, ses missions sont : •
D’assurer la veille technique et la recherche de références
•
De développer l’expérimentation en maraîchage conventionnel et bio et de diffuser les résultats auprès des producteurs du département.
•
D’assurer également la fonction de formatrice BPREA-BPA maraîchage agrobiologique
La Chambre d’agriculture du Morbihan mène, depuis 1972, des programmes expérimentaux répondant aux besoins des maraîchers sur sa station expérimentale à Auray. Pour réaliser ses essais, la station possède 4 ha réservés aux légumes frais, 2 ha en conventionnel et 2 ha en AB. La surface couverte est de 3600 m² : serre verre (600 m²), bitunnel hors gel (600m²), 7 tunnels froids (1400 m²) et abri climatique (1000 m²). La SEHBS est située sur la zone littorale sud Bretagne. Elle répond spécifiquement aux attentes des maraîchers en agriculture biologique et conventionnelle qui commercialisent leur production en vente
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directe. De ce fait, la diversification des espèces et des variétés proposées et la recherche d’une bonne qualité gustative orientent l’ensemble du programme d’expérimentation de la station. De plus, la SEHBS a été la première à travailler sur le thème des matériaux biodégradables en agriculture il y a plus de 15 ans. La diversification des espèces et des variétés proposées, associée à une bonne qualité gustative, est un axe majeur d’essais sur la station. Les expérimentations sur les matériaux biodégradables adaptés à ce secteur sont également, avec les essais variétaux de melon, des spécificités de la station.
Mathieu Conseil (PAIS). En charge des expérimentations à la P.A.I.S. depuis 2002, Mathieu Conseil anime un réseau de professionnels d’amont et d’aval de la filière qui financent la plateforme. Il y assure la mise en place des actions d’expérimentation et de recherche décidées par ces professionnels dans le cadre du programme régional de recherche-expé coordonné par la CIRAB. La Plate-forme Agrobiologique d’IBB à Suscinio est une station de recherche/expérimentation créée en 2000 à l’initiative de professionnels d’amont et d’aval de la filière Fruits et Légumes d’IBB (APFLBB, Armorique Maraîchère, Poder, Pronatura et Biomas), et en partenariat avec le Lycée Agricole de Suscinio (à Morlaix), qui l’héberge. Elle dispose de 6 ha de terres en AB (dont 800 m² d’abri) afin d’y réaliser des expérimentations dans les domaines des légumes et grandes cultures biologiques. •
Les thèmes de recherche abordés concernent :
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L’évaluation variétale (variétés du commerce, ressources génétiques)
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La sélection
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La protection des cultures
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La définition d’itinéraires techniques
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La biodiversité en système agrobiologique.
Ces actions sont menées dans le cadre du programme régional coordonné par la CIRAB, et font, pour certaines, partie de programmes de recherche nationaux (Casdar) ou européens (Solibam, par exemple).
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5. Comment gérer l’adaptation de son troupeau laitier face aux aléas climatiques ? Intervenants : Mathieu MERLHE, chargé d’études et responsable de l’équipe « système de production, territoires et marchés » du pôle herbivores de la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne. Au sein du pôle de « Recherche/Développement/Formation » herbivores, mes missions de chargé d’études sont concentrées sur l’analyse des systèmes de production, l’économie de l’exploitation et la thématique du travail en élevage laitier. Je participe donc à un ensemble d’études de recherche appliquée à l’échelle régionale, nationale ou européenne sur ces thématiques. De plus, je gère le suivi des fermes de références conventionnelles et en agriculture biologiques sur le département des Côtes d’Armor. Le suivi de ce réseau vise à fournir des références techniques, économiques, environnementales et sociales pour différents systèmes de production et d’exploitation. Par ailleurs, j’encadre une équipe de 10 chargés d’études qui travaillent sur des thématiques similaires aux miennes ou sur des thématiques spécifiques : environnement, bâtiment.
Comment gérer l’adaptation de son troupeau laitier en cas d’aléas climatiques ? Les élevages laitiers Bio de l’ouest de la France sont largement basés sur des systèmes fourragers herbagers maximisant le pâturage. Avec un printemps froid et humide, la pousse de l’herbe en 2013 a été fortement retardée. Dans une autre mesure, les printemps chauds et secs de 2010 et 2011 ont limité la production herbagère de 30 à 65% et déséquilibré les exploitations. L’analyse technique et économique des élevages des réseaux Bio du Grand Ouest pour ces deux années permet de donner des pistes pour s’adapter aux aléas climatiques. Par rapport à l’année 2009 considérée comme référence, les printemps 2010 et 2011 sont marqués par un déficit hydrique important et des températures moyennes élevées. Les rendements herbe valorisé ont diminué de 1 tms/ha en 2010 et 0.7 tms/ha en 2011. Malgré ces pertes au printemps les éleveurs ont privilégié le pâturage en affectant des parcelles initialement destinées à la fauche. La totalité des pertes se sont donc reportées sur les stocks. Face à cette perte de rendement, les éleveurs laitiers Bio ont mis en place un ensemble de solutions pour s’adapter et pouvoir passer l’hiver. L’achat de fourrages a été privilégié lors des deux années et a comblé entre un tiers et la moitié des pertes. Les stocks de sécurité ont couvert 23% des pertes en 2010 et seulement 11% en 2011. D’autres leviers, comme le semis de couverts végétaux estivaux, la décapitalisation ou encore l’alimentation des génisses à la paille ont aussi été activés. La mise en place de ces solutions a induit des coûts supplémentaires de l’ordre de 25 à 30 €/1 000 litres. Logiquement, le coût alimentaire est le principal poste ayant flambé passant de 97 €/1000 litres en 2009 à 109 €/1 000 litres en 2010 puis 120 €/1 000 litres en 2011. A volume constant, le coût des aléas climatiques 2010 et 2011 représente 4 500 à 6 000 €/UTH soit 15 à 25% en moins par rapport au revenu de 2009. Pour limiter les impacts et gérer au mieux ces phénomènes, il est important de s’assurer de la cohérence globale du système. En effet, en production biologique comme en conventionnel, l’évolution des quotas s’est accélérée ces dernières années. Les surfaces fourragères n’ont pas forcément augmenté proportionnellement aux objectifs de production. Le suivi du chargement, du rendement herbe valorisé, de la part d’herbe dans la SFP, permet de contrôler l’adéquation entre la capacité fourragère de l’exploitation et les objectifs de production. En routine, réaliser des bilans fourragers à des dates clés permet d’anticiper et d’évaluer les solutions à mettre en œuvre en cas de déficits : mise à l’herbe avec 1 mois de stocks d’avance, bilan des récoltes en herbe puis en maïs, et
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enfin 3 mois de stocks « pleins » pour passer l’hiver sereinement. Pour limiter les impacts économiques des aléas climatiques rigueur et capacité d’anticipation sont donc indispensables.
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6. Agroforesterie : Quel intérêt pour l’agriculture biologique Intervenant : Fabien Liagre est cofondateur de la Société Coopérative et Participative Agroof, spécialisée sur les questions d’opportunité et de faisabilité de l’intégration de l’arbre dans des projets agro-écologiques. La SCOP Agroof développe des activités de recherche développement, d’ingénierie de projets (individuels ou à l’échelle d’un territoire), de formations et de production d’outils d’aide à la réflexion (outils internet, documentaires et films vidéo, livres et brochures, modèles informatiques). Elle se donne également pour objectif d’expérimenter des méthodes de travail collaboratives sur les pratiques agro-écologiques intégrant les arbres : •
En cherchant notamment à créer des ponts entre différents acteurs et susciter une réflexion autour de projets collectifs pour questionner les pratiques agricoles au sein des territoires.
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En réfléchissant à des méthodes de recherche participative avec les réseaux d’agriculteurs.
Depuis 2013, Fabien Liagre anime le réseau BASE Agroforesterie, dont l’objectif est d’animer le réseau des agriculteurs engagés en agriculture de conservation ayant une volonté ou le projet d’intégrer les arbres dans leur projet d’exploitation. Cofondateur en 2007 de l’Association Française d’Agroforesterie (AFAF) et de l’Association Nationale des Arbres et Haies Champêtres (AFAC), Agroof a contribué à une meilleure prise en compte de l’agroforesterie dans la PAC, que ce soit dans le premier pilier (éligibilité des parcelles agroforestières aux DPU) ou dans le second (création d’une mesure de soutien à l’agroforesterie).
A chaque agriculteur, son projet agroforestier Dans le cadre de la future PAC 2014-2020, la Commission européenne prévoit de reconduire la mesure européenne de soutien à l’agroforesterie. D’après les premières estimations, le cap des 10 000 ha d’agroforesterie moderne a été atteint en France. Mais quels sont les véritables enjeux aujourd’hui pour l’agroforesterie ? Se positionnant clairement comme une pratique agro-écologique, et non comme un boisement de terres agricoles déguisé, l’agroforesterie replace l’arbre au cœur du système de production. Tout l’enjeu est d’étudier la complémentarité de l’arbre vis-à-vis des pratiques visant l’autonomie en termes d’intrants mais aussi d’un point de vue énergétique (diminution du coût carbone). Cette complémentarité se raisonne à l’échelle de la parcelle – quelles sont les interactions arbre/culture et/ou animal à développer – mais aussi de l’exploitation – quelle serait la proportion de la SAU à convertir par rapport à son projet d’exploitation (faisabilité pédoclimatique, production globale, patrimoine et rentabilité, adaptation au changement climatique…). L’idée n’est donc pas de convertir l’ensemble de la SAU française en agroforesterie mais de réfléchir à la juste place qu’elle pourrait avoir pour améliorer les performances des exploitations. Il n’existe pas de recette miracle : pour réussir son projet, il faut se poser les bonnes questions en termes d’objectifs, de faisabilité et d’apprentissage. Cela demande de confronter ses idées, d’échanger avec des partenaires ou des voisins. En effet, l’agroforesterie étant une question de long terme, il n’existe pas de spécialiste à proprement parler. Quand on travaille sur des systèmes à 20 ou 40 ans, il faut rester humble et travailler en réseau pour progresser et acquérir l’information.
L’arbre, allié de la fertilité… mais avec un peu de patience Quand on parle de long terme, il en est de même pour toute question relative à la fertilité biologique
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des sols. Si la vitesse de diminution des taux de matières organiques dans le sol est relativement élevée lorsqu’on laboure le sol, la vitesse de reconstitution de ces matières organiques est beaucoup plus lente. Ces dernières décennies, l’agriculture a vécu sur un capital sol ancien de plusieurs milliers d’années et qu’il faut à présent conserver et améliorer, au risque d’augmenter les problèmes d’érosion, de diminuer la résistance des cultures vis-à-vis des agressions biologiques et climatiques. Dans les processus de création du sol, l’arbre est un facteur à part. Quasiment le seul être végétal capable d’altérer sur le long terme la roche mère, son action sur le sol via l’activité racinaire et la dégradation de sa litière est capitale. En agroforesterie, les cultures d’hiver associées ou les couverts végétaux induisent un enracinement spécifique des arbres qui a pour effet la création d’un filet racinaire sous la zone racinaire de la culture, qui peut s’étendre en profondeur sur l’équivalent de toute la surface de la parcelle. Les racines des arbres ont un effet décompactant permettant une meilleure circulation de l’air et de l’eau et favorise ainsi l’incorporation de carbone dans le sol, ce qui alimente du même coup toute la chaîne biologique du sol. Si une partie de la biomasse comme le bois d’œuvre ou le bois énergie permet une meilleure rentabilité de la parcelle agroforestière, l’autre partie de cette biomasse (feuilles, racines fines, branches fines) permettraient ainsi d’améliorer les propriétés du sol et de favoriser les processus d’humification. Peu étudiée jusqu’à présent, la biomasse des arbres agroforestiers (feuilles, racines, tiges) joue un rôle fondamental dans le fonctionnement biologique du sol. Car cette biomasse va nourrir la biodiversité du sol, y compris en sous-sol et sur une longue période et va stimuler les processus d’humification sur le long terme. Les premières analyses de sols montrent que progressivement, les taux de matières organiques augmentent significativement dans les sols à condition de ne pas être trop sableux ou trop travaillés... L’évolution est assez lente à se dessiner. Tant que l’arbre est en croissance en hauteur, son effet sur le sol est assez faible (tout comme son effet sur l’interception de la lumière d’ailleurs). Mais une fois sa taille adulte acquise, le houppier s’épaissit et la production racinaire s’accroit. Dans le cas d’une parcelle située en Charente Maritime, avec des arbres de 35 ans, on note une différence de taux de matière organique de plus de 50 % entre la surface intercalaire agroforestière et la surface du témoin agricole sans arbre.
Comparaison du taux de matière organique, et des quantités d’azote et de carbone organique entre 4 situations, en terre de Groie sur une exploitation de Charente Maritime : le témoin agricole non arboré, la parcelle agroforestière, la parcelle de reboisement et le taillis de chêne, origine des parcelles reconverties. Les arbres sont des noyers et merisiers de 25 ans, identiques dans le cas de l’agroforesterie et du reboisement (plantés la même date).
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Arbres et changement climatique, protéger tout en limitant les effets négatifs Dans le cadre de l’adaptation au changement climatique, l’agroforesterie peut présenter une réponse intéressante aux principaux effets négatifs du réchauffement pour les grandes cultures que sont l’échaudage et le stress printanier. L’agroforesterie a en effet un impact positif sur le microclimat : les arbres améliorent le bilan hydrique, limitent le dessèchement, et protègent des coups de chaleur. L’effet sera meilleur en privilégiant des arbres à débourrement tardif et en choisissant la bonne densité. Dans les simulations de l’INRA de Montpellier, ces effets positifs peuvent même compenser la perte de rendement due à la réduction de la lumière lors des mauvaises années climatiques.
Parcelle de Charente Maritime où ont été analysées les matières organiques. Dans la même étude, on montre que les endomycorhizes sont 2 à 3 fois plus nombreuses au niveau des racines de la culture intercalaire. Ce qui permet à la culture de mieux résister aux aléas climatiques et de mieux s’alimenter.
En système fourrager, les arbres décalent le dessèchement des prairies de 2 à 4 semaines en période d’été ou de fortes chaleurs. Mais avec les progrès de la mécanisation, on redécouvre également le potentiel fourrager des arbres agroforestiers. Sous forme de feuillage ou de fruits, la production fourragère des arbres est souvent intéressante car décalée par rapport à la production fourragère herbacée et intervient notamment en été, voire en automne pour les fruits, à des périodes où la production herbacée diminue, notamment en période de sécheresse. Enfin, les peuplements d’arbres ont un effet intéressant sur le bien-être et le comportement des animaux, en diminuant leur stress hydrique (moins de consommation d’eau) et leur nervosité. Néanmoins, si l’agroforesterie est particulièrement bien adaptée en cas de sécheresse, il faut raisonner en termes de probabilité au moment de choisir la surface à planter. En effet, en cas de climat « normal », ces conséquences positives ne sont pas aussi affirmées. L’idéal est donc de mettre en place des aménagements sur une partie seulement de l’exploitation (à raisonner en fonction de la qualité des sols et de leur exposition aux coups de chaleur – ou inversement à leur engorgement, de la distance bâtiment-prairie, de la mécanisation… On conseille généralement de ne planter qu’une partie de la SAU afin de s’adapter à tout type de situation et d’obtenir une production fourragère la plus équilibrée possible.
Perspectives L'enjeu pour l'avenir de l'agroforesterie reste une meilleure prise en compte par les instances et les politiques agricoles, la reconnaissance des agriculteurs qui s'y engagent et le soutien aux travaux de recherche et développement. Cela passera également par une meilleure interconnexion entre agriculteurs et recherche. Le défi sera d’être capable de faire remonter, depuis le terrain, les attentes PAGE 20
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mais aussi les propositions des agriculteurs et acteurs impliqués (on peut citer notamment le réseau BASE), que ce soit aux niveaux technique ou réglementaire. Les formes originales de collaboration de recherche participative qui s'esquissent pour cela autour de l'agroforesterie sont à la fois un gage de développement de ces systèmes et une source d'inspiration pour favoriser de nouvelles pistes d'innovation en agriculture.
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7. OGM : Tous Cobayes Intervenant: Gilles-Eric SERALINI. Professeur des Universités à Caen en biologie moléculaire, chercheur sur les effets des pesticides, de différents polluants, et des OGM sur la santé. Il a dirigé de 1991 à 2011 plus d'une douzaine de thèses expérimentales notamment sur hormones sexuelles et cancers. Il a publié plus de 150 communications internationales en revues à comité de lecture et colloques, sans compter les revues nationales. Président du Conseil Scientifique du CRIIGEN (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique), expert pendant 9 ans pour le gouvernement français dans l’évaluation des risques des OGM, pour l’Union Européenne et différents pays, il a publié en 2007 l’étude la plus détaillée sur les signes de toxicité d’un OGM commercialisé (MON863) et en 2009 sur 3 OGM. En 2011, sa revue sur les signes de toxicité de 19 OGM agricoles est une des plus consultées au monde. Il travaille sur les effets du Roundup, herbicide majeur dans le monde utilisé aussi avec les OGM, ce qui lui vaut plusieurs invitations internationales. Il a été membre de la Commission Borloo-Lepage pour concrétiser un certain nombre de décisions prises au Grenelle de l’Environnement et réévaluer les biotechnologies au sein de l’Union Européenne (2007-2008). Il a expertisé l’aubergine OGM en Inde (2009-2010) jouant un rôle sur la décision de moratoire de ce pays. Plus de 1000 chercheurs et médecins de 30 pays le soutiennent dans ses prises de positions (www.criigen.org et www.sciencescitoyennes.org) Co-directeur du Pôle Risques de l’Université de Caen (MRSH-CNRS). Chevalier de l’Ordre National du Mérite pour l’ensemble de sa carrière en biologie, par le Ministère de l’Écologie (2008). Il a été chercheur invité durant quatre années en biologie moléculaire au Canada (University of Western Ontario et Université Laval) de 1987 à 1991. Auteur de plusieurs livres notamment sur les OGM et la biodiversité, les effets des polluants (chez Flammarion), il a été expert pour l’Union Européenne dans le différend avec les Etats Unis et le Canada sur le moratoire OGM (2003), pour l’Inde et le Canada, entre autres. Cité dans deux livres scolaires. Aujourd’hui en librairie de Gilles-Eric Séralini : Génétiquement Incorrect (Flammarion, 2003 et Coll. Champs - poche, 2005), Ces OGM qui changent le monde (Coll. Champs, Ed. Flammarion, réédition revue et amplifiée, 2010), Après-nous le déluge ? (Ed. Flammarion/Fayard, 2006), Nous pouvons nous dépolluer (Editions Josette Lyon, 2009). Paru en 2012 Tous Cobayes ! (Flammarion).
Résumé: Pour la toute première fois dans l'histoire de l'univers connu, une espèce, la nôtre, s'arroge la mainmise sur l'évolution pour muter à une vitesse industrielle jamais atteinte auparavant le patrimoine héréditaire des êtres vivants. Il s'agit de la création des OGM. 1994: plus de dix années d'expérimentation en Europe et aux États-Unis pour transformer la génétique des plantes en plein champ s'étaient déjà déroulées dans la confidentialité et l'indifférence du public. La France est devenue le premier laboratoire d'investigations des cultures expérimentales d'OGM en plein champ, sur plus de trois mille sites. Des autorisations commerciales commencent à être obtenues par des industries pharmaceutiques et chimiques, mais qui n'ont pas encore vraiment intégré des activités semencières, c'est-à-dire la marchandisation sous brevets des plantes génétiquement modifiées à destination du bétail et des humains. Ces plantes sont en effet brevetées et breveter la base de l'alimentation dans le monde est un grand objectif des multinationales de l'agro-pharmacie. Et cela est possible car les cultures intensives, dont on a couvert les sols agricoles de tous les continents cultivables, sont à 60% (pour l'énergie alimentaire mondiale) composées de quatre végétaux seulement : blé, riz, et soja et maïs, ces deux derniers pour l'essentiel déjà OGM aux Amériques. Ces immenses monocultures appelant par leur nature engrais et pesticides servent essentiellement à nourrir vaches, porcs et poulets des pays riches, pas les enfants des pays pauvres, tout comme les OGM. Mais les OGM ont un secret qui réside
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dans le fait que ce sont pour l'industrie des plantes suffisamment différentes des autres pour être brevetées, mais pas pour être étiquetées.
Le commerce des gènes pour des plantes à pesticides Les OGM ont été présentés à l'origine comme étant des Plantes Génétiquement Modifiées (PGM) permettant, entre autres vertus, de réduire l'utilisation des pesticides (qui comprennent notamment herbicides et insecticides), or 99,9% des OGM cultivés sont conçus pour supporter les traitements pesticides, ou les produire eux-mêmes. Bien sûr, il va y avoir des résidus de pesticides de plus en plus élevés dans ces plantes ; d'ailleurs l'administration américaine demande que l'on augmente les seuils de résidus autorisés de Roundup dans celles-ci. Parmi ces plantes alimentaires OGM, 80% environ tolèrent le Roundup, l'herbicide majeur du monde. Avec mon équipe, nous travaillons en recherche avec des doses qui sont 800 fois à 1000 fois moins fortes que les résidus retrouvés dans les plantes et un million de fois moins que celles auxquelles sont exposés les agriculteurs, sur des cellules d'embryon humain, de placenta humain, de cordon ombilical, de foie... Nous constatons, à ces doses infinitésimales, le suicide de ces cellules, ou la mort par nécrose de ces cellules d'embryon. Ces OGM sont donc de deux grandes catégories réglementées par la loi : ceux qui sont conçus pour rester en laboratoire et qui servent à connaître le rôle des gènes et leur structure, voire à produire médicaments ou enzymes, et ceux qui sont destinés à sortir du laboratoire. Et alors là, dans l'environnement, on trouve presque uniquement des plantes : du soja et du maïs, et un peu de coton et de colza, et donc ces plantes sont toutes, à 99,99%, faites pour contenir des pesticides, que je nomme donc des plantes à pesticides, soit en les absorbant comme le soja Roundup Ready que nous venons d'évoquer, soit en les fabricant elles-mêmes comme les maïs BT. Encore aujourd'hui, 98% des OGM alimentaires sont produits sur le continent américain.
Les pesticides absorbés ou produits par les OGM et la santé Les pesticides, c'est-à-dire herbicides, fongicides, insecticides, ont été développés comme poisons pour différents niveaux de l'écosystème, ceci afin de favoriser la rapidité et la simplicité des cultures intensives après la seconde guerre mondiale. Comme tout principe chimique efficace, ils ont des effets secondaires. Ils sont souvent comme du sable collant dans nos organes, empêchant de bonnes communications cellulaires essentielles entre autres pour le système nerveux et hormonal. Ils sont devenus des polluants persistants de notre environnement et de nos chairs. On en trouve par exemple dans le sang de tous les députés européens ou des bébés où on veut bien les mesurer. Pourquoi en rajouter avec les OGM alors que l'on voulait laisser croire le contraire ? Le rapport entre OGM dans les cultures commerciales et pesticides est donc de un pour un, extrêmement révélateur et grave. Nous l'abordons par cinq voies différentes, dont deux sont en projet, et trois bien réalisées déjà dans mon laboratoire et au CRIIGEN. • • • • •
Revoir les tests de toxicité des industriels, qui ne durent hélas pas plus de trois mois avec des mammifères. Étudier la toxicité à d'infimes dilutions du Roundup qui entre dans les OGM, sur des cellules humaines. Étudier la toxicité des insecticides BT des OGM sur des cellules humaines. Faire manger des OGM à des animaux bien suivis au laboratoire. Contribuer à développer des méthodes de détoxification.
L'histoire est en train de s'écrire, nous y contribuons avec nos petites mains, et nos modestes moyens de chercheurs indépendants. Transparence, expertise contradictoire et à long terme sont les maîtres-mots. Les ministres de l'Union Européenne et la communauté scientifique internationale sont au courant. Les intérêts économiques fabuleux sont en jeu, mais la recherche est un outil puissant, flambeau des connaissances actuelles, et nous n'avons pas dit nos dernières phrases.
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8. La nécessité d’une sélection bio pour assurer la diversité des variétés, et pour une souveraineté alimentaire Intervenant Peter Kunz : est un sélectionneur suisse qui crée des variétés de blé tendre pour l'Agriculture Biologique dans les conditions pédoclimatiques de la Suisse. Sa démarche consiste à sélectionner des blés en conditions AB dès l'origine, notamment sur des critères de qualité boulangère, de valorisation de l'azote du sol (facteur limitant en AB) et de couverture du sol. Il travaille également sur d’autres cultures.
I - Maïs à haute qualité protéique Le projet Dans l‘agriculture biologique, l‘addition des acides aminés synthétiques n‘est pas autorisée dans l’alimentation animale. À cause de ça, il est difficile de produire des bonnes mélanges pour des monogastriques (poulets, couchons). La sélection de variétés de maïs à haute qualité protéique (HQ) avec une teneur en protéines élevée et une qualité de protéines améliorée a été complètement négligée jusqu‘à présent. Il y a des lignées de maïs avec des teneurs en protéines de plus de 12–14% par rapport à 8–9% chez les variétés standards, ainsi qu‘avec des teneurs en acides aminées essentielles élevées, surtout en méthionine et en lysine. Avec de telles variétés, des performances optimales d‘engraissement et de ponte peuvent être obtenues sans l‘addition de soja et en même temps l‘efficacité d‘utilisation de l‘azote de la nourriture peut être fortement améliorée.
Situation initiale/procédé La collaboration lancée en 2008 avec Walter Goldstein, un sélectionneur américain de maïs bio a marqué le début de cette programme de sélection. Nous avons sélectionné des descendants HQ précoces dans les populations des croisements avec des variétés européennes. Ainsi, la variance de la teneur en protéines dans les descendances précoces a pu être augmentée de 8 à 16%. Dans ce matériel, des descendants avec une teneur en protéines élevée peuvent être sélectionnées. En plus, une variabilité considérable en teneurs en méthionine et lysine a été observée, telles qu‘aussi ici des lignées améliorées puissent être sélectées directement. En 2011, pour la première fois, la spectroscopie proche infrarouge (NIRS) a été utilisée pour la détection des teneurs en protéines et acides aminés. Ici, la calibration de la mesure doit être améliorée d‘avantage. La méthode de la table lumineuse présente une méthode d‘analyse supplémentaire, avec laquelle des grains qui portent des propriétés HQ, peuvent être sélectionnés. Des lignées additionnelles du CIMMYT avec des propriétés préférées ont également été cultivées, mais suite à une livraison tardée, ces types extrêmement tardifs n‘ont plus pu être croisés avec notre matériel.
Objectif Par croisement dirigé pour de hautes teneurs en protéine et une qualité de protéine élevée, dans les 3 à 5 ans prochains, de premières variétés HQ doivent être formées. Ces variétés alors pouvaient contribuer beaucoup à l‘apport en protéines, qui est difficile jusque-là dans l‘alimentation animal bio. Les variétés doivent posséder en plus les propriétés suivantes: • bon développement juvénile, • précocité,
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• bonne résistance à la verse et aux maladies. Pour l‘évaluation de la performance, des essaies en champ sur plusieurs sites seront nécessaires.
II – Blé qualité Top Le développement des nouvelles variétés de blé de qualité pour l‘agriculture biologique prend beaucoup de travail et d‘argent. Les attentes croissantes des transformateurs et la limitation des recommandations de variétés sur la classe TOP réduisent le succès de sélection et la biodiversité. Des investissements additionnels dans l‘analyse de qualité sont nécessaires. L‘accent fort sur les propriétés boulangères est clairement au détriment de la performance de rendement. Jusque- là, les attentes de qualité se sont focalisées en majorité sur des variétés avec de hautes teneurs en gluten humide. Ce type de variété possède une efficacité d‘utilisation de l‘azote faible. A long terme, l‘agriculture biologique a besoin des variétés plus efficaces (azote), qui en même temps emportent une bonne qualité boulangère et une teneur réduite en gluten humide.
Situation initiale La variété Wiwa, qui descende d‘un croisement de l‘an 1990, est, à cause de sa qualité boulangère supérieure, devenue le mesure pour des nouvelles candidats de variété en Suisse et en Allemagne du Sud. Il est difficile de surpasser la qualité de cette variété. La nouvelle variété de GZPK, Pizza, y arrive. Trois autres candidats sont déjà dans les essayes officielles et quatre autres y vont entrer bientôt. De plusieurs de ces variétés, des améliorations de la performance de rendement peuvent être attendu. Pour la sélection des variétés plus efficace à l‘utilisation de l‘azote, l‘ancien schéma de sélection a été raffiné beaucoup : déjà dans les générations primes, avec une petite quantité des graines de quelques épis, les propriétés de qualité sont sondés avec l‘analyse NIRS. Après, plusieurs méthodes d’analyse rapides sont utilisé, comme Zélény, gluten, index gluten. Pour pouvoir tester précisément et prédire l‘absorption de l‘eau et les caractéristiques de transformation, un mikrofarinograph (DoughLab, analyse de 4g de farine) a été acquit. Les propriétés de panification sont alors vérifiées dans un micro-test de panification avec 100g de farine.
Objectif Il est prévu que annuellement au moins un nouveau candidat de variété doit être admit pour les examens des variétés bio. Ces nouvelles variétés doivent prendre en compte la demande pour des variétés plus orienté vers le rendement. Concernant la résistance à la verse et aux maladies (rouille brune, carie du blé) ainsi que la précocité, les améliorations vont continuer.
III – Epeautre Sans l‘amélioration des défauts les plus graves par des moyens de sélection, les vieilles variétés d‘épeautre ne survivront pas aux changements climatiques et culturaux des prochains 20 à 30 ans. La liste suisse des variétés recommandées ne contient que deux variétés voisines. Cette absence de biodiversité fait de l’épeautre une culture très sensible aux épidémies. La résistance faible à la verse constitue un grand risque cultural pour les agriculteurs. Pour GZPK, il est évident que la tolérance et la bonne digestibilité doit aussi être présente dans les nouvelles variétés d‘épeautre. C‘est le cas pour toutes les variétés de GZPK: nous travaillons avec succès depuis plus de 30 ans avec cette charte de sélection. En France et en Belgique – et aussi de plus en plus en Allemagne – nos variétés sont très populaires.
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ZOR (Zürcher Oberländer Rotkorn) Une variété d’épeautre appelée ZOR a été admise officiellement et peut par conséquent être multipliée et commercialisée au niveau européen. La variété arrive à maturité 4 jours plus tôt et présente des grands avantages en matière de résistance à la verse, de santé du feuillage et de l‘épi ainsi que de performance de rendement (117%) par rapport aux anciennes variétés. Outre les agriculteurs, les boulangers aussi seront enthousiasmés par les qualités techniques de ZOR car la farine absorbe plus de 6% d‘eau en plus sans que la pâte ne devienne très collante comme avec les variétés anciennes. Ainsi, les pains d’épeautre restent frais plus longtemps.
Épeautre d’hiver. Dans le programme en cours, nous prévoyons plusieurs candidats de variété par an avec des propriétés améliorées à la résistance à la verse, la santé de feuillage, la résistance à la carie du blé et à la performance de rendement.
Épeautre d‘été. Pour la première fois, 250 variétés d’épeautre de banques de gènes de 25 pays du monde entier ont été cultivées. Il est apparu qu‘il y a une grande diversité de formes mais aussi que les lignées ne sont pas adaptées aux conditions agronomiques contemporaines: après une forte pluie, tout l‘essai était couché au sol. Beaucoup de croisements ont été effectués pour augmenter la base génétique du matériel de sélection pour développer de l‘épeautre alternatif qui peut être semé aussi bien.
IV- Triticale Il n‘y a que 100 ans que cette culture est apparue par croisement du blé avec le seigle mais la sélection des variétés pour la culture n‘a commencé qu‘à partir de 1960. Les attentes face à cette plante extrêmement vigoureuse sont très hautes, car elle combine la solidité et l‘adaptabilité du seigle à la performance de rendement et au potentiel de qualité du blé. Jusqu‘ici le triticale était utilisé comme céréale fourragère, mais la sélection de variétés pour la nutrition humaine est aussi possible. Avec l‘intégration du programme de sélection de triticale de l‘ACW (stoppé en 2011) dans le projet de GZPK, de nouvelles perspectives émergent.
Situation initiale: Peter Kunz travaille déjà depuis 30 ans sur le triticale car cette culture encore très brute rend évident le problème central de l‘amélioration de la qualité des céréales : la forte vigueur de la partie végétative ne peut être transcrite que de manière très limitée dans des graines bien formées et matures. Si cet obstacle pouvait être surmonté, le triticale aussi pourrait devenir une bonne céréale panifiable, délicieuse et saine. Également chez les céréales fourragères la qualité est un critère important. Au moins 10 ans de plus que Peter Kunz, Aldo et après Dario Fossati ont travaillé sur le triticale à l‘Agroscope Changins. Commençant avec des plantes qui ne donnaient au début que peu et de maigres graines et grâce aux croisements et à la sélection intensive, tout une série de variétés qui se sont établies en Suisse et à l‘étranger grâce à leur santé, leurs rendements stables et leur résistance à la verse a été créé. Cette sélection de triticale à Changins a été cessée en automne 2011 pour des raisons financières et un travail de développement de 40 ans a ainsi été interrompu. Le matériel de sélection complet a été transféré à GZPK à Hombrechtikon et a été semé en automne 2012. Comme ces deux programmes de sélection reposent sur un matériel génétique très différent, leur union promet des résultats intéressants.
Objectifs •
Des variétés à pailles longues et résistantes à la verse pour l‘agriculture biologique ou
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• •
extensive car pour beaucoup d‘agriculteurs le rendement en paille est aussi important que le rendement en grains. Des variétés de longueur moyenne avec un haut potentiel de rendement pour la culture intensive. Des variétés précoces ainsi que des types alternatifs qui peuvent être cultivés en automne aussi bien qu‘au printemps.
V – Pois Les légumineuses à grains de production indigène représentent une source importante de protéines et d‘azote pour l‘agriculture biologique. Cependant, leur culture a drastiquement diminué et l‘importation de soja d‘outre-mer pour l‘alimentation des animaux de production augmente. Une stabilité faible de rendement en culture mixte et une résistance labile aux maladies racinaires y ont contribué. Les expectations envers des nouvelles variétés de pois comprennent des rendements forts et solides, la faculté pour la culture mixte et l‘aptitude d‘être une partie intégrante dans une rotation des cultures de quatre ans. Notre projet se consacre principalement au pois d‘été.
Situation initiale Les essais d’observations de variétés comprennent en moment 100 variétés de tout l‘Europe. A cause de leur aptitude potentielle comme partenaire de croisement, les 10 variétés les plus riches en protéines (selon des essais européens de variétés conduits en 2012) sont testées sur plusieurs sites sous conditions biologiques. Par an, 20-25 croisements sont effectués. Après leur récolte, les semences F1 sont cultivées directement en serre et l‘on peut déjà semer au champ la F2 au printemps de l‘année suivante. En 2012, GZPK a pu adopter gratuitement un programme complet de sélection de pois de l‘institut public pour l‘agriculture de Bavière (LfL). Dans ce matériel, la sélection continue. Dans un programme de sélection propre, de 100 lignées, 41 pré-candidats intéressants ont été sélectionnées. De ces lignées, à partir de 2014 des candidats de variété peuvent provenir.
Objectif La sélection de pois doit être orientée vers une culture mixte avec de l‘orge, de l‘avoine ou d‘autres plantes demandeuses d‘azote. L‘amélioration des résistances aux maladies racinaires est un sujet très important également, autrement il ne sera pas faisable de durablement intégrer les pois dans la rotation des cultures (tous les 4 ans!). L‘amélioration de la qualité protéique pour la nourriture des animaux monogastriques (poulet, cochon) présente un but supplémentaire.
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9 L’organisation collective : un bon moyen pour structurer les filières. L’exemple de la filière laitière Table ronde animée par Ivan Sachet (FRAB Bretagne) Intervenants : Patrice Lefeuvre : Co-président de l'OP Seine et Loire, Président de Lait bio de France Jacques Chiron : Secrétaire de Biolait et vice-président de Lait Bio de France Eric Guihery : Secrétaire de l'OP Seine et Loire, président de la commission lait FNAB et administrateur de Lait Bio de France
Depuis plusieurs années, les éleveurs laitiers biologiques œuvrent, sous l’impulsion de la commission lait de la FNAB, à leur regroupement pour être collectivement acteurs de la valorisation de leur lait de qualité biologique auprès de leurs partenaires. Sous différentes formes, ils se sont organisés pour porter les spécificités et les performances plurielles (socio-économiques et environnementales) de leur production. Biolait SAS, créée en 1994, est une organisation commerciale de producteurs laitiers bio qui organise la collecte et la commercialisation du lait produit par ses membres. Aujourd'hui, les 600 fermes collectées par Biolait représentent près de 25% du volume national de lait biologique. Biolait a obtenu au printemps 2013 la reconnaissance d'OP commerciale. L'association des producteurs laitiers bio Seine et Loire, créée en septembre 2012 a été officiellement reconnue OP non commerciale ayant mandat de négociation en janvier 2013. Elle dénombre à ce jour plus de 170 fermes adhérentes sur un potentiel global de 400 fermes livrant les laiteries privées dans le Nord-Ouest de la France (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire). L'OP Seine et Loire est composée de 7 associations fondatrices représentant les producteurs organisés par bassins de collecte et livrant 5 laiteries (Danone, Lactalis, Montsûrs, Saint-Père et Triballat) et a pour objectif de mettre en place un cadre partenarial avec les laiteries pour négocier les prix et les volumes sous forme contractuelle pour le compte des fermes adhérentes. Biolait et l'OP Seine et Loire sont membres fondateurs de la fédération nationale des éleveurs laitiers bio « Lait Bio de France » qui a vu le jour le 17 avril 2013. Cette association réunit pour l’instant 7 organisations d’éleveurs laitiers bio : l’association des producteurs bio d’Eurial, Biolait SAS, la coopérative Lait Bio du Maine, l’association des producteurs laitiers bio Seine et Loire, le syndicat de vente de lait bio Alliance, le syndicat de vente de lait bio Doubs Ognon et le syndicat de vente de lait bio Mulin. D’autres organisations d’éleveurs laitiers bio pourront la rejoindre. Lait Bio de France rassemble aujourd’hui près de 1000 fermes bio et environ 200 millions de litres de lait (soit plus de la moitié du volume national collecté en bio en 2012) mais ces chiffres sont provisoires car de nouvelles adhésions restent possibles et attendues. Cette association a pour objet : • • •
De fédérer l'ensemble de l'amont de la filière lait biologique D’organiser une représentation nationale des organisations d’éleveurs laitiers bio, partageant un projet de cohésion et de coopération inter-groupements D’œuvrer à un ajustement de la croissance du lait biologique et à la valorisation des filières laitières biologiques,
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•
De veiller au développement de la production laitière biologique sur tout le territoire.
Lieu d’échange et de mutualisation d’expériences, l’association participera à l’émergence de relations équilibrées entre l’ensemble des parties prenantes des filières de commercialisation et à un développement solidaire de la production laitière biologique sur les territoires, en lien avec le réseau FNAB. Dans le contexte de redéfinition de l’organisation des filières laitières en général, l’association entretiendra aussi des liens avec les organisations collègues conventionnelles. De même, dans l'objectif de transversalité de la bio, elle représentera la filière laitière bio amont auprès des autres structures biologiques organisées. Le bureau de LBF : Président et éleveur bio, APLB Seine et Loire : Patrice Lefeuvre, 06 87 79 00 50 Vice-président et éleveur bio, Biolait : Jacques Chiron, 09 77 94 13 92 Trésorier et éleveur bio, syndicat de vente de lait bio Mulin : Bruno Passard Trésorière adjointe et éleveuse bio, APLB Seine et Loire : Karin Sidler, 06 77 86 22 59 Secrétaire et éleveurs bio, Lait Bio du Maine : Dominique Garnier, 06 03 78 07 87 Secrétaire adjoint, syndicat de vente de lait bio Doubs Ognon, Jean-Louis Liegeon, 03 84 75 77 75 Leurs actions : • • •
Être les porte-parole de LBF auprès de l’ensemble des partenaires de la filière laitière française, Expliquer leurs spécificités de production et leurs objectifs, Assurer les échanges, le dialogue et le partenariat.
CF. annexes : • Schéma 1 : organisation des éleveurs laitiers bio français en 2013 • Schémas 2-3 : organisation possible des éleveurs laitiers bio à l'horizon 2015
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Schéma 1 sur l’état des lieux actuel (les % correspondent aux nombres d’éleveurs bio adhérent aux structures/ nombre total d’éleveur bio livreur) :
Schéma 2 montrant les liens entre éleveurs, associations d’éleveurs, laiteries partenaires et une OP non commerciale transversale comme l'OP Seine et Loire :
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Schéma 3 global prospectif et évolutif de l’organisation des producteurs bio en lien avec la réglementation:
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10 Alimentation 100% bio en élevage de monogastriques. Quelles pistes sont explorées par la recherche – Focus sur la production porcine Intervenants : Florence Maupertuis (CRAPDL) : Ingénieur agronome de formation et spécialisée en alimentation porcine, Florence Maupertuis assure depuis 12 ans différentes missions pour les chambres d’agriculture des Pays de la Loire : le suivi des essais alimentation de la ferme expérimentale porcine des Trinottières, l’animation de l’Association Inter - Régionale des éleveurs Fabricants d’Aliments à la Ferme (AIRFAF) des Pays de la Loire, la coordination du programme de recherche sur le porc biologique de la chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire.
Antoine Roinsard (ITAB) : Ingénieur de la Commission Elevage de l’ITAB, Antoine Roinsard a un rôle de coordination nationale des travaux de recherche/expérimentation menés en monogastriques, ainsi que la valorisation et la diffusion des résultats. L’ITAB est responsable en France du projet européen CORE ORGANIC II ICOPP traitant de l’alimentation 100 % AB en élevage de monogastriques (10 pays partenaires).
Introduction er
A partir du 1 Janvier 2015, le cahier des charges européen de l’agriculture biologique imposera le passage à des aliments dans lesquels toutes les matières premières d’origine agricole, notamment les sources de protéines, devront être issues de l’agriculture biologique. Si cette évolution va dans le sens d’un renforcement de la crédibilité de l’élevage conduit en agriculture biologique, cela pose des questions de différents ordres : • • •
Augmentation du coût alimentaire via l’augmentation de l’utilisation de tourteau de soja biologique dans les rations pour tenter de maintenir le même niveau de performances zootechniques qu’avec des aliments 95% AB. A court terme, en l’absence de recours massif aux importations de soja : diminution des performances zootechniques (GMQ, IC, TMP) Problème de l’approvisionnement : il est indispensable de disposer de matières premières riches en protéines produites localement. Or, le passage au 100 % AB augmentera la demande en protéines biologiques et ainsi le recours aux importations, la France étant déjà déficitaire en ressources protéines biologiques (à titre d’exemple, environ 17 000 t de tourteau de soja ont été importés en 2012 selon Coop de France, Synabio et FranceAgriMer)
Pour répondre à cette problématique différents travaux de recherche sont en cours, mobilisant de nombreux partenaires du réseau de recherche/expérimentation en agriculture biologique : les Chambres d’Agriculture, l’ITAVI, l’IFIP, le réseau FNAB, IBB, l’INRA, l’ITAB et des lycées agricoles. Ces programmes (CASDAR ProtéAB, CASDAR AviAlimBio, ICOPP, MonAlimBio, CASDAR Porc Bio) couvrent différents champs d’étude : disponibilité en MI ; agronomie et système de culture ; valeur alimentaire des matières premières ; formulation alimentaire. Les dispositifs expérimentaux mis en place en production porcine ainsi que les premiers résultats disponibles sont présentés dans la partie qui suit.
Alimentation 100% AB en production porcine biologique : concilier performances et sécurité digestive Le passage au 100 % AB en production porcine induira des difficultés à obtenir un apport suffisant en lysine digestible (premier acide aminé limitant chez le porc). Pour conserver les performances
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zootechniques, il sera nécessaire d’augmenter le taux de matière azotée totale (MAT) des aliments d’où un risque plus important de pathologies digestives, de rejets dans l’environnement, et un coût de ration plus élevé. Le stade physiologique le plus problématique est celui du post sevrage car les besoins protéiques des porcelets sont importants mais leur sensibilité aux pathologies digestives est également très élevée. Les programmes de recherche se concentrent donc sur la phase de post sevrage en partant du ème principe que les solutions techniques qui seront trouvées pour l’aliment 2 âge seront a fortiori transposables aux autres stades physiologiques (porcs charcutiers et truies). Grâce au recours à des sources de protéines conventionnelles très digestibles (levures, protéines de pommes de terre, gluten de maïs…), les aliments porcelets jusqu’à présent composés de 95% de matières premières AB concilient un apport suffisant de lysine digestible pour permettre un bon niveau de performances et un taux de MAT inférieur à 18% pour limiter les risques de pathologies digestives en post-sevrage. Avec le passage à l’aliment 100% AB, deux options sont possibles. Première option : maintenir l’apport de lysine digestible en utilisant davantage de tourteau de soja biologique et en acceptant une hausse du taux de MAT Cette première option est celle qui a été retenue dans le projet CASDAR PORC BIO piloté par l’IFIP. Pour atteindre un niveau suffisant de lysine digestible dans les formules 100% AB, le recours au tourteau de soja biologique importé est actuellement indispensable, soit comme principale source de protéines soit en association avec 10% de concentré protéique de luzerne. En 2011, deux formules 100% AB ont ainsi été comparées à une formule témoin 95% AB contenant des levures et des protéines de pommes de terre conventionnelles. Les résultats techniques obtenus avec ces trois formules ont été mesurés dans le contexte de la station expérimentale de l’IFIP (porcelets conventionnels sevrés à 28 jours, très bon statut sanitaire, cabanes de post-sevrage en semi pleinair). Les formules 100% AB ont entraîné plusieurs cas de diarrhées qui ont été maitrisées grâce à un apport quotidien d’argile dans l’aliment. Les deux formules 100% AB ont conduit à un indice de consommation plus élevé que celui des témoins. La formule à base de soja a même entraîné une diminution de la vitesse de croissance. Ces résultats s’expliquent par la moindre digestibilité des protéines dans les matières premières biologiques utilisées et par le taux de MAT plus élevé de l’aliment qui a augmenté le risque d’apparition de pathologies digestives. En conclusion, tant qu’il n’existe pas en agriculture biologique de matières premières suffisamment concentrées en protéines, et notamment en lysine digestible, pour maintenir le même apport de lysine digestible qu’avec les aliments 95% AB, il est indispensable d’augmenter le taux de MAT des aliments 100% AB. Néanmoins, cette stratégie apparaît plutôt risquée sur le plan digestif. Par ailleurs, elle ne permet pas d’obtenir la même efficacité alimentaire puisque l’indice de consommation se dégrade, quelle que soit la vitesse de croissance obtenue. Deuxième option : maintenir le taux de MAT en acceptant une forte baisse de l’apport de lysine digestible et donc une probable baisse des performances L’autre option possible pour l’alimentation 100% AB est de conserver une MAT inférieure à 18% en acceptant une diminution de l’apport de lysine digestible. Dans ce cas, les risques de pathologies digestives en post-sevrage ne seront pas plus élevés et le recours au tourteau de soja biologique sera moins nécessaire, voire même inutile si l’on peut développer de nouvelles sources de protéines biologiques. Reste à chiffrer l’impact de cette stratégie sur la probable baisse des performances de croissance et de l’efficacité alimentaire. Le projet MONALIM piloté par la chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire a pour objectif de trouver des solutions techniques pour réussir le passage à l’aliment 100% bio. En 2012, deux matières premières biologiques riches en protéines (concentré protéique de luzerne et tourteau de chanvre) ont fait l’objet d’essais en station expérimentale afin d’évaluer leur appétence à différents taux d’incorporation (respectivement 10, 15 et 20%). En 2013, des essais dans 5 élevages de porcs biologiques (dont le Lycée Nature de la Roche-sur-Yon) sont en cours pour tester plusieurs formules
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100% AB sans tourteau de soja utilisant ces matières premières afin de chiffrer l’impact de telles formules sur les performances zootechniques (croissance, efficacité alimentaire et taux de muscle) et économiques. En parallèle, le projet Casdar ProtéAB piloté par Initiative Bio Bretagne (IBB) a pour objectif de trouver des solutions techniques pour maximiser l’utilisation de légumineuses à graines dans les aliments. En 2013, un essai au Lycée Nature de la Roche-sur-Yon est en cours pour tester successivement deux formules 100% bio maximisant le taux de légumineuses à graines (protéagineux et graine de soja extrudée) et chiffrer l’impact de ces formules sur les performances zootechniques. La présentation des résultats complets de ces 3 projets fera l’objet d’une journée commune de restitution qui aura lieu en Avril 2014.
Références bibliographiques sur l’alimentation en élevage porcin biologique • • • •
Maupertuis F., Bordes A., 2007. Matières premières biologiques régionales pour l’alimentation porcine. 6 pages. Chambres d’agriculture des Pays de la Loire Maupertuis F., Bordes A., 2009. Production porcine biologique : vers des aliments engraissement 100% bio fabriqués à la ferme. 5 pages. Chambres d’agriculture des Pays de la Loire Maupertuis F. Bordes A., 2011. Valorisation du triticale, de l’orge, de l’avoine, du maïs, du pois, de la féverole, du colza et du soja dans les aliments pour porcs biologiques. 16 pages. Chambres d’agriculture des Pays de la Loire. Delassus A.S., Maupertuis F., Bordes A., 2012. Le passage à une alimentation 100% bio : Etat des pratiques et perspectives. 4 pages. Chambres d’agriculture des Pays de la Loire.
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11 Manger bio et local en restauration collective en conciliant équilibre budgétaire, équilibre alimentaire et éducation du goût. Intervenants Jean-Jacques Guerrier : Responsable de la cuisine centrale de Bruz. Les enjeux autour de l'introduction des produits bio locaux en restauration collective sont multiples : Développer l’agriculture bio locale en créant et en soutenant des circuits de distribution structurés pour la restauration collective, permettre aux collectivités et aux cuisiniers d’offrir à leurs convives des produits bio locaux de qualité en toute confiance, aider des agriculteurs à s’installer, à se convertir ou à diversifier leur production et leurs modes de mise en marché. Face à ces enjeux, les collectivités se doivent d'être exemplaires et de mettre en œuvre des projets cohérents et pérennes. Pour cela, plusieurs facteurs sont à prendre en compte et à concilier : équilibre budgétaire, équilibre alimentaire et éducation au goût. De par l'implication de ses collectivités et de ses acteurs de terrain (réseau GAB/MAB, cuisiniersformateurs...), le territoire Breton est riche d'expériences positives.
Equilibre budgétaire Cette question est cruciale pour toute collectivité souhaitant développer son projet de manière durable. Quelques pistes : s'approvisionner en local, suivre la saisonnalité des produits, adapter les portions à l'âge des convives et plus particulièrement la part de viande (tout en respectant la réglementation), réduire les gaspillages, revenir aux produits bruts et cuisiner "maison"...
Equilibre alimentaire L'utilisation des produits bio permet un accès à une grande diversité de produits alimentaires oubliés dans nos habitudes alimentaires modernes et pourtant garants d'un bon équilibre : céréales plus complètes, légumineuses, fruits et légumes de saison, huiles non raffinées, desserts moins sucrés, qui permettent, par exemple de réguler la glycémie, ou d'avoir un meilleur apport en vitamines et nutriments essentiels... avec la garantie de l'absence de résidus de pesticides dans les assiettes! Les produits biologiques issus d'un mode de production réglementé et respectueux des cycles du vivant (les huiles non raffinées, les céréales complètes ou semi-complètes,...) et certaines habitudes alimentaires induite de fait par l'introduction de ces produits bio (utilisation régulière des légumineuses, la consommation des fruits non épluchés...) ont une valeur ajoutée en terme d'apports nutritionnels qui permettent par exemple de réguler la glycémie, ou d'avoir un meilleur apport en vitamines et nutriments essentiels.
Education au goût L'introduction de produits bio locaux impliquent souvent l'introduction de nouveaux aliments pas ou peu utilisés en restauration collective et donc souvent peu familier des utilisateurs. Jean-Jacques GUERRIER, responsable de la cuisine centrale de Bruz travaille sur cet aspect depuis plusieurs années : « A la cuisine centrale de BRUZ, nous avons choisi de privilégier l'aspect gustatif sans pour autant perturber les équilibres alimentaires et économiques. En effet, la confection des PAGE 35
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plats maisons, produits à la cuisine centrale fait l'objet d'une validation gustative collective. L'équipe de cuisine donne son avis sur les assaisonnements, aspect, texture... des plats avant qu'ils ne soient consommés par les enfants de la ville. Ce sont les formations sur la physiologie du goût qui nous ont permis de modifier nos pratiques culinaires afin de mieux maîtriser les cuissons et les assaisonnements. »
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12 Adaptation des variétés de chanvre au contexte pédoclimatique breton Intervenant : Régis Le Moine : Technicien conseiller spécialisé cultures, porcs et volailles au sein du GAB d’Armor depuis 3 ans. Le GAB fédère les agriculteurs bio des Côtes d’Armor et a entre autres missions d’informer, former et d’accompagner les producteurs bio, en conversion du département. Plus spécifiquement, sur mon poste, je réalise du suivi technique individuel chez les producteurs, j’organise des formations techniques et des groupes d’échanges, je mets en place et suit des actions de recherches sur les grandes cultures bio. Je participe au transfert de techniques alternatives vers les agriculteurs conventionnels, à travers la thématique du désherbage mécanique, en organisant des évènements collectifs comme des démonstrations de matériels ou en accompagnant individuellement les producteurs conventionnels dans des passages d’outils mécaniques
Contexte et enjeux Depuis 7 ans la culture du chanvre est réapparue dans les assolements des producteurs Bio bretons. Cette réintroduction est la conséquence de l’implantation d’entreprises transformant la fibre de chanvre Bio à destination de l’industrie du bâtiment et la graine à destination de l’alimentation humaine. Possédant des caractéristiques agronomiques intéressantes en agriculture biologique (pouvoir couvrant, précédent intéressant), cette culture reste néanmoins en marge de par son intérêt économique limité. En effet, la récolte unique de la paille ne permet pas d’obtenir une marge brute satisfaisante. La récolte unique de la graine offre quant à elle une marge plus intéressante mais pose un problème majeur de gestion des résidus de culture (la paille de chanvre est difficilement broyable avant qu’elle ait gelé, de par la résistance de ses fibres). Depuis 2008 un groupe de producteurs a entrepris de valoriser la graine et la paille, permettant ainsi d’augmenter de manière très importante la rentabilité de cette culture et de rendre plus simple l’implantation de la culture suivante. Cette double récolte implique alors une maîtrise de la maturité (choix variétal) et de la hauteur de la plante (date de semis) pour lesquelles aucune donnée n’est disponible sur le territoire breton.
Objectifs de l’étude Dans le contexte d’un débouché paille et graine il devient impératif de maîtriser plusieurs paramètres de la culture pour optimiser les conditions de la double récolte : (1) la date de récolte et (2) la hauteur de plante. En effet, la récolte de la graine implique d’attendre la maturité de celle-ci, ce qui décale la récolte de deux à trois semaines par rapport à une exploitation exclusive pour la paille. Cette contrainte amène une problématique nouvelle sur le choix de variétés adaptées. Aujourd’hui, pour garantir des conditions météorologiques favorables, la récolte de la graine ne doit pas intervenir après la fin septembre (la paille étant pressée 10 jours plus tard) pour des raisons de portance des sols et de bon séchage de la paille au sol. Pour résoudre ce problème, ce programme d’expérimentation compare 3 variétés de précocités différentes afin d’évaluer la faisabilité d’une double récolte dans le contexte pédoclimatique breton et sa capacité à répondre aux attentes des producteurs en ce qui concerne les rendements paille et graine. La récolte de la graine implique par ailleurs une hauteur de paille limitée. La moissonneuse ne doit pas absorber trop de matière végétale pour éviter les risques de bourrage. Cette dernière doit donc fonctionner avec la barre de coupe relevée au maximum (entre 1.1 m et 1.8 m suivant les modèles) et la hauteur de la plante ne doit pas être supérieure à 2.5 m. Cette hauteur maximale permet également de limiter le risque de verse qui peut rendre la moisson délicate voire impossible. De la même manière, une hauteur minimum est conseillée pour d’une part avoir un rendement en paille
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correct (environ 5 t/ha) et d’autre part éviter une contamination trop importante de la graine par des graines d’adventices. Une hauteur minimum de 1.8 à 2 m est jugée suffisante pour ne pas altérer ces deux facteurs. Quatre facteurs principaux (en dehors du facteur variétal) jouent un rôle majeur sur la hauteur de la culture : (1) la fourniture en eau, (2) les températures en phase de croissance, (3) la fourniture en éléments nutritifs et (4) la date de semis. Les deux premiers facteurs inhérents aux conditions de l’année sont difficilement maîtrisables, et le facteur éléments nutritifs est relativement bien connu. En revanche peu de données existent sur les rapports date de semis / hauteur de paille / rendements sur le territoire breton. La photopériode a une influence fondamentale sur la croissance du chanvre. Elle conditionne la pleine floraison (ouverture des dernières fleurs femelles) et l’arrêt de croissance de la plante. La date de semis a donc une influence fondamentale sur la durée du cycle de croissance et donc sur la hauteur potentielle de la plante. Ce programme d’expérimentation évalue l’influence de la date de semis sur cette hauteur et sur les rendements en découlant.
Protocole Les essais ont été implantés sur des parcelles représentatives de la zone climatique et pédologique. Le dispositif mis en place est un dispositif en blocs de Fisher à 3 répétitions. Deux facteurs sont testés : la date de semis qui comportent 4 modalités et la variété qui en comporte 3. La variété entourant la parcelle d’essai est FEDORA 17. La taille des parcelles élémentaires est de 30 m² Pour ces dispositifs les longueur (10 m) et largeur (3m) des parcelles ont été fonction du matériel de semis. La récolte, pour des raisons techniques, a été réalisée manuellement. Le peuplement recherché est identique pour l’ensemble des essais : 200 pieds/m². Des comptages ont été réalisés de la levée à la récolte permettant d’évaluer chaque composante du rendement (paille et graine). Enfin, une approche économique a été réalisée sur chaque exploitation.
Résultats et analyses Les variétés testées pendant ces 3 années ont permis la double récolte dans de bonnes conditions. Les récoltes ont eu lieu fin septembre - début octobre pour la graine, permettant une exploitation de la paille dans de bonnes conditions. Elles semblent compatibles avec le mode d’exploitation mixte de la filière bretonne. On observe tout de même une variabilité de la date de maturité pour une même variété suivant la date de semis. En effet, les dates de semis tardives comportent une proportion de graines vertes plus importante. La paille est également plus verte pour ce semis tardif et a nécessité un séchage plus important. Cette différence de précocité n’est pour autant pas préjudiciable économiquement puisqu’elle n’excède pas une semaine pour une même variété.
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Sur les 3 années d’études les variétés utilisées sont adaptées. Les semis réalisés la première quinzaine de mai assurent une hauteur de paille, un rendement en graine et en paille conformes aux besoins des producteurs. La hauteur de paille est adaptée pour les chantiers de récolte. Les rendements en graine et paille assurent une valorisation économique suffisante. Le sol doit néanmoins être bien ressuyé et réchauffé (température du sol > 12 °C). Les semis de la deuxième quinzaine de mai, s’ils ne mettent pas la rentabilité de la culture en péril, peuvent néanmoins présenter des rendements inférieurs si les conditions climatiques de juin / juillet sont défavorables. En revanche les semis tardifs de juin ne semblent pas pertinents car ils impliquent une réduction des rendements et un salissement des parcelles. Il s’agit de la dernière année d’étude. Les données obtenues permettront d’avoir des références techniques nécessaires à l’accompagnement technique des filières chanvre bio en place en Bretagne.
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13 Je veux m’installer… Je veux accueillir des porteurs de projets sur ma ferme… Je veux transmettre… Les nids d’activité : des formes innovantes d’installation/transmission sur les fermes existantes. Témoignages d’agriculteurs Dans un contexte régional foncier complexe en termes d'installation (plus de 1600 porteurs de projet en recherche de foncier) et de transmission (une seule installation pour 3 départs en retraite), les « Nids d'activité » apparaissent comme une véritable alternative à l'installation agricole et permettent des périodes de test en conditions réelles. En effet, le « Nid d’activité » est défini comme une forme d'installation consistant pour un agriculteur à mettre à disposition de la terre ou des bâtiments, à laquelle peuvent s'ajouter un prêt de matériel, un échange de savoir-faire ou une insertion territoriale pour qu'un porteur de projet puisse se tester et créer une nouvelle activité. La formule nids d’activités est née d’une demande des accueillants et porteurs de projets de répondre à un besoin autre qu’un espace-test structuré, avec cette initiative solidaire d’agriculteurs qui souhaitent faire eux-mêmes de leur ferme un espace-test, à leur convenance et en cohérence avec les besoins exprimés par un ou des porteurs de projets. Cette mise à disposition peut aboutir à une installation réelle sur place (individuelle ou en société). Il y aura donc la naissance d’un nouveau siège d’exploitation sur la ferme ou création d’un nouvel emploi par association dans l’entité existante. Elle peut également servir de période de test pour expérimenter son activité. En effet, pour des personnes non issues du milieu agricole ou qui s’oriente vers un autre type de production que celui de la ferme familiale, il peut être « rassurant » de pouvoir tester son activité avant de s’y engager (ce que permettent également les couveuses d’activités ou espaces test). Les nids d’activité permettent de se construire un réseau sur le territoire, de se faire connaître, et ainsi de faciliter l’accès au foncier ou la mise en place de débouchés.
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Exemples : Olivier s’est installé en 2009 comme paysan boulanger. Son projet a pu se concrétiser grâce à un nid d’activité : Jacky, éleveur de la commune a choisi de lui mettre un peu de foncier à disposition, et de lui apporter un soutien technique, matériel, humain… Aujourd’hui, l’exploitation d’Oliver est viable, et il envisage à son tour d’accueillir un porteur de projet au sein d’un nid d’activité sur du maraîchage. Ce type d’installation a permis à Jacky de créer une nouvelle dynamique sur son exploitation et d’anticiper sur l’avenir, notamment sur les questions de transmission. Quant à Olivier, il a pu bénéficier d’un cadre sécurisant pour lancer son activité et faire sa place sur le territoire. Bruno fait son stage chez Jacques pour finir ses études (BTS ACSE). Au sortir de son parcours, il souhaite s’installer mais n’est pas issu du milieu et éprouve quelques difficultés à trouver du foncier. Etant resté en contact avec Jacques, celui-ci va le mettre en relation avec Paul, un ami à lui (éleveur laitier en système herbager) qui est en possibilité de libérer 3 hectares pour installer un jeune. Bruno et Paul se rencontren. Bruno s’installe alors sur les terres de Paul qui lui loue ces 3 hectares. Bruno bénéficie en plus du savoirfaire de Paul, de conseils avisés très utiles lorsque l’on débute dans le milieu, mais également de quelques outils. Bruno peut alors débuter son activité sans trop investir et gagner son autonomie vis-à-vis de Paul progressivement.
Le collectif des Nids d’Activité réunit les associations, Entraide Rurale, la Marmite, la FDCIVAM 35 et Terre de Liens Bretagne, laquelle s'est dotée d'une juriste courant 2012. D’autres partenaires gravitent autour de ce projet : CAE Interactiv’, GAB 56, Civam 29, ADAGE 35… Concrètement, notre collectif de travail a pour objectif de développer : • • • • •
L’échange et la capitalisation des pratiques La mise en relation entre « accueillants » et « accueillis » L’accompagnement de projets de nids, surtout dans la définition du « contrat moral », qui va permettre de définir les règles du partenariat, qui sera accompagné ou pas de contreparties en fonction des cas, voire de contractualisation ou d’association La recherche de réponses juridiques avec la présence d’une juriste Ce type d’entraide et d’accès innovant et simple à la terre
L’action Nids d’activité a pris une dimension nationale avec l’adhésion au réseau RENETA (Réseau National des Espaces Tests Agricoles) afin de mutualiser avec les espaces-tests agricoles du territoire national et de faire remonter au niveau des instances politiques nationales le besoin de créer un statut spécifique au porteur de projet en test agricole.
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14 – La Bio pour tous. Exemples d’initiatives sociales et solidaires Table ronde animée Romuald Bonnant, journaliste à France 2 Intervenants : Jacques Caplat : ingénieur agronome Mathilde Roger-Mexme : animatrice au GABNOR Yannick Hamery/Julien Debray : Le Champ commun Pierre Saglio : ATD Quart Monde
II - Jacques Caplat, la bio pour nourrir le monde Agronome et anthropologue, ancien conseiller agricole de terrain et ancien animateur à la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique, co-fondateur du Réseau Semences Paysannes, administrateur d'Agir Pour l'Environnement, auteur de « L'agriculture biologique pour nourrir l'humanité » (Actes Sud, 2012). L'agriculture biologique ne se résume pas au règlement européen. Formalisée dans les années 1930, elle vise à reconstruire des agroécosystèmes mettant en relation : • • •
L'écosystème (sol, haies, arbres, points humides, talus... et espace naturel environnant), L'agrosystème (plantes cultivées et animaux domestiques), Les humains (savoirs expérimentaux, savoir-faire, force de travail, besoins alimentaire, envies).
La construction d'un « organisme agricole » ainsi conçu permet à la fois d'obtenir d'excellents rendements à long terme, et de renouer un lien riche entre société et territoire. Cette démarche agronomique, basée sur les cultures associées, le respect de la vie des sols, la lutte biologique, la complémentarité cultures-élevage, les savoirs paysans et scientifiques, les filières courtes et locales... est clairement la plus performante pour nourrir l'humanité à moyen et long terme. Elle est déjà plus efficace que l'agriculture conventionnelle dans les pays non-tempérés : les études d'Olivier de Schutter, du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement ou de l'Université d'Essex prouvent que, dans les trois-quarts de la planète (Afrique, Asie, Amérique Centrale et du Sud), les rendements de l'agriculture biologique sont supérieurs de 70 à 100 % à ceux de l'agriculture conventionnelle. Même dans nos pays tempérés, une vraie agriculture biologique systémique et complexe (et non pas une agriculture conventionnelle « sans chimie ») peut également obtenir des rendements équivalents à ceux de l'agriculture industrielle – avec beaucoup plus de création d'emplois et de liens avec la société et le territoire. Toutefois, l'agriculture biologique européenne doit composer avec une histoire contrariante : écosystèmes dégradés, fiscalité agricole défavorable à l'utilisation de main-d'œuvre, semences standard non-adaptées aux milieux, matériel conçus pour les cultures pures et non pas pour les cultures associées, filières industrielles centralisées, structures agricoles inadaptées (fermes de grande taille et spécialisées). La mise en place d'une agriculture biologique accessible à tous demande donc, en Europe, des efforts particuliers. Mais sans attendre des réformes de la fiscalité ou des aides publiques à l'agriculture, des agriculteurs et des transformateurs ont déjà réussi à bâtir des expériences prometteuses : AMAP, Biolait, maraîchers bio bretons, etc. Autant de voies qu'il faut continuer à défricher.
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Pour en savoir plus : Jacques Caplat, L'agriculture biologique pour nourrir l'humanité – Démonstration, Actes Sud, 2012, 480 p.
II – ATD Quart Monde - A quoi sert le développement durable ? Nous avons abordé cette question dans le cadre des Universités Populaires Quart Monde qui permettent aux militants d’ATD Quart Monde de réfléchir ensemble en tentant d’enraciner notre réflexion dans l’expérience et le combat des plus défavorisés. En Ile-de-France, l’un des participants a donné cette très belle définition : « Un développement durable c’est un développement qui permet aux gens de durer et de vivre longtemps. Un développement cela veut dire donner plus d’ampleur à la vie, transformer nos manières de vivre en mieux, pour la terre et pour les gens. Durable cela veut dire pour que ça dure longtemps. Il faut trouver des moyens pour vivre mieux tous ensemble pour nous permettre de vivre plus longtemps mais pas seulement pour nous maintenant, il faut aussi penser à nos enfants et à nos petits-enfants. Si on ne fait pas attention, il y aura plus de cyclones, de tempêtes et d’inondations et de gens malheureux. » Ce qui me séduit dans cette définition, c’est qu’elle est positive, elle est dynamique. Trop souvent, on présente le développement durable comme un ensemble de contraintes inéluctables, là c’est tout le contraire.
« Trouver les moyens pour vivre mieux tous ensemble » par l’alimentation Nous voyons tous les jours, et dans le monde entier, que les pauvres ont souvent du mal à accéder à une nourriture de qualité. La faim reste l’une des premières causes de mortalité dans le monde aujourd’hui et c’est une des pires violences faite aux pauvres. Beaucoup sont en mauvaise santé à cause de l’alimentation. Par exemple, on sait que l’obésité fait des ravages dans nos pays riches et qu’elle touche en priorité les pauvres. On sait que beaucoup ont des dents abîmées, pleine de caries, etc. C’est dû aussi à l’alimentation (c’est dû aussi au fait que se soigner coûte souvent très cher et les gens ne le peuvent pas). Nous voyons aussi que, de plus en plus, les pauvres sont obligés, pour s’alimenter, de passer par des distributions, des aides alimentaires de toutes sortes. Parfois ces aides donnent une alimentation de qualité mais pas toujours, loin s’en faut. Et puis, il ne faut pas l’oublier, malgré l’engagement de ceux qui les animent, elles ne permettent pas d’accéder au droit commun, aux droits de tous. Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais personnellement j’aurais été très humilié de devoir chaque semaine aller chercher une aide pour nourrir mes enfants et je sais que beaucoup de parents le sont. En France, nous voyons aussi petit à petit des familles s'organiser pour cultiver des légumes, chez elles ou dans un jardin familial, parfois sur leur balcon. Les gens en sont fiers, parfois c’est toute la famille qui participe au jardin. Ils ont envie de cultiver chez eux ou à proximité de leur maison. Mais ces familles sont souvent en dehors des réseaux qui s'échangent des plants, des graines et des services qui permettraient que le jardin soit moins couteux et lourd au niveau du travail physique. Alors nous voulons nous organiser pour développer l'entraide entre les familles, pour soutenir leur initiatives : produire et échanger des plants, collecter et échanger des graines, se grouper pour aller chercher du fumier, etc. Ce sera l’une de nos priorités dans les prochaines années car nous avons besoin d’apprendre ensemble sur ces questions. Nous voulons mieux comprendre ce qui peut permettre aux gens de réussir, de tenir, en particulier ceux qui risquent d’être abandonnés des autres.
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Il faut être en relation avec d’autres : là encore, tout seul on n’y arrive pas et quand le jardin permet des relations avec d’autres, d’ouvrir le cercle des relations, c’est un levier formidable. Il faut valoriser les capacités des gens. Le jardin est une activité qui affirme l’utilité de ceux qui le font et il faut faire reconnaître cette activité. « Il faut que le jardin soit au pied des immeubles pour que tout le monde voit ce qu’on fait de nos mains. » Cultiver des légumes, manger des légumes, cela ne va pas de soi. Cela suppose une organisation dans le temps (on les mange quand ils sont mûrs et alors il faut les manger sinon ils pourrissent), cela suppose de savoir les cuisiner, d’avoir les moyens de le faire, etc.
« Trouver les moyens pour vivre mieux ensemble » par l’accès de tous aux services essentiels Nous avons réfléchi à cela avec la CLCV en 2010 parce que le Gouvernement nous avait sollicités. Je vous invite à lire le rapport que nous avions remis car il est, sur bien des points, toujours d’actualité. Aujourd’hui, dans notre pays, chacun a besoin de pouvoir accéder à l’eau, à l’électricité, au gaz parfois, pour pouvoir vivre « comme tout le monde », se chauffer et s’éclairer. Chacun a également besoin de pouvoir se déplacer et d’accéder à un compte bancaire. Ce sont ce qu’on appelle « les services essentiels ». Alors, dans ce rapport, nous avons fait des propositions pour que tous accèdent, de plein droit, à ces services, nous avons rappelé qu’ils forment un tout et que, bien souvent, ils sont liés au logement et nous avons proposé par exemple que leur coût soit pris en compte dans le calcul des aides au logement.
II – Le GABNOR et les biocabas accessibles Depuis 2006, un projet mené en partenariat avec le Conseil Général du Nord, intitulé : "Accessibilité de la Bio pour tous les publics", vise à rendre les produits bio plus accessibles pour les Nordistes. Deux volets d'action ont été privilégiés : • •
Rendre les produits bio plus accessibles géographiquement (en particulier en dehors de la métropole lilloise), Permettre à des populations à faibles revenus d'accéder à des produits biologiques régionaux.
Le Biocabas a notamment été choisi comme outil pédagogique, car la saisonnalité des produits et leur provenance régionale sont autant d'arguments de poids dans un argumentaire de promotion de consommation responsable. Des partenariats ont donc été construits au fil du temps avec des structures à vocation socioculturelle (UTPAS, Centres Sociaux, associations d'insertion...) installées dans le département du Nord, et deux types d'actions sont menés: • •
Des sessions de sensibilisation sur les thématiques de la saisonnalité des produits, de l'agriculture biologique, des fruits et légumes régionaux. Ces sessions prennent la forme de dégustation, de débats, d'ateliers cuisine, de projections documentaires... Le Conseil Général permet ensuite aux personnes à faibles revenus ayant assisté à ces animations de bénéficier de réductions de tarifs sur des produits biologiques de la région, et notamment sur le Biocabas, sous réserve de correspondance avec les critères définis par les élus chaque année.
Depuis 2008, des sessions de formations sont organisées chaque année par le GABNOR en partenariat
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avec d’autres intervenants (comme Graines de Saveurs), afin de transmettre aux animateurs des structures socio-culturelles partenaires les savoirs et savoir-faire nécessaires à l’animation d’actions de sensibilisation à l’importance d’une alimentation de qualité. Grâce au soutien de la Ville de Lille, une attention particulière a pu être portée sur les Centres Sociaux et Maisons de Quartier de Lille, et quatre d’entre eux ont rejoint le projet en 2011 et 2012. Depuis 2011, le GABNOR travaille également à l’essaimage de ce projet dans d’autres territoires du département du Nord. Dans le Cambrésis, le centre Social du Centre-Ville de Cambrai est le premier partenaire du projet. Ateliers cuisine, sorties nature et discussions autour de l’équilibre alimentaire sont au programme. La mobilisation des habitants du quartier réussit au-delà des espérances et des partenariats sont en cours de construction avec des producteurs locaux pour permettre aux familles à faibles revenus d’accéder à des produits biologiques, locaux, frais et de qualité !
IV - Le Champ commun : un garde-manger bio et local À Augan, la toute jeune coopérative Le Champ Commun(1) a ouvert en 2010 un bar et une épicerie, Le Garde-Manger. Le commerce, qui assure aussi un relais postal, fait la part belle aux produits biologiques et locaux. À l’origine du projet ? Un groupe de trentenaires du Nord de la France, qui avait l’habitude de se retrouver régulièrement à Augan. « Nous avons partagé beaucoup de choses ensemble, notamment des voyages en Afrique, confie Mathieu Bostyn, gérant du Champ Commun. Nous avons eu envie d’élaborer un projet économique commun, qui nous permette à la fois de créer nos emplois et d’appliquer notre philosophie de vie. Le slogan du Champ Commun : « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin… » Mathieu Bostyn a beaucoup planché sur le projet, en collaboration avec Henry-George Madelaine. Diplômés en sociologie, les deux compères ont réfléchi aux buts de la future structure, et opté pour un statut de coopérative. Le Conseil général du Morbihan leur a octroyé une aide à l’investissement de 8 000 euros. Aujourd’hui, Le Champ Commun compte 7 associés-salariés (4 équivalents temps plein). Le système de coopérative leur permet de prendre part aux décisions. Consommateurs et fournisseurs peuvent aussi voter. « Dans notre épicerie, Le Garde-Manger, nous mettons en valeur les produits biologiques et locaux, tout en vendant des produits conventionnels. L’idée est d’inciter tout un chacun à repenser sa manière de consommer, et à participer au renouveau de la paysannerie », souligne Mathieu Bostyn. Le Champ Commun assure aussi un rôle de service public, notamment à travers son relais postal, en partenariat avec La Poste. Quant au bar, des événements culturels y sont programmés tous les week-ends, pour le plus grand plaisir des Auganais, toutes générations confondues.
Des projets plein la tête Le Champ Commun fourmille d’idées. « Le premier stade est franchi. Nous avons lancé la coopérative, et créé une SCI(2) pour acheter la maison dans laquelle nous avons ouvert l’épicerie et le bar, relève Mathieu Bostyn. Les travaux sont en phase terminale. Ils ne concernent plus que les bureaux à l’étage, et le nouvel emplacement du bar, que nous avons choisi d’accoler à l’épicerie pour rendre le moment des courses plus convivial. » Mais Le Champ Commun a plus d’un projet dans sa musette. « Nous allons prochainement faire des tournées en camion ! annonce le gérant du Champ Commun. Les Auganais n’auront plus que trois pas à faire pour leurs petites courses de dépannage. Nous envisageons même des livraisons à domicile, notamment chez les personnes âgées. » Ce genre de services est une manière de maintenir les anciens le plus longtemps possible à domicile. Le Champ Commun réfléchit également à proposer de la viande élevée localement, en collaboration avec le boucher du bourg. Une micro-brasserie
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artisanale « L’Auganaise » est par ailleurs sur le point de voir le jour. Une réflexion est enfin menée sur la création d’un service de bricolage, voire d’une antenne spécialisée dans l’éco-construction… Affaires à suivre !
(1) Le Champ Commun est une coopérative de type SCIC (société coopérative d'intérêt collectif). (2) SCI : société civile immobilière.
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15 Maïs population : comment valoriser les expériences du réseau breton ? Intervenants Véronique Chable, INRA Goulven Maréchal, chargé de mission développement de la production à la FRAB Dominique Macé, Adage Maïs population : bilan d’une première année d’expérimentation régionale Une variété population est une variété dont les individus se croisent à chaque génération, à la manière d’un troupeau animal. Les individus ne sont pas toujours semblables bien qu’ils possèdent des caractères communs qui rendent l’ensemble de plantes unique et cohérent. Moins uniformes que les variétés lignées ou hybrides F1, les populations sont donc plus adaptables et moins sensibles aux maladies.
Le projet Maïs POP* développe un réseau régional de sélection participative pour expérimenter et promouvoir la diversité du maïs «population» en Bretagne. Ce projet est porté par la FRAB (Fédération Régionale des Agriculteurs Biologiques) de Bretagne, l’Adage 35, le GAB 29, le GAB 56 et le GAB 22 et l’INRA SAD-Paysage de Rennes. En 2012, 32 paysans bretons se sont impliqués dans l’expérimentation. Ils ont mené des observations sur 10 variétés de maïs populations : Aguartzan, Blanc de Monein, Borie Lautrec, Grand Roux Basque, Green, Lavergne Joly, Lavergne, Poromb, Rouge d’Astarac, Sireix. Ces variétés sont testées depuis plusieurs années déjà dans le Périgord et depuis 2010 chez les adhérents du CIVAM Adage 35. L’enjeu est de savoir si elles seront capables de s’adapter au climat breton.
Hypothèses La création d’un référentiel de variétés de maïs population en Bretagne sous-entend qu’il existe des tendances générales, pour quelques éléments descriptifs des variétés, et qui permettent de les caractériser. C’est par exemple l’occasion de vérifier si les maïs population de Bretagne présentent des taux de protéines supérieurs aux maïs hybrides, comme pour les maïs population d’AgroBio Périgord. Il s’agit aussi de déterminer comment ces caractéristiques sont influencées par différents facteurs (contexte pédoclimatique et pratiques des paysans notamment) et comment elles évoluent dans le temps. D’après les expérimentations menées dans d’autres régions, cette adaptation semble très rapide et la question se pose même de renommer les variétés au bout de deux ans.
Protocole employé Afin de mesurer l’adaptation des maïs population au terroir breton en deux ans et sur une même ferme, les paysans ont été invités à semer en 2013 les grains qu’ils ont récoltés en 2012. En 2012, chaque paysan a choisi ses semences selon ses propres critères et sur la base des références déjà constituées par Agrobio Périgord. La surface minimale à semer pour maintenir une diversité suffisante a été estimée à 1000 m2. Un isolement de 300m avec les autres parcelles de maïs est préconisé, pour limiter les pollinisations croisées. Les paysans impliqués réalisent eux-mêmes la récolte manuelle d’au moins 600 épis sélectionnés pour la semence (des formations à la sélection massale sont organisées dans ce cadre). Comme les paysans sélectionnent les épis selon leurs propres critères, ils peuvent, au fil des années, façonner
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les variétés qu’ils utilisent selon leurs objectifs et les observations qu’ils ont réalisées sur leur ferme. Le séchage et le stockage du maïs après la récolte sont importants pour assurer une conservation dans de bonnes conditions et maintenir un taux de germination élevé. Les conditions météorologiques de 2012 et le manque de maturité de certains maïs ont favorisé le développement de moisissures sur les grains. Par ailleurs, une vitrine variétale a été réalisée en 2012 chez un producteur d’Ille-et-Vilaine (Montours). Elle a permis de comparer 12 variétés différentes sur une même parcelle.
Résultats 2012 34 parcelles ont été semées en 2012, sur 32 fermes. 9 parcelles n’ont pas pu être récoltées et analysées pour diverses raisons : attaques d’oiseaux sur les semis, parcelles inondées et défaut de maturité des plantes. Les conditions météorologiques ont été particulièrement difficiles fin 2012. Au total, 25 suivis complets d’essais, 25 analyses grains et 3 analyses fourrages ont été réalisées en 2012.
Précocités Sireix (1) Aguartzan (1) Besnaudières (1) Blanc de Monein (3) Poromb (1) Grand roux basque (3) Rouge d'Astarac (1) Borie Lautrec (1) Green (1) Lavergne Joly (3)
• •
•
+ précoce
La précocité des variétés a été estimée par les besoins en somme de températures du semis jusqu’à la floraison. C’est-à-dire la somme des températures moyennes journalières supérieures à 6°C (température minimale nécessaire pour le développement du maïs) depuis la date de semis jusqu’à la fin de la floraison mâle. Les variétés sont classées de la plus précoce (Sireix) à la plus tardive (Lavergne Joly). Entre parenthèses, le nombre de répétitions.
+ tardive
Vigueur : les vigueurs ont été estimées par les producteurs sur une échelle allant de 1 à 5 (1 très peu vigoureux, 5 très vigoureux). Elles sont en moyenne de 3,1 au stade 2 feuilles (2,7 pour le témoin hybride Splendis) et de 3 à la floraison (3,5 pour Splendis-témoin). Hauteur de tige et verse : la hauteur de tige moyenne est de 2,50m (2,70m pour le témoin Splendis). La verse est plus importante qu’avec des maïs hybrides, mais elle reste limitée sur les essais de 2012. Sur la vitrine de Montours, elle a été évaluée à 12 % (pieds à terre). Des paysans signalent des tiges relativement fines, donc frêles. Charbon : les essais ont été peu touchés par le charbon (repéré sur 1,65% des pieds en moyenne).
Composition des grains : Protéines (en g/kg MS) Matières minérales (en g/kg MS) Calcium (en g/kg MS) Phosphore (en g/kg MS) Matières grasses (en g/kg MS) Cellulose (en g/kg MS)
Moyenne maïs population 108,68 17,73 0,24 3,31 37,34 31,29
Tables INRA 94,00 NA 0,50 3,00 43,00 25,00
Les taux de protéines, de phosphore et de cellulose des maïs population testés semblent supérieurs, en moyenne, à ceux des tables INRA. Cependant, ces taux varient beaucoup selon les variétés, comme le montre le graphique suivant :
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Valeur alimentaire des grains en 2012 PDIE (en g/kg MS) PDIN (en g/kg MS) UFL (/kg)
Moyenne maïs population 110,72 77,52 1,19
Tables INRA 97,00 74,00 1,22
MAT moyen (g/kg) des maïs populations expérimentés en Bretagne en 2012. Entre parenthèses, pour chaque variété, le nombre de répétitions.
Si la moyenne des UFL des maïs population est de 1,19 UFL/kg, on note là aussi beaucoup d’hétérogénéité d’une variété à une autre (cf graphique ci-dessous, regroupant des valeurs de 2012 et certaines valeurs de 2011).
Analyses fourrage : Les résultats ont malheureusement été trop peu nombreux pour pouvoir en dresser une synthèse quantitative dès 2012.
Conclusion : A ce stade du projet, on peut affirmer qu’une dynamique pluri-acteurs a émergé autour du maïs population et de son expérimentation en Bretagne. Plus d’une trentaine de paysans sont investis dans les essais de variétés population de maïs en Bretagne et des outils ont été mis au point pour suivre plus finement les résultats de ces essais : protocole, conventions, feuilles de suivi. Les vitrines variétales constituées chez un paysan à Montours (35) et au salon La Terre est Notre Métier ont été de très bons supports de communication et de comparaison entre variétés. Les conditions climatiques particulièrement difficiles fin 2012-début 2013 ont impactées les conditions de récolte des grains et leur conservation (développement de fusariose). Le stockage des grains, mais aussi leur sélection en termes de précocité restent deux enjeux clés à travailler. Pour la suite, des analyses ensilages seraient à développer autant que possible, mais elles nécessitent une logistique particulière. Il serait aussi intéressant d’avoir une idée des rendements des maïs testés, pour convertir ces résultats en UFL ou MAT/ha par exemple. Un suivi plus fin des essais est réalisé en 2013, grâce à l’appui de stagiaires. Une mutualisation nationale est aussi engagée puisque de nombreux autres groupes de producteurs travaillent sur les maïs population en France (Agrobio Périgord, CAB des Pays de la Loire, CIVAM44...). *financement ASOSC (Appropriation Sociale des Sciences), du Conseil Régional de Bretagne
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16 L’indépendance économique et financière des femmes agricultrices Intervenante Céline Bessière est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris-Dauphine. Elle est l’auteure d’un ouvrage en 2010 aux éditions Raisons d’agir, De génération en génération, arrangements de famille dans les exploitations viticoles, et de plusieurs articles sur la place des femmes dans les exploitations agricoles en France. Elle travaille actuellement sur les divorces, notamment des agriculteurs. On trouvera la liste de ses publications à l’adresse suivante : http://bessiere.celine.free.fr/
1-
La place des femmes (et des hommes) dans les exploitations agricoles
Selon le recensement agricole de 2010, en France, on compte 604 000 chefs d’exploitations et coexploitants : 27% de femmes ; 73% d’hommes. Dans les grandes et moyennes exploitations seulement 24% de femmes ; 76% d’hommes. En Bretagne, la même année les femmes représentent 28% des chefs d’exploitations et co-exploitants. Mais, ces chiffres masquent en grande partie les discriminations faites aux femmes à l’entrée de la profession agricole. En effet, il y a bien moins de jeunes femmes exploitantes. Selon l’enquête Structure 2005 sur les exploitations professionnelles en France : 23% des chefs d’exploitation et coexploitants sont des femmes ; mais seulement, 16% des chefs d’exploitation et co-exploitants de moins de 40 ans sont des femmes. Plus de la moitié des femmes à la tête d’une exploitation individuelle en Bretagne ont plus de 55 ans : elles ont pris la suite de leur conjoint lors de son départ à la retraite pour accroître leurs cotisations et leurs droits à la retraite. Cette discrimination à l’entrée dans la profession se joue en grande partie dans la famille, du fait du poids des transmissions familiales dans l’accès au métier. Les filles subissent des inégalités dans les transmissions familiales : le métier, le statut de chef d’exploitation et le patrimoine professionnel sont souvent transmis en priorité à un fils. Les filles sont repreneuses de l’exploitation familiale « par défaut » de repreneur masculin, ou elles entrent dans le métier en tant que « compagne de ». Même si les jeunes agricultrices sont plus diplômées que leurs homologues masculins, elles rencontrent des obstacles dans la famille, à l’école, dans le milieu professionnel (prêts bancaires, accès au foncier) pour entrer dans la profession agricole. Ex : En Bretagne, lorsqu’elles sont chefs d’exploitation en individuel, elles sont installées sur des surfaces de taille plus modeste que leurs homologues masculins : en moyenne 22 ha de SAU contre 34 ha (Recensement agricole, 2010). Les femmes accèdent toujours au statut de chef d’exploitation/ co-exploitante par l’alliance (mariage ou union libre), aujourd’hui dans le cadre des sociétés civiles agricoles, surtout les EARL, depuis les années 1980. En France : un jeune associé-exploitant de moins de 40 ans sur trois est une femme, mais seulement un jeune chef d’exploitation individuelle sur 10 est une femme Nous rappellerons que ces inégalités sont le produit d’une histoire, celle de la lente reconnaissance du statut professionnel des femmes dans les exploitations agricoles, longtemps cantonnées au statut
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d’aides familiales dans les exploitations de leur père/mari/fils.
2L’indépendance économique des femmes conjointes d’agriculteur se joue de plus en plus en dehors des exploitations agricoles. Du fait de l’augmentation des emplois salariés des conjointes en dehors de l’exploitation : en 1970, 7% des épouses actives déclaraient exercer une activité professionnelle non-agricole ; en 2000, c’était le cas dans 40% des ménages tous âges confondus et deux tiers des ménages de moins de 35 ans. Nous rendrons compte des raisons de cette évolution et pourquoi jeunes hommes et jeunes femmes considèrent « qu’il vaut mieux qu’elle travaille à l’extérieur ». • •
Du point de vue des femmes : émancipation, autonomie financière (relative) Du point de vue des hommes : « sponsoriser l’activité agricole »
Nous soulignerons les différences selon les types de production : moins fréquent en polycultureélevage et dans le lait (fort travail d’astreinte). Enjeux économiques des séparations conjugales pour les hommes, les femmes et les exploitations agricoles Lorsqu’ils se mettent en couple, les agriculteurs et les agricultrices se marient davantage, divorcent moins et, quand ils sont en union libre, se séparent moins que les hommes et les femmes appartenant à toutes les autres catégories socioprofessionnelles. Pourtant, les séparations conjugales constituent aujourd’hui une réalité de moins en moins marginale dans les exploitations agricoles. Je rendrai compte des résultats d’une enquête portant sur les dossiers de divorce impliquant au moins un agriculteur. Devant la justice, les épouses d’agriculteurs dont les ressources sont plus limitées, ne peuvent s’offrir de prolonger les procédures (notaires, expertises, avocats), tandis que l’évaluation compliquée des patrimoines et revenus agricoles aboutit à la minoration des prestations compensatoires et autres prétentions légitimes des femmes. Ces dossiers attestent aussi de la persistance de la non-reconnaissance de la contribution économique des femmes dans les exploitations agricoles. Certes, les modalités ont changé depuis les années 1980 et la remise en cause du travail gratuit des épouses aides familiales (Barthez, 1982 ; Delphy 1983 ; Lagrave, 1987). Dans les exploitations agricoles d’aujourd’hui, la plupart des femmes occupent un emploi salarié à l’extérieur de l’exploitation, ce qui n’empêche pas leur participation (laborieuse et financière) à l’exploitation. Cette solidarité économique, souvent invibilisée pendant le mariage, est aussi très mal reconnue au moment du divorce. La modernisation des formes juridiques des entreprises agricoles et l’usage stratégique du droit des régimes matrimoniaux permettent une protection juridique et sociale des entreprises et du patrimoine des lignées agricoles, au détriment de la reconnaissance de la participation des femmes à l’économie des exploitations. Seules les exploitations déjà fragiles économiquement — notamment lorsqu’elles appartiennent à la communauté matrimoniale ou qu’elles reposent sur une main d’œuvre conjugale — sont menacées par les divorces. La rupture conjugale réduit alors encore davantage les chances de l’épouse de voir sa contribution reconnue.
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17 Circuits courts et circuits longs : comment conjuguer les modes de commercialisation ? Table ronde animée par Goulven Maréchal Témoignages de producteurs Le circuit court est économe en foncier. Il est source de valeur ajoutée, d'emploi, de dynamique de territoire mais aussi d'activités chronophages et énergivores et/ou d’un faible équipement de part sa diversification pouvant entrainer une pénibilité accrue au travail. La Vente en circuit court correspond à la vente directe ou la vente à un intermédiaire. Le circuit long peut être plus structurant pour une ferme. Il permet souvent un meilleur équipement par la spécialisation ; par contre, il la fragilise économiquement car elle est alors dépendante des intermédiaires. Il demande souvent des surfaces plus importantes de par la moindre valorisation. Le circuit long correspond à la vente à plus d’un intermédiaire. Certains optent pour du 100% pour l’un ou l’autre, d’autres mixent ces deux circuits, un peu, beaucoup…. • • •
Qu’est-ce qui motive dans les choix ? Comment appréhender cette question de la commercialisation au moment de la réflexion du projet ? Quel peut être l’impact en termes de choix d’investissement, d’organisation ? Quelle est la réalité des fermes en Ille et Vilaine et sur la Bretagne.
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