RETIERS (35) Bretagne
ACTES des confĂŠrences
sommaire Ma transmission, je l’anticipe!
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Les paysans bio au coeur de la recherche
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Le développement des marques privées biologiques : enjeux et perspectives pour le développement d’une filière bio de qualité
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Nouvelles techniques de modifications génétiques : quels enjeux pour l’agriculture biologique?
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Emplois métiers en agriculture biologique sur quatre pays bretons
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Agriculture bio et climat
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Vendre au juste prix
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Le défi de la coopération logistique face au changement d’échelle de la bio
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Livrer la restauration collective : quelles structurations pour les producteurs?
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L’abattage : une étape à part entière de la vie d’un animal bio
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Les clés de l’installation en petits ruminants
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La filière lait biologique
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Envisager et réussir sa conversion en lait biologique
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Élevage bio : comment passer de la médecine à la santé?
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Réussir une alimentation 100% biologique des monogastriques avec des matières premières locales : résultats et travaux en cours
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Agroforesterie et agriculture biologique
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La biodiversité fonctionnelle
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Les préparations naturelles peu préoccupantes
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La production et la transformation des plantes à parfum aromatiques et médicinales
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Maladies et prédateurs sous abris, des solutions concrètes à la portée de tous
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Microfermes et permaculture : des rêves à la viabilité
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Trajectoires d’installation en maraîchage
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Des semences pour demain
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Les filières céréales et oléoprotéagineux bio, un cap à franchir avec l’implication de tous
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Conduire des rotations en grandes cultures sans élevage : l’importance de la rotation
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Changement d’échelle de la bio : on y est, qu’est-ce qu’on fait?
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Ma transmission, je l’anticipe! Intervenants : Henri DAUCÉ (Cédant), Sylvain BEDFERT (Repreneur), François BERROU (AFOC 53), Nadou MASSON (productrice, référente transmission FNAB) Animation : Julien TAUNAY (CAB 44)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Article extrait du magazine Symbiose (Le mensuel des agrobiologistes de Bretagne). N° de mai 2016.
« C'était indispensable d'avoir un cédant motivé » Producteur de porcs, à Romillé (35), Henri Daucé s'est installé en 1976 avec sa femme. En 1983, il se met en GAEC avec une de ses soeurs et son beau-frère. Le GAEC dispose de deux sites et produit 350 000 litres de lait par an et du porc. Les vaches sont sur un site à Bédée tandis que les génisses laitières et le petit atelier naisseur-engraisseur sont à Romillé. En 1990 l'atelier porc passe en plein air, et en 2000, Henri et sa femme signent un CTE. Le couple décide de produire du porc fermier Label Rouge, avec les fermiers d’Argoat. En 2015, après une fin de carrière sous le signe d'une crise porcine qui n'en finit plus, Henri a passé le relais à Sylvain Bedfert, qui produit désormais du porc bio sur la ferme. Interview croisée. A quel moment et dans quelles conditions avez envisagé la transmission de votre ferme ? Henri : Ma sœur et mon beau frère ont pris leur retraite en 2010. On s’est posée la question de ce qu’on allait transmettre au niveau du GAEC. D'un commun accord, on s'est séparé pour que chacun gère sa propre transmission. On se retrouvait avec 32 ha à la séparation du GAEC. On a terminé pendant 4 ans avec 70 truies naisseur-engraisseur sur paille. On n'était même plus en Label Rouge, puisque les fermiers d’Argoat, avaient mis la clé sous la porte. La fin de carrière a été un peu difficile, j’étais finalement assez pressé d’arrêter. Quand on perd de l’argent régulièrement à travailler, on n’a pas envie de continuer à travailler trop longtemps. Vous vouliez que la ferme garde sa vocation porcine? Henri : Quand on a mis en place le Label Rouge, je ne voulais pas faire de bâtiment spécialisé, parce qu’au moment de la transmission, je n’aurai pu transmettre qu’un outil spécialisé, ce qui fermait des possibilités. Donc on a fait un bâtiment le plus polyvalent possible. J’étais ouvert, je m’étais donné 2 ans pour trouver quelqu’un. Le fait que Sylvain veuille faire du porc, ça m’intéressait et ça permettait de valoriser les bâtiments, qui étaient aux normes bio sans qu'on le sache. Comment vous-êtes vous rencontrés? Sylvain : J'ai travaillé en porc conventionnel et en porc bio. J’étais salarié chez Pierre-Yves Govin, éleveur de porcs bio à Romillé, qui m’a fait rencontrer Henri début 2013. J’avais en tête de m’installer mais mes parents ne sont pas agriculteurs. Ça n’était pas forcément facile, et je ne pensais pas que je trouverai aussi rapidement. L’opportunité a fait le reste, puisque la ferme correspondait bien à mon projet : m'installer en porc bio. Avec l’aide de Bio Direct, j'ai pu chiffrer le projet. Je me suis officiellement installé au 1er janvier 2015 avec une période de parrainage entre septembre et décembre 2014 où on a été tous les deux sur la ferme pour passer le relais. Henri : Quand on s’est rencontré, il voulait s’installer, je voulais transmettre, c’était déjà une partie du travail de fait. Le fait que Sylvain me soit présenté par Pierre-Yves était une forme de caution. Ça a facilité les premiers pas. On est parti assez vite en confiance. 1
Y avait-il des doutes à ce moment-là? Henri : Il y avait une part de risque. On se pose des questions : « Est-ce qu’il va chercher quelqu’un d’autre ? Est-ce qu’il a la vocation ? Est-ce qu’il ne va pas me lâcher 3 mois avant ? » On apprend à se connaître, et le potentiel de risque devient limité. Au bout d’un certain temps, on se rend compte qu’on a tous quelque chose à perdre si l’installation ne se fait pas. Ce qui correspond à une forme d’engagement. La transmission a entraîné la conversion de la ferme, comment ça s'est passé? Henri : Sylvain nous a demandé de passer en bio, de faire la conversion des terres en mai 2014. J’étais en MAE phyto, en culture désintensifiée, donc ça ne me gênait pas. Pour pouvoir vendre en bio directement, il fallait que les parcs plein air restent en jachère, 3,5 ha sont restés en jachère à partir du moment où on a arrêté les truies pendant un an. Après il faut être transparent, puisque je laissais 3,5 ha, que j'aurais pu valoriser par des cultures, j’ai demandé à Sylvain de me payer la marge brute que j’aurait faite sur ces cultures-là. Justement, comment avez-vous abordé l'aspect financier de la transmission? Henri : J’ai fait faire une estimation par un centre de gestion. Ce n’était pas facile, car sur la valeur comptable ou la valeur économique, ça ne valait plus rien. Il restait la valeur patrimoniale. Les résultats comptables passés n’avaient aucune valeur pour déterminer un plan de développement économique, puisque Sylvain mettait en place une nouvelle production. Le Centre de gestion a fait une estimation qui me semblait correcte. J’ai demandé à un ou deux copains ce que pouvait valoir la ferme, sans leur parler de l’estimation. Ca tombait dans une fourchette de 10 000 €. Sylvain n’a pas discuté. Sylvain : L’estimation qui a été faite était bien, car les trois valeurs permettaient de se faire une idée, en tout transparence. Je ne voyais pas trop ce que m’apporterait de refaire une estimation à côté. Donc, on est parti là-dessus. Henri : On était en transparence totale puisque je lui ai donné mon estimation et qu'il m’a fourni son PDE. Compte-tenu de la valeur, je savais quel revenu il allait pouvoir dégager. Mon passé de syndicaliste a sûrement aidé ma démarche. On a vu sur la commune des jeunes payer leur installation le prix fort et 5 ans après il n'y avait plus personne. On ne fait pas ça pour ça non plus. Les installations en porc bio ne sont pas nombreuses. Comment les banques réagissent à un tel projet? Sylvain : Pendant toute l’année 2014, j’ai affiné le projet, le chiffrage, les démarches avec les banques. Au départ, je me suis fait accompagné par Bio Direct pour bien cerner les débouchés. Au niveau des banques ou des Chambres d’agriculture, ils n’ont pas de recul sur le porc bio. Les deux tiers des banques étaient effrayés, mais il y en a une avec qui ça s’est très bien passé et qui m'a suivi à fond. C'est fou de se dire que des projets à 400 truies, 500 000 litres de lait avec une unité de méthanisation ça passe tout seul, mais que 50 truies en bio sur 30 ha ça ne passe pas. Concrètement, comment s'est passée la reprise? Sylvain : Le fait qu'Henri ait entamé la conversion, ça m'a permis de vendre mes céréales en C2 dès 2015, ce qui était confortable. Au niveau des parcs, ça m’a permis de commercialiser directement en bio, sachant que j’ai repris l’élevage sans cheptel, j’ai redémarré de zéro. Henri : J’ai poussé un peu car je ne voyais pas l’intérêt qu’il avait à reprendre le cheptel. Ça fait plus de 30 ans qu’on fait du porc ici, il y a eu des problèmes sanitaires... C'était l’occasion de faire un vide sanitaire, de tout nettoyer pour repartir sur de bonnes bases. Ça n'a pas été compliqué de remonter un cheptel? Sylvain : Henri a racheté des cochettes pendant le parrainage, puis il me les a revendues ensuite pour gagner du temps. Ça faisait une première mise bas en mars 2015 et une première vente en septembre 2015. Ça faisait 1 an sans vente hormis les céréales. Il a fallu bien anticiper cette période niveau trésorerie, c’est ça qui faisait aussi peur aux banques. L’aliment, ils en mangent et 2
ça ne rentre pas de l’autre côté. Henri : En même temps, si on avait gardé l’élevage et vendu en standard pendant les 6 premiers mois, ça aurait été pire. Il n’a rien gagné, mais au moins, il n’a rien perdu. Qu'en est-il aujourd'hui? Sylvain : Aujourd’hui, j'ai 55 truies, avec l'objectif de vendre 900 porcs par an quand on sera en année complète. Tout part à 99% en circuit long via Bio Direct et je commence un tout petit peu de vente directe. Un prestataire vient chercher les bêtes pour les emmener à l’abattoir et je récupère la marchandise une fois finie. Ca me permet de ne pas y passer trop de temps. Les gens étaient demandeurs, moi ça m'intéresserait de le faire, mais les journées ne font que 24h. Avec l’élevage et les cultures tout seul, ça passe, mais il ne faut pas charger plus. Vous pourriez créer de l'emploi à terme sur la ferme ? Sylvain : Ici, la place contraint l’extension du cheptel, donc si je veux créer de l’emploi, ce sera en développant la vente directe. La vente directe ça démarre bien mais doucement, donc il ne faut pas brûler les étapes. Comme il n'y avait pas de quoi stocker les céréales sur la ferme, j’ai acheté tout mon aliment à l’extérieur et j’ai vendu mes céréales en 2015. Par contre, j'ai en projet de stocker les céréales à la ferme pour l’alimentation des cochons. Dans la logique, l’idée c’est de garder sur la ferme ce que j’y produis. Je vais reprendre 3-4 ha, et j’arriverai avec ça dans les bonnes années à produire 50% de l’aliment à la ferme. Ca reste le point faible de ne pas pouvoir être autonome. Justement, on sait que la terre attire la convoitise, cela a-t-il posé des problèmes dans votre cas? Sylvain : lors de mon installation, il y avait 7 hectares qui ont été un peu difficiles à reprendre. Si je n’avais pas eu ces 7 ha, je ne m’installais pas. Henri : La moitié des terres étaient en location. Quand j’ai vu que Sylvain était une piste sérieuse, un an et demi avant son installation, je suis allé voir tous les propriétaires, en leur disant : « Il y a un projet d’installation en porc bio, est-ce que vous suivez ?» Heureusement que je l’ai fait car il y a eu des sollicitations. Pour moi, ce genre de démarche ça fait partie des devoirs du cédant. Globalement, transmettre quand on n’est pas propriétaire de l’ensemble des terres ça peut devenir compliqué. Par exemple, si on n’est pas dans de bonnes relations avec ses propriétaires et qu'on n'anticipe pas, la solidarité peut être limitée et si d’autres peuvent récupérer la terre, ils le feront. Pas tous, mais c’est une réalité. Le soutien d'Henri a-t-il été important au cours de la transmission? Sylvain : Le parrainage, c’était indispensable. Je ne me voyais pas arriver là le 1er janvier et me dire : « Bon ça y est, c’est moi le chef ». Pour se mettre au courant du voisinage, de la CUMA, de tout l’environnement, de l’exploitation en elle-même, c’était très utile. Quand on ne connaît pas l’exploitation, qu’on ne reprend pas après les parents, c’est un situation qui est un peu inconnue. C’est au cédant aussi de passer le relais, de présenter le repreneur à son réseau de relations. La ferme, je l’avais visitée plusieurs fois mais un réseau de relations, ça ne se fait pas comme ça. Et puis, on n’a pas eu le temps de sa battre en 4 mois…(Rires). Henri : Je ne pense pas avoir été trop envahissant. Dans ma tête, c’était fini. Le fait de liquider l’élevage, j’ai trouvé ça bien personnellement. J’ai transmis un site, mais je n’ai pas transmis un élevage. Symboliquement, ma production de porc était finie et la sienne commençait. Ca m’a aidé à couper, car je n’avais plus de lien avec les animaux. La crise porcine a fait que j’étais motivé à partir. Au final, le projet est-il fidèle à ce que vous aviez envisagé? Sylvain : Globalement, c’est conforme à mes attentes. Pour une personne seule, ça tourne bien. Au bout d'un an, j'étais en avance sur le PDE et je me prélevais 800€ par mois. Le volume 3
d’heures est important, mais je ne viens pas en reculant. Le week-end, je lâche. Je travaille 2 h le matin, je fais un tour le soir et je ne mets pas de réveil. Je prends un remplaçant occasionnellement. La première année, c’était compliqué de dégager du temps, mais là j'arrive à prendre des congés, je vais partir 5 jours en avril et 1 semaine en août. Il faut aussi savoir relever la tête de temps en temps. Et puis, avoir une bonne conjoncture pour démarrer, c’était important. C'est quoi la clé d'une transmission réussie? Sylvain : C'est indispensable d’avoir un cédant motivé pour installer un jeune. Quand on parle d’installation, au niveau des jeunes on est bien aidé, financièrement et en terme d’accompagnement. Je pense qu’il y a un gros travail pour motiver, aider les cédants, leur donner envie d’installer quelqu’un.
Intervention de François BERROU François Berrou, de l’AFOC Mayenne, met l’humain au centre du projet de transmission. Il identifie trois phases pour le cédant : se préparer ; recruter ; accompagner. Pour chacune de ces trois phases, il émet un point de vue, et propose de se poser les bonnes questions. Ces questionnements portent sur les conditions de la transmission, mais aussi de la nouvelle vie qui débute ensuite pour le cédant. François Berrou propose de dédramatiser la transmission pour mieux l’accueillir : en se défaisant de l’obligation de réussite, en se faisant confiance et en accueillant les phases de doute et de découragement, en se donnant le temps. Une histoire de personnes avant d’être une histoire de fermes.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Henri DAUCÉ, producteur de porcs, à Romillé (35) Henri DAUCÉ s’est installé en 1976 avec sa femme. En 1983, il se met en GAEC avec une de ses sœurs et son beau-frère. Le GAEC dispose de deux sites et produit 350 000 litres de lait par an et du porc. En 1990 l’atelier porc passe en plein air, et en 2000, Henri et sa femme signent un CTE. Le couple décide de produire du porc fermier Label Rouge, avec les fermiers d’Argoat. En 2015, Henri a passé le relais à Sylvain Bedfert, qui produit désormais du porc bio sur la ferme. Sylvain BEDFERT, producteur de porcs bio Sylvain BEDFERT s’est installé en 2015 à Romillé, à la suite d’Henri Daucé. La SAU s’élève désormais à 32 hectares , et le cheptel à 55 truies. La commercialisation se fait principalement via BioDirect, à hauteur de 900 porcs par an. François BERROU, animateur-formateur à l’AFOC Mayenne. Créée en 1983 par des agriculteurs, l’AFOC 53 est une association de formation et d’accompagnement à la gestion. François Berrou apporte son regard éclairé sur les problématiques de la transmission, en particulier sur l’anticipation, et la dimension humaine du projet de transmission. Nadou MASSON, productrice biologique de céréales et de légumes de plein champ dans le sud de l’Oise, au nord de Paris. Administratrice à la FNAB, elle est en charge du dossier installation et transmission depuis 2015. Le projet de transmission de la ferme est familial, puisque Nadou et son époux se sont associés avec leur fils dans cette perspective. La conversion progressive des terres et les investissements se font dans cette optique depuis plusieurs années. 4
Les paysans bio au coeur de la recherche Intervenants : Thierry MERCIER (président de l’ITAB), Raoul LETURCQ (Secrétaire national à la biodiversité, énergie et climat pour la FNAB), Laurent HAZARD (Directeur de Recherche à l’INRA au département Sciences pour l’Action et le Développement)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Les relations entre l’agriculture et la recherche sont extrêmement importantes. Elles ont été structurantes dans le développement de l’agriculture aux XIX et XXème siècle. Néanmoins, les paysans et leurs organisations expriment régulièrement le sentiment d’un décalage entre leurs besoins et leurs attentes et les travaux effectués par la recherche. Les raisons de ce sentiment sont diverses : inadéquation des solutions proposées par les organismes de recherche, différences de temporalités et d’objectifs, manque de moyens sur des sujets jugés prioritaires par les paysans et leurs organisations, etc. L’activité agricole est complexe d’abord parce qu’elle repose sur le vivant et qu’elle se confronte aux conditions pédoclimatiques locales (ce qui limite souvent la généricité des solutions construite en laboratoire) et variables d’une année à l’autre. La nécessité d’adaptation des producteurs est permanente et parfois urgente. De fait, les paysans investissent le champ de la recherche-expérimentation sans attendre systématiquement la recherche institutionnelle, afin de construire par eux-mêmes les solutions aux besoins de leur activité. La recherche n’est pourtant pas leur métier principal mais elle en est une composante souvent nécessaire. Néanmoins, un producteur seul ne peut pas répondre à toutes les questions auxquelles il est confronté sur sa ferme, par manque de temps et de moyens matériel, par manque de recul, etc. L’intelligence collective et la mutualisation des moyens entre producteurs permettent souvent de construire des solutions pour dépasser des freins techniques et innover au champ. Les collaborations avec les chercheurs, en permettant la mise en synergie de savoirs, de savoir-faire et de compétences complémentaires, renforcent ces dynamiques. Ce document s’appuie sur une note de Laurent HAZARD, directeur de Recherche à l’INRA-SAD de Toulouse et généticien. « Ma réflexion est bâtie sur neuf années d’expérience de travail avec des groupes d’éleveurs, notamment avec l’Association Vétérinaires-Eleveurs du Millavois (AVEM). Dans un premier temps, j’ai travaillé avec l’AVEM à la production de variétés fourragères paysannes. Ensuite, j’ai aidé cette association à monter et réaliser le projet CASDAR « Systèmes Agroéologiques Laitiers du Sud Aveyron » (SALSA). Cela m’a amené à quitter ma zone de confort et à mobiliser mes méthodes scientifiques plus que mes connaissances pour mener à bien un travail de reconception de systèmes agricoles. Certains questionneront ma légitimité à conduire ce travail, jugeant que je m’éloigne par trop de mon cœur de compétences en amélioration des plantes. J’estime néanmoins que cette prise de risque est cohérente avec l’exploration des liens entre la production de connaissances que je conduis et qui oriente ma trajectoire professionnelle au sein du département Sciences pour l’Action et le Développement (SAD) de l’INRA. » Une nécessité de connaissances et d’innovation permanente que les travaux de la recherche institutionnelle ne pallient pas toujours. Thierry MERCIER, polyculteur-éleveur laitier en Anjou, est depuis 2013 le Président de l’Institut 5
Technique de l’Agriculture Biologique (ITAB), l’institut reconnu depuis 2012 par le Ministère de l’agriculture pour porter les questions de recherche-expérimentation sur l’agriculture biologique. D’après lui, si les paysans investissent le champ de la recherche-expérimentation c’est notamment parce qu’ils ne sont pas satisfaits des réponses apportées par les instituts techniques et de recherche à leurs problématiques. Et c’est tout particulièrement prégnant pour l’agriculture biologique : alors même que ce mode de production est reconnu en 1980 par l’Etat, l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), principal institut de recherche agronomique en France, ne dispose d’aucun programme dédié à l’AB avant 2000. Dans la préface d’un rapport publié en 2000, « L'Agriculture Biologique et l'INRA : vers un programme de recherche », le président de l’INRA d’alors, Bertrand HERVIEU, déplore l’incompréhension qui a prévalu entre la recherche et les producteurs bio et « qui a coûté cher à notre pays, en privant ce secteur particulièrement innovant du progrès technique dont l'INRA a su irriguer pratiquement tous les autres secteurs de notre agriculture. Le résultat, c'est que la France, qui était en position de leader dans l'Europe des années 70, est aujourd’hui à la traîne en matière d’Agriculture biologique, et que nos échanges extérieurs sont déficitaires ». Sans attendre la mobilisation de l’institution, des chercheurs, notamment au sein de l’INRA, se sont impliqués très tôt sur l’Agriculture Biologique. C’est le cas de Véronique CHABLE, ingénieure de recherche au sein de l’INRA-SAD de Rennes, qui fait le constat dans une publication parue en janvier 2016 que depuis la parution de ce rapport en 2000, « l’intégration de l’AB dans les programmes de recherche est restée modeste » (dans « Recherche multi-acteurs et transdisciplinaire pour des systèmes alimentaires bio et locaux », Techniques de l’ingénieur). Laurent HAZARD identifie trois raisons pour lesquelles de nombreux paysans ont la sensation que les chercheurs ne travaillent pas sur des problématiques qui les intéressent. 1) La recherche cherche avant tout à comprendre le monde plutôt qu’à le transformer « La recherche a pour premier objectif de produire des connaissances sur le monde tel qu’il est. Peu de chercheurs s’engagent dans des recherches ayant pour but de transformer ce qu’ils étudient. Ceux qui le font s’écartent de la tradition de la recherche faite d’objectivité et de réductionnisme. D’une part, l’objectivité du chercheur, bien qu’elle soit un mythe quelle que soit la nature des recherches qu’il conduit, est plus facilement attaquée lorsqu’il s’inscrit dans une visée transformatrice de son objet d’étude. D’autre part, l’approche réductionniste, qui consiste à étudier les propriétés intrinsèques d’un objet toutes choses égales par ailleurs, trouve ses limites lorsqu’il s’agit d’envisager ce qu’il va devenir sous l’effet d’une transformation. Il est alors crucial de s’intéresser à comment cet objet est connecté à ce qu’il l’entoure, ce qui engage le chercheur dans des démarches systémiques qui ne sont pas si communes en recherche. Ces deux limitations sont illustrées par l’exemple de la vache. A la fin de mes études à l’université, je savais grosso modo tout ce qu’on sait du métabolisme de la vache : sa croissance et son développement, sa reproduction, son adaptation aux stress et aux maladies… je connaissais quelques aspects de sa vie sociale : comment elle interagit avec ses congénères dans un troupeau… Mais pour autant aurais-je pu produire du lait et en vivre ? La réponse est clairement non… Est-ce que j’aurais pu transformer cet animal et faire de la sélection génétique ? La réponse est également non. Produire du lait ou sélectionner une vache nécessite de comprendre dans quel système elle s’insère : climat, type de ressources fourragères, mode de valorisation du lait, orientation collective de la race, évolution du marché… Comprendre ici n’est pas expliquer. L’éleveur comprend le fonctionnement global de son système sans nécessairement pouvoir l’expliquer de façon analytique. Cette compréhension est une intelligibilité de la situation issue de l’expérience que l’éleveur en fait. Elle n’est pas objectivable et certainement pas explicable avec une approche réductionniste. Cette compréhension et cette expérience sont empreintes de subjectivité : chacun donne du sens à ce qu’il fait en fonction de données objectives mais également en fonction de ses valeurs, de ce qu’il est…» 2) La recherche débouche plus facilement sur des innovations technologiques 6
« La recherche dominante, objectivante et réductionniste, trouve naturellement un prolongement dans un mode d’innovation industriel et technologique. Il est par exemple plus facile actuellement pour la recherche de participer à l’élaboration d’un médicament pour éradiquer une maladie plutôt qu’à un mode de gestion systémique rendant cette maladie acceptable. De plus les modes de financement de l’innovation renforcent cet état de fait, en plaçant, par exemple, le brevet en tête des modes de valorisation des travaux de recherche. » 3) La recherche s’interroge peu sur l’opérationnalité des connaissances qu’elle produit « Même si les moyens de la recherche se concentrent sur un nombre restreint de problématiques, il existe de par le monde une quantité de recherches conduites sur une diversité de sujets. Le problème est que les connaissances scientifiques produites, pour peu qu’elles soient identifiées, sont difficilement opérationnelles. Le chercheur cherche à écarter la singularité d’une situation pour produire des connaissances génériques, c’est-à-dire des connaissances vraies pour un type d’objet ou de processus. La question de leur utilité dans une situation forcément singulière n’est pas posée. Pour être utile une connaissance doit être adaptée au contexte de son utilisation. Cela pose la question du comportement de l’objet ou du processus dans une situation singulière. Ce retour de la connaissance scientifique vers une situation d’action n’est généralement pas étudié. Or il est clair qu’il y a un travail de recherche à conduire sur ces situations d’action. Par exemple, une variété élite est sélectionnée pour sa production maximale en condition non-limitante. Cette connaissance demeure valide quel que soit l’endroit et la façon dont elle est cultivée, mais elle ne nous dit rien de sa capacité à produire dans ces situations singulières. » Un autre élément que l’on peut prendre en compte, c’est la grande différence de temporalité entre l’agriculture et la recherche. Si un paysan a besoin de trouver des solutions à des difficultés techniques ou économiques d’une campagne sur l’autre, le temps de la production et de la validation de connaissances qui peuvent déboucher sur des solutions aux questions posées peut être très long. Dans un rapport publié en 2014, l’INRA estime qu’il y a un délai de 20 ans environ pour qu’un résultat de recherche ait un impact (Analyse Socio-économique de la diversité des Impacts de la Recherche Publique Agronomique, ASIRPA). Et 20 ans, c’est long. Comment les paysans s’impliquent dans la recherche ? Face à ces difficultés de diverses natures, ce n’est pas nouveau, les paysans n’ont d’autre choix que d’expérimenter eux-mêmes. De nombreux producteurs conduisent des essais sur leur ferme, expérimentent des techniques ou font des choix nouveaux dans leurs itinéraires culturaux, ils adaptent leur matériel, testent des mélanges de variétés dans leurs parcelles, etc. Se faisant, ils s’impliquent pleinement dans la dynamique de recherche et développement de l’agriculture. L’implication des producteurs dans la recherche-expérimentation, Raoul LETURCQ et Thierry MERCIER l’illustrent pleinement. Raoul LETURCQ, producteur conventionnel pendant 22 ans, puis en bio depuis 1999, s’est impliqué en tant que Président d’Agriculture Biologique de Picardie (ABP), au sein de l’association Agro-Transfert (créée à l’initiative du Conseil Régional de Picardie, de l’INRA et des Chambres d’agriculture). Dans ce cadre, il a contribué à la définition et à la mise en place du projet « Agri-Bio : de la connaissance à la performance ». Une des dimensions du projet consiste notamment à expérimenter et produire des références sur la gestion des adventices et de l’azote en systèmes de grande culture biologique. Avec d’autres producteurs, en lien notamment avec les techniciens de l’ABP et d’Agro-transfert et de chercheurs de l’INRA, ils ont travaillé de 2011 à 2016 à l’identification de pratiques innovantes sur la gestion de l’azote et des adventices et sur la mesure de leurs performances. De leur côté, Thierry MERCIER et son fils Florent, en lien avec l'INRA, l'ITAB et le réseau FNAB, expérimentent à la ferme depuis plus de 10 ans des variétés paysannes de céréales. Le GAEC organise tous les ans une journée porte ouverte qui accueille en moyenne une centaine de partici7
pants, ainsi qu'une journée de restitution sur les résultats et d'échange de graines. On pourrait encore citer l’exemple de six producteurs du Groupement des Agriculteurs Biologiques d’Ile de France (GAB IDF), qui en lien avec l’INRA et un lycée expérimentent depuis un an des mélanges variétaux de blé dans leurs parcelles. Les exemples sont nombreux de paysans seuls, organisés entre eux ou avec des tiers (techniciens, chercheurs, etc.), travaillant à la production de connaissance et de solutions innovantes pour eux et leurs confrères. Dans un récent dossier consacré au financement de la R&D (recherche et développement) par les producteurs (juin 2016) le magazine Entraid’ remarquait que « les agriculteurs ne cherchent pas encore à financer auprès des banques leurs opérations de recherche ». Lorsqu’ils expérimentent, les paysans y investissent de l’énergie et du temps. Mais ils investissent également dans du matériel nouveau et mettent en jeu une partie de leurs récoltes. Pour déclencher des expérimentations plus ambitieuses, les paysans auront difficilement recours à des prêts bancaires et s’appuieront davantage sur le travail collectif ou sur des financements publics. Thierry MERCIER constate que les recherches paysannes ont pâti d’une mauvaise image de la part des financeurs public. Cette mauvaise image est notamment relative à la faible généricité des résultats des expérimentations et de l’absence de caution scientifique. Cependant, d’après le Président de l’ITAB, petit à petit, les pouvoirs publics et les opérateurs économiques reconnaissent aujourd’hui l’intérêt de cette forme de recherche. En effet, les intérêts que l’on peut identifier à propos de l’expérimentation paysanne sont divers : - adéquation avec les besoins des producteurs, - validité systémique (expérimentation en conditions réelles), - appropriation par les producteurs facilitée, - délais plus courts Cependant, pour assurer une certaine validité des résultats, ces avantages doivent être compensés par un plus grand nombre de répétitions des essais, une grande rigueur dans les mesures, des protocoles adaptés, etc. Néanmoins, d’après Laurent HAZARD, « il n’y a pas de paysan-chercheur. Les deux métiers sont bien distincts et le paysan n’a pas besoin de produire des connaissances validées par la communauté scientifique pour exercer son activité. En revanche, il est indéniable que dans son activité, le paysan développe des connaissances, des savoir-faire et une capacité à expérimenter, s’ajuster, apprendre de l’expérience etc. Pour autant, cela n’en fait pas un chercheur. Tout comme les chercheurs qui veulent travailler avec les paysans doivent reconnaître leurs savoirs et savoir-faire, les paysans qui veulent travailler avec des chercheurs doivent reconnaître les spécificités de l’activité professionnelle qu’est la recherche. » Laurent HAZARD identifie deux dimensions qui font que le paysan, s’il n’est pas chercheur, n’en est pas moins légitime à interagir avec la recherche : le paysan-citoyen et le paysan-concepteur. 1) Le paysan-citoyen « La posture citoyenne vise à démocratiser la recherche. Il ne s’agit pas tant de demander aux chercheurs de vulgariser leurs travaux que de permettre aux citoyens d’orienter les recherches finalisées vers certaines problématiques jugées prioritaires ou certaines innovations désirables. Il faut signaler le travail réalisé dans ce sens par la fondation «Sciences citoyennes». Néanmoins, il peut y avoir un grand décalage entre l’intention de départ recevant un satisfécit et ce que l’innovation produit réellement lorsqu’elle se diffuse. Cela tient à ce que l’innovation se façonne dans l’usage qui en est fait, la détournant souvent de son utilisation première : par exemple les éleveurs détournent les rondelles en caoutchouc destinées à l’étanchéité des conserves pour en faire des colliers pour identifier les agneaux. Ce qui est en jeu ici c’est l’activité de conception dans laquelle se retrouvent paysans et chercheurs. » 2) Le paysan co-concepteur « La posture de conception peut réunir paysans et chercheurs autour de la résolution de problèmes ou la conception d’innovations. L’objectif est pragmatique. Il ne s’agit plus de produire 8
des connaissances pour expliquer le monde mais de trouver des solutions à des problèmes qui surviennent dans l’activité agricole ou créer des ressources, des outils ou des méthodes qui vont transformer cette activité. Lorsque les chercheurs s’engagent dans une démarche de conception, ils peuvent travailler avec des paysans par exemple pour créer des outils utiles et utilisés. » Laurent HAZARD a « travaillé de cette façon en développant l’outil informatique CAPFLOR. Cet outil d’aide à la création de prairies à flore variée a été développé de façon participative avec des collectifs d’éleveurs comme Bio 82. De la même façon, les paysans peuvent engager des démarches de conception, par exemple pour sélectionner des variétés paysannes et souhaiter être accompagné par les chercheurs. La production de connaissances et l’innovation portent autant sur les aspects techniques (production de semences, croisements…) que sur les aspects organisationnels (organisation des échanges de semences, maison de la semence). La collaboration entre paysans et chercheurs ne va pas de soi : il faut la formaliser, définir un mode de gouvernance et expliciter les attendus de chacun pour construire une interaction équilibrée et équitable. Cette collaboration est un engagement dans la durée. La participation de chacun sera consolidée par la mise en débat de la stratégie adoptée et du sens que l’on donne à ce qu’on fait ensemble. Il est clair, par exemple, que lutter contre l’appauvrissement de l’offre variétale, et la privatisation du vivant qui va de pair, est un formidable moteur pour une action technique visant à produire des semences et des variétés paysannes. Plus généralement, les approches pragmatistes et systémiques nous amènent à reposer la question des fins et des moyens : revenir sur l’objectif visé plutôt que se focaliser sur le problème à résoudre ou l’innovation à créer permet d’ouvrir le champ des possibles pour trouver des solutions. Ce travail de conception ne nécessite pas forcément de connaissances nouvelles. Bien souvent les connaissances existent, chez les chercheurs et/ou chez les paysans, la difficulté est de les identifier, de les articuler et de les adapter à la situation. C’est un travail d’apprentissage qui passe, ici, par la pratique et l’expérience. Ce qui marche prend le pas sur la recherche de la vérité… La connaissance scientifique n’est plus au-dessus des autres formes de connaissances. Lorsque les connaissances manquent pour conduire ce travail de conception, l’idée est de produire des connaissances en situation. L’activité est un facteur essentiel pour construire la connaissance. Il est possible de déployer une démarche scientifique classique, via l’expérimentation, l’efficience de celle-ci est questionnable : - L’expérimentation à la ferme est une façon de déployer sur le terrain la démarche réductionniste du laboratoire. Des chercheurs travaillent actuellement à développer un outillage statistique permettant d’alléger les procédures en limitant notamment le recours aux répétitions qui sont lourdes à mettre en place. L’expérimentation va permettre d’expliquer un aspect du problème, en espérant que cet aspect soit pertinent pour sortir de la situation de blocage. Elle peut également permettre, par la maîtrise affichée des canons de l’académisme scientifique, de légitimer une action : ce fût le cas lorsque j’ai réalisé un essai chez un éleveur et que j’ai démontré expérimentalement que les variétés paysannes de luzerne et sainfoin étaient mieux adaptées au champ que les variétés commerciales ; - L’expérimentation «système» peut être réalisée sur des fermes expérimentales. Elles sont utiles pour produire des références pour un type de système innovant. Si elles ne sont pas vraiment une méthode pour explorer une diversité de problématiques, elles peuvent être couplées à des approches par modélisation pour explorer in silico d’autres possibles. Dans tous les cas, les fermes expérimentales sont un point focal sur un territoire pouvant jouer le rôle de plateforme d’échanges de connaissances entre agriculteurs, voire de living-lab [ou laboratoir vivant – c’est-à-dire multipartenaire et en prise directe avec les besoins et actions des acteurs de terrain] en offrant la possibilité aux agriculteurs de tester des idées. Cependant, je pense que d’autres modes d’investigation restent à explorer dans la collaboration entre chercheurs et paysans. Produire des connaissances dans l’action, pour l’action, et transformer ce qui est, nous engage sur d’autres modes de production de connaissances. La manière dont on acquière des connaissances et la validité de ces connaissances fait débat. Néanmoins 9
peu de chercheurs participent à ce débat méthodologique et épistémologique, et encore moins de chercheurs quittent leur zone de confort et prennent le risque de mettre en œuvre d’autres démarches scientifiques, plus pertinentes pour instruire l’action : intersubjectivation, enquête pragmatique, boucle Abduction/Déduction/Induction… ». Laurent HAZARD nous repositionne face à une démarche qui relève non-exclusivement de l’expérimentation paysanne mais de la recherche participative. La recherche participative étant une recherche où les acteurs du secteur étudié sont impliqués. Cependant, il existe des degrés très variés d’implication des acteurs. Parce que de plus en plus d’appels à projet valorisent les recherches dites participatives, des projets de recherche se montent où la participation des producteurs peut se limiter à la mise à disposition de parcelles, éventuellement à la conduite des cultures et de certaines mesures. A contrario, des démarches telles que celles des Programmes Pour et Sur le Développement Rural (PSDR) essayent d’impulser la mise en synergie des acteurs de la définition des projets de recherche jusque la valorisation des résultats (donc leur opérationnalité). Les exemples de Raoul LETURCQ ou encore de Thierry MERCIER, les démarches engagées par Laurent HAZARD, impliquent les paysans et les chercheurs dans des collaborations où l’intelligence collective et la mutualisation de savoirs et de savoir-faire permettent de faire progresser et la connaissance et les fermes. Dans ce droit fil, à l’occasion du Salon International de l’Agriculture de Paris, en 2016, le Président de l’ITAB, Thierry MERCIER et la Présidente de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB), Stéphanie PAGEOT ont signé une convention de partenariat. L’objectif de cet accord est notamment de renforcer le lien entre les producteurs et la recherche-expérimentation et de contribuer à apporter des solutions aux besoins des paysans. Dans le dossier évoqué plus haut, le magazine Entraid’ interrogeait un certain nombre d’organisme de recherche (INRA, IRSTEA, Idele, IFV, Arvalis) sur l’amplification de la participation des agriculteurs à la production de résultats scientifiques. Chacun des membres de ces instituts interrogés affirme la probabilité, voire leur volonté d’une croissance de l’implication des producteurs dans leurs travaux. Et ce, d’après eux, à l’aune de deux mouvements : le développement de la recherche participative/du « bottom-up » comme une mode ou encore des nouvelles technologies de la communication et du big data. Paysans, chercheurs… quel rôle pour l’animateur ? Ce développement de la recherche participative nous interroge sur les conditions de sa mise en place efficace. D’après Laurent HAZARD, l’animation du collectif est la clé. « En général, l’interaction entre paysans et chercheurs se construit autour d’un collectif de paysans. Les GIEEs et les PEIs sont des outils qui favorisent la consolidation ou la création de collectifs. Ces collectifs sont animés par un animateur pouvant être un salarié ou un paysan en charge de l’animation du collectif. Cet animateur a un rôle qui n’est pas très bien défini mais qui se distingue clairement de la figure historique du conseiller. Il est plus dans la facilitation que dans le conseil. Toujours est-il que l’animateur joue un rôle primordial dans le succès de la collaboration entre paysans et chercheurs mais un rôle qui demeure à définir en termes de compétences professionnelles. Il est plus attendu sur ses capacités à faire du lien entre paysans et chercheurs qu’à produire lui-même un conseil. Les aspects organisationnels sont bien souvent aussi importants si ce n’est plus que les aspects techniques lorsqu’il s’agit de conduire une réflexion et une activité de conception. Or, il y a encore dans l’idée de tous, animateurs, paysans et chercheurs, que la compétence s’exprime avant tout par la maîtrise des connaissances techniques. Il est clair que l’animateur va au fur et à mesure des années développer une expertise technique qu’il va pouvoir exercer auprès du groupe. Cette expertise ne doit toutefois pas annihiler sa capacité d’étonnement, sa curiosité, ses doutes qui sont les catalyseurs de la démarche scientifique et par suite de l’innovation. Accepter la remise en question est sans doute la principale composante de la réussite d’une investigation collective entre paysans, chercheurs et animateurs. » Ces réflexions partagées entre chercheurs, producteurs et organisations de producteurs nous 10
invitent à prolonger les démarches de rapprochements entre acteurs et à appuyer le développement des expérimentations paysannes. L’Agriculture biologique, source d’innovation et ressource pour la recherche agronomique En guise d’ouverture, on pourra rappeler la conviction exprimée par Bertrand HERVIEU dans la préface du rapport publié en 2000 par l’INRA et portant sur la recherche sur l’agriculture biologique : « ce mode de production est un véritable laboratoire pour l'agriculture de demain ». En effet, parce que l’agriculture biologique demande aux paysans de réinventer de nombreuses solutions que d’autres producteurs, s’appuyant, tant que c’est encore possible sur des solutions chimiques, n’auront pas identifié. Ce laboratoire in vivo d’une agriculture durable est à interroger plus que jamais.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Thierry MERCIER est le président de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique (ITAB) depuis 2013. Il est polyculteur-éleveur en Anjou. Son exploitation est en bio depuis son installation en 1978. En GAEC avec son fils, ils transforment et vendent en direct ou localement leur produits laitiers, viandes, farines et les bêtes de race Brune d’Origine. En lien avec l’INRA, l’ITAB et le réseau FNAB, le GAEC expérimente à la ferme des variétés paysannes de céréales depuis plus de 10 ans. Ils organisent tous les ans une journée porte-ouverte ainsi qu’une journée de restitution des expérimentations et d’échange de graines. Impliqué au sein de l’ITAB depuis 10 ans, Thierry MERCIER contribue activement au développement de la recherche participative. En mars 2016, le président de l’ITAB et la présidente de la FNAB ont signé un accord de partenariat pour privilégier les innovations de terrain provenant des agriculteurs bios dans le cadre des programmes de recherche. Avant l’ITAB, depuis les années 80, Thierry MERCIER a été successivement responsable départemental Nature et Progrés et COMAC, président du GABB Anjou, président de la CAB Pays de la Loire et premier président de l’INTERBIO Pays de la Loire. Laurent HAZARD est Directeur de Recherche à l’INRA-SAD de Toulouse, responsable de l’équipe Magellan, de l’UMR Agir (https://www6.toulouse.inra.fr/agir). Il a d’abord travaillé sur la sélection du ray-grass anglais à l’INRA de Lusignan. En 2000, il a rejoint l’équipe de Michel DURU à l’INRA de Toulouse pour développer sur l’utilisation d’écotypes naturels dans la restauration des prairies et des pelouses de montagne. Cette thématique l’amène à s’intéresser dès 2005 à la création de prairies à flore variée et à la sélection paysanne d’espèces fourragères. Sur ces deux aspects, il développe des approches participatives donnant lieu à un outil d’aide à la décision CAPFLOR (capflor.inra.fr) et à un ouvrage collectif («Gérer collectivement la biodiversité cultivée») rédigé dans le cadre du projet ProABiodiv piloté avec l’ITAB. Depuis 2012, il travaille sur des méthodes de co-conception et de production de connaissances dans l’action dans le cadre de projets de transition agroécologique de l’élevage. Raoul LETURCQ Secrétaire National de la FNAB, Président de la commission Environnement de l’Agence Bio, Personne Qualifiée au comité de bassin de l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN). Après 22 années en agriculture conventionnelle, Raoul et Marianne décident de convertir leur exploitation en Agriculture Biologique en 1999. Pendant 9 ans Raoul a présidé aux destinées de l’Agriculture Biologique en Picardie (ABP), à ce titre il est l’initiateur du projet d’Agrotransfert appelé « de la connaissance à la performance », il a en tant que responsable à la FNAB de l’action Eau et Bio favorisé l’extension du projet ABAC du CNRS qui étudie le lessivage des nitrates, son exploitation est utilisée pour ce projet ainsi que pour celui de l’INRA de Laon sur les transferts d’azote et dégagement gazeux dans l’atmosphère. 11
Le développement des marques privées biologiques : enjeux et perspectives pour le développement d’une filière bio de qualité Intervenants : Jan PLAGGE (président de Bioland), Alain DELANGLE (président de Bio Cohérence)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Force est de constater que les organisations de producteurs biologiques et les mouvements biologiques dans leur ensemble ne se sont pas développés de la même manière en France et en Allemagne. Côté français, le mouvement de l’agriculture biologique s’est structuré autour d’un cahier des charges national, et non autour de cahier des charges spécifiques à chaque marque privée, comme ça a été le cas outre-Rhin. Alors que les marques privées biologiques sont nombreuses, bien établies et reconnues par les consommateurs en Allemagne, en France ces marques sont bien moins nombreuses. Aujourd’hui, Bioland figure parmi les marques de produits biologiques régionaux de qualité les plus connues et les plus appréciées des consommateurs allemands. Cette marque appartient à l’organisation de producteurs du même nom, qui compte en 2016 pas moins de 6500 adhérents travaillant tous dans le respect d’un cahier des charges biologique plus exigent que celui issu de la réglementation européenne. Mais la marque « Bioland » ce n’est pas que des produits biologiques, c’est aussi une vision de l’agriculture du futur, comme l’illustrent les 7 principes de Bioland (1). Lors de son intervention, Jan PLAGGE, le président de Bioland, reviendra notamment sur les différentes étapes clés du développement de la marque jusqu’à son succès actuel et livrera quelques pistes de réflexion. Il présentera aussi les stratégies mises en œuvre pour répondre aux défis actuels et continuer à faire vivre et fleurir la marque. Au niveau français, il est important d'organiser dès maintenant un langage commun entre producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs à l'échelle nationale, dans la continuité et l'affinement de ce qui les rassemble à l'échelle européenne. La marque de filière « Bio Cohérence » est une opportunité pour écrire avec tous les acteurs de la filière une nouvelle page du développement de la bio. Comme gérer c’est prévoir, dans cette période de changement d'échelle de la bio, prenons garde de ne pas nous laisser tenter par la seule différenciation au sein de l'entreprise ou de l'organisation économique de producteurs. Cette démarche, souvent pratiquée par les organisations de l'agriculture conventionnelle n'a pas donné de vision de l'agriculture à long terme. La force de la bio est dans l'organisation commune et il faut dès à présent être en capacité de construire cette organisation à l'échelle des différents territoires. Après un retour sur l’historique et le développement de Bio Cohérence, Alain DELANGLE présentera les enjeux actuels qui se posent à l’ensemble des acteurs de la filière au regard des évolutions du contexte économique et sociologique.
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Mots clés : cahier des charges biologique – marque privée – structuration de filière – qualité de l’alimentation – partenariat. (1) Les 7 principes de Bioland sont : l’économie circulaire, la préservation de la fertilité des sols, le bien-être animal, la production d’aliments de qualité, la biodiversité cultivée, la préservation des ressources naturelles, assurer aux humains une vie et un avenir de qualité.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Jan PLAGGE, Président de Bioland, marque privée de producteurs bio en Allemagne. Depuis 2011, et après avoir été réélu en 2016, Jan PLAGGE est président de Bioland, la principale organisation de producteurs biologiques d’Allemagne, créée en 1972. Ingénieur agronome de formation, Jan PLAGGE a commencé en s’installant dans la ferme familiale (maraîchage) qu’il a converti à l’agriculture biologique dès 1993. Il a aussi été conseiller technique en maraîchage avant de créer et diriger la filiale « conseil » de Bioland en Bavière. Jan PLAGGE est investi au niveau européen au sein d’IFOAM Europe dont il est devenu vice-président en 2016 et il est membre du Farmers’ Group. Alain DELANGLE, président de Bio Cohérence, marque privée de filière bio en France. Agriculteur depuis 1988, en bio depuis 1997 et membre du réseau FNAB dès le début de la conversion, Alain DELANGLE a constamment considéré l’engagement collectif comme partie intégrante du mouvement bio. Pratiquer une agriculture dans le respect d’un cahier des charges c’est bien, participer au mouvement qui redonnera sens à l’agriculture et dignité aux paysans est pour lui tout aussi important dans un contexte alimentaire inédit. Ceci est le sens de son engagement en tant que président de Bio Cohérence.
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nouvelles techniques de modifications génétiques : quels enjeux pour l’agriculture biologique? Intervenants : Daniel EVAIN (administrateur FNAB, mandaté au HCB), Eric MEUNIER (Inf’OGM), Eric GALL (IFOAM EU)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Nouvelles techniques de modification génétique… Nouvelles biotechnologies... NBT pour « New breeding techniques » en anglais... Nouvelles techniques d’amélioration des plantes.... OGM cachés… Autant de termes que l’on retrouve dans les médias généraux ou spécialisés pour désigner les nouveaux OGM. Mais que sont réellement ces nouvelles techniques OGM ? Il y a-t-il une différence avec les « anciens » OGM ? Quel encadrement par les pouvoirs publics de ces nouveaux OGM ? Quels sont les impacts pour les agriculteurs biologiques ? Quelle mobilisation de la société civile ? Les anciens OGM : la technique de la transgénèse et son encadrement réglementaire. Les législations internationales (1) et européennes (2) définissent les OGM comme des organismes dont le génome a été modifié de façon non naturelle. Par le passé, ce terme d’OGM couvrait principalement les organismes obtenus par la technique de la transgénèse. Pour une plante, la transgénèse se résume à l’introduction, par des techniques artificielles, d’un gène d’une autre espèce dans son génome. Le statut d’OGM est donc défini par le procédé utilisé pour modifier le génome, et non par les caractéristiques du produit final. La directive 2001/18/CE prévoit un encadrement strict des OGM, notamment en matière d’évaluation, de traçabilité et d’étiquetage. Les nouveaux OGM : de nombreuses techniques de manipulation du génome qui pourraient ne pas être soumises à la réglementation sur les OGM. Même si les industriels préfèrent utiliser le terme de « nouvelles techniques », afin que ces techniques ne soient pas considérées (et réglementées) comme les anciens OGM, les plantes qui en sont issues sont bien des OGM. Les « nouvelles » techniques (3), à l’instar de la transgenèse, visent à modifier le génome d’organismes vivants. Elles ont toutes en commun d’être mises en œuvre en laboratoire sur des cellules dont on a « cassé » la paroi pour y faire entrer du matériel biologique (ADN, protéines, etc.). Autre point commun de toutes ces techniques : elles ne sont pas d’une précision absolue et peuvent avoir des effets sur d’autres portions de l’ADN, donc sur la plante ou l’organisme tout entier. Au regard de la réglementation actuelle (4), ces nouveaux OGM devraient bien être réglementés comme des OGM, puisque toutes les « nouvelles techniques » utilisées sont des manipulations du génome : cela entre bien dans la définition de la directive 2001/18/CE. Or pour l’instant, ces « nouvelles » techniques ne sont pas officiellement reconnues comme OGM au niveau européen, et certains Etats membres prennent des dispositions nationales pour les déréglementer. En France, début 2016, le Haut Conseil des Biotechnologie (HCB) a invité le gouvernement à ne pas soumettre à la législation sur les OGM les produits issus de ces « nouvelles » techniques. D’autres pays européens tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède et l’Allemagne ont déjà officiellement légiféré dans ce sens. 14
Quels dangers des nouveaux OGM pour l’agriculture biologique ? Ces nouveaux OGM mettent en péril le mode d’agriculture biologique du fait de l’impossibilité de la coexistence entre les cultures OGM et les autres formes d’agriculture. Le risque est d’autant plus élevé si ces nouveaux OGM ne sont pas réglementés et encadrés par la directive 2001/18/ CE qui impose un suivi, une identification et un étiquetage. Les producteurs biologiques, comme le reste des opérateurs de la filière agro-alimentaires, seront donc dans l’impossibilité de garantir l’absence de nouveaux OGM dans les fermes et dans les produits alimentaires. En outre, les nouveaux OGM, comme les anciens, sont protégés par des brevets, alors même que les séquences génétiques protégées peuvent préexister à l’état naturel. Cette appropriation du vivant via les brevets par un tout petit nombre de multinationales est une épée de Damoclès pour les paysans risquant d’être accusés de contrefaçon lors de l’utilisation de ressources génétiques naturelles similaires à celles brevetées. Enfin, la libération dans l’environnement de ces nouveaux OGM n’est pas sans risque sanitaires et environnementaux, notamment du fait des effets non intentionnels. Ces effets hors-cibles regroupent les modifications non souhaitées qui peuvent apparaître ailleurs dans le génome et qui peuvent être source d’effets toxicologiques, allergiques, nutritionnels ou autres. Quelle mobilisation de la société civile et paysanne ? Au niveau européen et français, la société civile se mobilise. En mars 2016, une coalition d’organisations environnementales et agricoles a invité la Commission européenne à légiférer de sorte que les « nouvelles » techniques, soient considérées comme OGM et soient soumises à la directive 2001/18/CE. Ainsi, grâce à la transparence de l’étiquetage, agriculteurs, consommateurs et obtenteurs conservent leur liberté de refuser les OGM. De même au niveau français, les organisations paysannes et de la société civile membres du HCB ont présenté leur démission (suite à l’avis encourageant la déréglementation des « nouvelles » techniques) et on lancé une pétition « Nouveaux OGM – Non merci ». Mots clés : modification du génome – directive 2011/18/CE – HCB – déréglementation – effets non-cibles - brevets (1) Protocole de Carthagène. (2) Directive 2001/18/CE. (3) Parmi les plus souvent citées : Nucléase dirigée (dont Crispr-Cas9), mutagenèse dirigée, cisgenèse, Interférence ARN et RdDM, etc. (4) Directive 2001/18/CE.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Daniel EVAIN, producteur FNAB, mandaté au HCB Ingénieur agronome spécialisé en amélioration des plantes, Daniel EVAIN a dirigé un programme européen de sélection variétale en colza pour Cargill (8 ans) puis Monsanto (2 ans), suite au rachat de Cargill semences par Monsanto. Il s’est installé agriculteur en 2002 en convertissant la ferme familiale à la bio, tout d’abord en céréales puis a développé le maraîchage dès 2004. Les légumes produits sont vendus en circuit-court (AMAP et marché). Il a représenté la FNAB au Haut Conseil des Biotechnologies de 2009 à 2016. Eric GALL, en charge des OGM à IFOAM EU Eric GALL est directeur adjoint et Policy Manager à IFOAM EU, où il suit notamment les dossiers liés au changement climatique, à la PAC, aux semences et aux OGM. Avant de rejoindre IFOAM EU en 2014, il a travaillé au Parlement européen avec un député en charge des questions d’environnement, à la Fondation Sciences Citoyennes sur les politiques de recherche ainsi qu’à Green15
peace, en France et à Bruxelles, où il a coordonné le travail politique des bureaux nationaux de l’organisation contre les OGM. Eric MEUNIER, Inf’OGM Depuis 2002, Eric MEUNIER est rédacteur journaliste scientifique pour Inf’OGM, association de veille citoyenne sur les OGM, les biotechnologies et les semences, œuvrant pour l’information des citoyens et la transparence des débats autours des OGM. Biologiste par sa formation universitaire, il est notamment responsable de la veille scientifique de l’association. Dans ce cadre, il a participé à la rédaction de plusieurs rapports et ouvrages Inf’OGM.
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emploi métier en agriculture biologique sur 4 pays bretons Intervenants : Emmanuelle MARCHAND (MEIF), Bénédicte ROUSVOAL (FRAB), Anne-Laure SIMON (Agrobio 35)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Présentation du projet EMAB D'après l'Agence Française pour le Développement et la Promotion de l'Agriculture Biologique, 9 Français sur 10 (89%) consomment bio au moins occasionnellement alors qu'ils n'étaient encore que 54% en 2003. Cette hausse de la consommation bio est confirmée par les premières estimations du marché des produits bio qui a atteint 5 milliards d'Euros en France en 2014, soit une croissance globale estimée à 10% tous circuits confondus. En écho à cette hausse de la consommation, se pose la question de l'augmentation de la production et donc des perspectives d'emploi dans cette filière. C'est dans ce contexte que s'inscrit l'Etude EMAB (Emplois Métiers dans l'Agriculture Biologique). Cette dernière répond à un appel à projet lancé par l'Etat et la Région Bretagne au printemps 2015. Portée par la MEIF (Maison de l'Emploi de l'Insertion et de la Formation) du bassin d'emploi de Rennes, cette étude est co-pilotée avec Agrobio 35. Objectifs L'étude vise à quantifier les perspectives d'emploi dans les 5 ans à venir sur l'axe Rennes-Redon ainsi qu'identifier la typologie des postes de travail (métiers, durée de contrats…). Il s'agit, d'autre part, d'évaluer l'offre de formation dans le domaine de l'agriculture biologique sur ce territoire afin de s'assurer qu'elle peut répondre aux besoins du marché du travail. Enfin l'étude porte également sur une évaluation de la demande d'emploi dans la filière. Ainsi, l'étude EMAB s'articule autour de 3 axes : - un diagnostic quantitatif et qualitatif des projets d'embauches sur les 5 prochaines années, - une analyse de l'offre de formation existante sur le territoire (nombre de places en formation, contenu des formations, localisation géographique…), - une évaluation de la demande potentielle d'emplois. Au regard des résultats, il est prévu la mise en œuvre d'actions concrètes, qui correspond au second volet de l'étude. Modalités de travail L'étude a été co-pilotée par la MEIF et Agrobio 35, qui se sont appuyés fortement sur les travaux de la FRAB (Fédération Régionale des Agrobiologistes de Bretagne) et de l'AFIP (Association de Formation et d'Information Pour le développement d'initiatives rurales) ainsi que sur un certain nombre de structures de la filière agricole bio (VIVEA, FAFSEA…), sur des professionnel-les de la formation (CFPPA Rennes-Le Rheu…) ainsi que sur des professionnel-les de l'emploi (Pôle Emploi, Mission Locale…). Elle s'est donc appuyée sur un comité de pilotage composé d'une vingtaine de partenaires. L'étude EMAB a porté sur 4 pays, à savoir : - Pays de Rennes - Pays de Brocéliande - Pays des Vallons de Vilaine - Pays de Redon
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Détail de l'étude Le 1er axe de l'étude portant sur l'évaluation quantitative et qualitative des perspectives d'emplois dans les 5 à venir sur l'axe Rennes-Redon, met nettement en avant le nombre de fermes bio ainsi que les activités dominantes sur les territoires. Elle permet également d'identifier la typologie des exploitants (niveau de qualification, âge…), le nombre d'UTH dans les fermes ainsi que les créations potentielles d'emplois. Le 2nd axe de l'étude EMAB porte sur un recensement des formations bio existantes sur le territoire ciblé. Il détaille les formations initiales, continues (longues et courtes), celles dédiées aux salarié-es et exploitant-es agricoles ainsi que les formations proposées aux personnes en recherche d'emploi. Pour le 3ème axe portant sur l'évaluation de la demande d'emploi dans le secteur de l'agriculture biologique, la MEIF et ses partenaires de l'emploi (Mission Locale, Pôle Emploi, Point Accueil Emploi, Structures d'Insertion…) ont réalisé un questionnaire à destination des personnes en recherche d'emploi et/ou dans une démarche de formation ou de reconversion professionnelle, afin d'identifier les personnes susceptibles d'être intéressées par ce secteur. Les principaux résultats de l’étude L’étude quantitative (Observatoire 2016 – FRAB) a permis d’enquêter 611 fermes, ce qui représente 30% des fermes bio bretonnes, avec une représentation majoritaire des exploitations laitières et maraichères. Sur l’ensemble de ces fermes, près de la moitié (279 exploitations, soit 46% de l’échantillon) déclare être employeur de main-d’œuvre en 2016, avec en moyenne 1,7 UTH salariée par exploitation. Les informations recueillies auprès des exploitants permettent de définir le « profil type » du salarié présent sur les exploitations bio bretonnes. Il s’agit d’un homme, ayant entre 26 et 40 ans, étant embauché en CDI depuis moins d’un an sur la ferme comme ouvrier polyvalent, sans avoir suivi au préalable de formation en agriculture. Concernant les qualités recherchées par les employeurs, celles-ci vont varier en fonction du type de contrat choisi. Pour une embauche en CDD ils cherchent prioritairement quelqu’un d’opérationnel immédiatement, alors que pour un CDI, ils « investissent » dans une personnalité qu’ils vont prendre le temps de former. Pour ce qui est des perspectives d’emploi, 28% des répondants déclarent avoir un projet d’embauche d’ici 2019, dont près de la moitié en légumes. Ces recrutements sont envisagés principalement afin de faire face à une charge de travail supplémentaire en raison d’un développement prévisionnel (30%) de l’activité et également dans un objectif d’amélioration des conditions de travail (25%). En complément de ce travail quantitatif au niveau régional, 95 agriculteurs-trices ont été enquêté-es de manière qualitative (questions ouvertes) sur les 4 pays du territoire de l’étude. Cet échantillon est majoritairement représenté par les producteurs de lait (40%) et les maraîchers (26%). La suite de l’échantillon est diversifié et fidèle au profil du territoire. En termes de formation, 67% des associés des fermes enquêtées possèdent au moins le baccalauréat dont 80% ont un bac+2 minimum. Leur niveau de qualification est donc relativement élevé. Ils choisissent des salariés (61%) avec des niveaux similaires. Notons que seuls 15% des salariés détiennent une formation spécifique bio. Cela n’est pas un critère déterminant dans le choix d’embauche selon les agriculteurs, peut-être par faible offre de la part des demandeurs d’emploi. Pourtant, les formations bio sur le territoire sont existantes, en formation initiale ou continue (longue ou courte durée). Mais généralement, ceux qui se forment (BPREA essentiellement) ont la volonté de s’installer en passant souvent par du salariat de courte durée pour mettre en pratique leurs connaissances. 18
Des dispositifs existent aussi pour former les salariés après l’embauche avec une prise en charge financière et un accompagnement à la mise en œuvre (gérer par le FAFSEA (Financeur de la formation professionnelle)) mais ils sont majoritairement méconnus. Ces fermes produisent du travail qu’elles ont la capacité de rémunérer. Elles comptent majoritairement 2 UTH et plus (associé ou salarié) avec une moyenne à 1,7 UTH/ferme. Et ce, quels que soient leur surface et leur mode de commercialisation (circuits longs ou courts). Les salariés embauchés sont pour 45% d’entre eux en CDI. Un quart est en CDD et un huitième en contrat saisonnier. Les emplois aidés types TESA ou contrat de génération sont plus rares (7% et 1%). Ces fermes, créatrices d’activité, pourraient créer 43 emplois sur le territoire dans les 5 ans à venir car 38% des enquêtés déclarent envisager une embauche sur cette période. L’offre d’emploi concernerait des profils d’ouvriers polyvalents à 58% et d’ouvriers spécialisés à 23%. Cependant, des freins à l’embauche existent. La complexité administrative et la sensation de prendre trop de risques en sont les principaux. Le manque de moyens, la pression des charges et des taxes ainsi que la complexité à gérer les relations humaines sont également prégnants. Concernant la gestion des relations humaines, VIVEA (Fond de formation des agriculteurs) incite financièrement et accompagne les organismes de formations à réaliser des actions sur cette thématique. La difficulté réside dans la mobilisation des agriculteurs sur ce sujet. Conclusion de l'étude L'étude EMAB (Emplois Métiers dans l'Agriculture Biologique) a permis, d'une part, de réaliser un diagnostic des perspectives d'emploi dans le secteur de l'agriculture biologique sur l'axe RennesRedon, recenser l'offre de formations existante dans le secteur et d’identifier la demande potentielle d'emplois. D'autre part, elle a permis de développer des partenariats entre des structures agricoles et des professionnel-les de l'emploi et de la formation. En effet, au-delà d'une analyse des emplois potentiels dans les 5 prochaines années, cette étude a facilité les rencontres entre professionnel-les qui travaillaient jusqu'alors peu ensemble et qui pourtant ont tout intérêt à mettre en œuvre des actions collaboratives. Pistes d'actions à développer Sur l'axe 1 : Pour encourager la création d'emplois - Former et informer les agriculteurs sur les dispositifs d'aides à l'embauche (réalisation d'un guide) - Accompagner les exploitants dans leurs démarches de recrutements (aide à la définition du besoin, repérage du ou des candidats, aide aux démarches administratives, aide à la réalisation d'un plan d'accueil et d'intégration du nouveau salarié…) Sur l'axe 2 : Pour répondre aux besoins de formations - Informer les agriculteurs sur les offres de formations disponibles et leurs contenus - Faire participer les agriculteurs à la création des contenus de formation en agriculture biologique - Mieux communiquer les outils, les dispositifs et les formations existantes (ex : formations proposées par le FAFSEA…) Sur l'axe 3 : Pour faire connaitre les métiers et encourager l'orientation des publics vers l'agriculture biologique - Développer les actions de communication sur les métiers, les formations et le marché du travail auprès des intermédiaires de l'emploi (conseillers Pôle Emploi, Mission Locale, Points Accueil Emploi, Structures d'Insertion par l'Activité Economique…). A titre d'exemple : développer des actions type "les RDV Pros" sur les métiers de l'agriculture bio à l'Exploratoire (outil de découverte des métiers de la Maison de l'Emploi, de l'Insertion et de la Formation du bassin d'emploi de Rennes. C'est également un lieu dédié à l'information sur l'économie du Bassin d'Emploi de Rennes). Des visites d'exploitations peuvent égalmment être envisagées afin de présenter concrètement les métiers, la diversité des tâches, les conditions de travail, les compétences recherchées… - Créer davantage de passerelles entre les emplois dans la filière bio et les SIAE (Structures d'Insertion par l'Activité Economique). - Communiquer auprès des femmes sur les métiers (encourager la mixité des emplois). - Développer les actions visant l'interconnaissance entre les structures de la filière agricole (Agrobio 35, VIVEA, FAFSEA…) et les intermédiaires de l'emploi. 19
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Emmanuelle MARCHAND, chargée de mission MEIF Créée en 2005, La MEIF (Maison de l’Emploi de l’Insertion et de la Formation) du bassin d’emploi de Rennes fédère les acteurs et organise des actions en faveur de l’emploi, la formation, l’insertion professionnelle et la création d’entreprises sur le territoire. La MEIF articule son intervention autour de 2 grands axes de travail : - la participation au développement de l’anticipation des mutations économiques, - la contribution au développement local de l’emploi. Rattachée depuis 2013 au pôle GPEC-T (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences Territoriales), Emmanuelle MARCHAND travaille sur 3 volets : - des plans d’actions sectoriels autour de différents secteurs d’activité tels que le numérique, les métiers du grand âge et la filière agricole / agriculture biologique, - la sécurisation des parcours, - l’appui aux entreprises. A la MEIF depuis 2008, Emmanuelle MARCHAND était dans un premier temps chargée de mission territoriale sur le quartier Maurepas et les communes Sud-Est de Rennes. Sa mission consistait alors à mettre en œuvre des projets emplois/formation avec les acteurs de ce territoire à partir des problématiques locales. Elle a également travaillé au sein de la MEIF sur l’alternance et la mixité des métiers entre 2011 et 2013. D’autre part de 1998 à 2003, elle a occupé un poste de chargée de mission IOD (Intervention sur l’Offre et la Demande d’emploi) et préalablement, entre 2003 et 2005, occupée un poste de chargée de relations entreprises. Bénédicte ROUSVOAL, stagiaire FRAB Créée en 1987, la FRAB fédère les groupements d’agriculteurs biologiques présents dans chacun des 4 départements bretons. Elle développe l’agriculture biologique sur le territoire et représente les agriculteurs bio auprès des pouvoirs et institutions publiques : Etat, Région, Agence de l’eau, etc. Ses missions : - promouvoir le développement de l’agriculture biologique en Bretagne - mettre en œuvre les actions de recherche qui répondent aux besoins des agriculteurs bio, - échanger, former, débattre sur les techniques, - représenter les producteurs bio auprès des pouvoirs publics. Etudiante en Master 2 développement local et montage et gestion de projets européens à l’Université de Bretagne Occidentale de Brest, Bénédicte ROUSVOAL a intégré la FRAB en avril 2016 pour y effectuer son stage de fin d’études. Sa mission consiste à réaliser une enquête pour l’Observatoire régional de la production sur le thème de l’emploi salarié dans les fermes bio en Bretagne. Anne-Laure SIMON, technicienne Agrobio 35 Agrobio 35 est le groupement des agriculteurs bio d’Ille-et-Vilaine et fait partie du réseau FNAB. Conformément à ses statuts, Agrobio 35 développe l’agriculture biologique pour des motifs sociaux, économiques et environnementaux et met en place des actions variées qui visent à déployer des techniques de la bio auprès de l’ensemble de l’agriculture, à accompagner des agriculteurs ayant choisi l’agriculture biologique et à accroître l’accessibilité des produits bio locaux. Salariée à Agrobio 35 depuis 2005, Anne-Laure SIMON a accompagné le développement de l’agriculture bio à travers l’animation des filières de proximité (circuits courts) pendant plusieurs années. Dorénavant, elle est impliquée dans des programmes de recherche multipartenaires, dans l’apport d’informations et de conseils sur l’agriculture biologique auprès d’agriculteurs conventionnels, dans l’animation de groupes de formation d’éleveurs bio, et dans l’animation de l’association des Greniers Bio d’Armorique. Elle est également conseillère projet dans le cadre du parcours aidé pour l’installation agricole. 20
Agriculture bio et climat Intervenants : Jean JOUZEL (climatologue, vice-président du groupe scientifique du GIEC), Raoul LETURCQ (Secrétaire national à la biodiversité, énergie et climat pour la FNAB)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Enjeux scientifiques du changement climatique : du constat à l'action ?
La première partie de ce séminaire sera consacrée à la présentation des principales conclusions du 5ème rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). Ce rapport indique que le réchauffement est sans équivoque et sans précédent et il confirme la responsabilité des activités humaines à travers l’augmentation de l’effet de serre due, en premier lieu, à l’utilisation des combustibles fossiles. Il rappelle que si rien n’était fait pour diminuer rapidement nos émissions le réchauffement moyen de la Planète pourrait atteindre 4 à 5°C d’ici la fin du siècle et se poursuivrait par la suite, avec des conséquences auxquelles il serait difficile de faire face. Il établit un lien entre la quantité cumulée des émissions de gaz carbonique et la température de stabilisation à long terme mettant ainsi en exergue les difficultés posées par la mise en œuvre de l’objectif d’un réchauffement limité à 2°C auquel cependant tous les pays ont adhéré. J’examinerai brièvement les conséquences du réchauffement à venir pour la France et les initiatives qui y ont été prises sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique et de l’adaptation. Une partie de l’exposé sera consacrée au lien entre agriculture et changement climatique qui est à l’évidence très présent aussi bien au niveau de ses causes, de ses conséquences que des mesures d’adaptation à prévoir à l’échelle des prochaines décennies et des solutions à mettre en œuvre pour que l’agriculture contribue à cette lutte contre le réchauffement climatique. J’aborderai enfin certains aspects liés aux négociations internationales et aux objectifs de la Conférence Climat qui sera accueillie à Marrakech en novembre. Article extrait du magazine Symbiose (Le mensuel des agrobiologistes de Bretagne). N° de septembre 2016.
« Le monde agricole a beaucoup à faire pour le climat » Directeur de Recherche Emérite au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), Jean JOUZEL a fait dans cet organisme l’essentiel de sa carrière scientifique largement consacrée à la reconstitution des climats du passé à partir de l’étude des glaces de l’Antarctique et du Groenland. Il a participé, au titre d’auteur principal, aux deuxième et troisième rapports du GIEC (co-lauréat du Prix Nobel de la Paix en 2007), dont de 2002 à 2015 il a été vice-président du groupe de travail scientifique. Il sera présent jeudi 29 septembre, à Retiers, pour une conférence dédiée aux rapports bénéfiques que peuvent entretenir agriculture biologique et climat. On entend de plus en plus parler de réchauffement climatique, qu’y a-t-il derrière cette notion ? Le réchauffement climatique est là, il est perceptible. Il n’est pas encore dangereux, mais pour reprendre la conclusion du rapport du GIEC : le réchauffement climatique est sans équivoque. On ne peut pas être plus clair pour la communauté scientifique. Et, le deuxième point important, c’est qu’on confirme la responsabilité des activités humaines à travers l’augmentation de l’effet de serre due, en premier lieu, à l’utilisation des combustibles fossiles. Du point de vue de la communauté scientifique, même si on voit quelques climato-sceptiques, qui ont tout à fait le droit de s’exprimer, le diagnostic est assez clair. Le réchauffement climatique est là, il se traduit dans l’atmosphère, mais aussi dans 21
l’océan, par exemple avec l’élévation du niveau des mers. Donc, la communauté scientifique a d’une part des arguments très convaincants concernant cette réalité. D’autre part, il y a des risques de réchauffement important d’ici la fin du siècle. Y’a-t-il une réelle prise de conscience, notamment politique, du réchauffement climatique? La convention climat, signée en 1992, s’appuyant d’ailleurs sur les travaux successifs du GIEC, avait déjà l’objectif de stabiliser les émission de gaz à effet de serre. C’est vrai qu’il y a une dualité entre le diagnostic des scientifiques et la prise de conscience des décideurs politiques, en particulier à travers les conventions climat, les COP successives. Néanmoins, le réchauffement climatique est aujourd’hui une réalité bien comprise du monde politique au sens large. Mais, quand on parle de réchauffement climatique, les gens imaginent que c’est ce qu’on vit aujourd’hui, alors que ça n’a rien à voir. Celui dont on parle, c’est celui auquel on va faire face si rien n’est fait pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre : 4 à 5 degrés à la fin du siècle, c’est quasiment inimaginable, c’est un monde complètement différent. Et c’est l’action d’aujourd’hui qui doit empêcher d’en arriver là. Justement, on parle de ce fameux seuil de 2° à ne pas dépasser d’ici 2050... Que se passeraitil si on le dépassait ? Par exemple, si on passait ce seuil, la production agricole mondiale serait affectée négativement. Si on regarde les productions des 4 cultures vivrières principales (blé, maïs, riz et soja), des régions vont gagner en productivité et d’autres vont perdre en productivité. Mais dans un contexte de réchauffement climatique important, les régions qui perdent prennent largement le pas sur les régions qui gagnent. Donc, c’est une réalité extrêmement tangible. La productivité agricole, en cas de réchauffement climatique important baisserait. C’est déjà vrai en France, où on voit que les rendements du blé stagnent. L’INRA attribue ça au réchauffement climatique. L’agriculture a un rôle majeur à jouer pour limiter ce réchauffement climatique. En France, c’est la deuxième activité la plus émissive de CO2. Il va falloir qu’elle apprenne à se passer des substances chimiques ? C’est peut être un peu simple, mais quand je parle d’agriculture, j’aime bien parler des 3 volets : causes, conséquences et solutions au réchauffement climatique. Sur les causes, il est clair que les pratiques agricoles contribuent aux émissions de GES (Gaz à Effet de Serre), personne ne le conteste, même si ça varie d’une région à l’autre. En Bretagne, ça peut être jusqu’à 40% sur certains territoires, sur d’autres, c’est plutôt 20 %. C’est vrai aussi à l’échelle mondiale. Ça c’est le premier aspect : la contribution. Ensuite, c’est clair que la productivité agricole, et forestière également, dépend du climat. Il y a des risques d’impact dû au réchauffement climatique. Si on prend par exemple la viticulture, c’est une production très sensible aux aléas climatiques. On sait très bien qu’un degré de plus aura un impact sur la production. La profession viticole se pose des questions très claires d’adaptation. Même en Bretagne, les cidriers ne savent plus comment faire parce que les pommes sont prêtes trop tôt ou sont trop riches en sucre. Il y a déjà des conséquences qui sont là, et un degré de plus va les rendre effectivement plus présentes pour la profession agricole. Le troisième point concerne les solutions. Le monde agricole peut participer de plusieurs manières aux solutions. Les solutions, c’est diminuer les émission de GES ; on peut travailler sur l’alimentation du bétail avec des émissions moins importantes. On peut aussi favoriser le stockage du carbone dans les sols, notamment avec le «sans labour». Les territoires agricoles sont les premiers territoires d’expérimentation. Quand on regarde le développement des énergies renouvelables, c’est dans ces territoires qu’on parle d’éolien, de solaire, de méthanisation… D’un autre côté, le monde agricole au sens large, doit participer aux solutions par rapport à la lutte contre le réchauffement climatique. On entend parler d’agriculture climato-intelligente, ça veut dire quoi ? On dit aussi agroécologie. Dans le monde agricole, il y a eu très longtemps une négation du problème, en disant, ça n’existe pas, ce n’est pas lié aux activités humaines, et puis là, le monde agricole se réveille et commence à prendre conscience que finalement, ce changement climatique, 22
c’est aussi leur problème. Il y a eu du retard à l’allumage et vous avez raison de dire que le monde agricole a une responsabilité face à ça. Donc on va parler d’agroécologie, d’agriculture climato-intelligente, c’est celle qui s’inscrit sur les trois volets déjà cité : essayer de diminuer les émissions de GES ; essayer de s’adapter, parce qu’il y a possibilité d’adapter les cultures au changement climatique ; de participer aux solutions, à travers le piégeage du carbone... Il y a tout un ensemble d’actions qui devrait permettre au monde agricole de prendre le phénomène à bras le corps, qu’on soit bio ou non bio. Je pense notamment à l’agriculture sans labour… ce qui est bien je pense pour le piégeage du carbone. Mais, il y a beaucoup à faire dans le monde agricole par rapport au réchauffement climatique, c’est extrêmement clair. En bio, il y a un concept fondamental qui est l’autonomie. C’est une des clés aussi d’une agriculture climato-intelligente selon vous ? Oui, c’est un peu ce que j’ai dit précédemment. Si on se limite à l’effet de serre, le bio a beaucoup d’intérêt, puisque les avantages en cas d’émission de GES sont liés à la proximité des lieux de production et de distribution. L’autonomie oui, si bio est aussi synonyme d’essayer de limiter la consommation d’énergies sur la ferme. Il faut aussi regarder la stratégie qui sous tend le bio : les stratégies de proximité, d’autonomie, d’économie circulaire sont des aspects qui sont intéressants. Donc, ce sont ces valeurs d’autonomie, de proximité qui peuvent faire la valeur de l’agriculture biologique en termes de lutte contre le réchauffement climatique. Par exemple, en termes d’autonomie, la Bretagne est une région d’élevage, ça veut dire maximiser le pâturage, avoir un recours minimum aux intrants, ne pas faire venir du soja d’Amérique du sud, etc. J’étais, il y a peu, invité à un débat avec des agriculteurs bretons, il y a un vrai débat entre producteurs. Pas forcément entre bio et non bio, mais entre ceux qui ont pris conscience qu’il fallait changer et ceux pour qui le réchauffement climatique n’est pas un problème. Il y a un vrai enjeu de les confronter aux conséquences de leurs pratiques et l’angle climatique fonctionne bien. Il y a beaucoup de sols qui sont en friche dans le monde, Monique BARBUT, secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification explique que la restauration de 500 millions d’hectares en friche permettrait de contenir le réchauffement climatique à moindre coût d’ici 2050 (100 $/ha)... C’est une bonne solution selon vous? Oui, c’est dans cette optique qu’est née l’initiative 4 pour 1000 de l’INRA, qui a pour objectif d’augmenter le stockage du carbone dans les sols de 4 pour 1000 par année. Tout ça se crée aussi via des changements de pratiques (sans labour, biochar…). Ce n’est pas si simple de ramener du carbone dans les sols sur 500 millions d’hectares. Donc il faut y aller progressivement. Il faut stocker plus de carbone dans les sols, faire attention au destockage. C’est une voie à prendre, parce qu’on comprend que stocker du carbone dans le sol, ça permet d’ôter du CO2 de l’atmosphère, du carbone qui a de plus l’avantage de ne pas se redécomposer rapidement. Et puis, je comprends que ça joue de façon importante sur la productivité des sols. Effectivement, c’est une approche gagnantgagnant, même si son application n’est peut-être pas si évidente à mettre en œuvre. Mais je suis d’accord avec cette initiative, qui peut s’appliquer concrètement. Comment chacun peut se mobiliser, faire bouger les politiques, notamment face au poids des lobbies ? En mobilisant, en parlant, en donnant des exemples, comme vous le faites à Retiers. Je pense que du point de vue bio, ce qui est important, c’est de montrer ce qui marche, les succès, montrer des gens qui le font et s’en tirent la tête haute. C’est un effet d’entraînement. Je ne crois pas qu’il faille opposer bio et non bio. Il faut aussi intégrer ces aspects réchauffement climatique dans les stratégies agricoles. Et c’est important pour l’agriculture en général. Il faut effectivement poursuivre dans cette dynamique, parce qu’on est loin des objectifs du Grenelle.
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PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Jean JOUZEL, climatologue, vice-président du groupe scientifique du GIEC Directeur de Recherche Emérite au CEA, Jean Jouzel a fait dans cet organisme l'essentiel de sa carrière scientifique largement consacrée à la reconstitution des climats du passé à partir de l'étude des glaces de l'Antarctique et du Groenland. Il a participé au titre d’auteur principal aux deuxième et troisième rapports du GIEC (co-lauréat du Prix Nobel de la Paix en 2007), dont de 2002 à 2015 il a été vice-président du groupe de travail scientifique. Il est membre du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) depuis 2011. Il est auteur de plus de 400 publications dont environ 300 dans des revues internationales à comité de lecture. Conjointement avec Claude LORIUS, il a en 2002, reçu la Médaille d’or du CNRS. En 2012, il a reçu le Prix de la Fondation Albert II de Monaco et le Prix Vetlesen, considéré comme le « Nobel des Sciences de la Terre et de l’Univers ». Depuis 2016, il est membre étranger de l’Académie des Sciences des Etats-Unis (NAS). Raoul LETURCQ, secrétaire National de la FNAB, Président de la commission Environnement de l’Agence Bio, Personne Qualifiée au comité de bassin de l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN). Après 22 années en agriculture conventionnelle, Raoul et Marianne décident de convertir leur exploitation en Agriculture Biologique en 1999. Pendant 9 ans Raoul a présidé aux destinées de l’Agriculture Biologique en Picardie (ABP), à ce titre il est l’initiateur du projet d’Agrotransfert appelé « de la connaissance à la performance ». Il a en tant que responsable à la FNAB de l’action Eau et Bio favorisé l’extension du projet ABAC du CNRS qui étudie le lessivage des nitrates, son exploitation est utilisée pour ce projet ainsi que pour celui de l’INRA de Laon sur les transferts d’azote et dégagement gazeux dans l’atmosphère .
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Vendre au juste prix Intervenants : Richard LAIZEAU (producteur bio), Dominique BOUTOUILLER (producteur bio), Agathe PERRIN (animatrice MAB 22)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Article extrait du magazine Symbiose (Le mensuel des agrobiologistes de Bretagne). N° de juillet-août 2016. Les producteurs qui vendent en circuits courts s’interrogent souvent quant au juste prix de vente. Parfois, au-delà d’une notion de rentabilité de l’entreprise, rentrent en considération les moyens financiers des consommateurs, des interrogations sociétales ou philosophiques. La vente de ses produits doit, avant tout, permettre à la ferme de perdurer dans le temps, au producteur d’atteindre des conditions de vie décentes, et au projet d’évoluer. Envisager d’autres critères revient à adapter son système pour que, tout en étant rentable, il remplisse aussi les conditions « philosophiques » évoquées ci-dessus. Comment faire en sorte que le prix de vente des produits soit en phase avec les besoins de la ferme et des producteurs ? Quels outils sont pertinents pour déterminer précisément les prix de vente de ses produits ? Déterminer ses prix de vente en observant les prix pratiqués par ailleurs, une méthode arbitraire ? Les outils, méthodes ou habitudes couramment utilisés pour fixer ses prix de vente se basent souvent sur l’observation des prix pratiqués par les fermes alentours (mercuriales de sources différentes ou observation de la « concurrence »). Mais fixer ses prix par rapport à une mercuriale sous-entend, fixer ses prix par rapport à ceux des voisins. Or, toutes les fermes n’ont pas les mêmes caractéristiques, tous les producteurs n’ont pas les mêmes exigences de rémunération… Donc, si le prix du voisin, en adéquation avec son système de production, est bas, ce même prix peut être trop faible pour d’autres exploitations et, par là même, menacer leur viabilité. Travailler autour de la question du prix de revient, propre à chaque produit et prenant en compte les spécificités de chaque ferme est donc essentiel. Un outil pour calculer son prix de revient : Pour rémunérer son temps de travail, couvrir les risques de pertes et anticiper les nouveaux projets. Calculer son prix de vente peut se faire de manière précise avec l’outil du calcul du prix de revient développé par la FNAB avec Richard LAIZEAU. Cette approche n’est pas une approche comptable traditionnelle. Elle prend en compte des données réelles et actualisées (pas des données de l’année antérieure comme le fait la comptabilité) et intègre les réalités des producteurs (différentes pour chacun). La méthode intègre les risques de pertes, en production, au stockage ou à la vente. Elle prend aussi en compte la nécessité de remplacer une aide familiale, un outil, ou l’envie de développer de nouveaux projets. La première étape : choisir sa rémunération horaire en connaissance de cause Etre producteur bio, c’est superviser la production, gérer une entreprise, commercialiser ses produits, employer du personnel, assurer les livraisons…A quel prix rémunérer ces compétences et cette polyvalence ? Une prise de conscience des producteurs et un souhait d’une rémunération à la hauteur du travail fourni est un préalable à la réalisation de ce calcul. Chacun est libre de considérer 25
la rémunération horaire qui lui correspond, ou de se fixer une rémunération idéale comme objectif. Créer de la trésorerie pour faciliter la vie de l’entreprise. Au-delà de la rémunération de l’exploitant et des salariés, la méthode de calcul du prix de revient permet de formaliser la constitution d’une « réserve d’argent » avec différents objectifs. Cela est synthétisé sur le schéma de la figure 1. L’entraide est valorisée dans un objectif de pouvoir remplacer une personne « aide familiale » par un salarié sans avoir à augmenter son prix de vente. Tant que l’entraide n’est pas rémunérée, l’argent mis de côté permet de constituer une trésorerie visant à faire fonctionner l’exploitation au quotidien : constitution de stock, avance en cultures… En plus de cela, la fixation d’une marge de sécurité permet d’abonder la trésorerie pour chaque produit vendu. - Renouveler le matériel Au lieu de fixer une valeur d’amortissement du matériel arbitraire, comme cela est le cas avec l’approche comptable, pour chaque outil est fixée une valeur de remplacement en neuf ou occasion ainsi qu’une estimation de la durée d’utilisation. Cela permet, pour chaque produit vendu, d’abonder une réserve pour renouveler le matériel en cas de panne ou d’usure. - Prendre en compte le risque Le prix de revient du produit est également pondéré en fonction du risque de perte en production, au stockage ou à la vente. Cela permet de constituer une réserve pour faire fonctionner la ferme en cas d’année difficile. - Anticiper de nouveaux projets Finalement, la marge de sécurité qui se rajoute au prix de revient constitue des fonds qui pourront être mobilisés pour l’investissement dans des nouveaux projets.
Figure 1 : Générer de la trésorerie pour remplacer le matériel, limiter les risques, assurer le fonctionnement de l'exploitation et investir dans de nouveaux projets
Une complémentarité avec les mercuriales pour des activités très diversifiées Pour chacun des produits concernés par la vente, un prix de revient est calculé. A ce prix de revient sont ajoutées la marge de sécurité et la TVA. C’est l’ensemble des produits vendus au « bon » prix qui permet de constituer la trésorerie nécessaire à l’exploitation. Ce calcul doit donc concerner tous les produits. Mais comment réaliser ce travail lorsque l’on produit une gamme très diversifiée ? Le calcul reste pertinent s’il est réalisé sur les produits les plus générateurs du chiffre d’affaire (l’ensemble des produits faisant l’objet du calcul doit générer entre 50 et 80% du chiffre d’affaire). Les 26
autres produits, plus anecdotiques, peuvent voir leurs prix fixés plus arbitrairement, à l’aide d’une mercuriale par exemple. S’approprier l’outil et l’appliquer sur sa ferme : l’occasion de réquisitionner son système. Depuis plusieurs années, le GAB 22 propose des formations aux personnes qui s’interrogent au sujet de leurs prix de vente. Avec un taux de participation timide les premières années, en 2016, à force de persévérer et grâce au relais de producteurs convaincus, la formation a été très plébiscitée. Pour aller plus loin, le GAB et Richard LAIZEAU ont proposé aux producteurs d’aller au bout de la démarche en réalisant le calcul sur leur ferme, avec l’appui des formateurs dans le cadre de suivis individuels. Les différentes expériences ont été révélatrices, avec, pour certains, des écarts importants entre le prix de vente actuel et le prix calculé, alors que pour d’autres, cela correspondait aux prix pratiqués. Ces résultats confirment donc la nécessité d’aller plus loin que l’utilisation de mercuriales, en mettant en place une réflexion autour du prix de revient. Cela permet de s’assurer de la cohérence de son système et donc, de la viabilité de sa ferme. Quelle faisabilité pour tenir compte des prix de revient dans l’affichage de ses prix de vente ? Les résultats qui découlent de la méthode, s’ils peuvent être en décalage avec les pratiques actuelles, remettent en perspective la cohérence du système et le re-questionnent. Ils peuvent être l’occasion de se fixer un cap en termes de prix de vente. En effet, une fois les pratiques de prix en place, il est difficile de « rehausser » ses tarifs d’un coup. Cela peut donc être rééquilibré petit à petit afin d’atteindre un objectif de rémunération horaire convenable. Le prix de revient peut aussi être optimisé au mieux pour générer le moins de hausse possible : en jouant sur l’optimisation du temps de travail ou sur les coûts des approvisionnements. Dans le cas d’une augmentation nécessaire du prix de vente afin de mieux respecter les prix de revient calculés, un travail autour de la stratégie commerciale va de pair. En effet, le « prix bas » n’est plus un argument de vente et il est nécessaire de travailler autour de son image et des services proposés pour être attractif. Finalement, rien de tel que de prendre conscience de ce qui constitue son prix de revient pour mieux pouvoir argumenter son prix de vente !
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Richard LAIZEAU, producteur bio Après un parcours professionnel dans le développement commercial des entreprises, en tant qu’accompagnateur d’une structure de conseil puis en tant que directeur commercial, Richard LAIZEAU devient arboriculteur bio en Vendée. Depuis son installation en 2003, il continue, en parallèle de son activité agricole, de développer une réflexion autour de la gestion d’entreprise et propose, depuis 2009, ses services en tant que formateur et conseiller. En lien avec la FNAB et avec Charles SOUILLOT (GAB22), il élabore et affine différents outils d’accompagnement des fermes bio autour des questions commerciales. En particulier, ce travail aboutit à un outil de calcul du prix de revient pour les fermes bio afin de les accompagner dans leur réflexion autour de leurs prix de vente. Depuis, il transmet cet outil et son expérience aux producteurs bio qui le souhaitent, dans les régions de France, dans le cadre de formations et d’activités de conseil. Dominique BOUTOUILLER, maraîcher bio à Plougonver (22) Il a participé, en 2016, à la formation « Fixer des prix de vente rémunérateurs et anticiper le développement de nouveaux projets grâce au calcul de son prix de revient» organisée par le GAB d’Armor. Dans le cadre de cette formation, il a pu faire aboutir le calcul des prix de revient sur sa ferme et témoignera de cette expérience et de l’utilisation qu’il fait, aujourd’hui, de cet outil. 27
Agathe PERRIN, animatrice MAB 22 Salariée de la Maison de la Bio 22, sous l’impulsion du GAB 22, Agathe PERRIN mène, depuis 2013, un programme d’actions visant le développement cohérent des circuits courts bio. Elle propose, développe et anime de plus en plus de formations à ce sujet et s’investit dans la création d’outils d’accompagnement des producteurs et porteurs de projets. Dans ce cadre, elle propose, dès 2012, une formation faisant intervenir Richard LAIZEAU sur le calcul des prix de revient. Proposée tous les ans depuis, cette formation peine à se remplir les premières années. Finalement, en 2016, sur l’impulsion de producteurs bio du GAB 22, la formation se développe et passe de 2 jours à 3 jours avec un suivi individuel des stagiaires. La formation est aujourd’hui reconnue et atteint le nombre maximum de participants.
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le défi de la coopération logistique face au changement d’échelle de la bio Intervenants : Gwenaëlle RATON (IFSTTAR), Christophe GOSSELIN (producteur bio), Mathieu LANCRY (présient de Norabio), Pierrick LEFEUVRE (A.B. Nutriments), Yoann GOUARY (L’Orgé)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
La bio change d’échelle : aussi bien pour la production (+23% de terres et +9% de fermes) que pour la consommation (+65% des français consommateurs). Les circuits spécialisés (+17%) et la vente directe (+20%) sont les locomotives de ce mouvement (1). Ce changement d’échelle s’accompagne d’une dynamique de relocalisation des filières alimentaires biologiques (multiplication des initiatives de relocalisation) en lien avec la notion de proximité, devenue une valeur incontournable dans la filière alimentaire (2). L’enjeu pour les producteurs bio est de pouvoir répondre à cette demande en s’assurant d’être performants sur le plan social, économique et environnemental. Dans ce contexte, l’optimisation de la logistique apparait comme un facteur déterminant pour repenser l’organisation de l’offre locale. En particulier, les collaborations logistiques, bien que complexes à mettre en œuvre, semblent être une des pistes majeures à explorer pour répondre à ce défi. En quoi les collaborations logistiques contribuent-elle au changement d’échelle ? Comment adapter ces collaborations aux territoires et aux acteurs ? La logistique (3) peut être définie comme la « fonction organisant les circuits de matière, l’art de livrer, au moindre coût, le bon produit, au bon endroit et au bon moment » (Sohier & Sohier, 2013). La logistique a donc pour rôle d’organiser les flux de matières, et comprend trois types d’opérations : - les opérations de planification : prévision des commandes, programmation des approvisionnements, gestion des flux etc. ; - les opérations administratives : traitement et suivi administratif des commandes et des flux physiques, tenue des stocks etc. ; - les opérations physiques : préparation des commandes, manutention, transports et stockage des marchandises etc. Les collaborations logistiques peuvent prendre plusieurs formes : - collaboration verticale : collaboration entre différents maillons de la chaîne logistique que sont les producteurs, intermédiaires, consommateurs ; - collaboration horizontale : collaboration à l’intérieur de chaque catégorie d’acteurs (entre producteurs, entre intermédiaires, entre consommateurs, entre distributeurs etc.). Témoignage 1 : Norabio (coopérative de producteurs bio, région Nord Pas de Calais) Externalisation récente des fonctions logistiques : recours à un prestataire (ramasse, livraison = Houssoye, réception, stockage, préparation de commandes, transport : Charlet) Echelle régionale, 140 producteurs bio, débouchés : restauration collective, magasins spécialisés, GMS, paniers. ZOOM : choix et bilan de l’externalisation, fonctionnement de la logistique, perspectives, coûts Témoignage 2 : GIE Biodiversité, Normandie Mutualisation entre agriculteurs : location commune d’un camion pour acheminer des produits sur
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Paris. Le groupement loue un véhicule qui est mis à disposition du groupe. ZOOM : organisation et fonctionnement, répartition des tâches et des coûts. Témoignage 3 : mutualisation de la logistique et de la démarche commerciale avec d’autres transformateurs pour commercialiser des produits dans les magasins bio du Grand Ouest. ZOOM : témoignage de Yohan GOUARY (L’orgé) et de Pierrick LEFEUVRE (A.B. Nutriments) : démarcher, prendre les commandes, expédier. Conclusion : Comment amener les intermédiaires à réfléchir eux aussi aux contraintes logistiques de l’amont et à accepter, quand cela est possible, d’être livrés moins souvent, d’avoir un peu plus de stock, peut-être pour un magasin de servir de point de dépôt un restaurateur qui viendrait y chercher sa commande? Donc penser aussi à des solutions qui permettent de « desserrer » un peu la contrainte logistique venant de l’aval, notamment pour réduire les coûts logistiques supportés par les producteurs. (1) Source Agence Bio. Communiqué de presse campagne Bio et Local c’est l’idéal juillet 2016 (2) Le marché des produits biologiques à l’horizon 2015 Etude Xerfi, mars 2012 (3) Guide Pourquoi et comment impulser des pratiques logistiques collaboratives entre producteurs? GABNOR 2014
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Gwenaëlle RATON, chargée de recherches à l’IFSTTAR, institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux depuis 2014. Docteur en géographie de l’université de Paris 1 Panthéon Sorbonne. Dans une approche de géographie sociale, son projet de recherche s’intéresse à l’influence des stratégies de distribution sur la localisation ou la relocalisation des activités liées à l’expédition des produits du producteur au consommateur d’une part et sur l’intégration au territoire de ces flux de marchandises d’autre part. Christophe GOSSELIN, producteur bio à Fervaches (50). La ferme (84 ha en élevage de porcs biologiques fermiers et de vaches laitières) compte 2 associés et 2 salariés à temps plein). Il commercialise sa viande de porc bio au sein du GIE Bio Divers cités. Ce GIE, créé en 2011, est constitué de 17 paysans bio Normands qui proposent des produits bio à des associations de consommateurs de Paris et sa région. Ces produits sont livrés une fois par mois, 10 fois par an de septembre à juin. Mathieu LANCRY, président de la coopérative Norabio, administrateur de la FNAB. Après 10 ans passés à l’accompagnement de porteurs de projets, Mathieu a souhaité à son tour s’installer comme paysan. Il a repris le 1er janvier 2006 une ferme de 38 ha de grandes cultures à Marcq en Ostrevent (blé, triticale, avoine, betteraves rouges, pommes de terre, luzerne / dactyle, féveroles, maïs grain, carottes, pois protéagineux). Créée en 1998 sous forme de GIE, la coopérative Norabio compte actuellement 140 producteurs bio sociétaires et 15 salariés et concerne la région Nord Pas de Calais. Aujourd’hui, la stratégie s’organise autour de 5 axes : achat d’intrants, de semences et de plants bio, vente en gros, vente en circuits courts (restauration collective, restauration entreprise et commerciale, magasins spécialisés locaux, GMS), vente en paniers pour particuliers, vente en restaurants d’entreprises. L’activité logistique est depuis récemment sous traitée à l’entreprise Charlet (transport, stockage, préparation, livraisons). 30
Pierrick LEFEUVRE, gérant de la société AB Nutriments et Yoann GOUARY, L’Orgé Ancien directeur commercial et marketing (Supplex, Rouiller, Distribjorg), Pierrick LEFEUVRE est aujourd’hui gérant de la société A.B. Nutriments. Il accompagne les entreprises de produits biologiques dans leur développement marketing et commercial mais aussi sur le terrain (vente aux magasins bio, centrales d’achats, G.M.S., compte clé...). A.B. Nutriments peut démarcher, prendre des commandes, expédier. Yoann GOUARY, auparavant restaurateur à Hillion (22), lance l’Orgé, le café d’orge en 2014 (malt d’orge torréfié permettant de préparer une boisson chaude de fin de repas exempt de caféine) en s’inspirant de recettes gauloises et de pratiques d’autres pays du monde. Dès le départ, il ne souhaite pas vendre son produit en direct car il voit ce que cela implique en termes d’énergie et de temps de travail pour les producteurs qui le livrent alors au restaurant. Proposant un produit innovant et inconnu, il vise des lieux de vente où une clientèle sensible à des produits alternatifs est déjà présente : les magasins bio. Par contre, lorsque que l’on ne dispose que d’un seul produit, aller démarcher les magasins et les livrer sur un périmètre important est difficile du fait du coût et du temps que cela engendrerait par rapport au volume qui serait effectivement vendu. Il envisage donc, d’abord, de démarcher des grossistes. Mais il prend connaissance d’une démarche qui réunit plusieurs transformateurs et on lui propose de la rejoindre. Un des transformateurs prend en charge la prise de commande, le regroupement de la marchandise, l’expédition (en faisant appel à un transporteur) et l’encaissement. Ensemble, ils externalisent la prospection commerciale en faisant appel à un agent commercial spécialisé dans la vente de produits bio auprès de magasins spécialisé, Pierrick LEFEUVRE de A.B. Nutriment.
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livrer la restauration collective : quelles structurations pour les producteurs? Intervenants : Patrick CREAC’H (SCIC KEJAL), Alain ROUAULT (groupement d’achats bio de l’agglomération de Saint-Brieuc), Pascale DOUSSINAULT (productrice bio), Sophie JEANNIN (Manger Bio 35)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
L’agriculture bio n’est pas en capacité d’approvisionner la restauration collective ? C’est une idée encore trop souvent entendue et qui révèle une méconnaissance de l’organisation des filières. S’il est vrai qu’en 2008, lors du Grenelle de l’Environnement, les filières bio françaises étaient encore peu organisées pour approvisionner le marché de la restauration collective, ce n’est plus le cas en 2016 ! En effet, les producteurs bio, motivés par ce projet politique, se sont organisés et ont adapté leurs pratiques. Toutefois, pour pouvoir se développer et se consolider, ces filières ont aussi besoin d’engagements forts de la part des restaurants et adaptés à une production locale. Les commandes doivent notamment être progressives, régulières et planifiées et en phase avec les possibilités des producteurs bio du territoire. C’est la démarche portée par l’agglomération de St Brieuc et en particulier la ville de Plérin qui coordonne un groupement d’achats pour la restauration collective. Pascale DOUSSINAULT, arboricultrice bio, est l’un des fournisseurs de ces cantines. Nous verrons ainsi comment le dialogue entre restaurants et producteurs peut rendre l’approvisionnement bio local possible. En Ille-et-Vilaine, les producteurs bio ont fait le choix de s’organiser collectivement pour livrer la restauration collective en créant la plateforme « Manger Bio 35 ». Sophie JEANNIN, coordinatrice de la plateforme, nous présentera l’histoire et les intérêts de cette organisation collective. Enfin, Patrick CREAC’H, qui collabore avec la FNAB et différentes plateformes de producteurs bio en France, nous donnera un éclairage global sur les clés de réussite de ces projets.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Pascale Doussinault, arboricultrice bio à Plestan (22). Agronome de formation, elle s’est installée fin 2005 avec son époux Xavier. Le « Verger Fleuri » produit une douzaine de variétés de pommes à couteaux, ainsi que des poires, des kiwis, des coings, des rhubarbes, des groseilles et des fraises. Une partie est transformée en jus, à la ferme. Le tout est commercialisé localement : magasins bio, paniers sur internet, amap, vente à la ferme et restauration collective. Le Verger Fleuri fournit notamment les restaurants scolaires de l’Agglomération de St-Brieuc. Patrick CREAC’H, créateur et développeur d’entreprises dans la distribution bio et l’éco-construction depuis 30 ans. Patrick CREAC’H a créé en 2004 la coopérative Kejal qui œuvre dans le développement des filières durables. Depuis 2013, il collabore avec la FNAB et les plateformes de producteurs bio qui fournissent la restauration collective pour accompagner leur développement. 32
Sophie JEANNIN, coordinatrice de la plateforme de distribution de Manger Bio 35 Depuis plus de 10 ans, Sophie JEANNIN est l’interlocutrice privilégiée des fournisseurs, cuisiniers et gestionnaires. En apportant un soutien logistique primordial à ces acteurs, elle participe au changement de leurs pratiques et modes d’approvisionnement. Alain ROUAULT, responsable de la restauration municipale de Plérin (22). Depuis plusieurs années, il coordonne le groupement d’achats de l’agglomération de St-Brieuc, qui permet de structurer une demande adaptée aux possibilités des producteurs bio locaux. Grâce à ce travail de regroupement des commandes, la part de produits bio locaux servis dans les repas ne cesse d’augmenter.
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l’abattage : une étape à part entière de la vie d’un animal bio Intervenants : François MOSSET et Guylain PAGEOT (éleveurs bio en Loire Atlantique), Gilles TATIN (directeur général de Vendée Loire Viandes et de la COVIA), 1 représentant du Syndicat des transporteurs d’animaux vivants (sous réserve)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Le bien-être animal est un des principes de base de l’agriculture biologique qui se traduit dans les pratiques d’élevages des productrices et producteurs bio (respect des rythmes naturels, accès à des pâturages, à des parcours extérieurs, stricte limitation de la densité, alimentation, santé …). Ainsi, suite aux récents débats générés par la mise en lumière d’actes de cruauté envers les animaux dans des abattoirs, les agriculteurs bio de la FNAB se sont mobilisés pour condamner ce genre de pratiques. Mais au-delà de cette condamnation, c’est bien la question plus globale de l’abattage des animaux dans le respect des valeurs de l’agriculture biologique qui est posée. En effet, un cahier des charges existe déjà mais s’y tenir est-il suffisant ? N’y a-t-il pas un problème de fond avec le modèle intensif actuel de la filière viande ? Comment réinventer le système pour assurer le respect des différents acteurs de la filière et de leur travail? Quels sont les liens à tisser entre animal, éleveur, transporteur et abatteur et quelle est la place de l’éleveur dans ce système ? Cette conférence se veut un point de départ autour de ces réflexions pour prendre en compte l’abattage comme une étape à part entière de la vie d’un animal bio et non comme un des maillons de la chaîne sans lien avec le reste des acteurs. Ouvrons les portes et partageons les ressentis et expériences. C’est donc à travers les témoignages des différents acteur de la filière que nous aborderons cette thématique de l’abattage. François MOSSET et Guylain PAGEOT, éleveurs en Loire Atlantique, présenteront leur approche en tant que producteurs. Un représentant du syndicat des transporteurs d’animaux vivants présentera l’organisation et les contraintes liées au déplacement du bétail. Gilles TATIN, directeur général de Vendée Loire Viandes (Abattoir de Challans) et de la COVIA, expliquera le fonctionnement de l’abattoir et les conditions et réglementation liées à l’agriculture biologique. Pour finir, un temps d’échanges et de débat avec la salle sera organisé pour conclure sur les pistes de travail à mener.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
François MOSSET, éleveur de vaches allaitantes bio en Loire Atlantique (44) François s’est installé en 2000 sur la commune de Couëron, sa région natale. Converti à l’agriculture biologique depuis 2003, il élève un troupeau de 80 vaches allaitantes de race blonde d’aquitaine et charolaise. Son système basé principalement sur l’herbe repose sur 150ha de terre dont environ 80% sont en milieu de marais. De part son métier d’éleveur bio en bovin viande commercialisant en vente directe, François est particulièrement intéressé par le sujet de l’abattage des animaux en agriculture biologique. Pour lui, cette thématique soulève beaucoup de questions qu’il nous fera partager lors de cette conférence. 34
Guylain PAGEOT, éleveur de vaches laitières en Loire Atlantique (44) Guylain s’est installé en 1998 sur la ferme de ses parents et s’est de suite converti à la bio. Aujourd’hui en GAEC avec sa femme Stéphanie et son frère Sébastien, ils ont comme objectifs communs de préserver le milieu, de nourrir sainement et utilement, de respecter leur vie de producteur et cela à des coûts acceptables pour les consommateurs. Référent technique bovin lait au GAB44, Guylain s’est impliqué sur les questions techniques, la santé animale et la mise en place de groupe d’échanges. C’est donc naturellement qu’il est sensibilisé à la question de l’abattage et participe actuellement à la création d’un groupe d’échanges sur cette thématique au sein du GAB44. Gilles TATIN, directeur général de Vendée Loire Viandes et de la COVIA (85) Gilles est directeur général de l’abattoir multi-espèces Vendée Loire Viandes situé à Challans (productions bovine, ovine et porcine) et de la COVIA (Coopérative Viande de la Région Atlantique) qui regroupe environ 300 éleveurs de Vendée et du Sud de la Loire Atlantique. Un fort partenariat existe entre l’abattoir et les éleveurs puisque VLV est un outil de la COVIA (comme l’illustre l’organigramme de la coopérative). Un des enjeux est de mettre en relation les éleveurs et les consommateurs du territoire pour un maximum de transparence. Lors de cette conférence, Gilles présentera donc le fonctionnement de VLV, les liens avec les éleveurs et les différentes démarches mises en place pour répondre à leurs besoins.»
35
les clés de l’installation en petits ruminants Intervenant : Vincent BELLET (Institut de l’élevage)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Références en élevage ovin bio : repères techniques, économiques, temps de travail/ Casdar Agneaux Bio Les résultats présentés sont issus du programme Casdar « Agneaux Bio - Développement concerté et durable de la production d’agneaux biologiques », dont l’action 2 visait à produire des références territorialisées couvrant les trois piliers de la durabilité, au travers de résultats techniques, socio-économiques et environnementaux (non présentés ici), via la mise en place d’un réseau d’élevages par grand bassin de production biologique. CONSTITUTION DU RÉSEAU La mise en place du réseau d’élevages s’est appuyée sur un partenariat relativement large, avec 10 régions mobilisées en production allaitante (Lorraine, Centre, Auvergne, Limousin, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, PACA), ainsi que 2 bassins laitiers (Roquefort, Pyrénées-Atlantiques). Ce partenariat, reposant pour moitié sur des Chambres d’agriculture et pour moitié sur des Groupements d’Agriculture Biologique, a permis d’obtenir une bonne représentativité de la production ovine française. Le choix des exploitations s’est fait avec l’objectif de couvrir une bonne diversité de combinaisons de productions comme de circuits de commercialisation (diversification des productions et circuits courts très présents en agriculture biologique). Ce réseau, qui a subi un léger turn-over au cours des 2 années de suivi, comprenait 50 fermes en production allaitante et 10 en production laitière. Il était majoritairement constitué de systèmes mixtes en ovins viande (15 spécialisés, 10 mixtes avec cultures, 10 avec granivores, 5 avec bovins viande, etc.), mais aussi de systèmes spécialisés en ovins lait. MÉTHODE DE SUIVI Le suivi des fermes recrutées s’est essentiellement appuyé sur la méthode Inosys-Réseaux d’Elevage et le logiciel Diapason, notamment pour le recueil des résultats techniques et économiques. Des compléments d’information ont été recueillis, visant à une meilleure connaissance des pratiques mises en œuvre : reproduction (notamment pour le désaisonnement), alimentation (pour la recherche d’autonomie), conduite sanitaire (maîtrise du parasitisme), etc. L’approche de la durabilité sociale s’est faite par la méthode Bilan Travail (travaux d’astreinte et de saison, temps disponible calculé). RESULTATS TECHNIQUES - Ovins allaitants En élevage allaitant, tous systèmes de reproduction confondus, les résultats de reproduction sont inférieurs à ceux observés en conventionnel, ce qui n’est pas surprenant compte tenu du moindre potentiel d’intensification. Ainsi, en moyenne sur les deux années (81 résultats), plus de la moitié 36
des élevages n’atteignent pas le seuil d’un agneau élevé par brebis et par an (médiane de 0,93). Cet écart se vérifie pour les Herbagers comme pour les Pastoraux. Cela s’explique par un taux de mises bas inférieur, mais aussi un décalage entre prolificité et mortalité par rapport aux élevages conventionnels. En effet, la mortalité est plutôt supérieure pour les élevages biologiques, alors qu’elle devrait être inférieure, compte-tenu d’une prolificité inférieure. Les poids moyens de vente sont plutôt supérieurs à ceux observés dans la base Inosys pour les Herbagers (cf. forte part de circuits courts), mais inférieurs pour les systèmes pastoraux (avec des ventes partielles d’agneaux légers ou maigres). Les prix de vente moyens des élevages vendant majoritairement en circuit long s’étalent de 6,5 €/kgc (c’est-à-dire avec une quasi absence de plus-value par rapport au conventionnel) jusqu’ 9 €/kgc. Compte tenu du coût de l’aliment concentré, acheté comme autoproduit, sa consommation est relativement limitée, rapportée à la brebis. C’est aussi le cas lorsqu’on rapporte cette consommation à la productivité pondérale des brebis, du moins pour les Herbagers. Cet écart serait encore plus important si l’on tenait des élevages conventionnels les plus intensifs (« fourragers », avec une moyenne de l’ordre de 10 kg de concentré/kgc). - Ovins Lait Les niveaux de production par brebis sont classiquement très différents entre les 2 bassins, notamment du fait des contraintes des systèmes des Pyrénées Atlantiques, avec des types génétiques plus rustiques adaptés à la conduite en estive et des premières mises bas à deux ans. 2 des éleveurs des Pyrénées Atlantiques transforment leur lait, avec des niveaux de valorisation dépassant 2 €/litre. Pour les livreurs, les prix de vente sont du même niveau dans les deux bassins, autour de 1,2 € à 1,3 €/litre. Les prix moyens de vente des agneaux des élevages laitiers sont de l’ordre de 50 à 60 € dans le bassin de Roquefort (ventes en bio minoritaires et sans plus-value), pour un poids légèrement supérieur à 13 kg vif. Les prix sont plus variables (40 à 90 €) dans les Pyrénées Atlantiques (marché espagnol de Noël en conventionnel ou bio local). Les consommations de concentrés sont de l’ordre 0,8 kg/l dans les Pyrénées Atlantiques et 1 kg dans le bassin de Roquefort. Résultats techniques moyens 2012 et 2013 : Comparaison Agneaux Bio et Inosys-Réseaux d’Elevage
Système
Agneaux Bio Inosys Agneaux Bio Pastoraux Inosys
Herbagers
Taux Morde Prolifitalité Nbre mise cité (%) agneaux bas (%) (%)
Productivité numérique (agneau/ brebis)
Poids Kg moyen concenagneaux tré/bre(kgc) bis
Kg concentré/kgc produit
63
89
143
17.5
1.01
20.9
118
7.3
329
94
156
15.8
1.18
18
159
7.6
18
84
116
19.8
0.74
12.4
74
7.2
106
87
128
12.7
0.90
14.2
93
7.1
RESULTATS ECONOMIQUES - Revenu En ovins viande, les revenus observés montrent une très grande disparité inter-systèmes (au sens des combinaisons de productions), mais aussi intra-système, voire entre les années étudiées pour un même élevage (graphe). Comparativement, les élevages ovins lait présentent des revenus à la fois plus élevés et plus stables. Pour les élevages ovins viande spécialisés, le revenu est très peu corrélé à la productivité numérique des brebis (r² = 0,23 en 2013) est bien expliqué par la productivité pondérale autonome (déduction de la part des besoins des brebis couverts par les concentrés) : la corrélation est de 0,58 en 2013. 37
- Coût de production En complément de l’approche des résultats économiques globaux, le coût de production et la rémunération permise ont été calculés à l’échelle des ateliers ovins viande et lait, lorsque la méthode nationale développée par l’Institut de l’Elevage pouvait être appliquée (absence d’atelier granivore, Charroin et al). Cette approche analytique permet de conforter l’analyse des résultats économiques globaux. Le tableau ci-dessous présente les résultats pour l‘année 2013 : la rémunération permise est plutôt inférieure aux conventionnels pour les éleveurs biologiques ovins viande, mais identique voire supérieure pour les éleveurs biologiques ovins lait. Coût de production 2013 : Comparaison Agneaux Bio et Inosys-Réseaux d’Elevage Herbagers
Nombre Productivité de la main-d’oeuvre (t ou 1000l/UMO) Prix de vente (€/kgc ou /l) Coût de production (€/kgc ou /1000 l) Prix de revient (€/kgc ou /1000l) Rémunération permise (SMIC/UMO)
Pastoraux
Roquefort, livreurs
Pyrénée, fromagers
Agx Bio
Inosys
Agx Bio
Inosys
Agx Bio
Inosys
Agx Bio
Inosys
15
138
5
24
6
23
3
4
5.8
9
2
5
44.6
58.2
11.7
23.8
7.2
6.3
6.8
6.5
1.3
0.9
2.2
1.9
18.1
12.7
33.8
18.5
2.2
1.7
4.6
3
10.2
7.5
14
8.5
1.4
1
2.9
2.3
0.8
1.1
0.8
1.2
1.2
1.1
1
1
BILAN TRAVAIL - Travail d’astreinte Le travail d’astreinte bénéfice d’importantes économies d’échelle, les comparaisons doivent donc se faire pour des tailles de troupeaux semblables. Par rapport aux références conventionnelles 38
(Référentiel national 2008-2009, Inosys-Réseaux d’Elevage), les éleveurs ovins viande biologiques semblent consacrer plus de temps au travail d’astreinte. Cela pourrait correspondre à la nécessité de plus de surveillance, du fait des contraintes sanitaires du cahier des charges ou du fort recours à l’engraissement à l’herbe des agneaux. Travail d’astreinte Base Agneaux Bio Référentiel
< 350 brebis 7.5 5.9
350 à 550 brebis 5.6 4.2
> 550 brebis 3.6 3.4
- Temps disponible calculé Les élevages ovins viande biologiques semblent bénéficier de plus de temps disponibles. Les explications peuvent relever des structures : généralement plus petites, avec une part non négligeable de salariat (plus de délégation, notamment pour la transformation à la ferme). Mais elles peuvent aussi relever des pratiques : si le travail d’astreinte semble plus important, celui consacré aux travaux de saison peut être réduit par une plus faible part de cultures dans l’assolement ou un nombre plus réduit d’interventions sur le troupeau, pour des raisons sanitaires ou liées à la reproduction (synchronisations et inséminations). Temps disponible calculé Nombre de PCB 1 2 3 et 4
Nombre 18 23 8
Agneaux Bio 1009 1208 1259
Référentiel 830 1120 1190
CONCLUSION Avec les réserves liées à une très forte variabilité, ces premières observations nationales font état de performances techniques et économiques légèrement inférieures en élevage ovin viande biologique, par rapport au conventionnel. En revanche, le temps disponible (durabilité sociale) semble plus élevé. Sur le plan environnemental… En ovin lait, la balance semble pencher en revanche du côté du bio. Mais l’évolution de la conjoncture nécessiterait déjà une première actualisation de ces résultats, au moins sur le plan économique : l’observatoire mis en place dans le cadre de l’autre action du programme Agneaux Bio a montré une augmentation du différentiel de prix entre agneau conventionnel et bio entre les années 2014 (7%) et 2015 (12%).
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Vincent Bellet, ingénieur agronome (ENSA de Rennes). Après 2 années d’enseignement en lycée agricole, il a travaillé comme chargé d’études à la Chambre Régionale d’Agriculture de Poitou-Charentes avant d’intégrer l’Institut de l’Elevage en 1998, où au sein du service Economie de l’Exploitation il est plus particulièrement en charge de la filière ovins viande. Dans le cadre du dispositif Inosys-Réseaux d’Elevage, il assure la coordination nationale des réseaux ovins viande, ainsi que la coordination régionale du réseau ovins de l’Ouest (Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Bretagne). Dans le cadre du projet Casdar Agneaux Bio, il a assuré la coordination de l’action 2 (amélioration de la durabilité de la production d’agneaux biologiques). 39
La filière lait biologique Intervenants : Eric GUIHERY (éleveur 53 secrétaire national lait de la Fnab), Christophe BARON (éleveur 56 et président Biolait), Marc BELHOMME (Laiterie Triballat responsable des relations agricoles), Patrick CHEVRIER (OP Seine et Loire éleveur 44, président de l’association des producteurs bio St Père et co président OP Seine et Loire), Daniel FORTIN (éleveur 50, président de l’association des producteurs coopérateurs de lait bio de la baie (Agrial)), Eric TEILLET (Système U chef de groupe, développement produits frais U), Jean Marie PAUTARD (président COOPERATIVE AGRICOLE DE CEREALES «BIO BOURGOGNE»)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Quelles collaborations à inventer entre les acteurs de la filière lait bio ? 1. Contexte de la filière lait bio Une forte augmentation des conversions en 2016 en France La filière laitière bio a connu plusieurs vagues de conversions. La dernière en date est celle de 2009/2010. Certaines inquiétudes avaient été soulevées « l’augmentation de l’offre va-t-elle être absorbée par la demande ? ». La réponse a été «oui», car la consommation a progressé suffisamment pour compenser l’arrivée massive des volumes collectés. En 2016, nous nous situons un an après la fin des quotas, la crise agricole a frappé et connait une situation sans précédent, même si des signes étaient déjà perceptibles dans les campagnes. La filière laitière bio attire de nouveaux producteurs avec une dynamique forte en 2016 : plus de 550 projets conversions sur un plan national. Une consommation au rendez-vous et des attentes sociétales fortes Dans un contexte de croissance (+10% de consommation entre 2014 et 2015, +8,5% de fermes en bio, +3% de transformateurs, +8% de distributeurs, source Agence Bio) l’agriculture bio poursuit sa structuration. L’agriculture bio se développe car elle répond aux attentes sociétales. La consommation bio résulte d’un acte volontaire et non d’une habitude. Ce choix est majoritairement guidé par une volonté de préserver la santé des consommateurs (63%), préserver l’environnement (58%) et privilégier la qualité et le goût des produits (56%). Les deux tiers des consommateurs bio consomment des produits laitiers. Si hier nous étions importateurs de lait, aujourd'hui ce sont l’Allemagne, l'Autriche ou la Belgique qui sont demandeurs de lait biologique (la collecte de lait bio stagne ou a diminué dans plusieurs pays européens). Cette pénurie européenne donne également des perspectives intéressantes. Réunir tous les acteurs pour changer d’échelle Des organisations de producteurs laitiers bio se sont constituées, la plupart sont reconnues OP (Organisation de Producteurs). Elles sont fédérées au sein de Lait Bio de France (LBF) pour partager leurs visions de la conjoncture laitière et pouvoir co-construire le devenir de la filière laitière bio. Pour répondre au changement d’échelle, la filière laitière bio doit travailler avec l’ensemble des opérateurs (du producteur au consommateur). Cette démarche nécessite une confiance, une
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transparence de la part de tous les acteurs de la filière. Des valeurs qui permettraient à la filière laitière bio d’être plus résiliente et de partager les plus values créées. Pour répondre aux attentes des consommateurs, la filière laitière bio doit laisser la place à une diversité de systèmes et de circuits de distribution. Des outils pour maîtriser l’arrivée des conversions Actuellement, des discussions ont lieu sur les leviers à mettre en place pour réguler aux mieux les volumes. Plusieurs pistes sont possibles et peuvent cohabiter. Tout d’abord, il faut développer la communication des produits bio pour stimuler la consommation de produits laitiers bio. Les moyens déployés aujourd’hui dans la filière laitière bio sont minimes. Cette communication devra être couplée d’une gamme de produits plus large. Un autre levier, l’autorégulation, est un outil très efficace s’il est partagé par tous les producteurs. Des structures de producteurs bio ont déjà appliqué ce fonctionnement à des périodes tendues. Pour Lait Bio de France, regroupant aujourd’hui près de 50% de la collecte de lait bio en France, une mise en œuvre de cette solution à large échelle est tout à fait envisageable. Egalement, la mise en place d’une caisse de mutualisation est une autre solution. Elle pourrait être envisagée pour l’accompagnement des nouveaux convertis et la valorisation du lait bio. Rester lucide sur l’arrivée de producteurs bio Tout d’abord, c’est une chance que l’agriculture biologique progresse, car elle permet l’abandon des pesticides autant qu’une offre supplémentaire pour les consommateurs. Les producteurs intéressés par l’agriculture biologique doivent être accompagnés par les structures de développement. Le cahier des charges, identique pour tous les producteurs, est un garde-fou important aux possibilités de conversion et au dimensionnement des projets. Sa mise en œuvre passe par une cohérence du système en place (stratégie herbagère, autonomie importante, taille humaine…). Si ce n’est pas possible aujourd’hui, cela peut être fait plus tard en passant par plusieurs étapes avant la conversion. L’accompagnement à la conversion est essentiel dans ce sens, pour anticiper les changements à venir : échanges entre producteurs, formations et appuis de techniciens compétents. Deux années de conversion en bio laissent du temps pour préparer la venue des nouveaux producteurs bio et co-construire la filière avec les opérateurs. Le réseau FNAB l’affirme : s’engager en bio, ce n’est pas seulement produire bio, mais c’est aussi s’impliquer dans les filières de commercialisation. Et l’Europe dans tout cela ? Globalement en Europe on constate de nombreuses conversions avec une demande importante des consommateurs. Nous devrions voir une augmentation des volumes entre 2017/2018. Au Danemark, les estimations pour 2020 sont de 700 millions de litres en bio, les laiteries rémunèrent les éleveurs pendant la phase de conversion. En Autriche, la vague de conversions est actée, comme en France, en lien avec la crise du lait conventionnel, des volumes importants devraient arriver dans les 3 années à venir. En Belgique, on estime à un doublement des volumes en 2020, même si ce volume est peu important au niveau européen. Aux Pays-Bas, la demande est soutenue donc cela va engendrer des conversions à venir. Par contre, deux pays européens sont des contre-exemples. Le Royaume-Uni a peu de conversions, car la demande interne n’est pas là, le prix est bas et il y a une baisse des aides. Egalement, l’Irlande connait peu de conversions alors que la demande interne est présente. Des discussions du réseau FNAB, LBF vont se poursuivre avec les autres pays européens pour avoir une vision partagée du développement du lait bio. 2. Des exemples de partenariats au sein de la filière lait bio Lait bio : quand producteurs et distributeurs s'engagent 41
Source : site Ministère de l’Agriculture diffusé le 12/06/2013 AGRICULTURE BIO - Pas toujours facile de décloisonner les relations entre producteurs et distributeurs ? Eux l’ont fait. Depuis 2011, un partenariat lie le groupement de producteurs Biolait et l’enseigne de distribution Système U. Ou comment un intérêt partagé bien compris, un peu d’écoute et de transparence font avancer la bio. Aujourd’hui en France, 80 % des produits laitiers sont vendus en grandes et moyennes surfaces. De ce constat, le groupement de producteurs Biolait a tiré une conséquence : il faut dialoguer avec la grande distribution. En 2010, Biolait, qui rassemble 1300 producteurs sur l’ensemble du territoire national, invite l’enseigne Système U à son Assemblée Générale. De son côté, Système U cherche à développer sa gamme bio avec des produits d’origine française. Cette première rencontre sera déterminante : le distributeur et les producteurs apprennent à se connaître, à comprendre les contraintes techniques et les impératifs économiques des uns et des autres. Un accord commercial se construit, basé sur le dialogue et la confiance. L’enseigne est prête à s’engager mais avec des volumes plus importants que ce que produit alors le groupement de producteurs. Un accord est trouvé : Système U accompagne Biolait dans son effort pour augmenter ses volumes. Pour chaque vente d’une bouteille de lait bio, trois centimes sont réservés aux éleveurs en conversion à l’agriculture biologique. Mis en place pour dix huit mois ce système permet à la coopérative de doubler ses livraisons à Sytème U, passant de 5 millions à 12 millions de litres de lait de 2011 à 2012.
Dès 2011, dans les rayons des supermarchés U est commercialisée sous la marque U une bouteille d’un litre de lait demi-écrémé bio. Le produit est un succès : la marque s’apprête à ajouter à sa gamme bio une bouteille de lait demi-écrémé plus petite, un lait entier et un camembert. En 2012, une mention spéciale du jury aux trophées de l’excellence bio est venue distinguer le partenariat, ainsi que la bouteille de plastique utilisée, plus légère et plus respectueuse de l’environnement. Celle-ci a été conçue par la laiterie Saint-Denis de L’Hôtel qui assure la préparation et le conditionnement du lait. Pour Eric TEILLET, chef de groupe pour le développement de produits frais U, « avec le bio, il y a une différentiel de prix qu’il faut faire accepter au client. Pour que celui-ci adhère, il faut qu’il sache ce qu’il y a derrière un produit, tous les intervenants qui y travaillent. Et il ne doit pas y avoir de perdants ». Une transparence sur laquelle est basée la communication de l’enseigne de distribution. Sur la publicité est précisé : « sur le prix au litre, 43 centimes vont au producteur ». Le commerce équitable Nord Nord selon Biocoop Source : site Biocoop Acheter équitable à un producteur de lait bio, c’est possible, avec les produits porteurs du logo « Ensemble pour plus de sens ». Depuis 8 ans, Biocoop construit des partenariats durables avec les fournisseurs bio des régions de France. Cette démarche, née d’une volonté de développer la bio dans un esprit coopératif, rassemble aujourd’hui près de 800 producteurs et transformateurs. Ce sont désormais environ 250 produits de quatre filières (filière céréalière, filière fruits et légumes, filière laitière et filière viande) qui sont identifiés par le repère « Ensemble pour plus de sens » visible sur les produits de la gamme. Ce logo désigne une démarche tripartite production / transformation / distribution, qui garantit la traçabilité sur les matières premières et les prix payés à la production. A travers cette démarche, Biocoop prouve son engagement en faveur du commerce équitable, non seulement avec les pays du Sud, mais aussi avec les producteurs bio français, dans une dynamique de commerce équitable Nord-Nord. 42
envisager et réussir sa conversion en lait biologique Intervenants : Guillaume MICHEL (technicien lait GAB 22), David ROY (technicien lait Agrobio 35), Stéphanie SABIN et Cyrille GUILLOTEAU (producteurs laitiers bio)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
1. Réussir sa conversion laitière : aspects technico-économiques et réglementaires L’agriculture biologique : « Une agriculture n'utilisant pas de produits chimiques de synthèse » ; pour beaucoup, l’agriculture biologique se résume à cette définition donnée dans la loi d'orientation agricole du 4 juillet 1980. Ce n’est pas faux, mais en réalité cela ne suffit pas à définir les pratiques de la production biologique. L’agriculture biologique est définie par un cahier des charges européens (règlement CEE 834/2007 et CEE 889/2008). L’ensemble des pratiques doit respecter cette réglementation et être contrôlé par un organisme indépendant agrée par l’état. Mais, pour sa mise en pratique, l’agriculture biologique ce n’est pas qu’un cahier des charges. C’est un mode de production respectueux des équilibres naturels, des organismes vivants, une agriculture durable, avec des objectifs environnementaux, économiques et sociaux. Elle oriente au mieux les mécanismes du vivant vers un objectif de production. Elle doit aussi trouver les équilibres et la cohérence propres aux objectifs des hommes qui la pratiquent et de leur projet de vie. Raisonner globalement son système : trouver l’optimum Le plus délicat dans une conversion, c’est de réussir à penser son futur système avec encore dans la tête des références propres au conventionnel. Le passage en bio impose une autre vision que le simple objectif de réaliser « le droit à produire ». L’inadéquation entre le potentiel fourrager des terres et les références laitières, ainsi que les difficultés rencontrées dans la maîtrise des systèmes fourragers expliquent, dans la majorité des cas, les sous-réalisations. Mais atteindre « son quota » n’est pas forcément indispensable pour améliorer ses résultats technico-économiques. L’important, mais aussi le plus compliqué, est de parvenir à une cohérence entre l’économie et la gestion alimentaire. Il convient de raisonner sur une approche globale et non sur des performances techniques par poste. Il est nécessaire de trouver de nouveaux équilibres entre litres de lait/ha de SAU ; litres de lait/vaches et chargement/ha de SFP. Les références absolues deviennent caduques. Ainsi, dans le Grand Ouest, la production de lait par hectare peut varier de 3500 l à 6000 l avec un chargement de 0.8 à 1.2 UGB/ha en Bretagne. Une des premières erreurs à éviter lors d’une conversion est de mal estimer le potentiel des terres. En bio, ce potentiel est un facteur très difficile à réajuster. De même, les objectifs de productions par vache sont à envisager sans exagération. Tout est possible, en étant conscient qu’une vache en bio qui produit 6500 l de lait est déjà une « haute » productrice. Certes, le cahier des charges européens n’impose pas de limite dans l’utilisation de l’ensilage ou sur le lien au sol qui est peu limitant (l’alimentation du bétail doit provenir à 50% de la ferme pour les herbivores). Mais à long terme la logique de recherche de « l’autonomie » sur la ferme sera profitable économiquement et sécurisera le système. Autonomie, équilibre de ration et santé animale En lait, il existe un recul important sur les systèmes bio. Dans tous les groupes laitiers bio, nous constatons que l’autonomie est un facteur de réussite technique et économique. L’autonomie, n’est pas synonyme de zéro achat, mais il signifie bien qu’il est nécessaire d’adapter les objectifs
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de production aux potentiels réels des terres, et non l’inverse. La cohérence du système à mettre en place lors d’une conversion réside à trouver les équilibres entre productions des fourrages et en particulier la gestion de l’herbe, le mode de distribution et l’équilibre des rations. L’éleveur devra veiller au renouvellement des prairies et à la composition des associations graminées-légumineuses. En production laitière bio, dans le Grand Ouest, l’herbe constitue l’aliment de base et les légumineuses prairiales la première source de protéines. Le maïs est rarement distribué à plus de 6-7 kg de MS dans la ration. La qualité de la ration de base, qu’il s’agisse de foin, d’ensilage d’herbe ou de maïs, est primordiale. Une fois en bio, l’amélioration des fourrages et leur mode de distribution représentent les premiers leviers d’amélioration des performances. L’alimentation des animaux et leur santé doivent être considérées comme deux facteurs indissociables. En bio, où les pratiques préventives doivent primer sur le curatif, ces deux facteurs vont de paire. De nombreuses pathologies sont en relation avec l’alimentation. Il est par conséquent nécessaires des les appréhender conjointement. La conversion à l’agriculture biologique ne s’improvise pas, il est nécessaire de respecter un certain nombre d’étapes : • La première étape pour bien démarrer votre conversion est de demander une visite d’information gratuite et sans engagement au GAB de votre département ou dans un autre organisme indépendant de toute vente de produit ou de collecte. Ceci afin d’être orienté dans vos démarches de conversion. Un technicien spécialisé se déplace, vous écoute, répond à vos interrogations, vous explique le cahier des charges et vous suggère des pistes techniques pour lesquelles le seul intérêt est celui de l’éleveur. • Profiter aussi de l’expérience des agriculteurs bio proches de chez vous. Rencontrer les agriculteurs biologiques de votre région, participer à des journées portes ouvertes. La plupart des agriculteurs bio sont d’anciens producteurs conventionnels. Ils ont vécu personnellement les appréhensions et réticences à la bio. Ils ont découvert et construit la bio sur leur ferme. La seul limite est que chaque ferme est différente et que les objectifs de chacun sont variables. Ceci conditionne la mise en place de sa propre bio. • La formation est une étape importante, elle permet de se familiariser avec les nouvelles techniques, mais aussi avec des nouveaux cadres de référence. Des groupes de formations et d’échanges existent sur l’ensemble des départements du Grand Ouest. • Réaliser un diagnostic «changement de système» avec un organisme spécialisé en bio. Un bon diagnostic se repère par le fait qu’il contient une partie de simulation qui est prépondérante. • Rencontrer ses partenaires économiques. Se sont vos futurs clients, il est nécessaire de les associer à votre démarche. La conversion à l’agriculture biologique correspond à la phase de transition entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique, cette période implique souvent une modification du système de production, des pratiques, parfois de la vision de son métier. Elle entraîne des charges induites (coût des semences, travaux…), provoque des baisses de rendement sans valorisation supplémentaire. Même si des aides existent, la conversion est une période qu’il convient de bien préparer techniquement mais aussi économiquement car les baisses de revenus dans les deux voir trois première années sont régulièrement constatées. Devant les changements techniques économiques, la précision de la réglementation l’accompagnement et les échanges sont indispensables. 2. Produire du lait bio avec un système de production « intensif » au moment de la conversion Engagé en 2010 et piloté par le réseau GAB-FRAB en collaboration avec de nombreux partenaires, le projet d’étude visant à analyser l’évolution des systèmes d’exploitation bovins lait dits « plus intensifs » entrés en conversion en 2009 s’est achevé en 2014. 44
Des tendances conformes à ce qui était observé auparavant : - 80% des fermes suivies ont développé un système fourrager basé sur l’herbe pâturée - une production laitière de 4100 à 7000 L/VL - des animaux en meilleure santé et des coûts vétérinaires moyens inférieurs à 40€/UGB lait - un coût alimentaire moyen inférieur à 85€/1000L de lait vendus - une efficacité économique moyenne renforcée avec la conversion en AB Des stratégies fourragères et alimentaires différentes Le développement de l’herbe pâturée constitue le socle commun des évolutions systémiques enclenchées par les fermes suivies lors de leur conversion bio. Toutefois, selon les cas, le pâturage n’occupe pas toujours la même place et des orientations nouvelles en AB ont pu être identifiées et caractérisées. Ces stratégies sont au nombre de trois et ont été établies selon la part de la ration annuelle fourni par le pâturage, par les stocks et par l’affouragement en vert. - Stratégie maximisation du pâturage (7/14) Les exploitations de ce groupe sont caractérisées par : une forte augmentation du pâturage (de 47 à 59%), une importante diminution du maïs ensilage (de 33 à 4%), une augmentation des stocks à base d’herbe : ensilage, enrubannage, foin (de 16 à 31%). Aussi, elles disposent d’un bon parcellaire ou mettent en œuvre des moyens pour l’optimiser et/ou le développer. L’idée de « faire du lait » avec ce que la SAU permet est très présente chez les éleveurs. - Stratégie mixte, fondée sur les stocks et le pâturage (3/14) Ce système évolue assez peu depuis l’entrée en conversion : une légère diminution du maïs ensilage (de 29 à 23%), compensée par une augmentation des stocks d’herbe (de 15 à 25%) et une part de pâturage qui évolue peu (de 45 à 48%). Ces fermes s’orientent vers un système de polyculture-élevage, les cultures étant la variable d’ajustement du système fourrager. - Stratégie affouragement en vert (4/14) Les exploitations de ce groupe se caractérisent par : le développement de l’affouragement en vert (de 12 à 41%) ; la diminution de la part d’ensilage de maïs (de 44 à 15%) et du pâturage (de 27 à 17%), l’’augmentation des stocks d’herbe (de 8 à 22%). L’affouragement est développé pour valoriser de l’herbe mise en culture sur des surfaces non accessibles. L’ampleur de la perte de production laitière par VL lors de la conversion diffère selon la stratégie alimentaire choisie Les fermes de la stratégie affouragement en vert sont celles qui ont subi la chute de production laitière la plus importante depuis la conversion. Ce sont également celles qui, une fois en AB, ont conservé le niveau de production par VL le plus important. Ces fermes ont généralement conservé une quantité de concentrés par litre de lait plus importante. La maximation du pâturage induit le coût alimentaire le plus faible L’étude du coût alimentaire pour ces 3 stratégies confirme avec force que l’herbe pâturée constitue le fourrage le plus économe. Concrètement, les fermes de cette stratégie ont un coût alimentaire de 50% inférieur à la stratégie affouragement en vert et de 25% inférieur à la stratégie stocks. Maximiser le pâturage pour une meilleure efficacité économique Toutes les fermes suivies ont accru leur efficacité économique avec la conversion en AB. Toutefois, des disparités existent suivant les stratégies alimentaires déployées. Ainsi, les fermes qui sont sur des stratégies avec une part importante de stocks (herbe et/ou maïs) et de l’affouragement en vert sont moins efficaces que celles qui ont privilégié la maximisation du pâturage. 3. Que retenir pour mettre en place une conversion bio demain ? Les contraintes et objectifs différents conduisent à la mise en place de stratégies différentes lors de la conversion, mais toutes les formes de valorisation de l’herbe peuvent fonctionner (pâturage, stocks, affouragement en vert), à condition de respecter les fondamentaux. La gestion de l’herbe 45
et le pâturage sont les clés du bon fonctionnement des systèmes étudiés. Il est toujours intéressant de valoriser la surface accessible par le pâturage, même si elle est limitée. Privilégier l’autoproduction et limiter les achats permet également de mettre en place un système autonome. Dans tous les cas, il s’agit d’optimiser son système pour gagner en efficacité et être résilient face aux aléas extérieurs.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
David ROY, technicien polyculture élevage à Agrobio 35 depuis 2009 Il accompagne les jeunes en phase d’installation et les producteurs en projet de conversion. Chargé de réglementation bio pour la FRAB Bretagne, il conduit les études technico économiques en lait bio. David conseille les agriculteurs conventionnels et bio sur le désherbage mécanique et est également animateur du groupe d’échanges ovins/caprins. David a été salarié agricole et agriculteur bio pendant plusieurs années. Guillaume MICHEL, technicien au GAB 22 depuis 2011 En charge de la production laitière biologique, il accompagne les éleveurs dans la «réflexionpréparation» de leur conversion bio. Les groupes d’échanges et formations sont au cœur de cet accompagnement. Aussi, il appuie les personnes qui souhaitent s’installer en élevage laitier biologique. Pour ce travail, il s’appuie sur l’expertise des éleveurs biologiques et plus généralement du réseau des agriculteurs biologiques bretons. Enfin, le travail de «recherche-action» mené au travers d’études telles que celle présentée lors de cette conférence vient conforter et enrichir son expertise pour accompagner au mieux les agriculteurs biologiques de demain. Stéphanie SABIN et Cyrille GUILLOTEAU, producteurs bio Installés sur une ferme laitière à Pancé (35) en 2009, Stéphanie et Cyrille ont entamé une conversion à l’installation de l’exploitation de 64 ha pour 230 000 l de lait (2UTH).
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élevage bio : comment passer de la médecine à la santé ? Intervenants : Marie-Christine RALISON-YON (éleveuse caprins bio), Jean-Noël DESBOIS (éleveurs bovins lait, administrateur GAB 44), Catherine ROFFET (vétérinaire), Catherine EXPERTON (chargée de mission élevage (ruminants) à l’ITAB), Anna KERIVEL (éleveuse bovins lait bio)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Quel que soit le type d’élevage, la santé animale est une préoccupation majeure pour les producteurs biologiques. Bien souvent abordée sous un angle curatif, avec un traitement spécifique à une maladie, elle pourrait être raisonnée d’une manière plus globale. En effet, ce sont en grande partie les pratiques d’élevage qui influent sur l’équilibre des cheptels. Ainsi, la santé animale se pense de manière globale en recherchant une cohérence entre l’alimentation des animaux, leur logement, la gestion du parasitisme et leur environnement. En pratique, quels sont les besoins des éleveurs biologiques pour mettre en œuvre cette approche globale de la santé animale ? Différents témoignages vidéos, appuyés par la présence d’Anna KERIVEL, Marie-Christine RALISON-YON et Jean Noël DESBOIS, permettront d’identifier les besoins et enjeux identifiés par les producteurs sur cette thématique. Deux exposés permettront de présenter les solutions et accompagnements proposés. Tout d’abord Catherine EXPERTON de l’ITAB présentera les résultats du CASDAR Synergie. L’objectif du projet est de mieux connaître et comprendre les facteurs de maîtrise d’une approche globale de la santé, dans les élevages conduits en AB. Ce projet fournit des enseignements et des recommandations pour la consolidation et la mise en pratique d’une approche globale de la santé (notamment des volailles de chair) à destination des éleveurs, des conseillers et des vétérinaires. Catherine ROFFET, vétérinaire spécialisée dans les médecines alternatives et le suivi d’élevage, partenaire du Groupement des Agriculteurs Biologiques de Loire Atlantique présentera ensuite l’accompagnement mis en place sur le 44 pour répondre aux attentes des éleveurs. Les trois éleveurs présents, participant également à ce suivi, témoigneront de ce que leur apporte ce dispositif. Un temps de débat avec la salle sera prévu en fin de conférence afin de pouvoir échanger sur cette thématique et répondre aux différentes questions des personnes présentes.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Anna KERIVEL, éleveuse en bovins lait bio, GAEC de Krencoet Après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur agronome en 2011, Anna KERIVEL a travaillé pendant 3 ans comme animatrice technicienne au CIVAM Agriculture Durable de la Mayenne. Elle avait pour missions l’accompagnement individuel et collectif d’éleveurs laitiers ainsi que la participation à des projets de développement agricoles. Suite à ces 3 années, elle a décidé de s’installer en production laitière biologique. En 2015, elle a ainsi démarré un stage parrainage d’1 an avec le cédant de l’exploitation qu’elle a repris avec son conjoint, Lucas. Ils sont maintenant installés sur cette ferme de 60 ha, à Campbon, depuis le 1er janvier 2016 où ils élevent une quarantaine de vaches et leur renouvellement. 47
Marie-Christine RALISON-YON, éleveuse en caprins bio, ferme de la Baudussais Après des études aux Beaux Arts à Tours et à l’Ecole Estienne à Paris, Marie-Christine RALISONYON s’est installée dans la Vienne près de Loudun comme relieuse. Souhaitant se reconvertir dans le domaine agricole avec son mari, elle s’est lancée dans un BPA (brevet professionnel agricole) qui lui a permis de faire des remplacements dans différentes fermes laitières. C’est ensuite en 2002 qu’elle et son mari se sont installés comme éleveurs de chèvres à Saint-Julien-de-Vouvantes à quelques kilomètres de Châteaubriant. Leur élevage compte 60 chèvres sur 38 hectares. Ils transforment tous leurs produits sur place (fromages, yaourts, tomme etc.) vendus à 70% en vente directe sur les marchés et en AMAP et les 30% restant dans les magasins bio et restaurants Jean-Noël DESBOIS, éleveur en bovins lait bio, GAEC de la Pâture, membre du CA et du Bureau du GAB44 Jean-Noël DESBOIS s’est installé en 1979 à Guérande sur la ferme laitière familiale. Le passage en bio de l’exploitation s’est fait suite à l’arrivée de son fils Benjamin. La conversion s’est faite en douceur car cela faisait plus d’une 15aine d’années qu’il n’utilisait déjà plus de produits phytosanitaires et qu’il gérait la santé de son troupeau en limitant au maximum les antibiotiques. C’est aussi à l’arrivée du fils qu’ils ont agrandi l’exploitation : l’élevage compte aujourd’hui 65 vaches de race Normande et Holstein qui pâturent sur 100 ha. Membre du CA et du Bureau du GAB 44, il fait également partie de la commission technique qui travaille sur la santé animale et l’accompagnement proposé aux éleveurs. Catherine ROFFET, vétérinaire spécialisée en médecine alternative, clinique vétérinaire de Redon Docteur vétérinaire de formation, son parcours professionnel et personnel l’a amené à rechercher une pratique différente des soins vétérinaires habituels. Après quelques années en clientèle rurale classique entre Mayenne et Loire atlantique, un passage par l’enseignement agricole et plusieurs années sur le terrain dans divers pays étrangers, elle s’est forgée la conviction qu’il fallait considérer et soigner différemment les animaux à qui est dévolu le rôle d’entretenir notre milieu et nourrir les populations. Elle s’est, pour cela, formée en homéopathie, à des méthodes de diagnostic d’élevage, de suivi et de traitement non conventionnels. Finalement, suite à des contacts avec des éleveurs du GAB 44, elle a quitté les belles montagnes du Pays Basque pour rejoindre Laurence JOUET au sein de la clinique vétérinaire de Redon afin de se consacrer exclusivement à ces activités de conseil. Désormais l’approche globale partagée avec les éleveurs, la formation technique (alimentation, obsalim, parasitisme…), l’utilisation d’autres médecines (homéopathie, phytothérapie), sans jamais oublier l’empathie avec les animaux, constituent son lot quotidien. Catherine EXPERTON, chargée de mission élevage (ruminants) à l’ITAB Responsable de la commission élevage à l’ITAB, et chargée des missions sur les thématiques « références en élevages bio», «polyculture-élevage en AB » et « santé animal en AB », Catherine EXPERTON pilote au sein de la commission un groupe santé des élevages en AB qui a réalisé l’état des lieux règlementaire sur l’usage de plantes en élevage, et mène une réflexion sur un cadre réglementaire pour promouvoir l’utilisation de pratiques alternatives en élevages. Elle participe au réseau Santé Animale des Elevages Biologiques du Métaprogramme INRA GISA (Gestion Intégrée de la Santé Animale). Elle a été chef de projet du CASDAR « Synergies pour la santé des élevages biologiques » (2013-2016) et « agneauxBio pour un développement concerté et durable de la production d’agneaux biologique » (2013-2016). Elle est actuellement chef de projet du casdar OTOVEIL « Développer des Outils Techniques et Organisationnels de conseil pour la surVEILlance et la prévention sanitaire dans les élevages biologiques » (2015-2019). Enfin elle travaille sur la polyculture élevage dans l’objectif de trouver des moyens pour renforcer le lien au sol dans les élevages en AB. 48
réussir une alimentation 100% biologique des monogastriques avec des matières premières locales : résultats et travaux en cours Intervenants : Stanislas LUBAC (coordinateur du Programme régional de Recherche-Expérimentation pour IBB), Antoine ROINSARD (ITAB), Florence MAUPERTUIS (Chambre d’agriculture Pays de la Loire)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
A partir du 1er Janvier 2018, le cahier des charges européen de l’agriculture biologique imposera le passage à des aliments dans lesquels toutes les matières premières d’origine agricole, notamment les sources de protéines, devront être issues de l’agriculture biologique. Si cette évolution va dans le sens d’un renforcement de la crédibilité de l’élevage conduit en agriculture biologique, cela pose des problèmes de différents ordres : - augmentation a priori du coût alimentaire et augmentation de l’utilisation de tourteau de soja dans les rations pour obtenir les mêmes performances zootechniques - à court terme, s’il n’y a pas de recours massif aux importations de soja : diminution du bien-être animal (car les aliments seront moins équilibrés) et des performances zootechniques (GMQ, IC, …) - problème d’approvisionnement : il est indispensable de disposer de matières premières riches en protéines produites localement. Or, le passage au 100 % AB devrait augmenter la demande en protéines biologiques et ainsi le recours aux importations. La conférence propose une synthèse de 5 ans de travaux menés dans le cadre de différents programmes de recherche, sur les thèmes suivants : valeur nutritionnelle des matières premières biologiques, essais agronomiques/production de protéines, essais zootechniques en porcins et volailles. Le coût alimentaire devrait-être augmenté d’environ 7 à 15 % en fonction des espèces et hypothèses retenues. En production avicole, les performances zootechniques peuvent-être maintenues, mais au prix d’un recours massif à l’utilisation de tourteau de soja biologique ou en mobilisant une diversité de matières premières, pas toujours disponibles en quantité suffisante sur le marché. En production porcine, des stratégies de formulation peuvent permettre de maintenir de bonnes performances en 100 % bio, tout en limitant une trop forte incorporation de tourteau de soja (en utilisant notamment du pois et de la féverole de manière importante). De nouvelles pistes ont été identifiées et sont travaillées dans le cadre du CASDAR Secalibio (Pilotage IBB et ITAB avec appui de la CRA PL ; 2015 – 2019) : - culture des oléoprotéagineux avec plantes compagnes - amélioration de la connaissance sur la valeur nutritionnelle des matières premières produites localement et des fourrages - valorisation de fourrages riches en protéines pour des porcs charcutiers ; enrichissement des parcours de truies gestantes en légumineuses fourragères pour limiter l’apport de protéines via l’aliment (mise en place de pâturage tournant) - enrichissement en protéines des parcours à poulets de chair : chicorée, couverts multi-espèces, luzerne, trèfle violet, etc…. - etc….. 49
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Florence MAUPERTUIS, Chambre d’agriculture Pays de la Loire Ingénieur agronome de formation et spécialisée en alimentation porcine, Florence MAUPERTUIS assure depuis 15 ans différentes missions pour les chambres d’agriculture des Pays de la Loire : - le suivi des essais alimentation de la ferme expérimentale porcine des Trinottières dans le cadre du programme de recherche régional des Chambres d’agriculture (cet élevage comprend un atelier naisseur engraisseur de 120 truies conventionnelles élevées en bâtiment et un atelier naisseur de 50 truies biologiques élevées en plein air), - l’animation de l’Association Inter - Régionale des éleveurs Fabricants d’Aliments à la Ferme (AIRFAF) des Pays de la Loire, avec un appui technique auprès des éleveurs pour la formulation des aliments d’élevage, - la coordination du programme de recherche sur le porc biologique de la Chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire, avec notamment une contribution à la diffusion de différents documents techniques sur l’alimentation en élevage porcin biologique. Stanislas LUBAC, coordinateur du Programme régional de Recherche-Expérimentation pour IBB. Salarié à Interbio Bretagne depuis bientôt 10 ans, Stanislas LUBAC assure la coordination du programme de recherche/expérimentation breton dédié à l’agriculture biologique. Il a piloté le projet CASDAR ProtéAB : «Développer les légumineuses à graines en agriculture biologique pour sécuriser les filières animales et diversifier les systèmes de culture». Depuis 2015, il pilote le CASDAR Secalibio : «Sécurisation des systèmes alimentaires en production de monogastriques biologiques» Antoine ROINSARD, ITAB : A l’ITAB depuis 6 ans, Antoine ROINSARD a assuré la coordination française du projet européen CORE ORGANIC II ICOPP : « Improved contribution of local feed to support 100% organic feed supply to pigs and poultry » ainsi que la complémentarité des actions entre les différents projets conduits sur l’alimentation des porcs et des volailles en AB depuis 5 ans (CASDAR ProtéAB, CASDAR AviAlimBio, etc…). Il co-pilote le CASDAR Secalibio : « Sécurisation des systèmes alimentaires en production de monogastriques biologiques ».
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agroforesterie et agriculture biologique Intervenant : Yves GABORY (Mission Bocage / AFAC Agroforesterie)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
“L'agriculture biologique peut être pratiquée sans arbre mais dans ce cas elle est beaucoup plus difficile. C'est un peu comme courrir un 100 m avec des semelles de plomb”. Parce que l’agriculture doit relever de nouveaux défis : produire et protéger. Parce qu’il faudra rapidement trouver des alternatives aux énergies fossiles et aux intrants agricoles, de plus en plus coûteux et polluants. Parce que les résultats de la recherche en agroforesterie sont très encourageants, il est, plus que jamais, pertinent de redonner à l’arbre des champs la place qu’il mérite, au cœur même des espaces cultivés. L’agroforesterie, qui est aujourd’hui reconnue et encouragée au niveau européen, national et régional (Programme de Développement Rural - PDRH & PDRR), apparaît comme une réponse pertinente et audacieuse aux enjeux agro-économiques, agro-écologiques et agro-techniques d’une agriculture moderne et résolument durable. L'agriculture biologique en est l'un des meilleurs exemples. Des logiques qui s’emboîtent, qui sont basées sur les cycles de vie, des arbres sous différentes formes, des arbres au plus proche des productions
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- consolider les revenus en préservant les ressources naturelles - améliorer la prise en compte de l’environnement dans les activités économiques et accroître la qualité des biens environnementaux - accompagner la diversification de l’économie rurale et la qualité de vie - préserver et valoriser la diversité des territoires… Régulateur et épurateur de l’eau, conservateur et activateur des sols, fixateur de carbone et amortisseur climatique, protecteur des cultures agricoles et des élevages, maillon essentiel de la biodiversité, producteur de biomasse, facteur de qualité et de diversité des paysages, etc… Outil de protection, de production, d’aménagement, d’embellissement. De par sa transversalité, l’arbre est en mesure d’apporter, à l’agriculteur mais aussi à la collectivité, bon nombre de réponses techniques. Il permet également de satisfaire les nouveaux cadres politiques et les exigences réglementaires actuelles et à venir : éco-conditionnalité des aides agricoles du 1er pilier, zones soumises à contraintes environnementales, 4° programme d’actions nitrate, mise en place d’une Trame Verte et Bleue et d’une certification des exploitations, etc. Les premières expériences d’agroforesterie « moderne » réussies Convaincus par la pertinence du modèle agroforestier, Mission Bocage a initié en 2007 un 1er programme d’agroforesterie. Au total, plus de 200 ha ont été plantés sur les Mauges, majoritairement en système de grandes cultures mais également en parcours volaillers et élevage bovins. Après cinq années, le bilan est plus que positif. Les taux de reprise des arbres plantés sont bons et les agriculteurs ont bien intégré les arbres dans leurs pratiques. Ces derniers qui seront accompagnés techniquement pendant cinq années, vont progressivement apprendre à former les arbres et à conduire le système pour favoriser au maximum les synergies entre arbres et cultures. Pendant ces cinq années, il a également été testé divers paillages biodégradables (amidon de maïs, BRF, paille), systèmes de protection contre les cervidés favorisant le gainage des arbres, semis de bandes enherbées au pied des arbres, etc… L’agroforesterie telle que nous l’avons développée dans les Pays de la Loire pourrait être qualifiée « de deuxième génération » car elle se veut la plus intégrante possible. Il ne s’agit plus de plantations monospécifiques mais de mélanges d’essences champêtres et forestières d’origine certifiée et locale. À cet aménagement sont intégrées les formations végétales voisines : travail sur la régénération naturelle en bordure de parcelle, plan de gestion des haies et des ripisylves et plantation de haies, restauration d’arbres têtards. Les bandes enherbées des lignes d’arbres sont semées et évolueront naturellement vers un mélange optimum et pertinent. Les branches issues de la taille des arbres ou de la restauration de trognes sont valorisées en bois énergie ou broyées sur place et utilisées en BRF comme paillage. Réconcilier Arbre et Agriculture, Economie et Ecologie LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE; UNE COMBINAISON GAGNANTE Une parcelle agroforestière bien conçue et bien conduite a une productivité supérieure à celle de l’assolement où chaque espèce est cultivée séparément. Le bénéfice de cette synergie a été démontré dans différents programmes de recherche, depuis plus de dix ans. L’augmentation de la biodiversité, l’amélioration du sol et les effets climatiques principalement dus à la présence d’arbres bonifient le potentiel de la parcelle. 52
INTERÊTS ECONOMIQUES : PRODUIRE PLUS SUR UNE MÊME PARCELLE • Augmenter la rentabilité de sa parcelle Lorsqu’on compare l’agroforesterie à un assolement où l’on sépare les cultures d’un côté et les arbres de l’autre, la production de biomasse est de 10 à 60 % supérieure. Pour une densité de 40 à 80 arbres par hectare, la rentabilité est au moins aussi élevée que celle d’une agriculture sans arbre. Il a été montré qu’elle peut être augmentée de 30 %. Les bénéfices peuvent être plus conséquents et rapides à percevoir. Ces calculs ne prennent en effet pas en compte les contributions des arbres pour la production agricole (protection des cultures contre les aléas climatiques...), ni la valorisation des autres produits possibles (bois énergie, BRF, fruits, fourrage). Avec des écartements compris entre 25 et 50 m entre les lignes d’arbres, il est possible de cultiver jusqu’à la coupe des arbres, avec une réduction modérée de la production agricole. • Constituer une caisse d’épargne L’agroforestier cultive des essences d’arbres pour la plupart de grande valeur comme le noyer, le merisier, le cormier, l’alisier, le poirier, … En investissant dans le bois, l’agriculteur constitue aujourd’hui un capital qui servira demain pour sa retraite ou pour ses enfants. Même si pour certains, il ne s’agit pas de convertir l’ensemble de l’exploitation en agroforesterie mais seulement une partie de sa Surface Agricole Utile (SAU), l’exploitant perd au départ 1 % de son revenu. A partir du jour où l’exploitant commence à toucher le revenu des arbres, l’INRA a calculé qu’il peut jusqu’à doubler le revenu de l’exploitation. • Améliorer la qualité de ses productions Les expériences menées par l’INRA montrent que les céréales agroforestières présentent des teneurs en protéines plus élevées que les céréales de monoculture. Les arbres sur une parcelle agroforestière participent également au bien-être animal, ce qui peut se traduire par un poids vif plus important, par une moindre mortalité et un moindre gaspillage des aliments. L’agroforesterie vise une substitution des intrants grâce à une amélioration « naturelle » du sol et à une protection intégrée des cultures (faune auxiliaire au cœur de la parcelle). Pour la production de bois, ici encore le bilan est positif, on constate un accroissement supérieur des diamètres de troncs et une meilleure qualité du bois (croissance régulière). Les arbres profitent d’une faible densité de plantation et absorbent une partie des fertilisants non utilisés par les cultures. 53
INTERETS ENVIRONNEMENTAUX ET AGRONOMIQUES Même s’il est difficile aujourd’hui de dissocier économie et impacts écologiques, les faciès agroforestiers contribuent à mieux préserver les ressources naturelles : substitution des intrants (fertilisants et phytosanitaires), régulation et épuration de l’eau, amélioration et protection du sol, stockage de carbone, effets microclimatiques positifs et qualité des paysages agricoles. • Réguler les flux d’eau
L’INRA de Montpellier a observé que les arbres agroforestiers s’enracinent plus en profondeur que les arbres en forêt. Cet enracinement caractéristique est entre autre favorisé par des cultures d’hiver qui, puisant les ressources en surface avant le débourrement des arbres, obligent ces derniers à coloniser les horizons profonds pour subvenir à leurs besoins. A défaut de cultures d’hiver, des opérations mécaniques de contrôle des racines de surface (cernage) peuvent être préconisées. Cette caractéristique du système racinaire des arbres agroforestiers à plusieurs conséquences d’intérêt : - Meilleur ancrage et capacité de prospection du sol en profondeur plus importante : → Conséquence : meilleure résistance face aux excès climatiques (sécheresse, vent), → Conséquence : moindre concurrence avec la culture agricole pour l’eau mais aussi pour les éléments minéraux. On qualifie d’ailleurs de « pompe à nutriments » la remontée par les racines des arbres d’éléments nutritifs issus des horizons profonds. - Prélèvement additionnel en eau du sol par les arbres conduisant à des sols plus secs en profondeur en fin d’été : → Conséquence : capacité de stockage des pluies d’automne et d’hiver augmentée (de l’ordre de 100 mm sous noyers de 12 ans à Restinclières (Hérault), 200 mm sous peupliers de 12 ans à Vézénobres (Gard) par exemple). → Conséquence : minéralisation estivale de l’azote réduite par l’assèchement du sol A cela s’ajoute l’effet du houppier des arbres qui, de par le microclimat qu’il génère, contribue également à réduire la demande climatique des cultures agricoles en diminuant l’évapotranspiration et contribue à ralentir la minéralisation de l’azote avant les pluies automnales. • Gérer la qualité des eaux Les systèmes agroforestiers peuvent aussi contribuer à limiter les pollutions diffuses, en dressant un filet de sécurité sous les cultures agricoles. Ce mécanisme est d’autant plus efficace que les systèmes racinaires sont disjoints et superposés. Cela concerne surtout les nitrates qui transitent verticalement par lessivage et dont une partie pourra être interceptée et valorisée par les arbres pour leur production de biomasse. Pour le phosphore et les molécules phytosanitaires, qui transitent davantage par ruissellement, ce sont surtout les bandes enherbées et les haies intégrées au système agroforestier qui vont contribuer à limiter leur diffusion en les fixant et les dégradant. • Bonifier les sols et lutter contre l’érosion Sur une parcelle agroforestière, la décomposition des feuilles et des racines fines enrichit le sol en matière organique, stimulant par la même occasion les organismes détritivores et saproxyliques 54
qui jouent un rôle essentiel dans les processus de maintien de la fertilité. En outre, cette capacité à stocker davantage de carbone présentent plusieurs avantages pour les champs cultivés, tels qu’une plus grande disponibilité en éléments nutritifs, une meilleure rétention de l’eau et une meilleure résistance à l’érosion. Les racines des arbres agroforestiers sont capables de puiser des éléments nutritifs issus des couches profondes et minérales des sols. Les arbres jouent alors le rôle d’une véritable «pompe à nutriments» au bénéfice des cultures associées. Face à l’érosion, l’action des systèmes agroforestiers est double. Ils agissent d’une part comme des peignes en retenant en amont les éléments en suspension dans les eaux de ruissellement. En ralentissant la vitesse d’écoulement des eaux sur le versant, ils limitent sa puissance érosive en aval. • Stocker du carbone Pour sa capacité à séquestrer du carbone et donc à limiter la quantité de gaz à effet de serre, l’agro-foresterie figure dans les articles 3.3 et 3.4 du protocole de Kyoto. Ce stockage de carbone s’effectue d’une part dans le bois de l’arbre, mais aussi dans la matière organique incorporée dans le sol issue de la dégradation annuelle des feuilles et des racines mortes. Par son enracinement, l’arbre injecte dans les horizons profonds du sol une quantité non négligeable de carbone contribuant par la même occasion à sa fertilité. • Amortir les stress climatiques L’effet brise-vent : Quand elles sont exposées aux vents, les cultures agricoles se dessèchent, les feuilles et les fruits peuvent chuter ou être abîmés. Celui-ci augmente également les risques de verse des céréales et perturbe la fécondation des plantes. Limitant les stress climatiques sur les cultures, l’effet brise-vent des haies incluses dans les systèmes agroforestiers est bénéfique quelles que soient les cultures considérées. Selon l’importance du vent, il induit un gain de rendement oscillant généralement entre 5 et 30 % en grandes cultures et maraîchage. Ce bénéfice est nettement supérieur dans les vergers, notamment de pommiers et de poiriers dont la production peut doubler par le simple effet d’une protection climatique. L’effet parasol : A l’ombre des arbres, les animaux d’élevage luttent moins contre les chaleurs estivales. Ils paissent davantage et cela se traduit par une augmentation des rendements laitiers et de la production de viande. À l’abri des arbres, les femelles vêlent en toute quiétude. Il en résulte une moindre mortalité des animaux à la naissance. L’ombrage procuré par les arbres est particulièrement utile pour les élevages de volailles en plein air. Les volailles colonisent plus facilement l’ensemble de la parcelle si celle-ci est uniformément arborée. Il s’en suit une baisse des maladies et de la mortalité des volailles, une diversification de l’alimentation, un moindre gaspillage de la nourriture, et un poids vif supérieur. • Sauvegarder la biodiversité... et la rendre utile Il est important que les milieux biologiques soient interconnectés afin que la faune et la flore puissent se déplacer pour assurer la reproduction et la régulation des espèces. Créant des corridors biologiques entre les bosquets, les terres cultivées, les ripisylves, les prairies, et les massifs forestiers, les parcelles en agroforesterie et les haies champêtres sont précieuses pour maintenir les équilibres écologiques des milieux cultivés. Sur une parcelle agroforestière, comme les arbres sont au cœur de la parcelle, l’action des auxiliaires de culture est plus importante et plus précoce. Vers de terre, oiseaux, chauve-souris, coccinelles, carabes prédateurs, insectes pollinisateurs, parasitoïdes... trouvent refuge pour s’alimenter, se reproduire ou passer l’hiver, dans les arbres ou dans la bande enherbée à leurs pieds. Toute cette biodiversité peut se traduire par une diminution de l’emploi des pesticides en contrôlant naturellement les populations des ravageurs des cultures. Grâce à la variété de végétaux fleurissant à des périodes décalées, les systèmes agroforestiers offrent aux précieux pollinisateurs, des ressources nectarifères et polliniques tout au long de l’année. Ces derniers peuvent alors polliniser les cultures mais aussi produire du miel grâce aux plantes mellifères (Aubépine, Chêne, Tilleul, Saule, Néflier, Erable champêtre…). 55
Comment développer un projet agroforestier Chaque parcelle dans chaque exploitation aura un dispositif arboré qui lui sera propre. Il sera fonction de la forme et de l’orientation de la parcelle, des productions, du système de l’exploitation, des objectifs de l’exploitation,... etc. Un projet nécessite une réflexion et une prise en compte de nombreux paramètres. Pour cela, il est fondamental de développer son projet en étant accompagné par un expert pour assurer une réponse la plus juste à chaque situation.
Principales références bibliographiques : D’après les travaux de l’équipe de Christian Dupraz - INRA de Montpellier et les travaux bibliographiques réalisés par Agroof Développement
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Yves GABORY, Mission Bocage/AFAC Agroforesterie Issu du milieu rural, paysan des Mauges en Anjou,Yves GABORY a effectué des études autour de l’arbre, sous sa forme la plus spontanée (la forêt) jusqu’à sa forme la plus maitrisée par l’homme, l’arboriculture fruitière. Il a créé «Mission Bocage» en 1991, l’une des toutes premières associations françaises de développement sur la thématique de l’arbre rural agricole. Pendant 15 ans, il a cherché à adapter les systèmes bocagers à l’évolution de l’agriculture, à rechercher une compatibilité, une nouvelle représentation. Le génie paysan qui a créé le bocage avait réussi à construire un système efficace à tous les niveaux (protection des productions contre le climat, protection et aggradation des sols, production de bois, de biomasse, rempart sanitaire…). Ce travail d’adaptation a apporté une grande satisfaction aux agriculteurs qui continuent de le pratiquer. Parallèlement, la dégradation du maillage existant mettait les exploitations dans une situation où le manque de haies d’héritage nécessitait d’inventer d’autres dispositifs. Depuis 8 ans maintenant, il met en place des systèmes agroforestiers spécifiques à chaque exploitation. Aussi, il est l’un des quatre co-fondateurs du réseau national Afac-Agroforesteries. Il a d’ailleurs été son président de 2007 à 2012 et il est actuellement membre de son bureau. Il a aussi fait partie des fondateurs du réseau européen : l’EURAF. Il s’est spécialisé dans la restauration des arbres têtards, la gestion des espaces agrobocagers à forte biodiversité (réserves…) et il travaille actuellement à l’évolution des systèmes agricoles basé sur la forte participation des arbres (agro-écologie, agroforesterie, permaculture….etc).
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La biodiversité fonctionnelle Intervenants : Laurence ALBERT (chef de projet « Verger cidricole de demain» à l’IFPC), Diane PELLEQUER (Chargée de mission «Viticulture et fruits & légumes» à la FNAB)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Afin de répondre aux enjeux environnementaux, sociétaux, législatifs et économiques, de nouvelles stratégies de protection des cultures sont développées. Le renforcement de la régulation naturelle des bio-agresseurs par leurs ennemis naturels est un des leviers d’action qui peuvent être mobilisés. L’IFPC étudie le développement de systèmes de vergers agro-écologiques, de haute valeur environnementale et économiquement performants notamment dans le cadre du projet CASDAR «Verger Cidricole de Demain» conduit avec différents partenaires de la filière : organismes de développement agricole (ACB APPCM, CDA22, CRA Normandie, Agrial), enseignement agricole technique (Lycées agricoles Alençon Sées, Le Robillard, Pays de Bray), enseignement supérieur agricole (Agrocampus-Ouest), la recherche (INRA-IRHS) et des producteurs accueillant les parcelles d’essais au sein même de leurs exploitations. Un des objectifs de ces travaux est d’identifier des moyens d’accroître la régulation naturelle des ravageurs par les auxiliaires des cultures. Pour cela, une thèse CIFRE est conduite depuis 2014 avec l’INRA et Agrocampus Ouest, pour étudier l’impact des pratiques agronomiques et de la mise en place d’aménagements agro-écologiques (haies et mélanges fleuris) sur la régulation naturelle de deux ravageurs des pommiers, le puceron cendré et le carpocapse. Au cours de cette conférence, une première partie sera consacrée à la présentation des principaux auxiliaires rencontrés en verger (cycle de vie, régime alimentaire, éléments d’identification….) ainsi que plusieurs techniques d’observation de leur présence et/ou action de prédation des ravageurs en lien avec le projet EcoOrchard (battage, filet, carte de prédation…). Une seconde partie sera consacrée à la présentation de résultats obtenus au cours des dernières années sur le lien entre auxiliaires, pratiques et régulation naturelle. L’impact de la mise en place d’aménagements agro-écologiques, qui peuvent servir d’abri ou de réservoir de nourriture pour les auxiliaires, au sein de parcelles de producteurs, sera notamment discuté. Le groupe technique inter-régional arboriculture bio Grand Ouest Suite à la conférence, sera présenté le groupe technique inter-régional Grand Ouest sur l’arboriculture biologique. Il réunit des producteurs et salariés des GAB et GRAB ayant à cœur de mutualiser les problématiques de la filière. Différentes actions seront présentées ainsi que la démarche engagée autour d’un calendrier de commercialisation des différentes variétés de pommes et de poires biologiques. Un point sera fait sur le démarrage de la campagne de récolte 2016. Contact : j.lepape@agrobio-bretagne.org / 02.98.25.80.33
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Laurence ALBERT, chef de projet « Verger cidricole de demain» à l’IFPC Ingénieure agronome, spécialisée en Protection des Plantes et Environnement, Laurence ALBERT travaille depuis 2013 à l’Institut Français des Productions Cidricoles (IFPC) sur la biodiversité 57
fonctionnelle au sein des vergers de pommes à cidre (en lien avec le projet CASDAR «Verger Cidricole de Demain»). Une partie de son projet se déroule dans le cadre d’une thèse CIFRE, menée en partenariat avec Agrocampus Ouest et l’INRA. Son objectif est d’évaluer l’impact des itinéraires techniques et des aménagements agro-écologiques (haies et mélanges fleuris) sur la communauté d’auxiliaires présente dans les vergers et d’évaluer leur rôle sur la régulation naturelle de certains ravageurs (pucerons cendrés et carpocapse notamment). L’objectif est d’identifier à terme des leviers d’action possibles pour les producteurs et de pouvoir transférer des connaissances directement mobilisables sur le terrain. Diane PELLEQUER, chargée de mission «Viticulture et fruits & légumes» à la FNAB Ingénieur agronome de formation, Diane PELLEQUER est chargée de mission sur les filières maraichage, arboriculture et viticulture biologiques à la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique). Des expériences professionnelles variées dans l’accompagnement à l’installation agricole, la recherche, les projets humanitaires mais aussi l’enseignement de l’agriculture biologique en CFPPA, l’ont amenée à développer des compétences de gestion de projet dans le domaine agricole.
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les préparations naturelles peu préoccupantes Intervenant : Patrice MARCHAND (Pôle Biosolutions et Résidus de l’ITAB)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
La conférence proposée au salon La Terre est Notre Métier s’intéressera à présenter ce que sont les Préparations Naturelles Peu Préoccupantes (PNPP) et quels sont leurs statuts actuels. Il s’agira de faire le point sur les récentes évolutions réglementaires et ce que cela implique dans leur utilisation. Par ailleurs, la conférence sera illustrée par la présentation de quelques résultats d’essais de biostimulants ou de substances de base en arboriculture et en maraichage. Un temps d’échanges et de débat avec la salle sera prévu en fin d’exposé. 1/ Définitions 1.1. Définitions règlementaires Il n’existe pas de «PNPP» au sens de la Communauté Européenne, mais la Loi d'Avenir Agricole (1) décrit deux types de PNPP, au sens Français : - les substances de base dont l’activité principale n’est pas phytopharmaceutique mais utile à la protection des cultures au titre de l’article 23 du règlement CE n°1107/2009 (complété par l’article 28), - les biostimulants dont l’activité n’est pas phytopharmaceutique au titre de l’article 50 de la loi d'Avenir Agricole. 1.2. Les deux types de PNPP - A Usages phytosanitaires : les substances de base Avec l’arrivée de la nouvelle règlementation pesticide RCE n°1107/2009, un certain nombre de freins liés à l’ancienne réglementation sont levés. En particulier, une nouvelle catégorie, les «substances de base» (Article 23), sont clairement définies comme des aides à l’agriculture, non considérées comme des produits phytopharmaceutiques, et semble être une réponse possible aux exigences de l’agriculture biologique, et clairement les PNPP de protection des cultures peuvent y trouver leur place. - Les biostimulants : Les décrets et arrêtés PNPP nationaux 2016 sont parus ainsi que la première liste de substances autorisées en tant que biostimulants.(2) Avec l’arrivée de la nouvelle définition des biostimulants, un certain nombre d'autres freins sont levés. Mais la future réglementation EU (DG Croissance) risque de tout modifier encore en 2017. 2/ Qu'est ce qui est autorisé aujourd'hui 2.1. Les substances de base Suivi des approbations au niveau européen (Dossiers, parcours, Avis) L'ITAB a désormais 8 substances de base approuvées à son actif ! Le parcours résumé ci-contre est complexe. 59
11 substances de base sont désormais approuvées à la règlementation générale pesticide et inscrite dans la partie C du réglement listant les pesticides (4), seulement 9 sont utilisables en AB. Les usages terrain (Fiche technique d’utilisation...)
Les résultats opérationnels (6) (Report Review, Infos EU, AB)
Les Substances sont approuvées au niveau EU à la réglementation générale (voir comment + actualité des approbations), mais doivent être encore autorisées en AB pour les minéraux. 60
La majorité des substances de base est utilisable en AB ! Le transfert des substances de bases approuvées, alimentaires ou traditionnelles, vers à l’annexe II bio est acquis, avec la création d’une catégorie particulière. Le vote est intervenu au CRAB (Comité Réglementation de l’agriculture Biologique, UE, DGAgri) début avril 2016. Le règlement d’exécution est publié. Substance de base
Uniquement les substances de base au sens de l’article 23, paragraphe 1, du règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil qui sont couvertes par la définition du terme «denrée alimentaire» énoncé à l’article 2 du règlement (CE) n°178/2002 du Parlement européen et du Conseil et qui sont d’origine végétale ou animale. Substances à ne pas utiliser en tant qu’herbicide, mais uniquement dans la lutte contre les ravageurs et les maladies. Suite à l’approbation de minéraux à la réglementation générale, les dossiers ont été soumis pour inscription à l’annexe II du règlement CE n°889/2008. Le CNAB (Comité National Agriculture Biologique) de l’INAO (pour la France) s’est prononcé favorablement pour ces inscriptions en AB. Une substance est donc en route pour la DG Agri (Commission Européenne) : le phosphate de di ammonium. Le Danemark a effectué la même demande pour le bicarbonate de sodium. Ces candidatures sont évaluées par l’EGTOP (DG Agri) et votées au CRAB (UE).
Nous travaillons à d’autres dossiers importants en viticulture (mildiou, blackrot), et projetons des extensions d’usage pour quelques substances de base approuvées (sucres). 2.2. Les biostimulants 61
Suivi des autorisations au niveau national Une première liste de 141 plantes a été émise au printemps 2016 (4). Les autorisations individuelles sont à déposer auprès de l’Anses. Utilisation en AB Ces extraits (macération, infusion, décoction) sont utilisables en agriculture biologique (Décret officiel à paraitre) car elles sont UAB dans le cadre général de la fertilisation. Malgré tout le contour de cette nouvelle catégorie devra être clairement défini dans l’annexe I ou une nouvelle annexe spécifique. (1) « Une préparation naturelle peu préoccupante est composée exclusivement soit de substances de base, au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, soit de substances naturelles à usage biostimulant. Elle est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final. Les substances naturelles à usage biostimulant sont autorisées selon une procédure fixée par voie réglementaire. » (2) Décret no 2016-532 du 27 avril 2016 relatif à la procédure d’autorisation des substances naturelles à usage biostimulant (3) Règlement d’Exécution (UE) 540/2011 (4) Décret no 2008-841 du 22 août 2008 relatif à la vente au public des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée et modifiant l’article D. 4211-11 du code de la santé publique NOR : SJSP0816560D
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Patrice MARCHAND, Pôle Biosolutions et Résidus de l’ITAB Chimiste organicien, ses activités de recherche ont été centrées sur les substances naturelles. Il s’est attaché à leur synthèse, leur extraction/séparation et leur caractérisation par analyse structurale et enfin leur utilisation en protection des cultures. Après un doctorat en chimie organique biologique (synthèse/analyse), ses activités ont débordé ce cadre par des collaborations à l’interface chimie-biologie (cultures cellulaires, métabolisme, biochimie), élargissant aussi ses compétences à l’étude de la physiologie des plantes : métabolisme secondaire et des défenses induites des plantes (SDP). Après une période consacrée à l’analyse environnementale des contaminations de pesticides, il travaille maintenant à l’approbation de substances naturelles au règlement phytopharmaceutique, attaché à la substitution des substances chimiques dans la perspective de biosolutions, si possible non-biocides.
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la production et la transformation des plantes a parfum aromatiques et médicinales Intervenants : Thierry THÉVENIN (Syndicat S.I.M.P.L.E.S), Joël LABBÉ (sénateur EELV), Isabelle CHAILLOU (Productrice bio, administratrice GAB 29)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Présentation de la situation des producteurs-herboristes français Il est difficile de savoir combien de petits producteurs-herboristes sont actuellement installés (ou en démarche d'installation) en ce moment en France. Sûrement plus de 300, dans presque toutes les régions. Leur nombre augmente très significativement depuis quatre ou cinq ans. Afin d'échanger, de partager leurs savoirs, et aussi de défendre éventuellement leurs intérêts communs, une centaine d'entre eux se sont regroupés dans un syndicat spécialisé pour la cueillette, la culture, la transformation des plantes aromatiques et médicinales. Il s'agit du Syndicat S.I.M.P.L.E.S (Syndicat Inter Massif pour la Production et L'Économie des Simples). « Il faut ici entendre Économie des Simples dans le sens d’une gestion respectueuse du patrimoine naturel. La terre est considérée non pas comme un outil de production mais comme un partenaire vivant (1)». – les cueillettes sont réalisées dans des zones à l’écart des pollutions identifiables et selon des techniques assurant le renouvellement de la ressource prélevée – les plantes cueillies ou cultivées sont rigoureusement identifiées botaniquement afin de donner toute sécurité pour l’utilisateur – la récolte manuelle, l'absence totale de tout pesticide et toute substance de synthèse depuis la récolte jusqu'à la transformation, le séchage à basse température, la distillation lente, etc. sont autant de spécificités qui font de la qualité simples une qualité exceptionnelle et reconnue par les amateurs comme par les professionnels depuis de nombreuses années. Plusieurs autres chartes s'en sont d'ailleurs inspirées, tout comme nous nous sommes parfois nous-même inspirés d'autres cahier des charges tels que celui de Nature & Progrès, notamment pour l'avenant sur les transformations cosmétiques. – Chaque producteur s’engage, au moins une fois par an, à avoir été contrôlé par un producteur agréé de sa région et à contrôler lui-même un autre producteur. Ce système d'auto-contrôle présente au moins deux avantages certains : les contrôleurs sont de fait des professionnels pertinents et sont forcément très motivés pour protéger la crédibilité de ce qui est leur propre marque. Créé en 1982 en Cévennes, ce syndicat regroupe aujourd'hui des producteurs de la plupart des régions françaises qui se mobilisent pour : • promouvoir la production et la commercialisation de plantes aromatiques et médicinales de très grande qualité. • contribuer au maintien des agriculteurs en zone de montagne et sur des territoires préservés et solliciter des techniques agricoles au niveau de la récolte ou de la transformation qui 63
recherchent le respect maximal de l’environnement. • former des stagiaires agricoles et dispenser des enseignements dans les structures de formation spécialisées (CFPPA, écoles d'herboristerie,...). • sauvegarder et revaloriser les usages et les savoirs et savoir-faire traditionnels relatifs aux plantes aromatiques et médicinales en développant leur activité et leurs réseaux et en proposant à un large public des ateliers et stages d’initiation à la botanique ou à l’herboristerie. • participer en tant que détenteur d’un corpus de savoirs sur les plantes médicinales, au débat sur la reconnaissance d’un diplôme d’herboriste qui cautionne une pratique éthique, écologique et artisanale du métier • informer et sensibiliser un large public à la protection de l’environnement et aux démarches alternatives de production agricole (agroécologie) ainsi qu’aux démarches alternatives de santé et d’hygiène de vie (alimentation sauvage, phytothérapie,…) par l'organisation ou la participation à des stages, colloques, séminaires et rassemblements locaux ou nationaux. • favoriser les expériences et établir des échanges avec d’autres producteurs de plantes aromatiques et médicinales en Europe et dans le monde. Étant donnée la diversité de nos terroirs floristiques, nous pouvons proposer actuellement une gamme d’environ 160 plantes aromatiques et médicinales sur l'ensemble du réseau, dont une centaine d'espèces sont prélevées dans leur milieu naturel. Nous privilégions la vente directe et distribuons nos produits (plantes fraîches, aromates, tisanes, huiles essentielles, sirops, huiles de massage…) principalement à la ferme, par correspondance, sur les marchés, dans des boutiques spécialisées ou encore lors de salons développant les thèmes de l’agriculture biologique et des produits naturels. Nos fermes sont pour la plupart ouvertes plus ou moins régulièrement au public, dans une volonté de transparence et de partage de nos savoirs et savoir-faire. Chaque année depuis 2006, au début de l'automne nous organisons un rassemblement national itinérant, La Fête des Simples. Ce rassemblement est devenu un rendez-vous populaire éducatif et festif qui rassemble environ 5000 personnes autour du grand marché des producteurs, avec des scientifiques, des artistes, des écoles et des institutions qui ont trait à l'herboristerie. Malgré une large reconnaissance des consommateurs, de nos collègues et des pouvoirs publics, (comme France Agrimer par exemple), nous rencontrons, comme tous les petits producteurs qui pratiquent la vente directe de plantes médicinales, des difficultés et menaces d'ordre législatives et administratives. Nous pouvons vendre librement un certain nombre d'espèces médicinales, mais à condition de ne jamais inscrire d'allégations de santé sur les emballages, même les indications les plus notoires et les plus établies. Malgré cela, régulièrement les services des fraudes (DGCCRF) interviennent, généralement à la suite de dénonciations ou de plaintes de pharmaciens pour nous demander de retirer certains produits des gammes. En 2011, des producteurs de l'Est se sont par exemple vu contester le droit de commercialiser des fleurs de souci, des fleurs de bleuet sous le prétexte qu'ils appartiendraient au monopole pharmaceutique ! Faut-il rappeler que les fleurs de souci sont souvent employées en Espagne comme colorant alimentaire pour fabriquer la paella traditionnelle et que les pétales de bleuet se trouvent couramment en grande surface dans des thés aromatisés de marques bien connues de l'industrie agroalimentaire ! En 2005, un groupe de producteurs du Syndicat Simples, la Sica Biotope des Montagnes a dû se battre jusqu'à la Cour d'Appel de Nîmes afin de se faire relaxer de la condamnation qu'elle avait reçu en Correctionnell pour avoir vendu des sachets de la banale prêle des champs. La victoire a coûté quatre années d'efforts et plus de 20 000 euros de frais de justice. On comprend aisément que chacun des producteurs proposant environ 30 à 60 espèces différentes 3 148 espèces en 64
vente libre en vertu du décret n° 841-2008 du 22 août 2008 la plupart des petits producteurs préfèrent généralement “se coucher” devant les menaces et amputer leur gamme. En dépit de cette insécurité juridique, une prospérité relative semble vouloir se dessiner pour cette activité, puisque chaque année de nouvelles installations voient le jour ici ou là. Par ailleurs la quasi totalité des projets professionnels des étudiants des formations agricoles spécialisées en plantes médicinales sont des projets de production-vente directe au public de tisanes et de produits dérivés transformés à la ferme. La commercialisation des produits transformés à la ferme est souvent un véritable casse-tête administratif relevant de règlementations sans cesse plus lourdes et plus complexes. La destination d'usage déclarée pour un même produit, pourtant strictement identique, peut le faire basculer dans une “case” réglementaire ou une autre dont les conséquences en terme de coût technique et financier de mise sur le marché peuvent être très importantes. Il s'ensuit une insécurité et une complexité juridique qui deviennent peu à peu insoutenables pour des entreprises artisanales. Ainsi une simple huile essentielle de lavande par exemple pourra être soumise à la réglementation REACH sur les produits chimiques s’ils indiquent qu'elle sert de parfum d'ambiance. Cette directive a pourtant été pensée pour les produits chimiques industriels, mais la réglementation ne fait pas de distinguo, en terme de risque d'impact sur l'environnement, entre une cuve de camion citerne et un flacon de 5 ml... La même huile de lavande qui serait proposée pour soulager une rougeur ou une piqure de moustique relèvera de la règlementation sur les cosmétiques. Relativement légère jusqu'à 2013 (c'est pour cela que ce secteur a attiré tellement de grands investisseurs ces dernières années) elle s’est durcie très nettement à partir du 1er juillet 2013. Cette réglementation a renforcé des procédures de contrôle et de certification qui peuvent être intolérables à l'echelle artisanale. C'est à l'heure actuelle la réglementation sur les produits alimentaires qui est la plus accessible pour un petit opérateur. De plus c'est le seul choix qui pourra leur permettre de revendiquer le label bio sur leur huile essentielle de lavande, un produit non alimentaire ne pouvant être certifié en bio...Voilà la situation ahurissante dans laquelle se trouvent les petits producteurs-distillateurs aujourd'hui : être peu à peu conduits contre leur gré, à cause d'un système législatif et normatif sensé assurer la sécurité du consommateur, à prétendre que leurs huiles essentielles sont alimentaires ! C'est un véritable non-sens, une véritable impasse : une huile essentielle quoiqu'on “est obligé d'en dire” n'est pas un aliment. Nous ne désespérons pas d'obtenir un statut légal de produit fermier qui soit pensé et adapté à nos productions artisanales multi-usages qui n'entrent pas dans les cases”... Je suis personnellement depuis 25 ans, avec bonheur et passion, petit producteur de plantes médicinales en Limousin. Évidemment, je suis convaincu que, dans la mesure du possible, il faut rechercher à réduire le plus possible la distance et le nombre des opérateurs entre la plante et le consommateur final. Je suis convaincu qu'il faut dépasser le dualisme entre l'archaïsme et la modernité. C'est le seul véritable moyen d'optimiser les valeurs de respect, d'économie et d'exigence de qualité à chaque niveau du parcours qui fait de la plante médicinale le remède éthique, durable et accessible qu'attend le public d'aujourd'hui. Thierry THEVENIN, producteur-herboriste, porte parole du Syndicat SIMPLES (1) Extrait du préambule du cahier des charges du Syndicat SIMPLES, http://www.syndicat-simples.org/fr/Le-Cahierdes-Charges.html
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PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Thierry THÉVENIN, porte-parole du Syndicat S.I.M.P.L.E.S Thierry THÉVENIN est producteur herboriste, il cueille et jardine la montagne limousine depuis 1987, enseigne dans sa ferme, dans divers centres de formations et universités tout ce qui touche à l’herboristerie, les plantes médicinales et la cueillette sauvage. Depuis de nombreuses années, il milite activement (conférences, ouvrages, radios, télévisions) pour la promotion et la défense d’une herboristerie artisanale et populaire. Isabelle CHAILLOU, productrice de PPAM sur Guiclan dans le Finistère Nord depuis 2008 sur 1 ha environ. Travaille avec son mari. Actuellement déléguée du massif Bretagne SIMPLES. Titulaire depuis 2006 du certificat de phytologue herboriste délivré par l’Association pour le Renouveau de l’Herboristerie. Auparavant, a exercé pendant 25 ans le métier d’assistante sociale. Joël LABBÉ, sénétaeur EELV Maire de Saint-Nolff (56) de 1995 à 2014, sénateur écologiste du Morbihan depuis septembre 2011, il est depuis longtemps sensible aux questions environnementales. Bousculant la pratique politique locale, l’exercice de son mandat de maire s’est incarné par l’engagement de sa commune dans le réseau des “Communes du Monde” en 1997, dans une démarche d’Agenda 21 local dès 2005, le zéro-phyto dès 2006, ou le lancement d’un festival militant. Il a également été Président du projet de Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan de 2008 à début 2012. Au Sénat, Joël Labbé est vice-président de la commission des Affaires économiques, particulièrement investi sur les questions agricoles et alimentaires. Auteur de la loi «zéro-phyto» pour les collectivités, il a été rapporteur en 2016 de la loi sur l’ancrage territorial de l’alimentation. La reconnaissance de l’herboristerie fait partie des sujets qu’il souhaite porter dans le cadre de son mandat.
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maladies et prédateurs sous abris, des solutions concrètes à la portée de tous Intervenants : Azélie LELONG et Loïc ROBICHON (Symbiose Protection Biologique)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Avec les échanges d’espèces et de variétés végétales, de nouveaux aliments sont entrés dans nos régimes alimentaires, et ce depuis plusieurs générations. Maintenant, ces espèces exotiques sont devenues indispensables ou du moins fortement présentes dans nos menus. Malgré une grande diversité de climat sur notre pays, la majorité de ces plantes ne peuvent être cultivées en plein air partout en France. Les abris sont donc rapidement devenus indispensables pour la réussite culturale et économique de ces espèces végétales. Ces structures permettent de protéger la culture contre les intempéries, de se rapprocher des températures optimales des plantes et ainsi de rallonger les cycles de production. Il en est de même pour les espèces autochtones. Les cycles de productions peuvent également être rallongés ou encore raccourcis durant la période hivernale. Cependant, le climat sous serre n’est pas un climat naturel et sa gestion est un point clé dans la réussite de la culture. Sous serre, la pluie n’arrive pas jusqu’au feuillage des plantes. Cela traduit un besoin en irrigation régulier mais également une gestion de l’hygrométrie. De plus, l’effet de serre créé par le plastique/verre entraîne une forte évaporation de l’eau du sol, ce qui peut entraîner une forte hygrométrie sous l’abris et/ou une sécheresse de l’air rapide si le potentiel hydrique du sol est faible. Il en résulte qu’au printemps les abris sont souvent maintenus le plus longtemps possible fermés pour garantir une élévation rapide de la température. Cependant étant donné que le sol est chargé en eau du fait des précipitations automnale et hivernale, il y a une forte évaporation de l’eau du sol entraînant une augmentation rapide de l’humidité relative. Avec un pont thermique important du aux températures fraîches extérieure, il se forme une condensation qui aboutit à la présence d’eau sur la plante. Cela peut favoriser les attaques des agents pathogènes et des bio-agresseurs. Au contraire durant l’été c’est le phénomène inverse qui se produit. L’irrigation est juste suffisante pour satisfaire les besoins de la culture. Le potentiel hydrique du sol chute rapidement, et il y a peu d’évaporation du sol et donc une hygrométrie relative très faible. Ceci défavorise les cultures qui ont souvent des optimums en HR proche de 70 %. En maraîchage, la gestion de l’enherbement est un point clé du fait de son coté chronophage et donc économique. La majorité des producteurs a donc opté pour l’utilisation de paillage. Ceci permet également, pour les implantations de culture précoces d’élever la température du sol. Cependant, ceci impacte forcement le climat, car il a également pour but de limiter l’évaporation de l’eau du sol pour garder l’humidité aux pieds des plantes cultivées. Un paillage complet entraînera plus facilement un climat sec sous l’abris durant toute la culture. En laissant une partie de la surface du sol à nu, un paillage sur le rang permettra d’avoir une hygrométrie relative plus élevée et donc un climat plus favorable. Mais, si l’enherbement n’est pas maîtrisé, on peut se retrouver avec une végétation abondante dans les passe-pieds qui engendrera une compétition hydrique vis-à-vis des plantes cultivées. De plus, ces dites adventices, ont une croissance exubérante du fait d’un climat plus clément 67
pour elles et peuvent également être des plantes hôtes pour divers maladies et ravageurs. L’abris à également un impact direct sur la culture. Le manque de stress mécanique, hydrique, nutritionnel ou autre entraîne une croissance très rapide des plantes mais également un manque d’endurcissement. Il est donc important d’avoir à l’esprit qu’une plante conduite sous serre sera plus sensible à l’attaque de bioagresseurs, comparée à sa voisine cultivée en extérieur. En effet les plantes conduites en plein champs sont constamment soumissent à des aléas, comme le vent, la pluie ou le froid et ont des tissus beaucoup plus solides pour résister à ces évènements climatiques. Vis à vis des bioagresseurs, le climat crée peut favoriser rapidement leurs développements. L’abris est un accélérateur de vie. En effet, si la gestion du climat vis-à-vis de la plante est bien faite, il n’y aura pas de température extrême et donc on se rapproche jour et nuit de l’optimum climatique de nombreux ravageurs et pathogènes. Si les bioagresseurs se retrouvent dans l’abris leur développements sera beaucoup plus rapide que celui de leurs congénères présents à l’extérieur. S’il y a une mauvaise gestion du climat et que, au contraire, on se retrouve avec des conditions extrêmes, on peut avoir affaire à certains bioagresseurs qui étaient jusqu’alors latents et qui auront un développement d’autant plus rapide que la plante ne sera plus dans des conditions favorables de développement. Il est donc bon de connaître les optimums climatiques des plantes cultivées, mais également des ravageurs et pathogènes potentiels. Une fois ces données acquises, il convient de trouver un compromis pour avoir un bon développement végétatif et une bonne fructification des plantes sans favoriser les bioagresseurs. Cela passe donc par la gestion de l’enherbement afin d’éviter d’avoir un réservoir de bioagresseurs. Egalement en début de culture, afin d’éviter une évapotranspiration trop importante et donc une hygrométrie relative élevée favorisant maladies et ravageurs. La gestion des ouvrants pour chasser l’humidité durant le printemps. Une bonne aération passe également par la réflexion du positionnement spatiale des abris dans l’exploitation. Egalement dans la gestion culturale des plantes, tant bien dans son implantation (densité de plantation, palissage…) que dans la conduite (effeuillage au pied, dans la plante…) Pour « contrôler » la température, on réfléchira sur le besoin de blanchir les serres afin de limiter l’entrée des rayons lumineux et ralentir l’effet de serre ; la mise en place d’un système d’aspersion, non pas dans le but de satisfaire les besoins hydriques de la culture, mais dans un but de ramener l’hygrométrie. Cela permettra également de faire chuter la température de quelques degrés. Evidement, pour avoir des plantes en bonne santé et à même de se défendre vis-à-vis d’aléas climatiques ou d’attaques de ravageurs, il convient d’avoir un bonne gestion des calendriers de production, une bonne gestion de son sol et de l’enracinement des plantes.
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microfermes et permaculture : des rêves à la viabilité Intervenant : Kevin MOREL (INRA)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
« Je veux m'installer sur une microferme maraîchère en permaculture ». Formateurs en BPREA, conseillers du réseau FNAB et maraîchers bio sont de plus en plus confrontés à des porteurs de projet ou des stagiaires qui formulent cette demande. En effet, les concepts de permaculture et de microferme ont le vent en poupe, portés par une forte médiatisation et un enthousiasme croissant, en particulier chez les personnes non issues du milieu agricole. Ces initiatives interrogent voire hérissent parfois le poil des maraîchers bio déjà en place car ces nouveaux venus peuvent sembler déconnectés du terrain et passer pour des doux rêveurs qui veulent juste se nourrir d’amour, de rêves et de salades fraîches. Cette « conférence », qui prendra la forme d’une présentation ouverte en interaction avec le public, tentera d’apporter quelques éléments pour y voir plus clair sur les microfermes et la permaculture. Elle se basera sur le travail de Kevin MOREL, ingénieur agronome, qui a réalisé une thèse à l’INRA sur les microfermes. Dans son travail, il a défini les microfermes comme des fermes biologiques dont le maraîchage est la principale source de revenu, avec plus de 30 types de légumes cultivés, une part importante de la commercialisation en circuits courts, une surface cultivée par ETP inférieure à 1,2ha et des sources d’inspiration « alternatives » comme la permaculture, le maraîchage bio-intensif, l’agriculture naturelle ou le maraîchage sur sol vivant. La première partie de la conférence illustrera la diversité des projets et des paysans qui se cachent derrière les « microfermes », à partir d’enquêtes réalisées sur 22 microfermes au Nord de La Loire, et s’attardera sur les choix stratégiques employés par les microfermes pour être viables (choix techniques, commercialisation, investissement, organisation du travail, intégration locale). Un zoom sera fait en particulier sur la permaculture. Qu’y a-t-il derrière ce mot qui soulève actuellement tous les fantasmes et les polémiques ? En quoi la permaculture peut-elle s’appliquer dans une ferme ? Qu’est-ce cela change (ou pas) ? Pour terminer, des résultats chiffrés de microfermes seront présentés. En effet, grâce à l’énergie et à la bonne volonté de maraîchers bio, des données de rendements, de temps de travail et de comptabilité ont été collectées sur une dizaine de microfermes dans le cadre de la thèse de Kevin. A partir de ces données, Kevin a développé un petit modèle de simulation qui permet de tester un grand nombre de scénarios potentiels de microfermes avec des choix techniques, commerciaux et d’investissement contrastés. Les grandes lignes du modèle seront expliquées très simplement et les résultats seront discutés avec les paysans, conseillers et animateurs présents. En effet, l’objectif de ce modèle n’est pas de produire des références miracles tout droit sorties d’un ordinateur mais d’explorer une grande diversité de scénarios pour stimuler des discussions riches avec les maraîchers ! Malgré les limites de la modélisation, qui est toujours forcément une simplification par rapport à une vraie ferme, et les différentes hypothèses du modèle qui seront débattues, les résultats montrent que c’est possible d’être viable sur une microferme dans un certain nombre de cas même si certaines stratégies semblent plus 69
favorables que d’autres. Cependant, même si le modèle montre que c’est possible, il montre également que ce n’est ni évident ni certain à tous les coups, ce qui peut constituer un socle de dialogue pragmatique avec les futurs installés. Un article détaillé reprendra tous les éléments de cette conférence et sera mis à la disposition de tous en accès libre fin 2016.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Kevin MOREL, ingénieur agronome. Après plusieurs expériences en Amérique latine, en Irlande et en France consacrées à étudier la durabilité de différents systèmes agricoles, il réalise une thèse à l’INRA sur la viabilité sociale et économique des microfermes. Ce travail est mené en partenariat avec une vingtaine de microfermes au nord de la Loire et inclue des entretiens avec les producteurs et une analyse de données quantitatives (rendements, temps de travail, coûts, revenu).
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trajectoires d’installation en maraîchage Intervenants : Maëla PEDEN (technicienne GAB 56), David ROULLEAU et Régis ORIEUX (maraîchers bio)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Quel type de repères en maraîchage diversifié ? Le fait d’étudier des données technico-économiques sur une année précise ne permet pas de voir si la situation du moment correspond au régime de croisière ou si la ferme est toujours en évolution. L’étude de trajectoires de maraîchers et l’évolution de leur ferme permet d’avoir une vision dynamique d’une ferme et de comprendre comment elle est parvenue à sa situation actuelle. Il y a de grandes différences entre les fermes maraîchères, d’autant plus pour les structures en circuit court où les choix techniques et les modes de commercialisation sont très différents d’une ferme à l’autre. La réalisation de moyennes, de typologies ou de cas-types cache des situations très différentes. Quels que soient les indicateurs étudiés (temps de travail, chiffre d’affaire, niveau d’investissement, revenu…) les écarts types sont si importants qu’une donnée moyenne ne représente plus rien. Nous avons fait le choix de construire une fiche caractérisant la trajectoire pour chacune des fermes étudiées sur les 7 ans qui suivent l’installation afin de pouvoir présenter la diversité des fermes. Quels indicateurs étudier ? Pour chaque ferme nous avons étudié le nombre total d’UTH, la surface cultivée en légumes, le chiffre d’affaire, le ratio valeur ajoutée/chiffre d’affaire, le revenu disponible et les prélèvements des agriculteurs. Nous avons également calculé les investissements cumulés année après année ainsi qu’un taux de mécanisation. Nous nous sommes également penchés sur des indicateurs un peu moins classiques que sont le temps hebdomadaire passé à la commercialisation ainsi que le chiffre d’affaire réalisé par heure de commercialisation qui permettent d’évaluer l’efficacité des modes de commercialisation choisis par le maraîcher. Enfin, afin de comprendre comment les maraîchers vivent leur travail, nous avons ajouté à ces indicateurs technico-économiques une dimension plus sociale, humaine. Nous avons déterminé avec les maraîchers interrogés des indicateurs de satisfaction concernant leur niveau de technicité, leur temps de travail et leur revenu et des indicateurs de pénibilité morale et physique. Comment caractériser les trajectoires étudiées ? D’une ferme à l’autre nous n’avons pas noté de stratégie semblable. Au contraire, nous avons observé : - des stratégies d’investissement très variées, les investissements cumulés au fil des ans allant de 50 000 à 350 000€ par ferme, avec une forte proportion des fermes autour de 100 / 150 000€. - des stratégies de commercialisation différentes, avec un temps de vente par ferme variant de 15h à 60h par semaine et plus ou moins efficaces, avec des chiffres d’affaire par heure de vente variant de 50 à 300€, - des revenus variant de 10 000 à 25 000€ par an, - un nombre de semaines de congés variant du simple au double… 71
L’échantillon de test étant petit, nous n’avons pas observé de corrélation entre les différents indicateurs étudiés. Par exemple, deux fermes ayant le même montant d’investissement total au bout de sept ans n’auront pas forcément un chiffre d’affaire ou un revenu disponible semblable. De même, le montant d’investissement total réalisé sur une ferme n’a pas de rapport avec le nombre d’UTH travaillant sur celle-ci. Impossible dans ces conditions d’établir une trajectoire « type » ou des moyennes, chaque trajectoire étant liée à un contexte précis. Des situations vécues différemment suivant les maraîchers Nous avons souhaité dans notre étude évaluer la satisfaction des maraîchers afin de ne pas réduire les indicateurs à de « simples » critères technico-économiques mais de prendre en compte l’aspect humain, facteur fondamental dans la réussite d’une installation. En effet, des données chiffrées « brutes » telles que le revenu ne permettent pas d’évaluer la viabilité d’une ferme. Tous les maraîchers n’ont pas les mêmes besoins. Par exemple, des prélèvements annuels de 15 000 € peuvent être perçus comme confortables par certains maraîchers alors qu’ils sont perçus comme insuffisants par d’autres. De même, certains maraîchers sont satisfaits avec 4 semaines de vacances par an alors que d’autres espèrent atteindre 6 à 8 semaines de congés par an. Définir ses envies et ses besoins : étape clé d’un projet d’installation Chacune des fermes a suivi sa propre évolution. Il paraît difficile, au vu de la diversité des situations observées, d’établir un modèle. Chaque projet est différent. Sa localisation, l’expérience, les besoins de la personne qui s’installe conduisent chaque porteur de projet à faire des choix différents. Cette étude a confirmé le fait que la réflexion du porteur de projet en amont de son installation afin de définir son système et la façon d’y arriver est primordiale. Cette réflexion ne peut se faire sans comparer différents systèmes en faisant des stages, du salariat sur des fermes variées. L’ensemble des trajectoires étudiées serviront ensuite d’outil aux conseillers, aux accompagnateurs afin d’avoir une base de discussion avec les porteurs de projet pour les orienter au mieux en fonction de leurs finalités et de leurs objectifs.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
David ROULLEAU, maraîcher bio Maraîcher installé en 2009 avec sa compagne, David cultive des légumes sur 2.6 ha en plein champ et 1700m² sous abris. La commercialisation est réalisée sur 3 débouchés principaux : les marchés, la vente à la ferme et une association de producteurs. Les investissements ont été « raisonnés », réalisés progressivement mais sans jamais bloquer l’activité de la ferme pour une raison de matériel non disponible. Ils sont aujourd’hui dans une situation qui leur permet d’avoir une capacité d’autofinancement tout en dégageant un revenu qui les satisfait et avec un temps de travail qui s’équilibre. Maëla PEDEN, technicienne GAB 56 Technicienne maraîchage au Groupement des Agriculteurs Biologiques du Morbihan depuis 2010, Maëla conseille les maraîchers du département, met en place des actions collectives de formations. Chaque année elle accompagne également des porteurs de projet qui souhaitent s’installer en maraîchage biologique. Elle a travaillé dans le cadre du projet CASDAR Rep’Air de la FNAB sur la méthode d’acquisition de références sur les trajectoires post installation en maraîchage.
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des semences pour demain Intervenants : Cyriaque CROSNIER MANGEAT (Agrosemens), René LÉA (SCEA bio de Kergoarat), Benedikt HAUG (responsable méthodologie et stratégie de sélection pour GZPK), Philippe JOUANNEAU (SA Pinault bio)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
Intervention de Cyriaque CROSNIER MANGEAT S’interroger ensemble « des semences pour demain » pose inexorablement la question de la biodiversité végétale cultivée, de l’agroécologie et de la relocalisation du paysan au cœur de la terre nourricière. En somme, mettre en perspective les semences, l’avenir, et l’agroécologie c’est s’interroger sur le mode à être des consommateurs, des décideurs politiques, des paysans. In fine c’est prendre en compte la place et la mission des Hommes au cœur d’une Terre Mère qu’il faut préserver et guérir afin que l’agriculture de demain soit nourricière permettant ainsi à l’Homme de vivre heureux, libre, conscient et responsable. La légitimité de préserver des semences libres pour sauvegarder la biodiversité végétale est bien d’intérêt général. En effet, la semence libre porte en elle un héritage : celui d’une sélection réalisée aux fils des décennies par les paysans, et ainsi l’évolution et la création variétale de variétés adaptées aux besoins des agriculteurs. Intrinsèquement la semence est synonyme de tradition, de non-appartenance, de transmission et de liberté. Ainsi, participer au maintien de la biodiversité végétale reçue en héritage c’est avoir un regard de progrès sur un bien commun et universel. La course génétique conduite dans la seule finalité de l’appropriation du vivant est une voie sans issue, mais surtout une menace pour l’humanité car elle trace inexorablement le chemin de l’uniformisation génétique. Cette uniformisation a pour conséquence la disparition d’un des caractères fondamentaux et essentiels des êtres vivants, et notamment des plantes, l’adaptabilité au milieu et aux conditions agro-climatiques dans laquelle elles évoluent. Le paysan, n’ayant plus accès à un spectre variétal étendu, ne disposera plus de variétés pour assurer sa production et sera dans l’incapacité de réaliser sa fonction première, celle de nourrir ses semblables. Tout comme la liberté impose le respect des règles, la semence libre, elle, en respectant non pas les seules règles des hommes mais aussi celles de la nature est le garant de l’agriculture nourricière. Quel est l’axe de progrès pour préserver demain une agriculture locale, vivrière et adaptée aux contraintes des paysans ? L’agriculture biologique paysann,e autrement dit agroécologique, sans aucun doute, car là, le paysan est notamment un mainteneur-développeur de la biodiversité végétale. Le brassage génétique est crucial pour la survie d’une espèce. C’est ainsi un nouveau paradigme, basé sur une reconnexion à la Terre nourricière qu’il convient d’opérer et qui n’abolit ni le sélectionneur, ni la création variétale et encore moins la maison semencière mais qui les relocalise dans leurs fonctions essentielles au cœur d’un travail collaboratif.
Intervention de Benedikt HAUG Peter Kunz a été parmi les premiers à commencer la sélection des variétés pour l’agriculture biologique. Botaniste à l’Agroscope, équivalent suisse de l’INRA avec son propre programme de sélection de blé tendre, au début des années 1980 il apprend comment la sélection de blé fonctionne à 73
l’époque : les génotypes qui marchent bien avec une fertilisation minérale maximale sont favorisés. Rebuté par cette philosophie d’agriculture hyper-intensive et fasciné par l’agriculture biologique, qui commence alors se développer, il constate qu’il manque des variétés de céréales appropriées pour l’agriculture bio et que ni les nouvelles ni les anciennes variétés ne répondent aux besoins spécifiques de l’AB : - les variétés conventionnelles modernes, à paille courte, ne sont pas appropriées à la concurrence des mauvaises herbes et ne donnent pas assez de paille aux fermes. - les variétés indigènes ne sont pas adaptées au niveau de productivité de l’agriculture bio moderne avec ses rotations élaborées et une application systématique du fumier des fermes. En plus, beaucoup des caractères importants pour l’AB, comme les résistances aux maladies qui se propagent par les semences, comme la carie du blé, sont négligées par la sélection conventionnelle. L’agriculture bio a donc besoin de ses propres variétés conclut-il. Il quitte son travail pour commencer des études sur la sélection. Commençant avec le blé tendre, l’épeautre et le triticale, des longues années d’apprentissage et d’essais commencent. Ces années de formation sont accompagnées par l’étude de la science de l’anthroposophie et la biodynamie qui l’aident à positionner ses travaux dans un contexte global, prenant en compte tant les besoins de l’agriculture que le sujet de la qualité nutritive dans les critères de sélection variétale. D’autres initiatives de sélection biodynamique émergent ailleurs et un vif échange d’expériences commence. Après 16 ans de travail et de financement instable, en l’an 2000 une association est fondée : Cette association d’utilité collective aura comme buts : (1) la recherche de base sur des méthodes de sélection (2) d’effectuer des travaux de sélection (3) de développer et d’utiliser d’une manière durable la diversité génétique (4) la recherche de la qualité des plantes cultivées et des plantes médicinales (5) la sensibilisation du public pour des sujets et des problèmes dans le cadre des semences (6) la formation dans le contexte de sélection variétale L’autre fonction de cette association est de donner un cadre légal à l’initiative «Getreidezüchtung Peter Kunz » qui, déjà depuis plusieurs années, ne consiste plus seulement d’une personne mais de plus en plus d’autres enthousiastes de la semence et qui nécessite d’un cadre légal pour gérer ses travaux. Des dons privés de gens sensibilisés et des contributions des fondations permettent de plus en plus une certaine professionnalisation. Et les travaux portent leurs fruits : en 2002, la première variété, l’épeautre « Alkor », première variété de céréales de la Suisse (Europe ?) issue de la sélection biologique, est inscrite au catalogue national suisse ! Plus d’une dizaine d’autres variétés de blé et d’épeautre vont suivre… Aujourd’hui, GZPK est une institution qui emploie 11 personnes qui partagent beaucoup de responsabilités. Sur ces 11 personnes, 9 personnes, dont Peter Kunz lui-même, s’occupent directement de la sélection variétale. Les activités ne se limitent plus seulement à la sélection du blé tendre, de l’épeautre et du triticale mais aussi des petits pois, des populations de maïs et de tournesol sont développées. Tous les travaux de la sélection, du croisement jusqu’aux essais finaux sont effectués sur des surfaces bio et avec des méthodes certifiées bio. Ces travaux se font majoritairement à notre centre à Feldbach en Suisse, mais aussi en Allemagne où se trouve notre programme de sélection d’épeautres et sur 5-7 lieux d’essai dans toute la Suisse et en Allemagne. Du croisement initial jusqu’à la première multiplication, il faut compter 10 à 13 ans. Pendant ce temps, la diversité génétique, générée par les croisements entre des géniteurs prometteurs, est restreinte par la sélection répétée des meilleurs descendants qui combinent en eux tous les avantages de leurs parents. Des centaines de croisements doivent donc être effectués, des milliers de lignées de blé, d’épeautre doivent ainsi être regardées, marquées, récoltées, battues, analysées en laboratoire, ressemées, recroisées... chaque année. Alors qu’aux stades ultérieurs quand le nombre des descendants est déjà assez restreint (à 300-500) des analyses en laboratoires sont possibles (comme le temps de chute et la sédimentation comme indicateurs indirects pour la qualité boulangère dans le blé), à des stades antérieurs, un « bon œil » et une imagination exacte de la plante désirée est nécessaire, car plusieurs milliers de descendants doivent être sélectionnés seulement visuellement dans une période relativement courte. La profession de sélectionneur demande donc beaucoup de capacité à penser à 74
long terme (le croisement est fait 10 ans minimum avant que la variété soit sur le marché), aussi cela demande des personnes qui n’ont pas peur de prendre des décisions ! D’environ 4000-6000 descendants d’une saison de croisements, après 5 à 6 ans de sélection, finalement seulement 2 à 3 candidats seront envoyés aux essais d’homologation, dont environ 1-2 vont au-delà de ces essais pour devenir une variété qui peut être multipliée et vendue. La multiplication puis la vente de semences certifiées n’est pas organisée par nous-mêmes mais par des organisations partenaires (multiplicateurs bio), comme en Suisse Sativa Rheinau et en France SA Pinault Bio et Lemaire Deffontaines. Alors que nous suivons les filières établies de la législation et de la multiplication des semences des autogames (céréales), dans les programmes des allogames, comme le maïs, de nouveaux itinéraires doivent être cherchés : il n’existe pas pour le moment de législation pour les variétés de population. Ainsi, notre tâche n’est pas seulement de développer de nouvelles variétés (et des nouvelles méthodes de sélection !) pour ces cultures, mais aussi de négocier avec des institutions politiques et législatives afin d’essayer de mettre en place des règlements qui permettent que des variétés que l’on peut ressemer puissent s’établir. On constate que l’adaptation des plants aux conditions souvent exigeantes de l’AB paye, et de nouveau nos blés sont parmi les plus performants dans tous les essais bio – Wiwa et Tengri, et dépassent les variétés conventionnelles souvent par des longueurs ou par le rendement mais surtout par leur stabilité et leur qualité boulangère. Cela montre comment la sélection biologique apporte donc du progrès à toute la filière bio. Cependant, l’économie de la sélection et du progrès génétique est un circuit économique très fermé : les agriculteurs/agricultrices, souvent les membres les plus faibles de la filière, et les multiplicateurs, payent seuls pour le progrès génétique, par le paiement des licences pour les semences certifiées. Mais d’autres membres de la filière (p.e. moulins, boulangers, consommateurs/-ices et surtout le commerce de gros) profitent aussi de ce progrès via une matière première qui s’améliore constamment et qui devient toujours moins chère grâce à des rendements améliorés. C’est une des raisons pour laquelle la sélection privée – si elle ne choisit pas de poursuivre des méthodes très lucratives (et très discutables) comme la production des semences hybrides – est souvent en manque d’argent chronique et, de l’autre coté, l’agriculteur paye seul le prix pour l’amélioration de la matière première pour le reste de la filière. Outre notre travail quotidien, c’est donc un de nos projets les plus ambitieux mais aussi les plus importants : d’organiser un débat et de promouvoir des consultations concrètes avec toute la filière bio sur un financement équitable de la sélection biologique qui sera porté par tous les profiteurs du progrès et non plus seulement par les agriculteurs et multiplicateurs. Une possibilité pour nous de porter ces messages dans le débat public est l’initiative « Zukunftsäen – semer l’avenir » - lancé en 2007 par GZPK. « Semer l’avenir » est une initiative qui organise des manifestations de semis collectifs : des jeunes et des plus âgés sèment ensemble un champ de céréales à la main - un acte très symbolique et très beau qui nous connecte avec la base de nos existences. Ces manifestations donnent lieu aux programmes cadre de paroles, musique et débats concernant le sujet des semences. L’« aktuell » est notre brochure bisannuelle dans laquelle nous informons le public intéressé sur les développements dans nos programmes de sélection, toujours accompagné d’un éditorial sur des sujets concernant notre travail actuel. Depuis un an « aktuell »paraît en langue française et est disponible gratuitement à télécharger sur notre page web comme PDF ou sur demande par Philippe JOUANNEAU. En 1984, Peter KUNZ a commencé comme pionnier des semences bio, il n’était pas pris au sérieux par beaucoup de gens. Plus de 30 ans plus tard, « bio » est littéralement sur les langues de tout le monde et ses variétés occupent plus de 50% des surfaces de blé bio en Suisse et sont recherchées dans les pays voisins. Semer l’avenir a lieu entre-temps sur 150 fermes dans le monde entier chaque année. « Mon rôle, c’est juste d’essayer d’être un bon « parrain » pour les plantes cultivées, dans une longue filière des parrains. »
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Intervention de Philippe JOUANNEAU Nous avons constaté que la disponibilité réduite en semences bio et non traitées, souvent inadaptée à la diversité des systèmes biologiques entraînait souvent une absence de choix ou un choix contraint des producteurs, alors même que le choix variétal est un levier essentiel pour la réussite en bio (rusticité, qualité, adaptation aux conditions pédoclimatiques, recherche d’autonomie, débouchés et modes d’exploitation). Face à ce constat, j’ai développé la gamme de semences bio et NT la plus large de France, avec une centaine de variétés de céréales (printemps / automne, à 95 % bio) et 150 références en fourragèresengrais verts-couverts (40 % bio environ). Nous avons ainsi été les premiers en France à rendre disponible à une échelle suffisante, par exemple : - le lupin à feuilles étroites (dit bleu) pour l’autonomie protéique. - les variétés de céréales (blé principalement) de sélection biologique, avec leur multiplication en France - le maïs de population («Jaune de Bade»), le tournesol de population (Peredovick) - les herbes aromatiques pour la santé animale dans les prairies - les semences certifiées de petit épeautre, d’amidonnier - mélanges fleuris économiques à 70 % bio pour la biodiversité et la fixation des auxiliaires (Cf projet fleur Université.Rennes I) - certaines variétés/espèces atypiques adaptées aux utilisations bio (pois fourragers feuillus, cameline, carthame, orge nue, blés de haute qualité boulangère, avoine byzantine, seigle de printemps, sarrasins décorticables, chicorée fourragère, plantain lancéolé, seigle fourrager bio.... Nous avons également accompagné le développement des mélanges de prairies multi-espèces en particulier à proportion bio dès leur autorisation (mélanges Suisses Eric Schweizer, mélanges allemands et autrichiens à 70 % et 100 % bio) Nous veillons à une disponibilité continue et réelle de ces produits (elle est souvent fictive sur le site des semences bio, courtage d’Allemagne ou copiée collée de gammes épuisées chez les distributeurs). Cette démarche est cohérente avec celle plus générale de la société qui vise à un développement harmonieux de la bio par la structuration de filières en lien avec les producteurs dans une relation équilibrée (cf. filières «équitables» De La Terre à la Bière et Greniers bio d’Armorique, en lien avec la FRAB, remplacement du soja par le lupin local dans notre aliment, débouché proposé pour toutes les céréales et mélanges nécessaires la rotation biologique longue, et pas seulement pour les plus «rentables», mises aux normes de produits compliqués [salissement, multi-espèces...] afin de leur trouver une valorisation sur le marché). L’idée générale est de conseiller «comme pour nous-mêmes» les variétés, itinéraires et produits techniquement les plus adaptés a rendre les fermes rentables et pérennes et pas forcément celles à marge élevée ou «discount», car le choix variétal est crucial et ne peux être rattrapé par les béquilles de la chimie et des engrais en bio et la santé des fermes bio est précaire, leur faillite entraînant la plupart du temps le retour des terres en conventionnel.
Intervention de René LÉA René Léa a commencé à produire des semences suite à une prise de conscience, après avoir réalisé que les semences qu’il achetait étaient produites par CMS, donc génétiquement modifiées. Il a toujours vu son grand-père et son père produire des semences. Au début il utilisait et s’intéressait aux semences produites par les semenciers. Puis au début des années 2000 il s’est rendu compte que les semences que les semenciers lui proposaient étaient des semences produites par CMS, soit en quelque sorte ce sont des OGM ou semences génétiquement modifiées. Et l’agriculture bio a besoin de semences adaptées à ce mode de production. D’où la création en 2007 de l’association Koal Kozh, (voir plaquette de présentation) basée à Lorient, qui rassemble 70 producteurs. Cette association réunit des paysans et des jardiniers qui pensent que 76
la semence ne doit pas être simplement entre les mains de l’agrochimie, mais qu’il faut laisser aux paysans la liberté de choisir la semence qu’ils utilisent, voire de la produire. Cela implique d’un côté un combat politique, et également un combat sur le terrain pour produire des semences, et montrer que l’on peut faire des semences de pays viables. Ils ont depuis créé leur cahier des charges (qui leur interdit ces variétés OGM ou CMS) et ils se sont donné les moyens de produire des variétés adaptées à leurs besoins. L’association permet aussi les échanges de semences entre paysans. « L’histoire de Kaol Kozh a germé dans les années 2000. « J’étais adhérent de l’Association des Producteurs de Fruits et Légumes Bio de Bretagne (APFLBB), qui est née en 1997. A cette époque, on nous a proposé de cultiver une variété de chou-fleur bio. Mais dont le noyau de la semence provenait du radis. Pour nous, cela n’était pas envisageable. Cette démarche nous faisait penser à celle des OGM », raconte René Léa. Vient alors l’idée de faire perdurer les pratiques d’antan : garder les graines des fruits ou légumes les plus résistants, pour les planter l’année suivante. « Moi, j’ai toujours vu mes grands-parents et mes parents garder leurs graines et produire leurs semences. Cela me paraît tout à fait naturel de continuer dans ce sens ». L’intérêt, d’un tel système : ne plus dépendre des semenciers et préserver des variétés en voie de disparition. « En compagnie de chercheurs de l’INRA, nous avons démarré les expériences et avons réussi à produire un brocoli violet, originaire de Cornouaille Britannique, qui était cultivé autrefois en Bretagne ». (article de mai 2011) L’action de Koal kozh Aujourd’hui, de nombreuses espèces ou variétés de légumes sont en passe de disparaître. Pour autant, il existe encore des choux de Lorient, des oignons d’Erdeven, des haricots coco de Pont L’Abbé ou de Belle Ile. Avec le temps, les travaux menés en sélection participative ont permis de sauver de nombreuses variétés de choux fleurs dans la zone littoral Nord. Pour les fameux oignons rosés de Roscoff, la supériorité de la sélection en Bio a, par exemple, été démontrée. Parce que les paysans choisissent des plantes résistantes comme porte graine, les variétés fermières sélectionnées en bio se défendent naturellement. De nombreuses variétés sont à présent tombées dans le domaine public. Que nous soyons paysan, jardinier, ou simple consommateur, cette diversité nous appartient à tous car il s’agit du résultat du travail de nos ancêtres au sens large. C’est pourquoi Kaol Kozh s’occupe de la planification, du criblage des différents contrôles et de l’ensachage. En son sein, le producteur est indemnisé pour son travail et pour la mise à disposition de sa terre et de ses outils. La graine ne sera pas facturée, seul le service l’entourant est soumis à cotisation. L’association est ouverte aux paysans, jardiniers, consommateurs et associations. Son action couvre les Côtes d’Armor, le Finistère, L’Ille-et-Vilaine, le Morbihan et la Loire Atlantique. KAOL KOZH signifie «vieux chou» en breton, et « Bien commun» en russe. Pour les initiateurs de Kaol Kozh, les semences doivent être accessibles à tous ceux qui ont la volonté de les faire vivre. Comment fonctionne Koal kozh? Kaol Kozh considère que « la semence est la propriété de tous les adhérents » Kaol Kozh recense les variétés des différents terroirs bretons pour conserver le patrimoine génétique Kaol Kozh sélectionne certains adhérents pour produire la semence, sélectionner ou améliorer les variétés : certains adhérents utilisent sur leur terre ces semences, en produisent, et les proposent alors aux autres qui le souhaitent. Elle distribue les semences produites entre les adhérents demandeurs. Les producteurs de semences (jardiniers ou paysans producteurs) sont indemnisés pour la mission de multiplication effectuée et la mise à disposition de leur terre et de leurs outils. Kaol Kozh défend le droit ancestral des paysans à produire leur propre semence auprès des instances nationales ou européennes et se met en contact avec les associations qui poursuivent le même but. L’activité de René LÉA de production et sélection de semences René Léa produit des semences pour lui, pour certains petits semenciers (Agrosemens, germinance), ou pour d’autres paysans ou jardiniers de Koal kozh. 77
« Produire des graines, ça ne s’improvise pas ! Il y a tout un protocole à respecter et une méthode à adopter pour que les graines soit acceptables ». René LÉA tire en grande partie son savoir de la transmission de son grand-père et de son père, qu’il a toujours vu faire leur propre semence. En effet on n’enseigne malheureusement pas aux jeunes dans les écoles d’agriculture à faire leurs propres semences ! Ce domaine est la chasse gardée des grosses entreprises liée à l’agrochimie … Les anciens avaient un savoir important en matière de semences (et de production de semences)… Il produit des semences potagères. Une diversité de variétés est nécessaire pour répondre aux besoins des producteurs, notamment bio : ils produisent du chou-fleur de novembre à mai, avec chaque mois 1 ou 2 variétés adaptées. Cela fait beaucoup de variétés différentes à produire pour répondre aux besoins des producteurs. Et cela nécessite un gros travail de sélection de semences. Le fait que des paysans aient commencé ou recommencé à produire de la semence va faire que les jeunes générations vont profiter de ce savoir. Le travail comprend la production mais aussi la sélection de semences : lorsqu’on produit de la semence, il faut toujours être vigilant, et choisir de bons parents, sinon cela risque de dériver si on arrête de faire de la sélection.
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Benedikt HAUG, responsable méthodologie et stratégie de sélection pour GZPK Né en 1984, à Mussenhausen, Allemagne. Après un bac et le service civil, Benedikt HAUG a fait des études de biologie agronomique (diplôme) de 2006 à 2009 à l’université de Hohenheim en Allemagne. En 2009 il a commencé un Master en sélection variétale au même endroit avec un semestre Erasmus à Umeå en Suède. Il a fini ses études en 2012. Après avoir fait un stage chez un grand semencier (KWS), il a eu la chance de pouvoir faire un stage chez Peter KUNZ à Feldbach en Suisse, aussi en 2012. Il a tellement aimé le travail, qu’il a demandé un emploi permanent chez Peter, qu’il a eu l’année suivante comme co-responsable du programme triticale. Depuis 2015 il est responsable de la méthodologie et de la stratégie de sélection pour tous les programmes au GZPK. Ce qu’il aime dans son travail c’est de pouvoir essayer beaucoup de choses, de pouvoir se développer personnellement, car il y a beaucoup de confiance et de liberté du côté des chefs. Et la position tout au début de la filière alimentaire comme sélectionneur demande une vue et une connaissance très complète de la filière car tous les changements qui sont faits au niveau de la variété se transmettent jusqu’à la fin - une tâche demandeuse et fascinante! Il est motivé pour faire progresser le mouvement biologique dans le domaine de la sélection variétale, avec les petits moyens de la structure, car beaucoup de choses ne sont pas encore parfaites. Quand il ne travaille pas en Suisse, il habite en France, pays qu’il aime beacoup. C’est pourquoi il s’investit dans les relations avec les partenaires français depuis 2014. Cyriaque CROSNIER MANGEAT, semencier bio, agronome. Très investi dans le développement agroécologique, il a vécu et travaillé en Afrique de l’Ouest où il est toujours actif. En 2002 il a créé avec l’un de ses frères, Judicaël, -AGROSEMENS La Semence au Cœur du Monde- une maison semencière, familiale, militante et indépendante, basée à Aix-en-Provence, spécialisée à 100 % dans les semences issues de l’agriculture bio (semences potagères) www. graines-biologiques.com, membre du mouvement de sélection biodynamiste Kultursaat. Il est secrétaire de Bio Cohérence, marque française collective basée sur des objectifs écologiques, économiques, sociaux et humanistes pour une agriculture bio productive, durable et respectueuse de la Terre et des Hommes www.biocoherence.fr. Il est également secrétaire du syndicat Aval Bio PACA qui fédère l’aval de la filiale BIO en région PACA. 78
Philippe JOUANNEAU, technicien Cultures Biologiques-Appro semences à la SAS Yves Pinault Négoce Après une formation universitaire (Maîtrise de biologie, Paris XI) et technique (BTSA Agronomie et Systèmes de culture), CS Technicien-conseil Bio (Le Rheu), il a travaillé 3 ans comme technicien d’essais variétés céréales chez Arvalis, puis 3 ans sur le suivi des cultures et de la réglementation import export (Protection des végétaux / Fredon IDF). Il est chargé du suivi des producteurs et de l’élaboration des gammes d’appro à la SA Pinault Bio depuis juillet 2008 : - conseil aux producteurs: variétés, itinéraires techniques, débouchés céréales et protéagineux. - composition de prairies multi-espèces. - orientation technique et définition des gammes variétales semences fourragères et grandes cultures. - relations semenciers / achats France / Europe René LÉA, agriculteur producteur de légumes de plein champ en Bretagne, à Plouescat, en bordure de mer au Nord du Finistère. Il est installé depuis plus de 40 ans, et s’est converti à la bio en 1990. Il produit des légumes de plein champ, notamment des légumes d’hiver : carottes, pommes de terre, oignon rosé de Roscoff, rhubarbe et toutes sortes de courges. Il vend la plus grosse partie à des grossistes via l’APFLBB (Association des Producteurs de Fruits et Légumes Bio de Bretagne), et aussi une partie à des consommateurs locaux (ils se sont regroupés à 4 fermes, en association « les voisins bio » pour vendre des paniers bio). Il a été pendant 9 ans président de l’APFLBB, créée en 1997 par des producteurs de fruits et légumes bio, structure 100 % bio et représentative face aux acteurs de la filière (grossistes, industriels, administrations, consommateurs, ...), reconnue en 1998 en tant qu’Organisation de Producteurs (OP), qui commercialise les légumes sous la marque Bio Breiz, en lien avec le réseau biocoop. Il est aussi un membre fondateur de l’Association Koal Kozh, créée en 2007, pour recenser, préserver, améliorer les populations végétales (potagères, céréalières, fourragères...) adaptées ou adaptables aux terroirs bretons et à la production biologique. Ces 2 associations sont membres du Réseau Semences Paysannes (RSP). René Léa produit et sélectionne des semences potagères bio, adaptées aux besoins des producteurs bio de la région.
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les filières céréales et oléoprotéagineux bio, un cap à franchir avec l’implication de tous Intervenants : Benoît DROUIN (éleveur bio dans la Sarthe et administrateur de la Coopérative Agricole des Fermiers de Loué), Carine MARET (directrice de l’UFAB), Matthieu BLIN (gérant de la minoterie Blin, en Mayenne, sous réserve) Conférence organisée par le réseau FNAB Grand-Ouest (FRAB/ CAB / ABN et GRAB HN), les Chambres d’agriculture de Bretagne, Normandie et Pays de la Loire, Interbio Normandie, Interbio Pays de la Loire, IBB et Coop de France Ouest.
ACTE DE LA CONFÉRENCE
La filière des céréales, oléagineux et protéagineux (COP) bio est en plein essor tant au plan national qu’au niveau de l’Ouest. Dans l’Ouest, du fait d’une orientation marquée en polyculture élevage, les cultures de ventes représentent 35 % environ des volumes produits, avec une grande diversité de produits et des volumes par produit relativement faibles. Pour assurer un développement cohérent et maîtrisé de la filière, on distingue plusieurs enjeux qui requièrent l’implication de tous : choix des productions et des associations, organisation de la collecte et du stockage, anticipation pour sécuriser ses revenus et l’approvisionnement des clients, etc. PARTIE 1 « Les principaux repères » Une filière nationale et régionale en plein boom La filière des céréales, oléagineux et protéagineux (COP) bio est en plein essor depuis 2014, tant au plan national (+ 60 000 ha engagés en bio en 2015) qu’au niveau de l’Ouest. Environ 2600 fermes bio et en conversion produisaient des COP en 2015 dans l’Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Normandie) sur un total de 52.000 ha. Cette dynamique se poursuit en 2016, avec plus de 650 nouvelles fermes spécialisées dans la production de céréales et oléo-protéagineux engagées en bio depuis le début de l’année en France. Evolution des surfaces bio et conversion en céréales et oléo-protéagineux : France
Bretagne
Normandie
Pays de la Loire
Surfaces 2014 (ha)
230 000
13 500
7 500
25 000
Surfaces 2015 (ha)
297 000
14 500
9 000
28 200
% évolution 2014-2015
+35%
+8%
+20%
+14%
80
FRANCE - Production C2 estimées pour la campagne 2016/2017 Surface en ha Céréales
Volume estimés mis sur marché (hors autoconsommation) - estimation réalisée en 2015 en tonnes
49 000 Blé tendre
12 000
21 000
Triticale
10 000
19 000
Mélange Cér.-prot
9 000
5 000
Orges
7 000
9 000
Maïs
4 000
14 000
Oléagineux
12 000 Tournesol
8 000
9 000
Soja
5 000
7 000
Protéagineux
7 000 Féveroles
6 000
6 000
Pois
1 000
2 000
Données Agence bio, 2015
Cette dynamique, historique de par son rythme, implique l’arrivée de volumes importants en C2 notamment (productions issues de parcelles en 2ème année de conversion) sur les campagnes 2016, 2017 et 2018. Sur les 60 000 ha en conversion en 2015 en France, 50 % des volumes récoltés seront encore en C2 en 2017-2018. Et la dynamique se poursuit. Ainsi, pour les 8 premiers mois de la campagne 2015-2016, par rapport à la même période de la campagne 2013-2014, FranceAgriMer annonçait une augmentation : - de la collecte de céréales de +37 % en bio et +32 % en C2 ; - de la collecte d’oléagineux de +46 % en bio et de +203 % en C2 ; - de la collecte de protéagineux de +48 %en bio et de +18 % en C2. Ces données recouvrent de grandes disparités entre les régions et entre les productions. Complément règlementaire : Le « C2 » correspond aux céréales produites en général en 2ème année de conversion. Les céréales sont considérées comme « C2 » à partir du 13ème mois qui suit la conversion. Il est possible d’alimenter son troupeau en C2 à 100 % de « C2 » issues de son exploitation et au maximum à concurrence de 30 % de C2 issu d’une autre exploitation. Dans un contexte de déficit en céréales-Oléo-protéagineux bio d’origine France, les opérateurs de fabrication d’aliments procèdent à des incorporations de « C2 ». Cela a le double avantage de garantir l’origine France des produits et de limiter le coût des aliments.
La filière est donc en train de passer un nouveau cap dans son développement. Ce développement était souhaité et attendu par les acteurs de la filière. Il devrait permettre de tendre vers un approvisionnement 100 % français tracé et de réduire le déficit structurel en COP bio, notamment à l’Ouest. Dans ce contexte, les régions de l’Ouest - Bretagne, Normandie et Pays de la Loire – auront un rôle important dans l’organisation et la maîtrise de la filière. La production à l’Ouest : Influencée par la très forte dominante d’élevages bovins et des conditions pédoclimatiques diversifiées, la production de COP Bio dans l’Ouest se caractérise par : - un assolement très diversifié ; - une part importante d’autoconsommation (65 %) ; - une variabilité importante de rendements selon les années.
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Association céréales légumineuses 34%
Bretagne Normandie Pays Loire
Bretagne Normandie Pays Loire
Asso. Cér.-légum.
Blé tendre
Sarrasin
Maïs grain
Orge
Triticale
38% 32% 31%
12% 21% 17%
10% 1% 3%
10% 7% 16%
8% 12% 6%
6% 9% 8%
Avoine
Autres céréales
Oléagineux (colza, tournesol)
Féverole
Pois
Oléoprotéagineux
6% 4% 1%
4% 6% 4%
1% 1% 3%
4% 5,5% 5%
1% 1,5% 2%
0% 0% 4%
L’utilisation des céréales et oléoprotéagineux Bio dans l’Ouest : Sur un volume estimé de 160 000 tonnes de COP produites en 2015, environ 1/3 (56 000 tonnes) ont été valorisés comme cultures de ventes. Les 2/3 restants ont été autoconsommés. Ces volumes sont destinés : - majoritairement à l’alimentation animale (volailles de chair, pondeuses et porcs essentiellement) ; - pour une part croissante, à l’alimentation humaine (graines, farines, huiles…). Pour valoriser au mieux ces productions régionales, de nombreux opérateurs associatifs, privés et coopératifs sont présents à l’Ouest, avec des organisations de filières contractualisées nationales et régionales : groupements de producteurs, collecteurs, stockeurs, meuniers, brasseurs, fabricant d’huiles, FAB (Fabricant d’Aliment du Bétail), transformateurs, etc. Pour illustration : • on dénombre 60 opérateurs en Pays de la Loire. • environ 40 % des aliments pour bétails bio français sont produits en Bretagne. 82
Le marché bio se développe : Le marché bio français a progressé de 10 % entre 2014 et 2015 atteignant les 5,5 milliards d’euros. Cette dynamique se confirme pour l’ensemble des filières bio animales et végétales. L’Ouest demeure une terre d’élevage et les principaux fabricants d’aliments bio français y sont localisés. A cela s’ajoute que près de la moitié des 1 900 opérateurs bio de l’Ouest sont des préparateurs qui s’inscrivent dans la filière céréale alimentation humaine (produits du travail du grain, farines, céréales transformés, boulangeries-pâtisseries, terminaux de cuisson…). Le développement concerté des COP va permettre de sécuriser et de relocaliser les approvisionnements de ces opérateurs ce qui est gage de confiance pour pérenniser la croissance de la consommation des produits bio avec un ancrage plus fort au territoire. Ces caractéristiques de la filière COP bio à l’Ouest face à cette dynamique historique de développement soulève une série d’enjeux d’amont en aval de la filière : faire les bons choix de productions et d’associations pour qu’ils répondent aux besoins des producteurs et à ceux des marchés, s’organiser pour la collecte et le stockage pour faciliter le travail du grain nécessaire à la mise aux normes des utilisateurs, contractualiser pour anticiper et sécuriser ses revenus et l’approvisionnement des clients, etc. Ce défi collectif requiert l’implication de tous, au plan national et régional pour garder la maîtrise de la filière et assurer la meilleure valorisation possible des productions de COP bio de l’Ouest. PARTIE 2 « témoignages d’acteurs de la filière » : Un nouveau cap à passer, avec l’implication de tous Témoignage de Carine MARET, Directrice générale de l’UFAB « Mon souci majeur est d’ordre logistique. Il faut que je puisse anticiper sur l’allocation des cellules (1 cellule par produit) et des séchoirs, si possible début mai. Sans cette anticipation, je peux être amenée à refuser la prise en charge de lots non annoncés alors que des cellules ne seraient pas pleines. Pour assurer cette lisibilité, un travail collaboratif avec les agriculteurs est incontournable. D’autant plus que nous avons une palette de plus de 25 produits différents à gérer. Actuellement, le marché de la FAB est aux ¾ orienté en volaille ce qui ne nous permet pas la valorisation de l’orge et des protéagineux classiques pois-féverole. Le développement des conversions en élevage bovins et en porcs est plutôt une bonne nouvelle. Cela va permettre un certain rééquilibrage. C’est quand même plus agréable de gérer un marché en croissance qu’en contraction. » Témoignage de Mickaël RENOULT, président des Greniers Bio d’Armorique « En bio, produire est une chose, mais il est aussi nécessaire de connaître ses débouchés. Les Greniers Bio d’Armorique est une association de producteurs biologiques de Bretagne et Pays de la Loire, qui œuvrent pour le développement d’une filière céréalière locale, destinée à l’alimentation humaine. Nos adhérents cultivent du blé, de l’avoine nue ou du seigle pour des transformateurs locaux (500 tonnes par an) et s’investissent dans la construction de filières biologiques relocalisées et équitables. Demain, de nouvelles perspectives s’ouvrent avec des marchés diversifiés mais une exigence qualitative accrue qui nécessiteront une encore plus grande professionnalisation de notre métier de céréalier ». Témoignage de Jean-Michel BOHUON, Directeur général de SA PINAULT « Je ne peux acheter que ce que je sais pouvoir vendre. Nous avons besoin de producteurs organisés pour connaître les volumes et les produits. Mon métier c’est de proposer aux transformateurs une marchandise de qualité, aux normes et tracée. Cela me permet d’offrir en contrepartie aux producteurs des contrats sur des volumes dans une relative stabilité de prix. C’est à nous de gérer collectivement le développement que nous vivons. Il nous faut consacrer l’énergie gagnée dans une logistique de récolte améliorée dans la recherche de nouveau marché ». 83
Témoignage de Pascal GURY, V.P. du groupe bio CAVAC et Président de la commission inter céréales-oléo-protéagineux Bio – Terra Univia. « La concertation nationale n’est possible que si un travail et une organisation structurés sont conduits au sein des régions. Ce n’est qu’à partir de ces éléments qu’il est possible d’asseoir la complémentarité entre régions. Jusqu’ici nous avons collectivement privilégié le marché du blé et du maïs en forte demande. Le développement que nous connaissons est une réelle opportunité de pourvoir introduire de la diversité dans les assolements et ouvrir la voie à la structuration de filières pour de nouvelles espèces. Pour rééquilibrer la filière protéique, il serait important de développer la filière porcine et bovine car les seules à permettre une valorisation des pois et féveroles. Le développement observé en 2015 et 2016 offre de nouvelles perspectives. Nous avons juste un cap à franchir». 4 pages filière céréales, oléagineux, protéagineux de l’Ouest – Anticiper et s’organiser pour bien commercialiser ses cultures de vente disponible auprès des réseaux FNAB et Chambres d’agriculture
Témoignage de Marc BARRE, Directeur général de Bio Fournil « Le développement actuel n’est pas maîtrisé. Une pose dans la dynamique de conversion en culture est probablement nécessaire pour qu’à échéance de 2018 les marchés puissent absorber cet afflux de produits. Nous avons un palier à franchir sans effondrement des prix. Il sera nécessaire d’inciter les distributeurs à valoriser d’avantage l’origine France qu’il est désormais possible de garantir. Mais la substitution et la valorisation au juste prix ne se fera pas du jour au lendemain. Pour réussir ce tournant, nous avons besoin de la contribution de tous pour la transparence des volumes et des produits. C’est dans l’intérêt des agriculteurs de se rapprocher de leurs OS, aux OS des transformateurs, et ainsi de suite ». Partant d’un commun-accord sur ces enjeux conjoncturels et structurels de la filière grandescultures bio à l’Ouest, les réseaux CDFO, GAB, Interbio et des Chambres d’agriculture de Bretagne, Normandie et Pays de la Loire ont décidé fin 2015 d’engager un travail commun visant à « anticiper, s’organiser et communiquer pour mieux accompagner le développement et la structuration de la filière », en lien avec les démarches nationales complémentaires. Ce travail commun : - a donné lieu à la production d’une plaquette de communication à destination des producteurs bio et en conversion ayant des cultures de ventes : « Anticiper et s’organiser pour bien valoriser ses cultures de ventes » (mars 2015, disponible auprès des structures du réseau FNAB et Chambres d’agriculture) - se poursuit autour de « la gestion des assolements-rotations » afin d’améliorer l’équilibre entre attentes et besoins des producteurs et ceux des marchés. 84
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Benoît DROUIN, éleveur bio dans la Sarthe et administrateur de la Coopérative Agricole des Fermiers de Loué. Benoit DROUIN est éleveur de vaches laitières et de volailles biologiques en GAEC à Rouez-enChampagne, dans la Sarthe. Il est aussi administrateur à la CAFEL, la Coopérative Agricole des Fermiers de Loué, qui rassemble près d’un millier d’éleveurs de volailles de chair et de poules pondeuses. La CAFEL a mis en place depuis 2008 une filière d’approvisionnement en céréales bio et locales pour ses éleveurs bio. Trois collecteurs du Grand-Ouest sont partenaires de cette démarche. Benoît Drouin est également président du Réseau Agriculture Durable (Réseau CIVAM) et membre de l’INAO. Carine MARET, directrice de l’Union Française d’Agriculture Biologique (UFAB), créée en 1972 et filiale du groupe Le Gouessant depuis 1998. L’UFAB collecte des céréales et protéagineux biologiques dans l’Ouest de la France (10.000 tonnes collectées en 2015) et transforme plus de 50.000 tonnes d’aliments biologiques pour animaux par an. Elle intervient également dans la sélection et la distribution de semences et fertilisants, la nutrition des animaux et l'accompagnement des producteurs. Carine Maret est aussi membre de la commission nationale de l’INAO (CNAB) et de la commission bio de Coop de France.
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conduire des rotations en grandes cultures sans élevage : l’importance de la rotation Intervenants : Jean-Martial POUPEAU (agriculteur journaliste pour Biofil), Yves VANHOECKE (agriculteur bio dans l’Eure)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
" Définie comme la "succession ordonnée des cultures sur une parcelle dans le temps", la rotation est unanimement considérée comme la clé de voute de la réussite en AB, particulièrement en système céréalier. L'exposé de Jean-Martial POUPEAU s'attachera à décrire les multiples enjeux des rotations pour les céréaliers bio (contribution au maintien de la fertilité du sol, maîtrise des adventices et des maladies...) ainsi que les éléments intervenant dans le choix des rotations. Enfin, il présentera des exemples de rotations en grandes cultures bio dans différentes régions françaises et analysera leurs atouts et contraintes". Le témoignage de Yves VANHOECKE sur la mise en place de son système de culture en Eure et Loire viendra illustrer ces propos. Il nous expliquera comment il a construit sa rotation et comment il l’a faite évoluer au cours du temps en fonction des débouchés et du salissement des parcelles. La gestion des adventices se gère par le choix des couverts qu’il installe en interculture, du matériel de désherbage mécanique qu’il a sur la ferme et par la rotation longue et diversifiée. Pour ces fermes en culture sans élevage, la problématique est particulière. Le choix et la place de chaque culture a d’autant plus d’importance que ces fermes ne bénéficient pas d’engrais de ferme ni de prairies. La rotation devra participer à la nutrition de la plante par la présence de cultures qui enrichissent le sol, diminuer ou maintenir une pression adventices à un niveau acceptable et lutter contre les ennemis des cultures en cassant les cycles des maladies et des ravageurs. C’est pour mieux comprendre leur construction et leurs impacts que le programme de recherche « RotAB » a été mis en place de 2008 à 2010 par l’ITAB. Dans ce cadre, 8 cas-types de fermes et 11 rotations ont été étudiés dans différentes régions de France. Cet état des lieux montre que les rotations sont très diverses selon les régions. De nombreux paramètres sont pris en compte pour les construire, ce qui explique leur diversité : paramètres pédoclimatiques, agronomiques (effet précédent, alternance des espèces, gestion de l’interculture) mais aussi économiques (débouché de la culture et rentabilité). Chez Yves VANHOECKE, la rotation est mise en place pour une durée de 6 à 8 ans et commence toujours par de la luzerne implantée pour 2 ans. Elle se poursuit par du blé, de l’épeautre ou du lin… La féverole prendra la suite pour faire le relais de la rotation avant le blé et l’orge de printemps semés pour réimplanter la luzerne. Deux autres cultures peuvent s’insérer dans la rotation de base, avant la féverole : un blé et une avoine Les cultures se succèdent suivant leurs exigences en azote. Les cultures qui ont un gros besoin d’azote sont placées derrière la prairie. La rotation est diversifiée. Des cultures de printemps sont introduites pour mieux gérer les adventices (couper les cycles) 86
En l’absence d’élevage sur l’exploitation, l’accent est mis sur les prairies de légumineuses qui permettent la gestion des adventices et l’apport d’azote dans la rotation. Le blé en seconde position en bénéficie (rendement et qualité de panification). Ce sont les prévisions de débouchés de la coopérative qui permettent d’affiner chaque année l’assolement.
La gestion des adventices se gère par la rotation diversifiée avec une tête de rotation de luzerne, l’alternance des cultures de printemps et d’automne et le passage régulier d’outils mécaniques sur les cultures en complément des mesures préventives. La rotation est mise en place de façon à maintenir la fertilité des sols et la propreté des parcelles. Elle est susceptible d’évoluer en fonction des débouchés. Toutes les céréales sont vendues à la coopérative Biocer. Au niveau économique, la marge brute se calcule en moyenne sur la rotation. Elle atteind 1000 €/ Ha en moyenne.
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Pour aller plus loin : Programme CASDAR ROTAB http://www.itab.asso.fr/programmes/rotation.php Mémoire de Jean-Baptiste Bonte, stagiaire ingénieur Arvalis sur le projet Rot'AB - http://www.itab. asso.fr/downloads/rotab/rotab-memoir-oct-2010.pdf
PRÉSENTATION DES INTERVENANTS
Jean-Martial POUPEAU, agriculteur bio en système céréalier en Loire-Atlantique depuis 1999. En outre, il collabore depuis 2006 à la rédaction du magazine Biofil où il est plus particulièrement en charge de la rubrique «Grandes Cultures». Yves VANHOECKE, producteur céréalier dans l’Eure. Il cultive en bio depuis 1997, une ferme de 116 Ha consacrée uniquement aux cultures. La ferme est située sur des plateaux à limons profonds avec des buttes caillouteuses ; pluviométrie faible (environ 550 mm/ an). Après plus de 15 ans de recul, Yves estime que son système est en croisière… Au fil des années, il a su trouver l’équilibre entre cohérence agronomique, technique et économique. « L’Agriculture est à la base de tout, c’est tellement évident que cela a disparu de nos consciences. C’est aussi pour moi le plus beau métier car il réunit les avantages de beaucoup d’autres. Mais tout cela dépend de la façon dont on la pratique. Les valeurs essentielles sont réunies dans l’agriculture biologique, elle est une forme d’art car en très forte relation avec les hommes qui la façonnent. Selon les saisons, la nature nous offre divers cas de figure, et c’est à
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nous de nous y adapter avec bon sens. Cela modifie les relations humaines et donne de l’espoir face aux craintes actuelles. Ignorée voire méprisée hier, l'agriculture biologique est devenue un modèle économique crédible de plus en plus convoité. C'est toujours difficile de sortir d'un modèle, mais la logique productiviste pratiquée pendant quarante ans montre chaque jour ses limites. Cultiver en bio, ce n'est pas de l'égoïsme, bien au contraire, c'est vouloir redonner une vraie place aux hommes et renoncer à une fuite en avant dont on devine l'issue fatale. C'est donc une démarche qui n'est pas en priorité guidée par le profit.» Yves VANHOECKE
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le changement d’échelle de la bio : on y est, qu’est-ce qu’on fait? Intervenants : Mathieu LANCRY (Président de Norabio), Philippe BERNARD (directeur partenariat et monde agricole France, Carrefour), Yves BELEN (responsable produits bio d’Auchan, directeur du projet «Coeur de nature»), Stéphanie PAGEOT (Présidente de la FNAB, éleveuse laitière en transformation fromagère), Arnaud BRULAIRE (responsable développement durable, Picard Surgelés), Ronan LE VELLY (Montpellier Supagro), Florent GUHL (Directeur de l’Agence Bio)
ACTE DE LA CONFÉRENCE
La bio connait une progression historique avec une croissance à deux chiffres de la consommation et de la production depuis 2015, accélérée en 2016. Après avoir su faire reconnaitre ses pratiques, ses normes et ses valeurs, la bio sort maintenant d'un marché "de niche" pour toucher un plus large public de consommateurs et de producteurs. En pleine crise de l'agriculture conventionnelle, alors que la demande des distributeurs se tourne vers la bio, la question est posée de savoir si filière sera capable de rester durable, équitable et ancrée dans les territoires. Ouvertures : Jean-Paul Gabillard, animateur et secrétaire national de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) : le changement d’échelle en débat Samuel Frois (Chargée de mission, Fnab) : le changement d’échelle en chiffres 1/ la distribution face à la question de la « démocratisation » du marché du bio Avec les interventions de : Yves Belen, responsable produits bio d'AUCHAN, directeur du projet "cœur de nature" Philippe Bernard, directeur partenariat et monde agricole France, Carrefour Arnaud Brulaire, responsable développement durable, Picard Surgelés Mathieu Lancry, Président de Norabio, coopérative agricole bio Nord pas de Calais - Picardie, agriculteur bio dans le Nord Interventions et questions de la salle 2/ Les enjeux du changement d'échelle pour la filière bio: innovations ou "conventionnalisation"? Avec les interventions de : Ronan Le Velly (Montpellier Supagro, chercheur associé à la recherche action de la FNAB sur la « nouvelle économie bio ») Stéphanie Pageot, Présidente de la FNAB Florent Guhl, Directeur de l’Agence bio
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Un réseau, des valeurs, des hommes Le réseau FNAB est présent dans les 22 régions françaises. En Bretagne, Pays de la Loire et Basse Normandie, il est représenté par la Fédération régionale des agriculteurs bio et 4 GAB ; la Coordination Agrobiologique des Pays de la Loire et 5 GAB ou organisations bio ; le GRAB Basse Normandie et 2 GAB. Dans chaque région, le réseau est né et perdure grâce à la volonté et l’engagement des producteurs bio. Au-delà de son objectif de défense et de représentation des agriculteurs biologiques, le réseau FNAB promeut un développement cohérent, durable et solidaire du mode de production biologique. Pour préserver l’environnement et la Terre, être en accord avec ses convictions profondes, offrir des produits sains. En Bretagne, le réseau GAB / FRAB agit pour le développement de l’agriculture biologique, la représentation et l’accompagnement des producteurs bio et en conversion. Grâce à la FRAB et aux 4 groupements départementaux : Agrobio35, le GAB du Morbihan, le GAB Penn ar bed et le GAB d’Armor, le réseau apporte des conseils techniques en bio, organise des formations et des échanges, et, agit pour la structuration des filières.
Le réseau agit notamment dans : • Le développement et l’accompagnement de la production • Le transfert des pratiques biologiques vers les agriculteurs non bio • La formation • La recherche et l’expérimentation • Le développement des filières • La promotion de l’agriculture bio, de ses techniques et de ses produits En 2011, le Réseau GAB-FRAB, c’est : • 60% de producteurs bio bretons adhérents • 40 producteurs bio bénévoles actifs : administrateurs, mandatés, responsables de commission
Une présence sur le territoire breton • 1 fédération régionale, la FRAB • 4 groupements départementaux d’agriculteurs bio, les GAB. Des compétences transversales 32 salariés dont • 10 techniciens • 6 chargés de mission Filières et Restauration collective • 3 chargés de missions Réglementation, Observatoire et Structuration des Filières • 4 chargés de communication
• Fédération Régionale des Agrobiologistes de Bretagne (FRAB) 17 rue du Bas Village / CS 37725 35577 Cesson Sévigné Cedex T. 02 99 77 32 34 www.agrobio-bretagne.org
• Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des régions de France (FNAB) 40, rue de Malte 75011 Paris T. 01 43 38 38 69 www.fnab.org
«La reproduction des informations contenues dans ce document est autorisée sous réserve de la mention des auteurs des textes» • Conception et création : Agrobio 35 / Réseau GAB / FRAB • N° ISBN : 978-2-915631-40-1
un réseau, des valeurs, des hommes Adhérer au réseau FNAB c’est : Défendre une filière bio, cohérente, dynamique et ambitieuse ≈ Construire un projet de société ≈ Promouvoir une rechercher participative et coopérative ≈ Promouvoir la spécificité de filières créées par et pour les producteurs ≈ S’unir et se mobiliser pour la profession agrobiologiste ≈ Mieux travailler ensemble ≈ Partager nos connaissances ≈ Des valeurs exigeantes, responsables, humanistes.
www.agrobio-bretagne.org