HISTOIRE & PATRIMOINE Hors-série n° 9 - octobre 2017

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HISTOIRE & PATRIMOINE RÉGION

NAZAIRIENNE

PRESQU’ÎLE GUÉRANDAISE

L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise

Les loisirs

dans les années 50

Daniel Sauvaget

A.P. H.R.N - Hors-série n° 9 - octobre 2017 - 8 €

Hors-série

populaires


À la Mutualité, l’orchestre Henri Van Huffel accorde une pause aux danseurs nazairiens (1959)


Éditorial

Il est bien difficile d’imaginer, maintenant, les années vécues par la population pendant la guerre de 39-45 ; de même, celles qui l’ont suivie. Les villes, les ports, les ponts, bien d’autres lieux, étaient dévastés. Cependant, après avoir subi le temps des « restrictions », la vie reprit le dessus. Finie, l’interdiction de sortir le soir : couvre- feu obligeait. On avait le loisir de circuler à son gré. On oubliait la peur des bombardements, des mitraillages intempestifs, rafles, dénonciations, arrestations et ce qui en découlait. C’est cela la guerre. S’ensuivit un désir de vivre intensément, de s’amuser, de se rencontrer, d’être joyeux. L’optimisme se répandit, les fêtes se multiplièrent. La nécessité de tout reconstruire, non seulement les édifices en tout genre, mais aussi sa propre vie, fut une motivation puissante. À partir d’archives, Daniel Sauvaget, nous décrit, parfaitement, cette explosion de joie et d’enthousiasme qui éclata à Saint Nazaire, ravagée. Son texte réveillera des souvenirs chez bien des lecteurs. C’était l’espoir. Christiane Marchocki Présidente de l’APHRN

1e page de couverture : Préparation d’une fête pour les sinistrés et réfugiés nazairiens, en 1947

(Fonds Sauvaget).

Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 9 — octobre 2017

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HISTOIRE & PATRIMOINE RÉGION

NAZAIRIENNE

PRESQU’ÎLE GUÉRANDAISE

A . P. H . R . N

Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr - Tél. 06 62 58 17 40

L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise

Les loisirs

Hors-série

populaires

dans les années 50

Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145

Daniel Sauvaget

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— Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 9 octobre 2017

A.P. H.R.N - Hors-série n° 9 - octobre 2017 - 8 €

HISTOIRE & PATRIMOINE Hors-série n° 9 - octobre 2017 Editeur : A.P.H.R.N Directrice de la publication : Christiane Marchocki Maquette/Mise en page/Coordination : Tanguy Sénéchal Impression : Pixartprinting Dépôt légal : 4ème trimestre 2017 N° ISSN : 2274-8709


Les loisirs populaires dans les années 50 Daniel Sauvaget 06

Les bals populaires

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Théâtre et chansons

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La Fête des Écoles

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Petite histoire des cinémas nazairiens

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Introduction

ette publication rassemble des articles parus dans la revue Histoire et Patrimoine consacrés à des aspects peut être oubliés de la vie nazairienne entre la Libération et la décennie 1960 – une période dont on a étudié principalement la renaissance industrielle, urbanistique et architecturale, et la politique de reconstitution des équipements collectifs. Il apparaît nécessaire, en effet, de revenir sur ces années déterminantes du relèvement de la ville en donnant un peu de chair à l’histoire et en prenant en compte les problèmes de la vie quotidienne longtemps négligés par la grande Histoire. Les activités de loisirs, tout particulièrement, sont un facteur essentiel de la renaissance de la vie sociale, autant que la reconstitution de la vie scolaire et des équipements publics. Il s’agit bien ici du lien social, car les loisirs ont contribué à rétablir les relations entre les habitants, à relancer la vie locale et réaménager les activités collectives disparues du fait des ruptures dues à la guerre. Certains épisodes, tels la saga des locaux scolaires provisoires1 ou l’intervention des Quakers dans le retour en ville et la création d’un véritable foyer de loisirs2 ont donné lieu à des publications récentes. Il convenait aussi de décrire comment les habitants, les enfants et les jeunes adultes en particulier, ont vécu cette période aux aspects contradictoires : les familles construisaient leur vie dans l’urgence, affrontaient les pénuries, se battaient pour un avenir meilleur – elles accédaient aussi aux loisirs dans le contexte d’une évidente rareté de l’offre (si l’on compare avec les décennies suivantes !). Saint-Nazaire présentait alors bien des particularités, celles d’une ville dont les destructions de guerre, au-delà des logements, lieux de travail, équipements administratifs, ont commandé une patiente restauration de lieux d’usage collectif : écoles, bibliothèque municipale, terrains de sports, salles de cinéma, salle de bal, assainissement des plages, aménagement du bord de mer, espaces verts publics, moyens de transport… Au cours de la période étudiée, la popularité de la salle de bal et l’intensité de son utilisation constituent probablement une spécificité dans les loisirs des jeunes adultes et des moins jeunes. Car s’il existait partout des lieux ouverts aux bals populaires à l’occasion de fêtes locales 1 - Cf. notamment Apprendre dans les baraques dans Histoire et Patrimoine N° 86, avril 2016. 2 - Cf. l’ouvrage composé avec Joël Anneix Saint-Nazaire au temps des baraques (Liv’Éditions, nouvelle édition, augmentée, 2016 – première édition parue en 2009) et l’article d’Histoire et Patrimoine N° 85, janvier 2016.

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et de grands évènements, tandis que fonctionnaient, dans les grandes villes et les stations balnéaires, des dancings à gestion privée, la Municipalité s’est très vite préoccupée, en 1948, d’aménager un lieu presque exclusivement réservé aux danseurs. D’abord dans un baraquement, contexte oblige, puis dans un bâtiment tout neuf, celui de la Mutualité, où l’on dansait le samedi et le dimanche selon un rythme hebdomadaire particulièrement intense en dehors de l’été. D’autre part, s’il existait dans chaque ville et village une tradition bien établie de spectacle de théâtre amateur, généralement programmé au profit de la plus grande fête locale de l’année, Saint-Nazaire a connu plusieurs groupements amateurs qui se produisaient plusieurs fois par an avec un répertoire renouvelé à chaque saison, et qui, pour certains, s’annexaient une section musique et chanson. La plus sollicitée au cours des années 1950 était la section d’une grande association de quartier soutenue par la Municipalité – un « patronage » dont les activités relevaient d’un mixte d’éducation populaire et de simples distractions et de sport, mais aussi de pratiques militantes au service de la défense de l’école publique et de son environnement : l’U.M.P., l’Union Méan Penhoët, dont les comédiens et chanteurs amateurs ont été largement sollicités tout au long des années 1950. Une autre contribution importante à la renaissance des loisirs et des activités culturelles a été l’ouverture, autour de 1951, de salles de cinéma modernes accompagnant la reconstruction du centre-ville, tandis que – conformément à la géographie de l’exploitation cinématographique de l’époque – des cinémas associatifs et municipaux continuaient à desservir certains quartiers (Méan, Penhoët, Plaisance). Ne pas oublier qu’à l’époque la fréquentation du cinéma, toutes catégories confondues, était en France au premier rang des consommations de loisirs populaires : face à la demande des couches populaires et des couches moyennes, le cinéma n’avait guère de rivaux (sauf la radio), et le nombre de spectateurs des années 1947-1960 était le double de ce qu’on enregistre dans ces premières décennies du XXIe siècle. Enfin, il ne faut pas négliger l’importance des fêtes de quartier, que chaque patronage, chaque école publique ou privée organisait à la veille des vacances d’été. On y présentait des programmes préparés par les enseignants et les enfants, avec souvent le concours de chanteurs amateurs animant les fêtes de la région. À Saint-Nazaire, c’est la Fête des écoles qui constituait le plus grand


rassemblement annuel. Évènement festif, vaste rassemblement des familles, spectacle gymnique et semi-sportif, elle se tenait dans le grand stade municipal du Plessis avec la participation de toutes les écoles primaires de la commune, de tous les enseignants, de tous les services municipaux, ralliant les suffrages de la quasi-totalité des habitants.

Ultime remarque : on ne saurait ici dissimuler des références personnelles propres à l’auteur, dont le père a eu de multiples activités dans l’animation des fêtes et des loisirs au cours de toute cette période – et dont les archives (notamment les photos) ont permis de rendre plus vivante l’information sur l’époque. On a veillé néanmoins à élargir le tableau, à évoquer d’autres personnalités, d’autres groupes, l’essentiel portant sur les évolutions au sein de la société et de la vie locale. Daniel Sauvaget

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Le retour du bal Les lieux du bal Les musiciens Les danses, à l'apogée des bals populaires La société change : déclin des bals populaires Disco et rétro

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Les bals populaires

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Tout indique que les bals ont occupé une place considérable dans les loisirs des Nazairiens, tout au long des années d’après-guerre et de reconstruction de la ville. Un sujet qui mériterait une recherche historique mêlée d’analyses sociologiques qui dépasserait ce que l’on sait déjà sur la France entière : la place importante du bal populaire dans les mémoires, comme dans les films et les romans.

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ans le contexte de la Libération de la France, le bal, symbole de la liesse générale, de la fête, de la joie retrouvée, aidait à oublier les larmes, les privations, les interdits. Car l’interdiction de septembre 1939 a été renforcée par le régime de Vichy pour des raisons de strict contrôle politique, social et moral : la danse était un facteur de rassemblements populaires potentiellement dangereux et aussi de rapprochement des corps… Seuls les bals privés/familiaux pouvaient être autorisés, sous conditions draconiennes. Le temps n’était pas aux amusements collectifs, mais tandis que certains milieux aisés trouvaient refuge dans la surprise-partie, d’autres parvenaient à organiser des bals clandestins malgré la répression1. Aussi, la paix retrouvée, « on danse partout » (disent les chroniqueurs), on improvise des lieux pour le bal dès que possible. On renoue avec l’euphorie populaire de 19362 et son bal symbole de liberté. 1 - Nombre d’ouvrages d’histoire locale évoquent ces bals clandestins dans différentes régions. Cf. notamment Quillévéré (Alain) — Bals clandestins pendant la Seconde Guerre mondiale (Morlaix, Éditions Skol Vreizh, 2014). 2 - Les photos de bals organisés par les grévistes de 1936 sont parmi les icônes du Front populaire.

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Le retour du bal

C’est ce qui se passe dans la région nazairienne, libérée seulement en mai 1945 comme on sait, et malgré les difficultés de transport et les restrictions en tout genre. Même les partis politiques organisent ces réjouissances. Face à une intense soif de divertissement,

les bals plus ou moins improvisés sont en première ligne dans un ensemble de loisirs fatalement restreint. Ils se tiennent d’abord à l’écart de la ville en ruines, dans les stations balnéaires où vivaient les réfugiés, où prennent place les premières fêtes. Un exemple parmi d’autres :


Bal petit bal Où je t’ai connue Souviens-toi Tu n’étais pour moi Ce soir-là Rien qu’une inconnue (Chanson de Francis Lemarque, 1950))

Les bals populaires à Saint-Nazaire années 50

Daniel Sauvaget

à Saint-Brévin, des Nazairiens réfugiés, chanteurs et comédiens amateurs qui animent les fêtes locales comptent dans leurs rangs un petit orchestre de bal dès 1945. La troupe se nomme Les Vagabonds du Sud (ainsi nommés, car actifs au Sud… de l’estuaire), et son orchestre Le Rapid’Jazz, composé

de quatre Nazairiens évacués en 1943 : un accordéoniste, un violoniste, un trompettiste et un pianiste3 ; contre3 - Trois ouvriers et un enseignant : Loulou Vinçon, accordéoniste, Louis Sauvaget, violoniste, Clément Gourdon, trompettiste, Lili Desfosses, pianiste. Ils étaient connus localement en 1945-46 par leurs activités dans les milieux de réfugiés et de résistants, et à la Croix-Rouge.

basse et batterie étaient pratiquées alternativement par le trompettiste et le violoniste. C’est la base de la combinaison d’instruments des orchestres de danse, avec les saxophones qui deviendront indispensables.

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L'Union Méan-Penhoët Après la guerre, l'activité théâtrale reprend Théâtre et variétés : le goût du music-hall Le répertoire théâtral Le tournant de 1959-60

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Théâtre et chansons

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Théâtre et chansons

dans les années 1950 avec l’U.M.P Daniel Sauvaget

Au cours des vingt années qui ont suivi la guerre, le théâtre amateur a connu partout en France une intense activité. De grandes associations d’éducation populaire ont organisé des confrontations, festivals ou concours, et multiplié les propositions : constitution de répertoires accessibles aux non-professionnels, diffusion de publications spécialisées, stages de formation d’animateurs..

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es échanges étaient nombreux dans chaque région entre ces troupes nées spontanément à l’initiative de quelques passionnés, dans le cadre d’associations polyvalentes ou en groupements amateurs spécialisés. Le théâtre amateur était déjà très vivant avant la guerre à Saint-Nazaire, avec en particulier l’Université populaire et l’Union Méan-Penhoët. Les spectacles étaient très suivis par un public qui, alors, avait accès à moins d’offres de loisirs que de nos jours. Au lendemain de la guerre, le besoin de fêtes et d’animations a vite fait renaître ces activités. Le groupe théâtral de l’Union Méan-Penhoët, sans constituer un cas unique, a été un des plus actifs jusqu’à la fin des années 1950.

L’Union Méan-Penhoët

L’Union Méan-Penhoët est cette grande association de quartier fondée dans les quartiers ouvriers de la ville en 1920 à partir des activités de trois associations, dont deux

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amicales nées autour des écoles publiques. Association militante, patronage organisant les loisirs1 et mouvement d’éducation populaire, l’UMP a développé de nombreuses activités dont l’audience et la durée de vie ont beaucoup varié : gymnastique, tir, musique, théâtre, football (activités qui apparaissent dès les années 1920), puis haltérophilie, boxe, école de musique et de solfège, cinéma, basket-ball, tennis de table, aéromodélisme2… Dans les années 1930, son Groupe artistique proposait régulièrement des spectacles, dont une populaire revue consacrée avec humour à la 1 - Une histoire détaillée de l’Union Méan-Penhoët des origines à la guerre de 1939 (avec quelques informations postérieures) figure dans l’ouvrage Voyage à travers l’espace-temps de Méan-Penhoët publié par la maison de quartier Le Chantilly en 1995. Francis Balot et William Barbaro, deux participants actifs du groupe théâtral de l’U.M.P. ont participé à cet ouvrage. 2 - Les sections sportives et culturelles sont nombreuses et bien fournies dans les années 1950 (une douzaine en 1956). En 2016, l’UMP compte encore cinq sections : football, gymnastique, tennis de table, pétanque et musculation.

chronique locale, avec textes élaborés par les membres de la troupe sur des airs connus. En ville, l’Université populaire de Saint-Nazaire fondée en 1925 par Pierre Norange3, avait développé une activité théâtrale plus spécialisée sous la direction de Gaston Dauneau (père) avec notamment Poil de carotte et La Bigote de Jules Renard, La Petite chocolatière de Paul Gavault, Paul et Virginie d’après Bernardin de Saint-Pierre, un répertoire allant des Temps nouveaux de Romain Rolland à L’Asile de nuit du spécialiste du Grand Guignol Max Maurey. Une collaboration s’était instaurée avec l’UMP, comme le rappelle Pierre Norange dans un article de 19524 où il évoque l’UMP comme une « formation sœur ». Plusieurs comédiens amateurs ont d’ailleurs fait partie des deux groupes avant la guerre.

3 - Cf. Pierre Norange. Université Inter-âges de Saint-Nazaire, 2015. 4 - Dans Le Populaire du 8 août 1952. Pierre Norange mentionne les pièces jouées dans les années 1930, pièces de boulevard et textes de Mirbeau ou Jules Renard.


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Un héritage Le retour : 1949 Les grandes fêtes des années 1950 Une tradition révisée ?

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La Fête des Écoles

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La reconstruction de la ville et de son économie étant, on le sait, les priorités de Saint-Nazaire, au lendemain de la guerre, on veille à accompagner le relèvement démographique et revitaliser une vie sociale qui, pourtant, doit composer avec les restrictions des premières années. 34

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La Fête des Écoles à Saint-Nazaire après la guerre Daniel Sauvaget

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arallèlement à la restauration de locaux scolaires partiellement épargnés par les bombes, un programme d’implantation de salles de classe en baraques s’étend de Kerlédé

à Herbins, en passant par le centre. Dans un contexte dominé par des logements provisoires et des services publics en reconstitution, une attention particulière est donc apportée aux enfants, à leur éducation, à leur

santé, à leur alimentation : campagnes de vaccination, distribution de lait en classes maternelles, accueil de missions françaises et étrangères (Quakers américains, Croix Rouge suisse) à buts sociaux, médicaux, culturels. Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 9 — octobre 2017

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Le cinéma dans la ville en chantier La reconstruction et l'âge d'or de l'exploitation Le cinéma dans l'animation culturelle et sociale La restructuration du parc de salles Les dernières transformations

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Petite histoire des cinémas nazairiens

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Mémoire des salles obscures

Petite histoire des cinémas nazairiens depuis la guerre 1939-1945

Daniel Sauvaget Mai 1945, la guerre est terminée, la Poche est libérée, Saint-Nazaire est en ruines – aucun cinéma n’est en état de fonctionner, bien sûr1. Combien de cinémas comptait la ville avant les bombardements ? Quatre peut-être dont un mystérieux Eden-Cinéma, et un cinquième à Trignac ; et trois seulement en 1942, selon une source parfaitement officielle (+ une à Trignac)… Sans compter, apparemment, une ou deux salles de patronages catholiques qui n’avaient peut-être pas un statut administratif et économique équivalent.

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i la ville renaît avec énergie, la reconstruction va prendre du temps, notamment pour ce qui concerne les équipements de loisirs et les équipements culturels, qui bénéficieront toutefois des meilleures conditions de modernisation en repartant de zéro... Mais il faut d’abord déblayer, relancer la production, loger les sinistrés, scolariser les enfants, rétablir les commerces essentiels et les services publics. Toutes ces urgences n’empêchent pas une soif de loisirs de s’exprimer, d’autant plus forte que les habitants sortent d’une longue période de tensions et de privations. Les activités sportives repartent, modestement, avec une course cycliste 1

1 - On estime que 500 salles de cinéma ont été détruites du fait de la guerre sur l’ensemble de la France métropolitaine. La reconstitution du parc de salles bénéficiera d’aides publiques à partir de 1948 en complément des dommages de guerre

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à travers les ruines, et si les premières fêtes populaires rassemblant les Nazairiens sont organisées dans les localités où résident les réfugiés depuis 1943 (en particulier sur la Côte) on peut aller au bal à Saint-Nazaire dès l’hiver 1946-1947, dans des locaux provisoires édifiés en même temps que les premières baraques et bungalows qui permettent le retour des habitants — et le printemps 1947 voit fleurir les fêtes de plein air. Dès lors, les premiers théâtres cinématographiques (c’est le terme officiel) entrent en fonction dans un contexte de précarité. Le centre-ville étant mobilisé par le remembrement urbain et le nouveau plan d’urbanisme, c’est dans les quartiers extérieurs qu’ils sont ouverts, à Penhoët et à Méan où – malgré certaines incertitudes liées aux décisions en cours – on a autorisé

le retour des habitants dans les maisons réparables, ainsi que dans les quartiers ouest, en sortie de ville (la Ville aux Fèves) et d’abord sur le Plateau de Plaisance. C’est toutefois à Pornichet en 1946 que le cinéma avait redémarré pour les Nazairiens, grâce aux initiatives de Gaëtan Lagrange, un ancien exploitant replié sur la côte où se trouvaient également de nombreux établissements nazairiens, enseignement secondaire et services municipaux notamment. De 1946 à nos jours, l’histoire des cinémas de Saint-Nazaire est d’abord celle d’une renaissance qui va bénéficier de ce qu’il est convenu de nommer l’âge d’or de l’exploitation cinématographique (les années 1950 et le début des années 1960). Cet âge d’or sera suivi, comme partout en France, d’une période de concentration de l’équipement commercial

L’ancien Théâtre-cinéma Athénée. Carte postale. (Archives municipales de Saint-Nazaire)

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Postface

ongtemps, les bals publics et privés, les spectacles d’amateurs ou de professionnels, les fêtes de quartier et les kermesses scolaires ont rythmé, de façon majeure, au même titre que les fêtes familiales, les sorties au bord de la mer, le jardinage, les rendez-vous pour jouer aux cartes (ou encore au jeu de palet, qui a précédé les jeux de boules dans la région), les pratiques individuelles comme la pêche à la ligne ou la pêche à pied les jours de grande marée… Sans oublier les moments de sociabilité – conversations de bistrots, relations de voisinage, activités domestiques, parfois menées en groupe par les femmes d’un même pâté de maisons.

mais aussi en tant que spectacles, ce qui était (et est toujours) le cas du très populaire football, des courses cyclistes (en particulier au vélodrome), mais aussi de la boxe (dans une ville qui a compté, très vite, des champions dans la spécialité), puis du basket-ball et tout ce qui a enrichi la palette locale, handball, rugby et autres.

La part des pratiques collectives était importante, y compris les activités de groupe telles que fanfares et harmonies, apprentissage de la musique et de la danse, participation aux célébrations locales et régionales, aux spectacles amateurs et aux défilés des jours de fête. Et pour être complet, un juste tableau des loisirs populaires nazairiens des années 1950, des décennies d’après-guerre qui nous intéressent ici, devrait intégrer les activités sportives. Les sociétés de gymnastique, comme les écoles de danse et les écoles de musique, ont participé à de nombreux spectacles et fêtes. Car le sport a de nombreuses vertus, tout d’abord en tant qu’activités physiques encadrées et pratiques (généralement) collectives, qui se sont de plus en plus diversifiées au cours des années 1950, avec la mise en place de nouveaux équipements ;

Bien que le sport amateur ait perdu une part de son audience en tant que spectacle, il cultive ces deux éléments constitutifs : d’une part le rassemblement de nombreux pratiquants, et d’autre part une offre de spectacles à un public qui n’est pas composé que de pratiquants. Dans le cas de Saint-Nazaire, il serait souhaitable, en effet, d’ouvrir le chantier de l’étude des pratiques sportives et de leur évolution. Beaucoup d’associations sportives sont nées ou ont repris du service dans l’immédiat après-guerre, dès les premiers retours de réfugiés et sinistrés : sociétés dites omnisports, comme le S.N.O.S. (la plus importante du genre, dont les archives ont été opportunément déposées à l’EcoMusée) et comme les patronages, qui, comme l’Union Méan-Penhoët, évoquée dans ces pages, étendaient leurs activités à la musique et à la culture,

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Aujourd’hui, les comportements culturels et sportifs ont beaucoup évolué, peut-être en rapport avec la hiérarchie changeante des consommations de loisirs : télévision généralisée, individualisation croissante des pratiques, recours aux nouvelles technologies. Sans qu’on puisse affirmer que le goût du sport et des jeux soit en voie de disparition… Dans le cas de Saint-Nazaire, une étude attentive de ces évolutions ne pourrait se passer d’une description fine des phénomènes sociaux qui y sont associés après la faille dans les rapports entre les gens due à la guerre, et du rôle des activités de loisirs dans la reconstitution du lien social. Daniel Sauvaget

associations spécialisées (football, boxe, natation, cyclisme, rugby, judo, etc…) – lesquelles ont bénéficié directement et indirectement du soutien d’une municipalité attachée au développement de l’ensemble du sport, au lendemain de la guerre (et après). Activités sportives qui ont bénéficié aussi de quelques têtes d’affiche, avec des champions de boxe et d’athlétisme, des cyclistes renommés et des équipes de football bien classées au cours des années 1950 et 1960.

Page de gauche : L’orchestre Yvette Sylvain, le plus sollicité dans les bals de la région nazairienne, à la fin des années 1950 (archives M.-J. Brosseau). Chanson populaire des années 1950. Ci-dessus : Les enfants étaient fiers de revêtir la tenue sportive, les jours de fête scolaire (archives Famille Danjean-Riess). Ci-dessous : La tradition du défilé scolaire dans les rues, les jours de grande fête (ici : Pornichet, 1948) (archives Famille Danjean-Riess).

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Présidente d’honneur Jacqueline Guériff Présidente Christiane Marchocki Vice-présidente Geneviève Terrien Trésorière Annick Montassier Secrétaire général (Responsable d’édition de la revue HISTOIRE & PATRIMOINE)

Tanguy Sénéchal Conseillère (Responsable des sorties) Nicole Bonnaud Conseiller Paul Correc Conseiller André Dubreuil Conseiller Claude Lebreton Conseiller Patrick Pauvert

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Revue HISTOIRE & PATRIMOINE Responsables de diffusion : pour Saint-Nazaire et sa région Geneviève Terrien Tél. 06 78 91 77 18 pour Guérande et sa région Christiane Marchocki Tél. 06 62 58 17 40

Les articles sont publiés sous l’entière responsabilité et propriété de leurs auteurs. La publication partielle, ou totale, des articles et illustrations parus dans HISTOIRE & PATRIMOINE est interdite.

Illustration : Ultime répétition avant de monter sur la scène

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(Fonds Sauvaget).


Le nouveau cinéma Athénée de Saint-Nazaire, en construction, en 1950. (Archives municipales de Saint-Nazaire - Photo R. Stéphany)


Impression Pixartprinting - Réalisation Tanguy Sénéchal

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ISSN : 2274-8709

Les lendits, au Stade du Plessis, à Saint-Nazaire, au début des années 1950


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