HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 82 - Janvier 2015

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HISTOIRE & PATRIMOINE ASSOCIATION PRÉHISTORIQUE ET HIS TORIQUE DE LA RÉGION NAZAIRIENNE

L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise

Bagad Sant-Nazer

Six décennies de musique celtique Le tournage du film La fin du rêve d’indépendance Le bonheur est pour demain de François II Mémoires d’une enfant de la guerre Souvenirs d’un petit séminariste (2 partie) Cambronne en presqu’île guérandaise La croix de Lizerbaud, ou l’énigme Rose-Croix Les deux ports de Pornichet ème

A.P. H.R.N - n° 82 - janvier 2015 - 10 €


Vue du refuge de Grasla, en VendĂŠe (Commune des Brouzils) Photo Alain Silhol


L

’APHRN présente aux lecteurs d’HISTOIRE & PATRIMOINE ses bons vœux pour cette nouvelle année. Qu’elle leur soit propice et que l’association leur apporte des instants enrichissants et agréables .

Éditorial

Notre revue est le résultat d’un travail d’équipe, constituée de bénévoles, passionnés d’Histoire, qui ont le goût de la recherche. On y trouve, aussi, des témoignages personnels attachants, fruits d’expériences vécues, qui nous font prendre conscience de ce que nous ressentions sans toujours le formuler, ainsi en est-il en tant qu’ « enfant de la guerre ». Ces souvenirs personnels sont illustrés de documents familiaux, comme peut l’être, aussi, de manière plus souriante, ce récit d’un petit séminariste de Guérande, durant les années de paix. Différentes communes livrent quelques pages de leur vécu : SaintNazaire, devant la caméra, Le Pouliguen, retrouvé dans un ancien manuscrit, puis, vu du haut d’un ULM, Saint-Molf, face aux difficultés engendrées par la guerre de 1914-1918, Pornichet et son essor, suite à la construction de son port de plaisance, Guérande, accueillant Anne de Bretagne pendant une période particulièrement troublée. Des personnalités remarquables émergent : Cambronne et Philippe Vannier, qui n’ont en commun qu’une vie aventureuse et un caractère exceptionnel. Ce dernier nous apporte, comme le fait cet aumônier breton en mission le long des côtes d’Afrique, une note d’exotisme dans le temps et dans l’espace. Le mystère de la Croix de Lizerbaud sera-t-il découvert ? L’auteur, malgré, ou, peut-être, à cause de sa grande érudition, reste prudent et nous laisse songeur. Il reste fidèle à Fernand Guériff, fondateur de l’APHRN, qui, de même, posait bien des questions. La rubrique, en fin de revue, intitulée « L’Histoire et l’Imaginaire », apporte, désormais, en dernière lecture, une nouvelle, empreinte de fantaisie, plus libre et plus sereine. Toutes ces évocations sont accompagnées, en arrière-plan, d’un fond sonore musical, créé par le Bagad Saint-Nazaire, formation emblématique et renommée, non seulement en France ; à Lorient, au Festival Interceltique, à Paris, sur les Champs-Élysées, mais, également, souvent, en dehors de nos frontières, pour avoir été invitée, notamment, à Cardiff, à New York, à Québec, à Shanghai, au Maroc… Cette première édition de 2015, ce n° 82, sera suivie, pour la première fois, de deux autres : le n° 83, qui paraîtra en avril, et le 84, en juillet. Les auteurs, plus nombreux, les articles, souvent copieux et toujours aussi variés, nous entraînent à ce choix. Chacun voyagera à sa guise, en lisant ces pages, des hypothèses à la réalité, et de la réalité à la fiction. Christiane Marchocki Présidente de l’APHRN

Ci-dessus : Photo Alain Silhol Première de couverture : Arrivée du Bagad Sant-Nazer à la Grande Parade des Nations Celtes, au Festival Interceltique de Lorient 2012. (Photo Édouard Hue - CC-BY-SA 3.0)

janvier 2015 — Histoire & Patrimoine n° 82 —

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A . P. H . R . N

Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr.nf - Tél. 06 62 58 17 40 HISTOIRE & PATRIMOINE n° 82 - janvier 2015 Editeur : A.P.H.R.N Directrice de la publication : Christiane Marchocki Maquette/Mise en page : Tanguy Sénéchal Impression : Pixartprinting Dépôt légal : 1er trimestre 2015 N° ISSN : 2116-8415 Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145

Contribuez à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE Vous vous intéressez à l’histoire, et, en particulier, à l’histoire de notre région ? Vous souhaitez apporter votre témoignage sur une époque, aujourd’hui révolue ? Vous possédez des documents, ou objets, anciens (écrits, photos, dessins, peintures, tableaux, sculptures, objets divers), qui pourraient faire l’objet d’une publication ? Vous aimez écrire, raconter, transmettre, ce qui vous intéresse, ou vous tient à coeur, et qui a trait à l’histoire locale ? L’APHRN vous propose de publier vos écrits, ou documents, ou de transcrire vos témoignages, dans la revue HISTOIRE & PATRIMOINE. Téléphonez-nous, au 06 62 58 17 40, ou écrivez-nous, à l’adresse ci-dessous, ou, tout simplement, adressez-nous, directement, votre texte, sous forme numérique. Vos propositions seront examinées avec la plus grande attention et soumises au conseil de direction de l’APHRN, qui vous répondra dans un délai d’un mois, maximum. Adresse électronique : aphrn.asso@gmail.com - Adresse postale : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

Abonnez-vous à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE Un abonnement à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE, c’est l’histoire de la région nazairienne/guérandaise, tous les trois mois, dans votre boîte aux lettres, pendant les trois premiers trimestres de l’année, en janvier, avril et juillet (votre abonnement vous permet, de plus, de bénéficier d’un tarif préférentiel sur les numéros hors-série, qui paraissent à l’automne). C’est l’histoire locale, dans toute sa diversité, écrite, à la fois, par des historiens professionnels, connus et reconnus, et par des amateurs éclairés, dans la tradition des publications de notre association, depuis sa création, par Fernand Guériff, il y a 45 ans. C’est, aussi, un support en constante évolution, d’un graphisme soigné, richement illustré, composé de près de cent pages à chaque livraison. Nous vous proposons cet abonnement avec une réduction de 10 % par rapport au prix public, frais de port compris (trois numéros par an, parution en janvier, avril et juillet).

ff abonnement ..... 27 €/an

Pour vous abonner, vous pouvez, au choix : télécharger le bulletin d’abonnement sur notre site internet, à l’adresse http://aphrn.fr.nf rubrique « s’abonner à la revue » nous adresser un courriel à l’adresse : aphrn.asso@gmail.com nous écrire, à : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire téléphoner au 06 62 58 17 40 Vous pourrez, ensuite, régler votre abonnement par chèque, virement ou carte bancaire. Il est possible de s’abonner à tout moment de l’année. L’abonnement vaut pour l’année civile en cours (les numéros parus, antérieurement, dans l’année, vous seront adressés) Le renouvellement de l’abonnement s’effectue au cours du mois de janvier de chaque année.

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SOMMAIRE HISTOIRE & PATRIMOINE n° 82 — janvier 2015

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Éditorial

Christiane Marchocki 04

Bagad Sant-Nazer - Six décennies de musique celtique Tanguy Leroux & Padrig Hervé

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Saint-Nazaire au cinéma - Le tournage du film Le bonheur est pour demain Daniel Sauvaget

30

Mémoires d’une enfant de la guerre (Partie 1) Michelle Speich

46

Cambronne en presqu’île guérandaise Bernard Tabary

57

Saint-Molf pendant la Grande Guerre (1e partie) Claude Lebreton

62

Les deux ports de Pornichet Jean-Pierre Nennig

79

Guérande, 1962-1966 - Souvenirs d’un petit séminariste (2e partie)

Gérard Olivaud 86

La fin du rêve d’indépendance de François II, Duc de Bretagne (1458-1488) Josick Lancien

90

En ce temps-là au Pouliguen (2e partie)

Constant Tabary 94

La Croix de Lizerbaud, ou l’énigme Rose-Croix Michel Barbot

100

Journal d’un aumônier breton - 1850 (13e partie)

Christiane Marchocki 102

Philippe Vannier, mandarin en Cochinchine

Jean-Yves Le Lan 116 L’HISTOIRE et L’IMAGINAIRE 116 - L’enfant qui rêvait d’être mousse - Jocelyne Le Borgne 119 LA REVUE et VOUS 119 - Connaissez-vous le Belen ? (complément à l’article paru dans HISTOIRE & PATRIMOINE n° 81) - Anne Robion Griveaud 120 ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI 120 - Parution du hors-série Hommage à Fernand Guériff 1914-1994 - Christiane Marchocki 121 - Conférence de Patrick Pauvert - Hommage à Fernand et Jean Gauffriau - Christiane Marchocki 122 À LIVRE OUVERT 122 - Histoires de femmes d’ici et d’ailleurs 122 - Le chemin de fer de Saint-Nazaire au Croisic et à Guérande 123 - Le canton du Croisic vu du ciel 124 SORTIES CULTURELLES 124 - Au coeur de la Vendée historique - André Dubreuil 127 - L’art du vitrail et la passion du rail - Christiane Marchocki 128 L’ASSOCIATION

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Bagad Sant-Nazer

Six décennies de musique celtique Tanguy Leroux Padrig Hervé

Dans la région nazairienne, c’est en 1951, à l’initiative de Claude Leroux et Madelein Mesnard, qu’est créée la première formation de type Bagad, nommée « Paotred Bihan ar Mor »...


Saint-Nazaire au cinéma

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Le tournage du film

Le bonheur est pour demain Daniel Sauvaget Aucun film ne témoigne d’un ancrage aussi profond dans l’espace physique et social nazairien que Le bonheur est pour demain. Long métrage de fiction réalisé par Henri Fabiani, tourné en 1960, réédité en 2014, après une longue période d’oubli, c’est un film qui offre un témoignage irremplaçable sur des réalités qui, certes, ont évolué depuis plus de cinquante ans, mais imprègnent fortement une œuvre qui conserve les vertus d’un témoignage sensible tout en délivrant une signification générale sur le travail et son emprise, sur l’âge de l’adolescence, sur les difficultés d’un projet de vie.

C

’est en septembre 1959 que l’auteur est venu en repérage dans la ville. Les journalistes ont pu recueillir les orientations de son projet, un récit en rapport avec les chantiers navals. Auteur confirmé de documentaires, Fabiani n’est pas connu du grand public1 malgré une carrière déjà probante dans le court métrage documentaire qui complétait les programmes des salles de cinéma dans les années 1950. Le réalisateur reviendra sur les lieux quelques mois plus tard, accompagné d’une importante équipe

1 - Ce que montre un de nos journalistes locaux qui s’obstine à le nommer Fabiali dans le titre et le corps d’un article.

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La traversée du XX siècle e

et de ses guerres

dans une famille française (Partie 1) et une famille allemande (Partie 2)

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Mémoires d’une enfant de la guerre (Partie 1)

Michelle Speich Préface En hommage à toutes les victimes connues et inconnues, directes et indirectes des guerres.

A

près les guerres napoléoniennes, on peut considérer que la bataille de Sadowa le 3 juillet 1866, suivie par la guerre de 1870, inaugura les guerres modernes dévastatrices par l’armement, les moyens de communication et de transport de troupes, par le nombre de militaires engagés ainsi que par les conséquences pour les populations civiles. C’est ainsi que pendant près d’un siècle des hommes du nord au sud, de l’est à l’ouest de l’Europe s’entretuèrent sans se connaître, sans motif personnel. La plupart étaient des fils, des pères, des frères, des cousins valeureux placés là par les hasards de l’histoire, commandés par des empereurs, rois, présidents de républiques, officiers supérieurs maréchaux, généraux plus ou moins à l’abri du feu. Les hommes de troupe ignoraient la langue et la culture de ceux qui étaient en face le plus souvent. Dans la vie ordinaire, ils auraient pu être des amis, s’aider, apprendre à se connaître. Pendant des décennies, des générations d’enfants « français » furent élevés dans des idées de revanche, de patriotisme, de nationalisme exacerbées. Et malgré les millions de morts dans les différents pays de la Grande Guerre de 1914-1918 - environ trente mille morts en une seule journée du seul côté français, le 22 août 1914 - et, globalement, en France : un million cinq cent mille morts ainsi que des millions de blessés, polytraumatisés, veuves et orphelins de guerre et la même hécatombe chez les Allemands, Belges, Britanniques, Russes, Autrichiens, Turcs, Coloniaux… la leçon n’en fut pas tirée. En effet, les fils de ces combattants et parfois encore ces mêmes anciens combattants furent remobilisés en 1939. Heureusement, après cette nouvelle tragédie mondiale, des bonnes volontés de part et d’autres des frontières travaillèrent à y mettre un terme dès 1945, à éduquer les jeunes des écoles différemment, à organiser des jumelages entre les villes pour nouer des amitiés. Le Conseil de l’Europe à Strasbourg, depuis 1949, est

la plus ancienne organisation intergouvernementale européenne regroupant 47 pays membres et plus de huit cents millions d’Européens. Le traité de Paris établit la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier le 18 avril 1951. Il fut suivi en 1957 par le traité de Rome. Cela est un vrai miracle pour nous, les enfants de la guerre, qui ne pouvions qu’en rêver dans notre petite enfance. Maintenant, il est temps de ne pas relâcher les efforts et de transférer nos mémoires aux plus jeunes, la paix est fragile, un trésor à entretenir, le temps pourrait obérer l’avenir par l’oubli de ces années d’enfer, même si les causes de conflits seraient différentes. Après avoir fait la connaissance du professeur HansGeorg Classen, au cours du Deuxième Symposium International sur le Magnésium à l’Université de Montréal (Canada), en juin 1976, lors de la présentation de nos travaux de recherche universitaires respectifs sur le magnésium comme enseignants-chercheurs, une amitié durable se noua entre nous. Nous nous sommes revus bien souvent dans le cadre notamment de la Société Internationale pour le Développement des Recherches sur le Magnésium (SDRM), présidée pendant des années par le docteur Jean Durlach de Paris, et avons échangé des correspondances chaque année depuis. Après avoir envoyé à mes amis Classen la première partie de ce mémoire sur mes souvenirs d’enfant de la guerre au mois de juin 2013, il se trouve que lui-même et sa famille avaient rédigé pour leurs enfants et petits-enfants, sans que nous en ayons parlé préalablement, un mémoire en 2011 sur un sujet voisin. C’est l’objet des deux parties réunies qui vont suivre sur la vie d’une famille française, puis la vie d’une famille allemande racontées par les enfants d’alors. Depuis tant d’années que nous nous connaissons, nous n’avions jusqu’ici jamais parlé de notre enfance. J’ignorais tout du vécu de mon ami Hans-Georg et de sa femme Brigitt comme ils ignoraient ma vie.

Page de gauche : Famille Speich, en Brière, en 1950 (Collection Michelle Speich)

Famille Classen, en 1942, à Schatensen (Collection H. G. Classen)

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Cambronne en presqu’île guérandaise Bernard Tabary

Cambronne, notre voisin nantais, simple général de brigade (il y en a eu des centaines, plus de mille, peutêtre), est un personnage tout à fait à part dans l’épopée napoléonienne. Ce petit, ce sans-grade (façon de parler, évidemment !), est devenu, vraiment sans l’avoir cherché, plus célèbre que les multiples généraux de division de la « grande armée », plus célèbre que tous les maréchaux eux-mêmes…

A

près la bataille – perdue ! – de Waterloo (18 juin 1815 ; 18 juin, ça ne vous dit rien ?), son nom était dans tous les journaux ; son mot (« La garde meurt et ne se rend pas ! ») était placardé partout dans les appartements et les chaumières, écrit ou imprimé sur des cartons, sur des céramiques, sur des cadres, sur tout et n’importe quoi, du moment qu’on puisse l’appliquer aux murs. Façon, pitoyable peut-être, mais combien symbolique, d’exorciser la défaite de la France et son occupation par des puissances étrangères. Son autre mot, plus court, cinq lettres seulement, devenait pour l’éternité le mot de Cambronne, et s’enrichissait d’une multitude de nuances, devenant le terme capable, à lui seul, de tout exprimer, de la pire fureur à la plus absolue béatitude et même de porter chance : le mot le plus universel de la langue française… Un terme sur lequel on a tout dit – tout et son contraire – jusqu’à cette « remarque en passant », à la fois très spirituelle et triviale, provocante et savoureuse (!) de Jean Yanne (paix à son âme !) : « Cambronne ne mâchait pas ses mots. Heureusement ! »…

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C’est Victor Hugo qui, dans Les Misérables (1862), est allé le plus loin dans l’exaltation – la presque panthéisation – de Cambronne, qui, le pauvre ! n’en demandait pas tant ; il ne réclamait plus rien, d’ailleurs ; puisqu’il était mort depuis 20 ans. Je ne cite pas tout le chapitre (mais ça en vaudrait la peine : c’est grandiose, puissant, épique – hugolien, pour tout dire) : « L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, ce n’est pas Napoléon en déroute, ce n’est pas Wellington pliant à quatre heures, désespéré à cinq, ce n’est point Blücher qui ne s’est point battu ; l’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne. Foudroyer d’un mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre. » Si vous avez Les Misérables à portée de main, ça vaut la peine d’y aller regarder : vous en prendrez plein les yeux. Éventuellement, achetez l’œuvre – ne faites pas la fine bouche : les trois tomes, bien sûr ! entre 1500 et 2000 pages en tout…, pour


à peine 1,50 €, en livre de poche, dans une trocante ou dans un vide-grenier… En fait, Cambronne, qui méritait largement d’être célèbre, l’est devenu pour de mauvaises raisons. Cambronne n’a pas crié « La garde meurt et ne se rend pas ! ». C’est beau, c’est grand, c’est généreux. Ça ressemble tout à fait à un mot historique… mais ça ne l’est pas. C’est un mot apocryphe – inventé après coup, très peu de temps après, par d’autres – qui ?… Cambronne n’a pas jeté aux Anglais l’insulte suprême du mot de Cambronne – lequel ne faisait pas partie de son vocabulaire. La fable semble en avoir été inventée du côté de 1830… De même qu’il n’a jamais été nommé par le premier consul Bonaparte « premier grenadier des armées de la République » pour succéder à son ami La Tour d’Auvergne, mort au champ d’honneur (27 juin 1800) lors de la bataille d’Oberhausen (qu’on appelle aussi bataille de Neuburg). Et pourtant Léon Thiessé et Rogeron de la Vallée s’y sont laissé prendre !

Rumeurs…, rumeurs… Cambronne était un brave – pour ça, oui ! – ; mais ce n’était pas un ambitieux, avide de gloire, d’honneurs et de titres ; ni un arriviste ni un opportuniste. Il est resté capitaine (près de la base, près de ses hommes qu’il menait lui-même au combat, lui devant, évidence !) pendant dix-sept ans – de 1794 à 1811, une éternité ! Et pourtant, Bonaparte l’avait distingué très tôt, il l’avait fait membre de la première « fournée » militaire (la première !) de la Légion d’Honneur en 1804 puis officier de la LH ; et plus tard commandant et grand-officier de la LH… Cambronne, comme son ami, le regretté La Tour d’Auvergne, était un soldat exemplaire, le soldat selon le cœur du général-consul puis de l’empereur. L’intègre absolu. Le devoir, rien que le devoir, tout le devoir…

Tableau (250 x 150) de Charles-Edouard Armand-Dumaresq (1826-1895)

« Le général Cambronne à Waterloo », réalisé à la demande de Napoléon III pour l’Exposition Universelle de 1867

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(1ère partie)

Claude Lebreton 1914-1918 : première guerre mondiale. Comme toutes les communes françaises, celle de SaintMolf a été touchée par ce conflit. De nombreux combats se déroulent sur le territoire français (environ dix départements sont occupés, certains dévastés, obligeant les habitants à fuir pour se réfugier, notamment, dans l’Ouest).

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LA GRANDE GUERRE

Saint-Molf pendant la Grande Guerre

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Saint-Molf pendant la Grande Guerre — Claude Lebreton

Ci-contre :

Cette affiche avait pour objectif d’inciter les habitants à souscrire aux emprunts de « défense nationale ». Il s’agissait de montrer que la population pouvait aider les combattants. (Oeuvre du caricaturiste Abel Faivre, 1867-1945. Collection Marc Lebreton)

Page précédente :

Cette photo est, en fait, une carte postale, qui représente Henri Marie Camaret, né à Saint-Molf, le 6 juillet 1893 et mort au front, le 9 mai 1916, à Ville-sur-Cousances (Meuse). (Collection Jean-François Kusina)

E

n 1911, la commune comptait 1137 habitants ; dès 1914, elle mobilise ; et le 14 janvier 1915 : « monsieur le président [le maire] propose d’exempter des prestations les prestataires actuellement sous les drapeaux dont les noms suivent » et sont cités 71 noms de soldats Mendulphins engagés dans le conflit. Au bout de quatre ans de guerre, la commune compte 61 poilus tombés au combat ; et restent 17 veuves et 14 orphelins.

La solidarité La lecture des comptes-rendus du conseil municipal nous renseigne sur la contribution de la commune à l’effort de guerre, et démontre qu’une solidarité se met alors en place, sous l’égide du maire monsieur Le Chauff de Kerguénec. Conformément à une circulaire préfectorale, le conseil se réunit dès le 20 septembre 1914 pour désigner qui devra fournir « des prestations aux habitants de la commune se trouvant dans l’impossibilité d’ensemencer les terres par suite du départ des hommes valides à la guerre. » Au conseil municipal du 25 septembre 1915, « le président ayant fait observer que 150 hectares environ de terres étaient restés incultes dans la commune depuis la guerre, le conseil insiste près de monsieur le maire pour qu’il obtienne des ouvriers militaires. »

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De même le 11 juin 1916, « le conseil demande que l’autorité militaire pour la nation veuille bien envoyer à la commune huit militaires pour les travaux de fenaison » ; toutefois, en septembre 1916, rien n’est encore obtenu.


A

u cours de ces cent cinquante dernières années certains évènements ont contribué à la notoriété et à la fréquentation de Pornichet : ◊ en 1857, par l’arrivée du chemin de fer à Saint-Nazaire, en provenance de Nantes et de la capitale ; ◊ en 1879, lorsque la voie ferrée est prolongée jusqu’au Croisic, avec l’ouverture de la gare de Pornichet ; ◊ en 1900, par la création de cette commune ; ◊ en 1978, lors de la construction du nouveau port en eau profonde ; ◊ en 1989, au moment de la mise en service du TGV-Atlantique. Trois heures suffisent pour venir de la capitale. L’augmentation de la fréquentation du port de plaisance est alors manifeste.


Les deux ports de Pornichet Jean-Pierre Nennig


Guérande, 1962-1966

Souvenirs d'un petit séminariste (2e partie) Gérard Olivaud

« Il ne suffit pas d'avoir des souvenirs, il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux et il faut avoir la grande Patience d'attendre qu'ils reviennent. » Rainer Maria Rilke


Guérande, 1962-1966 - Souvenirs d’un petit séminariste (2e partie) — Gérard Olivaud

Chapitre 3 : première demi-journée

L

e lendemain matin, à 6 h 25, l’abbé Lepage alluma le grand dortoir du premier étage où dormaient les sixièmes. Dur réveil ! Surtout que la nuit avait été courte ! L’émotion, l’absence de la famille, le souffle régulier de mes voisins endormis et le petit volet de bois qui laissait pénétrer les rayons de la lune et donnait l’impression de m’éclairer comme un réverbère : j’étais resté éveillé assez tard. Le surveillant laissa traîner un peu au lit certains d’entre nous, parce que c’était le premier jour, mais il ne fallait pas croire que ce serait toujours ainsi. Les plus courageux se levèrent aussitôt pour se diriger vers le long lavabo étroit du fond : je me rendis compte par la suite, quand j’appris à les connaître, que les lève-tôt de ce premier matin habitaient la campagne ! L’abbé Lepage tourna un robinet en bout de tuyau et l’eau gicla des trous avec une pression telle que les gants de toilette éclaboussèrent plus d’un pyjama. Elle était très fraîche et, en cette mi-septembre, elle vous réveillait instantanément. Au cœur de l’hiver 62-63 qui fut très rigoureux, se laver à l’eau froide était, selon les mots du chef de chambrée une sorte de sacrifice qu’on pouvait faire à Notre Seigneur ! L’abbé - en fait non il portait la soutane, mais finissait son diaconat -, avant que nous quittions le dortoir, vérifia si notre unique couverture – au cours de l’hiver, nous aurions le droit à une seconde quand le thermomètre descendrait de manière plus que sensible – composait un ensemble harmonieux avec le drap, le traversin et le couvre-lit blanc. Mais, je n’ai jamais été habile de mes mains et, comme Maman faisait elle-même le lit de son Petit, (à la grande indignation des aînés qui trouvaient qu’il y avait du relâchement dans la discipline familiale)

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il me faudra bien trois semaines avant de maîtriser cet art difficile et si utile dans la vie, d’avoir un plumard tiré au cordeau, j’allais dire à quatre épingles. Quelques jours plus tard, à bout de patience, ou parce qu’il craignait que nous n’arrivions en retard à la chapelle et comme tous les autres attendaient depuis quelques minutes, le surveillant me fit revenir pendant la récré. Vraie punition ! Je manquais une balle aux prisonniers. Papa, quand je m’en plaindrai un peu plus tard, au parloir lors de leur première visite me fit remarquer que ce serait ça de moins à m’apprendre à l’armée ! Heureusement que j’ai eu le Petit Sem’, comme nous appelions l’établissement entre nous, car d’armée je n’en ferai point. Puis nous nous sommes dirigés, sous la conduite du père Lepage (qui n’en était pas encore un, mais nous ne le savions pas encore), vers la chapelle et en rangs par deux pour la messe. Celle-ci dura à peu près une grosse demi-heure. Ensuite, nous nous sommes rendus en rangs jusqu’au réfectoire pour un petit déjeuner vite expédié, chocolat, pain et compote de pommes. Ce jour-là, l’abbé Agaisse, le responsable des nouveaux, nous prit à part, à la fin du repas, pour nous expliquer l’emploi du temps de la première matinée qui serait un peu différent, dans son contenu, mais guère dans son déroulement, d’une journée habituelle. Nous avons quitté le réfectoire vers la grande cour pour une récréation qui allait durer plus longtemps que d’ordinaire. L’étude avait été supprimée puisque nous n’avions rien à réviser. On y resta trop longtemps à mon goût : je ne connaissais personne et je l’ai passée, adossé au mur du grand bâtiment principal, comme perdu. Je n’étais pas le seul. Cependant certains groupes s’étaient déjà formés : ensemble les compats (ceux qui


La fin du rêve d’indépendance de François II duc de Bretagne (1458-1488)

Josick Lancien

En mars 1487 une partie de la noblesse bretonne, notamment les Rieux, Laval, Rohan et Dinan, se rassemble à Châteaubriant, chez Françoise de Dinan. Ils s’opposent au duc de Bretagne, François II, qui s’est entouré de seigneurs et de princes étrangers au duché, le duc Louis d’Orléans, le comte de Dunois, le prince d’orange, Alain d’Albret. La félonie

R

appelant le traité de Montargis du 28 octobre 1484 qui reconnaît les prétentions de Charles VIII sur la couronne ducale (son père avait racheté les droits de la maison de Penthièvre en 1480), ces seigneurs bretons signent le traité de Châteaubriant par lequel ils sollicitent l’intervention du roi pour remédier

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à cette situation du conseil ducal et pour chasser ces grands féodaux réfugiés en Bretagne. Cette action déloyale de grands nobles bretons entraîne deux campagnes de l’armée royale qui pénètre dans le duché.


L’envahissement de la Bretagne En mai 1487 la campagne débute par les villes frontières d’Ancenis, de Châteaubriant, de Vitré, villes acquises au parti français. L’armée royale forte de 12 000 hommes, soit plus du double de ce qui avait été prévu lors du traité de Châteaubriant, se dirige vers Vannes puis s’empare de Ploërmel qui est mise à sac. Voulant en finir, les Français et leurs appuis bretons prennent Nantes d’assaut, où s’était réfugié le duc. Nantes résiste, l’armée ducale renforcée par les milices paysannes de Basse Bretagne brise le blocus. En août l’adversaire rebrousse chemin en se maintenant toutefois à Vitré, à Saint-Aubin-duCormier, à Dol et à Auray. Le maréchal de Rieux rallie le duc. La campagne de 1488 aura un déroulement inverse : après avoir repris les villes de Vannes et d’Auray, l’armée ducale subit une défaite à Fougères et surtout est vaincue à la bataille de Saint-Aubin-duCormier le 28 juillet : entre 5 et 6 000 « bretons » restent sur la lande de Saint-Aubin contre 1 500 pour le camp français. La supériorité numérique de l’armée royale commandée par Louis de la Trémoille, ainsi que la puissance de feu de l’artillerie ont fait la différence. Du côté breton, le duc d’Orléans (le futur roi de France Louis XII) et le prince d’Orange sont faits prisonniers. Seuls le maréchal de Rieux et le seigneur d’Albret réussissent in extremis à s’enfuir avec ce qui reste de l’armée du duché.

La soumission du Duc Suite à cette déroute, les villes de Dinan et de Saint-Malo capitulent. Cependant, Rennes refuse de se rendre et le fait dire par Jacques Bouchard, greffier du parlement de Bretagne, aux héraults du roi. Charles VIII projette alors de continuer sa conquête du duché ; son chancelier Guy de Rochefort argumentant un possible sursaut national comme à l’époque de Jean IV l’en dissuade…

Ci-Contre :

Plan de la bataille de Saint-Aubindu-Cormier, le 28 juillet 1488

Ci-dessus :

La bataille de SaintAubin-du Cormier (Paul Lehugueur 1854-1932)

Page de gauche : Tombeau de François II, cathédrale de Nantes (Michel Colombe, 1430-1515 Photo Jibi44)

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En ce temps-là au Pouliguen

(2ème partie)

Constant Tabary

Un demi-siècle après la construction de l’église, une tour, un clocher...

N

icolas Goupil, sieur de la Picquelière, fils de feu noble homme René Goupil et demoiselle Guillemette Lebreton, sieur et dame de Messeme, « décède sans hoir de corps » (= sans enfants de son sang...), le 17 avril 1682... Le 15 juin 1683, sa mère, demoiselle Guillemette Lebreton, demeurant au port et havre du Poulliguen, présente, en l’étude de Me Soreau notaire Royal de la cour de Guérande, les « intentions de dernière volonté » de son fils deffunt, « noble homme Nicolas Goupil sieur de la Picquelière » et en son nom dotte une nouvelle fondation au bénéfice de la Chapelle St Nicolas du Poulliguen.

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« ... le nombre de quatorze oeillets de marais à faire sel avec leurs appartenances et dependances sittuez en la salline de la Fleuriaye paroisse d’Escoublac...» «... à la charge du dit chapelain de tenir et relever les dits quatorze oeillets de marais à foy et hommage et rachap du fieff de sa majesté au Territoire de Guérande et d’y faire les autres redevances ainsy que le fieff le requier et à la dite damoizelle de Messemee nommé a chapelain de la dite chapelainye noble et discret Nouel Le Guyader prestre chapelain de St Nicolas du Poulliguen. Lequel sur ce presen a accepté la dite chapelainie et promis de faire le service ainsy qu’il est cydevant dict et est accordé que le chapelain résidera au dit lieu du Poulliguen et en deffau de résidence qu’il sera loizible en première à la dite damoizelle de Messenée de nommer et présenter un autre chaplain... »


Constant Tabary — En ce temps-là, au Pouliguen

Outre les conditions de services religieux convenus dans cet acte et notamment lors de chaque feste de St Nicollas, il est prévu que : « ... le chaplain quy sera cy après par elle nommé (Noüel Le Guyader) et ses successeurs chaplains quy seront presantés par les enffens aisnés de la dite Lebreton et leurs heritiers portant le nom des Goupil et en deffau par les autres enffens de la dite damoizelle de Messeme à jamais au dit temps advenir... » Cet acte et cette dotation aussi importante que la première en 1626, attribuée au nom d’un autre « Nicolas », confirma que les chapelains qui y serviront devront être de ce territoire. Les revenus très importants que génèrent les « 14 œillets de maray à faire sel » assurent au chapelain les moyens de vivre et assurer le service de cette église et sans doute plus. Dès 1685 les habitants du Pouliguen commencent à suivre la mise en chantier de leur clocher, dont la construction n’en durera pas moins jusqu’en 1706, année d’achèvement de sa couverture. En 1703 le quatrième chapelain est nommé à St Nicolas du Pouliguen : George Hervé sieur Dupuyt, fils de chirurgien, il y exerça entre 1703 et 1724 un ministère émaillé d’évènements qui marquèrent les esprits bien au-delà du Pouliguen. Il suscitait les sentiments les plus divers allant d’une sainte vénération aux dénonciations d’hérésie, comme en témoigne le procès verbal du 17 mars 1721 sur dénonciation de « missire Pierre Le Bourdiec, lui aussi prêtre chapelain desservant la chapellenie de St Guillaume en l’église de St Nicolas du dit Poulliguen » Maistre François Baume, notaire Royal en la sénéchaussée de Guérande, demeurant au port et havre du Poulliguen, écrit dans son constat :

Pendant cette période, à peine un siècle après sa construction, le nouveau marguiller Pierre Loyseau fait constater l’état de l’église St Nicolas « très indigent de réparations » (manque d’entretien). « Ce dimanche septième febvrier mil sept cent vingt trois, en la sachristie de la chapelle de St Nicolas du Poulliguen, à l’issue de la messe matinalle et après le son de la cloche et les publications ordonnées afin de convoquer assemblée à la manière accoutumée... • premier... réparations aux vitres • secondement... le pignon de la dite chapelle est crevé et menasse rupture aussy bien que le vitrage qui y est.. • troisiemement... etc .../... ... et enfin que le dit marguiller fit dans le besoing connaitre l’estat de la dite chapelle et les réparations nécessaires y estre faites pour y remedier et ne pas avoir le chagrin de la voir tomber dans une entiere ruyne ce qui obligerait les habitants à la faire rellever et couterait des sommes considérables...» «... Pour ce qui est du pignon, le dit sieur Loyseau fera employer la somme qui a esté léguée par la demoiselle du Parc Rouxeau et sy elle ne suffit pas en fera remontrance à l’assemblée ». Le 7 février 1723 signé G. Hervé, prestre chapelain, Jean Goupil, de Messeme Goupil Ce chapelain hors normes terminera ses jours dans le plus grand dénuement, hébergé chez sa sœur dans une rue appelée « la petite venelle », rebaptisée depuis « rue Sainte ». Il y décède en 1724. Ses successeurs seront missire Françoy Le Guerver, Pierre Denié, Jean Guychard, Jacques Allain, Noël Le Callo, Jacques Brenic et René François Guihard qui y exercera ses fonctions pendant « les temps troubles » de 1791-1792.

Page de gauche : Rue du Centre, au Pouliguen, autrefois

Ci-dessous :

Vue sur le clocher de l’ancienne église (Collections particulières)

« ... à l’heure assignée (par missire Pierre Le Bourdiec) et icelle estant arrivée la cloche de la dite église ayant été sonnée par quatre differentes fois m’estant donc transporté au lieu assigné j’ay observé qu’il y avait beaucoup plus de peuple qu’à l’ordinaire l’église estant remplie de personnes tant du dit Poulliguen que des lieux circonvoisins, le dit sieur Hervé estant en surplis, tenant en sa main un cahier qu’il a dit être la constitution UNIGENITUS et estant monté en chaire après avoir entonné et fait chanter la première strophe du Veni Creator, il aurait fait lecture de la proposition de la dite constitution. ... il aurait repetté une seconde fois le plus distinctement qu’il pouvait après quoy glosant sur cette proposition il aurait fait entendre aux auditeurs qu’elle estait fausse... et ce pendant une demi heure ... ce qui a fort troublé le peuple assemblé qui en sortant de l’église marmonaient hautement différemment selon leurs dispositions... »

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La Croix de

Lizerbaud

ou l’énigme Rose-Croix

Michel Barbot

En août 2003 par une journée caniculaire, je découvris, sur la commune d’Herbignac, la croix énigmatique de Lizerbaud. Le nom breton de ce village pérennise une ancienne LIS qui désignait en vieux breton le Palais ou la Cour d’un prince breton avec le sens figuré de puissance d’un prince.

C

ette Cour, cette Lis était ER-BAUD : la Résidence. La puissance de ce prince breton se retrouve peutêtre dans cet autre village d’Herbignac : MARLAIS, dans lequel se reconnait un ancien MAR-LIS : la Grande Cour. Le village de Marlais, situé sur le Grand Marais de la Brière, dépendait au Moyen Âge de la Commanderie Templière de Faugaret en Assérac. Voici la croix de Lizerbaud telle que je la découvris en 2003. Il est aisé de remarquer les traces d’une restauration effectuée quelques mois plus tôt, ainsi qu’il me fut indiqué lors de ma visite à l’Office du Tourisme : Datée de 1784, la croix de Lizerbaud est présentée par la Société historique d’Herbignac comme une croix à pans en granit à l’aspect massif comprenant des inscriptions dont le sens est méconnu et deux cœurs gravés sur le fut, lequel est percé d’une petite niche à la base. Sur la photo couleur, ci-dessus, on peut lire l’inscription, telle qu’elle se présentait en 2003, lorsque je la découvris. Certaines lettres sont très abîmées.

Inscription Maçonnique et Rose-Croix L’inscription, une fois r e c o n s t i t u é e, p e u t apparaître ainsi :

Croix de Lizerbaud - août 2003 (Photo Christian Lelièvre)

Lettre A dite antique

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Signe


Au sommet de la croix figurent les quatre lettres INRI, absentes de la reconstitution, initiales des mots latins Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum, ce qui signifie : « Jésus le Nazaréen roi des Juifs », inscription que Pilate avait fait mettre sur la croix (Jean, XIX, 20). Ces quatre lettres ont acquis tout au long des siècles, diverses significations liées à l’hermétisme. Les rituels de la Maçonnerie Écossaise comportent au degré de Chevalier RoseCroix un questionnaire auquel doit se soumettre le récipiendaire postulant à ce grade. Les réponses éclairent quelque peu l’étrange inscription de Lizerbaud : - Mon frère, d’où venez-vous ? De la Judée. - Par quelle ville avez-vous passé ? Par Nazareth. - Quel a été votre conducteur ? Raphaël. - De quelle tribu êtes-vous ? De Juda.

symbolique l’orientation que certains érudits locaux auraient aimé donner à cette région. Sur la barre horizontale de la croix hermétique de Lizerbaud apparait l’énigmatique inscription. La première ligne comporte une série de lettres et de signes d’inspiration Rose-Croix. Il s’agit tout d’abord à gauche, des lettres JRCO, suivies de ce signe : < . Apparait ensuite le signe astrologique du Bélier suivi des lettres RC OR. Ces quatre dernières lettres affirment le caractère rosicrucien de la croix. RC OR évoque la Rose-Croix d’OR. Les récits consacrés à la Rose-Croix ont toujours fasciné le lecteur qui imaginait ainsi l’existence d’une Société ultra secrète au sein de laquelle les Adeptes possédaient d’immenses richesses alchimiques et fréquentaient les salons privés des grands monarques de ce monde.

Le rite d’initiation se poursuit et le futur Chevalier découvre le mot sacré : I.N.R.I. Le « Très Sage » lui explique la signification symbolique retenue par la Rose-Croix maçonnique. Le mot signifie : Igne Natura Renovatur Integra : La Nature est renouvelée intégralement par le feu, formule symbolisant l’accomplissement du Grand Œuvre. Le récipiendaire a symboliquement été conduit par l’archange Raphaël. Nous trouvons ici une référence au voyage biblique du jeune Tobie en Assyrie sous la conduite du grand archange. Le Chemin de Tobie n’est pas étranger à la presqu’île de Guérande. Le Tobie guérandais qui lui donna son nom n’est assurément pas le Tobie biblique, mais il devient intéressant de s’y arrêter, tout comme il convient de s’intéresser au nom porté par l’archange Raphaël dans le Livre de Tobie : Azariah, « Dieu (Iah) nous a secourus ». La commune voisine d’Assérac était nommée, en 1160, AZARAC un nom dans lequel certains clercs ont pu reconnaître celui de l’archange, bien qu’il soit aujourd’hui unanimement reconnu que ce nom remonterait à celui d’un Gallo-Romain installé dans la région. Autre tradition, quant à elle totalement improbable, Assérac tirerait son nom de l’antique Assyrie de Tobie. Ceci dénote néanmoins sur le plan

Les célèbres Comte de Saint-Germain et le Mage Cagliostro sont reconnus comme ayant été de hauts dignitaires de la Rose-Croix fondée suivant la légende par Christian Rosenkreutz, mais dont l’origine remonterait beaucoup plus loin dans le temps. Serge Hutin dans son livre « Histoire des Rose-Croix », mentionne un autre personnage important de la Rose-Croix, le fameux

Croix de Lizerbaud - 1989

(Photo Société Historique d’herbignac)

Henri-Cornelius Agrippa de Nettesheim, qui organisa en France une association se livrant à la pratique de l’alchimie et des autres sciences occultes : la Communauté des Mages. Arrivé à Londres, en 1510, il fonde un nouvel ordre rosicrucien secret, semblable à celui qu’il avait fondé en France. Les membres créèrent des Chapitres dans diverses cités d’Europe. S. Hutin poursuit : « Si l’on en croit un manuscrit de Michel Maïer, conservé dans la bibliothèque de Leipzig, c’est cette communauté qui avait donné naissance en Allemagne, vers 1570, aux Frères de la Rose-Croix d’Or. » Citant un certain Joanny Bricaud (Historique du mouvement rosicrucien, in revue Voile d’Isis 1927) S. Hutin indique : « Selon certains auteurs, la Fraternité serait divisée en deux groupements. (…) l’un qui donnait la prédominance au mysticisme, à l’étude de la cabale, de la théosophie chrétienne gnostique et s’adonnait surtout aux exercices de la vie intérieure : les Aureæ Crucis (qui se firent de plus en plus mystérieux) ; l’autre, plus nombreux, se consacrait plutôt aux recherches expérimentales et à l’étude de la nature : les Rosæ Crucis. » Les concepteurs de la croix de Lizerbaud semblent appartenir au premier courant, les Aureæ Crucis, bien que la frontière séparant l’un et l’autre groupe ne devait pas être si tranchée que cela. Les études consacrées à la Rose-Croix démontrent qu’il existait différents groupes indépendants les uns des autres. Existait-il, à Herbignac, en presqu’île de Guérande des Aureæ Crucis, membres de cette Rose Croix d’Or ? L’inscription de la croix pourrait le laisser supposer. Fernand Guériff affirme dans ses monographies, la présence de la Rose-Croix dans la presqu’île et principalement à Guérande. JRCO… RC OR – la première ligne de l’inscription révèle une double présence des lettres RCO, confirmation d’une lecture rosicrucienne. Les quatre premières lettres – JRCO – ne révèlent pas d’emblée une signification précise, mais c’est toujours par le biais de la Rose-Croix que la réponse apparaitra. Michael Maïer, reconnu Grand Maître de la Fraternité des Roses-Croix, publia

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Journal d'un aumônier breton - 1850 (13e partie)

Avons-nous vraiment conscience de vivre ce qui était impensable il n’y a pas si longtemps, si ce n’est pour illustrer certains contes. Nous ne connaissons pas notre bonheur. Si bonheur il y a. Tout ce dont nous disposons nous semble habituel et indispensable.

N

ous nous déplaçons à volonté, rapidement. Si nous désirons communiquer avec qui que ce soit, c’est possible : oralement, par écrit, ou en images. Ceci à la seconde. Inutile de dessiner des portraits, des paysages, des objets, une photo suffit, et en un « clic » elle parvient où vous le désirez. Nous ne sommes jamais tout à fait séparés pendant nos absences. Nous correspondons d’un esprit à l’autre puisque nous pouvons faire part d’un avis, d’une émotion, échanger des nouvelles à tout moment. C’est devenu banal de le faire remarquer. Lisez ce qu’écrit notre voyageur et imaginez la vie telle qu’elle se présentait. Elle est faite d’attente, de patience, d’inconfort, et peut-être aussi d’une originalité et d’un charme disparus.

12 octobre 1850 Nous voyageons lentement. Rien ne nous presse. Nous avons éteint nos feux et nos voiles, à peine enflées, ne

poussent pas notre énorme masse bien vite. Nous sommes loin de fendre l’air comme une flèche. Nous n’arriverons que demain à l’île du Prince, et, peutêtre, dans la soirée. Une chose me contrarie, c’est de rejeter ce point le plus intéressant de la côte. Les chaleurs sont très fortes et les pluies presque continuelles. Aujourd’hui, par exemple, elles n’ont presque pas cessé. Toujours même lenteur, mais douce et paisible navigation. Les hommes souffrent de l’humidité qui amollit leurs organes et prédispose à la maladie. Pour nous, êtres privilégiés, bien nourris, bien couverts, nous avons encore quelques fois l’ingratitude de nous plaindre.

13 octobre 1850 Nous avons chauffé ce matin vers 8 heures. Nous étions tombés sous le vent de l’île dont on apercevait déjà le pic le plus élevé et nous avions besoin de la vapeur pour nous relever et prendre plus sûrement le mouillage.

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Monseigneur a pu dire la messe dans la batterie quoique l’équipage n’y ait pas assisté. Elle n’était pas officielle. On craignait que vers 11 heures la batterie ne fût encombrée par les travaux de mouillage. Nous sommes mouillés depuis environ une heure dans la petite baie au fond de laquelle se trouve la ville. C’est la même végétation qu’à Fernando-Po. Toutes les côtes coupées à pic sont elles aussi couvertes de verdure et couronnées de cocotiers. Une chose ici leur manque, c’est la lumière, c’est un beau soleil, pour faire ressortir et contraster toutes ces masses d’ombres de tons et de teintes différentes. La baie est profonde et la côte où est bâtie la ville est fort basse. C’est le pied d’un grand pic dont nous apercevons l’extrême aiguille de temps en temps au-dessus des nuages qui flottent alentour. Je ne sais si nous pourrons descendre, le temps n’est pas beau. Je ne pense pas que nous passions ici un long séjour. J’éprouve le même regret qu’à Fernando-Po. Quelle


Christiane Marchocki — Journal d’un aumônier breton - 1850 (13e partie)

jolie collection de dessins j’aurais pu apporter aux amis si j’avais perpétué mon savoir par le crayon, fixer toutes ces teintes si variées et si riches que m’offre la nature dans ces parages.

14 octobre 1850 Je suis allé ce soir à terre dans la compagnie de cinq ou six officiers. La ville est une masse de cases élevées de 4 à 5 pieds au-dessus du sol. La précaution n’est pas, il me semble inutile, car le terrain est très bas, entouré de tous côtés de hautes collines et enfermé entre deux rivières, il doit être complètement inondé dans la saison des grandes pluies et par conséquent très malsain. La ville conservait ce soir un certain air de fête. Les femmes noires étaient en toilettes et mieux vêtues que je ne les ai vues nulle part. Il y avait dans la journée une procession en l’honneur de la Sainte Vierge. Il reste dans l’extérieur et dans leurs habitudes de nombreuses traces de la civilisation chrétienne qu’ils ont reçue autrefois en partage, et dont ils dépendent encore, mais ils sont loin d’en avoir conservé le fond. Ainsi ce soir après la cérémonie de l’église, une troupe de comédiens, la plupart masqués, couraient les rues, s’arrêtaient devant la maison des principaux habitants pour jouer, ce qui, je pense, devait être primitivement une sorte de mystère. Lorsque nous les avons aperçus entourés d’une foule de curieux, personne de nous n’a rien compris à la suite du dialogue, mais à leurs gestes et à quelques mots de portugais dont on a pu saisir la signification, je pense que tout cela est bien loin de l’institution primitive. Il y a quatre églises où l’on dit encore la messe. Je distingue les trois der-

nières, car toutes les sept ne sont qu’un ruisseau et j’ai vu le ciel à travers la toiture. Tout cela est bien misérable. La soutane et la barrette de mes chers confrères sont dans un tel état que cela m’a horriblement pesé.

15 octobre 1850 Nous sommes allés ce matin, l’évêque et moi, dire la messe à la ville comme nous l’avions promis. Je ne peux peindre tout le burlesque et le ridicule de cette réception. C’est trop triste pour que j’y arrête longtemps ma pensée. Tout fut fait sans goût, sans dignité. A commencé un chant horrible. Ils appellent cela probablement de la musique. Ce n’est qu’une épouvantable cacophonie où chacun chante de son bord, ne s’occupe que de couvrir les autres d’une voix aigre et nasillarde. Cela pendant un quart d’heure. Nous les avons assurés de notre aide et soutien, leur isolement est si grand. Nous avons regagné la baleinière qui nous attendait. Appuyés d’une main sur un gros bâton qui ouvrait le chemin devant nous, et de l’autre sur l’épaule d’un noir, car la lumière à travers le feuillage trompait notre œil. J’ai cueilli un gros bouquet que je laisserai se faner dans ma chambre sans pouvoir l’offrir à personne et je m’en suis revenu à la frégate qui laissait derrière elle une traînée phosphorescente, presque brillante, mais tout aussi passagère que la lumière qui, il ya un instant, déchira mon imagination et réchauffa mon cœur.

18 octobre 1850 Nous avons quitté l’île du Prince ce matin. Le ciel s’était éclairci d’un soleil brillant pour nous faire ses adieux. Mais il n’y avait pas une heure que

nous l’avions quittée que le ciel s’était couvert et que nous avions une pluie fine et pénétrante. Nous voyageons toujours à la vapeur et j’ai quelque confiance que le vent nous sera assez contraire pour nous obliger à rentrer en France. Je commence à désirer que notre tournée dans le sud ne se prolonge pas trop. Deux lettres, je pense m’attendent à Gorée. Quoique le temps à la mer soit bien meilleur qu’au mouillage, et que tout soit nouveau pour moi dans le pays que nous visitons, j’aime mieux le moindre mot de l’un de mes amis que tous ces avantages.

19 octobre 1850 Nous avons passé la ligne ce matin. Mais sans cérémonie. C’était chose convenue que passant les tropiques il n’y aurait qu’un seul jour de fête. Nous avons communiqué ce matin, en mer, à la hauteur du cap Lapaz avec un bateau à vapeur anglais. Nous avons appris la mort de Louis Philippe avec quelques détails. L’auteur de l’article jugeait l’ex-roi d’une manière fort sévère. Celui-ci a paru devant le tribunal, souhaitons qu’il y ait trouvé justice et miséricorde, il avait de grands chagrins, il a beaucoup expié, et le pardon qu’il a sollicité sur son lit de mort, espérons qu’il l’a obtenu. La France est tranquille, parait-il. Le président qui s’y promène est plus entouré d’hommes et de fêtes que ne l’était son ancien roi. Le mouvement vers la révision de la constitution s’accroit tous les jours et se manifeste dans la décision des conseils généraux. Où tout cela nous mènera-t-il ? Est-ce un retour pacifique vers des principes conservateurs qu’on semblait avoir dépassés ou simplement une réaction provocatrice qui nous rejettera encore dans une lutte effrayante ? Dieu nous en préserve. »

Christiane Marchocki Page de gauche : Plage sur l’îlot de Rolas (République démocratique de Sao Tomé-et-Principe) (Photo Rui Almeida)

Ci-contre : Ile de Principe (anciennement Prince) 1727 (Auteur inconnu)

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Philippe Vannier Mandarin en Cochinchine Jean-Yves Le Lan

Jean-Baptiste Chaigneau est un nom qui est connu par les Lorientais. Tous ne savent pas qui était cet homme, mais tous ont entendu ce nom de rue. Par contre, ils sont beaucoup moins nombreux à connaître Philippe Vannier qui pourtant possède lui aussi son nom sur les plaques d’une rue et de deux impasses de la Ville de Lorient. Les deux hommes ont eu des destins similaires et se connaissaient très bien. Ils étaient tous les deux Bretons d’origine et marins. Ils ont effectué un long séjour en Cochinchine et ont épousé une Cochinchinoise. La fin de leur vie s’est déroulée à Lorient et ils ont été tous les deux inhumés au cimetière de Carnel à Lorient.

A Page de droite :

Portrait de Philippe Vannier vers 1835. Reproduction d’un tableau appartenant à M. Auguste Vannier, petit-fils de Philippe Vannier. BAVH de 1935 - Planche X

ndré Salles, Inspecteur des Colonies, a publié un ouvrage sur Jean-Baptiste Chaigneau et avait recueilli un certain nombre de documents sur Philippe Vannier dans le but probablement d’en effectuer une synthèse. Mais son décès ne lui a pas permis de réaliser son projet. Toutefois, ces documents ont fait l’objet d’une mise en forme par H. Cosserat et ont été publiés dans le Bulletin des Amis du Vieux Hué de 19351. Ils concernent particulièrement des renseignements généalogiques sur Philippe Vannier et sa famille ainsi que de nombreux échanges de courrier d’André Salles avec les administrations pour obtenir des informations sur Philippe Vannier. Ce personnage étant peu connu et le travail d’André Salles étant resté inachevé, il m’a paru intéressant d’établir une biographie de Philippe Vannier.

L’enfance Philippe Vannier est né à Locmariaquer, le 6 février 1762. Son acte de baptême2 est rédigé en ces termes : « L’an de grace mil sept cent soixante deux et 1 - Cosserat, H., Bulletin des Amis du Vieux Hué de 1935, pp. 121 à 190. 2 - Archives départementales du Morbihan.

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le sixième jour du mois de février. Je soussigné curé ay baptisé un garçon né ce jour du légitime mariage dentre le sieur François Vannier employé aux fermes du roy, qui signe, et mademoiselle Vincente Joannis mary et femme du bourg. On luy a imposé le nom de Philippe. ont este parainet maraine Philippe Gouzer qui signe et Perrine Sonnic quine signe, Philippe Gouzer François Vannier, François Kvio curé. » Il était donc le fils de François Joseph Vannier, employé des Fermes du Roi pour Auray, né à Châteauroux et de Vincente Françoise Joannic née à Pluneret. Il était l’aîné de la famille et eut quatre sœurs et un frère3. C’est ainsi qu’on le trouve signataire de l’acte de baptême après la naissance de sa sœur Marie Anne en 1777, il a alors 15 ans4.

3 - Ses frère et sœurs étaient : Marie Vincente, née à Locmariaquer le 29 avril 1765 ; Perrine Yvonne née à Saint Malo en 1766 ; Françoise Vincente née à Saint-Servan en 1770 ; Armant né en 1771 ; Marie Anne née à Auray le 13 novembre 1777. 4 - Archives départementales du Morbihan, Baptême et ondoiement d’une fille le jeudi 13 novembre 1777 à Auray (Saint-Gildas).


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L’enfant qui rêvait d’être mousse... L’HISTOIRE & L’IMAGINAIRE

Jocelyne Leborgne

J

e suis né le 14 novembre 1869 dans notre maison au Rosais, un soir où la tempête faisait rage. J’ai douze ans, je m’appelle Désiré, mais j’aurais préféré Joseph comme mon père et mon grand-père avant moi... Sur le registre de la mairie de Mesquer, l’officier d’état civil a noté que mon père était « présentement en voyage sur mer ». Il faut dire qu’il est maître au cabotage comme son père autrefois et bon nombre de ses oncles et cousins, donc son absence n’était guère étonnante ce soir-là... Notre maison domine le Traict de Merquel, passage obligé des chasse-marées, lougres, et autres goélettes remontant à marée haute, le grand étier de la voûte qui dessert l’étier de la Barre et les principaux sièges d’embarquement jusqu’à Pont d’Armes. Ces bateaux arrivent le plus souvent sur lest, après avoir doublé le brise-lames inachevé de la pointe de Merquel. Ils reprennent la mer avec leur cargaison de sel qu’ils convoient jusqu’en Baltique et même parfois jusqu’à Saint-Pétersbourg.

116 — Histoire & Patrimoine n° 82 — janvier 2015

Je viens de terminer ma dernière année à l’école de Mesquer. Je sais lire, écrire, compter et j’ai même quelques rudiments de latin, appris avec monsieur de la Caffinière, notre curé, car j’étais le premier au catéchisme. Ma mère s’occupe de notre maison et passe beaucoup de temps assise devant la fenêtre, occupée à des travaux d’aiguilles ou le regard perdu au loin, comme si, inquiète, elle guettait le retour de la « Marie-Hortense », la goélette de mon père... Ce dernier passe peu de temps à la maison et il est très rare qu’il me raconte ses voyages, il se contente d’évoquer parfois la « boucaille » au large de Sein ou quelques anecdotes entendues dans un port. Il ne parle jamais de naufrages : cela porterait malheur. Son bateau mouille, pendant la « relâche », à une encablure de nos fenêtres, à l’abri des vents d’ouest, sous la chapelle de Merquel et à chaque séjour, il part négocier son prochain fret. Il a fort à faire, car la concurrence est de plus en plus rude, car les exportations de sel n’en finissent plus de diminuer depuis cette tempête de janvier 1877. Elle avait


Connaissez-vous le Belen ?

(Complément à l’article paru dans HISTOIRE & PATRIMOINE n° 81 - juillet 2014)

Pourquoi écrire sur le Belen ?

C

’est en 2011 que je me suis sentie vivement concernée, lors d’un concours littéraire lancé à Mesquer, le thème étant : « Sur les traces des Cap-Horniers ». J’ai alors rédigé, avec beaucoup de passion, une nouvelle sous le titre « Petit Joseph à bord du Belen » éditée dans les Éditions du Traict : l’histoire se déroule fin 19e début vingtième siècle, tout est à peu près véridique sauf le personnage de « Petit-Joseph » entièrement inventé. Dès lors, quelques recherches historiques et généalogiques furent nécessaires…

Peut-on croire aux signes, au hasard ou aux coïncidences ? Pour ma part, je suis assez cartésienne, cependant je m’interroge sur tous ces nombreux hasards ! Suite à l’écrit de cette nouvelle, une carte postale, datant de plus de 50 ans, est retrouvée tout à fait incidemment ! Sur cette carte, ma grand-mère fait allusion à son frère, le Capitaine Boudrot, disant « qu’il n’aimait pas porter l’uniforme, cependant en tant que Commandant du Port, lors des visites officielles, il lui fallait mettre sa casquette » écrit-elle. Peu après l’Association des Cap-Horniers me demande l’acte de naissance du Capitaine Boudrot. Avec surprise, je découvre qu’il est né le même jour et le même mois que moi-même ! Évidemment pas la même année (ses dates étant 1862 — 1944). L’Association des Cap-Horniers retrouve des documents concernant le Belen, précisant l’armement du Trois-Mâts, les conditions générales de l’Engagement, les rôles d’équipage pour plusieurs voyages : 1901, 1905, 1906, 1908, indiquant les différentes escales. Il est ainsi noté que le 4 décembre 1902, le Belen arrive en Californie à San Francisco et qu’il vient de la ville de Hobart-Town, en Tasmanie, qu’il est à Sydney, en Australie, le 17 février 1903, puis à Buenos Aires, en Argentine, le 10 juin 1903 ; il arrive à Liverpool, en Angleterre, le 9 novembre 1903. Par tradition orale familiale, je savais que deux de mes grands-tantes avaient voyagé sur le Belen et qu’elles avaient été photographiées en Tasmanie. Le Capitaine Boudrot partait, en effet ,avec un équipage

de 24 personnes, dont sa femme et sa belle-sœur. Ces documents le confirment. Continuant les recherches, je retrouve, dans les papiers de famille, le nom de cousins français et anglais apparentés au Capitaine Armand Boudrot. C’est seulement en 2014, après prise de contact très hasardeuse, que nous faisons mutuellement connaissance de nos existences ! Ceux-ci apprennent d’ailleurs qu’ils sont descendants d’Acadiens, ce qu’ils ignoraient ! Encore une curieuse coïncidence ! Grâce à internet, nous échangeons des documents et c’est ainsi que je reçois deux cartes postales (scannées) du Belen, écrites et signées par Armand Boudrot ! Une des cartes est datée du 29 octobre 1905 et écrite de San Francisco par le Capitaine Boudrot à son frère Alexis, peintre, lequel vivait villa Corot, 2 rue d’Arcueil, Paris 14e.

peint en noir de sa lisse à la flottaison en charge, avec le tour de dunette, le tour de gaillard et toutes les superstructures en blanc, le Belen portait un liston rouge, comme les trois autres navires de sa compagnie. » Ce voilier était un navire de commerce et navigua lors de l’âge d’or de la marine à voiles. En effet, à cette époque, la construction de voilier en acier est dotée par la prime à la navigation, loi du 30 janvier 1893, qui s’applique par mille parcouru, par tonnage de jauge brute. Plus ils allaient loin, plus leur prime était élevée. Les navires sont alors performants pour les chargements en lourd : charbon, nitrates et céréales. Il pouvait atteindre 12 nœuds dans les circonstances favorables. Le Belen changea de nom en 1906 et fut rebaptisé sous l’appellation de Jeanne d’Arc,

L’autre carte est écrite d’Angleterre, le 26 septembre 1907, le Capitaine Boudrot écrit encore à son frère, Alexis, de Newcastle et lui précise qu’il part ce jour même pour San Francisco.

tout en restant navire de commerce, nom qu’il gardera tout le reste de sa carrière, carrière qu’il terminera à Arcachon, comme ponton. Le Capitaine Armand Boudrot navigua onze ans à bord du Belen, de 1901 à 1912, puis il prit ensuite le Commandement du Port de Nantes pendant de nombreuses années.

Quelques précisions sur le Belen Le Belen était un magnifique Trois-Mâts au long cours, à coque d’acier, construit en 1901 aux Chantiers de la Loire à Saint-Nazaire, immatriculé à Nantes : F 190 N° 565. Il fut lancé le 18 avril 1901. D’après Louis Lacroix : « le Belen était

Anne Robion Griveaud Ci-dessus : carte postale du Belen avec le portrait d’Armand Boudrot (Collection particulière)

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LA REVUE ET VOUS

Anne Robion Griveaud


Parution du hors–série

Hommage à Fernand Guériff ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI

1914 - 1994

Photo ci-dessus : Jacqueline Guériff feuillette, lors de cette réunion, le numéro hors-série qui vient de paraître, consacré à son mari (Photo Alain Silhol)

La sortie de notre numéro spécial, le troisième, consacré, celui-là, à Fernand Guériff, notre président fondateur, fut un évènement pour l’APHRN. Nombreux furent ceux qui vinrent à cette soirée, le vendredi 14 novembre 2014, à Saint-Nazaire, salle Marcel Pagnol. C’est la preuve que les Nazairiens se souviennent toujours de la personnalité qu’est Fernand Guériff. Il est vrai qu’on ne rencontre pas tous les jours quelqu’un d’aussi marquant.

N

ous avons eu le plaisir de recevoir Jacqueline Guériff, accompagnée de sa famille. Elle méritait bien d’être mise à l’honneur, elle aussi. Elle qui a secondé son mari, et qui, après lui, par fidélité à ce vaste travail, a continué d’œuvrer pour l’APHRN. Elle est toujours notre présidente d’honneur. Elle fut accueillie chaleureusement. Les adhérents de longue date furent heureux de se faire reconnaître, ainsi que ceux qui avaient coopéré jadis. Les nouveaux, ceux qui continuent l’œuvre de son mari, se sont présentés à elle. Les journalistes l’ont photographiée, et interviewée. Trois journaux étaient représentés : Ouest France, Presse Océan, l’Écho de la Presqu’île, ce qui nous a valu trois excellents articles relatant l’évènement et précisant la valeur de notre association. La présidente, Christiane Marchocki, prononce une allocution. Elle décrit l’APHRN telle qu’elle évolue actuellement, l’ancien « bulletin », devenu une revue à part entière, vendue chez nombre de dépositaires, ses projets, elle commente ce numéro spécial rédigé en hommage à Fernand Guériff, qui serait âgé de 100 ans en 2014. Elle évoque la passion, et l’objectif de ce pédagogue : faire aimer l’Histoire autour de lui. Elle évoque l’homme de lettres, ses nombreux ouvrages, ses articles - « il travaillait toujours » selon Jacqueline - elle évoque le musicien, il jouait de plusieurs instruments. Avec Patrick Pauvert, il a créé le groupe vocal « Pays Blanc, Pays Noir » présent pour nous ce soir-là. Patrick Pauvert prend la parole. Ils se sont connus. Il peut parler en tant que témoin. C’est la musique, domaine le plus important pour lui, qui a amené Fernand Guériff à faire des recherches en histoire locale. Il collectait les chants anciens, rendait visite à nos aînés, les écoutait et transcrivait en notes ce qu’il entendait chanter, écrivait ce qu’on lui racontait. Il a voulu conserver ce patrimoine et le transmettre. Nous sommes tous très attentifs.

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Nous sommes encore plus attentifs, et maintenant charmés, en entendant les chants anciens interprétés par le groupe « Pays Blanc Pays Noir » qu’il dirige. La qualité de l’exécution est si admirable que les rares auditeurs qui les découvraient pour la première fois se sont promis d’assister à leur prochain concert Enfin pour clore la soirée, le verre de l’amitié a été offert, réunissant tous les participants, heureux de se retrouver, d’échanger des souvenirs pour les uns, d’envisager des projets culturels pour les autres, comme le firent en particulier les membres du conseil de direction de l’APHRN. L’entrain et la bonne humeur sont aussi un facteur de réussite pour une association. Ce jour-là, ce fut l’occasion, pour beaucoup, de se retrouver ou de lier connaissance. Ce numéro hors série fut si bien accueilli que nous avons dû commander une réédition.

Christiane Marchocki


Conférence de Patrick Pauvert

Hommage à Fernand Guériff et Jean Gauffriau

En arrivant, le jeudi 15 janvier 2015, dans cet ancien bâtiment de ferme, appelé Ferme Couronné - murs en pisé et poutres en sont le décor, atmosphère propice à une réunion conviviale - on est surpris de voir, projeté sur l’écran, un film où l’on reconnait Fernand Guériff, même si on ne l’a jamais rencontré.

P

atrick Pauvert, qui l’a bien connu, nous parle de lui comme peut le faire un témoin véritable. Ce soir, c’est Fernand Guériff, le musicien, que Patrick Pauvert nous présente, sans oublier de nous parler de ses livres. Le diaporama se déroule, nous écoutons son commentaire. La vie de Fernand Guériff, que nous avons lue, ou entendue, défile devant nous. On comprend mieux qui était cet homme, qui a laissé une telle empreinte à Saint-Nazaire. Patrick Pauvert, inlassable, nous le montre jouant du violon, puis auprès de ses élèves, devant un orchestre qu’il dirige et dont Patrick Pauvert connait tous les exécutants. On le voit en compagnie de Jean Gauffriau, dont Patrick nous parlera ensuite, son ami et collègue à l’école de musique. Tous les deux ont écrit une « Théorie de la musique ». Fernand Guériff, passionné, a non seulement harmonisé d’anciens chants, il a aussi mis en musique des poèmes de René-Guy Cadou, il a composé des mélodies pour son neveu, Christophe Le Paludier, chanteur professionnel et détenteur de prix du conservatoire. Lorsque la date de 1969 apparait, la Présidente de l’APHRN prend la parole. C’est cette année-là que Fernand Guériff a fondé l’Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne. Christiane Marchocki en fait l’historique, du temps des pionniers aux temps modernes, œuvre qui perdure encore. Elle parle aussi de l’homme de lettres qu’il était.

Patrick Pauvert évoque, ensuite, une autre figure de la musique à Saint-Nazaire, Jean Gauffriau, ancien directeur de l’école de musique, musicien, compositeur, hamonisateur, lauréat de plusieurs concours de composition musicale, qui, lui aussi, a transmis sa passion à plusieurs générations d’élèves. Le conférencier nous présente, pour illustrer, musicalement, cette soirée, l’ensemble vocal qui l’accompagne « Pays Blanc, Pays Noir » et nous écoutons, avec plaisir, des chants collectés par Fernand Guériff, successivement : « La guillorée », mélodie de La Turballe, « La fille aux oranges », mélodie de la Brière, « Mon frère a fait bâtir maison », « Sur la route Louviers », version locale. Patrick Pauvert conclut la soirée. C’est le moment, pour les personnes présentes, de se retrouver, ou de nouer connaissance. Et si une rue de Saint-Nazaire portait le nom de Fernand Guériff ?

Christiane Marchocki Ci-dessus, le groupe « Pays Blanc, Pays Noir » illustre, musicalement, la conférence de Patrick Pauvert. (Photo Geneviève Terrien)

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À LIVRE OUVERT

Le chemin de fer de Saint-Nazaire au Croisic et à Guérande

Histoires de femmes d’ici et d’ailleurs

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istoires de femmes d’ici et d’ailleurs, oui, par conséquent, histoires d’hommes. Ce sont nos pulsions qui sous-tendent ces récits. Ces sentiments passionnels, violents, qui conduisent, souvent, à la vengeance ou au désespoir. La narration subtile nous entraîne dans ce domaine que l’on cache et conserve, jalousement, en son esprit. Actions inavouables. Impardonnables. Crimes non expiés, qualifiés de « parfaits ». Ici, nous frôlons le roman policier, dont les enquêtes seraient laxistes, les faits incertains. Nous soupçonnons le coupable, en filigrane, sans véritables preuves. Il s’échappe et s’abrite avec la complicité, parfois, des règles sociales. Tout est suggéré, tout est décrit de l’extérieur. Nous ne voyons que les apparences. Toujours, nous sommes imprégnés de l’atmosphère locale : les paysages, le temps ensoleillé ou pluvieux. Souvent pluvieux. L’auteur, Gérard Kirion, nous promène à Venise, en Afrique, en Guyane, en France, où il nous ramène toujours. Nous descendons alors la vallée de la Loire, puis, nous longeons son estuaire. Nous respirons l’air océanique. Les ciels s’obscurcissent de nuages nés en Atlantique. Nous aimons cette pluie

qui enferme chacun, voile le paysage, comme les personnages masquent leur passion. C’est un monde de crimes impunis, inaperçus, ordinaires, de lâchetés coupables, que vous découvrirez. Des gestes qui semblent à la portée de beaucoup, sorte de vie souterraine. Lorsqu’on commence à lire ces neuf récits, on ne peut pas les interrompre. On s’efforce d’atteindre et pénétrer une réalité dissimulée. C’est au spectateur de conclure. En même temps, on est bercé par une certaine poésie, évocatrice de la sérénité. Ce livre diffuse, à longueur de pages, un moment agréable. Pour le lecteur potentiel, on peut tout résumer en un seul mot : plaisir.

Christiane Marchocki Histoires de femmes d’ici et d’ailleurs Gérard Kirion En vente à la librairie « L’Esprit Large », à Guérande Prix : 13 €

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C’est un ouvrage dense et clair que celui qu’a édité Jean-Pierre Nennig, intitulé : « Les chemins de fer de Saint-Nazaire au Croisic et à Guérande » de 1865 à nos jours. Tous les aspects sont abordés. Depuis l’état des lieux et des projets envisagés, en passant par les personnalités marquantes qui ont créé ce réseau, jusqu’aux gares, constructions et inaugurations, différents accidents. Tout ce qui a trait à cette ligne de chemin de fer est pris en compte. C’est un véritable document qui peut intéresser tout passionné par ce sujet, ou étudiant préparant un diplôme, ou simplement un curieux avide de connaissance. Cet ouvrage de référence est abondamment illustré de tableaux, cartes et graphiques, photocopies de correspondance, de certificats, d’extraits de lois, de photographies d’époque. Celles des pages 139-140 sont de véritables documents historiques ayant trait à la guerre de 1914-1918 , sans compter des planches en couleurs de facture moderne qui montre une continuité. C’est un pan de notre histoire locale que Jean-Pierre Nennig a concrétisé. Le récit sobre de différents accidents est particulièrement parlant : page 187-188, celui du 19-2-1945 vers 7 h 30, le train en provenance du Croisic heurte deux wagons à la dérive après Saint-André des Eaux. L’occupant croit à un sabotage, par la suite il exige la présence de cinq otages pour bouclier humain. Cette lecture peut raviver bien des images chez certains et stimuler l’imagination chez d’autres.


Revoir ces locomotives à vapeur, si impressionnantes lorsqu’elles entraient en gare, déployant toute leur puissance, à grand bruit et halètements, marquant l’air de leur panache, rappelle le temps révolu. Ce sont les ancêtres éloignés de notre TGV. Tout se tient.

Christiane Marchocki

Le canton du Croisic vu du ciel

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Le chemin de fer de Saint-Nazaire au Croisic et à Guérande, de 1865 à nos jours Jean-Pierre Nennig En vente à la librairie « Gweladenn », à Saint-Nazaire

l est plusieurs manières de visiter une région. Selon le mode déplacement, notre vision mentale varie. Même si le passé évoqué ne change pas, pas plus que les toponymes qui en sont la trace. Rares sont les curieux qui vont à la découverte, en pilotant un ULM. Et pourtant, l’altitude parait faible et le panorama n’est pas noyé jusqu’à l’horizon, mais, cependant, elle est suffisante pour dominer le paysage et avoir cette vue d’ensemble qui échappe lorsqu’on est « à pied, à cheval, ou en voiture », le mieux adapté étant peut-être la bicyclette. Patrick Lescaudron, lui, se promène en ULM. Il prend de magnifiques photos qui apportent une autre compréhension de notre environnement. Il en fait un recueil complété par des textes. Si vous désirez connaître l’essentiel de l’origine des noms, l’histoire des salines, si vous recherchez des repères historiques, consultez « Le canton du Croisic vu du ciel ».

Et, si vous pensez bien connaître ce qui vous est familier : Le Croisic, Le Pouliguen, Batz sur Mer, vous réaliserez que vous n’imaginiez pas ce que sont les ports, les plages, les sculptures vues d’en haut. Vous verrez à la fois la transparence de l’eau, le dessin des plages, la végétation et l’architecture des villas. Désormais, lorsque vous vous promènerez en terrien, vous aurez en tête une synthèse de ce qui est près de vous.

Christiane Marchocki Le canton du Croisic vu du ciel Patrick Lescaudron En vente dans toutes les librairies de la presqu’île et chez l’éditeur Almathée, à Nantes : www.editions-amalthee.com Tél : 02 40 75 60 78

Prix : 14,90 €

Prix : 22 €

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Au coeur de la Vendée historique Sortie à la journée du dimanche 28 septembre 2014

André Dubreuil

SORTIES CULTURELLES

37 adhérents se sont retrouvés pour cette sortie d’automne, organisée par Nicole Bonnaud.

les casemates, les réserves, une forge, une charbonnière… et même l’autel de fortune où les prêtres réfractaires célébraient clandestinement l’office et dispensaient les sacrements. Imaginons le vent glacial siffler à travers les brandes, les effets audio nous y invitent. Notre guide recrée le contexte. Un court-métrage sur l’installation d’une famille de Chouans dans le camp complète la visite sur le terrain. Il est temps de se diriger à l’orée de la Chabotterie pour retrouver au restaurant un confort qui contraste avec ce que nous venons de ressentir.

D

urant le trajet, la présidente Christiane Marchocki nous met dans le vif de la polémique historique de la guerre de Vendée avec les mots frappants de génocide1 ou de mémoricide, néologisme emprunté à l’ouvrage très documenté, mais controversé de Reynald Seicher. Le nombre des morts est difficile à estimer2, en tout cas, les pertes sont considérables, tant du côté des blancs, d’abord dans les rangs de l’Armée Catholique et Royale, puis ensuite dans le peuple vendéen lui-même, que du côté des bleus, des soldats de l’armée républicaine envoyée en répression contre le peuple révolté. Rappelons les trois principales causes à l’origine des soulèvements, le durcissement de l’application au second semestre 1792 de la Constitution Civile du Clergé conduisant les prêtres réfractaires à exercer leur culte à l’insu des autorités locales au risque de leur vie, la condamnation et l’exécution de Louis XVI en janvier 1793 par le Tribunal Révolutionnaire du Comité de Salut Public au début de ces années qu’on surnommât de la Terreur et pour finir la levée en masse si impopulaire du 23 février 1793 des 300 000 hommes réclamés par la République pour l’extension de la guerre en dehors de nos frontières. Des soulèvements en divers points du pays sont rapidement maîtrisés par le gouvernement des Girondins, mais les révoltes paysannes de Vendée, d’Anjou et de Mayenne, formées en armées et conduites par des chefs issus de l’ancienne noblesse, par leur importance ont pris le pas sur les armées locales. Les Vendéens se rendent en quelques mois de mars à octobre 1793 rapidement maître des villes de Saumur, Saint-Philbert-de-GrandLieu, Machecoul, Chemillé et Cholet, et plus au Sud Clisson, Parthenay et la

1 - Terme inventé en 1943 par Lemkin pour désigner en droit international le type de crime commis contre une population de même origine ethnique. 2 - 200 000 morts selon l’article sur la guerre de Vendée sur Wikipedia.

Notre première halte au refuge de Grasla, au cœur d’une forêt de 600 ha, aux Brouzils, nous met en situation. C’est là au milieu des châtaigniers, des chênes et des charmes l’une des caches principales du général de Charrette. Nous sommes dans les rigueurs de l’hiver entre novembre 1793 et janvier 1794. Les colonnes infernales de Turreau et de Haxo3 avancent imperturbablement, ratissent et sèment la terreur dans la région entre janvier et mai, mais ne trouvent pas ce refuge. C’est le général Ferrand qui découvre les centaines de huttes du refuge de Grasla en juillet 1794 et dont le récit de la découverte nous est conservé, mais celles-ci avaient été désertées bien avant son arrivée. Le village a pu abriter jusqu’à deux mille personnes. Les reconstitutions montrent les différents aspects de l’organisation de la vie quotidienne, le puits, le lavoir,

L’après-midi est consacré à la visite de l’Historial de la Vendée, dans un bâtiment à la toiture végétalisée intégré au paysage de la vallée de la Boulogne et ouvert au public depuis 2006. Haut lieu des guerres de Vendée, si l’on repense au massacre qui eut lieu à quelques centaines de mètres dans l’église du Petit Luc au cours d’une nuit de février 1794, après la suite de revers qui se succèdent à la suite du désastre de la virée de Galerne soldée au retour par la grande défaite de Savenay en décembre 1793. Le prêtre de l’église du Grand Luc absent ce jour-là a pu nous raconter ce qu’il trouva à son retour et dresser la liste des défunts. L’église du Petit Luc fut incendiée avec la population, femmes et enfants, personnes âgées, qui avaient voulu y trouver refuge 4. Une chapelle commémorative dite chapelle des Martyrs fut reconstruite en lieu de l’église primitive et plus près de nous le Mémorial de la Vendée, inauguré en présence de Soljenitsyne en 1993 au moment du bicentenaire de ces tristes événements. Nous nous divisons en deux groupes, les uns pour une visite libre à travers les salles et les siècles, les autres pour suivre la visite guidée dans la salle réservée aux Guerres de Vendée. Là, peinture et sculpture rassemblent les héros de ces guerres, notamment François-Athanase de Charrette de la Contrie, Louis-François Ripault de la Cathelinière, Henri de la Rochejaquelein, le marquis Charles de Bonchamps ou le

3 - Le général Louis Marie Turreau en conduit 11, tandis que le général Nicolas Haxo en conduit 8.

4 - En tout 564 personnes, dont la liste des noms est inscrite dans la chapelle.

Hutte, dans la forêt de Grasla (Photo Dominique Sénéchal)

Châtaigneraie. Le gouvernement envoie des renforts, l’armée des Mayençais, conduite par les généraux Kléber et Haxo, pour mater les insurgés avec des consignes avouées ou inavouées, traquer les chefs et faire place nette.

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Le groupe de l’APHRN, à l’entré du Refuge de Grasla (Photo Sandrine Dugas - Refuge de Grasla)

généralissime Cathelineau de plus humble origine, sollicité pour prendre la tête du mouvement et dont le regard sur la peinture de Jean-Hubert Sauzeau (1900) est plus qu’hésitant. Un mot également sur Jean-Nicolas Stofflet, fils de meunier et qui fut l’un des derniers chefs vendéens à résister5. Nous nous arrêtons sur l’épisode du passage de la Loire le 18 octobre 1794 au gué de Saint-Florent-le-Vieil, début de la virée de Galerne : un petit tableau nous décrit les détails de la traversée de l’armée, on y voit sur une embarcation le général Lescure alité sous un drap blanc, blessé la veille à la bataille de Cholet6. Une peinture haute en couleur de Thomas Degeorge (1786-1854) nous montre les derniers instants du général Bonchamps, qui blessé à mort lors de la même bataille, dans un grand geste généreux, tend de sa main la demande écrite de gracier les prisonniers républicains (au nombre de quatre ou cinq mille), qu’on allait fusiller. Il décèdera le soir même. L’épopée se termine à Granville le 14 novembre 1794 : un tableau de Jean-François Hue (1800) nous montre 5 - Stofflet est fusillé le 25 février 1796 à Angers, un mois avant la capture de Charrette. 6 - Une peinture plus connue de Jules Girardet (1882) du même épisode se trouve au musée Birkenhead. Lescure mourra des suites de ses blessures le 3 novembre après la bataille de Fougères.

la ville en proie à l’incendie allumé par les blancs qui attendent l’arrivée d’une armée en provenance d’Angleterre qui ne viendra pas. Après le désespoir, ce sont les pertes humaines qui s’enchaînent lors du retour et bientôt l’anéantissement de l’armée des blancs. Plus de huit mille prisonniers arrivent à Nantes en décembre 1794. On connaît la suite ; après un début

À l’Historial de la Vendée, nous écoutons, avec beaucoup d’attention, les explications de notre guide (Photo Dominique Sénéchal)

d’épidémie de typhus, Jean-Baptiste Carrier organise les fameuses noyades. Il faudrait sans doute une bonne journée pour découvrir tous les trésors culturels que renferment les différentes salles du musée. Une promenade en hélicoptère d’une dizaine de minutes permet de s’initier à l’archéologie aérienne de la Vendée, on y remarque notamment des emplacements de villa gallo-romaine, de mottes féodales et les anciens marais salants de l’Aiguillon. Il est possible de s’initier à la numismatique avec des écrans interactifs où l’on apprend à distinguer le bronze et le potin. Certains recopient une recette de sanglier bouilli à l’eau de mer avec des branches de laurier, donnée par Apicius, sans doute pour en tester la saveur à l’occasion ! La salle sur le dix-septième siècle n’est pas dénuée d’intérêts. Outre les différents ouvrages anciens que l’on découvre en soulevant un à un les coffres de marine, nous suivons les pas du Cardinal de Richelieu dans une salle richement décorée de hautes tentures, dites tapisseries de la Court d’Aron et qui sont une rare réplique du Triomphe des Dieux. Dans cette époque où les guerres de Religion battent leur plein, on découvrira au hasard des notes de l’exposition non sans une certaine surprise que les principales villes de la Réforme

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de la Vendée sont devenues plus tard les principaux bastions de la contre-révolution des Vendéens !

relatée par Pierre-Suzanne Lucas de la Championnière9. Les 600 hommes de sa troupe logeaient dans les bâtiments

Nous reprenons la route du retour et quittons les Lucs-sur-Boulogne pour gagner Touvois et Machecoul, quartier général de Charrette7 dès mars 1793, assiégée et reprise quatre fois avant que la ville ne devienne pour finir à partir de septembre de la même année un camp avancé des bleus. Entre Touvois et Machecoul, nous aurions pu nous arrêter au Val de Morière8, où il n’y a du reste plus rien à voir, puisque l’abbaye des sœurs fontevristes qui s’y trouvait bâtie depuis le XIIe siècle, disparut dans les flammes la nuit du 16 janvier 1794. Arrivé le 14 janvier, Charrette s’y faisait soigner à l’infirmerie du couvent une sévère blessure par balle au bras, blessure contractée le 11 lors de la bataille de Grasla (en lisière de notre forêt refuge), bataille

9 - Je vous livre ici le récit en question, un récit qui s’anime d’autant plus que nous venons d’en parcourir ensemble les lieux : « Nous aurions pu rester longtemps dans la forêt de Grala sans être découverts ; une colonne vint à passer au Bourg des Brouzils et sur le rapport de sa faiblesse, nous courûmes l’attaquer. La queue de la colonne prit la fuite, et nos soldats de poursuivre les fuyards pour avoir leurs dépouilles, mais un peloton embusqué dans un taillis faisait un feu terrible ; le Général à pied marcha à l’endroit le plus dangereux et reçut une balle au bras près de l’épaule. La déroute fut complète et l’épaisseur de la forêt ne put nous garantir ; nous fûmes poursuivis fort au-delà. J’ai vu M. Charette au moment qu’il fut frappé : il ne parut nullement affecté et peu de gens s’aperçurent de ce qui venait d’arriver ; il donna même quelques ordres pour s’opposer à l’entrée des ennemis dans la forêt, mais ce fut en vain. M. Joly se jeta en avant des fuyards et jura de brûler la cervelle à celui qui passerait outre. Sa menace ne faisant point d’effet, il tua en effet un homme qui refusait de lui obéir, mais malgré tout il fut obligé de céder au torrent. Les mauvais chemins empêchèrent la cavalerie de nous poursuivre plus longtemps. Nous nous retirâmes à Saint-Christophe-la-Chartreuse. Le lendemain nous étions cachés dans les bois de Grammont ; deux colonnes républicaines passèrent de droite et de gauche du bois et nous eûmes le bonheur de n’être pas aperçus. Une heure après notre cavalerie arrêta un convoi de foin qui suivait les détachemens2. » Mémoires d’un officier vendéen, Pierre-Suzanne Lucas de La Championnière, p.71-72.

7 - Charrette résidait au manoir dit la Vieille Fonteclose en la Garnache, à une douzaine de kilomètres au sud de Machecoul. Les insurgés de Machecoul viennent l’y chercher le 27 mars 1793. 8 - Le Val de Morière se situe à 3 km au nord de Touvois, au carrefour de la D65 et de la D72.

annexes. Suite à une dénonciation, les troupes cantonnées à Machecoul s’y rendent en pleine nuit pour le saisir. Des espions de Machecoul sont cependant plus rapides et permettent la fuite. Les bleus ne trouvent à leur arrivée vers deux heures du matin à l’abbaye que les neuf religieuses. Elles seront violentées et massacrées, ainsi que la maigre population alentour. Les bâtiments sont tous incendiés. Il ne reste de l’église de l’abbaye que le bénitier qui a été déplacé depuis en l’église de Fréligné, à l’ouest de Touvois. La traque de Charrette s’arrêtera le 23 mars 1796 dans les bois de la Chabotterie et ce dernier sera fusillé six jours plus tard le 29 mars 1796 à Nantes place Viarme. Nous en avons tous vu le masque mortuaire qui servit à attester de sa mort à l’Historial de Vendée.

André Dubreuil

Les sorties culturelles APHRN de printemps 2015 ◊

Vendredi 27 mars 2015

Sortie à la journée, en autocar, visite du centre historique de Rennes

Vendredi 22 mai 2015 (après-midi)

Sortie à la demi-journée, visite du Musée des Marais Salants, de Batz-sur-Mer Retenez ces deux dates sur vos agendas.

Rectifications Deux auteurs nous demandent de publier les rectifications suivantes, suite à deux articles parus dans le numéro 81 d’HISTOIRE & PATRIMOINE (juillet 2014). Saint-Nazaire, 1857-1955 - Une gare au coeur de la ville Page 19, 1

ère

colonne :

Lors de la dernière guerre, Hitler n’est jamais venu dans la région de Saint-Nazaire. Lors de son seul voyage en chemin de fer en France, au retour de la frontière espagnole, il s’arrête le 24 octobre 1940 à Montoir-surle Loir, proche de Blois. J.P. Nennig

L’Oracle de la fleur merveilleuse Page 129, 3ème colonne :

Dans le n° 81 de la revue Histoire & Patrimoine, je tentais d’éclairer ce petit conte : L’Oracle de la Fleur Merveilleuse, paru en 1933 dans l’Almanach Paroissiale d’Herbignac. Dans l’Oracle, le Mage au nombre 21 du signe du Carreau, réservait ce que je qualifiais ironiquement de formidable réponse. La réponse en question était : « Vous verrez Troyes, Foix, Sète ». Pour moi la ville de Troyes ne pouvait évoquer que la cité champenoise. En fait, j’avais tort, ainsi que je le découvris par hasard il y a quelques mois. Il existe non loin de Foix la petite cité de Troye-d’Ariège, ancienne Troye. Le triangle évoqué par l’auteur anonyme de L’Oracle de la Fleur Merveilleuse devient à présent réaliste. Et, qui sait, cet auteur avait peut-être quelque raison d’évoquer ce triangle géographique apparemment bien anonyme. M. Barbot

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L’art du vitrail et la passion du rail Sortie à la demi-journée du vendredi 17 octobre 2014 Ce jour-là, vendredi 17 octobre 2014 nous avons participé à deux visites fort différentes et écouté deux exposés. Ce sont deux illustrations de notre histoire locale. L’une dans un domaine artistique bien particulier, qui compte peu d’initiés, l’autre dans le domaine technique dont chacun use sans trop se préoccuper de son fonctionnement.

N

ous nous sommes retrouvés, nombreux, devant l’atelier de Pascal Bouchard, maître verrier, n° 18 rue Monchicourt à La Baule. Dès l’entrée, nous fûmes surpris. On sent que l’on pénètre ici dans un lieu particulier, rare et beau. Des couleurs, des transparences nous sautent aux yeux dans un grand désordre apparent. Chacun admire le plafond : une verrière illuminée de soleil diffuse toutes ses teintes. Elle nous enchante. Nous suivons du regard les courbes des dessins. C’est bien le cas de le dire, nous marchons le regard tourné vers le ciel. Pascal Bouchard prend la parole. Infatigable, il nous parle des vitraux, de leur origine, de la découverte du verre, de tous les procédés possibles. Encore un savoir auquel on peut consacrer sa vie sans se lasser. C’est ce qu’a choisi Pascal Bouchard. Bien vite, nous comprenons que la technique et l’adresse ne suffisent pas pour aboutir à l’œuvre parfaite. Le sens artistique est nécessaire. Il faut la sensibilité du peintre, et, surtout, ce sentiment de recherche de l’idéal et ce goût de capter la lumière, car c’est la lumière, qui, après l’artiste fait vivre l’œuvre. Il s’agit donc de l’apprivoiser. Nous apprenons comment il vint à l’esprit des hommes de fabriquer du verre. Bien avant Jésus Christ, les nomades du désert de Syrie, qui faisaient régulièrement du feu, remarquèrent dans les cendres une masse vitreuse. Ceci se produit si le mélange comprend deux tiers de potasse et un tiers de silice. Restait à exploiter cette propriété naturelle. Les vitraux s’imposèrent. Ils parent la nef d’une cathédrale ou un espace restreint. Ils sont une présence. Ils donnent une atmosphère à l’air ambiant. Le plus précieux est le verre plaqué, en

dernier, le verre imprimé. On utilisait le marbre ou des pierres semi-précieuses pour maintenir les différents éléments. Actuellement, on les encastre dans du plomb malgré les risques de saturnisme qui en découlent. Ceci demande une grande précision au demi-millimètre près. Si on ajoute qu’il existe un symbolisme du vitrail, on comprend la passion qui anime notre orateur. Impossible de tout retenir, c’est une longue conférence que nous écoutons. Pascal Bouchard sait si bien capter notre attention, nous l’écouterions pendant des heures, que plusieurs adhérents envisagent de faire un stage dans son atelier, ce qui est possible. Il suffit de s’inscrire et ils réaliseront euxmêmes leur œuvre. Avec regret, nous le quittons nous promettant de revenir, car nous n’avons qu’effleuré ce trop vaste domaine. Changement radical de décor. Jean-Pierre Nennig nous accueille dans l’ancienne gare de Saint-André des Eaux. Il nous semble pénétrer dans un grand jouet. Quel dommage que notre moyenne d’âge soit élevée ! Voilà qui plairait aux petits enfants et petits neveux, et même aux grands-pères. Qui joue avec le train électrique arrivé avec le Père Noel ? Ne plaisantons pas. Ici, tout est sérieux. Un réseau complet de rails traverse un décor entièrement restitué, à l’échelle, comme on dit. Un tableau électronique bien compliqué, mis au point par un professionnel des chemins de fer, permet de mettre les locomotives en marche. Et tous les trains, absolument pas fantaisistes, mais authentiques, en miniature, sillonnent la campagne, passent les ponts, s’arrêtent quand il le faut,

repartent, les passages à niveau s’abaissent, se relèvent, les feux rouges deviennent verts. C’est la vie du rail. C’est le résultat du travail de gens passionnés. Pendant que tout cela circule, Jean-Pierre Nennig qui connait parfaitement le sujet, au point d’écrire des livres, nous narre un point d’histoire locale. Cette gare existait du temps des compagnies privées. En 1938, la SNCF les rassemble et prend le monopole du réseau ferroviaire. Cette gare où nous nous trouvons desservait Saint-André des Eaux et n’avait qu’une seule voie. Elle est située sur la ligne qui va de Saint-Nazaire au Croisic avec un embranchement à Guérande, disparu de nos jours. Pendant la guerre de 1939-1945, cette petite gare, par les bons soins de l’occupant, devient un blockhaus. En 1961, le blockhaus redevient une gare. Elle rendra de bons et loyaux services jusqu’à l’électrification, en 1987. Les trains circulent encore, mais, sans s’y arrêter. Le TGV s’implante. Cette ligne est abandonnée. Ce petit bâtiment appartient toujours à la SNCF. Désormais, trente amateurs ou plutôt trente connaisseurs entretiennent cet ensemble. Ils sont présents tous les mercredis et samedis après-midi pour le plaisir et la curiosité du public. Voici une idée de sortie. Il est possible pour les petits et les grands de poser toutes les questions qu’il leur plaira. Des spécialistes leur répondront, le plus sérieusement du monde. Grâce à eux, il est possible d’apprendre non seulement l’histoire du rail, en réalité très complexe, mais aussi un aspect de l’histoire locale.

Christiane Marchocki Photos Geneviève Terrien

janvier 2015 — Histoire & Patrimoine n° 82 —

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SORTIES CULTURELLES

Christiane Marchocki


A . P. H . R . N

Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr.nf - Tél. 06 62 58 17 40

Conseil de Direction de l’APHRN (après Assemblée Générale du 1er février 2013)

Présidente d’honneur Jacqueline Guériff Présidente Christiane Marchocki Vice-présidente Geneviève Terrien Trésorière Annick Montassier Secrétaire général (qui cumule les fonctions de contrôleur aux comptes)

Tanguy Sénéchal Secrétaire adjointe Jocelyne Le Borgne Conseillère (Responsable des sorties) Nicole Bonnaud Conseiller Jean-Pierre Coquard Conseiller André Dubreuil Conseiller Josick Lancien

Revue HISTOIRE & PATRIMOINE Responsables de diffusion : pour Saint-Nazaire et sa région Geneviève Terrien Tél. 06 78 91 77 18 pour Guérande et sa région Christiane Marchocki Tél. 06 62 58 17 40

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Remerciements aux photographes et collectionneurs qui nous ont fourni des illustrations. Merci, également, aux membres du Conseil de Direction de l’APHRN qui ont activement contribué à l’élaboration de ce numéro, réalisé de manière entièrement bénévole.

Les articles sont publiés sous l’entière responsabilité et propriété de leurs auteurs. La publication partielle, ou totale, des articles et illustrations parus dans HISTOIRE & PATRIMOINE est interdite.

Illustration : Pendant le mini-concert de l’ensemble vocal « Pays Blanc, Pays Noir », lors de la soirée pour la parution du hors-série « Hommage à Fernand Guériff »

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Vitrail réalisé par Pascal Bouchard, maître verrier à La Baule Photo Alain Silhol


Impression Saint-Nazaire Associations - Réalisation Tanguy Sénéchal

1880, Pornichet : la pointe du Bec. Au fond, l’îlot « la Pierre percée ».

HISTOIRE & PATRIMOINE n° 82 - janvier 2015 - 15 €

A.P.H.R.N - Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne Agora (boîte n° 4) - 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire Courriel : aphrn.asso@gmail.com - Site internet : http://aphrn.fr.nf ISSN : 2116-8415

ISSN : 2116-8415

Dessin de Marie Cheynier, femme de Marie-Antoine de la Perrière, l’ingénieur qui a construit la ligne de chemin de fer de Saint-Nazaire au Croisic.


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