HISTOIRE & PATRIMOINE ASSOCIATION PRÉHISTORIQUE ET HIS TORIQUE DE LA RÉGION NAZAIRIENNE
L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise
Pays Blanc, Pays Noir 35 ans de chansons traditionnelles de la presqu’île
Le jumelage Saint-Nazaire Sunderland
Une adolescence dans les baraques du Pertuischaud
Moulins et meuniers 1861, la fièvre jaune Un poilu à Mesquer débarque de Saint-Molf au XVIIe siècle à Saint-Nazaire Mort pour la France A.P. H.R.N - n° 83 - avril 2015 - 10 €
Le Vieux Môle de Saint-Nazaire Photo Tanguy Sénéchal
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Éditorial
idèle au projet de parution trimestrielle, annoncé dans l’éditorial du n° 82, de janvier 2015, d’HISTOIRE et PATRIMOINE, ce numéro 83, que vous avez en mains, daté d’avril, est, donc, le second de l’année, en attendant le troisième, qui sortira en juillet. Notre revue innove toujours, numéro après numéro. Dans cette nouvelle livraison, vous avez, certainement, remarqué, en première de couverture, la présence des médaillons, qui attireront, désormais, l’attention du lecteur sur plusieurs articles de la revue. Bien des lecteurs se reconnaîtront dans le présent numéro. Sur certaines photos de classes des écoles de la ville, dans les années 50, mais aussi parmi celles et ceux ceux qui sont allés à Sunderland, lors des débuts du jumelage avec Saint-Nazaire, à la même époque. D’autres se souviendront des débuts de l’ensemble vocal « Pays Blanc Pays Noir », qui, trente-cinq ans après sa création, par Fernand Guériff et Patrick Pauvert, remporte toujours autant de succès. Ville portuaire par excellence, les sujets maritimes exposés ne manquent pas d’intérêt. L’histoire prend bien des formes. La vie est, décidément, rugueuse, de bien des manières, qu’il s’agisse des conflits de 19141918, ou de 1939-1945. Il existe une guerre différente, celle que l’on mène contre les épidémies, contre ce monde invisible qui tue, celui des virus. L’épidémie de fièvre jaune, en 1861, fut une lourde épreuve pour Saint-Nazaire. Il est passionnant de découvrir la progression des moyens de défense dont on disposait et on devine l’état d’esprit qui régnait alors. Cet article, rédigé par un médecin, est un document précieux. Il existait, tout de même, des occasions de se défouler, dirait-on maintenant. Un moment d’oubli : il suffisait d’organiser un match, une partie de soule. On ne se contentait pas d’encourager les joueurs avec passion, on participait, on s’en mêlait pour de bon. Le compte rendu de cet affrontement, Crossac contre Montoir, au XVIe siècle, est épique mais, aussi, tragique. Les moulins du XVIIe siècle, à Mesquer, évoquent le travail et les familles de meuniers. C’est une véritable généalogie, fruit d’une recherche assidue. Pour finir sur une note rafraîchissante, cet ancien élève du petit séminaire de Guérande nous offre un grand réconfort en nous évoquant ses jeunes années de collégien. Récit tendre, gentiment moqueur et fidèle à la fois. Les internats privés, ou laïcs, avaient bien des points communs. Imprégnés de bons principes, filles et garçons emmenés en promenade, autrefois, suivaient des parcours soigneusement différents. Ils ne s’entrapercevaient pas. Les surveillants, qu’ils portaient, ou non, l’habit ecclésiastique, étaient impressionnants : « Silence dans les rangs !» Que les lecteurs se rassurent. Les temps ont changé. Il n’y aura pas « interro écrite »... Christiane Marchocki Présidente de l’APHRN
Ci-dessus : Photo Tanguy Sénéchal Première de couverture : Le groupe vocal Pays Blanc, Pays Noir, sur la plage de Saint-Nazaire, devant
le monument aux Américains, en 2012. (Photo Jean-Charles Pauvert)
Histoire & Patrimoine n° 83 — avril 2015
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A . P. H . R . N
Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne
Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr.nf - Tél. 06 62 58 17 40 HISTOIRE & PATRIMOINE n° 83 - avril 2015 Editeur : A.P.H.R.N Directrice de la publication : Christiane Marchocki Maquette/Mise en page : Tanguy Sénéchal Impression : Pixartprinting Dépôt légal : 2ème trimestre 2015 N° ISSN : 2116-8415 Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145
Contribuez à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE Vous vous intéressez à l’histoire, et, en particulier, à l’histoire de notre région ? Vous souhaitez apporter votre témoignage sur une époque, aujourd’hui révolue ? Vous possédez des documents, ou objets, anciens (écrits, photos, dessins, peintures, tableaux, sculptures, objets divers), qui pourraient faire l’objet d’une publication ? Vous aimez écrire, raconter, transmettre, ce qui vous intéresse, ou vous tient à coeur, et qui a trait à l’histoire locale ? L’APHRN vous propose de publier vos écrits, ou documents, ou de transcrire vos témoignages, dans la revue HISTOIRE & PATRIMOINE. Téléphonez-nous, au 06 62 58 17 40, ou écrivez-nous, à l’adresse ci-dessous, ou, tout simplement, adressez-nous, directement, votre texte, sous forme numérique. Vos propositions seront examinées avec la plus grande attention et soumises au conseil de direction de l’APHRN, qui vous répondra dans un délai d’un mois, maximum. Adresse électronique : aphrn.asso@gmail.com - Adresse postale : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire
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SOMMAIRE HISTOIRE & PATRIMOINE n° 83 — avril 2015
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Éditorial
Christiane Marchocki 04
Pays Blanc, Pays Noir - 35 ans de chansons traditionnelles de la presqu’île Patrick Pauvert
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Le jumelage Saint-Nazaire/Sunderland et les premiers échanges scolaires Daniel Sauvaget
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Mémoires d’une enfant de la guerre (Partie 1.2) Michelle Speich
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L’épidémie de fièvre jaune de Saint-Nazaire, en 1861 Bernard Hillemand
48
La partie de soule, entre Crossac et Montoir, du 27 décembre 1529, et sa suite tragique Alain Gallicé et Jean-Pierre Coquard
57
Un poilu de Saint-Molf, Mort pour la France Jean-François Kusina
63
Guérande, 1962-1966 - Souvenirs d’un petit séminariste (3e partie) Gérard Olivaud
70
Moulins et meuniers, à Mesquer, au XVIIe siècle Jocelyne Le Borgne
74
Journal d’un aumônier breton - 1850 (14e partie)
Christiane Marchocki 76
La maquette « NOTRE DAMME DAMOUR » de Quelven
Jean-Yves Le Lan 83 L’HISTOIRE et L’IMAGINAIRE 83 - De la pêche aux coquillages et de ses à-côtés - Christiane Marchocki 86 LA REVUE et VOUS 86 - « La Toulonnaise » (complément à l’article paru dans HISTOIRE & PATRIMOINE n° 82) - Christiane Marchocki 87 ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI 87 - René-Yves Creston - Un artiste breton en quête d’altérité (1898-1964) - Jonathan Tapin 88 - 70e anniversaire de la libération de la Poche de Saint-Nazaire - Jérémy Bourdon 90 À LIVRE OUVERT 90 - Nobles en Bretagne 91 - Et la lumière fut 92 L’ASSOCIATION
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Pays Blanc, Pays Noir 35 ans de chansons traditionnelles de la presqu’île Patrick Pauvert C’est à Fernand Guériff, musicien, compositeur, historien, ethnologue, que nous devons l’existence de l’ensemble vocal Pays Blanc Pays Noir. La genèse
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epuis 1952, Fernand Guériff était membre de la société de mythologie française. En avril 1979, en tant que vice-président il organise à Saint-Nazaire le congrès annuel de la société. Il demande à son ancien élève, Patrick Pauvert, chef de chœur de réunir deux sopranes, deux alti, deux ténors et deux basses pour interpréter au cours d’un moment récréatif du congrès des chansons populaires du pays guérandais qu’il harmonise pour la circonstance. Les chansons remportent un vif succès. Les congressistes sont sous le charme, ainsi que les chanteurs qui demandent à Fernand Guériff s’il détient d’autres chansons traditionnelles du pays. « Plus d’un millier » répondra Fernand Guériff, toutes recueillies par moi-même et mon ami Gaston Le Floch depuis une cinquantaine d’années.
Le rôle et l’influence de Fernand Guériff Ainsi naît une nouvelle chorale que Fernand Guériff lui-même dénomme Pays Blanc Pays Noir : blanc comme le sel de Guérande, noir comme la tourbe de Brière. Patrick Pauvert en est le président. Fernand Guériff, ancien élève de Marcel Dupré, qui avait décelé en lui l’harmoniste
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né, se met à la tâche. Il harmonise parfois cinq chansons en une nuit. Marie-Cécile Pauvert et Marie-Annick Pauvert sont les sopranes, Annick et Bernadette Pauvert, les alti, Claude Carré et Bernard Le Roy, les ténors, Patrick Boucard et Patrick Pauvert, les basses. Pour un meilleur équilibre entre les
voix, le groupe recrute une soprane : Marie-Bernadette Blanchet et une alto : Catherine Carré. Bernard Pauvert est au piano ou à l’orgue selon l’écriture musicale. Le but de l’association est de faire revivre la chanson locale. Toute l’histoire du pays se retrouve dans ces petits chefsd’œuvre de la musique : chansons de métiers, chansons de marins, chanson à danser, chansons de mariage, chansons enfantines, complaintes, Noëls anciens. L’ensemble vocal se retrouve avec un répertoire « unique au monde » de plus de deux cents titres.
Le succès et la renommée Le groupe se produit d’abord à Saint-Nazaire, puis dans toute la presqu’île. Le succès grandit ; Fernand Guériff organise des concerts à thèmes : amour et mariage, marins et métiers, etc.. La radio « France Culture » enregistre l’ensemble vocal pour une émission sur la Brière. Puis ce sont des animations de congrès, des concerts éducatifs dans les écoles primaires, des récitals de chants de Noël. Pays Blanc Pays Noir participe aussi à des festivals Bretons comme « Les Tombées de la Nuit » de Rennes. En 1980, il donne un concert à Saarlouis, la ville allemande jumelée avec Saint-Nazaire.
Ci-dessus :
Pays Blanc, Pays Noir, en 1981
Page de gauche, en haut :
Fernand Guériff, en 1981, présente un spectacle
Page de gauche, en bas :
Premier disque de Pays Blanc, Pays Noir (33 tours vinyle, 1981) (Collection Patrick Pauvert)
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Le jumelage
Saint-Nazaire/Sunderland et les premiers échanges scolaires Daniel Sauvaget
Le jumelage entre Saint-Nazaire et la grande ville industrielle du Nord de l’Angleterre est un des premiers accords de ce type conclus entre deux communes européennes, bien avant le grand développement de la formule à partir des années 1962-1965.
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n effet, c’est en 1951 qu’a été lancé le mouvement des jumelages, par une cinquantaine de maires européens dans le cadre du Conseil des communes d’Europe – le premier accord a été signé en novembre 1951, alors que Saint-Nazaire a opté pour le jumelage avec Sunderland dès janvier 1953. Paris est jumelé depuis 1959 avec Rome, Nantes avec Cardiff depuis 1964. Le terme n’est apparu dans le dictionnaire Larousse qu’en 1960 dans ce sens. Au cours des vingt à trente dernières années, les actions menées en Europe dans ce cadre tendaient à un net ralentissement un peu partout en France. Depuis une dizaine d’années, les échanges semblent trouver un deuxième souffle et induire quelques innovations - en 2013, Saint-Nazaire et Sunderland ont commémoré le soixantième anniversaire de leur jumelage, et de nouvelles initiatives sont à l’ordre du jour avec l’ensemble des villes jumelées à Saint-Nazaire.
Le groupe des jeunes Nazairiens, à Durham, en juillet 1956, photo publiée dans le Sunderland Echo. Deux des jeunes filles du premier rang, à gauche, sont devenues professeurs d’anglais. (Collection Joelle Riess-Danjean)
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La traversée du XX siècle e
et de ses guerres
dans une famille française (Partie 1) et une famille allemande (Partie 2)
Ci-dessus :
Famille Speich, en Brière, en 1950 (Collection Michelle Speich)
Ci-contre :
Famille Classen, en 1942, à Schatensen (Collection H. G. Classen)
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Mémoires d’une enfant de la guerre (Partie 1)
Michelle Speich
(Partie 1.2) - 1949-1958
Saint-Nazaire : Une adolescence dans les baraques du Pertuischaud
La ville avait été détruite à plus de quatre-vingt pour cent par les bombardements. En 1949, le commissariat de Saint-Nazaire y fut rapatrié et mon père dut donc y travailler. De ce fait, une baraque en voie de construction de la cité du Pertuischaud nous fut attribuée par le MRL (Ministère de la Reconstruction et du Logement). Histoire & Patrimoine n° 83 — avril 2015
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L’épidémie de fièvre jaune de Saint-Nazaire, en 1861 Bernard Hillemand
Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, l’Europe occidentale connut dans ses ports des épidémies redoutables de fièvre jaune, dont aucune n’engendra de foyer endémique secondaire.
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armi ces épidémies, avec Mollaret(19), on peut citer, en Espagne, celles de Cadix, dont la première remonte à 1701, celles de Malaga, en 1741 et en 1803, avec des chiffres approximatifs respectivement de 10 000 et de 14 000 morts, celle de Carthagène, en 1804, avec autour de 20 000 morts, celle de Barcelone, en 1821, avec une mortalité d’importance voisine. Gibraltar fut frappé en 1828, avec 500 ou 600 morts. Au Portugal, Lisbonne connut environ 6 000 victimes en 1723 et 5 500 en 1857. En Italie, à Livourne, en 1804 on compta de l’ordre de 2 000 malades avec 700 décès. En France, Marseille fut touchée, en 1821, ainsi que Saint-Nazaire, en 1861. Plus au nord, en Grande-Bretagne, furent même atteints Southampton en 1852 et Swansea en 1865. La petite épidémie de Saint-Nazaire, de 1861, est particulièrement intéressante à étudier. Contrairement aux épidémies
Page de gauche :
Entrée du Lazaret de Mindin, à Saint-Brévin, état actuel (Photo Tanguy Sénéchal)
méridionales survenant souvent dans des ports anciens aux villes insalubres, elle apparaît dans une ville quasi neuve et de bonne hygiène pour l’époque, construite à partir d’un petit bourg de pêcheurs sur un port nouveau dont seul existait alors et, de creusement tout récent, le premier de ses deux bassins à flot(13, 15). Son étude entraînera une réactivation et une mise à jour des mesures de prévention sanitaire alors assez relâchées. En effet, cette épidémie se situe, électivement, à une période charnière peu après l’apparition d’une médecine scientifique et peu avant les grandes découvertes de l’ère pasteurienne, qui sont, cependant, pressenties. Claude Bernard a déjà prononcé des cours de physiologie expérimentale appliquée à la médecine, 1854-1855, et son Introduction à la Médecine Expérimentale, qui paraîtra en 1865(3), est en cours d’élaboration. La médecine fait sienne une orientation vers une démarche scientifique d’où une plus grande rigueur dans le recueil des faits d’observation. En revanche, les ignorances sont encore majeures, en particulier le rôle pathogène éventuel de microorganismes a des difficultés à se faire reconnaître.
Quand, en 1868, Davaine(8) attribue la maladie du charbon à des « bactéridies » qu’il avait dépistées de longue date, quand, de 1865 à 1868, Villemin(27) décrit le caractère inoculable de la tuberculose, quand, en 1877, est proposée l’application de la théorie germe-contage à la typhoïde, Vallery-Radot(26) rappelle que des oppositions, parfois forcenées, se manifestèrent. Ce n’est qu’à partir de 1865 que Lister(14) commence à appliquer les techniques d’antisepsie et d’asepsie à la pratique chirurgicale. Ce n’est qu’en 1877 que Pasteur(21) apporte la démonstration formelle du rôle d’un agent pathogène microscopique dans le déterminisme d’une maladie infectieuse, en l’espèce, le charbon. Ce n’est qu’en 1877 qu’apparaît, à l’instigation de Sédillot(24), et avec l’approbation sémantique de Littré, le terme microbe. C’est dire qu’en 1861 on ne connaissait rien de l’étiologie de la fièvre jaune, ni son virus, l’ultravirus amaril, précisé seulement en 1927, ni sa transmission « culicidienne » par certains moustiques, surtout la femelle fécondée de Culex mosquito ou Ædes ægypti, démontrée en 1881, avant même la connaissance de l’agent pathogène(12, 19, 23).
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La partie de soule
entre Crossac et Montoir du 27 décembre 1529 et sa suite tragique Alain Gallicé - Jean-Pierre Coquard En Brière, l’intérêt pour les jeux de ballon et la passion qui les accompagne, qu’un livre récent consacré au football à La Chapelle-des-Marais1 souligne, sont choses anciennes. En voici un témoignage donné par une lettre de rémission rédigée le 3 mars 1530 (n.st.). Elle évoque une partie de soule disputée le 27 décembre 1529 à Crossac et l’épisode tragique qui l’a suivie2. 1 - 100 ans de ballon, une véritable passion en Brière, 2014. 2 - Arch. dép. Loire-Atlantique, B 32, f° 40-43, 3 mars 1530 (n.st.). Lettre transcrite en annexe.
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ne lettre de rémission est un acte judiciaire qui porte mention de la grâce accordée par le prince à la demande des parents et amis d’une personne qui, à la suite d’un délit ou d’un meurtre, est poursuivie par la justice, et parfois détenue, mais le plus souvent en fuite pour échapper à une arrestation, un emprisonnement et à une possible condamnation immédiate. De telles lettres relatent les circonstances de la faute commise et donnent les raisons qui justifient le pardon accordé par le prince. Beaucoup d’entre ces lettres sont des documents qui permettent d’accéder à la vie quotidienne ; mais en raison de leur nature et de leur but spécifique, la quotidienneté est plus suggérée que décrite et les arguments énoncés par les défenseurs du coupable – et que reprend la lettre de rémission – doivent être soumis à la critique1.
La lettre de rémission que nous présentons concerne Jean de La Vennerie. Qualifié de « pouvre gentilhomme », il appartient à la petite noblesse. Il a au « temps de jeune eage » servi dans les armées du roi, « tant dela les mons » – en Italie –, qu’en France et en Bretagne. Mais depuis huit à neuf ans, à la suite du décès de son père « duquel il est heritier principal et noble », il est de retour à Crossac, sans aucun doute son village natal. L’homme est dans la force de l’âge. Marié, il s’est établi « au bourg » de Crossac, mais puisqu’il est ensuite qualifié de « monsr de La Mariandaye » (Mariandais), il faut penser que c’est en ce lieu que se trouve sa résidence et qu’autour de celle-ci se trouvent les terres familiales. Ces terres relèvent du seigneur de Trécesson dont la seigneurie de Crossac est tenue à foi, hommage et rachat pour une partie du vicomte de Donges et pour une autre du baron de Pontchâteau2.
1 - Sur les lettres de rémission, Gauvard, Claude, « De grace espicial ». Crime et société en France à la fin du Moyen Age, 2 vol., Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, réimp. 2010.
2 - En 1567, le seigneur de ses terres de Crossac est Prigent de Trécesson qui demeure au « chasteau et manoir de Trecesson en la paroisse de Campeniac en l’evesché de Sainct Malo ». Ses possessions
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Cette lettre de rémission est en rapport avec une date, le 27 décembre qui, à la fin Moyen Âge et au début des Temps modernes, est un jour très particulier à Crossac. de Crossac sont ainsi décrites : « maison, manoir, terre, juridiction, seigneurye et chastellenye de Crossac […] sittuée en la paroisse de Crossac, en l’evesché de Nantes, avecq ses maisons, metharyes, pres, boys anciens, tailliffs et de haulte fustaye, terres arrables, non arrables et avec frosts, gasts, communs, maroys, rentes par deniers, bledz, avoynes, poulles, chappons, ouayes, rachaptz, jardins, haulte, moyenne et basse et autres appartenances et deppendances quelconques ». Le 24 septembre 1567, cette seigneurie est échangée avec René d’Avaugour, seigneur de Kergroys, du Boys, Vay et Saffré, demeurant en son château de Saffré. René d’Avaugour donne des biens qu’il possède situés à Saint-Père-en-Retz (maison et borderie de La Torte en laquelle, il y a des salines appelées de La Torte), à Saint-Cyren-Retz (terres et marais), une maison en la ville de Nantes (située en la paroisse Saint-Saturnin) qui fait « le coign comme l’on descend de la rue des changes en la rue de la Casserie », auxquels il ajoute un versement de 2 600 livres.
Le 27 décembre à Crossac Le 27 décembre 1529 – jour de la SaintJean l’Évangéliste – est l’un des « fériers de la feste de Nouel », c’est-à-dire l’un des jours fériés en lien avec la fête de Noël. À Crossac, cette date est importante et le bourg connaît l’affluence. Deux événements, liés l’un à l’autre, y concourent. D’abord, la présence d’une « assemblée », c’est-à-dire, en pays gallo3, d’un pardon destiné à obtenir la rémission de ses péchés et gagner pour ceux qui y participent des indulgences4. Son origine est ancienne si l’on en croît la lettre de rémission qui mentionne sans plus de précision : « il y a de touz temps voyaige et assemblée ». Dans le 3 - Sur ce mot, Le Gall, J.-A., « Le religieux et le profane », ArMen, 60, juillet 1994, p. 6. 4 - On peut citer un autre pardon connu en Pays guérandais, à pareille époque, celui lié à la fête de Saint-Laurent, connu par une autre lettre de rémission datée du 10 août 1525 ; pardon qui a pour cadre la chapelle Saint-Laurent de Guérande, Arch. dép. Loire-Atlantique, B 29, f° 153.
cadre de ce pardon, les participants suivent un service religieux célébré dans l’église paroissiale, auquel, en 1529, assiste François de La Vennerie. L’autre événement est une partie de soule, c’est-à-dire un jeu qui s’accomplit avec un ballon – le mot soule désignant tout à la fois le jeu et le ballon –, qui paraît tout aussi ancienne que le pardon auquel elle est associée. En 1529, la partie de soule est ouverte par François de La Vennerie au nom du seigneur de Crossac dont il est l’un des officiers. Pour cela, au bourg, il fait « la bannye accoustumee estre faicte en pareil cas ». Puis, il « geste une soulle », un ballon. La partie peut commencer. Mais la lettre de rémission ne la décrit pas. Tout au plus, signale-t-elle que la soule permet de s’« esbattre et donner passe temps et exercice aux assistants qui veullent souller ». François de La Vennerie est de ceux-ci puisqu’il s’empresse de « souller et de s’esbattre » avec les autres. La lettre indique encore que deux équipes s’opposent, « le party de ceulx avecques lesqueuls il estoit »
Début d’une partie de soule, en Bretagne, au XVIIIe siècle (Gravure d’Olivier Perrin (1761-1832), tirée de Breiz Izel, ou vie des Bretons de l’Armorique, d’Alexandre Bouët et Olivier Perrin, B. Desillon, Paris, 1844, t. III, p. 17)
et « ceulx du party contraire » ; la lecture de la fin de la lettre montre qu’il s’agit de « ceux » de Crossac et de « ceux » de Montoir. Elle note, encore, comme un fait d’évidence, que le match est très disputé : François de La Vennerie soutenant ses partenaires « en débatant et soustenant de parolles », mais cependant « sans avoir querelle et question o nully ». La partie achevée, sans que la lettre de rémission n’indique qui est vainqueur, commence alors une sorte de « troisième mi-temps » chez François de La Vennerie. Autour de lui, sont présents deux de ses oncles – Pierres et Jean de La Vennerie –, Julien Coterel, maître Jean Guischart, François Gourro, Jean Busson et plusieurs
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LA GRANDE GUERRE
Un poilu de Saint-Molf « Mort pour la France » (2ème partie de « Saint-Molf pendant la Grande Guerre ») Jean-François Kusina Une simple carte postale m’est parvenue, il y a de cela plusieurs années. J’emploie le terme « simple », car elle est dépourvue de légende et l’on ignore de qui il s’agit… du moins, elle ne semble pas représenter quelqu’un de connu.
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Henri Marie Camaret
Photo de gauche : Reconstitution, avec une tenue, de 1914, similaire à celle portée par Henri Camaret. Photo de droite et page précédente : recto de la carte postale représentant Henri Camaret (Coll. Jean-François Kusina - Association « Destins de France »)
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l aurait été dommage que cette carte postale finisse à la poubelle, comme cela était prévu, alors qu’elle est à même de nous dévoiler de nombreux éléments, un siècle après les faits, et à l’heure où les archives militaires nous ouvrent, enfin, leurs portes.
La tenue
Elle représente un soldat avec un uniforme issu de 1870, et peu connu, car il sera seulement en usage d’août 1914 à juillet 1915 dans l’infanterie française. Le képi et le pantalon sont de couleur rouge dite « garance » et la capote bleue dite « gris de fer bleuté ». La tenue de la photo n’est pas réglementaire, car le soldat de 1914 est autorisé à sortir de sa caserne en ville sous le même accoutrement, mais avec les pans de la capote baissés et sans les guêtrons, qui sont tous deux employés en dispositif de combat (le port de l’épée-baïonnette était quant à lui autorisé en ville). Il n’est pas, pour autant, équipé pour aller au combat, car il devrait en principe avoir trois cartouchières, une musette, une gourde, un havresac (sac à dos) d’un poids de 30 kg et le fameux fusil Lebel.
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Retenons que cette tenue a été dictée pour les besoins du photographe. Boutonnée dans un sens peu habituel, la capote a, soit été boutonnée par le photographe lui-même, soit par Henri, si ce dernier était gaucher… Ses chaussures sont des chaussures de ville. Ci-dessus, à gauche, la même tenue de 1914, portée de manière réglementaire. Cette photo permet d’apprécier les couleurs qui sont vives pour cette entrée en guerre (les deux bandes rouges sur les avant-bras indiquent le grade de caporal, tout comme Henri, en 1915). Seul indice sur la carte postale : les pattes de col sur lesquelles figure le numéro « 90 » : Le 90e régiment d’infanterie était basé à Châteauroux et c’est justement de cette ville que fut envoyée cette carte le 24 novembre 1914.
Guérande, 1962-1966
Souvenirs d'un petit séminariste (3e partie) Gérard Olivaud
« Il ne suffit pas d'avoir des souvenirs, il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux et il faut avoir la grande Patience d'attendre qu'ils reviennent. » Rainer Maria Rilke
L’auteur, devant la chapelle Saint-Michel et le Petit Séminaire, en juin 2014 (Photo Tanguy Sénéchal)
Chapitre 6 : le suivi scolaire et la discipline
N
otre année scolaire était comme celle de tous les élèves de ce début de seconde partie du XXe siècle divisée en trois trimestres, entrecoupés de ce qu’on appelait les petites vacances. Et petites, nous avions le sentiment qu’elles l’étaient vraiment ! Mais nous y reviendrons plus tard ! Chaque trimestre était partagé en séries de quinzaines à l’issue desquelles notre supérieur - à ne pas confondre avec le directeur, préposé plutôt à la discipline, - le Chanoine Crépel venait officiellement donner les résultats de chacun. Le plus souvent, la cérémonie - car c’est le mot qui convient, vu le caractère solennel et quasi religieux du cérémonial - avait lieu au beau milieu de l’étude du soir. Nous étions alors plongés dans un thème ou une version latine, un devoir de grammaire ou de mathématiques et notre attention allait être maximum. En fin de semaine le plus souvent ! Sans doute pour pouvoir en faire part à nos parents ou, si les résultats n’étaient pas conformes à leurs attentes, avoir le droit de se faire « appeler Léon », comme disait mon père. Chacun se voyait remettre ou non un témoignage dit de Satisfaction. Il y en avait deux, de couleurs différentes suivant la qualité des résultats. Blancs s’ils étaient très bons. Blanc, la pureté, la virginité, la royauté aussi, est-ce » un hasard ? Résultats scolaires et discipline. L’un n’allait pas sans l’autre. Moins de 7 en comportement vous privait obligatoirement du billet blanc et vous faisait rétrograder en bleu. Cette couleur correspondait à un niveau moyen, entre 5 et 6. Je n’ai guère eu de bulletins blancs au-delà du second trimestre de sixième ! Pas d’insolences, mais beaucoup de bavardages, semble-t-il ! Une quinzaine sans bulletin pour mauvaise conduite, vous étiez
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assurés d’être privés de sortie en cas de visite des parents ! Et elles n’étaient pas si fréquentes ! Trois quinzaines successives, c’était une exclusion ! On en arrivait rarement là ! J’ai souvenir de la porte qui s’ouvre dans le silence studieux du soir. Étrangement la scène est hivernale ! Je dis étrangement, car bien sûr il y avait aussi des remises de Témoignages de satisfaction au printemps et en Automne. Le Supin, comme nous ne tarderions pas à surnommer le supérieur, - l’apprentissage des verbes irréguliers latins n’était pas sans conséquence sur la vie quotidienne -1 entre sans sourire, ensoutané, la démarche lente, comme réfléchie. Nous nous levons, le surveillant aussi. La pièce éclairée et chaude contraste avec le noir et le froid de la nuit derrière les fenêtres et la grande porte de sortie sur la cour. Nous interrompons la traduction de latin, le devoir de grammaire ou de mathématiques ! Les deux premiers mois, j’ai le cœur qui bat comme quelques années plus tôt quand nous allions de l’école à la mairie pour les vaccinations collectives. Ensuite, on s’habitue ! Comme pour les piqûres qui finalement ne sont pas si douloureuses ! Et nous permettent de côtoyer un court instant ceux de La Laïque. L’abbé Crépel commence la distribution par les bulletins blancs. Il est alors le plus souvent assez laconique, mais souriant. Ceux qui en reçoivent un bleu parce que leur note de discipline est en dessous de 7 ont droit à l’expression de sa déception si c’est la première fois, de son agacement quand il fonde de grands espoirs sur le fautif ou en cas de récidive. Quant à ceux, en dernière position, qui n’ont rien obtenu, car leur comportement leur a valu un 4, voire moins, s’ils ne sont pas conviés sèchement chez le Supin, immédiatement pour les affaires 1 - Le Supin est la dernière forme verbale d’un verbe latin. Elle sert en particulier pour la construction du passif. Derrière tout séminariste, il y a un latiniste qui sommeille ! Même quand il l’ignore !
Moulins et meuniers à Mesquer e au XVII siècle Jocelyne Le Borgne L’usage du moulin à vent ne devient commun en France qu’à partir de la fin du XIIe siècle. Sur la Presqu’île guérandaise, le moulin le plus ancien serait le « moulin de la Masse » à Batz-sur-Mer « le millésime 1368, gravé dans le linteau de la porte d’entrée... représente un jalon, un repère de datation quant à la présence de moulins à vent dans ce coin de Bretagne ». .
M
esquer dut encore attendre pour voir tourner les ailes d’un moulin, car avant le XVIIe siècle, aucun acte, aveu ou déclaration explorés ne signalent l’existence de moulins à vent, seuls sont mentionnés des moulins à eau…
Ce que révèlent les archives de la « Parroesse de Mesquer » Les trois moulins à vent de Mesquer étaient construits en pierre, de type « petit pied » ou « taille de guêpe », ils avaient un encorbellement qui « servait à accroître la surface de l’étage afin d’y placer la chambre des meules ». Leurs coiffes étaient recouvertes d’« archelettes » ou bardeaux de châtaignier, elles pivotaient grâce à une crémaillère. Une « guivre » située à l’opposé des ailes permettait d’orienter les ailes au vent. Chaque aile comptait une quinzaine de barreaux disposés de manière dissymétrique « la partie gauche des barreaux est environ deux fois plus longue que la droite... » ce qui facilitait l’installation de deux ou trois toiles selon la force du vent.
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Il est difficile, voire impossible de retrouver la date d’édification de ces moulins, cependant des actes relatifs à des évènements privés ou publics, conservés dans les registres paroissiaux de Mesquer datant du XVIIe ont fourni à cette étude quelques repères chronologiques. Les recteurs et prêtres Mesquérais, dépassant l’article 51 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) qui ne prévoyait de signaler « le temps de l’heure de la nativite, et par l’extraict dud. registre se pourra prouver le temps de majorité ou minorité », ont parfois noté le métier exercé par le père du « baptisé », le « marié » ou la personne décédée. Ce sont ces précieuses informations qui ont permis la découverte de l’identité de quelques-uns des meuniers qui ont fait tourner les meules des moulins de Mesquer entre 1626 et 1699.
Le moulin de la Lande serait le plus ancien de ces moulins, selon Georges Tattevin qui l’estimait « ... antérieur à 1600 ». Trois siècles plus tard, en 1910, il n’était plus qu’un « moulin abandonné de forme ancienne [qui] étend ses longs bras squelettiques… » Édifié à l’origine, par la « maison noble de Kerhué » (par-
fois noté Kerhuel), il a été cédé aux Sesmaisons avant 1641 : un acte de baptême rédigé cette année-là, précise que « Messire Françoys de Sesmaisons chevallier [est] seigneur de Tréhambert, Kerdoué, Trevally, Villeneusne, Kerhuel, Villauchapt, la Noé… ». Il ne reste aujourd’hui, aucune trace de ce moulin qui s’élevait à la croisée de sentiers conduisant de Pennloc à Trohan et de Mesquer à Guérande.
Le moulin du Bourg faisait partie de la châtellenie de Tréambert et était situé dans l’île de Kernily. À la fin du XVIIe siècle, on le retrouve parfois dans les archives sous l’appellation « moulin des Becdelièvre ». Devenu trop vétuste, il fut abandonné par son meunier fin XIXe siècle et fut restauré au siècle suivant par une famille qui en fit sa résidence secondaire.
Le moulin de Beaulieu, situé à 50 mètres de la plage du même nom « dans lisle de Beaulieu », appartenait à la seigneurie de Beaulieu. Deux actes donnent des repères quant à la présence de ce moulin dès le XVIIe siècle, le 22 juillet 1679, le prieur René Maillard rend
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Journal d'un aumônier breton - 1850 (14e partie)
Christiane Marchocki La Convention abolit l’esclavage le 4 février 1794. Napoléon annule ce décret, le 20 mai 1802, rétablissant l’esclavage et la traite. Le 15 avril 1818, la France abolit définitivement la traite des noirs.
C
e commerce honteux est proscrit, mais, disposer d’esclaves, sera longtemps autorisé dans de nombreux pays : jusqu’en 1873 à Porto Rico, 1886 à Cuba, 1888 au Brésil... Il s’ensuit un trafic frauduleux. Les armements clandestins se multiplient, les hommes sont emmenés dans des conditions encore plus effroyables. Les énormes bénéfices font oublier les risques, c’est l’époque de la traite interlope. Pendant la première moitié du XIXe siècle, le nombre de personnes enlevées sur la côte d’Afrique est encore plus élevé que par le passé.
navire suspect peut être arraisonné. Il suffisait de quelques détails pour être ainsi qualifié. La Grande-Bretagne y avait veillé en les précisant au long de 10 articles annexés. C’est un moyen pour elle, sous des dehors philanthropiques, d’affaiblir la marine marchande française, son but étant toujours de régner sur les mers. On admet qu’en 1845 cinq cent quarante navires français avaient été interceptés entraînant toutes les conséquences qui en découlent. Ces pages écrites par l’aumônier du bord font clairement allusion à ce qui est alors l’actualité.
Les conventions du 30 novembre 1831 et du 22 mars 1833 signées à Paris par la France et l’Angleterre reconnaissent le « Droit de visite international ». Tout
20 octobre 1850
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Nous continuons toujours notre route en longeant la côte à quelques milles
de distance. La sonde à la main nous ne nous avançons qu’avec une extrême prudence. Chat échaudé craint l’eau froide. Les courants que nous avons contraires depuis le Cap Lopez, sont d’une grande violence et retardent beaucoup notre marche. Nous n’arriverons que lundi soir ou mardi quoique nous n’ayons que 200 lieues à faire. La mer est belle, le temps sombre, mais sans pluie.
21 octobre 1850 La nuit dernière, la prudence nous a obligés de tellement ralentir nos feux que nous n’avons presque pas fait de chemin, les fonds variant avec une rapidité effrayante. Ainsi à minuit nous avions un coup de sonde de 20 brasses, puis de 4,5 sur un rocher. Le relevé des sondes
n’a jamais été fait de manière complète et la navigation le long des côtes convient peu à un gros bâtiment comme le nôtre. Depuis deux jours, la côte a complètement changé. Au lieu de terres basses de la côte nord, nous avons continuellement en vue des montagnes, fort élevées, qui descendent vers la mer par une multitude de collines s’appuyant les unes sur les autres en grande et monotone forêt de mangliers, de palétuviers ce qui ne laissait rien voir. Nous apercevons désormais de grandes plaines qui ne referment probablement que de grandes herbes et qui de loin paraissent cultivées. Quand on les considère de la distance où nous les voyons, on se fait illusion, on imagine voir d’espace en espace des villages, n’y manque que le clocher. Mais tout cela, c’est comme quand nageant sur le dos, on s’amuse à voir les nuages parfois et à considérer leurs formes changeantes. Je viens d’entendre un si grand ronronnement dans les batteries, qu’il m’a fait sortir de mon trou. C’est un croiseur anglais que nous avions en vue, et qu’à tout évènement, nous nous préparions à recevoir. Pour comprendre ces précautions, il faut savoir que nous avons déjà eu plusieurs affaires fâcheuses avec ces messieurs les anglais qui cherchent dans les plaisirs de la table, comme ils les comprennent, des distractions aux ennuis de la croisière, et qu’alors, n’y voyant plus, on y voyant mal, croient voir des négriers partout. Ils ne se gênent pas
pour insulter, parfois même d’une manière assez grave, notre pavillon. Nous sommes trop gros et les dents trop longues, pour qu’ils puissent jamais tomber à notre égard dans une pareille erreur. En tout cas, ils peuvent être sûrs qu’elle leur serait funeste. Ceux-ci étaient bons. Ils sont venus à bord nous demander des nouvelles. Les pauvres malheureux ! Ils étaient encore plus arriérés que nous, et nous avons pu leur en apprendre. Ils sont ici en service, bien sûr. Ils passent quelquefois quatre ou cinq mois à la mer, leur équipage dormant souvent dans de grands canots, cachés dans une crique, derrière la pointe, pour surprendre les négriers, qui, voyant le bâtiment de guerre, s’éloignent, profitent souvent de ces moments pour faire un coup de traite. Il est vrai qu’ils sont payés de leur fatigue et que chaque prise leur vaut gros. Chaque capitaine anglais ne quitte guère, dit-on, la côte d’Afrique sans y avoir fait sa fortune. On comprend leur ardeur. Ce n’est que l’appât du gain.
22 octobre 1850 Nous sommes depuis hier soir devant Cabinda. C’est un gros village situé sur le penchant d’une colline formant une des pointes de la baie. J’aime mieux cet aspect que celui de la côte nord. Il est plus varié. Peut-être moins riche. Il y a des collines et des plaines, deux chemins qui mènent à la plage et semblent tracés dans de la craie rougeâtre. J’ai vu
ce matin une multitude de pirogues aller pêcher au large. Le poisson et la banane font le principal de leur nourriture. Les esclaves, enfermés dans des baraques au bord de la mer, ne reçoivent qu’une petite portion de ces deux choses, en attendant qu’on puisse les embarquer. Les noirs paraissent plus soupçonneux que sur la côte nord. Très peu sont venus à la frégate pour offrir des denrées, ils se tenaient à distance et ne livraient rien avant d’avoir reçu le prix. Ils sont attirés par l’argent, ils n’en connaissent pas la valeur, ils demandent pour la moindre chose des prix énormes. Ce serait plus facile si nous avions songé à nous munir d’objets d’échange, des étoffes, des babioles, de la poudre d’or. Quelques officiers sont descendus pour voir quelles ressources offrait le pays, s’ils pouvaient apporter des rafraîchissements à l’équipage. Ils n’ont rien trouvé, si ce n’est quelques habitants tout à fait en dehors de nos mœurs. J’en ai assez d’un pareil pays, qui n’affecte de curieux et de caractéristique que ce qu’il y a de plus dégoûtant et de plus éhonté. Je leur ai fait mes adieux sans chagrin. Ce sera une journée de moins perdue, une course assez fatigante, par une chaleur à midi de trente et quelques degrés qui force les naturels eux-mêmes à se tenir enfermés et à faire une sieste assez longue.
Christiane Marchocki Ci-contre :
Coupe horizontale du faux-pont et des plateformes, pour l’arrimage des esclaves à bord d’un brick négrier (Collection particulière)
Page de gauche :
Paysage du Cabinda (Photo Jbdodane)
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La maquette « NOTRE DAMME DAMOUR »
de Quelven
Catherine et Jean-Yves Le Lan
Dans la chapelle de NotreDame de Quelven en Guern, dans le Morbihan, est exposée, suspendue au plafond, dans le transept gauche de l’édifice, une très belle maquette d’un voilier ancien (Fig. 1).
E
lle repose sur un berceau qui est lui-même fixé sur un brancard qui permettait de la porter pendant la procession du 15 août avant sa dernière restauration de 1982.
Origine de la maquette Hippolyte Violeau1 précise que la maquette a été fabriquée à Riantec et donnée dans un premier temps, en 1746, à Notre-Dame de Larmor du village de Larmor dépendant de Plœmeur à l’époque. Il indique ensuite, qu’en 1750, la maquette a été offerte à Notre-Dame de Quelven et que c’est la famille des constructeurs qui se chargèrent de l’entretien et des réparations jusqu’en 1789. À la sortie de la Révolution, ce furent des prisonniers anglais de Pontivy qui s’occupèrent de son entretien et vers 1869, les arrières petits-fils des constructeurs réclamèrent cette prérogative. Henri-François Buffet2 donne quelques éclaircissements, il indique que les constructeurs étaient des pêcheurs de « Loc-Miquélic » alors paroisse 1 - Violeau (Hippolyte), Pèlerinages de Bretagne, Ambroise Bray, libraire-éditeur, Paris, 1859, p. 80 à 82. 2 - Buffet (Henri-François), En Bretagne Morbihannaise, Edition B. Arthaud, Grenoble/Paris, 1947, p. 242.
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de Riantec. Il écrit aussi que la maquette a été construite en 1746, peu de temps après la « victoire » de Lorient et restaurée en 1846. L’inscription « Riantec » y a été alors portée.
Fig. 1 - Vue d’ensemble tribord avant de la maquette Notre Dame d’Amour dans la chapelle de Quelven (Cliché Jean-Yves Le Lan)
Fig. 2 - La procession du 15 août à Quelven, les marins portent la maquette (Collection Jean-Yves Le Lan)
Le 15 août 19223, c’est près de soixantedix personnes de Riantec qui se rendent en pèlerinage à Quelven pour remettre à Notre-Dame la maquette qui vient d’êtres restaurée. Le bulletin paroissial4 de Riantec, d’août 1950, quant à lui, narre le pèlerinage de l’année 1950 en ces mots : «Tous les ans,
Symbolisme de la maquette
La maquette et le pardon du 15 août
La maquette est un ex-voto, c’est-à-dire une offrande faite à l’église suite à un vœu effectué par des marins en mémoire d’une grâce obtenue. Les ex-voto peuvent prendre des formes variées : maquettes, maquettes dans une bouteille, demi-coques, tableaux, etc. Dans le domaine maritime, l’ex-voto est en général le signe d’une reconnaissance d’un marin ou d’un équipage pour avoir été sauvé d’un naufrage, d’une avarie importante, d’un fait de guerre, etc. L’ex-voto est remis, peu de temps après les faits avec solennité et selon un cérémonial établi. Pour un vœu collectif, le capitaine et l’équipage vont en procession, en priant et en chantant, déposer l’ex-voto dans la chapelle. Souvent, un procès-verbal est établi relatant les circonstances du vœu et son accomplissement. Dans le cas de la maquette de Quelven, l’ex-voto a été remis par les marins de Riantec en remerciement à la Vierge Marie - représentée par Notre-Dame de Larmor dans un premier temps puis Notre-Dame de Quelven – d’avoir échappé à un évènement maritime.
Avant sa dernière restauration de 1982, la maquette servait tous les ans à la procession qui a lieu pour le pardon du 15 août à Quelven (Fig. 2). Actuellement, elle est remplacée dans la procession par une maquette de taille plus modeste qui représente un petit bâtiment de guerre à voiles. La tradition voulait qu’elle soit portée par des marins de Riantec. Hippolyte Violeau décrit en ces termes la procession au milieu du XIXe siècle : « La grande fête de Quelven a lieu le jour de l’Assomption. On y voit quelquefois tout l’équipage d’un vaisseau s’y rendre la tête et les pieds nus, n’ayant d’autres vêtements qu’un pantalon et une chemise, et précédé d’une troupe de femmes, mères, épouses, sœurs des naufragés, les pieds meurtris comme eux aux cailloux de la route ; comme eux aussi le cœur inondé d’une pieuse allégresse, de sentiments de reconnaissance et d’amour. C’est uniquement aux marins, ou à leurs femmes, en cas d’absence, qu’appartient le droit de porter à la procession la petite frégate […]. Les croix, les étendards, les bannières accompagnent la petite frégate, et ne sont pas moins recherchés des laboureurs et des pèlerins que celle-ci des matelots. […] ».
Fig. 3 - Détail du cartouche sur le tableau arrière (Cliché Jean-Yves Le Lan)
au 15 août, des Riantécois vont à Quelven, mais cette année c’est la paroisse elle-même qui y est allée, officiellement, avec son clergé, sa croix et sa bannière paroissiale. Combien étaient-ils, en 1750, les marins pêcheurs de Riantec qui allèrent offrir à Notre-Dame de Quelven la frégate « NotreDame (sic) d’Amour » ? Dieu seul le sait ! aucun document écrit n’en fait mention.[…] Au son des cloches, si belles, les pèlerins se groupent ; le cortège du clergé, précédé de la statue et de la fameuse frégate, sort de la chapelle et s’installe pour la grand-messe. […] Il [Le chanoine Le Guen, curé doyen d’Auray] félicite ses compatriotes d’être venus si nombreux renouveler le geste de leurs aïeux de 1750. »
Description de la maquette La maquette représente un voilier ancien de type 64 canons5. En fait, cinquante-six sont visibles sur la maquette suspendue. Une batterie de 13 canons près de la flottaison et une batterie de quatorze canons au-dessus le tout à travers des sabords et un canon sur le gaillard d’avant, l’ensemble étant identique à tribord et à bâbord. Elle possède quatre mâts : un grand mât au milieu, un mât de misaine à l’avant, un mât d’artimon à l’arrière et un mât de beaupré à l’extrême 3 - Parrez Santez-Radegond, E. Riantec, Bulletin paroissial de septembre 1922. 4 - « Aurore Nouvelle », Bulletin paroissial de Riantec d’août 1950. 5 - Le vaisseau de 64 canons est caractérisé selon Jean Boudriot (Compagnie des Indes 1720 – 1770, édité par l’auteur à Paris, 1983, pp. 20 et 21) par un vaisseau ayant à l’entrepont ou premier pont une batterie basse de 26 canons de 24 livres au-dessus une seconde batterie de 28 canons de 12 livres, sur le gaillard d’avant, 4 canons de 6 livres et sur le gaillard d’arrière 10 canons de 6 livres. Histoire & Patrimoine n° 83 — avril 2015
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De la pêche aux coquillages et de ses à-côtés L’HISTOIRE & L’IMAGINAIRE
Christiane Marchocki
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es bateaux quittant le port du Croisic longent un écueil, situé à tribord en bordure du chenal. Cet écueil est morcelé, ce qui lui vaut une balise rouge, « Le Grand Mabon » et un espar blanc, « Le Petit Mabon ». Ce sont des rochers de taille modeste, cependant dangereux pour qui n’en tiendrait pas compte. Les courants y sont violents. Le pêcheur professionnel à l’inaltérable assurance, l’audacieux « canote » du dimanche, jusqu’au gracieux voilier se rengorgeant de toute sa toile, chacun suit sa route avec attention. Le Mabon est environné de bancs de sable en direction de la pointe de Pen Bron, d’où, son accès aisé à marée basse. Nombreux sont alors les amateurs de coquillages pêchés par soi même, nettoyés par soi même, cuisinés et dégustés, « ça n’a pas le même goût que ceux qu’on achète ». Depuis longtemps cet endroit est labouré, les goémons soulevés un à un, les pierres retournées. Tout est passé au crible. Les bigorneaux rescapés n’abondent pas.
Comment peut-on encore espérer pêcher quelques kilos de palourdes ou un crabe égaré après ces travaux assidus ? Si vous voyiez la foule aux basses mers lors des grandes marées ! On pourrait presque éprouver de la pitié à l’idée que tous ces gens cherchent leur pitance en plein soleil ou par grand vent frisquet. « C’est pour le plaisir que procure l’environnement » affirment quelques-uns, d’un ton de connaisseur. Le beau mensonge. Ce n’est pas pour le plaisir qu’ils avancent lentement, cassés en deux, qu’ils s’ankylosent, accroupis pendant des heures, s’écorchant les mains, ni qu’ils peinent à transporter des seaux et des pelles. Ce ne sont pas des bestioles perdues sous une touffe de varech qu’ils guettent avec tant d’obstination. Ce n’est même pas pour le paysage, pour le spectacle de voltige aérienne que présentent les oiseaux, pour suivre des yeux les nuages changeants ou pour s’approcher du flux et du reflux de l’océan, ni pour s’imprégner de la pureté du ciel et de la mer. Ils lèvent à peine les yeux tant ils scrutent et grattent le sol
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Leur quête est du domaine de la convoitise et de l’imaginaire. Ils poursuivent un leurre plus brillant que celui, qui en éclats d’argent, tourbillonne au bout d’une ligne. C’est ce leurre et l’espoir qu’il fait naître depuis la nuit des temps, que tous ces pêcheurs à pieds, ces vacanciers, poursuivent inlassablement. Observez-les, vous verrez de quelle ferveur ils font preuve en pataugeant. Ce ne peut être pour un maigre coquillage. Le désir âpre de la fortune les motive. Ce ne sont pas des crevettes prisonnières d’une flaque qui incitent les gens à acheter des litres d’essence pour leur belle automobile, à louer des villas, à s’équiper de vêtements qu’ils rangeront ensuite dans des placards, eux qui d’ordinaire, calculent au plus juste leurs intérêts, capables d’évaluer d’un seul coup d’œil les biens de leurs proches et de leurs amis. Non, s’ils investissent ainsi, c’est qu’ils espèrent centupler la mise des centaines de fois. Ils ne s’en vantent pas. Silencieusement, mine de rien, sous prétexte de pêcher, ils cherchent un trésor.
Voici comment cette histoire, qui se prolonge de nos jours, a commencé. À cette époque, encore assez proche, on n’entendait pas un moteur sur l’eau, uniquement le vent dans les agrès, le grincement des poulies, les appels des matelots. À terre aussi les bruits étaient différents des nôtres qui se fondent en une rumeur continuelle. Ils se détachaient du silence. On savait l’allure d’un cheval, sa vitesse, s’il s’éloignait, se rapprochait, au son de ses fers frappant le sol.
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L’un des nombreux marins revenant de temps à autre au pays était très populaire. Les hommes le respectaient pour sa carrure, son franc-parler et ses compétences. Les femmes le remarquaient pour son allure, le timbre de sa voix et son caractère enjoué. Il passait son temps à faire la fête, menait une vie de bohême, son pied- àterre n’était qu’un bric- à- brac douteux. On lui prêtait nombre de relations sentimentales dans les ports étrangers. Il faisait figure d’homme libre, de célibataire déterminé à la réputation, un peu floue, d’aventurier. Bien entendu, il dépensait en quelques jours ce qu’il avait gagné en quelques mois de navigation. Toujours prêt à rendre service. Souvent, il se trouvait un ami pour lui « emprunter momentanément » de l’argent qu’il oubliait. En mer, c’était un chef méthodique, exigeant. Nul mieux que lui savait souder l’équipage le plus disparate et inspirer la bonne humeur, mais il ne tolérait aucune faute. En mer, il n’était plus le même homme. Cela se savait. Les mères désireuses de marier leurs filles, et séduites par ses yeux malicieux, disaient entre elles : « C’est une femme qu’il lui faut. Une femme qui saurait le tenir » pensant, en leur for intérieur, qu’avec vingt ans de moins que ce qu’elles comptaient, sachant ce qu’elles savaient, elles auraient fait un mari idéal de ce gamin. Ainsi que vous vous y attendez, dans cette histoire, une certaine jolie fille demeurait au Croisic. Elle obéissait aux lois et coutumes de son temps. Elle subissait alors les interdits réservés au sexe faible. Ils avaient tous le même objectif. Il ne fallait pas regarder les garçons dans les yeux en faisant preuve d’assurance, c’était considéré comme de la provocation. Il ne fallait pas rester seule en leur compagnie, surtout le soir, et, en particulier, les soirs d’été, lorsque la température est si douce sur la plage déserte et qu’on sent des forces inconnues vous remonter à la gorge. Tant pis pour celles qui « faisaient des bêtises », on les rejetait. Il ne fallait pas « rester à ne rien faire », cela facilite la rêverie, toujours néfaste pour une jeune fille, une vraie. Il ne fallait pas rire trop fort pour ne pas attirer l’attention, ou balancer trop amplement ses jupes en marchant. Tout ceci à fortiori lorsqu’on avait des parents riches et d’une certaine notoriété. Pourtant on devait, sans avoir l’air d’y toucher, trouver un mari qui plaise à sa famille. Essayez un peu pour voir. C’est dans cette société qu’ils s’étaient rencontrés. Un regard bref comme l’éclair en se croisant sur les quais encombrés d’amarres, de filets et de barriques, et ils surent d’emblée qu’ils penseraient l’un à l’autre avec cette sensation qu’on ne peut décrire à personne. Aussitôt, la jeune fille rêva. Bien élevée, obéissante, éteinte par les convenances, elle rêva mariage. Réaliste, comme le sont les femmes, elle vit les obstacles. Pensez donc, un gendre aussi dissipé, qui n’avait aucun sens de l’économie et de la gestion, pour un père négociant en vins, qui faisait des affaires avec les Anglais et qui possédait des parts sur plusieurs bateaux, ce n’était pas pensable. Pas plus d’ailleurs, bien qu’elle eut peu de mots à dire, pour une mère qui possède par héritage
« La Toulonnaise » (Complément à la nouvelle « L’enfant qui rêvait d’être mousse », parue dans HISTOIRE & PATRIMOINE n° 82 - janvier 2015) Christiane Marchocki
L
LA REVUE ET VOUS
a photo d’une maquette de navire illustre la nouvelle : « L’enfant qui rêvait d’être mousse », page 118, N° 82 de notre revue. Au bas de cette page, à droite, trois lignes en petits caractères indiquent le nom de ce bâtiment. Là, s’est glissée une erreur de typographie. Il s’agit de “La Toulonnaise” lancée à Toulon le 13 aout 1823 et non toulousaine. Il est vrai que Toulon convient parfaitement au lancement d’un navire mesurant 25,30 m de long, 6,40 m de large et d’un tirant d’eau de 2,77 m. Cette goélette armée pour la guerre portait « 8 caronades de 18 » soit 8 gros canons de marine en fonte, utilisés aux XVIIIe et XIXe siècles, nés en Écosse. À cette époque, le métal est de plus en plus employé. Les câbles d’ancre sont remplacés par des chaînes de fer, les caps de mouton par des ridoirs, pour ne citer que des détails. Les ornements disparaissent, exemple, les figures de proue. On tend à une simplification. La partie immergée de la coque est protégée par des plaques de cuivre qui font obstacle aux tarets si destructeurs, aux coquillages, aux algues qui s’accrochent et diminuent la vitesse.
La marine marchande utilisait ce type de navire maniable et rapide. En temps de guerre, il suffisait de l’aménager comme il se doit, de le munir de « bouches à feu », il convenait pour des missions de moindre importance. “La Toulonnaise” prend part à la guerre de succession d’Espagne sous les ordres du Commandant Joursin. Partie de Toulon, elle relâche à Barcelone, puis gagne Cadix. Elle participe à la destruction des équipements portuaires de cette ville, à coups de canons. En 1832, elle fait escale à Brest. Elle subit une inspection. On change différents éléments, d’une manière générale, ceux qui, exposés à recevoir les eaux de pluie, pourrissent les premiers. L’eau douce corrompt le bois plus efficacement que l’eau de mer. En 1836, à Fort Royal, “La Toulonnaise” connait de nouvelles réparations concernant ce qu’on appelle “ les œuvresmortes ” c’est-à-dire la partie émergée de la coque. 1843, à Brest, on constate le montant élevé de nouveaux travaux. La Commission estime que la mise en chantier d’un autre bateau serait une sage décision. “La Toulousaine” est rayée des listes de la Flotte le 18 décembre 1843. Ce type de voilier est rapide, fort gracieux, capable de naviguer par brise contraire, de “serrer le vent”, disait-on.
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Il est vraisemblablement originaire d’Amérique. Ses deux mâts portent chacun une voile trapézoïdale. À la tête du mât de l’avant, où, mât de misaine, on peut établir un hunier, et plus haut un perroquet, voiles faites pour le beau temps. D’où vient cette appellation, goélette ? Comme tous les noms, celui-ci a évolué, voyagé. Que dire d’un nom de bateau, nomade par définition. Les Hollandais l’appelaient “Schoener”. Les Danois “Skonert”. Les Espagnols “Goeletta”. Les ba-Bretons “Gweletten”. Et autre variantes. Les Français ont donné au “schooner” (anglais), le nom de goélette, adopté par les Espagnols et les Italiens. Ce serait celui d’un petit oiseau de mer, agile, vif, au cri lamentable. Jean-François Le Gonidec, linguiste, finistérien, né au Conquet, premier unificateur de l’orthographe de la langue bretonne et auteur d’une grammaire, écrit dans son dictionnaire de la langue celto-bretonne : « gwelan » (que nous écrivons goelette, goelan, goilan, goualan) vient de « gwela » pleurer.” C’est là une jolie définition, un peu nostalgique, comme il convient à une beauté disparue.
Christiane Marchocki (Photos Tanguy Sénéchal)
René-Yves CRESTON (1898-1964) Un artiste breton en quête d’altérité
Colloque 9 et 10 avril 2015 - Espace du Petit-Bois - Batz-sur-Mer
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importante de la première moitié du XXe siècle. Une quinzaine d’intervenants apporteront leurs analyses et regards sur la vie et le travail de René-Yves Creston, co-fondateur du mouvement artistique Ar Seiz Breur.
Photo prise, dans la décennie 1930-1940, sur la saline Sistère, proche de Saillé, en Guérande. René-Yves Creston est l’homme en costume (Coll. P. Creston).
Jonathan Tapin Programme
Jeudi 9 avril 2015 : 9h15 : Accueil des intervenants et des participants (collation) 9h45 : Ouverture du colloque par les différents partenaires, en présence du fils de l’artiste, le peintre Padraig Creston 10h15 : Début des interventions : introduction générale par Daniel LE COUEDIC (Professeur des universités, directeur de l’institut de Géoarchitecture, UBO Brest) 10h45 : Daniel SICARD (ancien directeur de l’écomusée de Saint-Nazaire) : « Creston, le Nazairien » 11h15 : Gildas BURON (conservateur du Musée des Marais Salants à Batz-sur-Mer) : « Creston et le Pays de Guérande ». 11h45 : Débat sur les différentes contributions, président de séance Philippe JARNOUX (directeur du CRBC) 12h15 : Fin des débats et repas 14H30 : Olivier LEVASSEUR (docteur en histoire) : « Le fait maritime comme objet d’étude : Creston un précurseur de l’ethnologie maritime » 15h : Régine CAGEON-FOURNIER : « Creston et les aiguilles de pardon»
15h30 : Danick BRENIC : « Du croquis sur le vif à la publication : le cas du costume guérandais »
11h30 : Jean-François SIMON (Professeur d’ethnologie UBO Brest) & Fañch POSTIC : « L’apport de Creston au passage du folklore à l’ethnologie ».
16h : Débats sur les différentes contributions, président de séance Daniel LE COUEDIC ou Philippe LE STUM.
12h : Débats sur les différentes contributions, président de séance Michel OIRY
16h30 : Fin des débats et départ à pieds vers le musée
12h30 : Fin des débats et repas
16h45 : Visite du Musée des Marais salants 18h15 : Pot de fin de journée au musée (salle audiovisuelle)
Vendredi 10 avril 2015 9h : Michel OIRY (ancien professeur de classes préparatoires, docteur en ethnologie) : « Creston, un ethnologue militant breton à Ar Falz ».
14h : Reprise des discussions, Saphyr CRESTON (doctorante en Histoire de l’Art, Université Paris IV, ED 124) : « René-Yves Creston : la place d’un artiste breton dans l’Histoire de l’art français » 14h30 : Philippe LE STUM (conservateur-en-chef du Musée départemental breton, Quimper) : « René-Yves Creston graveur ». 15h : Patrick BOUMARD (Professeur de sociologie UBO Brest) : « Plus on est enraciné, plus on est universel »
9h30 : Sébastien CARNEY (docteur en histoire, CRBC-UBO) : « Creston et le mouvement breton »
15h30 : Débats sur les différentes contributions, présidente de séance Michaële SIMONNIN
10h : Débat sur les différentes contributions, président de séance Gildas BURON
16h : Fin de colloque
10h30 : Fin des débats et pause 11h : Grégory MOIGN (doctorant en celtique, CRBC-UBO Brest) : « René-Yves Creston et le symbolisme celtique vu par un artiste laïc »
Renseignements, programme détaillé, et inscriptions (gratuit) : jonathan.TAPIN@cap-atlantique.fr
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ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI
n partenariat avec le Centre de Recherche Bretonne et Celtique (Université de Bretagne Occidentale, Brest), le Musée des Marais salants – Centre d’histoire et d’ethnologie du sel atlantique, avec les soutiens de CAP Atlantique, de la Ville de Batz-surMer, de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines Victor-Segalen UBO BREST, co-organisent deux journées d’étude autour de l’ethnologue et artiste breton René-Yves Creston. Durant sa carrière, le Nazairien René-Yves Creston s’est attaché à transcrire et représenter les hommes et les femmes de la Presqu’île, leur travail et leur culture. Au centre de ces deux journées, l’intérêt de l’artiste pour les gens du pays de Guérande et de la Bretagne mais aussi les pêcheurs de Fécamp, du Groënland et de l’Italie, sujets qui ont donné matière à une production artistique et scientifique
70e anniversaire de la libération de la Poche de Saint-Nazaire À l’occasion du 70e anniversaire de la libération de la Poche de Saint-Nazaire, l’association « Mémoire de la Libération, Poche de Saint-Nazaire » organise, pour le week-end du 8 au 10 mai 2015, plusieurs animations, sur diverses communes qui ont fait partie, à l’époque, de la Poche de Saint-Nazaire.
ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI
L
es festivités commenceront le vendredi 8 mai, sur les communes de Bouvron et de Cordemais, qui étaient en limite de la poche de Saint-Nazaire, d’août 1944, à mai 1945. Le premier évènement majeur est la reconstitution, en tenue d’époque, de la signature de l’armistice, qui a eu lieu, le 8 mai 1945, sur la commune de Cordemais. Notre présence sur Bouvron, le 8 mai, dans l’après-midi, permettra au public de découvrir les véhicules, et la vie, d’un camp de l’armée américaine à cette époque. Une animation sonore, avec des témoignages, et des interviews d’auteurs d’ouvrages sur le sujet, viendront compléter cet après-midi, déjà riche en histoire. D’autres évènements se dérouleront sur ces communes, et le convoi fera route, le samedi 9 mai, sur la presqu’ile guérandaise, arrivant, en début d’après-midi, sur la commune du Croisic. De nombreuses villes et villages seront traversés, sur ces 70 kilomètres
qui correspondaient, en 1945, au secteur occupé par les dernières troupes allemandes. De même que le jour précédent, de nouvelles manifestations sont prévues sur Le Croisic, le 9 mai
dans l’après-midi, avec, notamment, un défilé d’hommes en uniforme d’époque et de véhicules anciens. Pour le dimanche 10 mai, le groupe se déplacera sur diverses communes de la presqu’île, comme Batz-sur-Mer et Guérande, afin de participer, dans chacune d’elles, à diverses commémorations (voir programme détaillé du week-end). En début d’après-midi, le convoi fera route vers le musée du Grand Blockhaus, unique musée préservant, aujourd’hui, l’Histoire de la Poche, depuis 17 ans. Nous ne remercierons jamais assez les fondateurs du musée, Luc et Marc Braeuer. La reddition des troupes allemandes de la Poche de Saint-Nazaire ayant eu lieu le 11 mai 1945, à Bouvron, une reconstitution en tenue d’époque, ainsi que des commémorations officielles, seront organisées le lundi 11 mai 2015, sur le lieu même qui a rassemblé, 70 ans plus tôt, les vainqueurs et les vaincus de ce conflit. Après le 70e anniversaire du débarquement des alliés en Normandie, le 6 juin 1944, cet évènement majeur, plongera le public dans l’histoire des Poches de l’atlantique, derniers secteurs défendus par l’armée allemande, jusqu’à leur libération totale, pas le 8 mai, mais le 11 mai 1945 ! Les années passent, et les témoins de cette époque sont de moins en moins présents. Il est, donc, important pour l’association « Mémoire de la Libération, Poche de Saint-Nazaire », de leur rendre hommage, tout comme à celles et ceux qui y ont laissé leur vie, civils ou militaires.
Jérémy Bourdon Secrétaire de l’association « Mémoire de la Libération, Poche de Saint-Nazaire »
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Découvrez le programme détaillé de ce week-end en visitant notre site : http://66infantrydivision.wix.com/ black-panther/ Pour tous renseignements, l’association organisatrice de l’évènement reste à votre disposition : ¾¾ par mail : memoiredelaliberation@ yahoo.fr ¾¾ ou par téléphone : 06.24.85.96.77.
Illustrations : collection association « Mémoire de la Libération, Poche de Saint-Nazaire »
Mémoire de la Libération, Poche de saint-Nazaire Créée, en 2012, par une équipe de passionnés par l’histoire locale, liée à la Seconde Guerre mondiale, l’association « Mémoire de la Libération, Poche de Saint-Nazaire » compte, aujourd’hui, 16 membres, tous impliqués dans la vie associative. Notre groupe a pour but de conserver le souvenir des troupes alliées, notamment pour ce qui concerne le secteur de la Poche de Saint-Nazaire. Cette contribution au devoir de mémoire s’effectue, essentiellement, par le biais d’expositions, et de reconstitutions historiques, représentant les troupes stationnées sur la limite de la Poche durant le dernier conflit mondial, entre janvier et mai 1945. Il est, également, important de noter qu’en fonction des différentes manifestations extérieures, nous adaptons l’uniformologie, afin de présenter au public un uniforme correspondant à celui porté, à l’époque, sur le théâtre d’opérations concerné ; refusant la dérive uniformologique qui touche une partie des reconstitutions historiques, de nos jours. Les différents membres de l’association disposent, également, de matériel de campement, principalement individuel, permettant la mise en place d’un camp lors des différentes reconstitutions.
De plus, des véhicules anciens militaires tel qu’un GMC, un camion Citroën U -23, une Motobécane, un Dodge Command Car et 6 jeeps, appartenant aussi aux membres, permettent d’enrichir nos manifestations. Des convois sont alors organisés, lors de certains évènements, comme pour le 70e anniversaire de la libération de la Poche de Saint-Nazaire.
Un peu d’histoire L’association met particulièrement en avant la 66th Infantry Division « The Black Panther «. Il s’agit, en effet, de la principale unité américaine présente sur le secteur de Saint-Nazaire entre janvier et mai 1945. La 66th ID connaît, dans un premier temps, un destin tragique. En effet, la veille de Noël 1944, l’un des deux
paquebots transportant les troupes d’Angleterre vers la France est coulé par le sous-marin allemand U 486. L’unité est alors véritablement affaiblie. De ce fait, la 66th ID n’est plus capable de remplir sa mission initiale et est alors envoyée vers les Poches de Lorient et Saint-Nazaire. Les « Panthermen » vont trouver, en face d’eux, un terrain très bien défendu par les troupes allemandes, qui avaient reçu l’ordre de se replier dans les secteurs fortifiés. Leur quotidien est principalement rythmé par des missions d’infiltration au sein du secteur ennemi, dans le but d’obtenir des informations essentielles sur les emplacements des différentes batteries de canons défendant le secteur occupé. La poche de Saint-Nazaire est la dernière région libérée de France, le 11 mai 1945. Nos contacts permanents, avec les vétérans de la 66th ID aux États-Unis, avec les anciens, ayant habité, ou résisté, à l’intérieur de la Poche, ainsi que notre proximité avec le musée du Grand-Blockhaus de Batz-sur-Mer, nous incitent, et nous encouragent, à poursuivre notre action et à contribuer, ainsi, à l’indispensable devoir de mémoire.
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À LIVRE OUVERT
Nobles en Bretagne
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ar son travail précis et méthodique, Jean de Saint-Houardon, apporte beaucoup à la connaissance que nous avons de l’histoire de la Bretagne. La noblesse bretonne a eu un rôle prépondérant dans le déroulement des événements, l’évolution des institutions, l’élévation des monuments, et, d’une manière plus générale, la vie des Bretons. Les œuvres d’art qu’elle a encouragées et qu’elle nous a laissées contribuent, actuellement, à marquer le caractère particulier de notre environnement culturel.
Or, ces patronymes nobles bretons, qui furent pendant des siècles liés à l’Histoire, risquaient de sombrer dans l’oubli. Celui-ci vient si vite. Ces noms évoqués, célèbres en leur temps, font partie de notre patrimoine immatériel. Beaucoup d’entre eux sont éteints et ne se rencontrent plus. Jean de Saint-Houardon s’est appliqué à les rechercher, il les a réunis dans un recueil de grande ampleur. Une première édition publiée en 2005 « Essai sur la noblesse de Bretagne ». Puis une seconde édition, amendée et augmentée, en 2007. Il ne s’arrête pas là. Il poursuit ses travaux, il publie actuellement 2 tomes, de 500 pages chacun, comprenant un armorial en couleur composé des blasons de plus de 400 familles anciennement nobles et qui existent encore. C’est, selon l’auteur, un ouvrage unique décrivant trois nobiliaires distincts, accompagnés de 3700 notices.
cette occasion leurs connaissances. Les familles encore survivantes peuvent s’y voir citées, celles qui sont « tombées en roture » peuvent, elles aussi, retrouver leurs ancêtres, et, celles qui ont disparu apparaîtront aux lecteurs avides de découvertes, elles revivront, un peu, en esprit. Tous ces noms, intimement liés à l’histoire de la Bretagne, donc à l’Histoire générale, nous remémorent notre civilisation. Cet écrit est d’une grande valeur documentaire, d’une grande précision et possède, en lui-même, une originalité rare. Il mérite de figurer dans les bibliothèques privées et publiques. Il est un repère indispensable à tout chercheur en ce domaine. L’armorial est signé Ségolène de Pas, héraldiste reconnue. La préface a été rédigée par le vicomte de Rohan « issu de la plus illustre famille de Bretagne, cousine et héritière de l’ancienne maison des ducs ». Si on ajoute que celui-ci fut Président des Amis de Versailles, premier Directeur Général de la Fondation du Patrimoine, et, actuellement, Président de la Sauvegarde des Arts Français, ainsi que premier mécène des églises et chapelles de France, on peut considérer cette préface comme une consécration pour cet ouvrage de référence.
Christiane Marchocki
Nobles en Bretagne Tome I : la noblesse en Bretagne – nobiliaire des familles subsistantes. Tome II : familles ou branches de familles nobles ou anciennement nobles en Bretagne oubliées, éteintes ou tombées en roture. La première page de couverture est illustrée de blasons. Tous authentiques et plus beaux les uns que les autres. Chacun est parfait sur le plan esthétique. Les férus de cette science seront heureux de les déchiffrer et d’enrichir à
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Nobles en Bretagne Jean de Saint-Houardon Éditions Eñvorenn Comptoir des Editeurs 14, rue le Beurerie 35290 SAINT-MEEN-LE-GRAND tél. : 09 51 60 16 29 Prix : 150 € http://diffusiondesediteurs.com/bretagne/26nobles-en-bretagne.html postmaster@diffusiondesediteurs.com saint.houardon@free.fr
Et la lumière fut
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ui aurait pu croire qu’un nonvoyant puisse être chef d’un réseau de la Résistance pendant la guerre de 1939-1945 ? Cette œuvre autobiographique est bien la preuve qu’un homme aussi démuni physiquement, au caractère déterminé a existé. Jacques Lusseyran fut ce chef. Dénoncé, il survécut un an et demi dans le camp de concentration de Buchenwald. Dans son ouvrage « Que la lumière fut », il ne dépeint pas seulement le plus sombre aspect de cette seconde guerre mondiale, mais aussi il fait preuve de l’esprit le plus lumineux dont l’être humain peut s’enorgueillir. Il le conserve dans cette descente aux enfers, descente organisée, destinée à rabaisser, détruire âmes et corps. Enfers qui défient l’imagination de quiconque se complairait dans l’horreur. « Les survivants de la déportation n’ont jamais dit jusqu’au bout ce qu’ils avaient vu. » écrit-il. Tout imaginaire est dépassé, seule l’expérience vécue permet de savoir la vérité. Le poète espagnol, Leon Felipe, écrit, s’adressant à Dante, dans son texte intitulé « Auschwitz : … la ‘Divine Comédie » « Ça a été une aventure amusante, Du tourisme en musique,
livre nous fait pénétrer dans un univers ignoré. Être aveugle devient pour lui l’occasion de découvrir la force qui est en lui. Il nous fait pénétrer dans son monde mental, il nous livre les épisodes de son évolution intellectuelle : ‘J’avais appris… qu’il existait deux soutiens insoupçonnés dans la vie : le courage et la poésie’ Rarement, on rencontre un texte plus enrichissant et rassurant à la fois, surtout si on garde en mémoire, parfois on l’oublierait presque, que le héros est aveugle. On en poursuit la lecture comme on suivrait le récit d’une aventure. C’en est une, particulière. Elle n’est pas sans souffrances. Elle est humaine au sens élevé du terme. Bien que l’introspection y tienne une grande place, une vision plus large du monde nous replace dans l’histoire. Ça, c’est autre chose… autre chose… » Certains hommes d’exception ont su continuer à croire au Beau, au Vrai, au Bien. Aveugle à 8 ans, après un accident, Jacques Lusseyran, est un élève brillant. Il prépare le concours d’entrée à l’École normale supérieure, la fameuse rue d’Ulm. En parallèle, il gère ses activités de résistance. La lecture de son
Christiane Marchocki Et la lumière fut Jacques Lusseyran Éditions du Félin - Prix : 11,90 € En vente à la Gède aux Livres - Batz-sur-Mer
La Gède aux livres “La Gède aux livres”, librairie café, ressent régulièrement un “coup de cœur” pour tel et tel ouvrage. Ainsi en est-il pour l’autobiographie de Jacques Lusseyran “Et que la lumière fut”, et, de “Le voyant” de Jérôme Garcin, récemment paru, aux éditions Gallimard. Cette librairie café est située à Batz-surMer. Qu’est-ce donc qu’une “Gède” ? . Ceci intrigue. Certains pensent que c’est un dérivé de “jatte”… Ce mot particulier, propre aux paludiers de nos marais salants désigne une sorte de panier en bois : le fond en est rectangulaire, les 4 côtés trapézoïdaux. On y transporte le sel. À l’origine, la gède était circulaire et de moindre capacité. Si vous vous arrêtez à Batz-sur-Mer, à proximité du Musée des Marais Salants, vous verrez une statue représentant une femme, une gède sur sa
tête, intitulée “La porteresse” et signée Jean Fréour. Ici se sont des livres que cette gède contient. Elle permet de les prendre, les étaler, les emporter. On les manipule avec soin, comme le sel au bord d’un œillet. Les livres sont bel et bien aussi nécessaires que le sel. La Gède aux livres est un lieu de réunions littéraires, organisées par Élisabeth, qui règne sur tous ces titres. On peut y participer en tant
qu’acteur, ou y assister en auditeur : poésies, dédicaces d’ouvrages récents, thèmes philosophiques abordés par un professeur de cette discipline… On peut aussi y venir, tout simplement dans la journée, consommer un thé ou un chocolat, échanger des propos entre gens passionnés de littérature, des insatiables de lecture, et s’enrichir mutuellement en tenant des conversations de belle tenue. Tout cela parmi les livres, ou, l’été, dans un joli jardin aménagé entre de vieux murs qui s’intègrent allègrement. Ils font partie du décor. Si vous désirez faire un cadeau, qu’il soit destiné à un enfant, un étudiant, un vieux lettré, ou à qui que ce soit, Élisabeth saura toujours vous conseiller, car elle suit sa route depuis longtemps parmi tous ces mots, toutes ces histoires, ces essais, ces documentations… parmi tous ces livres.
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Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne
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L’ancien bâtiment du Service Sanitaire Maritime, à Saint-Nazaire, derrière l’usine élévatoire Photo Tanguy Sénéchal
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Armes de la ville de Saint-Nazaire (1911), sur l’usine élévatoire
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