HISTOIRE & PATRIMOINE - Hors série n° 7 - novembre 2016

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HISTOIRE & PATRIMOINE ASSOCIATION PRÉHISTORIQUE ET HIS TORIQUE DE LA RÉGION NAZAIRIENNE

L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise

Hors-série

Noms Camérun de lieux en -un Fédrun Sandun Mayun autour de la Brière Lénifun Tregun

Combun

Mazun

Gassun

Érun Déhun Verdun

Salahun

Bressun Camardun

Gildas Buron

Rodun

A.P. H.R.N - Hors-série no 7 - novembre 2016 - 8 €


Le Rohun, Saint-Lyphard, 17 juin 2012 (ClichĂŠ Gildas Buron)


L

Éditorial

es érudits, curieux de toponymie locale, apprécieront particulièrement ce numéro spécial, édité par l’APHRN, comme les lecteurs qui le découvriront. Le nombre de noms de lieux se terminant par –un, remarquable en Brière, attise la réflexion. Gildas Buron nous offre une documentation complète, à laquelle s’ajoutent des références, des hypothèses et des discussions, dans le plus grand respect de la précision et de l’impartialité. Il s’agit là d’un ouvrage universitaire fort utile, pour ne pas dire nécessaire, à tout chercheur en ce domaine. En filigrane, on devine, on pressent, les habitants, leur façon de prononcer certains mots et certains épisodes de la vie de leur village. Les noms de lieux, qu’il s’agisse des noms de villages et de lieux habités, ou des noms de terroirs cultivés, sont un héritage du passé qui contribue à façonner notre rapport à l’espace. Si on est tous capable d’en citer plusieurs dizaines de notre environnement proche ou plus éloigné, il nous est beaucoup plus difficile d’en donner le sens premier. Les étudier est le travail d’une discipline autonome des Sciences humaines qui s’appelle la toponymie. Elle fait appel à la linguistique historique, mais aussi à la géographie et à l’histoire, dans la mesure où les noms de lieux reflètent du regard porté par les hommes sur des territoires vécus et travaillés. La démarche suppose aussi d’étudier les textes, pour rechercher les premières attestations du nom que l’on souhaite analyser. C’est essentiel pour connaître son apparition dans le temps. Mais dès lors, l’affaire se corse, car la documentation est souvent lacunaire, surtout pour l’époque médiévale, période au cours de laquelle beaucoup de toponymes ont été formés. Aussi, l’enquête s’apparente-t-elle à une traque, au travers une documentation touffue et souvent de lecture ardue. Ensuite, il faut également recouper les informations pour établir la langue dans laquelle le nom a été donné et reconnaître les évolutions qu’il a connues au fil du temps. Entre Loire et Vilaine, la situation linguistique a été complexe. L’ouvrage à paraître de Gildas Buron sur L’histoire de la langue bretonne au pays de Guérande en donne un aperçu détaillé, glossaires et documents inédits à l’appui. Quant au sens et aux motivations des noms de lieu, les conclusions restent, le plus souvent, provisoires. Ici d’ailleurs, la comparaison est souvent nécessaire et éclairante. La critique est également de mise pour soutenir de prudentes, mais crédibles, hypothèses. La Brière et ses pourtours sont réputés pour une série de toponymes à terminaison –un sur laquelle de nombreux érudits se sont penchés. À la suite d’une intuition, née lors de la rédaction de son étude sur le type toponymique ˹gaubun˺, Gildas Buron s’empare du dossier et en relit les données. En distinguant deux espaces géographiques, schématiquement l’un à l’est de la Brière et l’autre à l’ouest, la documentation, patiemment constituée et analysée, lui permet de mettre en avant quatre raisons à cette “mode toponymique” du Pays nantais. Ce faisant, en s’appuyant sur une riche et récente bibliographie (plus de 100 titres consultés) et des textes inédits, il cerne et établit le sens, souvent indécelable à la seule vue des formes actuelles, de plusieurs dizaines de noms des territoires de CAP Atlantique et de la Carène, ou de communes voisines. Après avoir lu ce hors-série d’HISTOIRE & PATRIMOINE, richement illustré – marque, entre autres – des publications de l’APHRN, nous n’aurons plus la même vision des villages traversés, lors de nos promenades. Les traces les plus anciennes, que nous ne soupçonnions pas forcément, devenues inconsciemment familières, nous apparaitront. Christiane Marchocki Présidente de l’APHRN

Ci-dessus : Vue partielle de l’étang de Sandun prise au dessus de Cogea. (cliché. A. Guérin) Première de couverture : « Brière, Les Chats-Fourrés à l’île de Fédrun », Saint-Joachim, 25 juillet 1924, vue stéréoscopique légendée sur verre. (cliché anonyme, coll. particulière) Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 7 — novembre 2016

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A . P. H . R . N

Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr - Tél. 06 62 58 17 40 HISTOIRE & PATRIMOINE

Hors-série n° 7 - novembre 2016 Éditeur : A.P.H.R.N Directrice de la publication : Christiane Marchocki Maquette/Mise en page : Tanguy Sénéchal Impression : Pixartprinting Dépôt légal : 4e trimestre 2016 N° ISSN : 2274-8709 Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145

Sommaire 4 I. Position de la question à l’est de La Brière 21 II. Position de la question à l’ouest de La Brière 22 II.1 -Un appliqué à des morphèmes lexicaux 31 II.2 -Un appliqué à des noms d’homme 34 II.3 -Un réinterprétant un suffixe ou un morphème breton II.3.1 Toponymes délexicaux originellement suffixés en -enn 34 II.3.2 Composés délexicaux et déanthroponymiques originellement 38 suffixés en -e(u)c II.3.3 Composés délexicaux et déanthroponymiques 43 46 II.4 Les cas difficiles ou ambigus 53 Conclusion 56 Bibliographie 60 Sitographie 61 Index des noms vedettes étudiés 62 Variations graphiques des noms en -un

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E koun Martial Ménard (1951-2016)

Noms de lieux en -un autour de la Brière Gildas Buron

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Noms de lieux en -un autour de la Brière Gildas Buron L’analyse du type toponymique ˹gaubun˺ représenté dans la toponymie mineure des anciennes paroisses et communes du territoire d’entre les estuaires de la Loire et de la Vilaine a permis de rappeler l’existence d’un suffixe nominal –un, –um, commun au gallo et à l’ancien français (Buron 2014b : 62-91).

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n ancien français, dans un nombre significatif d’items lexicaux, le suffixe -un < -um, issu du latin -ūmen, s’est souvent confondu, de manière temporaire ou définitive, avec -on, réplique du latin -onem, ou -in, -ain (Thomas 1896 : 447-448)1. Un rapide survol de la toponymie majeure de la France permet de vérifier que le phénomène a également affecté nombre de noms de lieux formés par dérivation de morphèmes lexicaux et même parfois de noms d’homme masculins. On constate en effet que des noms de localités se terminant par <on> issu du suffixe nominal -onem ont connu, entre les 11e et 14e siècles, un passage par les graphies <un>, <um> : variation graphique fréquente en ancien français liée à la fermeture de la voyelle primitive. En gallo en revanche, la nasale [] graphiée <un> s’est plutôt bien maintenue en position finale. Cependant, quelques toponymes locaux témoignent d’hésitations similaires aux toponymes du domaine d’oïl, tels Mayonnais, dérivé du nom Mayun qui s’applique aux habitants du même village, de Fédronais à ceux des habitants de Fédrun et de Caméronnais à ceux de Camer et Camérun2. Ce constat conduit à s’interroger sur l’origine et la valeur de la terminaison

1 - Dans notre contribution au type ˹gaubun˺ (Buron 2014b), il faut corriger –unem en –ūmen. 2 - Une variante de Caméronnais est peut-être fossilisée dans « le pré des Camurenays » signalé en Saint-Nazaire vers 1735 (Adla, E 586, n° 3758).

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-un récurrente dans la toponymie du département de la Loire-Atlantique. Les commentaires suscités jusqu’ici sur cette question, loin d’emporter l’adhésion, invitent à un examen du dossier qui prenne en considération tout à la fois les données textuelles et les faits dialectaux.

I. Position de la question à l’est de La Brière La finale -un des toponymes du pourtour est de la Brière a déjà attiré l’attention comme marqueur identitaire de son paysage (Charaud 1949 : 122). Dans un pentagone entre Missillac, Saint-Nicolas-de-Redon, Plessé, Blain, Montoir-de-Bretagne et Lavau se relèvent Brécun (Quilgars 1906 : 42a), Bourun (ibidem : 39a), Bressun (ibid. : 44a), Chaussun (Tremblay 1996 : 199), Curun (Quilgars 1906 : 90a), Ergantun (Quilgars 1906 : 99a), Érun (Tremblay 1996 : 204), Redurun (Quilgars 1906 : 234b), Le Rimbrun (Tremblay 1996 : 218), Sauzun (Quilgars 1906 : 260b), Tressun (Tremblay 1996 : 222). Mais en l’état des données les concernant, il est bien difficile de dire quel est de -onem ou -ūmen, le suffixe en jeu. L’exercice est d’autant plus ardu que le Dictionnaire topographique de la Loire-Inférieure d’Henri Quilgars ne propose aucune première attestation aux toponymes précités.


Dans cette série à terminaison caractérisée, Yann Mikael a cru pouvoir identifier trois éléments distincts, mais tous redevables du breton : 1°- « koun variante de kon “chiens” » dans Brécun (Mikael 1991/13 : 17), 2°- hen “vieux”, “ancien”, dans Bressun (Mikael 1993/13 : 18), 3° - run “tertre”, dans Bourun (Mikael 1993/14 : 14 ; 2010 : 224-225), Camerun (Mikael 1993/13 : 8), Érun (Mikael 1993/14 : 11, 12) et Bodrun en Blain (Mikael 2010 : 225)3. Ces propositions semblent insoutenables. De son côté, Arnaud Delanoy constate que « dans plusieurs toponymes de la Brière (Camerun, Fedrun, Sandun,…) on retrouve une finale -un dont l’origine est peu claire. C’est peut-être dans certain cas le singulatif breton -enn ; on peut penser aussi à geun (sous forme mutée heun) “marais, marécage” (Delanoy 1992, 21, n° 168).

3 - « Le hameau de Bodrun n’existe plus, mais le nom figure toujours au cadastre pour désigner des pièces de terre » (Mikaël 2010 : 214).

Sur la foi des graphies Cameron et Federon des cadastres du 19e siècle4, et Caméran de la carte de Cassini, Fernand Guériff puis Jean-Pierre Fleury à sa suite ont suggéré que -un était l’avatar du suffixe diminutif breton -an (Guériff 1979 : 20, note 2, Fleury 2007 : 155, 157). Sur ce point comme sur d’autres, il paraît difficile de suivre ces auteurs. Ne serait-ce que du fait que l’ancien français et le gallo connaissent un suffixe -an, issu du latin -anu (Nyrop 3 : 304). Celui-ci marque un rapport à l’être, à l’objet ou à la matière désignée. Dans la langue populaire, -an s’est confondu avec -ain dont la racine latine -anem est différente (Nyrop 3 : 164). Le suffixe -an est très présent dans la toponymie des pays occitans, surtout dans le Bas-Languedoc. Il y est appliqué à des noms d’homme latins et reflète la domination romaine (Boyrie-Fenié et Fénié 2007 : 123-124). Mais son extension toponymique au nord de la Gaule est discutée.

Mayun et Camérun, commune de la Chapelle-des-Marais, détail du plan cadastral du canton d’Herbignac, par Charles de Tollenare, 1855. (coll. Musée des marais salants – CAP Atlantique, 08.28.2)

4 - Sous réserve que ces formes se lisent bien sur les originaux.

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sur le territoire pour désigner des exploitations rurales à caractère familial, il est possible qu’il contienne un nom d’homme d’origine celtique Briccō (Morlet 3 : 41b, Delamarre 2007 : 48b, Delamarre 2012 : 87b). Brécun est attesté comme nom d’homme sur la paroisse de Guérande au 14e siècle en la personne de Johannot Brecun (Adla, B 1462, 20 mai 1395).

Bressun (Pontchâteau)

Nom d’un village.  Documentation 1. Documentation contemporaine 1857 Bressun (Pinson : 330), 1906 Bressun (Quilgars : 44a), 1909 Bressun (Maître : 27a), [1982] ruelle de Bressun (Insee : 67a), Bressun (Carte top. Ign 1022 Et), [bƏrs] (Tremblay 1996 : 196). 2. Documentation historique [a.1450/1500] « Les vignes de Breczun en la frarie de Treneuc (sic) » (AmDonges, rentier vers 1470, f° 50 v°), Jehan Breczun (ibidem, f° 57 r°), « le fié de Breczun siis en Treveneuc » (ibid., f° 60 v°), « Jehan Breczun de Pontchasteau » (ibid., f° 100 r°), 1534 « de Bressun » (Adla, B 1834, Tremblay 1996 : 196), 1567 « les maisons, mestaeryes, dommaines & appartenances du fief de Bressun contenant Route de Bressun, cent journaulx de terre ou envyron bornez d’un Pontchâteau, 2014. cousté ladicte ripviere, d’aultre cousté le chemyn (cliché G. Buron)

qui conduict dudict Pontchasteau à Crossac » (Adla, B 1851, 14 septembre 1567, f° 24 v°), « le marays de Bressun » (ibidem, f° 24 r°).

 Discussion et hypothèse-s Comme Brossay (Adla, B 1851, 14 septembre 1567, f° 61 r°), nom d’homme qui se montre dans le rentier de 1470 également graphié Broczay (AmDonges, rentier vers 1470, f° 64 v°), le digraphe <cz> dans Breczun vaut /ss/ et note [s]. Le toponyme pontchâtelain pourrait être formé sur le nom d’homme Briccius, Brictius (Morlet 3 : 41b-42a), d’origine celtique. Mais une alternative à cette hypothèse consiste à rapprocher Bressun de Bresson, dérivé de brosse, brousse “buisson”, “broussaille” (Nègre n° 22554) et à le regarder comme une variante dialectale de ce nom de lieu : Bressun représenterait un dérivé en -un de bresses “broussailles” (1409, Actes Jean V, Blanchard 1, 115)5.

Buun (Chapelle-des-Marais ou Crossac)

Nom d’un terroir disparu.  Documentation 1. Documentation contemporaine Ø 2. Documentation historique [a.1540/1580] « Le pré d’Axxe contenant quatre hommées ou envyron entre la ripviere Tardiff d’un costé, d’aultre costé le Pré Morinaye, d’un bout les preaulx de Camer, d’aultre bout le pré Buun » (Adla, E 449, réformation du rôle rentier de la vicomté de Donges, f° 253 v°).  Discussion et hypothèse-s Ce nom de terroir pourrait figurer une variante dialectale du nom de famille Buon, dérivé de buie “pot en terre pour puiser de l’eau”, surnom supposé donné à un potier et transmis à sa descendance (Morlet 1991 : 148a, sous Buat, Buet). Cependant, le nom de personne germanique Bodo paraît l’étymon le plus probable. Pour la forme et l’évolution, on le comparera à Coczun étudié infra et dont le jeu de l’alternance -on, -un se trouve parfaitement documentée.

Caillalun, alias butte de Calayen (Montoir-de-Bretagne) Nom de lieu-dit.  Documentation 1. Documentation contemporaine 1828 Butte de Calayen (Adla, 7 P 4365/31, section O, feuille 3), 1830 Bute de Caloyau (sic) (Adla, 3 P 107/3, section O, dite de Loncé, n° 314-315), Bute de Caloyen (ibidem, n° 321-330), butte de Calayen (Quilgars 1906 : 51b), Butte de Caleyen (Carte top. Ign 1022 Et). 5 - D’où également en Escoublac, la mention d’une vigne dite de Bressin : « Dans la vigne de Bressin, seize seillons de terre à mesure de gaule et en vigne » (Adla, E 544, 17 janvier 1762).

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2. Documentation historique [a.1450/1500] « Le petit Caillalun » (AmDonges, rentier vers 1470, f° 5 v°), « le petit pré de Caillalun » (ibidem, f° 6 r°), « la pasture de Caillalun » (ibid., f° 12 v°), « la tenue de Caillalun » (ibid., f° 13 r°), 1534 « pres Duppez [lire du Pez = butte] de Caillalin » (Adla, E 444, 13 août 1534, f° 52 r°), à « la tenue de Caillalin » (ibidem, f° 52 v°) et à « la moutonnée de Caillalun » (ibid., f° 58 v°).  Discussion et hypothèse-s On dispose de peu de points de comparaison pour cerner l’origine et le sens de ce nom. Il est tentant de le rapprocher de celui de Caloyau porté par une métairie isolée sur un tertre de 5 mètres de haut au milieu des marais de la même commune (Pinson 1857 : 368, Quilgars 1906 : 52a, Carte top. Ign 1022 Et)6. J.-L. Duchêne voit dans Caloyau, « écrit Canloyo par Cassini », un probable composé breton avec Kennec’h + lojo, qu’il traduit par la “butte des cabanes”, dénomination motivée par une légende locale qui stigmatise Caloyau comme siège du sabbat (1975/17 ; Guériff 1979 : 234). Néanmoins, l’identité topographique de Caloyau, et de Caillalun, Calayen

par métathèse, semble autoriser une interprétation à partir d’une base *caillal, variante de l’ancien français caillel “caillou” (FEW 2/1 : 95b s.v. caljo-). Suffixé en -ũm(en), *caillal, pourraît indiquer un “tertre rocheux”, ou un “affleurement rocheux” remarquable. La même base est peut-être présente dans le déterminant du Pré du Calochon également sur la commune de Montoir (Adla, 3 P 107/3, 1830, section O, dite de Loncé, n° 454).

Les marais de Montoir où affleure la butte de Calayen, vue aérienne oblique du bourg de Montoir-deBretagne, 1950-1960. (Archives départementales de la LoireAtlantique,13 Fi Montoir-de-Bretagne 4)

Camardun (Derval)

Nom d’un village.  Documentation 1. Documentation contemporaine 1843 Camardin (Adla, 7 P 3175/51, section L, dite de Croquemais, feuille n° 1), 1857 Camardun (Pinson : 69), 1906 Camardun (Quilgars : 52a), 1909 Camardin (Maître : 32a), [1982] Camardin (Insee : 26b). 2. Documentation historique Ø  Discussion et hypothèse-s Ce toponyme semble devoir être rapproché de Cavardun étudié ci-dessous.

6 - Le cadastre distingue le Pré de Caloyau (Adla, 3 P 107/3, 1830, section C, dite Caloyau, n° 25) de la métairie de Caloyau (ibidem, n° 26-30), Isle Caloyeau (Adla, Plan topographique… 1775), Isle de Caloyeau (Adla, C 111/1, Plan des marais appartenants aux paroisses… fin du 18e siècle). Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 7 — novembre 2016

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J.-L. Duchêne donne à Er, le sens de “pierreux” (1975/17). En tout état de cause, on ne peut suivre : 1° - Yann MiKael qui décompose Érun en « er + run (le tertre) » (Mikael 1993/13 : 11), 2° - Jean-Pierre Fleury qui tire Er du breton kre(c’)h, “hauteur”, “colline” (Fleury 2007 : 157). En ce qui concerne Érand, en Crossac, Île d’Eran en 1857 (Pinson : 369), Eran au 15e siècle (AmDonges, rentier [a.1450/1500], f° 4 r°, 27 v°), il pourrait fort bien s’agir d’une variante phonétique d’Erun7.

Panoramique de l’île de Fédrun, vue aérienne oblique, Saint-Joachim, 1950-1960. (Archives départementales de la Loire-Atlantique, 13 Fi Saint-Joachim 2)

Fédrun (Saint-Joachim)

Nom d’une île de Brière et d’un village.  Documentation 1. Documentation contemporaine 1857 Île de Fedrun (Pinson : 337), 1906 Fédrun (Quilgars : 102a), 1909 Fedrun (Maître : 61a), [1982] Fedrun (Insee : 66a), Île de Fédrun (Carte top. Ign 1022 Et). 2. Documentation historique [a.1450/1500] « Jehan Martin de Fesdrun » (AmDonges, rentier vers 1470, f° 5 v°), « les levées Gisqueau siizes en Fesdrun » (ibidem, f° 13 r°), « la levée Guillo Halgan en Fesdrun » (ibid., f° 15 v°), « le tenement Geffroy Halgan estant en Fesdrun » (ibid., f° 27 v°), « Jehan et Thomas les Vinces de Fesdrun » (ibid., f° 27 v°), « la levée Jehan Matinau siize en Fesdrun » (ibid., f° 38 r°), « la levée 7 - Ici, il ne semble pas nécessaire d’en appeler au nom d’homme Eranus (Holder 2 : 1457a) ou du gentilice latin Erranius (Solin et Salomies 1994 : 74).

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de Fesdrun par Denys Vinces et Perrot Olivaud » (ibid., f° 38 v°), [1479] « En l’isle de Fredun, la tenue Guillo Fedrun par Jehan Mahé et ses consors, quatre soulz seix deniers » (Adla, 1 E 684, f°52 r°, 18 août 1479 (copie avant 1500), 1534 « Guillaume Moyon de Fesdrun » (Adla, E 444, 13 août 1534, f° 45 r°), [a.1540-1580] « Le fief es Beschees […] siis oud. Monthoir en l’isle de Fedrun ou quel y a unze maisons et estaiges, jardrins labours, taicteryes, rues, issues et appartenances, levées, ripvieres et frostz contenant quarente journées ou envyron entre le Poiglet d’un bout, d’aultre bout le courtill Chotard, d’un costé les challay [ ?] vers les illes, d’aultre costé la Briere vers Brecar » (Adla, E 449, réformation du rôle rentier… , f° 152 r°-v°), 1775 Isle de Fedeun (Adla, Plan topographique…), [fin du 18e siècle] Isle de Feydrun (Adla, C 111/1, Plan des marais appartenants aux paroisses…).

 Discussion et hypothèse-s On peut poser comme un fait certain que le <s> des graphies des 15e et 16e siècles n’est pas étymologique, mais indique la longueur de la voyelle précédant la consonne, comme dans Brescun pour Brécun. D’autre part, ces graphies permettent d’écarter les trois hypothèses avancées sur l’origine de ce nom, 1°- celle de Dominique Barthélémy qui rapproche Fédrun de Fadrin employé par Rabelais avec l’acception de “novice” (Barthélémy 1936 : 19), 2° - celle de Jean-Pierre Fleury qui regarde Fédrun comme une composition d’Éran, et de l’ancien français fest, feste “faîte” (Fleury 2007 : 157) et, 3° - celles de J.-L. Duchêne qui propose d’y voir soit


une composition du breton frout “courant” et de l’adjectif don “profond”, soit une formation identique à Verdun en Saint-Nazaire (Duchêne 1975/18). On pourait être tenté de considérer Fédrun comme une variante métathésée de Frédon, métairie de Montoir (Quilgars 1906 : 109a), mais ce toponyme est différent et poursuit un hypocoristique dérivé du germanique Frid- (Morlet 1 : 94a). Le nom d’homme Fredan est reconnu dans le « maroys de Fredan » et le « fié de Fredan » mentionnés sur le territoire de Donges vers 1470 (AmDonges, rentier [a.1450/1500], f° 50 r°, 60 v°). Fredan est aussi à l’origine de La Ferdennais, village en Donges (Quilgars 1906 : 103a), ainsi que le prouve le confront suivant : « la noe qui fut Fredan en Saint Donnacien pres la Fredannaye » (AmDonges, rentier [a.1450/1500], f° 55 r°), « village de la Fredennais » à la fin du 18e siècle (Adla, C 111/1, Plan des marais appartenants aux paroisses…). Au final, il est tout à fait possible que Fédrun relève de ce même mode de désignation des exploitations rurales par un nom d’homme employé seul. En l’espèce, il pourrait s’agir du nom d’homme d’origine germanique Fedrus + –onem (Morlet 1 : 88b).

Mayun (Chapelle-des-Marais).

Nom d’un village.  Documentation 1. Documentation contemporaine 1817 Magun (Adla, en ligne, délibérations communales, 5 mai 1817), 1825 Mayeun (Adla, 7 P 4356/13, section E), 1857 Mayun (Pinson : 327), 1906 Mayun (Quilgars : 176a), 1909 Mayun (Maître : 103b), [1982] Mayun (Insee : 16b), [1982] Mayun (Insee : 16b), Mayun (Carte top. Ign 1022 Et). 2. Documentation historique 1419 « La tenue Jehan Hervy d’Amagun » (Adla, B 1881, après le 19 septembre 1419, f° 1 r°), « Daniel Gourden d’Amagun » (ibidem, f° 2 v°), 1544 « les héritiers Jehan Hervy d’Amagun » (Adla, B 1881, 1544, f° 46 v°), Amagun (ibidem, f° 49 r°), 1775 Presquîle de Magun (Adla, Plan topographique…), circa1780 Mayen (Cassini), 1783 « Pierre Hervy demeurant au village de Maguun paroisse de la Chapelle des Marais » (Adla, 4 E 148/28, 26 juin 1783).  Discussion et hypothèse-s Le nom de Mayun a suivi deux évolutions majeures. D’un côté, il a connu une mécoupure de la voyelle étymologique initiale a-, évolution également

« Brière, Les Chats-Fourrés à l’île de Fédrun », Saint-Joachim, 25 juillet 1924, vue stéréoscopique légendée sur verre. (cliché anonyme, coll. particulière)


Sauzun (Plessé)

Nom d’un moulin et d’un écart.

 Documentation 1. Documentation contemporaine 1845 Moulin de Sauzun (Adla, 7 P 2501/27, section S, dite de Guelly, feuille n° 6), 1857 Moulin de Sauzun (Pinson : 380), 1906 Sauzun (Quilgars : 260b), 1909 Sauzun (Maître : 152b), [1982] Sauzin (Insee : 67a), [sauz] (Tremblay 1996 : 220). 2. Documentation historique 1650 « de Sauzun » (Tremblay 1996 : 220), « les moulins de Sauzin, de la Grée et Neuf aveq leurs moutaux » (Adla, E 335, 9 janvier 1696), « le moulin à vent de Sauzin » (ibidem, 2 juillet 1769).  Discussion et hypothèse-s Ce nom de lieu est plus difficile à interpréter qu’il n’y paraît. La première hypothèse qui vient à l’esprit est qu’il s’agit une formation déanthroponymique, la seconde d’une formation délexicale. Mais un toponyme composé sur le nom d’homme d’origine germanique Salicus (Morlet 1 : 194b), suffixé en -onem est-elle envisageable ? Un dérivé en -un d’une variante romane du nom du “saule” dont les dénominations sont saudre (ouest Brière) et sauze (est Brière) est plausible. Sauze est attesté dans les dialectes d’oïl depuis le 11e siècle (FEW 11 : 102a s.v. salĬx). Et Sauzun pourrait être un équivalent masculin de Sauzaie, Sausaie bien représenté dans la toponymie départementale (Quilgars 1906 : 260a), voire, par substitution de suffixe, de sauzelle “osier” (FEW 11 : 101a).

Ci-dessus : Moulin de Sauzun, Plessé, détail du cadastre, 1845, section S, dite du Guelly, feuille n° 6. (Archives départementales de la Loire-Atlantique, série P)

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Tressun (Pontchâteau)

Nom de lieu-dit.  Documentation 1. Documentation contemporaine 1840 Tressun (Adla, 7 P 4367, section M), [trɛs] (Tremblay 1996 : 222). 2. Documentation historique Ø  Discussion et hypothèse-s Hervé Tremblay compare le lieu-dit Pontchâtelain au village de Tressaint en Calanhel dans les Côtes-d’Armor (ibidem) et rappelle l’existence d’une maison nommée Le Saint en Plessé. Cette dénomination associée à un foyer de population dit « village du Sainct », se rencontre dès 1429 (Adla, B 1817, 26 février 1428vs). Aussi, il n’est pas impossible que ce hameau médiéval ait servi de référence à un écart de fondation postérieure et situé tré “au-delà”, celui-ci. Un rapprochement avec le nom de la ville de Tresson dans la Sarthe, tiré de l’oïlique treçon “écheveau”, “tresse” (Nègre n° 26488) paraît beaucoup plus discutable en l’état de la documentation historique sur Tressun.


II. Position de la question à l’ouest de La Brière Le succès du suffixe -un à l’ouest de la Brière semble être passé inaperçu alors même que la toponymie du territoire entre Loire et Vilaine en offre maints exemples. Il est vrai que la piste a été brouillée par des considérations au caractère celtomane. Dans Sandun, Caillodun, Rodun, Cofdun… Henri Quilgars a cru reconnaître un élément vieux celtique -dun (Quilgars 1906 : x8, Quilgars 1911 : 301). On soupçonne que les graphies Camardun au lieu de Cavardin (Derval), Cavardun pour Cavardin (Saint-Nicolas-de-Redon) et Renadun pour Renadin (Le Pouliguen) adoptées par Henri Quilgars dans le Dictionnaire topographique n’ont d’autre objectif que de renforcer l’impression de fréquence de l’élément dans la toponymie départementale (Quilgars 1906 : 52a, 55b et 235b). Il est assez probable que la systématisation d’Henri Quilgars s’appuie sur celle de l’érudit Gustave Blanchard qui concluait « que le suffixe dun termine 8 - « Les noms d’origine celtique ou gauloise sont encore nombreux. Il existe d’abord toute une série de noms formés avec -dun : Sandun, Caillodun, Rodun, Maisdon, etc. Les noms ainsi formés indiquent peut-être la présence d’anciens clans gaulois, ils correspondent en tout cas, dans la Loire-Inférieure, à des monuments mégalithiques ou à des retranchements en terre ».

le nom de Sandun [et] comme ceux de Pradun en Marais du Dehun, Pénestin, et de Rodun en Herbignac, remonte à Saint-Lyphard, 2015. l’époque celtique. Il entre dans une foule de nom (cliché G. Buron) gaulois : Lugdunum, Lyon ; Melodunum, Melun ; Uxellodunum, Issoudun ; Virodunum, Verdun, et cent autres. Le moine Héric traduisait ainsi Augustidunum, Autun, Augusti montem quod transfert celtica lingua “qui veut dire en gaulois la montagne d’Auguste” » (Blanchard 1878, § viii, 145). En ce qui concerne les noms guérandais, rien cependant ne vient à l’appui de cette thèse. D’entrée, elle est même contredite par les premières attestations et citations de Cofdun et de Renadun, noms respectivement notés Goffedin au cadastre de Mesquer en 1819 (Adla, 3 P 101/5, section E, dite de Quimiac, n° 212-240, 242 et 247-327) et Renadin en 1809 (AmPouliguen, section E, dite de Kerdin, n° 644649). Cohfeden en 1680 pour Cofdun atteste d’une composition avec le breton vannetais pré-moderne coh “vieux”, “vieille”, “faillie” et feden “fontaine” et par extension “puits”9 et celle de Renaden, en 1636 pour Renadun, témoigne d’un nom doté d’un timbre final [en] ou [ɛn] francisé par la suite en []10. Quant aux cas de Caillodin et de quelques autres noms, on verra qu’au final ils ressortent d’une confusion assez commune entre -un et -in. 9 - « Cohfeden autrement Vieille Fontaine » (Adla, B 1475, 13 août 1693). 10 - « Pré Renaden » (Adla, 4 E 59/2, 19 août 1636). Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 7 — novembre 2016

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II.3 –Un réinterprétant un suffixe ou un morphème breton II.3.1 Toponymes délexicaux originellement suffixés en -enn Guhun, Le (Saint-Lyphard) Nom de lieu-dit.

 Documentation 1. Documentation contemporaine 1906 Le Guhun (Quilgars : 129a). Localisé par erreur en Herbignac.

2. Documentation historique

1663 « Le pré des Guehuns » (Adla, B 8894, 10 octobre 1663), 1737 « Chemin du Guhun » (Adla, 4 E 62/145, 14 janvier 1737).

 Discussion et hypothèse-s

Le <h> des graphies n’a pas de valeur phonétique. Il marque le hiatus entre deux voyelles. L’étymon ne semble pas être un nom d’homme, mais une dénomination d’origine délexicale. D’entrée, il semble possible d’exclure un avatar de l’ancien français, gaiing, guehaing, recensé au sens de “terre labourable”, “labourage” (Baldinger et al., 5a). L’environnement de la parcelle lyphardine autorise un rappochement avec le nom Guhénn assigné « à une zone humide qui sépare la commune d’Arzal en deux parties » (Couëdel 1998 : 24b). L’étymon de ce dernier hydronyme a été interprété à la lumière du gaulois *uadana, *wádana à l’origine de nombreux mots dialectaux féminins, tels gasne “mare”, “fangeux”, guène “boue”, gâne, “mare

d’eau bourbeuse”, “chemin boueux”, “endroit où un ruisseau s’élargit et où on traverse à gué”, etc. (FEW 14 : 111-112)23. Mais ce rapport ne s’impose aucunement, non plus que de supposer à Guhénn en Arzal et Guehun, Guhun en Saint-Lyphard un prototype gallo-roman *guedumen ou une masculination en -un du type ˹guène˺. Guhénn et Guehun, Guhun sont indubitablement bretons. Ils poursuivent un type lexical moyen breton ˹*gwehenn˺ < ˹*gwezhenn˺ correspondant local de goezel “terrain fertilisé par un ruisseau” (Ernault 1895-1896 : 277)24, breton contemporrain gwazhell “terrain arrosé” (Favereau 1992 : 305b). Ces mots sont des dérivés de gwazh “ruisseau”, “cours d’eau”, goeh en vannetais. Les morphèmes bretons, -ell, et -enn sont sémantiquement équivalents et partant interchangeables dans la langue populaire. C’est ce que montre la prévalence dans divers noms de terroir entre Loire et Vilaine du moyen breton *gwezenn > *gwehenn > Guehen (d’où Guhun) sur gwazell > *Guehell. Le singulatif *gwezhenn postulé ici explique également Le Guehen en La Turballe, Le Guhène en Pénestin et Le Guhin en Mesquer. 23 - On relève gayne en Donges au 15e siècle (AmDonges, rentier vers 1470, f° 75 v°), gaisne à Montoir en 1534 dans la citation suivante « un maroys estant pres la Gaisne » (Adla, E 444, 13 août 1534, f° 8 v°), et gaisne en Crossac en 1542 (Adla, E 448, f° 24 v°, 4 septembre 1542), Pature de la Guenne en 1775 (Adla, Plan topographique…), ganne dans le nom de Marais de Ganne en Saint-André-des-Eaux (Carte top. Ign 1022 Et). 24 - Ajoutons pour les précisions apportées, la définition de Dom Pelletier en 1752 « gwazell, terrein où passe un ruisseau qui rend une vallée fertile en pâturages. Ce nom est rare, et se donne aussi à des lieux abandonnés au gros bétail pour le pâturage. Plusieurs prononcent gwezell » (Ernault 1895-1896 : 277).

Le type ˹*gwehenn˺ et ses représentants dans la toponymie Localisation Mesquer

formes Guhen Guhin Guehine

Pénestin

Guhène

Guhen Guehen

La Turballe

Guehen Guehic Guezic

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Occurrences et références 1906 Le Guhen, lieu-dit (Quilgars : 129a) 1819 Le Guhin (Adla, 3 P 101/5, section D, dite de Kerguilloté, n° 75-86), Clos Guhin (ibid., n° 68) 1679 « la Noe Guehine » (Adla, B 1503, 28 avril 1679, f° 753 v°). 1838 Le Guhène (Adm, 3 P 2254, section G, dite de Kerséguin, n° 295-297), « La Pâture du Guhène » (ibid., n° 286), « Le Clos du Guhène » (ibid., n° 284-285, 289), « Le Pré du Guhène » (ibid., n° 283, 287) 1765 « Un pré situé au Guhen sur le chemin de Pradun » (Adla, 4 E 148/13, 10 août 1765) 1756 « La piece du Guehen » (Adla, 4 E 148/11, 1er octobre 1756), « La Piece du Guhen » (ibidem) 1711 Le « commun du Guehen » (Adla, 4 E 148/1, 25 mai 1711), joignant « [d’un] bout laditte noe du Guehen » (ibidem). 1733 « Isle de Guehic frairie de Trescallan » (Adiv, H 161, 27 juillet 1733) 1700 « trois […] pieces de terre scittué(e)s en l’isle du Guezic autrement Guehen frarye de Trescallan » (Adiv, 2E K 57, 2 septembre 1700, f° 3 v°, art. 16).


Le Pradun, Pénestin, détail du cadastre, 1834, section H, dite de Kervaud. (Archives départementales du Morbihan, série P)

Localement, guehen, comme gueh = gwazh est souvent à prendre au sens de “noë”. Dans le cas de guehen le sens est inféré de deux énoncés : l’un évoque la « noe du Guehen », l’autre pose une équivalence entre les noms Guehen et Guezic. La graphie Guezic est archaïque sinon étymologique car on attendait Guehic au 17e siècle (cf. Le Guhy, village d’Herbignac (Quilgars 1906 : 129a)25. Guezic préserve une notation contemporaine et quelque peu postérieure à l’évolution dans le domaine vannetais de la dentale [θ] (notée <z>) en vélaire [h].

Pradun (Pénestin)

Nom d’un domaine.

 Documentation

1. Documentation contemporaine 1834 Le Pradun (AdM, 3 P 201/16, section H, dite de K/vaud), 1870 Pradun (Rosenzweig : 222b). 2. Documentation historique 1547 « Le chemin qui conduict de Pradain à la mer » (Adla, E 300, n° 1, 18 janvier 1547), 1661 « maizon de Pradun » (Adla, E 1584, 22 février 1661), 1733 « le chemin qui conduit de Loscolo à Pradun » (Adla, 4 E 148/3, 11 septembre 1733), « metairie de Pradun » (Adla, E 1544, 5 septembre 1733), 1777 « une piece de terre nommée le Clos Pradun » (Adla, B 12920-3a, 16 décembre 1777, f° 36 v°), circa1780 Pradun (Cassini).

 Discussion et hypothèse-s

Les formes anciennes recueillies du toponyme pénestinois Pradun doivent remonter au moyen breton praden, aujourd’hui pradenn, admis comme variante de pradell “prairie” (Favereau 1992 : 25 - La coalescence des voyelles de gueh- est à noter. À la charnière des 17e et 18e siècles, le même phénomène a affecté Le Guharin lieu-dit en Herbignac (Quilgars 1906 : 129a) ainsi que le nom du Guho en Batz (Buron, à paraître).

613 b). Ce nom appartient à la même série que les noms Pradel, Pradelan ou Pradello. On peut y ajouter Pradé en Herbignac (Adla, 3 P 76/6, section A, dite du Quilio, n° 2012-2033 et section C, dite de Kerobert, n° 1175-1178, 1202) et en Guérande (Adla, 3 P 7/5, 1819, section D, dite de Beaulieu, n° 401). Dans ces dernières désignations, le suffixe originel -ell a subi l’amuïssement du /l/ final survenu en gallo, par suite, il a entrainé la masculinisation du toponyme. L’amuïssement de /l/ est par exemple en œuvre dans l’anthroponyme d’origine bretonne Le Hébel. Localisé à la fin de l’Ancien Régime sur les communes d’Assérac, Guérande, Herbignac et Mesquer, il se trouve cristallisé dans le toponyme herbignacais Kerhébé (Carte top. Ign 1022 Et, Quilgars 1906 : 149a) et le nom de terroir complexe Grée de Kerhébé (Adla, E 1552, 22 décembre 1743). Le village est Querhebel en 1684 (Adla, B 9171, 7 janvier-7mai 1684, f° 39 r°) et Querhebé en 1681 (Adla, B 1504, 28 mai 1681, f° 1278 r°). Cette occurrence témoigne de l’achèvement du phénomène dès le dernier quart du 17e siècle. Des formes gallèses parallèles aux précédentes sont identifiables dans les microtoponymes guérandais Pradillon (Adla, B 1452, 30 avril 1574, f° 34 r°), liphardin Praidillon (Adla, 3 P 183/4, section F, dite de Bois-Nozay, n° 184-187) et escoublacais La Pradelle (Adla, 3 P 11/2, 1824, section E, dite de la Ville-Mouée, n° 149-150, 166, section H, n° 2015) qui existent à côté de La Pratelle. Les deux séries sont marquées par la sonorisation de [t] intervocalique en [d]. À titre de rappel, cette évolution est documentée en occitan dès le milieu du 10e siècle par des noms de terroirs auvergnats Pradella < *Pratella et Pradale < *Pratale (Carles 2011 : 209-212).

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Sandun (Guérande) Nom de village.

Panoramique de l’étang de Sandun prise en direction du nord, 1950-1960. (Archives départementales de la Loire-Atlantique, n° 13 Fi Saint-Lyphard 2)

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 Documentation 1. Documentation contemporaine 1819 Sandun (Adla, 3 P 2492/19, section F, dite de Sandun, feuille n° 1), 1857 Sandun (Pinson : 315), 1906 Sandun (Quilgars : 259a), 1909 Sandun (Maître : 152a), [1982] Sandun (Insee : 38b), Sandun (Carte top. Ign 1022 Et). 2. Documentation historique 1386-1400 Saint Dum (Adla, B 2964, 1386-1400), 1400 « terres à Saint Dun » (Adla, B 1458, après le 12 juin 1400vs), 1426 « [le] chemin qui maint d’Escoublac à St Dum » (Adla, E 536, 4 novembre 1426vs), 1444 « Johan le Pennec de Sct Dum » (Adla, B 1450, 14 septembre 1444), 1452 Saint Dun (Adla, B 1489, (A), f° 35 v°), [1479] « ung chemin qui conduict de Sainct André à Sainct Dum » (Adla, 1 E 684, f°85 r°, 19 août 1479 (copie 4 avril 1497vs), 1491 « Jehan Pezron de Sandun » (Adla, B 1490,

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1491, 144 v°), 1540 Sandun (Adla, B 1455, 28 avril 1540), 1597 « [le] grand chemin qui conduict de Sandun à Sainct Servais » (Adla, E 536, 4 juillet 1597), 1602 Sandun (Adla, B 1459, 15 juin 1602), 1656 « le grand chemin conduisant du moulin de Gratte Seigle au pont de Sandun » (Adla, E 1479, 2 avril 1656), 1679 « chemin quy maine de Sandeun à Herbignac » (Adla, B 1505, 5 décembre 1678, f° 485 v°), 1775 Cendun d’en Haut, Cendun d’en Bas (Adla, Plan topographique… ).

 Discussion et hypothèse-s Sandun est sans doute le cas le plus difficile du corpus guérandais examiné ici. Il est aussi l’un des plus commenté dans la littérature. Diverses explications ont été avancées en recourant au gaulois ou au breton. « L’étymologie de Sandun — rappelle J.-L. Duchêne — a fait l’objet de nombreuses hypothèses. Certains y voient la Vieille Forteresse (Seno dunum). On peut y voir la Vallée Profonde (San don) ou la Vallée


de la Forteresse (San dun). Pour ma part, j’estime qu’il s’agit bien d’une vallée, ne serait-ce que parce que le site, après barrage, sert de réservoir d’eau et que San désigne la vallée humide en breton » (Duchêne 2004 : 186b-c). Arnaud Delanoy qualifie le toponyme d’« obscur », tout en avançant, non sans circonspection, qu’il peut-être rapproché « du br[eton] san “fond humide d’une vallée” » (Delanoy 1992, 30, n° 243). Au 19e siècle, Gustave Blanchard y est également allé d’une interprétation topographique. Identifiant le breton san “canal” dans Sandun, il précise que « le ruisseau de Sandun sert de limite [à] la commune de Guérande » et argumente que « le village de Sandun, la “colline du canal”, s’épanouit en éventail sur un coteau dominant le ruisseau du même nom qui va se perdre dans la Grande-Brière » (Blanchard 1878, § viii, 145). Blanchard identifie encore san dans Bresanvé (Herbignac), rapproché de Rosanvé en Guiscriff, et ajoute que « la forme can, identique de san, a fini par prévaloir dans le Morbihan » (ibidem, 144). Il paraît difficilement envisageable que le breton san “vallée”, “canal” auquel se réfèrent les auteurs entre en composition dans Sandun. Forme apocopée de sanell, san n’est pas attesté en breton avant 1633 (Devri 2016). Le mot provient de l’ancien français chanel “lit normal d’une rivière” dont l’emploi est avéré entre les 12e et 14e siècles (FEW 2/1 : 168b s.v. canĀlis). Le breton san est également attesté au sens de “gouttière”, “aqueduc” et de “conduit”, mais aussi de “cloaque”, “égout” et “évier”, valeurs tardives et secondaires qui confirment la parenté du mot à sanell et au français chenal “chéneau (d’un toit)” (Ernault 1895-1896 : 595-596, Le Bihan 1996 : 582-583). Les acceptions de “ruisseau”, puis de “vallée”, “versant”, qui découlent du premier, sont avérées dans la toponymie du Finistère (Le Bihan 1996 : 583, Favereau : 655a, 657a). Là où le mot n’est plus compris, il est parfois traduit par le français “saint” (Le Bihan 1996 : 583). D’après l’Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne, l’emploi de san en breton se restreint à l’ouest de la Cornouaille et spécialement à la presqu’île de Crozon (carte 278). L’aire d’extension est donc loin d’atteindre le vannetais comme les exégètes du nom Sandun le suppose. Il existe certes un mot saoñ “val” rapporté au gallois safn “gorge” (Le Bihan 1996 : 583, Favereau : 655a). Mais, là encore, l’aréologie dialectale et la toponymie montrent un usage cantonné au Finistère et aux Côtes-d’Armor (Tanguy 1975 : 80). Il paraît donc très douteux que Sandun soit un toponyme complexe breton. Aucune des interprétations avancées ne s’appuie sur les formes anciennes du nom. C’est une source d’étonnement. Le Dictionnaire topographique d’Henri Quilgars n’en présente qu’une seule, datée de 1540 (Quilgars 1906 :

259a). Les occurrences antérieures ne manquent pourtant pas. La plus ancienne, Saint Dum se rencontre entre 1386-1400. La graphie alterne avec Saint Dun pendant un siècle et demi, la notation Sandun ne semblant pas documentée avant 1540. En tout état de cause, les formes Saint Dum, Saint Dun reposent sur une prononciation *[sˈd] dont l’écriture a été influencée par le moyen français saint. Les mêmes phénomènes d’attraction paronymique et de réanalyse sont à l’origine des formes Saint-Nom et Saint-Denac. Jusqu’au 16e siècle, Saint-Nom est noté Senon, ponctuellement Saint No en 1472 (Quilgars 1906 : 262a) alors qu’en 1461 Saint-Denac est transcrit Sendenac dans l’occurrence « noes de Sendenac » (Adla, B 1478, 18 avril 1461) et Sandenac en 141938 et 146239. On est donc en droit de supposer que Sandun résulte de l’adaptation de [] en [ã], [] d’une forme *Sendun. Le traitement de [] des dialectes romans en [ã], [] est des plus classiques en moyen français. Pour autant, le nom est-il composé des éléments vieux celtique seno-s “vieux”, “ancien” et dūnon “mont”, “forteresse”, “citadelle”, “oppidum” ? L’archéologie semble plaider en ce sens. Les plus anciennes traces d’occupation humaine de la vallée remontent au Paléolithique. Toutefois, les vestiges les plus remarquables sont plus tardifs. Au rang de ces derniers figurent : 1° - le tertre du Brétineau, daté du Néolithique moyen, soit autour de 4 500 avant l’ère commune (Cassen, Visset et alii 1998 : 29-37), 2° – un habitat fortifié doté d’un triple fossé et de palissade occupé en plusieurs phases du Néolithique moyen (Letterlé, Le Gouestre et Le Meur 1991 : 149-158) et, 3° - une exploitation agricole ou un enclos cultuel du premier Âge du Fer reconnus au milieu d’une grande enceinte quadrangulaire fossoyée (Letterlé, Le Gouestre et Le Meur 1990 : 73-85). L’exploration partielle de l’enceinte protohistorique a mis à jour un bâtiment à trois nefs sur poteaux, un grenier à sept poteaux et un four à sel à piliers. Cette partie du domaine a été occupée entre 770 et 395 avant le Présent. Des fouilles conduites, certes sur une faible étendue, il ressort que le site de Sandun se trouvait abandonné dès avant le début du Bas-Empire (Devals 2004 : 9a). Aussi, en se plaçant dans l’hypothèse d’un *Seno dūnon, une “vieille colline fortifiée”, ou de la “forteresse du Gaulois Senos” selon les récentes alternatives 38 - « [Une] piece de pré […] entre l’estang de Sandum d’une part [et] le pont de Breizor d’autre » (Adla, B 1455, 9 janvier 1418vs). La ligne de ce passage se trouve partiellement râpée. Néanmoins, les leçons Sandum et Breizor sont lisibles sous lampe de Wood ainsi que nous nous en somme assurés le 02 juillet 2015. 39 - « Une piece de terre soubz boys taillif et lande nommé le boys et lande de Sandenac [joignant un] chemin par lequel l’on va d’Escoublac droit à Brecar » (Adla, 1 E 684, f° 110 v°, 5 mai 1462 (copie avant 1500).

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Illustration : L’ancien étang de la Duine, Guérande, 2014.

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— Histoire & Patrimoine - Hors-série n° 7 novembre 2016

(cliché G. Buron)


Le puits de Caloyau, Montoir-de-Bretagne, 2 septembre 2014 (ClichĂŠ Gildas Buron)


Impression Pixartprinting - Réalisation Tanguy Sénéchal

Vue partielle de l’étang de Sandun prise au dessus de Cogea

HISTOIRE & PATRIMOINE - Hors-série n° 7 - novembre 2016 - 8 €

A.P.H.R.N - Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne Agora (boîte n° 4) - 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire Courriel : aphrn.asso@gmail.com - Site internet : http://aphrn.fr ISSN : 2274-8709

ISSN : 2274-8709

(Cliché A. Guérin)


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