ARBRE Marie Piquet Arnaud Iprex
ARBRE
texte de Marie Piquet Pourquoi tu regardes l’arbre? dessins de Arnaud Iprex
Il fait sombre dans le parc clos. Seules les feuilles rondes de l’arbre Reflets du dernier lampadaire encore allumé à cette heure – La luneColorent de jaune La nuit noire.
« Pourquoi tu regardes l’arbre ? » Son visage collé au sien, il l’embrasse précipitamment, Avidement. Mais sa bouche est sans eau. Sa langue, rêche, entre et sort Comme un serpent, Trop petite pourtant. Elle, ouvre la bouche. Ferme. Mécaniquement. Sa tête est ailleurs, avec lui, l’Autre.
« Pourquoi tu regardes l’arbre ? » Il la lève, puis l’assoit, là Les jambes ouvertes, Contre son sexe. Il l’attire, la repousse. Le mouvement effréné du coït dans le regard Il imprime le rythme de son bassin Sur son sexe Et, elle, Balancier, Répercute. Son corps est ployé, tordu, cambré, Absurdement Sans la passion dans le mouvement, L’agonie du désir dans le souffle. Il possède Ses pieds, Ses seins, S’approprie son sexe. C’est grotesque, pense-t-elle, mais elle ne dit rien.
« Pourquoi tu regardes l’arbre ? » Il a le regard perdu, Le souffle court mais le geste précis, fort. Il lui fait mal. Sa peau est douce et, Un instant, Elle oublie de s’absenter. Voudrait toucher sa main Se raccrocher à l’homme, Hors de ce va-et-vient artificiel.
« Pourquoi tu regardes l’arbre ? » Pourtant elle respire fort Pourtant, son corps est là, palpé, pincé, pénétré. Elle sent la douleur dans ses jambes, irritées par le va-et-vient du bois. Et elle répond, Politesse, coquetterie de jeune fille bien élevée.
« Pourquoi tu regardes l’arbre ? » Soudain, il sourit, lui prend la tête, et, d’un geste, lui montre son sexe, découvert. Alors, enfin, elle revient. Et elle rit. Petitement d’abord, puis de plus en plus fort. Il la regarde, ahuri. Et elle, Elle n’en peut plus de rire, libre.
Elle rit de l’absurdité du va-et-vient de ses doigts, Qui tamponnent son sexe D’un rythme artificiel et mécanique. Elle rit cette simulation de l’acte, écorché, ridicule et avorté. Elle rit devant la vision de son petit film à lui.
Elle continue à rire, se lève et se rhabille.
Elle regarde l’arbre et les milliers de lunes qui s’agitent dans la nuit jaune et rient avec elle.
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