Promenade ElĂŠmentaire
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« me éternellement renaissante Âme joyeuse et fière et vive Qui hennit dans le bruit du Rhône et de son venti Âme des bois pleine d’harmonie Et des Calanques pleines de soleil ; De la patrie âme pieuse Je t’appelle ! Incarnes toi dans mes vers provençaux ! »
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Frédéric Mistral
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’est un bout de terre entre ciel et mer. Un prolongement de la ville, une incursion ou peut être une excursion. Un entrelacs de formes et de couleurs qui s’épousent, se confrontent, s’aiment et se haïssent. Un endroit sans limite où le beau et le laid ne font qu’un ; Où le sublime et le grotesque se répondent ; Où le pittoresque et le ridicule se font face. Là l’Homme a donné et repris le meilleur comme le pire d’une Nature grandiose et terrifiante. Confronté au vent harassant, au soleil brûlant, à la mer déchirante, A la terre maigre et pauvre, à l’eau absente. De toutes ces contraintes et de tous ces éléments, Les forces de l’Homme et de la Nature ont donné naissance à ce paysage. Un paysage à la rencontre du feu, de la terre, de l’eau et de l’air. A travers le prisme de ces éléments, laissez moi vous conter son territoire.
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Avant le Départ
Mais avant de commencer il vous faut vous préparer à affronter les 4 éléments qui composent cette promenade. Vous allez ainsi parcourir un massif montagneux au climat méditerranéen qui se trouve être la zone la plus aride de France métropolitaine, alors n’oubliez pas de prendre de L’Eau en quantité suffisante avec vous. C’est également une zone qui peut être soumise à un vent violent avec des amplitudes thermiques importantes entre parties au soleil ou à l’ombre. C’est pourquoi un coupe-vent et des vêtements chauds il vous faudra pour vous protéger de L’Air. Vous n’ignorez pas non plus qu’avec plus de 300 jours d’ensoleillement par an vous vous trouvez dans un endroit où le soleil se montre généreux. N’en abusez pas et prévoyez crèmes, lunettes et chapeaux pour vous épargnez les brûlures de ce Feu. Enfin je vous convie à travers ces pas à un exercice physique soutenu et quelques fruits de La Terre seront se faire apprécier de votre corps. D’une longueur de 15 kilomètres, cette promenade emprunte des chemins parfois escarpés qui peuvent être rendus encore plus glissants par la pluie ou périlleux par le vent. Soyez prudents. Cette promenade débute devant l’Ecole Nationale Supérieure Maritime à l’arrêt de bus « Traverse Prat » sur la ligne de bus n° 45. Elle se finit au port des Goudes avec la navette maritime qui relie les Goudes au port de la Pointe-Rouge et depuis celui-ci au Vieux-Port. Vous pouvez également rentrer des Goudes, lorsque la navette maritime ne fonctionne plus, grâce aux bus n° 20 puis n° 19. Toutes les informations et les horaires sont disponibles sur le site www.rtm.fr Enfin pour vous repérer aisément, vous pouvez vous munir de la carte IGN « Plein Air : les Calanques de Marseille à Cassis » au 1/15 000e sur laquelle figurent tous les sentiers empruntés par cette promenade.
Bonne Promenade
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Les Hal t es T
out au long de cette promenade je vous convie à un certain nombre de haltes poétiques composées de citations d’auteurs divers ainsi que de poèmes et de textes en prose que j’ai moi-même composés. L’ensemble des photos qui leur font faces sont également de ma création.
Vous retrouverez ces haltes dans la description de l’itinéraire, sur la carte jointe et ci-dessous. Invitation Page 4 La Pointe Rouge Page 10 Aire de Carénage Page 12 Le Château Pastré Page 14 Canal de Marseille Page 16 Montée vers le Sommet Page 18 Le Sommet de Marseilleveyre Page 20 Sieste Page 22 Mistral Page 24 Usine Legré-Mante Page 26 Sentier du Président Page 28 Usine de l’Escalette Page 30 20 000 Lieux Page 32 Echappée Page 34
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L’Itinéraire
1. Depuis l’entrée de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime descendez la Traverse Prat puis tournez à droite sur l’Avenue de Montredon. Descendez sur la plage de la Pointe Rouge en passant par les escaliers entre les restaurants. 2. Longez la plage sur la gauche puis allez tout droit à travers les différents clubs de voiles, puis tournez sur votre gauche pour sortir de cette zone grâce à un portillon. Vous passez à ce moment devant le Yachting Club de la Pointe Rouge. Continuez de longer les quais pour faire le tour du port. Arrivée à l’Aire de carénage, traversez celle-ci pour ressortir devant l’Institut National de la Plongée Professionnelle. L’acces pour traverser cette aire se situe à coté d’un magasin d’accastillage. Ceci est une zone de travaux, suivez le marquage pietonnier qui se trouve au sol pour votre sécurité. 3. Depuis l’INPP longez le centre de formation Afpa sur sa droite pour rejoindre le front de mer. Continuez sur celui-ci pour passer devant les Cabanons du Bain des Dames avant de rejoindre la route. Prenez la promenade du Grand Large jusqu’au centre de rééducation avant de tourner su votre gauche et remontez l’Avenue d’Outre-Mer pour rejoindre la Campagne Pastré. Suivez l’allée plantée de pins parasols pour rejoindre le Château Pastré. 4. Passez devant celui-ci avant de redescendre sur le Canal de Marseille qui coule en contre bas. Longez celui-ci jusqu’à ce qu’il disparaisse. 5. Reprenez ensuite le sentier qui longe l’arrière des maisons jusqu’à la barrière d’entrée dans le Parc National des Calanques. Vous pouvez vous retourner pour contempler l’aqueduc du canal qui passe au dessus du boulevard. Depuis cette barrière vous entrez dans le Parc, consultez le panneau pour en connaître la réglementation spécifique. Suivez le sentier balisé Jaune n°1. Ce chemin monte dans la pinède, passe au dessus de la Grotte Roland puis grimpe jusqu’au sommet de Marseillveyre. Cette Montée vers le Sommet comporte quelques ressauts rocheux à escalader. Soyez prudents. 6. Depuis le Sommet de Marseilleveyre redescendez sur l’arrête rocheuse vers la mer en suivant le sentier balisé Bleu n°1. Juste après le col des Chèvres ce chemin monte à nouveau de façon verticale. Redescendez ensuite depuis le Sommet de Béouveyre toujours en suivant le sentier Bleu n°1. Méfiez-vous du Mistral qui peut souffler très fort au sommet et sur l’arrête. 7. Le sentier descend en longeant la cheminée rampante de l’Usine Legré-Mante. 8. A un croisement que fait ce sentier avec le GR 51, tournez à gauche et suivre celui-ci. Vous empruntez désormais le «Sentier du Président», hommage à Antoine Pellicié, ancien président de la Socièté des Excursionnistes Marseillais. 9. Vous laissez sur votre droite, dans un vallon, l’ancienne Usine de l’Escalette. Arrivée en vue du fortin des Goudes, tournez dans le vallon en dessous de celui-ci sur le sentier Rouge n°1. 10. Sur la route, tournez à gauche pour rejoindre le village des Goudes et le bar du 20 000 Lieux, dernière halte de votre promenade. Aller ensuite sur le port pour reprendre la navette maritime jusqu’au port de la Pointe Rouge et le Vieux-Port. Si vous rentrer avec le bus n°20 l’arrêt se trouve de l’autre coté de la rue en face de la terrasse.
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o Légende: balisage Jaune n°1 balisage Bleu n°1 GR51 - balisage Rouge et Blanc chemin sans balisage
La Pointe Rouge «
Mais qu’elle est bleue, mais qu’elle est belle Mais qu’elle est belle, mais qu’elle est bleue Moi ça me rend joyeux Mais qu’elle est bleue, mais qu’elle est belle Mais qu’elle est bleue comme tes yeux Moi ça me rend heureux »
Massilia Sound System
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i D’un bond je caressais ton sable, dansais sur tes ondes et buvais à ta source infinie. Et de cet élan prodigieux, inarrêtable, je fis le tour du Monde, le cœur toujours ici. Poussé par Éole je m’en fus et je revins vers cette terre que tu bordes si tendrement ; Comme un symbole, de moi, tu fis de Télémaque et Santiago le frère, quel en fut mon enchantement. Pour t’en remercier, Amphitrite reine incarnée, je décidais de te chercher, En plongeant mon regard dans tes profondeurs azurées ; hélas je ne croisais que tes hordes nacrées. Ainsi de moi, tu restas cachée, peut-être emprisonnée par Neptune ton bien-aimé. Émergeant de l’écume blanche, las de cette vie de marin, je quittais ton royaume des Flots ; Et c’est finalement sous ces quelques planches rongées par les embruns que je trouvais le repos. D’une main je caressais le sable et, bercé par tes ondes, je fis un rêve d’infini.
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i Structure, immobile hors des flots, Voilà que des jambes ont poussées à ces bateaux. Sur ces baleines échouées hors de l’eau S’activent des barbiers, sculpteurs d’oeuvres vives sur peau. Les Marins, voiles affalées, Les pieds sur le quai, s’en sont allés, Samson parmi eux, vers les zincs encanaillés. Et plein de gouaille vient s’affairer, Ponce la ferraille, la valse des ouvriers. Ca marche, ça navigue, ça vole, ça souffle, ça rime. Oh oui, ces arches qui giguent prés du sol, je t’en souffle un hymne. Nuage, voilage, marnage, neuvage, carénage. Bienvenue au bout du port, on est un peu à la marge.
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Aire de carénage «Gloire des ports, où la mer, caprice et volupté de la nature, est soumise à la discipline ; d’où l’homme part à la conquète du monde et au commerce des autres hommes ; où la terre lance les navires, ces maisons qui volent et qui portent toute la science du genre humain.» André Suarès - Marsiho
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« vec quel ravissement il revoit sa chère bastide, qui le fait propriétaire ;
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son verger tout fleuri de promesses ; sa colline où se hérissent les aiguilles vertes des genêts d’or ; la pinède où la brise chante une mélodie somnolente ;
l’alcôve verte où les lauriers et les myrtes mêlent leur doux parfums ; la haute terrasse
qui est le belvédère de la mer ; et dans l’intérieur, ce salon frais avec son large divan orientale, garni de coussin, où la sieste est si bonne, quand la cigale chante sur les pins, dans les ardeurs de midi. »
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Joseph Méry
1 Le Château Pastré
Levées face aux hordes brunes qui vinrent du Nord, Ses quelques pierres et ses teintures, décors d’opéra dans cette verdure. Ame habitante tu te dressa pour empêcher un funeste sort, Pour que la lune résiste encore un peu à cette obscurité, Le temps d’un songe, d’une nuit d’été.
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Le Canal de Marseille 16
D’une voix claire Le chant des montagnes S’écoule
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La montée vers le Sommet
« alanques ,(...), grands espaces de ciel, de rocher et de mers ; vastes étendues toutes en arrêtes et thalweg, faites seulement de garrigues et de pierre, de lumière et de silence, qui, grâce à leur sol sans terre et à leurs reliefs en tout sens, ont gardé leur solitude et leur vie. Inculte, rugueux, bons à rien. Stériles et, en revanche, magnifiquement fertiles pour nos yeux, notre cœur et nos jambes. Pour nos désirs, pour nos élans. »
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Gaston Rébuffat
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e promeneur, je vois venir ici la fin de mon règne. Je vois comme les pins euxmêmes cèdent peu à peu la place à cette garrigue basse d’où émerge la blanche lumière de la pierre. Ici commence la minéralité, verticalité irraisonnée qui s’élance vers le sommet. D’ici mes yeux montent, mon regard change, l’espace autour de moi s’agrandit. Comme je sens le sommet, de ses légendes éthérées, m’appeler. La voix de la montagne résonne en moi, je ne peux lutter, résister à la transformation qui s’opère. Promeneur je ne suis plus. Mes muscles se sont durcis, mes poumons vont chercher un air plus pur, ma résolution grandit, l’adrénaline afflue. Oh non promeneur je ne suis plus, d’une toute autre trempe au pied de cette pente je renais. Il est temps maintenant de rejoindre là haut ces rêves inspirés. Mes mains approchent la paroi, irréelle, éclatante. Le calcaire m’accueille, je m’élève. Chaque pas devient important. Mon horizon qui s’était élargi, s’est refermé aussi brusquement. Ne demeure que cette échelle de roche, ce couloir étroit où tout mon être se meut. Et alors que mon corps continue de grimper, uni au flan de la montagne, mon âme elle s’évade. Je rejoins La Meije, Argentière, Lhasa. J’avance vers les hauts plateaux remplis des neiges éternelles. Visage battu par la neige et le vent, j’emmène avec moi les figures homériques de ma jeunesse. Premier d’une cordée fabuleuse qui, plus que jamais déterminée, conduit Mallory et Irvine au sommet. Déjà les brumes vaporeuses du songe se dissipent et je vois une croix émerger devant moi, mon propre ressaut Hilary passé. Comme est doux le retour à la réalité quand mon corps et mon âme, en ces hauteurs réunifiés, vibrent à l’unisson de la montagne magnifiée.
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f Le Sommet de Marseilleveyre
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Souffle de la multitude, inspire moi ; Messager de l’invisible, exprime toi. Voici qu’en mon féérique palais je t’appelle. Des millions de voix, de toute part, émergeant Des confins du monde, âmes libres, esprits flottants. J’entends le rythme de la vie, j’entends le rythme de la mort. S’élève depuis le Djabal Nur, sans le moindre effort, Jusqu’à Zacharie, une imperceptible mélopée. Bras écartés, ange mortellement cloué, Au plus près de l’immensité limpide je m’envole. Léger. Bala lou vènt, bale per la vasteta
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« e passerai l’été dans l’herbe, sur le dos, La nuque dans les mains, les paupières mi-closes, Sans mêler un soupir à l’haleine des roses Ni troubler le sommeil léger des clairs échos.
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Sans peur je livrerai mon sang, ma chair, mes os, Mon être, au cours de l’heure et des métamorphoses, Calme et laissant la foule innombrable des causes Dans l’ordre universel assurer mon repos. Sous le pavillon d’or que le soleil déploie, Mes yeux boiront l’éther, dont l’immuable joie Filtrera dans mon âme au travers de mes cils, Et je dirai, songeant aux hommes : « Que font-ils ? » Et le ressouvenir des amours et des haines Me bercera, pareil au bruit des mers lointaines. »
René-François Sully Prudhomme
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h marcheur, qui va d’un pas ferme et décidé, où cours tu comme ça ? Où sont les nymphes, les muses et les Néréides qui t’appellent de leurs voix douces, suaves et langoureuses ? Calypso a-t-elle aujourd’hui élu domicile dans ces contrées pour que tu sois si pressé de la rejoindre ? Viens approche toi, je te propose bien plus que ces panégyristes. Ici on te parlera de moi comme d’une institution, plus au nord on me moquera ; d’autres, bien malavisés, me compareront à Morphée. Je te l’ai dit je suis bien plus que tout ça. Je suis une opportunité, un instant arraché, une pause inespérée, je suis celle qui fait le soleil deux fois se lever, celle qui arrête le temps, le suspend, l’enjolive et comme par magie te le restitue fécond, demande à Newton qui sous son arbre de la gravitation fut frappé, il me doit tout. Regarde autour de toi n’y a-t-il pas un endroit où tu pourrais m’accueillir avec enchantement ? Regarde bien marcheur car sous mes airs universels et derrière les quolibets qui m’accompagnent régulièrement, se cache, te l’ai-je déjà dit, un moment suspendu. Si tu suis ma prose et aiguise tes sens alors peut-être trouveras-tu cet endroit propice où, au milieu de l’azur bicéphale, enivré par la douce mélopée du vent et bercé par les parfums envoutants de la terre, je t’attendrais entouré d’un rêve si doux et si cristallin qu’il fera de cet endroit ton Eden. Si tu suis ce chemin tu sais qu’il te faudra composer avec la versatilité des 4 éléments. Comprendre que suivant l’heure, le jour, la saison chacun pourra être Hermes ton guide pour t’amener près de moi chastement ou être celui qui nous éloignera vertement. J’entends bien souvent chanter dans cette contrée ce véhicule de l’invisible, ce souffle qui descend du ciel. T’en protégeras-tu ou le laisseras-tu te bercer dans les ardeurs éclatantes du jour ? Et qu’en est-il justement de la chaleur de l’astre divin ? Chercheras-tu le répit de midi sous quelques houppiers clairsemés ou lézarderas tu pour en recueillir l’étincelle créatrice ? Reste à trouver maintenant le matelas idoine où trouver le repos. Hélas le choix n’en devient que plus cornélien ! Préfèreras-tu cette belle table blanche d’Urgon ou bien quelque clairière plus verte et tendre, serais-tu un peu douillet ? Peut-être même espères-tu trouver abris près d’un vertueux figuier qui à la fin de cette intermède calme te nourrira de ta morne main ? Que sais-je, peut-être n’aimes tu pas ces hauteurs éthérées, ce panorama sur ma belle Phocée. Mais quelle étendue de jade se prosterne là à tes pieds ? Belle et lascive, prête, d’une langue azurée à te rafraichir. Enfin, si tout cela te semble bien compliqué, alors allonge toi ici, là contre Mère nourricière, ferme les yeux et accueille moi.
Sieste
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« out est venu de ce jour de mai : le ciel était lisse comme une pierre de lavoir ; le mistral y écrasait
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était là, contre la peau ; ce vent de perdition arrachait les mots aux lèvres et les emportait dans les
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du bleu à pleine main ; le soleil giclait de tous les côtés ; les choses n’avaient plus d’ombre, le mystère autres mondes ».
Jean Giono – Le serpent d’étoiles
e le s i m o u n l f f u so Quand Lointain s o u p i r d e l a m o u s so n. Quand c e f r i s s o n d e A spire j u s q u ’ a u f o e h Z e p n. h y r Cette f u m é e a u s u r An n o n c e l o i t n ’ef f roi d u t y p h o Ch a n s o n de B s Toi q u eau fort et C o r i o l i i na qui t d’ une rafale d e
M i s t r a l
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Usine Legre-Mante
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« es primevères et les paysages ont un défaut grave : ils sont gratuits. L’amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine. »
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Aldous Huxley
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A
cide Serpent de pierre Au feu éteint. Squelette chimique Marque le chemin. Labyrinthe de brique Bientôt oublié. Belles obsolètes fabriques De destins brisées. Quelle est cette terre ? De plomb et d’arsenic.
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«... ites bien que la contemplation de la nature est le suprême des biens et que l'exercice de la marche font la satisfaction de l'âme et la santé du corps. »
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aul Ruat - Bulletin Annuel de la Sté Les Excursionnistes Marseillais, 1897
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Sentier du Président
D’un pas à l’autre, cheminent cahin-caha avec nous Les augustes Anciens. Déjà la nature autour du cou, Composèrent-ils ces traverses remplies de verts cailloux. Dignes épigones, saluons d’une main pleine de leurs bijoux, Ces pionniers. Parcourant en tous sens, les sentes et les versants. Vertement d’un Plan à une Etoile et inversant toutes les pentes. Bâtissant pan à pan, la toile passionnante d’un monument, Ces sentiers. Voici le plus emblématique, Président historique, Intrépide sur ce chemin parcourant la garrigue. Excursionnistes qui par un bouleversement atavique Sommes devenues randonneurs, nous fils prodigues, Ses héritiers.
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Usine de l’Escalette V
oici que se dessinent près de toi les vestiges d’un site qu’on croirait issu de la Grèce antique, péristyle émergeant de la pinède. Et même si le souffle d’Héphaïstos en alimenta les entrailles, de temple il n’est pas question. Quelle ruine est-ce donc, posée là majestueusement face à l’immensité de la mer, dans ce vallon de verdure et si loin des miasmes de la cité ? Dans ce cadre enchanteur, voici les restes d’une fonderie qui, caverne d’alchimistes, transforma la galène en argent. Hélas les alchimistes avaient depuis longtemps été changés en chimistes lorsque vint le milieu du 19e siècle et la construction de cette usine. Comment en deux lettres se métamorphosa la magie en grillage, calcination, fusion réductrice, raffinage...Processus qui, plus humains, eurent plus de conséquences également. Dans un tournant industriel de l’histoire où tous les sacrifices furent acceptés sur l’autel du progrès, restent devant nous les scories de ce temps. Aujourd’hui enfouies sous une nature à jamais résiliente et dans un parc fait National, elles n’en demeurent pas moins des brûlures chimiques réelles. Dispersées par le vent et emportées par le ruissellement furent les cendres de cette industrie. Et elles furent ainsi recueillies par la terre, l’eau, la végétation et les animaux, rendant moules, oursins et romarin immangeables car chargés de plomb et d’arsenic. Plus grave, des études ont révélées un risque de saturnisme chez les jeunes enfants fréquentants les environs de l’Escalette et de la calanque de Samena voisine. Face à ce risque, rien, aucune action de dépollution n’a été entreprise. Comme si les oeillères étaient un instrument oh combien facile et pratique pour effacer les stigmates du passé. C’est un texte contre l’oubli et pour la mémoire. Un texte pour que ces sites grandioses restent, nettoyés de l’extrême pollution, des marqueurs de notre histoire et de notre territoire. C’est un message pour le savoir et pour le futur. « Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces événements doivent nécessairement avoir les mêmes résultats. « Nicolas Machiavel
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Le 20 000 Lieux « je t’aime, j’en boirais des tonneaux A me rouler par terre, dans tous les canniveaux. Et si tu m’abandonnes alors je m’empoisonne Avec une bonbonne de Ricard bien jaune ! 51 je t’aime... »
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Chanson populaire
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lors que se finit, lent retour au règne urbain, la déambulation de ton corps sur ces sentiers. Pour les yeux qui savent encore briller, la bouche encore saliver, pour la peau qui sent encore le frisson de cette fin de journée, le nez qui croit encore à la crue brûlure de la pinède, pour l’ouïe qui, de l’éthérée musique de ton cœur, rêve, le chemin continue, bordé d’éternité. Et je rêve avec toi de cette journée qui s’est échappée. Envolée dans les méandres du temps qu’on voudrait à loisir élastique. Que reste-t-il au delà de quelques maigres clichés, dérobade désespérée à la brûlure des années ? Le rêve demeure. Nourri des souvenirs de cette promenade, de ses irraisonnables sommets et de ses cicatrices. Animé du souffle des mots qui racontent nos légendes. Bercé par le bleu infini. Enivré. Salamandre de nos pensées. Simple songe d’une vie qui s’écoule dans son inexorable beauté. Lumière de la création brille une dernière fois sur ma prose. Bras ouverts je t’attends ici sous tes rayons bienfaiteurs. Souffle du monde, toi aussi véhicule à moi les paroles de la gnose. Qu’elles raisonnent dans tes oreilles, frappées de mon élan créateur. Mère universelle, pour un instant tu m’as confié cette chose. Ecrin des hommes que mon crayon a voulu enchanteur. Aujourd’hui c’est à toi promeneur que j’ai voulu confié cette osmose. Union des éléments auxquels j’ai ajouté un peu de mon imaginaire. Mais il est tard et enfin je me tais, impuissant devant cet infime plaisir devant toi, cette première gorgée de bière.
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Echappée T
e voici à nouveau face à la mer prêt à retourner, tel Protis, aborder la calanque du Lacydon. Ne te retourne pas et contemple les flots infinis d’où Marseille est né voilà 2600 ans. Ne te retourne pas et garde en toi les images de cette promenade. Ne te retourne pas et accueille pleinement cette ville qui vient à toi. Ne te retourne pas car ce soir tu dormiras plus riche de ces rencontres. Et que grandissent en toi les éléments irréductibles. Qu’ils grandissent et qu’ils englobent tout. Car ne se cachent-ils pas derrière chaque pierre, dans chaque quartier et sous chacun de tes pas ?
« n beau paysage n’est pas seulement un agencement harmonieux d’eau, de pierre, d’arbres, de soleil et de vent ; pour un jeune garçon, c’est d’abord une nourriture. »
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aston Rébuffat
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« lle est trouvée ! -Quoi ? -L’Eternité. C’est la mer mêlée Au soleil ! »
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Arthur Rimbaud
Promenade ElĂŠmentaire 1f4i
Arnaud Gabriel 1f4i
ENSP Marseille 36
DEP 1 - 2015/16
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