Voyages en France - Onze mille cent seize

Page 1

onze Voyages mille en cent France seize

Voyages en France

Rage & Paillettes



onze Voyages mille en cent France seize



Arnaud Gabriel

Voyages en France -

Onze mille cent seize kilomètres sur les routes de France


Gorges d’Héric - Mons | Hérault - 8 Avril

6


7 Avril 2019 Voilà, les dés sont lancés. Trouver un antre, un jardin, une serre. Un espace de méditation, un espace où je puisse Une base, avec mon lit, un endroit pour pouvoir Avec des murs à remplir. Avec de la musique qui Des épices, de l’encens. Des chemins pour marcher. Un marché. Marcher. Une cheminée. Un garage. Des pierres, vieilles. Un endroit qui inspire l’écriture chaque jour. Avec une terrasse face au Sud pour les couchers Avec des drapeaux qui flottent. Des toilettes sèches.

être moi. accueillir. résonne.

de soleil.

7


Vallée de Lesponne | Hautes-Pyrénées - 27 Avril

8


Voyage, voyage, voyages Tous ces kilomètres parcourus vers tant de destinations. Certaines voulues, points d’étapes, points sur une carte. Tant de courbes, de visages, d’imprévus. Des cartes ouvertes. Des livres lus. Ces mois écoulés partent d’une intention : trouver un lieu. Pour y être. Pour être. Etre. Une réduction au plus simple du vécu. A la plus petite dénomination de la vie. Où vivre ? Une question presque comme un vide. Sous mes pieds peut-être. Sous mes pieds demeure toujours cet espace où je suis. Alors je me suis assis derrière ce volant. Avec derrière ma petite maison, car quand même, demeure toujours cette dose de confort, cette part d’attachement à quelques matières qui rassurent. Pour toujours pouvoir être à l’abri. Un mince cocon avec moi ? Une mobilité libre qui garantit un lit, une fine protection contre la pluie et suffisamment d’équipements pour faire face à plein de situations. D’ailleurs c’est bien connu : « y’a tout dans le camion ». Cette liberté mobile, qui file le long des routes et que je poursuis sans cesse sur ces quatre roues. Ou est-ce cette liberté qui me chasse et dont je ne suis qu’une future victime, bientôt-enfin aveuglée par ses phares à la lumière depuis toujours fascinante. Comment trouver ce lieu où vivre, où être, sans céder cette autonomie de mouvement, de possibles et d’horizons nouveaux que procure la vie dans ce petit cube mouvant ?

9


Sur la route, les kilomètrent s’accumulent, les nuits passent au bord de l’eau ou en haut de cols ; je vois les amantes, les amis, les âmes ; la route continue, s’allonge. Quand la pluie vient frapper sur ce maigre refuge je pense à trouver un vrai foyer, quand se sont les grains de sables qui s’immiscent je ne voudrais jamais arrêter. Comment concilier toutes ces envies, toutes mes idées, tout ce en quoi je crois ? Comment prendre soin de ceux que j’aime, les voir et tous ensemble grandir et nous élever ? Face à moi je ne vois que les vestiges d’un monde ancien, au souffle court et trop souvent imbécile. Dans lesquels pourtant je suis et je vis. Dans lesquels encore aujourd’hui je grandis et qui me forme. Où donc s’arrêter pour moi-même le modeler et en Terre quelques racines jeter ? Beaucoup de questions, peu évidentes, intimes, mais qui questionnent plus largement et profondément la façon dont nous parcourons et nous habitons cette Terre. Une question cruciale et centrale alors que se profile inexorablement pour l’espèce humaine, une modification profonde de son rapport à l’écoumène. Une interrogation qui sera constante durant ces mois ; constamment confronté à ce seul pays traversé mais à travers plusieurs de ses régions, dans des contextes différents, avec des habitants différents. Car c’est bien où nous vivons que nous avons le plus grand impact sur notre environnement. Seulement là où nous sommes que nous pouvons agir. Ces 6 mois sont quand même un voyage à travers un pays, la France. Ce pays où je suis né et qu’il m’a toujours plu et me plaît toujours de traverser et de visiter. C’est l’occasion de parcourir des régions que je ne connaissais pas, à la recherche de sa diversité

10


et de sa foisonnante beauté. Nul patriotisme, nul nationalisme, aucune gloire à proclamer, juste des paysages et des villes à observer et à photographier. Pas de cocotiers tropicaux ni de temples au fond de jungles extraordinaires mais souvent des recoins du quotidien qui révèlent bien plus de merveilles quand ils parviennent à nos yeux. Essayer d’emmagasiner toutes ces images, de regarder avec intérêt les détails et les grandeurs avec la même envie ; se laisser porter par les détours, les villages qui surgissent, les hasards d’une invitation. Toujours prendre le temps de s’arrêter, de mettre son clignotant, en bord de route, pour déclencher l’obturateur ; toujours prendre de la hauteur pour profiter un peu plus des dernières lueurs ; toujours prendre son maillot pour se baigner dans toutes les mers, toutes les rivières, partout où il y a de l’eau. Mesurer sa chance aussi, d’être là, libre sur le bord de cette route. Ouvrir grand les yeux, grand les mains, grand son esprit, grand sa critique. Etre paysagiste-voyageur, porter un regard sur tout cet espace traversé.

11


Serres maraîchères - La Baule | Loire-Atlantique - 12 Juillet

12


Le Puy-en-Velay | Haute-Loire - 19 Juillet

13


Pic de Nore | Aude - 25 Aout

14


Froide morsure qui régit, ample, les vagues autour de moi. Je ne peux plus avancer. Courbé par l'intense gel qui couvre ma voie. Sourd cris qui jaillit de mes larmes invisibles. Au bord du gouffre, mes mains surgissent mollement. Retombent frémissantes et bleues, comme prisonnières. Il n'y a plus de vie. L'espoir est vain. Reste les rêves doucereux qui émergent heureux des ressacs mystérieux. C'est la chaleur du foyer qui manque. L'odeur précieuse qui signifie qui habite ici. Un cadre accroché au mur, un soleil qui se lève et éclaire, des draps fins où tu dors. Tout est pour moi, j'embrasse tout d'un souffle, d'un murmure doux. Ton visage disparaît, a-til seulement une importance ? Ce rêve est d'or. Je vais retourner dans ce radeau, seul île où tu demeures et où je peux te rejoindre. Ferme les yeux, ici n'est qu'une illusion.

15


Dernières lueurs sur ce monde mouvant, fragile et blessé. Bientôt la nuit qui vient pour, dans l'immensité du ciel, se perdre et rêver. Demain recommence, tout à refaire, tout à imaginer.

16


La Loire - Saint Sulpice | Maine - 16 Septembre

17


Plage de Lamanon - Biscarosse | Landes - 27 Aout

18


Quels resultats ? Quels résultats pour ces journées qui s’écoulent mollement ? Ces journées à remplir, où je dois choisir comment les remplir ? Cette liberté de choix est face à un vide qu’elle doit chaque jour occuper. Toute horloge serait presque inutile tellement elle n’est la représentante que d’une contrainte extérieure. Et pourtant j’essaye de faire le bilan de ces journées avec derrière cette idée de pouvoir faire une liste de choses pour justifier ou défendre cette oisiveté parfois réelle. Car demeure une pression, même seul, d’un but, d’un objectif, d’un projet. Toujours avoir un projet de vie. Comme il est difficile de totalement se laisser aller, de se laisser porter par les jours et leurs non-évènements. Même écrire ces quelques mots pourrait se voir comme une justification de tous ces mois sur la route, de toutes ces journées à être « en vacances ». Alors je regarde aujourd’hui. Aujourd’hui j’ai nagé un peu dans l’océan. L’eau fraiche qui détend les muscles qui peu à peu se tirent, se tendent. Puis j’ai jonglé, comme à chaque jour de plage. Pour répéter inlassablement les mouvements ; pour inscrire tous les jours plus profondément. Une mécanique de la répétition, en faire des balles automatiques. Mouvement incessant, couleurs qui tournent, et mon regard qui fixe ces 3 sphères qui montent et qui tombent. Et j’ai lu. Lire est une activité du temps, dans le temps, une activité de soi pour soi. Un transport vers un autre ailleurs, un transport vers un ailleurs autre. Et quel plaisir de lire à la plage, les pieds dans le sable à l’ombre d’un

19


parasol ou d’un arbre, parfois doucement bercé par les balancements du hamac, alangui par le bruit de la mer qui va et qui vient. Du bleu et du jaune à perte de vue. Un double horizon qui s’aligne et se côtoie dans une masse blanche. J’’y passe des heures et des jours. Je repense à toutes les plages du Brésil, de La Réunion et d’ici en France où en quelques mois j’aurai lu tant de livres. Tout semble paisible, immuable. On y vient petit ; on y viendrait sur la pointe des pieds si seulement le sol si meuble n’absorbait pas tout notre empreinte. Quelques kilomètres plus bas, c’est une foule qui se presse. Des fourmis qui viennent planter leurs drapeaux d’étoles, côte à côte, restons groupés. Aujourd’hui je vais aussi tenter de me laver, au moins de me rincer à l’eau douce. C’est toujours une recherche sanitaire qui à un moment surgit dans la journée. Trouver des toilettes, une douche, un lavabo ou même simplement un robinet. Vérifier le stock d’eau, de nourriture aussi. Car sans frigo en plein été c’est aussi peu de nourriture fraiche avec soi. Et vu l’espace, faire la cuisine devient aussi une gymnastique. Difficile de faire quelque chose d’élaboré pour manger. Ainsi dans ma tête chaque jour ça devient : « Le petit-dèj : ouais, le midi : ok, ce soir on verra plus tard. Bon, j’espère que le melon tiendra jusqu’à demain midi ! » Et puis toujours prendre la route ? Rester là ? L’envie de voir, de visiter, de découvrir est toujours forte. Et puis la route c’est toujours une activité, c’est toujours du temps de dépensé. La présence des vans, camping-car ou autres campeurs-squatteurs n’est toujours qu’au mieux tolérée. Pas question de s’installer, de se déployer ou de s’étendre. Alors

20


qu’ici il y a des tables, de l’ombre, un point d’eau sans même une douche et pourtant que faut-il de plus ? Il y a toujours quelques rares endroits où je voudrais rester, quitte à presque m’installer pour quelques jours où semaine. Des endroits tellement pratiques et accueillant, si rare, où la puissance publique à autoriser l’installation de ces maigres sanitaires, un parking suffisamment grand et ombragé pour avoir la place de respirer, sortir ses chaises ou son hamac et enfin se déployer un petit peu en dehors du minuscule espace intérieur du van. Et puis il y a les endroits beaux, ceux un petit peu plus cachés, nichés au bout de route rarement macadamé, ceux trouvés souvent au hasard ou repérés après quelques recherches grâce à une carte ou aujourd’hui grâce à ce formidable outils qu’est la vue satellite. Ces endroits sont d’or. Ils sont la récompense d’être sur la route. Ils sont pour moi mon privilège, une des raisons pourquoi je suis sur la route. Ces endroits qui m’émeuvent le soir comme le matin. Quand le soleil se couche et envoie ses lumières pourpres draper le ciel. Quand au matin je me lève, ouvre cette porte pour me retrouver là, au milieu de cet espace magnifique et calme qui semble n’avoir été posé là que pour moi et qui attendait mon réveil. Ou parfois c’est un bruit de tondeuse qui émerge tôt d’un été pourtant caniculaire où l’herbe peine à pousser. Le résultat de ces journées se retrouve alors souvent dans cet endroit où l’on dort, car il change parfois chaque jour, car il devient notre maison pour un temps, car il nourrit mon repos, mes yeux et mon corps. Et ce bruit toujours qui déroule son onde langoureuse. Un bruissement qui s’allonge, palpite, et vibre, antique vague qui résonne sur les dunes. Nul cri que celui de la mer.

21


Enfant des étoiles, tu rêves d’un pays lointain, par delà le spectre des songes, au delà des amphores du temps. Tu dérives dans les nuages de tes pensées, flottant brillamment au milieu de l’océan noir. Tu es un fils du vide, le seul habitant d’un grand vaisseau. Tu n’as pas d’âge, dans ton corps invaincu du flux des astres. Et tu renaîtras, encore et encore, pour échapper à l’onde qui gravite. Pour t’enfuir, expulsé sur les bords extérieurs des réseaux-sources. Tu appartiens au règne immense et invisible. Allonge toi et regarde, le chemin qui se dessine dans la nuit, qui se dessine dans ces lignes, qui se dessine sur ta peau. Enfant, viens avec moi, nous partons là-haut.

22


Plan d’eau de la Tour - La Chaise Dieu | Haute Loire - 18 Juillet

23


Plan d’eau de la Tour - La Chaise Dieu | Haute Loire - 18 Juillet

24


Il faut continuer de croire que tout va arriver, que tout arrive, tout est arrivé, croire que ça arrivera. Le temps n'est qu'une illusion, une apparence de formes. Ton âge, une fausse horloge. Elle n'indique en rien tout ce qui nous reste à gagner, toutes nos victoires à venir, tous ces rêves qui demeurent à vivre. Et si on échoue, on recommencera encore une fois, ailleurs ou ici, avec la même rage dans nos cœurs. Avec cette douceur intime qui nous habite, bienveillant autant que nous le pouvons, nous marcherons encore d'un pas. Un pas de plus vers l'avant, vers toi où que tu sois, vers moi qui que je sois ; un pas de plus car c'est tout ce que nous savons faire. Un pas pour lancer encore plus haut nos mains pleines de paillettes.

25


Réflexion / Affection / Introspection Instant de répit, le ciel pour miroir, la tête est vide Explosion

Plaine de la Beauce | Eure- et-Loir - 21 Mai

26


BelvÊdère des Caillettes | Loiret - 23 Mai

27


VallĂŠe du Viaure | Tarn - 15 Mai

28


Et il y a cette question : "Tu viens d'ou ?" Une question qui peut sembler ordinaire et relativement simple. Lors de nouvelles rencontres, de soirées, de week-end, elle revient, anodine, amicale et souvent une des premières posées pour faire connaissance et briser la glace. On l’a tous posée, on l’a tous entendue et on y a tous répondue. Pourtant quand on habite dans son van, elle sonne étrangement, différente. Elle est révélatrice d’une autre façon d’habiter et de vivre le territoire. Car d’où je viens, devient d’où je suis parti hier ou ce matin. Qui n’était d’ailleurs peut-être pas le même qu’avant hier. D’où je suis venu. Ce qui est sans doute l’interprétation la plus textuelle et primaire de cette question même si ce n’est pas forcément celle attendue. Voir sa plus simple ; la question prise dans son sens premier. Car bien entendu, l’intention communément admise est de savoir où vous habitez, dans quel quartier, village, ville ou au pire département ou pays ,quand vous voyagez à l’étranger, vous résidez. Etre nomade apporte une contextualisation toute différente. Elle ne parle que d’un passé proche, que d’un lieu souvent à peine esquissé. Ce lieu d’où je suis arrivé ce matin n’a eu pour moi qu’une existence brève, d’une nuit à quelques semaines tout au plus. Il s’inscrit dans une continuité d’autres. Ce lieu ne révèle pas tellement d’information sur ce que je suis alors que bien souvent la réponse implicite permet aussi de situer les gens autrement que géographiquement. Comme si habiter dans un certain lieu vous faisait adopter un moule socio-culturel pré-établi. Lorsque j’habitais à Marseille et que je répondais alors de façon attendu à l’interrogation dont il est question ici, beaucoup

29


enchaînaient sur l’invariable « Mais tu n’as pas d’accent ? ». Marseille étant un parfait exemple des multiples projections et clichés qu’on attend que vous remplissiez si par bonheur vous venez d’un endroit un peu trop fantasmé ou trop couvert par les chaines d’info à la télé. Alors non je n’ai pas d’accent, pourtant c’est là que j’ai le plus vécu, là que j’ai chanté si fort en haut d’un virage, là que j’ai appris à vivre la ville comme une jungle où le sens de l’urbanité est tout autre, là que j’ai appris à conduire le klaxon toujours prêt à en découdre, là que j’ai aimé jusqu’à ce que le mistral sèche mes larmes. Plus profondément, cette question, et les différentes réponses qu’on peut apporter, me font m’interroger sur notre rapport à notre espace de vie, à notre enracinement et à cette identité du sol qui semble fondamentale en France (et ailleurs) pour se définir. Nulle envie d’écrire ici pour débattre de la si travaillée opposition que nous jouent perpétuellement les médias entre droit du sang et droit du sol. Mais vivre ces mois dans une petite maison sur roues fait souvent raisonner ces questions. Surtout quand l’objectif de départ de ces voyages en France était justement de trouver un lieu où m’installer. Paradoxe renforcé après avoir terminé ces déambulations dans la maison de mes grands-parents. Maison qui était même celle de la grand-mère de ma grandmère, soit au minimum 5 générations à y avoir vécues. Cette maison devrait donc être pleines de racines, encore plus dans un coin de campagne française où le lien à la terre est toujours fort parfois jusqu’à l’absurde. Et pourtant en quoi cette terre est-elle mienne ? En quoi, à la fois, me parle-t-elle et elle parle de moi ? Ai-je infuser de son savoir et de son être en mangeant ses fruits et ses légumes en y venant régulièrement ? En quoi je lui appartiens et en quoi elle m’appartient ? Etre sur la route renverse beaucoup de

30


ces questions. On peut apposer à ce qu’elles disent un sentiment de liberté rapidement grisant mais aussi parfois vertigineux de cette absence sous nos pieds de cette « terreracine ». La perception d’être chez-moi partout et nulle part. Ce tiraillement est renforcé par le peu de personnes croisées qui étaient ou sont dans ce questionnement et moins encore dans l’expérimentation d’un mode de vie autre. Cette pression extérieure qui peut être motivante parfois pour expliquer sa démarche, mais aussi entravante quand il faut convaincre et se justifier auprès des administrations notamment les immanquables et fumeux Pôle Emploi et CAF. Il n’y a pas de case à cocher dans un formulaire : j’habite sur la route, sauf si on est gitan (mais on subit alors le seul fichage ethnique de France et c’est encore un autre débat). Pourquoi le nomadisme est-il devenu si incongru ? Alors que parcourir la Terre c’est bien plus l’habiter et l’appréhender que cette ensemble de propriétaire-grégaire qui, en un lieu fixe, s’en réclament à grands cris, les possesseurs. Surtout après avoir traversé ces ensembles pavillonnaires les plus récents, où on voit dans la plus part que les jardins ne sont plus que des jachères de vagues pelouses et d’herbes folles. C’est une appellation désormais bien fallacieuse tant ce ne sont même plus des espaces jardinés mais simplement des espaces extérieures vides qui ne semblent plus que séparer de la maison d’à côté. Peut-être vivre nomade, c’est vivre dehors, c’est vivre un peu hors du cadre bien clôt de sa maison ou de son appartement, à l’extérieur des quatre murs qui protègent et qui rassurent. Pourtant dans mon camion je suis pareillement clôt de quatre cloisons et d’un toit qui tout autant m’isolent des éléments quand il le faut. Où alors hors de ce cadre fixe, je suis hors du cadre de la réponse à cette question « Où habites-tu ? », hors du cadre d’une identité fixe. Mais peut-être cette question, « Tu viens d’où ? », est-elle un marqueur de notre

31


époque ? Si le sens de cette question est indirectement « Quelle est ta culture ? », ou encore plus simplement pour demander «Qui es-tu ? ». Alors les racines physiques sontelles aujourd’hui la première (ou dernière) chose qui permet de se figurer qui est cette personne devant nous ? La première chose à quoi se raccrocher et se définir est donc, en France, le sol ? Là où j’ai grandi, là où je suis né ? Je veux être d’ici, je veux être de là où je suis, là sous mes pieds, là devant vous. Peu importe d’où je suis venu avant, ce qui importe c’est où je suis là maintenant avec toi, avec vous, avec nous. Peut-être que si j’oublie un peu le trajet réelle ou fictionnel que j’ai emprunté alors je pourrais vraiment être pleinement et totalement ici. Et si toi aussi tu décroches cette caravane de tes « racines », tu pourras aussi être tout aussi présent(e). Alors peut-être que c’est dans ces conditions que peut naître une rencontre unique et forte. Un moment arraché au temps, aux conditionnements, aux passés et aux histoires toujoursdéjà vécues. Ne pas avoir d’attaches fixes, ou tout du moins pas d’attaches bâties, ni particulièrement un endroit que je peux définir comme étant ma région/ville/village/ d’origine, est peut-être aussi l’occasion pour moi de m’en inventé ou créé une. Non pas de bâtir ma maison mais de bâtir mon identité nomade. De pouvoir choisir dans tous ces fragments, toutes ces influences, géographiques ou autres, tous ces lieux qui m’ont inspirés et fait grandir en tant qu’être humain. Choisir les éléments, les mots et les dénominations qui pas seulement me définissent mais surtout me plaisent. Et tant pis pour la cohérence si je veux être un pirate Marseillo-lorrain ou un moine zélote alpin. Ce que nous sommes ne pourra de toute façon jamais être réduit à une appellation. Malgré

32


ces cases et ces séparations qui surgissent toujours pour pouvoir plus facilement nous ranger et nous identifier. Rouler, se déplacer et changer d’endroits très souvent, c’est rencontrer plus de gens, plus de façons de faire et, même en restant en France, plus de façons de voir le Monde et de le vivre. Se déplacer c’est aussi se faire déplacer ce monde. A chaque pas ou à chaque kilomètre, il apparaît différent. On le sait différent même dans chacun des cent kilomètres plats et mono-cultivés que forme la Beauce par exemple. Et plus je vois la diversité du monde lointain ou du monde proche, plus cette différence je peux la prendre dans sa richesse, plus je la vois et la reconnaît dans sa valeur. Et cette différence et multitude que je vois et je rencontre, c’est aussi cette différence et cette multitude que je vois en moi. Cet ensemble hétéroclite qui me forme et me construit, qui se meut et se renforce. Alors finalement même ces quelques mots que je choisirais pour me présenter seront vite dépassés et eux aussi toujours en mouvement. Alors à chaque pas j’en changerais. A chaque rencontre je serais neuf, je serais quelqu’un d’autre, je serais celui que je veux être. Et finalement pas besoin de vivre en nomade pour être cette personne à chaque mouvement que je sens. Mais dans chaque ville, à chaque nuit sur chaque plage ou chaque parking, j’aurai pris quelque chose de nouveau, j’aurais ressenti l’âme de ces contrées. J’aurai pris avec moi un peu de tout. Une vision, une épice, une rencontre, un chant. Brique par brique, mot par mot, chemin faisant, seul au fond de la nuit noire ou dansant parmi mes frères et soeurs mangeurs d’étoiles, j’aurai appris un peu de tous. Voilà pourquoi je ne peux me limiter à une seule origine, une seule réponse à d’où je viens. Je ne viens d’aucun pays, d’aucune nation, j’en ai juste traversé quelques uns.

33


Zone humide du Tescou -Forêt de Sivens | Tarn - 12 Avril

Souffle du vent sur ma joue. Souffle, souffle les secondes, les piques, les heures. Souffle le temps qui joue. Souffle, souffle sur mes peurs, vite qu’elles meurent. Souffle sur les gens. Souffle, souffle tout cet argent, ce fric, corrupteur. Souffle enfin sur les braises de nos frondes. Souffle enfin sur ces flics, tueurs. Souffle encore qui gronde dans nos cœurs. Souffle toujours. Souffre aussi.

34


35


Sous la canopée - Vallée de l’Abeil | Hérault - 11 Mai

36


Chant d’Automne

Mouvement dans l’ombre merveilleuse des feuilles. Un bruissement sur ma gauche. Mes sens s’éveillent sous la multitude de cette voûte qui scintille. J’avance d’un pas de plus, prudente. Je voudrais n’être qu’un souffle pour ne rien déranger et tout surprendre de la vie de ce bois. Si seulement je pouvais renaître rousse renarde pour sans fin me promener et tout connaître de cette vie en forêt. J’aimerai devenir cette chouette pour de mon vol, chaque nuit, régner et tout admirer de la vie sous cette canopée. J’avance encore un peu en cette journée d’automne. Je ne suis qu’un Homme à la marche bruyante et craquante. J’essaie bien de suivre ces traces de biches et de faons qui filent et s’enfoncent sous le couvert. Mais ces buissons d’aubépine m’accrochent, les ronces me retiennent et me griffent. Je m’accroupis et pose alors mes mains au sol sur ce lit d’or et de bronze. Me voilà plus petite à toucher enfin cette terre d’où s’élèvent ces si hautes silhouettes. Je me faufile, je rampe, mon corps glisse, plie, frotte. Tout doucement, il me semble se produire des changements. Derrière moi je vois mon pull,

37


retenu par quelques épines. Je vois les fils s’effiler et tracer de branche en branche ma lente transformation. J’abandonne cette fausse peau et continue ma précaire progression. Plus j’avance plus je laisse derrière moi mes peurs. Je n’ai pas froid. Plus j’avance plus émerge une autre vérité, quelque chose d’intime et d’infini. Estce mon esprit ou est-ce ce bois qui résonne ainsi en moi ? Toujours au plus près de la litière-mère, je chemine à une autre vitesse, je suis un parcours qui ne se mesure pas. Là mes mains ressentent : cette humus humide, ces milliers d’animaux qui comme moi grouillent sur et sous le sol, ces branches spongieuses de mousses. Mes yeux voient : ces couleurs partout qui dessinent la fresque d’octobre, ces rayons qui percent, doux, la voûte qui s’étiole, ces troncs, droits ou tordus, qui grimpent au ciel. Déjà loin, je m’assoie dans une clairière où poussent, envie pour mes papilles, des bolets tout de brun chapeautés. J’ai perdu mes chaussures et me trouve toute couverte de morceaux de la futaie. J’ai perdu le cours du temps, réjouie d’être bercée par cette douce illusion. Perdue dans des limbes sylvains, je sens grandir autour de moi une présence familière et cosmique. Est-ce toi Yggdrasil, Arbre-Monde, qui te révèle à moi ? Ce nom seul réveille

38


l’appel de mondes enfouis, de vibrations mystiques. Elle insuffle alors en moi ce dizain séfirotique : « Chante et chante encore pour tout ce que tu as vu, Danse et danse sans fin sur cette mélopée entendue. Que résonne et enfle dans les cœurs cette ode à la Nature Que s’insuffle en chacun cette graine de beauté pure. Que les paroles des arbres de la sylve ancienne infusent Et parcourent cette sphère remplie d’habitudes confuses. Et dans cette tempête qui se lève Sois ma plus fidèle élève. Avance toi libre Et réapprend à vivre ! »

39


Plage du Petit Nice | Gironde - 28 Aout

40


Stade municipal - MontrĂŠjeau | Haute Garonne - 26 Avril

41


Interdit On interdit pour garantir ta sécurité. On interdit pour verrouiller ta sûreté. On interdit pour maintenir ton confort. On interdit pour protéger ta morale. On interdit pour imposer ta loi. On interdit pour sauver ton Roi. On interdit même pour préserver ta liberté. Mais sont-ce vraiment les tiens ? Où sont les miens ? Partout s’érige l’interdit. Partout se dressent les panneaux de nos limitations. Partout se construisent les frontières que nous bâtissons pour séparer nos envies et restreindre nos folies. A interdire, nous ne savons plus qui nous sommes. Juste des pions à qui l’on dit : « Ici tu feras ça. » Mais pas plus. Non ne décide pas pour toi, ne réfléchit pas, ne pense plus. Ce panneau, cette ligne, ce chiffre le font pour toi. Laisse toi guider. Laisse toi enfermer. Et plus tu seras enfermer plus il faudra tracer des lignes, plus il faudra te vendre des serrures et des cloisons, plus il faudra élever des barrières dans les têtes et sur les routes. Alors enfonce toi dans ton canapé et laisse toi dicter tous ces interdits. Ouvre grand les yeux pour contempler l’interdit qui brandit partout bien haut sa matraque. Et regarde, regarde encore autour de toi, regarde aussi en toi jusqu’où tous ces interdits, seul et isolé, t’ont conduit. Et alors qu’en dehors se restreignent nos possibilités. En dedans se réduisent d’autant les voies de cette compréhension. La voix consciente de nos faiblesses et de nos

42


limites est la même que celle de nos forces et de nos infinis. Contacter cet infini c’est grandir et sortir de tout cadre. Voir qu’en nous les racines de nos êtres se prolongent dans la grande inconnue du Tout. Il n’y a pas de limites à ce que l’on est. Je prends tout les droits qui me sont accordés pour les saisir et les éprouver. Et j’arrache à moi même tous ceux qui me sont interdits. Ceux là je les brandis autant que possible. Ils sont plus que tout ce que je suis. Ils sont ma liberté et ma force. D’eux seuls peuvent naître ma créativité la plus pure. Car ils viennent de mon intérieur, ils viennent du Tout. Ils viennent de mon héritage, celui réel comme celui rêvé. Celui qui me fait proclamer mon appartenance à la nation Creek ou Crow. Et peu importe la véracité. Car en moi, toujours je chevauche la Grande Plaine, les plumes dans le vent. Sous mes pieds elle gît. Comme gît de même les dunes de sables brûlants, l’eau fraiche des torrents ou l’herbe verte coupée il y a peu. C’est cet état que je défend et que je cherche. Car oui je peux défendre ce que je ne connais qu’intuitivement. Je peux le proclamer comme vérité. Ce que je suis n’est pas un savoir, ne peut être compté, fiché, énuméré. Ce que je suis ne peut être empêché, barré ou interdit. Ce que je suis ne peut même pas être touché du doigt. Tout ce que je t’encourage à faire, c’est de toucher mon cœur.

43


Laetitia- La Chaise Dieu | Haute Loire - 19 Juillet

44

Lac du Merle | Tarn - 9 Avril


Lever sur la Touraine | Indre-et-Loire - 18 Septembre

45


Dune du Pilat | Gironde - 28 Aout

46


Lien au monde que je vois. Où que je sois, partout se tissent les fils d'une vie qui passe. Foule en liesse ; ferme isolée ; forêt épaisse ; famille en stress. Comme ces épis qui glissent entre mes mains. Cette onde invisible qui me traverse. Je te cherche lumière. Pour étendre aux jours la couche épaisse de mes faiblesses. Je veux te montrer tout ce que je suis. Que l'on danse ensemble, rayons d'étoiles qui émergent de la nuit. Fourbus de ce long voyage. Nous avons traversé bien des mondes et des époques pour atteindre cette sphère. Qui es-tu ? Pourquoi te voisje si souvent ? Tentation insolente, tu m'embrases d'un regard. Il n'a fallu qu'une étincelle pour mettre à feu ce ciel d'été. Deux peaux s'entrecroisent sous la vaste voûte. Un rêve qui né. Ce trait changé à jamais.

47


Plage de la Salie | Gironde - 27 Aout

48


Lac d’Artignosc-sur-Verdon | Var - 5 Aout

49


Ail des Ours - Cirque de Labeil | HĂŠrault - 11 Mai

50


Chercher Interrogations. Questionnement. Mystère. Doute. Un peut-être. Une envie de savoir. Une envie du savoir. De cette vérité. D’une vérité. Chercher et trouver. Chercher et se perdre. Pour avancer. Ou reculer. Pour rechercher, pour comprendre, qui je suis, qui nous sommes, quel est ce monde ? Ce chemin est ardu. Les distractions nombreuses. Tous nous y sommes. Enfermés dans ces enveloppes qui périssent et meurent. C’est donc aussi un voyage pour chercher. Une route de recherche prise au volant d’un petit camion jaune. C’est un reflex du voyage. S’il faut trouver quelque chose ou s’il faut s’évader alors je pars et je prends la route, dans une voiture, un bus ou le pouce en l’air. Même si c’est moi-même que je cherche. La question n’est pas là, c’est de ne pas rester figé, bloqué, ne pas s’enkyster. C’est marcher, c’est rouler, c’est avancer, faire défiler les choses, en vrai, se confronter à ce dehors brut. C’est éprouver son contact au monde. Ce monde qui tangue aujourd’hui dangereusement. Partir sur la route c’est chercher une autre façon de l’appréhender et de le voir, une autre façon de le vivre. Chercher une autre façon d’être. C’est chercher à restreindre son empreinte et ses possessions à un minimum, même si le diesel que l’on met dans son réservoir ne sera jamais écologiquement neutre. C’est vivre avec moins, dans moins d’espace, pour tenter de briser les chaines qui nous lient toujours plus fort au dieu $. Retrouver la vraie valeur de ses mains, de sa tête et de

51


son cœur. C’est réduire son cloisonnement au monde, car quand il fait froid on le sent, quand il pleut on l’entend, quand le jour se lève on le sait. C’est trouver une part de liberté plus grande, de ne pas avoir de lieu fixe où dormir mais d’en avoir des milliers. Peut-être est-ce une illusion ? Peut-être est-ce aussi une fuite ? Si la situation en ce lieu me déplait alors je change de lieu plutôt que d’essayer de changer la situation. Vivre dans un camion fait maison rends alors ce changement très facile. Une clé à tourner et hop on est ailleurs mais toujours chez soi avec son minimum vital. Rouler pour aller un peu plus loin voir si l’herbe est plus verte et les filles plus jolies. Et si c’est une fuite, c’est une fuite sans fin, de lieu en lieu, de place en places. La fuite plus rapide d’un escargot. Si c’est une vie alors la fin sera plus loin. Ne jamais oublier que le voyage est la destination. Ou comme, on peut le trouver écrit sur beaucoup de murs par quelques voyageurs : « Not all who wander are lost », un mantra autant pour s’affirmer que pour se rassurer de n’être pas celui qui est perdu. Même si se perdre ne te fait que trouver un trésor que tu ne savais pas que tu cherchais. C’est aussi une quête de la beauté, de l’émerveillement. Se déplacer pour aller voir. Pour y aller, par fierté, par attrait, pour vérifier de ses yeux et confirmer de son ressenti. Avoir toucher tous ces endroits. Et avoir pris le temps de les contempler, nul horloge ici avec moi, toujours j’ai le temps, je peux m’arrêter quand je veux et (presque) où je veux. C’est cette recherche qui est la pièce maitresse de cette vie de voyage et de routes. Je n’ai qu’une vie dans ce corps, je n’ai que cette chance de m’émerveiller alors je vais la saisir. Je vais l’éprouver et l’user. Me baigner dans toutes les mers, tous les lacs, tous les océans.

52


Admirer la vue en haut des cols et des sommets. Marcher dans ces forêts, ces bois, ces canopées. Sous leurs ombres y accrocher mon hamac et me faire bercer par l’imperceptible murmure des arbres. Boire chaque soir une nouvelle bière devant un nouveau coucher de soleil. Profiter de tout ce que ce monde a à m’offrir. Je suis paysagiste, je veux être nourri de paysages, je veux vivre dans le paysage, faire corps avec lui pour ressentir ses pulsations. Redevenir plus intimement un élément de la Nature. Se déplacer pour suivre les saisons. Pour suivre ses saisons, sa chaleur et son anticyclone. Pour ne pas être tributaire de cette foule qui se rue pendant les quelques semaines coincés entre le 14 Juillet et le 15 Aout. Pour ne pas penser à être dehors pendant les interminables heures coincés derrières les fenêtres d’un bureau quelconque. Pour ne pas passer sa vie à condenser ces souvenirs sur cinq semaines et attendre un age fixé par un gouvernement pour s’en aller voir ce qu’il se passe ailleurs que dans son maigre jardin et le ciel gris de sa ville. Vivre sur la route c’est aussi pouvoir rendre visite à ses amis et sa famille partout où ils habitent et pour plus que le temps d’un week-end, vivre avec eux et vivre leurs environnements, y venir avec son chez soi, y venir en entier, y venir presque co-habiter leur lieu de vie. C’est accentuer la rencontre. Je viens avec l’ensemble des choses qui sont miennes et je viens avec tout le fil de cette route et tout ce qu’elle m’a apporté. Pourquoi pas se réinventer comme conteur ambulant tels qu’ils existèrent autrefois ? Etre dans cette intervalle entre tous, un passeur, le lien qui apporte avec lui le savoir ou même simplement les images ou la chaleur reçu à l’étape précédente ? Et écrire, photographier et dessiner tout ça. Chercher à écrire tout ça car quelle meilleure inspiration que d’être nourri d’autant de vues, d’autant de diversités, d’autant d’endroits.

53


Maison - Coupiac | Aveyron - 13 Mai

54


Je me battrais jusqu'à ce qu'on entende le bruit des armes, le bruit de mes os qui craquent. Le bruit de mon âme qui rode. Une fissure dans le crane. A mes côtés cette lame. Immaculée

Ancien cimetière - Coupiac | Aveyron - 13 Mai

55


Cathédral - Périgueux | Dordogne - 3 Septembre

56


Donges / Paimboeuf | Loire-Atlantique - 8 Septembre

57


Les Pyrénées depuis la Gascogne | Gers - 30 Avril

58


Pas de fantaisies, pas de répits, dans la poésie comme dans le récit. Puissant et agaçant par écrit, sur chaque page de la vie. Dérangeant, toujours errant, c'est un cris qui surgit jour et nuit. Un chant important qui décrit sans répit ce temps. Et je danse sur les plis de ce monde qui tangue et qui chavire sous les charivaris, les chichis et les similis. Partant d'ici, où mes amis, trouvant amante, ou mes ennemies, perdant mon ouïe dans tous ses bruits, oh oui j'ai joui.

59


Le passé sera sur-réel. Le futur fût inexploré.

Lac d’Artignosc-sur-Verdon | Var - 5 Aout

60


Et dans l'intervalle on va trouver Toutes ces fées de papier. Toutes ces images dénudées. Ce monde éternel. Et dans l'intervalle on va baiser Toutes les fées de papier. Toutes les images dénudées. Ce système imparfait.

La Loire - Saint Sulpice | Maine - 16 Septembre

61


Je ne suis pas en vacances Non je ne suis pas en vacances. En tout cas je ne suis en vacance d’aucun poste, aucun travail, aucune fonction. Je n’ai rien mis entre parenthèses. Ceci n’est pas une pause avant de replonger dans le même quotidien d’avant. Ce ne sont pas des congés. Ce n’est pas un savant projet réfléchi pendant des mois, proclamé, annoncé et financé. Ce n’est pas organisé, il n’y a pas de plan au départ, pas d’objectifs précis, pas de circuits à suivre. Ces voyages s’inscrivent dans une continuité, dans un mouvement qui était engagé depuis longtemps sans qu’il n’y ait vraiment eu de décision. En soit ce n’est même pas vraiment un voyage, c’est juste une envie, quelque chose qui était là, à faire, comme posé devant moi sur mon chemin et la seule chose à accomplir. Je pars quand je suis prêt. J’arrête quand je n’en peux plus. Je n’ai pas d’engagement. Libre d’aller où bon me semble. De m’arrêter aussi longtemps que je le désire. Il n’y a pas de retour, il n’y a qu’un chemin à parcourir. A la fin le chemin continue, avec ce van jaune, avec un autre ou sans. Casser cette vie qui se découpe en travail puis week-end puis travail puis week-end puis parfois une maigre semaine de vacances où s’entasse autant le désir de vivre enfin que celui de se reposer de la routine pré-cité. Je ne veux plus dissocier ma vie en période contrainte. Je refuse ce travail qui n’est là que pour financer le reste de mes occupations sur le maigre temps restant. Ce maigre temps de cerveaux disponible. Etre en vacances c’est avoir laissé un bout de soi, là bas, derrière son bureau.

62


Et si je ne suis pas en vacances d’un travail c’est que je ne veux plus qu’il y est une si grande dissociation entre période de travail et période de congés. Je veux qu’elles se mêlent intimement, qu’elles se nourrissent en permanence l’une de l’autre. Qu’il n’y ait plus un temps pour travailler et un temps pour profiter (consommer). Juste un temps pour vivre. Et ce temps sera producteur de ma propre valeur ; producteur de joie ; producteur d’oisiveté ; producteur d’écrits ; producteur de rencontres ; producteur d’efforts et de sueur ; producteur de beauté, producteur de rires et de larmes ; producteur de nourritures, celles pour mon corps et celles pour mon esprit ; producteur de la main qui posera une pierre de plus dans le jardin de ce monde ; producteur du poing qui fera sauter une brique dans les murs de ce monde. En deçà je sais que mon être n’est pas nourri. Je ne peux imaginer être sur Terre pour me résigner à un métro-boulot-(apéro)-dodo.

63


Albi | Tarn - 10 Avril

64


Les ĂŠtres Loire - Cordemais | Loire-Atlantique - 7 Septembre

65


Le SĂŠnĂŠquet - Blainville-sur-Mer | Manche - 26 Mai

66


Aujourd'hui j'ai marché dans le sable et me suis assis face à la mer. J'écris. Il n'y a pas d'autres satisfactions à avoir que ces simples traits.

67


Plage de Bonnieu - Martigues | B

Henrick Schwartz - Chartres | Eure-et-Loir - 20 Mai

ENSP - Versailles | Yvelines - 2 Juin Toulouse | Haute-Garonne - 25 Aout

Pont de St Nazaire | Loire-Atl. - 12 Juillet Cave coopérative de St Chinian | Hérault - 24 Aout

68

St Aubin | Manche - 15 Juillet Gare de Thiviers | Dordogne - 3 Septembre


Tournesol | Indre-et-Loire - 18 Septembre

Bouches-du-Rhône - 3 Aout

Feu - La Baule | Loire-Atlantique - 24 Juin Phare - Paimboeuf | Loire-Atlantique - 8 Septembre

Château de l’Hermitage - Podensac | Gironde - 30 Aout Cathédrale de St Lizier | Arièges - 22 Avril

Usine - Lexos | Tarn - 13 Avril

Sauveteurs - Biscarosse | Landes - 27 Aout

69

Sécheresse en Sologne | Loiret - 17 Juillet


En jaune au col - Port de Lers | Ariège - 19 Avril

70


Deux cartes Deux cartes pour terminer, pour finalement se repérer et visualiser les onze mille cent seize kilomètres parcourus répartis sur deux (presque) boucles. Deux traits sur le même fond de carte où, sur ce long ruban de routes, se retrouvent toutes ces nuits pour quelques heures, plusieurs jours ou même quelques semaines, tous ces arrêts, ces stops, toutes ces pauses dans le camion ou parfois hébergé. Deux boucles qui s’étendent sur à peine moins de 6 mois et qui dessinent une curieuse image de la route, un étrange fil qui s’entortille et se croise plusieurs fois. Ces fils qui auront été ce(s) voyage(s), qui sont une traversée d’une partie de la France, une petite partie malgré le territoire couvert. C’est un fil tiré d’une bobine bien plus longue et qui pourrait être sans fin tellement il y aurait d’autres arrêts à faire, d’autres endroits où j’aurai voulu dormir et puis tous ces autres pays proches et tout autant remplis d’émerveillement...

71


Boucle 1 Du 7 Avril à Bouc Bel Air au 29 Juillet à Bouc Bel Air

Départ / Arrivée

Nuit hébergé

Nuit dans le camion

72

a


a

Boucle 2 Du 5 Aout à Bouc Bel Air au 29 Septembre à Leintrey

Départ / Arrivée

Nuit hébergé

Nuit dans le camion

73


Gilles - La Baule | Loire-Atlantique - 30 Mai

Yvonnick - La Baule | Loire-Atlantique - 12 Juin

74


Merci A Antoine et sa famille, Marion, Audrey, Coralie, Christina, Sophie, Eugène, Robin, Pauline, Gilles, Yvonnick, Jonathan, Héloise, Clément, Agathe, Laetitia, Johan, Ambroise, Luc, Loïc et sa famille, Robin, Thibault, Elorri, Cassie, Sarah, Charlotte, Antoine, Bojana, la Team Bordel, Nathalie, Philippe, Baptiste, Johanne, Manish, Pantha, l’Espace Healing, Guillaume, Margaux, Germain et sa famille, Kevin, Green Resistance, Jonas, Isabel, Titouan, Louis, J-A, Mathilde, Corentin et à toutes les autres personnes croisées. A mes grands parents qui m’ont accueilli durant tous ces mois, A Vinc et à mes parents.

75


Papi - Leintrey | Meurthe-et-Moselle - 25 Septembre

76


77




Rage & Paillettes


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.