A RTI S TE
L I TTÉ RATU RE
P EI NT R E
DOSSIER
Jean-Pierre Fouchy
Gilles Miquelis
Rencontre de
Il vient de signer un ouvrage sur l’exil des polonais en Riviera. Nous l'avons rencontré
Brassaï avec Matisse
Une sorte de « Strip-tease » communautaire, le récit pictural qui donne à voir ce qu’il a dérobé au quotidien
METIER S D' ART
La Verrerie de Biot C’est dans une sorte de ballet, depuis 1956, que les visiteurs français et étrangers assistent à la confection des pièces, soufflées sous leurs yeux.
Supplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes
edito ours Art Côte d’Azur Supplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3598 du 22 mars 2012. Bimestriel ISSN 1962- 3584 Place du Palais 17 rue Alexandre Mari 06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel : Rédacteurs Alain Amiel Rodolphe Cosimi Olivier Marro Harry Kampianne Aurélie Mignone Céline Merrichelli Directeur de la publication & Direction Artistique François-Xavier Ciais Conception graphique Maïa Beyrouti Graphiste Maïa Beyrouti Caroline Germain Photographes Jean Charles Dusanter Bertrand Ornano Isabelle Chanal Photo de Couverture Galerie Internationale du Verre à la Verrerie de Biot © Bertrand Ornano pour Art Côte d’Azur Rédactrice en chef Elsa Comiot Tél : 04 93 80 72 72 Fax : 04 93 80 73 00 contact@artcotedazur.fr www.artcotedazur.fr Responsable Publicité Anne Agulles Tél : 04 93 80 72 72 anne@petitesaffiches.fr Abonnement Téléchargez le bulletin d'abonnement sur : www.artcotedazur.fr ou par tél : 04 93 80 72 72 Art Côte d’Azur Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/Créateurs « ImprimeurVert », sur un papier 100% recyclé. La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.
« Ce qui est vraiment bon, c’est de se battre avec persuasion, embrasser la vie et vivre avec passion, perdre avec classe et vaincre en osant, parce que le monde appartient à celui qui ose ET LA VIE C’EST BEAUCOUP TROP pour être insignifiant ! » « ...j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir. Aujourd’hui, je vis au présent, là où toute la vie se passe. » « ...j’ai compris que ma tête pouvait me tromper et me décevoir. Mais si je la mets au service de mon cœur, elle devient un allié très précieux. » «La célébrité vous donne l’impression que tout le monde vous connaît, mais en réalité, vous ne connaissez personne. » Toutes ces citations sont de Sir Charles Spencer Chaplin Jr. Alors que la majorité des gens hurlent et conspuent de nos jours pour être entendu, c’est un Talent que la plupart de nous devrions apprendre, comment faire rire, émouvoir ou passer un message sans dire un mot.
A la gloire de notre filmographie française, ou le muet renait de ces origines hollywoodiennes, il nous paraissait enrichissant pour nos âmes d’enfants de faire un détour par Evian, et offrir un clin d’œil au Grand Charlot, où une exposition magnifique lui est dédiée. Chers lecteurs, nous défendons dans Art Côte d’Azur l’ensemble des expressions artistiques et culturelles, parce que nous croyons à la force des artistes, à celle de leurs œuvres, et à la multitude d’interprétation qu’ils engendrent. Ils sont de ceux qui ont encore cette façon d’oser, cette fraîcheur, cette passion et cette manière de nous projeter dans le présent par leurs réalisations, que le tout un chacun a peut-être omis d’exprimer du fait de son éducation, ou de sa pudeur. Cela fait forcément appel à nos sentiments. Alors, embarquez-vous sur nos lignes printanières, laissez-vous porter par les mots, découvrez la richesse artistique de notre région, et profitez de la Vie en ouvrant votre cœur et vos sens, respirez fort, tournez les pages, il fait beau, ce n’est que du bonheur. Le printemps est arrivé. François-Xavier CIAIS
Jean M as « Le Parti de l’Art » Fort de notre expérience, de notre succès aux élections municipales de Nice en 1994 à l’occasion de laquelle nous avons atteint notre objectif de 0% de voix, nous décidons de présenter Jean Mas aux prochaines élections présidentielles 2012. Dans cette perspective, une vaste campagne sollicitant l’investiture est enclenchée ! Proposition centrale à horizon 2020 Rapetisser l’espèce humaine à une taille uniforme de 25 cm pour un Gain d’Espace Vitale Puissance 4 (GEV - P4) par blocage du génome de croissance. Ligne programmatique Notre Parti, celui de l’art, est parti de rien, de ce « rien qu’un Peu ! ». Qui peut le rien peut le plus, aussi, nous avons l’ambition de vous faire partager ce qui nous conduit à prendre parti. • Notre première proposition vise, comme avant-propos, à libérer l’art de tous les mots, de lui redonner une certaine autonomie qui entre deux maux permettra de choisir le moindre. En effet l’art reste captif de plusieurs centaines de mots, de noms propres (Arthaud, Arthus…).et figurés (art/ ichaud, art/illerie, art/iculé…). • Notre première mission sera un travail d’Artisan : il consistera à recenser tous les Arts, lézard qui déterminera la limite phonétique de notre recherche. Si dans certaines circonstances le lard peut avoir le goût de l’art, il appartiendra à notre comité de trancher pour dans un souci d’éthique préserver ce qui doit l’être.
• Cette démarche aura pour but essentiel de libérer les Gens de l’Art : Art/Gent. L’argent ne coulera plus à flot mais sera mis à niveau pour un bon équilibre. Pour ce faire, nous n’hésiterons pas à essarter de jour comme de nuit. Nous allons tout changer ! C’est notre volonté. Le changement au rythme souhaitable d’un tous les deux jours, soit un jour sur deux. Nous changerons l’argent en or, les bas de laine en bas de coton. Après les bas, les hauts seront en soie car l’image de soi est bien celle qui accompagnera notre changement. Cent jours : c’est le temps qu’il nous faudra pour mettre en oeuvre notre programme, car sans jour rien ne peut se faire. On le fera, je «mens gage» devant le peuple de France www.jeanmas.com Performance d’art d’attitude Mars 2012 Jean Mas (mythologie individuelle) Artiste de l’Ecole de Nice
EN VILLE 6 HORS LES MURS 10
HORS LES MURS
EVIAN, expo Charlie Chaplin
MARSEILLE,
le MAC & Galerie Porte Avion
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usanne sée, La de l’Ély Musée courtesy S, A. S. Export © Roy
DRAGUIGNAN
Expo
Franka Séverin
Galerie/librairie
ano © B Orn
Jacques et Laure Matarasso
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BIOT
la
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Verrerie et le métier souffleur de verre
GRASSE
Le Métier de Nez et l’Ecole de Parfumerie (Grasse Institute of Perfumery)
het © J Bert
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La vie des arts 26 Brassaï & Matisse 30 Bernard MONINOT Rencontre
Portrait
Morin photo A oninot © BM
au Musée Cocteau
32 4 Théâtres 34 Pascale Autrand 38 Jean-Pierre Fouchy 40 Gilles Miquelis 42 Richard Mas 45 Maud Barral La vie théâtrale
chorégraphe internationale
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ano © B Orn
Portrait et livre
Artiste peintre
ano © B Orn
Artiste sculpteur
Galerie
nal
© P Autrand
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QUEL «CHARLOT» CE CHARLIE CHAPLIN !
Loin de nous l’insulte tant ce célèbre vagabond humaniste a réussi à mettre le Palais Lumière d’Evian sous Les Feux de la Rampe, titre de l’une de ses plus belles tragi-comédies sur le monde du cirque. L’éternité a parqué ce génie au Panthéon des grands «zinzins» d’Hollywood.
Charles Chaplin, sur le tournage des Temps modernes (Modern Times) (1936) © Roy Export Company Establishment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
Charles Chaplin boxe avec Mack Swain, arbitrés par Kid McCoy (1923-1925) © Roy Export Company Establishment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
De l’apprentissage à Charlot le vagabond Nulle envie d’esquisser sa biographie mais de comprendre ce qu’allait devenir Charlie Spencer Chaplin, l’enfant/poulbot des faubourgs londoniens. Il a été biberonné au lait du music-hall, mis sous perfusion scénique dès son plus jeune âge. C’est quasiment un Gavroche de la balle. Son père alcoolo pousse la chansonnette et sa mère actrice accumule les panouilles. Le décor est donc planté, à charge pour ce gamin engagé dans la troupe de l’humoriste Fred Karno de ne pas s’en tenir qu’à des numéros de surdoué. Ce qu’il a assimilé depuis longtemps lorsque Max Sennett, le big boss de la Keystone Films, l’engage en 1914 dans sa firme. A 25 ans, c’est déjà un pro même s’il se plaît à dire dans son autobiographie L’Histoire de ma vie (1964) : « Nous sommes tous des amateurs, on ne vit jamais assez longtemps pour être autre chose. » La gestuelle est mature, le regard est vif, le corps est libéré. Le vagabond claudiquant aux mimiques espiègles a pris forme. Il le sait, il le sent, Charlot est né.
Charles Chaplin pose dans le costume de Charlot (vers 1915) From the Archives of the Roy Export Company Establishment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
Les femmes et le succès Les jolies femmes ont régalé l’existence de ce clochard céleste. Des actrices pour la plupart. Le Charlot à la moustache frétillante s’emparait du rire comme d’une arme de séduction. Ses succès attisaient les regards du beau sexe. Les tabloïds de l’époque s’en donnaient à cœur joie et Edna Purviance, qui fut sa maîtresse, avait déjà ouvert le bal, au point de partager 35 films avec lui dont Le Kid (1921) et L’Opinion publique (1923). La jeune star Mildred Harris demanda, après deux ans d’union, le divorce pour «cruauté mentale». Sa deuxième femme, la sulfureuse Lita Grey l’accusa de perversion et lui extorqua la moitié de ses gains. Seule la beauté malicieuse et pétillante d’une Paulette Goddard lui redonna du baume au cœur, disons le temps d’un mariage et de deux chefs d’œuvre : Les Lumières de la ville (1931) et Les Temps Modernes (1936). Puis il y eut la toute fraîche Oona O’Neill, fille du dramaturge américain Eugene O’Neill, à peine 17 ans. Lui en a 53. Une amourette ? Non l’amour de sa vie et la mère de ses huit enfants. Le pantomime humaniste Il n’a rien du militant, de l’enragé prêt à prendre les armes. Les seules armes qu’il connaisse sont l’humour « qui renforce, selon lui, notre instinct de survie et sauvegarde notre santé d’esprit » et le langage du corps par qui le rire arrive. En adoptant l’image
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Charles Chaplin pendant le tournage du Dictateur (The Great Dictator) (1939-1940)
© Roy Export Company Establishment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
Charles Chaplin, Charlot Boxeur (The Champion) (1915) From the Archives of
the Roy Export Company Establishment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
du va-nu-pied toujours looser, il se sait le défenseur des petites gens. Il se fait le protecteur des plus faibles (Le Kid), le révélateur des injustices, de la misère et du dysfonctionnement social (Les Lumières de la ville), le grain de sable contre la machine et son emprise sur l’homme (Les Temps Modernes). Charlot intègre sa vision critique du monde dans le ballet comique de sa gestuelle. Il l’affuble d’une poésie malicieuse. Le Dictateur symbolise à lui seul cette alchimie lorsqu’Adénoid Hynkel, interprété par Charlie Chaplin, parodie Hitler jouant avec le globe terrestre. De cette charge contre la montée du nazisme naît une émotion universelle. Car derrière Charlot, le vagabond dandy un brin taquin, il y a Monsieur Chaplin, l’humaniste. Du muet au parlant Le cinéma parle. Charlot reste muet, préférant la pantomime aux élucubrations de ses confrères. Comment continuer à faire exister son personnage contre cette nouvelle forme cinématographique ? Il trouve le contre-pied dans le laïus nasillard et suraigu du discours d’ouverture des Lumières de la ville ou l’abondance d’effets sonores qu’il utilisera encore dans Les Temps Modernes. Il s’agit en effet de son dernier film muet dans lequel Charlot éructe en chanson un charabia franco-italien complètement improvisé. Le vagabond sautillant s’effacera progressivement au profit d’une élocution chorégraphiée et mise en bouche avec la plus grande attention. Ce qu’il réussit à merveille dans Le Dictateur, son premier film parlant où la puissance charismatique de la pantomime combinée à l’éloquence du barbier
A gauche : Charles Chaplin et Buster Keaton, Les Feux de la Rampe (Limelight) (1952) © Roy Export S.A.S, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
A droite : Charles Chaplin, Le Pèlerin (The Pilgrim) (1922) © Roy Export S.A.S, courtesy Musée de
l’Élysée, Lausanne
En bas : Charles Chaplin et Jackie Coogan, Le Kid (The Kid) (1921) © Roy Export S.A.S, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
juif livrant un message de paix et d’amour à la terre entière, font mouche. Hollywood et son public découvrent alors un autre homme. Un auteur dont l’impact des mots et des gestes ne font qu’un. L’exil et la Suisse L’Amérique répressive, marquée par le maccarthysme, ne supporte plus les frasques sentimentales et les prises de position «antisociales» de ce saltimbanque. Trop procommuniste, trop internationaliste et en plus de mœurs douteuses pour l’Attorney General qui décide de ne pas lui renouveler son visa américain alors qu’il se trouve à Londres en 1952 pour la première des Feux de la rampe. Monsieur Chaplin a dépassé les bornes de la bienséance américaine. Il sent le souffre de la décadence. Les médias en ont fait un libertin insatiable. Le «chaud lapin» ne plaît plus aux élites alors que le public l’aime. Son exil à Corsier-sur-Vevey en Suisse n’en fait pas pour autant un martyr. Il est soutenu par la princesse Margaret, l’écrivain Graham Greene, le premier ministre Winston Churchill et le gracile Jean Cocteau. Cet accueil triomphal le dope au point de ridiculiser la paranoïa de la politique américaine pendant la guerre froide dans Un Roi à New York. Loin de toute compromission, Charlot restera toujours «indésirable» et aimé.
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REPÈRES BIOGRAPHIQUES
evian Charles Chaplin pendant le tournage de La Ruée vers l’or (The Gold Rush) avec son assistant Eddie Sutherland (à gauche), Truckee, California (avril 1924) © Roy Export Company Establish-
ment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
1889
Charlot naît dans la banlieue pauvre de Londres
1908
Il est engagé dans la troupe de l’humoriste Fred Karno
1913/14
Il réalise 35 courts-métrages pour la Keystone Films Company à Hollywood
1917/18
Il fonde son propre studio à Hollywood
1919
Co-fondateur avec D.W.Griffith, Douglas Fairbanks et Mary Pickford de la United Artists Film Corporation
1921
Il part à New York et en Europe pour présenter Le Kid
1943
Il épouse Oona O’Neill avec laquelle il aura huit enfants
1947
Chaplin est assigné à comparaître devant le comité des activités anti-américaines
1952
A Londres, il apprend que son visa de retour sur le sol américain lui est refusé
1964
Parution de son autobiographie : L’Histoire de ma vie
1972
Retour à Hollywood pour recevoir un Oscar d’honneur
1977
Charlie Chaplin meurt à Corsier-surVevey en Suisse le 25 décembre
Charles Chaplin, Charlot veut se marier (A Jitney Elopement) (1915) From the Archives of the Roy Export Company Establishment, courtesy Musée de l’Élysée, Lausanne
CHARLIE CHAPLIN À EVIAN Le Palais Lumière nous invite à parcourir sur le ton de la promenade l’univers de Charlot : un monde de poésie et d’humanisme derrière lequel se cache un grand monsieur. L’atmosphère de cette exposition peut paraître un brin trop resserrée, riquiqui comme diraient les enfants tous éberlués devant les pitreries facétieuses du petit clodo sautillant en chapeau melon et savates de clown. Il est vrai que le parcours est truffé d’extraits de films, de photos, de coupures de presse, d’archives personnelles de la famille Chaplin. Il y a là des pépites relatant les débuts de Charlot et l’évolution de son registre comique, des inédits quant à son intimité, des making of sur certains de ses tournages, des séquences coupées au montage… Nous sommes dans l’abondance, et cela ne nuit en aucun cas à l’enchantement chaplinesque que le Palais Lumière nous a concocté. Premier contact avec le visiteur. Charlot se fait masser comme une pâte à crêpe que l’on malaxe dans tous les sens. Tout y est : souplesse des mouvements, comique de situation et de répétition, mimiques expressives, sens aigu de l’absurde. Charlot fait son cinéma, et nous intégrons en un clin d’œil son univers. L’as de la pantomime et de l’improvisation se profile parmi les affiches, les coulisses d’un tournage, la chorégraphie charismatique du muet ; il devient tour à tour acteur, scénariste, réalisateur mais aussi séducteur, humaniste et révolté. Plus de 200 œuvres jalonnent cette
visite intimement liée à la figure mythique du vagabond mélancolique. Mais derrière le masque, il y a l’homme, le citoyen confronté aux réalités sociales et politiques de son époque. Il y a le rire mais aussi les larmes. Toute l’exposition est construite sur un ensemble de thématiques permettant d’accéder à l’évolution d’un héros marginal à la silhouette et à la gestuelle inscrites comme un label d’authenticité dans la quasi-totalité de son répertoire. Même dans ses derniers films, monsieur Chaplin n’oublie pas Charlot. Il sait d’où il vient. Les tours de cochons et les courses poursuites du burlesque ne se sont jamais complètement effacés de son cinéma, même si celui-ci s’est mis à parler. De toute façon pouvait-il rester muet, lui devenu une star internationale ? L’alternance entre les photographies de plateau et les extraits de films permet de nous éclairer sur l’intelligence et la manière dont il se soumet aux contraintes du cinéma parlant. Il gazouille, chantonne un charabia franco-italien à mourir de rire, se racle la gorge tout en frétillant de la moustache avec cet air de nous dire «Je parlerais quand je veux !». Nous découvrons un homme libre dont il paiera le prix fort durant son exil en Suisse. Mais rien n’est réellement tragique pour Charlot Chaplin. Vous êtes là devant une image, une photo, une séquence de film, vous éclatez de rire pareil à cet enfant qui est à côté de vous et qui pourrait être le vôtre. C’est ce qui s’appelle être sans âge et universel. HK Exposition « Charlie Chaplin, images d’un mythe », du 16 décembre 2011 au 20 mai 2012 au Palais Lumière, Quai Albert Bresson à Evian. Renseignements : 04 50 83 15 90.
Sarah Caron 11 fĂŠvrier - 3 juin 2012 Porte Sarrazine - 06250 Mougins Ouvert du mardi au dimanche EntrĂŠe libre Tel : 04 93 75 85 67 museephoto@villedemougins.com
Je me souviens...
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Galerie Porte Avion La Galerie Porte Avion est un lieu expérimental d’Art Contemporain créé en 1987 par trois artistes marseillais : Jean-Jacques Leberre, Marc Roudier et Jean Arnaud. De 1988 à 1993, pour sa première implantation, Porte Avion s’installe dans le quartier de la Plaine, un local de 300 m2 comprenant des ateliers d’artistes et salles d’expositions. La Galerie y organise des expos d’artistes internationaux (Ben, John M. Armleder, Sylvie Fleury, etc.) et d’artistes locaux à qui elle offre souvent leur première exposition personnelle.
“Dès le début, nous nous sommes intéressés à des artistes ayant un regard critique ou décalé sur la pratique artistique et sur la société en général, nous sommes également très attachés aux artistes ayant un lien fort avec le verbe, dit ou écrit. Nous travaillons par exemple avec Paul Armand Gette, Béatrice Cussol, Laurence Denimal ou Florence Louise Petetin, qui sont également écrivains, Sylvain Ciavaldini qui utilise le texte dans ses dessins ainsi qu’Anne James Chaton qui est également poète et performer. Nous avons aussi édité plusieurs revues et coédité plusieurs ouvrages, nous continuons à produire l’Agence Immobile, multiple sous forme de revue, tirée à 30 exemplaires, numérotée, signée et personnalisée par l’artiste (18 numéros parus).”
A partir de 1993, un loft de 150 m2 en étage permettra de privilégier les expositions expérimentales, les installations, les soirées vidéo, etc. De 1999 à 2007, la galerie s’installe dans le quartier du Vieux Port où elle s’attache à soutenir un pool d’artistes émergents (Sylvain Ciavaldini, Katia Bourdarel, Antonio Gagliardi, Marie Bovo, Wilson Trouvé, Laurence Denimal, John Deneuve, Béatrice Cussol) tout en amorçant une collaboration durable avec Paul Armand Gette (cinq expositions, production d’œuvres, éditions) et un partenariat éditorial avec le Musée d’Art Contemporain, les Ateliers d’Artistes et le C.I.R.V.A. Depuis l’automne 2007, la galerie s’est installée dans des locaux de 150 m2, boulevard de la Libération, à proximité de la Friche de la Belle de Mai et participe de nouveau aux Salons internationaux d’Art Contemporain. Jean-Jacques Leberre, qui a pris les rênes de PorteAvion en 2002, est également Président de “Marseille Expos”, une association qui regroupe 25 structures de production et de diffusion d’Arts Visuels et organise depuis quatre ans, le Printemps de L’Art Contemporain. Cet été, les Galeries Lafayette, ouvrent une galerie de 250 m2 dans leur magasin. Elles ont confié sa programmation aux membres de Marseille Expos.
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pages de gauche, de gauche à droite et de haut en bas :
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Béatrice Cussol, sans titre, encre et collage sur papier, 60 X 80 – 2010 Exposition Anne James Chaton, novembre 2010 Anne James Chaton Un monde merveilleux consigne n° 9 - sérigraphie sur papier japon, 21 x 21 cm – 2010 Paul Armand Gette, 0m, le marégraphe, Marseille, photographie couleur, 2011
Musée d’Art Contemporain de Marseille Exposition “The Mediterranean approach”
Sylvain Ciavaldini, Les grandes oreilles, techniques mixtes sur papier, 100 X 150 cm 2006
Les projets
Artistes représentés
“Au mois de mai, dans le cadre du Printemps de l’Art Contemporain à Marseille, nous accueillerons une rétrospective du «0m» de Paul Armand Gette, un pan de son travail peu montré en France. Cette exposition durera jusqu’au début du mois de septembre. Pour 2013, nous sommes partenaires d’un atelier de l’Euroméditerranée, avec la maison de l’Avocat, Actoral et les éditions Al Dante autour d’un projet d’Anne James Chaton.”
Alain Andrade, Damien Aspe, Georges Autard, Christophe Boursault, Anne James Chaton, Sylvain Ciavaldini, Béatrice Cussol, Laurence Denimal, Antonio Gagliardi, Paul-Armand Gette, Laurent Le Forban, Florence Louise Petetin, Serge III Oldenbourg, Wilson Trouvé.
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Galerie Porte Avion 96 boulevard de la Libération 13004 Marseille 04 91 33 52 00 www.galerieporteavion.org
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nauguré en 1994, le MAC a reçu le label « Musée de France » en 2003. Ses collections permanentes présentent des ensembles représentatifs de l’art de la seconde moitié du XXe siècle qui s’articulent autour de différentes tendances, comme les nouveaux réalistes avec Arman, César, Klein, Tinguely, les Affichistes avec des œuvres de Dufrêne, Hains, Villeglé, Fluxus, la Figuration Narrative, l’Arte Povera, le Land Art, Support-Surface..., enrichis en 2007 par des acquisitions des collections nationales (50 pièces en transfert de propriété). La jeune création est présente aussi par des œuvres pour l’essentiel inédites rendant compte de l’émergence de nouveaux talents ou des dernières tendances contemporaines.
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En Ville
hors les murs
Marie Bovo, Cour intérieure, Les cours intérieures du quartier Belzunce de Marseille filmées à différents moments
marseille
Marie Bovo, Cours 12 mars 2009. Tirage ilfochrome marouflé sur aluminium et encadré Courtesy the Artist et Kamel
Mennour
Oliviers, 2006-2010, Photographies n/b. Jacques Berthet (Suisse). Etudes d’oliviers autour de la Méditerranée
The Angels of Venice, 2011, Photographies. Peter Wuethrich (Suisse) a demandé à des passants de porter un livre ouvert sur le dos, les transformant en anges.
Du 14 février au 20 mai, l’exposition “The Mediterranean approach” explore la culture contemporaine en Méditerranée. Une exposition qui vient de loin : après Venise en juin 2011 pendant la 54ème édition de la Biennale, Marseille est la deuxième étape de l’exposition qui se poursuivra à Sao Paulo en septembre 2012. Proposée par Thierry Ollat, Directeur du musée et Adelina von Fürstenberg, Présidente d’ART for The World, une ONG qui s’est donnée pour mission de favoriser, grâce au langage universel de l’art contemporain et du cinéma, un dialogue constructif et pérenne entre les peuples de divers horizons culturels, et de placer l’éducation et l’art au cœur des droits humains. L’exposition accueille les œuvres d’artistes originaires de la région Méditerranéenne ou y œuvrant : Ghada Amer (Egypte), Ziad Antar (Liban), Faouzi Bensaïdi (Maroc), Jacques Berthet (Suisse), Marie Bovo (Espagne), David Casini (Italie), Hüseyin Karabey (Turquie), Ange Leccia (France), Adrian Paci (Albanie), Maria Papadimitriou (Grèce), Khalil Rabah (Palestine), Zineb Sedira (Algérie), Gal Weinstein (Israël), Peter Wüthrich (Suisse). A travers le regard des artistes participants (photographies, vidéos, installations), l’exposition s’attache à mettre en lumière les différences, tout comme les similitudes, qui tissent les identités profondes des peuples méditerranéens. Point de rencontre de trois continents, l’Afrique, l’Asie et l’Europe, la Méditerranée est bien plus qu’une géographie. Cadre vivant de références à un ensemble de modèles complexes, carrefour à la fois de peuples et de cultures, elle est le lieu de naissance de grandes civilisations et la porte ouverte entre l’Occident et l’Orient.
Maria Papadimitriou, Bateau Apparatus, 2011 Installation, verre de Murano, métal, bois
Courtesy ART for The World [mac] musée d’art contemporain, Marseille photo Vincent Ecochard, Service des musées
Les routes qui traversent la Méditerranée, autrefois domaine des marchands, des voyageurs et des conquérants, sont devenues aujourd’hui, pour les artistes de cette région, les routes vers la connaissance et la créativité. L’exposition explore la plupart des thèmes centraux de notre époque : le désir de liberté et de démocratie, les migrations, les questions d’environnement, de santé, ainsi que la liberté d’expression, de pensée et de religion, une problématique centrée plus sur le social que sur le géopolitique ou le philosophique. Une œuvre superbe, celle d’Ange Leccia, au cœur du sujet. Il a filmé la mer Méditerranée en plan fixe à partir d’une perspective perpendiculaire. Projetées à la verticale sur le mur, les vagues perdent leur aspect familier, avec un effet de dépaysement qui magnifie leur beauté. Elles deviennent magiques, fluorescentes, se répétant à l’infini en boucle. Une œuvre hypnotisante. Si le rythme initial des expositions s’est un peu ralenti, le Musée présente actuellement une exposition importante par an ainsi que des expositions à thème. On peut regretter les différences creusées entre les deux côtés de la Méditerranée au cours des derniers siècles et que les architectures de sable ou de pierres, les couleurs, la lumière ne soient pas assez présentes. AA Exposition “The Mediterranean approach” du 17 février au 20 mai 2012 Musée d’Art Contemporain de Marseille 69 avenue de Haifa, 13008 Marseille Renseignements : 04 91 25 01 07 www.lesartistescontemporains.com/macmarseille
BRASSAÏ : Nice, quai des Etats-Unis, s.d., Photothèque du centre de documentation, musée Matisse, Nice. © Estate Brassaï - RMN
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25 FÉVRIER / 3 JUIN 2012
MUSÉE MATISSE 164, avenue des Arènes de Cimiez Nice - France - entrée libre
BRASSAÏ
PHOTOGRAPHE
tous les jours de 10h à 18h sauf le mardi
+33 (0)4 93 81 08 08
MATISSE
www.musee-matisse-nice.org
SA RENCONTRE AVEC
TPI CHARLES NÈGRE 27, boulevard Dubouchage Nice - France - entrée libre
LEGS GILBERTE BRASSAÏ
tous les jours de 10h à 18h sauf le lundi
+33 (0)4 97 13 42 20 www.tpi-nice.org
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En Ville
draguignan
Franka Severin Des mines aux pinceaux Pour l'artiste Franka Severin, peindre participe à une nécessité vitale. Jetant sa vie sur la toile avec ce besoin total d'indépendance, elle nous révèle, lors de cette rencontre, son histoire... Pour vous, tout est parti du dessin ? Oui, j'adorais le dessin, la peinture mais j'avais toujours des mauvaises notes. Ma maîtresse agissait à l'ancienne alors que j'aimais quant à moi explorer sans arrêt. Je me faisais donc à l'idée que je n'étais pas douée pour l'art. J'ai donc laissé cela de côté. Mais un jour, ma petite fille m'a involontairement redonné l'envie d'essayer. Alors qu'elle se tenait face à moi, sa chevelure blonde magnifique m'a vraiment décidée. L'envie de la dessiner était trop forte.
Pendant une quinzaine d'année cependant, j'étais vraiment spécialisée dans la pratique du portrait.
C'est ce qui vous a décidé à reprendre l'art de façon assidue ? Je me suis inscrite à l'Université de Copenhague pour apprendre et pratiquer l'art, pendant deux ans. C'est là que j'ai commencé à peindre et me suis très vite enthousiasmée pour le portrait. J'adore l'être humain et il était donc naturel que je m'oriente vers le portrait. Ca a continué bien des années... J'ai appris à maîtriser les choses, c'est important. Maîtriser la surface de la toile, savoir où placer les couleurs, respecter les proportions, l'intensité... Toutes ces choses m'ont toujours fascinée.
Les portraits ont été le point de départ mais vous vous êtes sentie attirée par autre chose... D'abord, j'ai réalisé des portraits d'après des modèles que je trouvais dans des centres d'art. Puis, j'ai réalisé sur commande. Je me suis arrêtée d'en faire un beau jour parce que tout ce que je réalisais autre que les portraits, personne ne le regardait. J'étais connue comme portraitiste à Johannesburg. C'était un peu réducteur. J'ai quitté le portrait pour cette raison mais je m'y remets progressivement car il n'y a rien de plus intéressant que l'expression du visage d'une personne. C'est le summum, en tout cas pour moi ! J'ai un portrait qui fait 5,50 m de haut et 3,20 m de large. Il va d'ailleurs être exposé à Draguignan. D'après les musées à Paris, c'est le plus grand portrait qui existe.
Vos voyages ne vous ont pas empêché de vous adonner à la peinture... En arrivant en Afrique du Sud, je me suis inscrite dans un centre artistique et son directeur, peintre lui aussi, était purement dans l'abstraction. Je n'en avais jamais fait auparavant. Il m'a alors montré ce qu'il faisait et lorsqu'il m'a demandé ce je pensais de son travail, je lui ai répondu honnêtement que je ne comprenais pas. Petit à petit pourtant, je me suis mis à l'abstrait.
Quelles sont les techniques que vous utilisez ? Au début, je travaillais plutôt l'huile mais comme j'étais allergique à la térébenthine, je suis passée à l'acrylique rapidement et finalement, cela m'a bien arrangé parce qu'en voyageant, l'acrylique sèche vite et c'est plus pratique. Comme quoi !
draguignan
Pourquoi ce besoin d'espace, ce besoin de monumental ? J'ai besoin d'espace pour l'art. Car je vis dedans... Quand j'étais petite, ma famille était pauvre, et nous allions même aller manger dans les bois. Alors, ce besoin provient peut-être de là. Une compensation... Dans quoi puisez-vous votre inspiration ? Il y a eu une période de portrait mais je me suis lancée dans ce que je voulais en fonction de ce que je ressentais au quotidien. L'inspiration arrive dès que l'on se lève le matin, les sensations que chaque jour apporte... Je vois une toile, je me jette dedans, j'invente mon environnement et c'est là, la beauté de l'art. Une artiste en liberté ? Comme je ne vivais pas de l'argent de ma peinture, je faisais ce que je voulais, c'était un avantage. Par contre, un artiste n'est lancé véritablement que lorsqu'il est représenté par une galerie ou un lieu réputé. Je n'étais pas capable de créer à la demande, faire des toiles pour faire des toiles. J'ai refusé cela pour donner priorité à moi-même, à ce que je voulais créer. Faire de la façon dont je l'entendais pour créer tel ou tel sujet, c'était ce qu'il y avait de plus important.
Ce système de galeries ne me convenait pas. Je peins comme on écrit un livre, comme on envoie une lettre d'amour. C'est spontané, c'est ma façon de m'exprimer... Pourtant, vous avez un nombre impressionnant de toiles... Je dois avoir 200, 300 tableaux un peu partout. Encore une fois, comme je ne vivais pas de ma peinture, je n'avais pas le besoin d'exposer réellement. Autrement dit, j'ai attendu longtemps pour cette exposition de Draguignan. Trouver un endroit quelque part où je trouvais que cela allait être l'idéal pour mes peintures. Quels sont les thèmes que l'on retrouve dans vos oeuvres ? Il n'y a pas un thème en particulier... Je dirai la nature mais surtout l'être humain. J'aime les paysages grandioses, portraits de mineurs, reproduction de mines, de terrils, je peins aussi les ghettos, la lutte des Noirs car l’apartheid est pour moi un sujet sensible. Très étonnamment, au début, vous ne vouliez travailler qu'avec une seule galerie ? Oui. C'était une dame qui avait beaucoup de moyens, qu'elle vende ou pas, elle prenait l'artiste. Elle m'avait demandé si je ne voulais pas exposer régulièrement et exposer chez elle. C'était à Johannesburg, la Karen Mc Kerron Gallery. Il y a eu d'autres galeries depuis naturellement, dont une, toujours à Johannesburg, qui m'a demandé si je ne pouvais pas faire voyager l'exposition de Draguignan. J'y pense...
En Ville
Cette exposition à Draguignan s'annonce sous les meilleurs auspices ? Oui. C'est une exposition monographique qui est organisée à l'initiative et sur l’invitation de la mairie de Draguignan à la Chapelle de L'Observance et qui va me permettre de donner à voir des grandes toiles. Je pars avec 150 oeuvres mais on ne va pas tout exposer. Selon la luminosité, les liens entre chaque toile, cela me permettra de faire le choix du meilleur accrochage. A Draguignan, mes peintures seront "heureuses". Je ne suis pas du genre à chercher un lieu luxueux mais plus un lieu adapté. Que représente pour vous cette vie nourrie d'art au quotidien ? La vie d'artiste est quelque chose de très personnel, on ne ressent pas les choses de la même façon et on a donc pas les mêmes besoins. La vie d'artiste, c'est pour moi cela : mettre tout le reste de côté. C'est avoir réussi à me créer un environnement que je me suis conçu toute seule et je continue. La peinture... un message ? Il y a beaucoup de choses que l'on aimerait dire à son public. Qu'est-ce qu'une belle peinture ? Qu'est-ce qu'une bonne peinture ? Ce n'est certainement pas celle qui est la plus chère. C'est celle que l'on aime. Je crois que c'est le message idéal... RC Exposition Franka Severin, ainsi soit-elle, de la mine aux pinceaux 5 mai -13 juillet 2012 Chapelle de l'Observance Place de l’Observance à Draguignan 04 94 84 54 31 photos © Isabelle Chanal
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Rencontres inopinées
Jeune homme de quatrevingt-quinze ans (il joue toujours au tennis), Jacques Matarasso a eu une vie extraordinaire dont la première partie (1916-1950) est contée dans le livre Jacques Matarasso – Mémoires – Rencontres inopinées qui vient de paraître.
Jacques Matarasso
© B Ornano
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20 ans, à Paris, il rencontre des personnages mythiques de l'histoire de la littérature, notamment les Surréalistes qu'il a contribués à faire connaître en étant un des premiers à les exposer dans la vitrine de la librairie de son père. Ainsi, avant guerre, il connaît Breton, Aragon, Eluard, Péret, René Char, etc.
C'est ainsi qu'avec de faibles moyens financiers mais avec un goût très sûr, il a eu la possibilité de constituer une collection exceptionnelle de leurs œuvres, collection reconnue par le succès international de ses ventes publiques de 1993, 1995 et 2000. Ces rencontres "inopinées" avec le gratin des écrivains et des peintres (anecdotes
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u hasard des rencontres avec les artistes et les clients, elle aura l'opportunité de créer sa propre galerie où elle exposera des estampes et des sculptures contemporaines. Une riche période où elle se lie d'amitié et travaille avec Claude Serre, un dessinateur hors pair, créateur d'un univers graphique exceptionnel où l'absurde côtoie un humour particulièrement décapant. Elle organisera des expositions avec Claude Belleudy, Arman, Robert Pérot…
Laure Matarasso Fille de Jacques Matarasso, Laure a été plongée dès l'enfance dans le milieu des livres et des arts. Montée à la capitale pour faire ses études en Langues Orientales et à l'Ecole du Louvre, elle se retrouve très vite au travail chez un diffuseur d'estampes également encadreur.
"Le premier à nous rendre visite fut Aragon, jeune homme beau et distingué, véritable bibliophile recherchant tous les textes de poètes connus et inconnus des XVIe et XVIIe siècles. Suivirent ensuite André Breton, Benjamin Péret, Tristan Tzara, Paul Eluard et peu après, René Char. En 1936, j’avais 20 ans, ils en avaient 40 et plus. Contents d’avoir un jeune admirateur, ils m’avaient adopté. À part Aragon et Tzara qui avaient de l’argent, les autres avaient toujours besoin de vendre quelque chose. C’est moi qui conseillais à mon père d’acheter tel ou tel livre ou manuscrit. C’est à cette époque que j’ai commencé ma collection dadaïste et surréaliste."
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Laure Matarasso est membre du Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne, de la Chambre Syndicale de l'Estampe, du Dessin et du Tableau, membre de la Compagnie Nationale des Experts, spécialisés en livres, antiquités, tableaux et curiosités. Découvrez le catalogue de ses éditions sur www.laure-matarasso.com
Toujours au gré des rencontres, elle part travailler dans un magasin d’antiquités, rive droite cette fois, nouvel apprentissage dans un tout autre monde : meubles et bibelots des XVIIIe et XIXe siècles, français et anglais. Mais Nice lui manque et son père lui propose de venir travailler avec lui, Madeleine, sa mère, prenant sa retraite. De retour à Nice, Laure apprend auprès de son père le métier de libraire. Elle s'entend parfaitement avec lui et leurs goûts sont très proches (il est arrivé souvent que sans le savoir, ils fassent le même choix d'estampes).
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Dédicace de Prévert à Jacques Matarasso, extrait du livre Jacques Matarasso – Rencontres inopinées
© B Ornano
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savoureuses et inédites sur Aragon, Eluard, Péret, Michaud, Cendrars, Léautaud, etc.) vont se poursuivre jusqu'à la guerre qui l'oblige à se réfugier à Nice où il crée sa propre librairie rue Alberti. Son premier client, un jeune homme de dix-sept ans qui lui achète cinq petits volumes du « Théâtre de Regnard » (16551709) : “Très surpris qu’un jeune garçon m’achète ces livres, peu de gens ayant
entendu parler de cet auteur dramatique, nous avons bavardé et il m’a dit que ses parents l’envoyaient à Nice à la Faculté de Droit alors qu’une seule chose au monde le passionnait : le théâtre. Et ce premier client n’était autre que Gérard Philippe qui allait devenir une gloire mondiale. Nous nous sommes revus toutes les semaines, parfois accompagnés de sa mère qui m’a acheté d’autres livres et collections”.
Jacques avait commencé à faire de l'édition dès 1980, et Laure va l'aider à développer cette activité qu'elle apprécie particulièrement : contact avec les auteurs, choix des textes, choix des caractères, de la mise en page, des illustrations, etc. Un souvenir amusant avec Annie Proszynska, amie de longue date et excellente artiste graveur qui aimait les romans policiers de Boileau et Narcejac. Cette amie réussit à les convaincre de faire leur premier et seul livre de bibliophilie avec un texte inédit “Le tueur de Carnaval” accompagné de gravures originales. En 1993, quand elle prit la succession de la librairie, le premier livre qu’elle éditera sera "Songe noir" de Marie-Agnès Courouble, illustré par des gravures de Gérard Morot-Sir qu'elle fera réaliser par ses amis artisans-artistes : Baviéra pour les gravures et Woda pour la typographie. Autre anecdote : pour l’édition du livre “ Gardurinn-Jardin” de l’écrivain islandais Sigurdur Palsson, elle fit appel à l’Imprimerie Nationale qui, seule, possédait la police de caractères, mais une ou deux lettres avaient un problème qui pouvait changer
la signification du mot. Il fallut faire des recherches acharnées et la chasse a duré pendant des mois jusqu'à ce qu'ils trouvent en Angleterre un fondeur possédant la bonne police. L'Imprimerie Nationale a dû acheter la matrice pour fondre le caractère. Enfin l'ouvrage paraît, superbe avec son texte en islandais (traduit en français) et les peintures de Bernard Alligand enrichies de terres et de lave d'Islande. A la librairie, Laure continue d’enrichir sa collection d'estampes originales, la plus importante de la région, un choix très fin. Elle présente aussi de petites sculptures et bronzes d'artistes. Entre les éditions originales, les livres de bibliophilie et les œuvres d'art, la librairie est un lieu de synergie où passent de nombreux artistes et écrivains : expositions, signatures se succèdent, ainsi que les performances de Jean Mas (Cages à Mouches, Bulles, Crèche ou les Gros Mots, écrits sur le trottoir devant la librairie). La clientèle a beaucoup changé au cours des années et le métier évolue au gré des technologies nouvelles, internet bien sûr,
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Sa rencontre en 1941 avec Armand Fradin, un camarade d'école de Bruxelles, va le faire entrer de plein pied dans la résistance. Sa librairie servira de boîte à lettres aux réseaux et il échappera par miracle plusieurs fois à la Gestapo. Il sera détenu à l’hôtel Excelsior où étaient parqués les Juifs et les résistants. Tous les jours, à 17 h l’hôtel était vidé de ses occupants qui étaient emmenés à la gare toute proche puis embarqués dans les trains en direction de Drancy puis Auschwitz : “La vie ne tenait qu’à un fil à cette époque où les nazis se croyaient les maîtres du monde”. Pendant la guerre, il voit tous les jours Prévert, venu travailler aux dialogues des “Visiteurs du soir” (tournés aux Studios de la
Victorine) et se lie d’amitié spécialité pour laquelle il avec René Char qui offrira se passionne. à Madeleine un foulard en Dans les années 50, par toile de parachute qui va son amitié avec Arman, se couvrir de signatures Venet, Gilli, Raysse, il sera prestigieuses (la couverau cœur de l'effervescence ture du livre). artistique qui a fait naître Henri Goetz, un ami très ce qu'on a appelé plus tard cher, inventeur de la gral'Ecole de Nice. Premières Livre “Jacques Matarasso – Rencontres vure au carborundum, inopinées”, coécrit avec Alain Amiel, expos, premiers achats. viendra souvent le soir éditions Laure Matarasso. Sa librairie-galerie, tenue chez lui écouter Radio maintenant par sa fille Londres. En réponse à un courrier de Laure, est devenue au fil des ans le lieu Jacques, parti se réfugier dans le pays incontournable des bibliophiles du monde basque, il lui écrira une lettre émouvante entier mais au delà, des intellectuels et des et très humoristique (publiée in extenso). artistes. Après guerre, Jacques Matarasso ajoute à son activité de libraire celle de vendeur d'estampes de Renoir, Cézanne, Berthe Morisot, Bonnard, etc. (à l’époque, peu chères),
Jacques Matarasso Mémoires – Rencontres inopinées coécrit avec Alain Amiel Editions Laure Matarasso
Jacques Matarasso, Picasso, Madeleine Matarasso, Vallauris, 1950, extrait du livre Jacques Matarasso – Rencontres inopinées Jean Mas écrivant des gros mots sur le trottoir Livre islandais de Sigurdur Palsson Gardurinn Jardin, illustré par Bernard Alligand
les ventes aux enchères se sont multipliées, les livres précieux ne circulent plus comme avant, il faut donc s’adapter… Mais malgré tout, l’odeur du papier et le plaisir de “fouiller” dans les rayons reste irremplaçable et une clientèle fidèle existe toujours. Laure est dynamique, intéressée par des mondes très différents pourvu qu’elle y trouve de la qualité, que ce soit dans le travail d’un artiste ou dans l'écriture d’un poète. C'est un métier passionnant et enrichissant au quotidien où les clients deviennent rapidement des amis, passant quelquefois juste pour dire bonjour ! Elle a toujours de nombreux projets en cours, c’est un travail très prenant entre la
recherche de livres, la visite des ateliers d’artistes, l’organisation des expositions, les éditions. Et elle a même le temps de danser ! Fan de Jazz, elle danse (très bien) la salsa, le tango argentin, le rock… AA
Galerie-librairie Laure Matarasso 2 rue Longchamp 06000 Nice 08 77 63 10 52
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DU 19 AU 22 AVRIL 2012 GRIMALDI FORUM MONACO JEAN-CHRISTOPHE MAILLOT ALTRO CANTO 1 MARIE CHOUINARD bODY_rEMIX/Acte 1 JEROEN VERBRUGGEN KILL BAMBI
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La Verrerie de Biot
et le métier de souffleur de verre A la Verrerie de Biot, l’atelier de production ne désemplit pas. C’est dans une sorte de ballet, depuis 1956, que les visiteurs français et étrangers assistent à la confection des pièces, soufflées sous leurs yeux. Le verre bullé, c’est l’histoire d’un défaut maîtrisé, devenu qualité. Chaque verrier réalise toutes les pièces et maîtrise la technique du verre bullé. Elle consiste à saupoudrer du bicarbonate de soude entre 2 couches de verre chaud pour créer ces bulles caractéristiques, véritable marque de fabrique de la Verrerie de Biot. Le rayonnement de la Verrerie de Biot, une histoire d’artistes
Biot, a développé depuis 1975 des expositions thématiques dans
« Le Festival de Cannes a joué un grand rôle dans le développe-
la Verrerie. La Galerie internationale du Verre, construite en 1990,
ment de la Verrerie. Dans les années 1960, quand on venait au
revend des sculptures en verre achetées dans le monde entier.
Festival de Cannes, on passait un mois sur la Côte d’Azur. Les
Le concept, c’est aussi de proposer aux artistes de travailler les
artistes nous ont découverts et nous ont amenés sur leurs tables
œuvres qui seront présentées au public, autour d’un thème défini.
dans le monde entier », nous explique Anne Lechaczynski, Prési-
Lancées il y a 22 ans, les expositions annuelles qui révèlent ces
dente de la Verrerie de Biot. « Nous avons compris que le tourisme
œuvres sont un vrai succès. L’inauguration de la prochaine expo-
était très important pour nous. Mes parents ont acheté l’entreprise
sition est prévue pour le 7 juillet 2012. Au sein de la Verrerie de
en 1973. Il n’y avait alors que la Verrerie. Depuis, on a créé la Gale-
Biot, on trouve également l’Ecomusée du
rie internationale du verre, la boutique et le restaurant-bar ». Face
Verre de Biot. L’objectif est de mettre
au potentiel touristique, la Verrerie de Biot s’est donc dévelop-
en valeur et faire connaître la tra-
pée autour d’un véritable concept marketing. Son frère, Serge
dition verrière. Cela passe par
Lechaczynski, aujourd’hui Directeur Général de la Verrerie de
la sauvegarde d’un savoir-faire (la technique du verre soufflé et bullé), la conservation de pièces anciennes, d’outils, de verreries artistiques et la communication de la technique du soufflage du verre bullé.
Oeuvres exposées dans la Galerie internationale du verre © Bertrand Ornano
Dans la bulle : Anne Lechaczynski, Présidente de la Verrerie de Biot © Bertrand Ornano Ci-dessus : Marc, souffleur de verre depuis 38 ans © Bertrand Ornano
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La Verrerie de Biot, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant Ce label fédère l’excellence des savoir-faire français. Cette distinction d’État est une marque de reconnaissance du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. La procédure d’attribution du label EPV est menée par des experts. Le label est remis en cause tous les 5 ans. Obtenu en 2006 pour la Verrerie de Biot, la demande de renouvellement a été formulée. Pour cela, l’entreprise doit prouver ses actions sur la formation, sur la création de nouveaux modèles, sur l’aspect artisanal de l’activité, etc. L’obtention du label Entreprise du Patrimoine Vivant, c’est aussi une image positive véhiculée pour l’entreprise au travers des actions de communication. Le label est par exemple représenté sur un stand au Salon parisien Maison & Objet : tous les labellisés y sont valorisés. C’est le salon où se font les modes et les tendances, dans le monde de la décoration, de l’art de la table et de la maison. Il faut savoir qu’à la Verrerie de Biot, 70% de la production est réalisée sur place par les 7 verriers, 30% est sous-traitée en Italie, auprès d’une entreprise qui maîtrise la technique du verre bullé, avec qui la Verrerie de Biot travaille depuis 30 ans.
Les maîtres-verriers de la Verrerie de Biot travaillent aujourd’hui avec 2 fours de fusion électriques. Nous avons notamment suivi Marc, lors de la confection de verres à pieds de couleur « rose des sables ». Cette couleur est réalisée avec de l’oxyde de manganèse. Marc fait ce métier depuis 38 ans. Il crée entre 7 et 8 verres à pied par heure. Pour pouvoir travailler la matière, elle doit être à environ 800°C. Quand la pièce est terminée, elle est mise dans un four qui s’appelle l’arche et elle y refroidit pendant 6h. Déposée aux alentours de 500°C sur tapis roulant, la pièce refroidit au fur et à mesure. Il faut compter ce temps-là pour pouvoir prendre la pièce en main.
Le métier de souffleur de verre La décision de se former aux métiers du verre se prend tôt, vers 17 ans. La formation des verriers se fait en région parisienne. A l’école nationale du verre, au sein du lycée Jean Monnet à Yzeure (Allier), sont proposés un CAP Arts et techniques du verre, ou encore un DMA (diplôme des métiers d’art) de même niveau que le BTS. Les verriers se forment et réalisent des stages pratiques à la Verrerie de Biot. Il faut compter 3 années de formation avant que le verrier commence véritablement à produire et 10 ans pour savoir réaliser toutes les pièces. « Il y a un gros problème culturel en France : on donne une mauvaise image des CAP et des métiers de la main. […] Il faudrait revaloriser cela dans l’éducation nationale au même niveau que les autres formations, dans la sémantique. C’est très symbolique. […] Aujourd’hui, on envoie en CAP ceux qui sont en échec scolaire, des jeunes frustrés, c’est contre-productif », revendique Anne Lechaczynski. Les métiers de l’artisanat d’art, ce doit être avant tout de la passion. Il faut gravir 7 grades successifs avant de devenir maître-verrier, soit environ 12 années d’expérience. C’est aussi le tour de main et la capacité à réaliser les pièces les plus complexes qui détermineront le statut de maître-verrier.
Travail du verre © Bertrand Ornano
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Oeuvre exposée dans la Galerie internationale du verre
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© photo Bertrand Ornano
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Des projets de développement Les prochains projets concrets pour
la
concernent
Verrerie
de
Biot
principalement
le
web, avec le développement du e-commerce et l’export, avec une clientèle étrangère à 40% pour la Verrerie de Biot. Anne Lechaczynski fait partie du Comité Mistral, délégation régionale du Club des Exportateurs de France. Cela permet de faire connaître, lors de voyages à l’étranger, les savoir-faire d’acteurs locaux renommés sur des secteurs d’activités comme la gastronomie, la parfumerie, les métiers du verre, etc. Le prochain voyage se fera à Shanghai en novembre, faisant suite à la visite de la 1ère dame chinoise, Mme Jintao, pendant le G20 qui s’est déroulé à Cannes. « En France, on estime encore que tout le monde est concurrent. Je pense qu’on est complémentaire », conclut la Présidente de la Verrerie de Biot.
La Verrerie de Biot : une marque déposée Au Moyen Age, l’édification d’une verrerie ou d’une cristallerie dans une ville ou un village était déterminée par le combustible et les matières premières. Aussi prenaient-elles le nom de la ville ou du village dans lequel elles s’implantaient, comme ce fut le cas dans notre région des verreries de Saint-Paul-en-Forêt et de Bagnols-en-Forêt, de la verrerie de Cannes-la-Bocca. Puis la tradition est restée : la verrerie d’Albi, la verrerie de Viannes, la cristallerie d’Arques, Saint-Louis, Baccarat ou encore la Verrerie de Biot. La Verrerie de Biot a été à l’origine d’un véritable courant en faveur de l’Art du Verre et de nombreux ateliers se sont créés ici ou là : « l’Ecole de Biot » était née. Comme toute entreprise commerciale, la Verrerie de Biot a protégé son nom en déposant des marques dont « la Verrerie de Biot » et « Biot » : tous les produits de la Verrerie de Biot sont signés « Biot ». « Biot et « la Verrerie de Biot » sont des marques déposées, marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration et qui regroupent les produits fabriqués ou vendus sous la marque. Elles constituent des biens précieux dans la mesure où elles représentent un capital de notoriété. Aujourd’hui, la marque « Biot » est devenue une « marque notoire », à savoir que la marque « Biot » est affranchie de la règle de la spécialité et se voit reconnaître une protection pour tous les articles, toutes les classes, au niveau international. CM La Verrerie de Biot - Chemin des Combes à Biot 04 93 65 03 00 - www.verreriebiot.com
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En 2012, le centre de formation professionnel Grasse Institute of Perfumery fête ses 10 ans. Focus sur cette formation au service des entreprises du parfum, des arômes alimentaires et de la cosmétique.
La formation internationale à Grasse, berceau mondial de la parfumerie
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out a commencé lorsque la dernière école de parfumerie grassoise a quitté la région en 1997. Le départ de l’école Givaudan-Roure, fondée par le parfumeur Jean Carles, a laissé un vide. La création en 2002 du Grasse Institute of Perfumery (GIP), sous l’égide du Syndicat des Parfumeurs PRODAROM, y remédie en proposant un centre de formation professionnel international. « Tous les niveaux d’études sont acceptés et les étudiants ne sont pas forcément scientifiques. La formation se fait en anglais, avec une priorité d’ouverture vers les étrangers et 42 nationalités représentées depuis 10 ans », explique le directeur pédagogique, M. Alain Ferro.
© Isabelle Chanal
Han-Paul Bodifée, Président de PRODAROM
Dans mon parfum : de la mémoire et de l’esprit créatif Avant de créer, il faut découvrir et savoir reconnaître les matières premières qui entrent dans la composition d’un parfum. Qu’elles soient naturelles ou chimiques, elles doivent être mémorisées. Les sensations provoquées chez chaque étudiant sont mises en commun. Les références culturelles jouent beaucoup. Par exemple, l’huile essentielle de cannelle évoquera la tarte aux pommes pour un européen ou un américain. Pour un indien, elle pourra évoquer l’agarbatti, le tabac à mâcher. Les intervenants professionnels guident les étudiants dans cet apprentissage. Pendant les 3 premiers mois de for-
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mation, ils apprendront à reconnaître 500 matières premières qui constituent la base en parfumerie. Les mois suivants, les étudiants apprennent les accords. Ils reconstituent une odeur que l’on trouve dans la nature, comme celle de la rose ou du jasmin. Ils créent aussi des odeurs évocatrices pour les sens, comme une odeur marine pour les parfums masculins. Les mois d’été sont dédiés aux stages, généralement réalisés en laboratoire de parfumerie. De
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En chiffres
septembre à décembre, les étudiants concluent par une phase de création. Il s’agit de comprendre, analyser et reproduire les parfums à succès, mais aussi de créer « en situation réelle » et en groupe. Un brief est remis chaque année par le parrain de la promotion. En 2012, il s’agit de la société Argeville. L’an dernier, la thématique était celle de la nature dans le luxe, à décliner en parfum et ligne cosmétique, sans oublier l’approche marketing. A l’issue de l’année de formation, un jury constitué par le parrain délivre un prix au projet retenu et les étudiants réalisent une présentation officielle devant une soixantaine d’industriels. La formation conclue, la plupart des étudiants réalisent un stage, avant de s’insérer durablement sur le marché du travail. Avoir du Nez Bonne nouvelle : « 95% des gens ont un odorat à peu près égal. On croit souvent que l’on est parfumeur parce qu’on a un don, c’est faux. On le développe. Il existe de rares contre-indications, comme l’anosmie, c’est-à-dire l’absence totale ou partielle d’odorat (environ 5% de la population touchée) », explique Alain Ferro. Pour intégrer le Grasse Institute of Perfumery, des tests olfactifs et de créativité sont réalisés. Le futur étudiant doit pouvoir s’exprimer sur un parfum. Cela permet de déterminer la cohérence de l’approche par rapport à l’odeur… Et de trouver le prochain Nez ? « Ce statut n’existe pas réellement : normalement tout parfumeur est un nez. Après il y a les nez connus et les inconnus », nous éclaire M. Ferro. Au niveau des reconnaissances, on préfère parler de junior parfumeur (5 premières années), parfumeur (10 ans) et senior parfumeur (au-delà de 15 ans et aussi en fonction des « résultats » : c’est ce que le client achète qui fait la notoriété du parfumeur). Quant au statut de « maître-parfumeur », il s’agit d’une terminologie créée et utilisée par la société suisse Firmenich, n°2 mondial derrière Givau-
dan et leader mondial sur la parfumerie alcoolique. Issus de la première promotion du Grasse Institute of Perfumery, on peut citer 2 parfumeurs qui se font un nom : Jérôme Epinette aujourd’hui à New-York, parfumeur pour la maison grassoise Robertet et Delphine Jelk, chez Drom Fragrances à Paris, qui a travaillé pour des grands noms comme Sonia Rykiel et Guerlain. Métiers de la parfumerie et réglementation européenne Les réglementations chimiques européennes, comme REACH (règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques) font évoluer les métiers de la parfumerie. Pour l’évaluation, si un produit naturel contient une molécule qui, testée seule, s’avère dangereuse (allergisante), le produit naturel est classé de la même manière. Par exemple, l’huile essentielle de lavande utilisée depuis 200 ans est aujourd’hui classée allergisante à cause du linalol. Les entreprises adaptent les formules en fonction des risques liés. Les parfumeurs réagissent un peu plus mal. Artistes avant tout, c’est une part de créativité qui leur est retirée. De plus, certains lobbies européens souhaiteraient obtenir l’ouverture des formules. Rappelons qu’un parfum n’est pas brevetable, car le législateur a toujours considéré que le parfum ne faisait que reproduire les odeurs qui étaient déjà dans la nature. En cela, il n’y a pas réellement d’innovation. M. Bodifée, Président de PRODAROM, nous explique : « on ne peut pas demander aux industriels de dévoiler leurs formules, sans leur donner le moyen de se protéger de la contrefaçon. Nous souhaitons protéger nos produits et notre savoir-faire ». C M Grasse Institute of Perfumery 48 avenue Riou Blanquet à Grasse 04 92 42 34 90
Parfumerie et arômes : 70 entreprises localement (3 600 salariés) 130 entreprises au national (7 000 salariés) Près de 100 matières premières entrent dans 90% des parfums GIP : 70 demandes par an pour 12 candidats retenus Coût de formation au GIP : 11 800 euros l’année
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Au Grasse Institute of Perfumery, ils sont chaque année 12 étudiants par promotion. Parmi eux, Ilana. Cette lyonnaise de 22 ans de formation littéraire et commerciale a toujours voulu se former à la parfumerie. Ce qui l’intéresse, c’est le produit « en construction », pour travailler au plus près des matières premières. Consciente que la mobilité est essentielle, elle envisage toutes les destinations pour son avenir professionnel.
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la vie des arts
photographie
Brassaï
dans le secret d’un grand photographe ! Tandis que le musée Matisse dévoile les affinités artistiques entre le peintre et le photographe, le Théâtre de la Photographie et de l’Image dévoile un panorama à 360° de l’œuvre de Brassaï.
Exposition Brassaï au Théâtre de la Photographie et de l’Image © photo Bertrand Ornano
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e double événement rend hommage jusqu’au 3 juin au legs Brassaï, consenti à la Ville de Nice au profit du Musée Matisse en 2011. Marie-Thérèse Pulvénis de Séligny, Conservatrice en Chef du Musée Matisse explique « S’étant souvenu de sa rencontre avec Matisse à Vence, Gilberte Brassaï a souhaité faire un legs à notre Musée. Cette donation incluant une série d’œuvres témoignant des liens de son époux avec Matisse, nous avons sollicité que celle-ci soit intégrée à notre fond et que l’autre partie soit mise à la disposition du Théâtre de la Photographie et de l’Image ». C’est ainsi que naquit cette exposition qui s’étend sur deux lieux, forts de deux projets complémentaires.
Exposition Brassaï au Théâtre de la Photographie et de l’Image © photo Bertrand Ornano
Brassaï : Nice, quai des États-Unis, sans date. Photothèque du centre de documentation, Musée Matisse, Nice © Estate Brassaï – RMN
photographie
Brassaï : Nice, quai des États-Unis, sans date. Photothèque du centre de documentation, Musée Matisse, Nice © Estate Brassaï – RMN
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Brassaï : Matisse dessinant un nu dans son atelier de la rue des Plantes. Villa d’Alésia, Paris, 1939. Collection particulière © Estate Brassaï – RMN
Matisse, Brassaï : Regards croisés Au Musée Matisse, l’exposition se concentre sur ces deux créateurs, les révélant dans l’intimité, au cœur de leur époque et en pointant leurs préoccupations communes. Ainsi une partie du legs sert-elle à tisser les liens qui rapprochèrent ces deux hommes que 20 ans séparaient et qui se rencontrèrent à Paris et sur la Côte de 1931 à 1946. Les photos qui témoignent de ces rares moments sont à l’honneur telle la série prise par Brassaï dans l’atelier de Matisse à la villa Alésia. C’est à la demande de Matisse que Brassaï couvrit le travail du peintre soucieux d’archiver son travail. On le voit étape par étape réaliser une peinture d’après modèle mais aussi un dessin. « Matisse explique à Brassaï le bien fondé de laisser faire la main et pour le lui prouver, il dessine les yeux bandés à main levée un visage ». L’autre partie de l’exposition entrechoque les œuvres afin que le visiteur puisse saisir les connexions qui existent entre Matisse et Brassaï. Le thème du nu féminin est largement abordé via l’œuvre protéiforme de Brassaï qui inclut, hors ses photographies, 5 dessins de nus, un livre illustré de la série Transmutations ainsi qu’une sculpture « la Vénus blanche III ». Car si Brassaï hésita sans cesse entre la photo et d’autres formes d’expression, il mit souvent au cœur de ses exercices le corps féminin. « Partant de ses photos de nus, il retravailla les négatifs sur plaque de verre, redessinant dans la gélatine d’autres formes tel un peintre.
Il accoucha également d’une sculpture en marbre aux formes rondes, très matissiennes. Matisse chercha lui aussi à extraire la quintessence de ces courbes travaillant des parties dans la globalité du corps, les formes sont fossilisées comme une empreinte. » La mer est une autre thématique qui confronte l’œil de Brassaï autour des formes graphiques de l’écume et les découpes de Matisse. Brassaï était fasciné par la mer qui avait la faculté de façonner des galets, de changer des formes dures en forme douces. Matisse s’inspirera lui du mouvement des vagues pour imaginer les papiers gouachés découpés que Brassaï découvrira en 1945 sur les murs de son atelier à Vence. Les deux artistes partagent cet amour de la nature et de son énergie qui doit générer une poésie nouvelle, une autre interprétation du monde. Enfin, le Musée Matisse explore leur relation avec le monde de la création qui s’entrecroise au travers des revues d’art comme Le Minotaure où Brassaï et Matisse partagent des pages, l’un avec ses photos, l’autre avec ses dessins, mais aussi via les artistes qu’ils fréquentent : Queneau, Miller, Prévert, Max Jacob, Reverdy, Dalí, Léger, Le Corbusier, Breton, Eluard et bien sûr Picasso.
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Brassaï : Voyage autour de ma chambre Le Théâtre de la Photographie et de l’Image s’est penché, vocation oblige, sur l’œuvre photographique autour de 140 tirages originaux réalisés par l’auteur, dont 37 photos issues du legs et prêtées par le Musée Matisse. « Ces deux expositions étant complémentaires, j’en ai profité pour faire ce que je voulais faire depuis longtemps : Un hommage à Brassaï », explique Marie-France Bouhours, directrice du Théâtre de la Photographie et de l’Image (TPI). On y découvrira ainsi l’étonnante pluralité créative du photographe, au fil de salles thématiques : la production de Brassaï en Riviera, le Paris de Nuit, le Paris Secret, la série des 12 transmutations ainsi que celle des graffitis. « C’est une phase importante à laquelle Brassaï consacra plus de 30 années pour suivre l’évolution de ces entailles faites dans les murs et les arbres de la capitale ». Agnès de Gouvion Saint-Cyr, qui cofonda le Festival Photographique d’Arles et devint dès 1973 une proche de Brassaï et de son épouse puis l’exécuteur testamentaire du legs Brassaï, évoque avec nous le parcours du photographe.
Il y fit d’autres rencontres marquantes ? A chaque fois qu’il descendait dans le midi, il allait voir Matisse. Mais leur première rencontre se fit à Paris, à Montparnasse puis à la villa Alésia. Quand Matisse ne peut pas le payer, Brassaï écrit à sa copine de Harper's Bazaar pour vendre le reportage. Sa première rencontre à Nice avec Matisse est ratée. Il se présente à l’appartement sur le cours Saleya, mais Matisse n’est pas là. Il le photographiera plus tard à la Villa « Le Rêve » à Vence. Il venait également voir Picasso qui fut un remarquable soutien. Il le payait rubis sur l’ongle et l’invitait souvent à sa table. Car Brassaï a connu des périodes difficiles, il avoue avoir parfois grappillé des légumes sur le marché Saleya.
Comment est né cet impressionnant legs ? Gilberte Brassaï avait demandé à ce qu’on inventorie toute l’œuvre de son époux. Un tiers de ce fond, hormis une partie dont elle fit don au Centre Georges Pompidou, devait faire l’objet d’un legs à sept musées dont le musée Matisse à Nice. J’ai fait la sélection en fonction de ce qui pouvait être spécifique à chacune de ces institutions. J’avais orienté la ville de Nice lors d’une entrevue préalable avec Muriel Marland-Militello
Marie-France Bouhours, Directrice du Théâtre de la Photographie et de l’Image et Agnès de Gouvion Saint-Cyr, responsable du legs Gilberte Brassaï © Bertrand Ornano
et Marie-France Bouhours vers un corpus dédié à la Riviera et la série Transmutations. C’est un travail autour du corps qui fait sens avec sa relation avec Matisse qui s’est lui même inspiré des courbes féminines. Brassaï fréquenta assidûment la Riviera, ce legs en témoigne. Y avait-il un pied à terre ? Brassaï est mort à Beaulieu où il avait une demeure. Avant, ses parents avaient eux-même une petit maison à Eze. Il est venu pour la première fois en 1931 afin de photographier les plantes exotiques au jardin botanique de Monaco suite à une discussion avec Dalí que cette série illustre pour la revue le Minotaure. Il reviendra souvent pour des commandes de magazines, faisant toujours preuve d’une grande économie de moyen. Après un reportage sur les chèvres dans le Var, il lui reste une plaque. Il s’en servira à Cannes pour photographier l’homme au parasol blanc.
Brassaï : Filets, Cannes. © Collection Musée Matisse, Nice
Connut-il le succès de son vivant ? Il connut des fortunes diverses. « Paris de nuit » est exposé à Londres en 1932, puis publié avec une préface de Paul Morand. Avant la guerre, Brassaï profita du succès des surréalistes dont il fut proche et pu vendre ses photos grâce à la galerie la Pléiade où il exposa en 1937. Avec la guerre, les films se faisaient rares et chers. En plus, Brassaï refusait de se soumettre à la censure allemande. C’est à ce moment-là que Picasso lui demanda de photographier son œuvre sculptée et l’aida à exposer ses dessins. Mais ce n’est que dans les années 60, après avoir exposé à New York, que Brassaï se libéra de ses doutes et de ses soucis financiers. Gilberte a commencé à bien vendre ses œuvres. Pour l’anecdote, elle fit une belle affaire en 1997 grâce au film « Le Titanic ». A un moment du récit, Léonardo Di Caprio montre à sa jeune et tendre des dessins qu’il a faits. James Cameron s’en attribua l’exécution, mais Gilberte avait reconnu les dessins de son époux. Son avocat finit par obtenir un petit pourcentage sur des recettes qui atteignirent un chiffre record.
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Revenons aux débuts de la carrière de Brassaï, il s’oriente vers les beaux-arts puis abandonne cette voie. Pourquoi ? Brassaï étudiera à Budapest le dessin et la peinture. Il souhaite aller à Paris, mais, ayant servi dans l’armée austro-hongroise, on lui conseille plutôt Berlin où il est reçu à l’Académie des beaux-arts. Ses études l’ennuient prodigieusement et il préfère déambuler dans les rues où il puise son inspiration et croque les silhouettes de femmes. Fasciné par leurs formes, il affine sa technique du nu. Son meilleur ami peintre étant parti pour la France, quand les interdictions sont levées, Brassaï le rejoint à Paris en 1924. Comment un hongrois qui ne parle pas français arrive-t-il à s’intégrer au milieu intellectuel parisien ? A Montparnasse, il rencontre la faune artistique, Dalí, Desnos, Queneau, plus tard Miller mais il ne parle pas un mot de français. Quand il rencontre les mauvais garçons de la place d'Italie et les prostituées, il ne communique qu’avec les mains. Très vite, il décide d’apprendre 10 mots par jours qu’il pioche
Brassaï : Graffiti, Le Roi Soleil, v. 1945-1950 Collection Estate Brassaï © Estate Brassaï – RMN
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de voitures et les lumières de la ville. Les allumeurs de réverbères étaient devenus ses copains (rires). Il photographiait sur pied, avec un matériel lourd et beaucoup d’ingéniosité. Son pause mètre, c’était ses cigarettes. Pour un long temps de pause il fumait une boyard, pour un temps plus court, une gauloise bleue. Quel rôle joua Henry Miller ? Miller et Brassaï se sont liés rapidement. Quand Miller arrive à Paris, il vient de divorcer, il est en peine d’inspiration. Brassaï ressent cette souffrance du créateur. Ils déambulent ensemble de Montparnasse à Clichy, rencontrent une faune décalée. Autour de ces figures de la folie ordinaire, naît une vraie communion de pensée. Quand Miller part pour les Etats-Unis, c’est un déchirement pour Brassaï et les deux amis continueront à s’écrire pendant 40 ans. J’ai réussi à recomposer cette correspondance qui contient des pages bouleversantes et devrait prochainement faire l’objet d’un livre.
Avec les Transmutations on peut penser aux expérimentations de Man Ray. Les deux photographes se connaissaient-ils ? Ils ne partageaient pas la même conception de leur discipline. Brassaï n’aime pas les manipulations de Man Ray. Pour lui le surréel, c’est le réel autrement. Les graffitis existent en tant que tel, c’est juste le regard qu’il pose qui leur confère une autre réalité. Dans les Transmutations, il agit comme un sculpteur qui met les mains dans la matière. Ce n’est pas une expérience aléatoire il sait très bien ce qu’il veut faire. Les 12 transmuta Brassaï : La fête foraine, place Saint-Jacques, tions visibles sont le dernier état de sa recherche. Il part d’une s.d. Collection Estate Brassaï © Estate Brassaï – RMN photo de nu, la modifie sur plaque de verre, la photographie à nouveau et repart du négatif pour la retravailler. Au final, il y a sept interventions, c’est un véritable « work in progress » Brassaï écrit, photographie, filme, dessine, sculpte. Peut-on dire qu’il fut un pionnier de l’artiste multimédia, du cross over ? Brassaï était un créatif hyperactif. « Je ne suis pas l’artiste d’un seul médium ». Il l’écrit sans arrêt et le prouve. Il a tout fait, même des tapisseries issues des photos de Graffitis, réalisé des décors pour Prévert et Cocteau, tourné en 1956 un film très drôle sur les animaux du zoo de Vincennes montré à Cannes. Il a beaucoup ré Exposition Brassaï au Théâtre de la Photographie et de l’Image fléchi et écrit sur l’acte de photographier. © Bertrand Ornano
dans les menus des restaurants ou dans la rue. Dans son carnet, le même jour se côtoient « Blanc manger » et « Putain ». Cette méthode surréaliste lui permettra de parler rapidement un français impeccable puis d’écrire dans une très belle langue. C’est à Paris qu’il contracte le virus de la photo ? Il travaille d’abord comme journaliste, rédige pour des revues allemandes et hongroises des articles divers et variés, sur le pasteur des girls des folies bergères, un reportage sur le match de rugby opposant la France à la Roumanie pendant les JO à Paris. Afin d’illustrer ses articles, il fait appel à ses amis, puis crée la première agence de photographie avant de se lancer dans l’aventure. Sa formation durera un jour et quelques heures, il regardera Kertesz travailler. Une amie lui prête un appareil, lui explique les rudiments. Il ne lui en faut pas plus pour entreprendre son « Paris de nuit ». Il commence par photographier les paysages, puis les oiseaux de nuit qu’il croise. Pour ces séries nocturnes, il ne s’est jamais servi de flash. Il s’éclairait avec les phares
On a découvert tardivement son passage à la couleur, Brassaï nous réserve-t-il encore des surprises ? Pendant longtemps on a ignoré son travail sur la couleur qui commence en 1957 et se poursuit outre-Atlantique. Brassaï attendra que son œuvre ait triomphé au MoMa pour s’aventurer aux USA, sur une carte blanche du magazine Holiday. Sa vie fut si intense, qu’on n’a pas encore mesuré l’ampleur de sa production. Il y a plusieurs Brassaï. Celui qui couvrit pendant longtemps, pour faire bouillir la marmite, les grands salons de la coiffure, celui qui écrivit sur Lewis Carroll et Proust. Lors d’une exposition, j’ai fait découvrir le Brassaï surréaliste, le complice de Dalí, celui follement drôle qui amena des pommes de terre germées à Breton qui lui avait demandé un travail sur les sculptures involontaires. J’en apprends tous les jours en compulsant ses archives et ses nombreux écrits qui n’ont jamais été classés mais il reste encore tant de choses à découvrir sur cet artiste qui, en deçà de son activité débordante, resta finalement un homme très secret. OM
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Verre-ouvert, 2009 Sérigraphie sur verre tirage unique
Silent-Listen, 2010. Dessin dans l’espace, vue de l’installation galerie Andata-Ritorno 305 x 500 x 400 cm
Musée Cocteau Artistes sans papiers Si vous voulez savoir ce qu’est devenue l’une des formes les plus archaïques d’expression, direction le Musée Cocteau qui, après Jean Sabrier, accueillera Bernard Moninot, deux artistes contemporains qui dessinent sans papiers.
«M
oninot et Sabrier sont les premiers artistes que nous souhaitions inviter dans l’espace du musée dédié aux artistes contemporains » commente Célia Bernasconi, Conservateur du Musée Cocteau. Un musée qui, est-il besoin de le rappeler, a ouvert ses portes en novembre dernier et représente la plus importante collection au monde d’œuvres de Cocteau. La plupart de ces pièces issues de la donation Severin Wunderman étant des dessins, le musée s’est doté d’un espace d’exposition de 275 m2 dont la vocation est de présenter les créateurs actuels qui renouvellent la pratique de la discipline.
« Montrer ce qu’est le dessin aujourd’hui » Le premier à avoir inauguré ce cycle est Jean Sabrier (dont l’exposition est visible jusqu’au 7 mai). Un artiste qui entretenait un lien direct avec Cocteau, les deux artistes partageant un goût commun pour Paolo Ucello, un peintre italien de la renaissance qui initia une forme de géométrie inconnue en développant les notions de perspectives. Cocteau se fit d’ailleurs appeler « Jean l’oiseleur » en hommage à cet artiste du quattrocento qui orna d’une myriade d’oiseaux les murs de sa demeure. Jean Sabrier reprend dans son travail le concept d’objets mis en perspective offrant un regard
nouveau sur la peinture ancienne. Plus de 37 000 visiteurs ont déjà visité cette exposition confirme Célia Bernasconi. « Le musée Cocteau propose un tarif ouvrant l’accès à la collection Wunderman, un autre incluant en plus l’accès à l’espace contemporain. La plupart prennent cette option. Les objets de Sabrier qui permettent de voir des structures géométriques en relief sont très appréciés de tous les publics »
Bernard Moninot : un cabinet de travail humaniste La pertinence de cet espace devrait encore s’enrichir avec son prochain invité : Bernard Moninot né en 1949 à Le Fay (Saôneet-Loire). De fin juin à fin novembre, le public du Musée Cocteau pourra découvrir cet artiste atypique qui vit et travaille au Pré Saint Gervais et à Château Chalon mais qui se fit rare sur nos rivages. Bernard Moninot exposa en 1979 à la Fondation Maeght puis en 1987 à la galerie Sapone. Depuis les années 1970, il pratique le dessin et la gravure. Il enseigne aujourd’hui à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et expose de par le monde une œuvre singulière dont la poésie graphique est induite par des installations qui tiennent du laboratoire scientifique et du fameux « studiolo » des princes de la Renaissance, où étaient conservés les instruments d’observation, de mesure de l’espace et du temps. Tel un découvreur, Moninot n’a eu de cesse depuis les années 80 d’expérimenter le dessin sur différents supports puis dans l’espace cherchant à s’émanciper de son geste originel pour laisser l’œuvre se construire dans l’espace à partir d’une énergie autre que la sienne.
“L’art des solutions imaginaires“ Pour le musée Cocteau il a conçu une exposition in situ dont le projet repose sur la projection en 3D de son atelier dans l’espace via des installations qui n’ont recours qu’à des techniques douces : la lumière naturelle, les ombres portées, les jeux de transparence. Constitués d’ombres, ces dessins dans l’espace qui changent en fonction de la journée et du déplacement des visiteurs, nécessitent une savante réflexion en amont. Ainsi Moninot s’est-il attaché à recueillir, observer et étudier des éléments du monde vivant, dans le but de faire apparaitre des phénomènes invisibles tels que le vent, ou le silence via des installations dont
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ci-dessus, de g à d : Silent-Listen, 2010 Dessin dans l’espace, vue de l’installation galerie Andata-Ritorno 305 x 500 x 400 cm Studiolo, 2006 Dessin d’ombres portées, 200 x 300 cm Photos: © Bernard Moninot © André Morin photographe
Silent-Listen, 2010 Acrylique sur Trevira et papier marouflé sur toile 216 x 173 cm
Silent-Listen, 2010 Acrylique sur Trevira et papier marouflé sur toile 200 x 150 cm
la finalité n’est pas tant leur plasticité que leur faculté à générer une certaine poétique de l’éphémère, à révéler l’invisible tel une Camera Obscura ou une plaque sensible. L’une de ses expériences les plus emblématiques lui sera « soufflée » durant son sommeil. Une démarche qui le lie avec Cocteau qui puisa dans le subconscient la trame de ses œuvres. Célia Bernasconi développe : « En 2009, Bernard Moninot rêve qu’il visite l’atelier d’un artiste inconnu dont l’œuvre est une sculpture de silence. Cet atelier est entièrement vide. A son réveil, il décide de donner une forme à cette idée poétique et de réaliser l’impossible. » Dès lors l’artiste tracera sur des carnets à dessin des combinaisons de formes pour capturer le son et le silence. Ces croquis ensuite transposés dans l’espace, donneront naissance à trois installations. « Objets de silence » présente des sonogrammes où le mot « silence » est mis en relief avec de la corde à piano et enfermées dans des vases en verre. « Silent-Listen » qui est un dessin dans l’espace d’objets (cymbales, bandes magnétiques, diapasons etc.) dont les ombres portées envahissent les murs. Enfin, avec « Antichambre » il crée une œuvre suspendue, qui tourne sur ellemême tel un satellite et dont la révolution dans l’espace provoque l’apparition, la déformation et la disparition des ombres et des
Bernard Moninot
reflets qu’elle génère. Entamée en août 1999, « La mémoire du vent » est elle composée de dessins miniatures, tracés par le vent selon une ingénieuse mécanique imaginée par l’artiste « J’avais fabriqué un appareil capteur très simple qui reçoit dans des boîtes de Pétri préalablement obscurcies par du noir de fumée, le tracé que compose, au gré du vent, la pointe aiguë de végétaux : herbes, feuilles, fleurs, épines… ». A Menton, ces dessins du vent seront recueillis par l’artiste dans l’un des jardins de la ville, proche du Musée Cocteau. L’œuvre de Bernard Moninot est aussi fascinante qu’inclassable. « Le plus juste serait de dire qu’elle est de l’ordre du dessin : mais un dessin élargi (au sens où Novalis avait pu parler de « poésie élargie »), se déployant en objets spatiaux sur ou par des matériaux de tracement et d’inscription absolument originaux… », explique Jean-Christophe Bailly qui signe une monographie (éditions André Dimanche) à l’occasion de cette exposition « Bernard Moninot, Dessins dans l’espace ». OM Exposition « Bernard Moninot, Dessins dans l’espace » du 7 juin à fin novembre 2012 Musée Cocteau 2 quai Monléon à Menton. 04 89 81 52 50
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théâtre
Allons aux Théâtres Historique Théâtre des Oiseaux !
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e « petit Olympia du Sud » comme on l’appelle dans le Vieux Nice. Une salle de spectacle où une cinquantaine de spectateurs se pressent chaque week-end même l’été ! L’idée de ce théâtre chaleureux, on la doit à Noëlle Perna, plus connue sous le nom de Mado La Niçoise, rôle qui l’a conduite sous les feux de la rampe. La comédienne se souvient : « En 1961, mes parents font l’acquisition d’une vieille cave à vin ‘La Cave Marc’ et créent un bar restaurant... Entre spécialités méditerranéennes et soirées guitare. Les oiseaux sont en liberté, nous sommes ‘Chez Tony Mika’ ». Mais les temps changent et le lieu aussi, devenu un vrai bar de quartier où l’on se retrouve pour s’échanger les nouvelles et se raconter les derniers ragots. Eux, ce sont les artisans, les commerçants, les gens du marché, les joueurs de cartes, la jeunesse du quartier et puis la vraie Mado ! « On y boit plus qu’on y mange ! » s’amuse l’artiste. En 1988, ce qui était devenu « L’Hermitage» est rebaptisé « Le Bar des Oiseaux ». On y fait des cafés philo, on y écoute du jazz, il devient le rendezvous des artistes plasticiens, musiciens et comédiens. Puis en 1999, une salle ouvre ses portes juste à côté : le «Théâtre des Oiseaux». Généreuse, haute en couleurs, marraine de cœur, Noëlle Perna a pour volonté de mettre sur scène de jeunes talents locaux. Et la liste est longue ! Anthony Joubert, Fabrice Abraham, Manuel Pratt ou encore Laurent Barat, rien que pour cette saison… 6 rue de l'Abbaye à Nice 04 93 80 21 93 www.bardesoiseaux.com/le-theatre.html
50 places au Théâtre des Oiseaux © Théâtre des Oiseaux
Mettre en lumière les talents de demain, les jeunes pousses de l’humour, les virtuoses du chant et de la musique, du rire et du clown… Ils sont nombreux à avoir bénéficié d’un coup de pouce de la part de leurs pairs, de passionnés…
L’élan du nouveau Théâtre de la Cité
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e théâtre est le berceau même de la création, de l’échange, du partage. Béatrice Boily dit : « C’est l’amour qui pousse, qui donne des élans au cœur et des idées en tête ». Rue Paganini à Nice, c’est le théâtre qui donne l’ardeur à une équipe et inversement. Meyer Cohen a travaillé pendant 16 ans à lancer le Théâtre de la Cité. Le lieu ouvre ses portes à des compagnies porteuses d’idées, de textes, de rêves… Il offre la possibilité de résidences, de travail, distribue conseils et encouragements. 200 places, en plein cœur de Nice ! Cette ancienne salle de cinéma a d’abord accueilli des soirées dansantes et des concerts avant de trouver sa vocation théâtrale fin 1994. Depuis octobre 2010, la Compagnie Miranda régit ce théâtre rénové : façade embellie, nouvelle terrasse pour accueillir le public qui aime s’y attarder, salon de lecture et… clim ! Détail qui a toute son importance sous le feu des projecteurs ! Un véritable lieu de vie, qui s’attache à former le spectateur de demain, en allant à sa rencontre dans les écoles, en présentant des filières professionnelles et en invitant des jeunes sur scène. Thierry Surace, le directeur artistique propose une programmation éclectique pour petits et grands, du Cri du Chœur (spectacle chorale drôle à souhaits) au spectacle d’Alexandre Astier (auteur de la série télévisée Kaamelott), afin que chacun y trouve son bonheur. 3 rue Paganini à Nice 04 93 16 82 63 www.theatredelacite.fr
Le Théâtre de la Cité © Le Théâtre de la Cité
Et si
© Théâ
théâtre
Des passionnés que l’on retrouve souvent à la tête de salles de quartier devenues grandes. Ces théâtres de proximité qui sont-ils ? Bien sûr la liste n’est pas exhaustive, mais la rédaction vous donne un petit aperçu de ces lieux de vie. Portraits…
Théâtre de La Marguerite… Un beau partage !
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n 1977, il y avait des théâtreux passionnés autour du festival universitaire international de Nancy : Ged Marlon, un papa et une maman, Louis et Monette Candela, deux autres comédiens Michel et Grégoire, et puis Fabienne Candela. En 1977, il y avait ce mini-bus de 35 places, un Berliet Strader, avec deux estrades, qui servait de scène, de cuisine, de couchettes et de transport en tournée. « N’importe quoi dont deux » ce spectacle écrit entre Antibes et Font Romeu (dans les Pyrénées Orientales) et une traversée de l’Europe. « A l’époque c’était plus facile, on s’arrêtait sur les places des villages pour jouer » explique Fabienne. A leur retour, le premier Bœuf Théâtre voit le jour dans la cité des Remparts, ce festival placé sous le signe du rire est aujourd’hui le plus vieux de France ! Bœuf car il s’agissait d’improvisation entre sketches et musique… La volonté est inchangée, 35 ans après, les comédiens se et vous donnent rendez-vous pour partager (édition anniversaire en septembre 2012) ! En reprenant le flambeau de sa mère, Fabienne Candela prend les clés et la direction du Théâtre de la Marguerite. L’autre temps fort de la programmation, c’est le Femin’Arte (en mars), une semaine au féminin, théâtre, photos, reportage, littérature, café-théâtre et humour le tout pro Et si c'était là que tout commençait... Bus en 1977 posé par des femmes artistes. Avant de © Théâtre de la Marguerite déménager vers le Théâtre du Tribunal (ancien tribunal de commerce d’Antibes), vous pourrez aller applaudir Benjamin Leblanc, Marc Fraize, Alexandra Jussiau, Jeff ou encore Sébastien Fouillade.
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Nathalie et Alain Demaret, couple de gérants atypique du théâtre La Comédia © Isabelle Chanal
La Comédia et sa convivialité !
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’abord il y eut José Martins, peintre et chanteur. Il y a 18 ans, La Comédia c’était Les Visiteurs du Soir, le café-théâtre recevait surtout des humoristes. Puis Adam Guffez et Sandy Léonard lui donnent son nom actuel. Sandy, artiste peintre, offre même une nouvelle beauté aux lieux réalisant les fresques aux murs. Des amis comédiens, artistes du show-biz ont, quant à eux, offert les masques. En 2006, Alain Demaret et sa femme Nathalie reprennent les rennes, en gardant l’esprit café-théâtre, café-concert. Alain est aussi comédien, il est tombé dedans quand il était petit : « Je devais avoir une dizaine d’années et je montais des théâtres dans la grange de mes grands-parents, je faisais des scènes avec des bottes de paille. C’est un peu la même chose avec la chanson j’ai commencé tôt ». Originaire de Lorraine, il commence à naviguer à 20 ans, formé par Claude Catulle, à Mougins (troupe Passé-présent), il se professionnalise. Il y apprend les rudiments de la mise en scène. A la fois derrière la régie, sur scène, en coulisses, à l’administratif, Alain est un homme et acteur aux multiples facettes très apprécié des comédiens pour sa patience, son écoute, son calme, sa psychanalyse des personnages... D’ailleurs une troupe professionnelle voit le jour, la troupe de La Comédia tout simplement. Des amis, des comédiens qui croisent le chemin de ce couple de gérants atypiques. Pousser la porte de la Comédia, c’est boire un verre entre amis, autour de spectacles : rires, convivialité et bonne humeur garantis ! 14 route de Valbonne au Cannet 04 92 18 04 18 www.lacomediatheatre.fr
AM
31 rue Sade à Antibes 04 93 34 11 21 www.theatredelamarguerite.fr
La salle du café-théâtre Scène sur Mer © Théâtre de la Marguerite
Théâtre La Comédia © Isabelle Chanal
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Pascale AutRand
Chorégraphe internationale De Tokyo à New-York, de Londres à Milan, Pascale Autrand dévore le monde en puisant dans ce qui l'entoure et en transmettant sa passion à travers ses créations. Rencontre avec cette chorégraphe multiple qui crée d'un bout à l'autre du monde... Vous avez commencé la danse de façon assez étonnante... J'ai commencé la danse assez jeune. Ma mère m'avait inscrite dans une école de quartier à Marseille, car j'avais été touchée par une maladie qui m'empêchait de marcher convenablement. J'ai démarré la danse comme rééducation. J'ai continué parce que cette discipline de l'art me plaisait tout autant qu'elle m'aidait à me reconstruire. Des rencontres ont-elles été décisives ? J'ai rencontré Roland Petit et Zizi Jeanmaire à l'Opéra de Marseille. Ces deux Grands m'ont beaucoup influencée. A neuf ans, je dansais souvent avec Roland Petit et suis partie pour ma première tournée des "Forains" et "La symphonie fantastique". Il m'a ensuite conseillé de rejoindre la scène artistique parisienne. Ce que j'ai fait. J'ai travaillé avec Claire Motte, Claudette Scouarnec, Dominique Franchetti, des pointures de la danse ! Et j'ai obtenu ma médaille d'or de Conservatoire.
de Claudette Scouarnec. Cela me permettait d'interpréter le répertoire classique, Giselle, Le pas de quatre, Le lac des Cygnes... Et le lendemain, je me retrouvais à faire mon tango sur pointe au Paradis Latin. Mais, je suis toujours restée fidèle au classique. Qu'est-ce qui a fait que de danseuse, vous avez évolué vers la chorégraphie ? Au début de mon apprentissage, je n'étais pas en admiration devant des interprètes, des étoiles, mais bien plus devant les chorégraphes. Sans chorégraphe, rien ne pouvait exister. J'ai toujours eu cette envie de chorégraphier, créer par le geste ou l'expression corporelle plus qu'avec la parole ou les mots. J'ai ouvert mon premier atelier chorégraphique en 1992 à Milan. A cette époque, j'enseignais la danse classique au M.A.S., le Music Art and Show. Susanna Beltrami, alors direc-
Paris a t-il été une belle aventure ? Oui mais pas facile. Avec mon caractère un peu sauvage et n'étant pas en phase avec l'académisme, j'ai opté pour une carrière pluridisciplinaire. La rencontre de Zizi Jeanmaire m'avait marquée. Comme elle, je passais des pointes au cabaret, du cabaret aux pointes.... J'ai travaillé un an au Paradis Latin. Malgré le fait que je n'avais pas vraiment la taille requise (rires), Molly Molloy, chorégraphe internationale, m'avait quand même demandé de danser comme soliste, un tango sur pointe. Je dansais dans la compagnie des "Jeunes espoirs de la danse"
Des Sens Dansent © Pascale Autrand
Pascale Autrand à l'Ellison Ballet © Pascale Autrand
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trice artistique et professeur/chorégraphe contemporaine de la Scala m'avait aussi engagée avec Brian Power, soliste de Béjart, pour l'une de ses créations et m'avait ouvert les portes de ce que je fais aujourd'hui. Le contemporain fut une révélation. En interprétant sa chorégraphie sur le thème du film "On achève bien les chevaux", j'y ai découvert l'amour de la création et j'ai commencé à créer. Et puis, il y a eu une pose dans votre parcours... J'ai eu besoin d'arrêter la danse quelques temps, l'envie d'avoir des enfants. La création de Susanna Beltrami avait aussi changé ma vision des choses. Après une telle chorégraphie, je me demandais si je pourrais danser un jour quelque chose d'aussi fort. La passion vous a-t-elle vite rattrapée ? Oui. J'ai repris la danse dans le sud de la France. A la mort de mes grands-parents, j'ai eu envie de leur consacrer une chorégraphie sur la chanson de "L'hymne à l'amour" de Piaf. Les gens ont beaucoup apprécié ce travail. La ville de Fréjus m'a été d'une aide précieuse car créer sur la Côte n'est pas toujours chose facile. Il n'y a pas beaucoup de lieux où répéter, danser, jouer. Françoise Cauwel et Elie Brun m'ont ouvert les portes du Théâtre Romain, de la Villa Aurélienne... C'est avec courage que vous avez créé une structure de danse... J'ai monté ma compagnie de formation au spectacle. Je n'avais pas encore mon diplôme d'état et pendant quatre ans, j'ai travaillé bénévolement, assurant un emploi au quotidien dans un bureau pour vivre. Malheureusement, la compagnie a du s'arrêter. C'est le parcours du combattant, d'autant plus lorsqu'on n'est pas subventionnés... On ne trouve pas non plus toujours des danseurs qui se lancent dans des projets sans avoir de sécurité économique. Je le comprends car j'ai été danseuse aussi, mais la passion devrait l'emporter...
Des Sens Dansent © Pascale Autrand
Pourquoi pensez-vous avoir cet irrépressible besoin de voyager ? On n'est pas prophète en son pays... J'ai toujours eu en France du mal à trouver où danser, à trouver des danseurs. Par contre, auprès d'Edward Ellison de l'Ellison Ballet of New York, j'ai eu la chance d'aller enseigner aux Etats-Unis. En l'espace de huit jours, mes projets ont pris forme et je me suis retrouvée à répéter dans des salles dignes de ce nom, avec une dizaine de danseurs d'un niveau époustouflant. Il y a là-bas une autre façon de voir les choses ? Tout à fait. C'est une autre culture. Là-bas, on ne vous demande pas ce que vous avez fait mais ce que vous avez à proposer. C'est toute la différence pour un artiste. L'échec n'existe pas. Il s'agit tout au plus d'une tentative que l'on n’a pas réussie. Avez-vous imaginé vous installer aux Etats-Unis puisque les portes vous sont ouvertes ? Oui mais je reste attachée à la France. Il y a ici tant à dire, à faire, tant de talents, tant de possibilités. Aux Etats-Unis, ce qui va dans le sens de mon langage, c'est la méthode de travail. Le danseur classique est poussé au delà de ses propres limites. En France, on a tendance à vouloir intellectualiser la danse, c'est très bien je l'accorde, mais ça doit être un complément de formation, malheureusement, ça n'est plus un problème d'organisation et de diplômes, les danseurs et danseuses français passent moins de temps dans leurs chaussons que nos camarades russes, américains et asiatiques. Ceci n'est pas une généralité, l'Opéra de Paris n'ayant rien à envier aux écoles étrangères.
Ball et
Pascale Autrand à l'Ellison Ballet © Pascale Autrand
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l a v i e d e s a r ts
danse
Vous avez mis en place une alliance qui vient favoriser les échanges. J'ai envie de transmettre par le biais d'une alliance avec les Etats-Unis, cette manière de travailler. Cette alliance avec l'Ellison Ballet est très importante car Edward Ellison est tout de même l'un des meilleurs professeurs de classique de New York. Il y a une énergie chez lui qui me rappelle celle de mes maîtres, Maîtres Brieux, Mayer, Vaussard... qui ne transmettaient pas seulement un technique de danse classique durant les cours, mais qui amenaient la scène avec eux dans une salle de danse. Un enseignement rigoureux, magique et passionnant. Comment se concrétise cette alliance ? Le but est un échange culturel et chorégraphique entre la France et les Etats-Unis. Mon intention est de regrouper une dizaine de danseurs et danseuses sur la Côte d'Azur, entre 16 et 19 ans. Les emmener à la scène en France et aux Etats-Unis au sein de l'Ellison Ballet, durant des stages, de les préparer et de les présenter à de grands concours internationaux. Si un partenaire venait à rejoindre ce projet, l'alliance se matérialiserait par une salle de danse. Cet été, j'emmène avec moi mon assistante Anne Elisabeth Dubois qui termine son cursus à l'Ecole Supérieure de Danse de Cannes Rosella Hightower et trois danseurs et danseuses de 16 ans pour suivre le summer intensive à New-York et danser ma création "Des Sens Dansent" avec nos élèves new-yorkais. Quelle est votre source d'inspiration ? Je suis attirée par la peinture. Il y a plein de choses au quotidien qui nous amènent à créer. Les émotions ressenties bonnes ou mauvaises.... Le chorégraphe est quelqu'un qui ressent ce qui l'entoure et qui a ce besoin de les retraduire à travers un geste, un mouvement, sans avoir forcément besoin de la parole. Chorégraphier, c'est dire les choses autrement sans expliquer ce que cela veut dire. C'est faire ressentir. Ca rejoint pour moi de près la peinture. Sans voix, c'est une communication qui ressemble à la danse. La danse, c'est de l'art mais c'est aussi un métier... Je suis pluridisciplinaire oui, mais pour être moins poétique, il s'agit aussi de vivre de mon métier. Je prépare des danseurs à des concours importants à Lausanne, Berlin, Londres, Paris, Tokyo, Milan. Former
Pascale Autrand à l'Ellison Ballet © Pascale Autrand
ChorégRaphe des danseurs, les amener au plus haut, les accompagner. Je trouvais les concours au début de ma carrière trop commerciaux mais il est vrai que c'est nécessaire pour se confronter aux autres. Et il faut s'y préparer. Comment vous sentez-vous le plus ? Danseuse, chorégraphe, professeur, coach... Lorsque j'étais danseuse, je ne pensais pas trouver autant de plaisir qu'une fois sur scène. Aujourd'hui, je suis chorégraphe, je n'ai jamais eu autant de plaisir de voir des danseurs évoluer sur mes chorégraphies. Quant à enseigner, c'est la même chose, voir quelqu'un qui se développe, qui arrive à se dépasser, à réussir, c'est un accomplissement. Je ne sais pas aujourd'hui si je pourrais être chorégraphe si je n'enseignais pas non plus. Chaque danseur a son propre langage et j'apprends d'eux chaque jour. C'est émouvant, fusionnel. Le voyage est-il nécessaire pour le danseur. Est-ce une façon de s'ouvrir soi-même ? Absolument. Je crois que c'est nécessaire tout d'abord pour l'humanité, pour l'être humain, danseur ou pas. L'important pour se construire est d'avoir plusieurs vocabulaires, une multitude d'émotions, plusieurs couleurs... On en revient à la palette justement. Un mot pour les jeunes danseurs... Aujourd'hui, tout est possible pour partager la danse. Cette passion est à la portée de main de tous. Ne pas l'empoigner reviendrait à perdre une belle occasion de dévorer le monde... RC
5 - 8 April
Thursday April 5th
18:00 to 22:00
(Private Opening)
Friday April 6th
11:00 to 18:00 18:00 to 21:00
Open to Public Private Reception
Saturday April 7th
12:00 to 20:00
Sunday April 8th
12:00 to 19:00
Tickets at
& www.fnac.com
www.grimaldiforum.com
Events coming soon
Nice: + 33 (0)4 8306 6230 / New York: +1 (347) 332 6907 / Montreal: +1 (514) 907 9321 / Mexico: +52 (555) 351 2744 / info@artemonaco.com / www.artemonaco.com
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l a v i e d e s a r ts
l i t t é r at u r e
Jean-Pierre Fouchy
“À la recherche du temps perdu” Il vient de signer une « Polka à Nice », un ouvrage sur l’exil des polonais en Riviera. C’est lors de l’une de ses dédicaces au Musée Chagall que nous avons rencontré Jean-Pierre Fouchy, expert en chiffres mais aussi en lettres !
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l y avait foule ce samedi là au Musée Chagall pour assister à la
musée Chagall. A l’origine, je suis d’une famille bourguignonne expa-
présentation du dernier livre de J-P Fouchy. Une foule dans laquelle
triée. Mon arrière arrière-grand-père participa à la conquête de l’Algérie
on comptait bon nombre de ressortissants polonais et pas des
avant de gagner la Tunisie. Quand nous avons débarqué à Nice en
moindres ! Un ancien conseiller de Lech Walesa faisait la queue pour
1958 je n’avais que quelques mois. Mes parents s’installèrent avenue
faire signer le livre fraîchement édité par les éditions Incognito. Elancé,
du docteur Bergounier, à deux pas de l’emplacement du futur musée
du haut de son mètre quatre-vingt douze, un nœud papillon vissé à
qui n’était alors qu’un terrain vague où j’allais jouer avec les enfants
son col, la cinquantaine sportive et distinguée, J-P Fouchy a répondu
du quartier.
à nos questions avant de se produire avec une récitante polonaise, Dorothée Aimé, dans une scénette présentant sur fond de diaporama
Vous êtes directeur adjoint de la communication à la Banque
un extrait de son ouvrage.
Populaire Côte d’Azur, écrivain et engagé auprès d’associations culturelles. Quel est votre parcours ?
Le musée Chagall semblait tout indiqué pour le lancement d’Une Polka à Nice.
J’ai fait mes études au lycée Masséna, dont je suis encore membre du conseil d’administration des anciens élèves, puis suivi un cursus de
Oui, à plus d’un titre ! Cimiez fut l’une des scènes de cette migration
marketing à la faculté de sciences économiques en travaillant paral-
slave. Ce n’est pas un hasard si on érigea en 2010, aux abords de son
lèlement comme professeur de tennis. Ensuite j’ai gagné Paris où j’ai
monastère la statue du Pape Jean Paul II. La comtesse polonaise Delfina
œuvré en tant que conseiller en études de marché tout en donnant des
Potocka, véritable Don Juan en jupons qui introduisit Chopin à Paris,
cours à la faculté de droit et à celle de Valrose. Quand je suis revenu
y séjourna dans une villa où se trouve aujourd'hui L’école Stanislas…
m’établir définitivement à Nice, j’ai postulé à la Banque Populaire Côte
Le terrain de l'Olivetto face à l’ancien conservatoire fut à cette époque
d’Azur. Après y avoir occupé plusieurs postes, j’ai intégré le dépar-
occupé par l’un de ses amants, le comte Zygmunt Krasinski, grand
tement de la communication. Dans ma carrière, j’ai toujours été en
poète polonais et son épouse la comtesse Elisa Branicka, mécènes de
relation avec l’extérieur et avec le monde de l’art. De 2000 à 2006, j’ai
compositeurs romantiques dont Wagner. C’est bien plus tard que je
été ainsi administrateur des amis du MAMAC, puis membre du conseil
fis moi-même mes premiers pas sur ce site qui accueillit en 1973 le
d’administration du conseil du public du TNN.
De gauche à droite La villa de Delfina Potocka, aujourd’hui l’Institut Stanislas de Nice. © JP Fouchy / éditions Incognito Delfina Potocka Nice devant le Régina, la statue de la Reine Victoria, les trois belles dames à ses pieds représentent ses trois lieux de villégiature sur la Côte d’Azur : Grasse, Nice et Menton. Louis Mauber (Paris 1875-Nice 1949) © JP Fouchy / éditions Incognito
l i t t é r at u r e
l a v i e d e s a r ts
Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
Pourquoi vous être intéressé à cette immigration polonaise ?
J’ai développé l’écriture en sciences économiques, une matière où l’his-
Toutes les populations étrangères qui passèrent par Nice furent étudiées sauf celle polonaise. Le concept narratif vise à rendre cette fastidieuse enquête, accessible à tous. Il s’agit un niçois qui reçoit une amie polonaise sur la côte. Au travers de leurs discussions, alors qu’ils visitent des lieux et monuments niçois, se révèle tout ce patrimoine méconnu qui relie la Pologne à la Riviera. Ce parcours à deux voix est agrémenté des photos prises en Pologne par mes soins. On y redécouvre des têtes connues, des cinéastes polonais invités à Cannes, des figures politiques comme Poniatowski, ex ministre d’état, qui résida à Grasse, mais « Une Polka à Nice » couvre essentiellement le XIXe et le début du XXe siècle, alors que cette diaspora nommée « La Polonia » vit bon nombre de familles issues de l’élite immigrer chez nous. Beaucoup y sont restés, d’autres ont gagné les Etats-Unis.
toire est très importante, puis en faisant des recherches sur ma propre famille, qui sera l’objet de mon prochain ouvrage. Votre premier livre ranimait aussi une séquence historique peu connue…
En 2008 avec « Et Nice devient le port de la Savoie » (Editions Alandis), je reconstituais au travers de onze histoires le parcours qui vit Nice tomber en 1388 dans l’escarcelle du comte de Savoie. Là aussi le propos rigoureusement historique fut mis en dialogue. C’est sur ce même principe que j’ai construit « Une Polka à Nice »
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre prochain projet ? Il s’agit d’un travail qui se situe là encore entre archives et fictions et qui porte cette fois sur un de mes aïeuls, oublié de l’histoire. C’est en fouillant dans mon passé que j’ai découvert un lointain parent, Philippe Fouchy, graveur du Roi qui inventa pour Louis XIV, l’imprimerie moderne, la forme des lettres actuelles, les procédés de gravures et encres durables. Dans ma famille, on connaissait mieux son fils : JeanPaul Fouchy. Académicien de 1731 à 1788 et secrétaire perpétuel de 1744 à 1776, il écrivit les éloges de ses collègues et fréquenta Voltaire, Rousseau, Diderot, les grands du siècle qui préparèrent les esprits à la Révolution. Employé par Louis XV, puis par Louis XVI, Jean-Paul Fouchy devint Académicien car il calcula l’équation de temps moyen qui permet de réaliser les cadrans solaires. Mes études communiquées lors de colloques au CNRS aboutirent en 2010 à un manuscrit en passe d’être publié et qui ranime cette période charnière où les grands esprits du siècle des lumières remirent en cause la religion et le pouvoir établi. Jean-Pierre Fouchy, êtes-vous vraiment de ce siècle ? L’humanité n’évoluant pas aussi vite qu’on le souhaiterait, on retrouve dans cette enquête beaucoup de sujets qui nourrissent le débat actuel comme la fiscalité directe et indirecte, la recherche fondamentale face à celle privée qui a vu le CNRS descendre dans la rue. En fait, la plupart des problématiques qui agitaient nos parents font encore la une des tabloïds. A cette époque, la langue était bien plus belle ! C’est la seule différence. OM Jean-Pierre Fouchy et son éditrice Sophie Taam © Bertrand Ornano
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la v i e des arts
artiste peintre
Gilles Miquelis L’œuvre de Gilles Miquelis est à la croisée du documentaire, du voyeurisme et du naturalisme. Une sorte de « Striptease » communautaire, le récit pictural d’un contemplatif qui donne à voir ce qu’il a dérobé au quotidien, à l’instant x où l’ordinaire se confond avec l’extraordinaire !
L
a nouvelle peinture figurative aura donc enfanté à Nice de jeunes talents prometteurs. Gilles Miquelis fait partie de cette génération qui, avec Gregory Forstner, envolé pour New-York et Axel Pahlavi, pour Berlin, donnèrent un coup de jeune à la toile de maître, chacun empruntant un sillon différent. Pour Gilles, qui partagea avec Axel une exposition à la Villa Tamaris (La Seyne-sur-Mer), puis à Londres, ce sera la comédie humaine vu des coulisses. Un spectacle de l’intime dérobée, un quotidien recadré à la manière d’Edward Hopper (1882/1967), un peintre qui dans l’ouest américain proposa un nouveau regard sur un monde en pleine mutation industrielle. Et si à force d’être familier l’ordinaire devenait extraordinaire ! C’est tout le propos de Gilles qui convoque dans ces toiles, des baigneuses décomplexées, des ronds de cuirs en RTT/VTT, des beaufs avachis, des chiens enragés, des ménagères très libérées… Bref si Monsieur de Fursac habillait l’homme, Miquelis, lui, le déshabille, le croque à nu et à cru. A lui, les bas morceaux et « le sot l’y laisse » ! Et pourtant on lui donnerait volontiers le bon dieu sans confession. Visage d’ange, sorti d’un casting de jeune premier de la nouvelle vague, faux airs de Sami Frey, élégant, sobre ! Son coup de pinceau lui ressemble. Méfions-nous de l’eau qui dort !
Vices privés et vertus publiques Né à Nice en 1976 en pleine jacquerie punk, au moment où le classement X permet à la bourgeoisie de s’encanailler dans l’obscurité autour de films aux titres si suggestifs qu’ils auraient pu être ceux de ses toiles, si l’artiste n’avait eu d’autres visées. « Le sexe, la nudité, ce n’est pas une fin en soi. C’est la façon la plus efficace que j’ai trouvé de traiter l’humain sans vernis protecteur, tel qu’il est, tel que nous sommes tous en privé, loin des regards ! » Car c’est bien de regards qu’il s’agit dans la peinture de Miquelis, « la technique suit » explique ce dernier qui se souvient de celui tendre et cruel de Reiser qu’il classe dans son panthéon aux côtés de celui d’Hopper ou de David Hockney, deux peintres du backstage de l’American way of life. Au sortir du lycée, Gilles, qui taquine le crayon prenant pour modèles « Des photos de starlettes de Cinémonde et des héros de la revue Strange », s’expatrie, après un passage à la Villa Thiole et à Montpellier pour y faire ses Beaux-Arts. « La peinture, c’était pas l’orientation de la Villa Arson. A Montpellier on était quatre à peindre sur 200. Bref, on considérait alors le dessin comme un outil, alors que c’est l’arme absolue ! »
Oeuvres de Gilles Miquelis © jch dusanter
artiste peintre
la v i e des arts
“C’est arrivé près de chez vous !” Cette passion, il la tient de son père, scaphandrier de profession qui peignait des aquarelles et s’adonna à la BD mais aussi de pioches plus improbables « … des illustrations à la gouache des revues des sixties, des affiches de films des années 50, des couvertures racoleuses des tabloïds à sensation comme « Détective ». Une low culture qui aiguise sa libido et lui ouvrira bientôt la voie d’un itinéraire bis dans sa quête plastique.
Fenêtre sur cours « J’observe, je ne peint rien qui ne soit volé à la réalité. Mais je ne le fais pas pour choquer juste pour documenter ». La mariée, clope au bec et presque mise à nue, c’est une de ses copines, le jour de ses noces. « C’est assez grossier, mais quand j’ai fait des croquis de prostituées, j’ai demandé à mon épouse qui était enceinte de m’accompagner en voiture pour les photographier en douce ». Scandale, outrage ? Non anthropologie ! Et Lautrec, Goya ou Egon Schiele s’y prenaient-ils plus habilement ? L’artiste travaille d’après nature mais aussi d’après photos.
Puis il dessine sur rhodoïd et charge à l’huile parfois sur la toile, parfois sur d’immenses calques. Fenêtres opaques, glaces sans tain ? Un exercice initié en 2003 et présenté à la galerie Norbert Pastor dont l’artiste fit partie avant de rejoindre la galerie RDF puis Sintitulo à Mougins. Les galeries passent mais les séries s’enchaînent, le peintre épiant par les planches disjointes, la province qui fait relâche le dimanche et vaque à ses occupations dans les jardinets, arrière-cours, terrains vagues, campings, plages etc. Parfois on isole le sujet comme un freak sous formol, on le capture en smala, ou en duo scabreux canidé/femme ! « Les chiens, je m’en sens comme une présence masculine dominante, ce sont aussi des gardiens ». Des chiens de berger qui rameutent le corpus social qui s’égare, qui barrent le passage à l’intrus ? Des cerbères qui, livrés à eux-mêmes se sautent à la gorge comme dans son œuvre extraite du guide « Ici Nice » et proposée à l’exposition éponyme au chantier Sang Neuf. « Ma peinture est une critique de la société actuelle. Manet, Van Gogh faisaient le même travail en leur temps. C’est le sujet qui m’intéresse, la peinture sublime l’intention, l’enrichit ! ». Ainsi les coulisses deviennent l’avant-scène, les « girls from next door », héroïnes malgré elles d’une peinture de mœurs à forte valeur cinématographique. Le 7ème art est d’ailleurs l’une des autres références du peintre, du cinéma italien (« Affreux, sales et méchants ») à celui de Bertrand Blier qui titille la condition humaine via la scène belge qui s’en fit le chantre inspiré, de « C’est arrivé près de chez vous » à la série documentaire « Strip-tease ». Et le théâtre de l’absurde n’est jamais loin : « L’humour, c’est dur à traiter en peinture, mais c’est un défi qui me plaît. Picasso dans le genre, reste le maître absolu. Il m’a inspiré dans ce sens ». Il est vrai que le grotesque selon l’angle où l’on piège peut être un puissant révélateur ! Alors, pendant que la population enfle, fait craquer les coutures, le vernis, Miquelis joue les « Peeping Tom », ses pinceaux fouillant le ventre des tribus modernes avec cette férocité mêlée d’empathie qui ne semble jamais vouloir se contenter du jugement des hommes. OM
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l a v i e d e s a r ts
a r t i s t e s culp t eu r
Richard Mas
L'inclassable sculpteur Difficile de classer ce talentueux sculpteur dans une quelconque catégorie de l'art tant son oeuvre est riche de diversité et d'inspiration. Au détour de son jardin qui est devenu le lieu d'exposition de ses grandes sculptures, il nous reçoit dans son atelier... Quand l'art est-il apparu dans votre vie ? J'avais un frère qui était peintre. Nous travaillions ensemble souvent pour réaliser ses châssis. J'avais à peu près seize, dix-sept ans. Ensuite, il y a eu une période d'arrêt car il fallait que je travaille pour vivre. La question de l'alimentaire se posait. J'avais une formation d'horticulteur paysagiste, ce qui m'a permis de travailler sur la Côte d'Azur. Vous êtes retourné en Ardèche dont vous êtes originaire... Oui et je me suis marié, j'ai fondé une famille dans la Drôme. En parallèle, je commençais à créer des sculptures. J'ai débuté tout d'abord avec des blocs de pierre. Je les taillais directement mais j'ai abandonné au bout d'un an car c'était quelque chose de très difficile. Par quoi avez-vous commencé la technique de sculpture ? J'ai appris le modelage et j'ai eu envie de créer des pièces de plus grande dimension que ce que j'avais pu faire jusqu'alors. La rencontre avec un fondeur m'a sérieusement aidé à apprendre comment procéder. En fait, ce fondeur venait tout juste de monter sa fonderie et avait besoin de gens motivés pour l'aider dans son ouvrage. Pendant quelques temps, j'ai travaillé avec lui et c'est comme cela que j'ai appris la technique, la ciselure, la patine. De fil en aiguille, pendant quinze ans, j'ai continué la fonderie et c'est ce qui allait me servir dans mes créations.
La fonderie a laissé place à une autre recherche ? J'ai laissé de côté la fonderie au bout d'un moment, mais je continuais à revenir vers elle lorsque j'avais des pièces à réaliser. Par contre, je me suis orienté vers un matériau plus adapté à ce que j'avais envie de faire : la résine polyester car elle apporte davantage de liberté et de diversité dans la couleur. Ce sont des choses aujourd'hui que je peux réaliser à mon atelier de Villeneuve-Loubet, même si la place commence parfois à manquer. Quel a été le point de départ de votre carrière ? J'ai travaillé à Monaco dès le départ. Cela se passait à l'Hôtel Palm Beach trois années de suite. La Principauté de Monaco a été une belle aventure et correspond à une période décisive il y a une vingtaine d'années. Accompagnée de mon épouse, qui est devenue mon agent, nous avons vécu le démarrage "professionnel" là-bas. Merveilleux. Vous vous êtes récemment installés sur la Côte d'Azur, un choix tout aussi décisif ? Cela fait deux ans et demi que nous nous sommes installés ici. Sur la Côte d'Azur, il y a un temps de rêve et il y a surtout des potentialités artistiques incroyables, une émulation importante. Là où nous étions avant, c'était, il faut le dire... le désert. Nous étions obligés d'aller à Paris, à Lyon pour montrer les oeuvres. Très contraignant... Le temps passant, les enfants ont grandis et nous avons franchi le pas pour la Côte d'Azur. L'accueil a été formidable. Nous ne regrettons pas ce choix.
a r t i s t e s culp t eu r
Quelle formation artistique avezvous suivi ? Je suis autodidacte en fait. Mais je pense avoir pas mal de volonté. La pièce qui m'a fait connaître a été "La Poire", une résultante de ma formation d'horticulteur. On est loin des beaux-arts (rires). Mis à part l'apprentissage de la fonderie, j'ai pris un cours un jour. Pour l'anecdote, c'était avec un artiste qui, une après-midi, m'avait expliqué ce qu'étaient les proportions que l'on trouvait sur un visage et m'avait appris le modelage en l'espace d'une heure ou deux. Ca m'a suffit pour accrocher. Comment considérez-vous votre parcours jusqu'à présent ? J'ai eu beaucoup de difficulté au tout début car je ne savais pas toujours quel matériau utiliser pour telle ou telle sculpture. Il suffisait que je demande à celui qui savait pour me permettre d'avancer. J'ai, disons, pris tous les mauvais chemins, donc ça a été dur et long au départ mais tous ces chemins, finalement, m'ont permis de me forger et de trouver le bon ! Après, on se crée ses filets... pour ne plus tomber (rires). J'ai eu souvent des moments de découragement, c'est même permanent. Ce n'est jamais gagné. Quelles ont été vos influences, vos références ? L'artiste qui m'a le plus "soufflé" fut Dubuffet. Je ne me suis pas inspiré de lui directement mais sa façon d'oser, oser changer de vie pour devenir artiste, m'a beaucoup touché. César aussi est un géant, nous nous étions d'ailleurs rencontrés et il m'avait soutenu dans ma démarche. Arman est aussi une référence pour moi. Qu'ils compressent, qu'ils accumulent... j'aime ces gens-là qui ont osé ! Dans mon travail, j'ose. Il y a alors parfois des choses qui ne passent pas du tout aux yeux du public mais j'ose tout de même. C'est mon moteur. De gauche à droite et de haut en bas : Richard Mas au milieu de personnages en résine Trognon de pomme en bronze Chien en resine Chien Femme en bronze Femme contrebasse Tomate en céramique Moutons en résine Cochon en résine © Bertrand Ornano
l a v i e d e s a r ts
Quels sont vos thèmes de prédilection ? C'est très diversifié. Les thèmes sont la famille et la nature. L'inspiration première est celle d'appréhender l'art figuratif autrement. J'ai eu plusieurs périodes. "La poire en string" a été le véritable détonateur. J'ai eu des périodes où je travaillais davantage les instruments de musique, les cartes à jouer, les animaux, les fruits et légumes, mais toujours de façon détournée, humoristique. C'est sous cet angle que vous abordez vos oeuvres ? Je réalise constamment mes oeuvres avec ce clin d'œil humoristique même si mon art reste très sérieux. Ce sont des clins d'œil à la vie, c'est comme le dit ma femme, un hymne à la vie. J'ai une passion pour la nature et là encore, ma femme soutient que je suis comme un enfant qui s'intéresse à tout. Il y a une certaine provocation ? Oui, au bon sens du terme. Je pense que l'œuvre doit être stimulée à tout prix. J'aime provoquer des grincements. C'est ma volonté d'artiste et c'est difficile souvent de faire passer cela. Je m'y attache et continue coûte que coûte. Votre œuvre est très diversifiée et pourtant on reconnaît votre "patte"... L'éclectisme est devenu avec le temps une force. Ce qui était d'abord un barrage par rapport à beaucoup de galeries est devenu aujourd'hui un tremplin. Aujourd'hui, elles jouent davantage en ma faveur, les amateurs aiment trouver eux-mêmes le lien d'une pièce à l'autre. Cette liberté dans la création, je l'ai payée très cher au début, mais je suis resté dans ma voie, c'est ma force. Je me suis battu pour ne pas me laisser enfermer dans ce carcan. J'ai toujours voulu faire ce que je voulais, ce que je ressentais. Je pense que c'est cela qui est essentiel chez un artiste. Vos projets d'expositions à venir... Plusieurs pièces, et pas des moindres, seront présentes lors du prochain grand salon d'art contemporain de Monaco (ndlr Salon ArtMonaco, du 5 au 8 avril 2012) un retour aux sources... RC
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9 e m
è
n o i t i
éd
la t n da
Pen
Salon d’Art Actuel
14 au 22 AVRIL 2012
2 ème ETAGE PALAIS DES EXPOSITIONS - 10H / 19H ESPLANADE MARECHAL DE LATTRE DE TASSIGNY - NICE
w w w. to u s - a - l ar t . com
l a v i e d e s a r ts
g a le r i e
Galerie Maud Barral
Une autre expérience de l’art !
Tableau de Fred Allard © Bertrand Ornano
Elle soufflera sa première bougie en juin, la Galerie Maud Barral a ouvert en même temps que la manifestation « l’Art Contemporain et la Côte d’Azur ». Coïncidence ? Ce nouvel espace niçois semble doué pour jeter des passerelles entre les genres et les générations !
A
A sa tête Maud Barral, une jeune ga-
Une nouvelle galerie pour une nouvelle
tionneur. Mixer les genres, les disciplines fut
leriste avec un joli pedigree : 15 ans
clientèle ?
aussi un postulat, d’autant qu’une dynamique
d’exercice à la galerie Ferrero, aux
Mais se lancer dans l‘aventure au cœur de la
a vu ces dernières années les différentes
côtés de Jean Ferrero, son fondateur puis de
crise et dans une ville où les acheteurs se font
formes d’art se nourrir l’une, l’autre. » Ainsi
Guillaume Aral, son actuel propriétaire. Au-
plus discrets qu’à Paris, Londres ou Bruxelles
toiles, photos, sculptures, installations, objets
tant dire qu’elle fut à bonne école avant de se
fut un autre défi. « L’ACCA (ndlr l’Art Contem-
et mobiliers d’art se partagent l’espace dans
jeter dans le grand bain. « Je cultivais le projet
porain et la Côte d’Azur) a redonné un regain
une scénographie qui laisse aux visiteurs
d’ouvrir mais les choses se sont précipitées
médiatique à notre rivage. C’est vrai aussi
toute latitude pour flâner, pour découvrir les
quand on m’a proposé ce vaste espace idéa-
qu’une nouvelle génération de clients est
pièces sous des angles différents et imaginer
lement situé » 250 m2 avec mezzanines, sis
apparue, de jeunes notables ou des visiteurs
comment elles pourraient s’intégrer dans leur
de plain pied sur le port de Nice, cela ne se
qui fonctionnent au coup de cœur. La crise
intérieur. Les œuvres « accrochées » n’occu-
trouve pas sous le sabot d’un cheval. Maud
favorise ce type d’achat. Dans une période où
pent que 50 % de l’offre, la sculpture se taillant
craque pour cet ancien hangar à bateaux par-
tout est sombre, ceux qui ont les moyens ont
la part belle. La faune de Richard Orlinski (l’un
ticipant ainsi au mini tsunami qui vit, dans le
envie de se faire plaisir. Sans compter qu’avec
des dix artistes français les plus vendus)
premier semestre 2011, huit lieux d’art ouvrir
l’insécurité boursière, l’art devient une valeur
côtoient des colères d’Arman, les composi-
leurs portes à Nice.
refuge ! ». Aussi pour répondre à ce potentiel
tions stylistiques de Cipre, des installations
mais aussi parce que c’est dans sa nature,
de l’artiste génois Pier Georgio Colombara,
Maud n’a pas souhaité s’imposer une ligne di-
influencé par l’Arte povera, des travaux de
rectrice mais jouer la fertilisation croisée entre
l’ex acteur de Calibre 33 Gilbert Pedinielli, les
les pratiques, origines et générations en mê-
figures exacerbées de Louis Dollé, les objets
lant par exemple des jeunes artistes avec des
surdimensionnés de P. Perrin, les céramiques
créateurs dont la cote rassure. « Faire un lien
de Kiki Giuliana (Saint-Paul) et les pièces de
entre l’ancienne et la nouvelle génération, Guy
Raphaël Scorbiac, dernier artiste à avoir re-
Pieters s’est construit sur ce modèle. D’autre
joint la galerie.
part, j’aime la diversité, seule me séduit l’idée de l’artiste les mains dans la matière. Je fais
Défendre les artistes de demain
mes repérages dans les salons, les ateliers et
Car l’autre credo de Maud, qui regrette que
chez des amis collectionneurs. C’est ainsi que
l’on ait trop tiré sur l’élastique de l’Ecole de
j’ai découvert Thomas Fougeirol cité par la
Nice au lieu de préparer la relève, c’est de
revue « Art press » comme l’un des artistes im-
soutenir les talents en devenir ou plus confir-
portants du siècle. C’est un quarantenaire qui
més tel Jacques Pelissier. Un artiste niçois qui
vit entre Paris et New York dont les œuvres
présente les photographies de ses sculptures
ont intégré le Musée d’art Moderne de Paris et
en pâte à modeler dont un étonnant portrait
la Fondation LVMH l’été dernier.
de Keith Richard. « La moitié de mes artistes travaillent en région comme Eve Petruschi et
Décloisonner
François-Xavier Orsini, diplômés de la Villa Ar-
Mais il n’y a que des cimaises dans cet espace
son. Les autres viennent de l’hexagone ou de
que l’on embrasse d’un seul regard « J’ai ima-
l’étranger ». Ainsi la première exposition de la
giné ce lieu à la manière d’un loft de collec-
galerie fut-elle consacrée à Laurence Aëgerter,
45
ter, découverte lors de son exposition en 2010 au MAMAC. « Laurence est née à Marseille mais se définit comme une artiste franco hollandaise. Depuis qu’elle a 19 Sculpture de Stéphane Cipre © Bertrand Ornano
ans elle vit à Amsterdam où elle fit ses Beaux-arts. A l’automne 2011, nous avons exposé deux séries de photos et un ensemble de ses tapisseries ». Pour « Les visiteurs », Laurence a fait des repérages au musée puis s’est approprié les lieux en rajoutant des personnages comme le garçon au tee-shirt Bruce Lee ou des objets tel ce jambon suspendu qui masque le regard de « la femme au chapeau noir » de Van Dongen. Il n’y a aucun montage informatique. Tout est organisé in situ puis photographié ». La prochaine exposition dévoilera en mai les toiles en technique mixte de Fred Allard, un jeune plasticien niçois qui s’inspire de la mode et du Tag et tisse un lien entre le travail des affichistes, le Pop art et le Street art. « Le thème sera la femme via l’image de Kate Moss qui est une icône actuelle en même temps qu’une femme aux milles facettes. » Même si l’accrochage y change régulièrement, on peut s’étonner que la galerie ne programme que deux expositions par an. Mais Maud préfère soutenir ses artistes en privilégiant un travail de fond dans et hors ses murs. Une démarche trop rare et qui participa selon la galeriste à créer « un ventre mou de près de 20 ans » après l’école de Nice. « Par ailleurs, grâce à mon carnet d’adresse je peux compter sur
Tableau de Laurence Aegerter © Bertrand Ornano
des fidèles. Mais la bonne surprise c’est que j’ai aussi une belle clientèle de passage. Le port est un quartier arty qui compte beaucoup d’antiquaires, d’ateliers et quelques belles galeries comme le Dojo, celle d’Antoine Hierro ou mes voisins, la galerie des Docks ». Une nouvelle expérience à suivre qui vient enrichir une offre niçoise qui gagnera toujours à s’étoffer pour attirer les collectionneurs. OM Galerie Maud Barral 16 quai des Docks - 06300 NICE 04 93 07 84 25 www.galerie-maud-barral.com
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Tableau de Jacques Pelissier © Bertrand Ornano
Maud Barral accoudée à une sculpture de Stéphane Cipre © Bertrand Ornano
Salon ème
Antibes
Art FAir antiquités
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art Moderne
port vauban
7 au 23 avrIL 2012 10H30 - 19H30
Infos : o4 93 34 8o 82 - o4 93 34 65 65 www.saLon-antIquaIres-antIbes.coM organIsÉ par L'acaafva sous La prÉsIdence d'Honneur du MaIre d'antIbes juan-Les-pIns
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