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SUPPLÉMENT CULTUREL DES PETITES AFFICHES DES ALPES MARITIMES
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Art Côte d’Azur Supplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3686 du jeudi 12 décembre 2013. Bimestriel ISSN 1962- 3584 Place du Palais 17 rue Alexandre Mari 06300 NICE
Directeur de la publication & Direction Artistique François- Xavier Ciais Conception graphique Maïa Beyrouti Graphiste Maïa Beyrouti Henri Bouteiller Caroline Germain Photographes Anthony Mirial Guillaume Laugier Photo de Couverture Pierre Auguste Renoir, Torse de femme, huile sur toile, 1918, 90x75 cm, Osaka, Sanno Art Museum (Japon) © Tous droits réservés Rédactrice en chef Elsa Comiot Tél : 04 93 80 72 72 Fax : 04 93 80 73 00 contact@artcotedazur.fr www.artcotedazur.fr Contact communication Sylvie Rudawer 04 93 80 72 72 contact@artcotedazur.fr Abonnement Téléchargez le bulletin d'abonnement sur : www.artcotedazur.fr ou par tél : 04 93 80 72 72 Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/ Créateurs « ImprimeurVert », sur un papier 100% recyclé. La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, celles-ci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.
© A Mirial
Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J’espère vivre assez pour l’atteindre.
Nelson Mandela « Un long chemin vers la liberté »
Dans la sculpture oblitérée par le vide, ou les coupes ou les plaques, Sosno ouvre le champ visuel, il n’enferme pas l’objet dans le contenu, le regard traverse l’œuvre et permet une lecture propice à son interprétation ou à une dimension différente. A l’heure où nous bouclons ce numéro de fin d’année deux grandes personnalités viennent de nous quitter, et je ne pouvais ouvrir nos pages sans leur offrir un hommage prononcé. L’un fervent défenseur des libertés humaines, l’autre fervent humain défenseur des arts de notre région, et animé par une forte dépendance à l’acte de création. Nelson Mandela s’en est allé, laissant à l’humanité une œuvre majeure empreinte de courage, de combats et de pertinence dans la volonté d’offrir aux hommes un monde libre où tous seraient égaux. Sacha Sosno, est parti, laissant des œuvres magistrales, des oblitérations à la tête carrée, cet humain au grand cœur a grandement œuvré pour Nice et son école éponyme. Adieu l’humaniste combatif, Adieu l’Artiste, merci pour vos actions, merci pour vos combats, merci pour vos réussites dont nous sommes désormais les héritiers. La transition n’est pas simple, il serait donc juste et essentiel de vivre pleinement ses rêves, d’assumer ses choix, de combattre pour les nobles causes sans se résigner, et de croire en l’humanité empreinte de liberté et créatrice de bonheur. Toute l’équipe d’Art Côte d’Azur vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année, et vous adresse ses meilleurs vœux de réussite. Nous espérons que vous pourrez œuvrer avec autant d’énergie et de résultats, afin d’offrir un monde meilleur à vos proches et à tous ceux qui vous sont chers. F-X Ciais
L’actualité en Haïkus de Grisou
Rédacteurs Alain Amiel Caroline Boudet-Lefort François-Xavier Ciais France Delville Harry Kampianne Olivier Marro Céline Merrichelli
édito
Ont collaboré à ce supplément culturel :
Il faut les soutenir Les bonnets rouges Surtout au-delà du 95 D Vente aux enchères Quatre otages français bien nourris Prévoir trousse de rasage et savon Ras le bol « Fistal » Les français en ont marre D’être sondés Ras le bol fiscal Les exilés fiscaux se plaignent Laissez-nous compter ! Journal minute C’est le temps qu’il leur faut Pour faire une « couv » Hausse de la TVA Sur les centres équestres Doit-on arrêter les lasagnes ? Intégrisme Tous les soirs le JT On nous prend en otage Exclusif : Pas assez de CRS et de gendarmes Pour faire face A la manifestation des policiers
Arnaud Duterque
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HORS LES MURS Bâle Thomas Schütte à la Fondation Beyeler
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HORS LES MURS Marseille
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Musée d’Histoire de Marseille, de Massilia à Euromed
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Irina Brook prend la barre du TNN
Jean-Christophe Maillot : 20 ans aux Ballets de Monte-Carlo
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ANTIBES
Audiberti et le Cinéma
Quentin Derouet et Remi Voche : Etre envie ro © Blange
irial © AM
LA VIE DES ARTS
RAYSSE 20 MARTIAL Comme descente Portrait
au paradis
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DE 26 CONSERVATRICES MUSÉES : les femmes Dossier
ont le vent en poupe
30 laMERAKHAAZAN ou théorie des cordes Musique
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32 MARC ALBERGHINA 34 AURORE DANLOUX Rencontre
Artiste
au Domaine 36 RENOIR des Collettes Histoire & Culture
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Thomas Schütte
Sculpte l’invisible Un sculpteur allemand pourtant très visible en ce moment à la Fondation Beyeler à Bâle (Suisse). Il y expose la figure humaine sous ses différentes apparences : chimériques, joviales ou inquiétantes. 1
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a Fondation Beyeler a le mérite d’absorber la lumière avec beaucoup de générosité. Une qualité au service des artistes invités, et surtout un formidable atout pour celui qui sait s’en servir. Thomas Schütte fait partie de ceux-là, sachant utiliser cette particularité de la fondation avec parcimonie. Mais d’abord qui se cache derrière l’homme et ce panel de pièces monumentales en bronze, en céramique, en aluminium, en bois ou en cire ? Un expérimentateur, un architecte de l’âme, un conceptuel devant l’éternel ou tout simplement un peu de tout ça engrangé au cours de ses années d’apprentissage à l’Académie des Beaux-arts de Düsseldorf ? Rien n’est pourtant laissé au hasard du bricolage et de l’improvisation. Sa profonde réflexion de la sculpture est totale. Outre le lien avec la matière, il y intègre une énergie contagieuse faite de multiples expériences, ne serait-ce déjà que par le biais de ses immenses maquettes architecturales utopiques ou réelles entreprises au début des années 80. Les pièces plus figuratives, telles que les têtes ou les portraits, viendront renforcer dans les années 90 ce besoin de vitalité et de couleur que l’on retrouve dans certaines de ses figurines ou pièces plus grandes comme les Fremden (Etrangers). Mais toute cette pensée «architecturée» de la sculpture nécessite un temps d’étude qu’il matérialise à travers le dessin ou parfois des aquarelles. Cette étape intermédiaire
est visiblement vitale puisqu’elle délimite toute sa recherche sans jamais la brider, l’artiste laissant cours à l’expérimentation. Vient ensuite l’élaboration ou plutôt la libération d’un élan maîtrisé qu’il retranscrit plutôt aisément, tout du moins en apparence, alors que la rigueur y est omniprésente. Au-delà de cet ensemble de sculptures, d’eaux fortes ou de dessins exposés à la Fondation, il est question d’esprit, d’état d’âme, de mettre en forme l’invisible, l’impalpable car, dit-il, « il est tout à fait impossible de faire de l’art. L’art a lieu parfois. » Un constat dans la lignée de ses réflexions, s’interrogeant pour le coup sur la durée d’une œuvre et sa perspicacité. Il ajoute même que « c’est le privilège de l’art qu’on ait la possibilité d’améliorer des choses et le droit d’en inventer. » En trois décennies, Thomas Schütte a su construire une œuvre à la fois contemporaine et traditionnelle dans sa conception muséale. C’est-à-dire un mélange de monumentalité à travers ses sculptures, de miniatures pour ses figurines et d’installations par l’entremise de ses maquettes. L’exigence de cet artiste est de ne pas sombrer dans la facilité ou l’inaltérable répétition d’un procédé. En jouant sur la dualité entre grands et petits formats, il projette cet attrait pour l’intimité et l’exubérance, bien que ce dernier soit loin d’être un grand bavard en dehors de l’incontournable conférence de presse à laquelle il ne peut échapper. Certes discret,
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HORS LES MURS 1. Selbstportrait (Autoportrait), 1975 © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Thomas Schütte 2. Me Memorial, 2007-2009 © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Nic Tenwiggenhorn 3. Blumen für Konrad (Fleurs pour Konrad), 1998 © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Nic Tenwiggenhorn
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5. Innocenti (Les Innocents), 1994 © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Thomas Schütte 6. United Enemies, 2011 (détail) © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Nic Tenwiggenhorn 7. Walser’s Wife, 2011 © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Luise Heuter
4. Bronzefrau Nr. 17 (Femme de bronze n°17), 2003 © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Nic Tenwiggenhorn
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un brin sombre et néanmoins loin d’être autiste, le personnage se décrit avec lucidité comme un être hybride : « Disons-le comme ça : notre génération tombe exactement dans le trou entre les hippies et les punks. Nous n’étions pas assez naïfs pour améliorer le monde et pas assez destructeurs pour ficher tout le bazar en l’air. Je crois que notre génération est entre la période pathétique et la période destructrice. » L’artiste a souhaité profiter pleinement du parc de la Fondation en installant plusieurs de ses sculptures en céramique livrées aux caprices du ciel, un peu comme des voyageurs sans destination sur le point de partir ou d’arriver. Ce souci de l’environnement le rapproche visiblement plus de la nature que l’on ne croit : « Simplement regarder un arbre en silence, c’est une vraie nécessité. On ne peut pas regarder tout le temps que des images qui braillent à tort et à travers, vous engueulent ou vous rendent nerveux. » En ce qui concerne l’intérieur des salles, dès l’entrée du musée se dresse un groupe de ces Fremden, figures en bronze toutes en force repliées sur elles-mêmes, le regard baissé, encombrées de valises et de sacs, de voyage. Au gré du parcours de cette exposition jouant avec efficacité sur une disposition scénographique sobre et lumineuse, nous croisons ses United Enemies, des figurines réalisées en pâte Fimo (une espèce de pâte à modeler) dans un premier
temps et parfois attachées ensemble. Leur côté «bricolé» est en réalité une feinte. On reste dans l’expérimentation. Les plus récentes sont en bronze patiné mesurant pas loin de quatre mètres mais conservant toutefois cet aspect de marionnettes voire de zombies certes inquiétantes et pourtant fascinantes. L’artiste aime jouer de ce glissement d’échelle, offrant au spectateur cette sensation d’anamorphose dans l’espace, lui laissant l’intime conviction qu’il fait partie de ce monde mystérieux quasiment asymétrique. L’échelle humaine y est démesurée. Ce jeu magistral entre la monumentalité et l’intimité lui a permis de s’installer dans l’espace public. Que ce soit devant le Central Park de New York ou le Vater Staat (Père État) planté sur le parvis de la Neue Nationalgalerie de Berlin, toutes ses sculptures s’inscrivent naturellement dans la vie quotidienne d’une ville. Pour comprendre la beauté onirique d’une telle œuvre, il est nécessaire de contempler pleinement la richesse de ses dessins, sorte de fil rouge dans l’agencement de cette exposition. On y puise de ce qu’il y a de souvent essentiel dans la figure humaine : l’âme. HK Fondation Beyeler Baselstrasse 101, CH-4125 Riehen/Bâle Jusqu’au 2 février 2014
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Musée d'Histoire de Marseille, de Massilia à Euromed Enserrant les quais de l'ancien port grec, le Musée d'Histoire de Marseille est lumineux, transparent, parfaitement lisible. L'histoire de la plus vieille ville de France nous est présentée en treize étapes (en hommage à 2013), mais avant de commencer la visite, une vidéo composée de multiples écrans nous raconte Marseille d'avant Marseille. Les autochtones préhistoriques qui ont peint des centaines d'animaux sur les parois de la grotte Cosquer il y a 24 000 ans étaient des chasseurs cueilleurs artistes qui devaient probablement déjà naviguer sur de frêles esquifs, des radeaux de fortune, nos premiers marins marseillais… A chaque étape du parcours, un spécialiste s'adresse à nous, filmé en pied, à taille humaine, pour nous conter une parcelle de cette histoire. Il est très rare et agréable de voir tous ces scientifiques, dont généralement on ne connaît que le nom, nous communiquer les résultats de leur recherche. Après l'avoir entendu, les objets disposés autour de nous prennent sens. L'histoire de Marseille commence véritablement avec l'arrivée de bateaux à voile unique de Grecs venus de Phocée en 600 avant notre ère. La belle légende de Prôtis et Gyptis, mariage d'un grec et d'une indigène est le symbole de la rencontre de peuples dont les échanges ne vont plus cesser. L'inauguration récente du plus grand porte-conteneur du monde (400 m de long sur 53 de large) donne la mesure du terrain - ou plutôt des mers - parcourues. Les comptoirs grecs vont se multiplier sur la Méditerranée, mais très rapidement Massalia (le nom grec) va devenir un phare avancé de l'hellénisme dans l'Europe occidentale. Port très actif, il attire des représentants de tous les peuples de la grande bleue.
Les restes de l'épave d'un bateau grec nous accueillent dès l'entrée. Découverte sur le site du port antique, il s'agit de la plus grande épave visible au monde, un navire pas très grand, mais quand même capable de relier toutes les îles grecques à Marseille. Il transportait de port en port de l'huile, du vin, des grains, des produits manufacturés, des poteries, etc., contre des matières premières (minerais, bois, etc.) La cité s'est ensuite considérablement développée pendant la période romaine. Théâtre, forum, bains impériaux sont bâtis pendant que le port s'agrandit. La voie romaine longée de monuments funéraires pénètre dans la ville par une entrée monumentale. L'époque médiévale va ensuite voir la construction d'édifices chrétiens, devenus symboles de la ville : Saint Victor, le baptistère de la Major, etc. Marseille dépend alors du royaume de Bourgogne, puis de celui d'Anjou avant d'être française en 1481. Pour les rois de France, ce port de la Méditerranée est essentiel pour les échanges commerciaux avec la puissance ottomane. Des aménagements portuaires et urbains très importants vont avoir lieu sous Louis XIV qui dote la ville d'un arsenal de galères. La grande peste de 1720 arrivant des colonies va décimer la ville, emportant près de la moitié de sa population. Marseille mettra du temps à s'en remettre. La révolution de 1789 voit le soulèvement des quartiers populaires et la Marseillaise devenir le chant du renouveau.
Musée d'Histoire de Marseille
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Le Palais Longchamp complètement réhabilité présente l'exposition de "van Gogh à Bonnard". L'entrée de ce palais réalisé pour fêter l'arrivée des eaux de la Durance à Marseille est somptueuse avec son large bassin en forme de coquillage dominé par de très grandes sculptures d'animaux. Les espaces intérieurs, complètement réaménagés et rendus à leurs volumes d'origine, sont superbes. L'exposition est un enchantement. Les van Gogh bien sûr, la très belle "sieste" d'un couple de paysans au milieu des moissons, le groupe de roulottes de gitans, une moisson avec Arles en fond, mais aussi des magnifiques Renoir du domaine des Colettes (à Cagnes sur mer où il vivait), une nature torturée mais vibrante de lumière et de tons contrastés, des arbres tortueux, des chemins qui se perdent dans la couleur. Sont présents aussi les grands noms de cette peinture qui a magnifié des bords de la Méditerranée : Gauguin, Monet, Marquet, et Maillol (un superbe portrait du profil d'une jeune fille qui annonce MUSÉE DES BEAUX-ARTS l'Art Nouveau). PALAIS LONGCHAMP MARSEILLE Le musée des Beaux Arts attend le retour des chefs d'œuvre de ses collections permanentes qui y seront présentés dans une nouvelle muséographie dès février 2014.
Palais Longchamp
© Ville de Marseille - DCRP
Toutes photos © Alain Amiel
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Palais Longchamp
Van Gogh,La Méridienne, 1889-1890, (détail) Paris, Musée d’Orsay, Donation de Mme Fernand Halphen,1952 ©RMN-Grand Palais(Musée d’Orsay)/Tony Querrec/saluces.com
La ville de Marseille, indissociable de son port, s'est considérablement enrichie par l'importance du trafic de marchandises mais aussi de biens encore plus précieux : savoir-faire et mixité culturelle. Euromed, le port principal de la Méditerranée aujourd'hui, a acquis l'envergure que son nom indique. L'Europe est là, celle des échanges avec tous les peuples de la Méditerranée et du continent qui lui fait face, l'Afrique.
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La Sieste : Van Gogh La Méridienne 1889-1890 - huile sur toile Musée d'Orsay - donation de Mme Fernand ALPHEN © RMN Grand Palais Musée d'Orsay - Tony QUERREC
Commerçant avec le monde entier, sa population triple entre 1800 et 1900 et l'arrivée de l'eau de la Durance avec le canal de Marseille marque une étape importante de son développement. Marseille est désormais la quatrième ville mondiale où des ouvriers venus de toutes parts participent à son essor. La construction du Palais du Pharo et Notre Dame de la Garde donneront à la ville son aspect actuel. Pendant les deux guerres, elle devient un port de transit, notamment en 1940 pour les migrants fuyant le nazisme. Après guerre, Marseille continue de s'industrialiser avec ses nombreuses usines qui transforment les produits de l'empire colonial. Elle devient une capitale moderne avec tramway, nouvelles rues, travaux d'agrandissement du port, etc. Pour loger une population qui explose, les grands ensembles post deuxième guerre sont bâtis. Une grande activité culturelle et artistique règne dans les années 50 : musique de Vincent Scotto, cinema de Pagnol, les Cahiers du Sud, etc., activité qui continue aujourd'hui avec la scène rap, les films de Guédiguian, le théâtre de la Criée, les friches industrielles données aux artistes, etc.
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Marseille, en cette année capitale, a su nous émerveiller par son déploiement d'expositions et d'activités culturelles, ouvrant ainsi une nouvelle ère de créativité et d'ouverture à tous les arts. Capitale de l'Europe mais aussi de la Méditerranée, elle s'avère être une chance pour le renouveau des échanges entre tous les ports de Tanger aux côtes grecques. A quelques semaines de la fin de sa nomination de capitale européenne, le bilan est positif : des millions de visiteurs venus de tous les coins du monde.
Delphine et Marc Stammegna / Fondation Monticelli Face à Marseille, l'Estaque, un village de pêcheurs devenu paradis des peintres a vu en 2010 l'inauguration de la Fondation Monticelli, due à Delphine et Marc Stammegna, un couple d'amoureux des arts. Le site est grandiose, juché sur les rochers abrupts dominant la mer et couverts de pins maritimes. Un vieux bastion superbement réhabilité abrite aujourd'hui une des plus belles collections de ce peintre dont Van Gogh était un grand admirateur. Sa touche puissante et délicate, sa maîtrise poétique des couleurs ont fasciné Vincent. Dans de nombreuses lettres, il dit son admiration pour ce peintre précurseur, maître de la couleur, "dans la lignée de Delacroix". Ses bouquets de fleurs, qu'il recopiera tout un été au début de sa période parisienne (1886-1887), vont constituer un excellent apprentissage grâce auquel il se dégage de sa palette plutôt sombre de la période hollandaise. Les Japonais, Rubens, Delacroix, ont largement préparé le terrain. Vincent était prêt à s'attaquer aux couleurs vives et Monticelli sera un passeur idéal. Delphine et Marc ont à cœur de faire reconnaître Monticelli et l'écrin qu'ils ont trouvé sur des lieux qu'il a fréquentés et peints va contribuer à cette reconnaissance méritée. Actuellement, en plus des collections permanentes, est présentée l'exposition "De Degas à César : L'Histoire d'un Collectionneur". Jusqu'au 31 décembre, on peut y admirer des bronzes de Degas, Bonnard, Bugatti, Renoir, Froment Meurice, Sandoz, Barye, Guyot et Pompon dont les formes épurées annoncent le design d'aujourd'hui. César, le marseillais de la Belle de Mai est représenté par deux très belles sculptures qui, malgré leur apparence non finie, leur assemblage qui peut paraître hétéroclite, sont aujourd'hui très classiques. Les grandes verrières ouvertes sur la mer face à Marseille offrent un spectacle époustouflant qui nous fait ressentir l'amour qu'ont eu tous les peintres pour ces paysages magnifiés par la lumière scintillante de ces eaux bleues. AA
Ville de Cannes - Département communication - Octobre 2013 Braque, lithographie Lettera amorosa 1963 (page 59 du Dora Vallier) - © ADAGP, Paris 2013 / © Claude Germain
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Œuvres exposées à la Fondation Monticelli
Ville de Cannes - Département communication - Octobre 2013 Braque, lithographie Lettera amorosa 1963 (page 59 du Dora Vallier) - © ADAGP, Paris 2013 / © Claude Germain
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Irina Brook prend la barre du TNN Irina Brook, c’est officiel, sera la nouvelle directrice du Théâtre National de Nice. Celle qui a mis en scène La Tempête de Shakespeare fera-t-elle souffler un vent nouveau sur ce grand navire du spectacle vivant ? Le TNN a connu un été agité dès la nouvelle de la mise à pied de son fidèle capitaine Daniel Benoin qui, après plus de 10 ans d’exercice, avait atteint la limite autorisée pour renouveler son mandat. Le 4 octobre, Irina Brook était officiellement nommée par le Ministère de la Culture pour prendre sa suite à compter du 1er janvier 2014. Irina Brook est la fille d’une comédienne anglaise et du dramaturge metteur en scène Peter Brook. Si elle n’a pas encore dirigé un théâtre public, elle possède une solide et riche expérience des tréteaux. Comédienne formée à New York selon la méthode de l’Actors Studio, elle se dirige ensuite vers la mise en scène. Une reconversion qui lui vaut de récolter en 2001 pas moins de cinq Molières pour La Bête sur la Lune de Richard Kalinoski, sa première adaptation créée
Ce premier poste de directrice de Théâtre National, c’était une envie ou une sorte d’aboutissement logique ? Diriger un théâtre public, on ne peut pas dire que c’était vraiment une envie, dans le sens où je me suis toujours sentie plus attirée par les structures alternatives. Mon aventure avec le Théâtre du Soleil à la Cartoucherie en témoigne. Je suis quelqu’un d’atypique qui ne remplissait pas vraiment les cases pour un théâtre public. Mais force est de constater qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile d’exister dans ce domaine. De plus, j’ai un profil assez compliqué, évoluant toujours
à Londres en 1996. Elle a plus récemment monté La Tempête, de Shakespeare, aux Bouffes du Nord où son père œuvre depuis 1974, Pan d’après Peter Pan en 2011 et adapter de grands auteurs classiques dont Homère, Cervantes, Marivaux ou Tennessee Williams. Après avoir, à la demande d’Ariane Mnouchkine, dirigé la troupe du Théâtre du Soleil, elle créera en 2008 sa propre compagnie s’orientant également vers la mise en scène d’opéras de La Flûte enchantée à La Traviata. En 2015, elle présentera Don Pasquale à l’Opéra de Vienne. Si ce n’est qu’en juin qu’elle dévoilera sa programmation au TNN, Irina Brook a bien voulu nous ouvrir quelques pistes sur ses envies et motivations…
entre deux univers, à moitié française et anglaise, je ne me suis jamais vraiment posée, ancrée nulle part. A l’âge de 50 ans, je me suis dit qu’il était peut-être temps de réunir ce que j’avais semé un peu partout. Nice, pourquoi ce choix ? Cela n’a pu se faire, que parce que c’était Nice précisément. J’ai toujours eu une relation professionnelle passionnelle, intime avec ce théâtre où nous avons beaucoup joué. Tous les deux ans je suis venue y présenter mes créations, et notamment La Bête sur la Lune. J’ai vécu à Nice de fortes expériences et eu
de bons rapports avec le public. Alors je me suis dit que c’était le seul endroit où j’aurais envie de me fixer pour une fois. Avez-vous quelque chose à dire à propos de cette passation qui a connu quelques remous ? Daniel Benoin a fait un travail remarquable. Et je comprends très bien qu’il soit difficile de quitter un théâtre auquel on a tant donné. Je compatie entièrement. Cela n’est pour personne une situation agréable à vivre, mais c’est la règle pour tous. Maintenant que tout est réglé, je pars d’un très bon pied dans cette nouvelle aventure.
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« J’aime personnellement pratiquer les mélanges, le fruit d’un mélange est toujours plus riche. »
Vos priorités pour la programmation de votre première saison ?
Cette programmation sera-t-elle ouverte à tous les arts de la scène ?
J’y travaille. J’espère pouvoir ouvrir sur de la nouveauté. J’ai grande confiance dans le public. Mon seul critère : offrir des spectacles riches émotionnellement. Je ne suis pas dans la noirceur ou le cynisme. Mes goûts personnels sont extrêmement populaires. Cela m’a d’ailleurs parfois desservi auprès d’une certaine intelligentsia, mais j’aime faire partager ces choses.
Pour moi le théâtre est un art vivant qui englobe plusieurs disciplines, formes d’expression : musique, danse etc. J’aime personnellement pratiquer les mélanges, le fruit d’un mélange est toujours plus riche. Je suis passionnée de musique. Elle occupe beaucoup d’importance dans mon travail. Il ne faut jamais perdre de vue que le meilleur moyen de faire un cadeau c’est de donner ce que l’on aime soit même. C’est dans cet esprit que je travaillerai sur cette programmation.
Comment doit-on prendre en compte dans une programmation la spécificité d’un lieu, d’un public ? Je ne pourrai vraiment répondre à cette question que dans un an. Après, le théâtre reste un langage universel. Avec ma compagnie je n’ai pas fait différemment à Londres ou à New York. J’ai travaillé un peu partout et pour moi, un public, ce n’est jamais que des hommes et des femmes avec des sensibilités différentes, ici comme ailleurs.
La part de création du TNN sera-t-elle la même ? C’est une obligation inscrite dans le cahier des charges. Et ce n’est certainement pas quelqu’un comme moi qui dérogerait à cette règle. Mais elle se fera en partage avec d’autres artistes et créateurs, ouverts à l’international. Avec les compagnies locales aussi ? Bien évidemment, car il est naturel et indis-
pensable d’ancrer le TNN dans le tissu local. Mais je pourrai en dévoiler davantage quand j’aurais rencontré tous les acteurs. Pensez-vous également réaliser des mises en scène pour l’opéra comme vous l’avez déjà fait à plusieurs reprises ? J’ai une grande passion pour l’opéra qui est lié aussi à la difficulté de créer pour cette forme d’expression. C’est un autre exercice qui n’offre pas la même part de liberté que le théâtre. Il y a plus de contraintes, des choses que l’on peut faire ou ne pas faire. Cela vient déjà du fait que l’on ne choisit pas les acteurs. Certes souvent les chanteurs peuvent être intéressants mais il faut composer avec ce paramètre. Le travail sur la musique me passionne au premier chef. Je fais depuis longtemps des opéras assez lourds à mettre en scène. Je rêve aujourd’hui de travailler avec des jeunes musiciens ou chanteurs sur des formes plus nouvelles, plus actuelles, apporter quelque chose de novateur dans ce registre. Pourquoi pas concrétiser ce souhait à Nice ? OM
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Jean-Christophe
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Jean-Christophe Maillot est une nature généreuse qui préfère bâtir à plusieurs mains un espace narratif, se nourrissant de talents connexes au sien. Ses deux décennies de création à l‘unisson d’une même compagnie valaient bien une messe. En décembre, Monaco fête Maillot ! Depuis qu’il a pris en 1993 la direction des Ballets de Monte-Carlo, ses scénographies ont vu le jour en parfaite intelligence avec des plasticiens, musiciens, écrivains. Parmi eux : Ernest Pignon Ernest, fidèle complice, le peintre Valerio Adami qui dessina ses rideaux de scène ou encore le plasticien Philippe Favier qui œuvra à son « Opus 50 ». Pour ce spectacle marquant ses 50 ans, le chorégraphe conviait également le compositeur Marc Monnet, directeur artistique du Printemps des Arts de Monaco. Pour dépoussiérer le « Lac des cygnes » le prix Goncourt Jean Rouaud. Cette appétence n’est pas une posture. Dés son enfance tourangelle, Jean-Christophe baigne dans ce brassage aux côtés d’un frère compositeur et d’un père peintre, professeur aux beaux-arts, qui créa plus de 250 décors et costumes de ballets et d’opéra. De l’enfance il a gardé intact le goût de l’enchantement : « Je crois aux contes de fées. J’en vis un, moi-même ». Son « chant chorégraphique » traversé de figures archétypales, est le théâtre expressif de la cruauté et de l’onirique. Le Casse-noisette qu’il offre du 26 décembre au 5 janvier, sa cerise sur le gâteau ? Retour sur 20 ans de songes et de sueur… Quand vous êtes arrivé à la tête des Ballets de Monte-Carlo, pensiez-vous y rester aussi longtemps ? Une telle aventure est impossible à prévoir. En revanche je me suis tout de suite rendu compte en arrivant à Monaco que les attentes liées à l’avenir de cette compagnie naissante étaient très ambitieuses. S.A.R. La Princesse de Hanovre a créé cette compagnie en fixant une ligne d’horizon qui va bien au-delà de la danse. Elle a, comme Diaghilev, une vision d’imprésario d’une acuité remar-
quable et elle comprend spontanément toutes les ramifications possibles qui peuvent s’étendre à partir d’une « situation artistique ». Les ballets de Monte-Carlo sont une locomotive avec de nombreux wagons qui laissent monter à bord les créateurs issus de toutes les disciplines et tendances possibles. Qu’est-ce qui explique cette aussi longue fidélité ?
Il n’existe pas d’autres trains comme celui-là. Comment fait-on pour se renouveler et surprendre encore son public après tant d’années ?
Je ne suis pas obsédé par l’idée d’écrire un vocabulaire chorégraphique qui me soit propre. Les gens ne disent jamais : « Tiens ! Ça, c’est du Maillot ». J’ai toujours su que ce que j’avais à dire en tant que chorégraphe prendrait du temps et aurait plusieurs visages. Dans un même ballet vous pouvez avoir de la danse sur pointe ou contemporaine, de la performance, du théâtre, de la vidéo, du cirque. Je convoque sur scène beaucoup de choses. Il n’y a pas un label qui l’emporte sur le reste. N’ayant pas le souci d’être reconnu par un style, je n’ai du coup jamais ressenti le besoin d’en changer. Et c’est bien de là que naît l’obligation de se renouveler car tout finit par lasser, même le meilleur. Vos collaborations pour les décors et costumes avec des partenaires comme les artistes plasticiens vous ont-elles aidé dans ce sens ?
Oui car à partir du moment où vous ne fermez la porte à aucune forme d’expression artistique, vous avez forcément beaucoup d’artistes à vos côtés.
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ans aux Ballets de Monte-Carlo !
Quelle est la particularité du public monégasque ? C’est un public exigeant, on le sait. Les artistes invités à Monaco savent que les standing ovations se méritent. La raison en est simple. C’est un public cultivé, qui a déjà vu beaucoup de spectacles. C’est un avantage car on peut lui proposer des choses complexes et diversifiées. Les artistes ne sont pas soumis à l’obligation de divertir à tout prix. On peut programmer des choses déroutantes, voire donner leur chance à des créateurs assez sulfureux. Si c’était à refaire, y a-t-il certaines choses que vous auriez faites différemment. Avez-vous des regrets en termes de créations ? Je n’ai pas de regrets. Je ne prétends pas évidemment être satisfait de tout ce que j’ai fait mais je suis convaincu que les choses attendent toujours le bon moment pour se réaliser. Cela peut prendre beaucoup de temps. Par exemple, j’ai attendu plus de 10 ans pour faire LAC. Cela a pris 20 ans pour que les Ballets de Monte-Carlo soient une compagnie, un festival et une école. Les regrets naissent souvent de l’impatience. Votre plus beau souvenir au sein de ce corps de Ballet ? Les Ballets de Monte-Carlo, c’est un processus créatif en cours qu’on peut difficilement feuilleter comme un album de famille… ou alors c’est qu’on n’est plus trop en phase avec le processus. Il y a quand même quelque chose qui ressort de toute cette période mais ça n’est pas un souvenir, c’est un sentiment général : c’est l’aspect profondément humain de cette aventure. Je pense en tout premier lieu à la Princesse Caroline qui m’a fait l’honneur de m’accorder sa confiance. Et puis, il y a les artistes et tous ceux
qui travaillent à mes côtés. Sans eux, mes chorégraphies seraient comme des sculptures couvertes d’un drap blanc. Enfin, il y a le public car c’est lui, par son enthousiasme et son soutien, qui contribue à écrire cette belle histoire. Pouvez-vous nous parler de vos choix pour célébrer cet anniversaire ? Cela me permet d’illustrer ce que je viens de dire. Je ne voulais surtout pas que cet anniversaire soit un livre de souvenirs ouvert devant la cheminée avec le thé et les gâteaux. Du coup, j’ai décidé de fêter ces 20 ans avec une nouvelle création : Casse-Noisette Compagnie. C’est un spectacle grand format nourri par les rôles et les chorégraphies que j’ai créés, les gens que j’ai croisés et l’ensemble des aventures artistiques auxquelles j’ai participé... Tous les personnages de ce ballet festif et généreux sont sortis de ma malle à souvenirs et crient UN IMMENSE MERCI à ceux qui ont rendu tout cela possible. Comment voyez-vous votre avenir, quels sont vos projets ? Au-delà d’un an, je ne sais pas répondre à cette question. Un processus de création, ça n’est pas linéaire, c’est courbe, c’est comme une roue qui tourne. Ca entraîne le hasard avec soi et ça rend difficile les prévisions… et c’est très bien comme ça. OM
En haut de gauche à droite : LAC, Ballet de Jean-Christophe Maillot © Alice Blangero LAC, Ballet de Jean-Christophe Maillot © Angela Sterling Casse-Noisette Compagnie - Scénographie signée Alain Lagarde © Alice Blangero Compagnie des Ballets de Monte-Carlo © Hans Gerritsen Répétition Casse-Noisette Compagnie © Alice Blangero
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ANTIBES
Audiberti et le Cinéma En tête du chapitre « Pourquoi j’écris (1) » Jacques Audiberti (1899-1965) annonce « Chaque année, octobre venu, je quitte Antibes, je rentre à Paris. Comme on rentrerait à l’école. » Audiberti est à la fois Antibes et mille autres lieux, il est ici et ailleurs, mais la ville natale de ce fils de maçon l’a inscrit dans ses murs pour perpétuer sa mémoire : la Place Audiberti, le Lycée Audiberti, la salle Audiberti du théâtre Anthéa, le Prix littéraire Audiberti...
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oète, romancier, dramaturge, son plus grand don est son écriture qui s’amuse en trouvailles et en images dans une terrible fougue de mots. Moins connu est son talent de « critique » cinématographique. De 1941 à 1943, il rédige pour Comoedia de nombreuses chroniques de films qui donnent une vision intéressante du cinéma sous l’occupation. Puis, il a une rubrique cinématographique dans Le Petit Parisien, dans 84 (petite revue littéraire très réputée) et enfin à la N.R.F. et à Arts. Admiratif de sa fantaisie digressive, François Truffaut lui demande d’écrire des articles pour Les Cahiers du Cinéma. Il ne se contente pas de « faire l’article » sur un film – comme on fait l’article pour vendre quelque chose - , mais il truffe ses textes d’images originales et de tournures stylistiques incongrues. Il a choisi de ne subir aucune influence, d’écrire sans tenir compte de la mode, de la morale, des courants politiques, préférant laisser son esprit vagabonder au gré des mots et de ses divagations effrénées. Dans sa formidable boulimie langagière, les expressions imaginatives se bousculent sous sa plume, il n’hésite pas à inventer et à digresser. Il jongle avec les mots, use des répétitions, abuse des néologismes, s’amuse de coq-à-l’âne des films qui se succèdent, passant du western à la comédie. Fréquemment, ce n’est pas que du film dont il parle, mais de l’époque. L’essentiel n’est pas ce qu’il raconte, mais comment il le raconte. Audiberti a ainsi rédigé un nombre incroyable d’écrits sur le cinéma, empreints de sa verve stimulante et érudite et rassemblés en intégralité dans un ouvrage, Le Mur du fond(2) qui doit son titre à un texte de 1946 dans lequel il exalte sa passion inconditionnelle pour le cinéma et le rapport entre le spectateur et l’écran. Car, le mur du fond, bien évidemment, c’est l’écran magique où défilent tant d’histoires de divers styles. « Le mur du fond, le mur du fond de la salle, magnifie, isole, monumentalise la stature humaine. » Audiberti gardera, sa vie entière, l’empreinte d’inoubliables émerveillements des premiers films, vus dans son enfance sur la place publique d’Antibes, où l’écran était un drap qui volait au vent, souvenir essentiel qui s’est imprimé en lui et sur lequel il reviendra souvent. « Chaque film est un sphinx.
En haut : Plaque que l’on trouve sur la maison natale dans le vieil Antibes de Jacques Audiberti, rue du Saint-Esprit, avec une de ses citations © Studio Photoguy Ci-dessus : Portrait de Jacques Audiberti, par sa famille
ANTIBES
Il propose une énigme. L’énigme du cinéma ». Le cinéma restera toujours déterminant dans la carrière de cet écrivain singulier et inclassable et les articles qu’il écrira n’auront pas un regard de critique, mais seront, avec son style bien à lui, une théorie du spectateur et d’une esthétique comparée du cinéma et des autres arts. « Les mots changent de sens selon la bouche qui les forme ». Il souligne d’ailleurs la différence du regard du critique de cinéma et celui du spectateur « profane ». « Il faut que le spectateur soit un peu critique et le critique un peu spectateur ». Audiberti, lui, pensait cinéma. L’écran des rêves était comme un starter enclenchant son imagination débridée et sa première source littéraire, nourrissant la fantaisie frénétique de tous ses écrits (romans, pièces, poèmes). Pour lui, un film était une aventure entretenant ses fantasmes, une rencontre pourvoyeuse en femmes fatales, magnétiques, hypnotiques, ces premières vamps, ces sorcières. Les actrices mythiques étaient prétextes à stimuler son imagination. Greta Garbo qui ne cessa d’émettre une luminosité particulière... Ou Marlene Dietrich une ogresse, dont il précise «l’impression envoûtante de son regard et le charme indéfinissable de ses mollets ». Mais il parle aussi de « l’anatomie en fourchette à huître » d’Edith Piaf et ne néglige pas les hommes. « Charlot, blanc d’épiderme et le reste très noir, comme au pochoir, nous hallucinait, papillon acrobate ». « Raymond Rouleau présente, avec un naturel parfait, un type banal et sommaire, d’homme à peu près invisible qui marche dans la vie derrière son sexe », ou encore « Fernand Ledoux, à lui tout seul, est tout un poème, tout un drame en chair et en os, avec cet air blafard, bouffi, ce crâne avec trois mèches... » Avec ses digressions rêveuses et jubilatoires, Audiberti aide le spectateur à penser autrement. Franchissant le mur du fond, il entre carrément dans l’écran comme spectateur : il le fait avec des mots qui pourraient atteindre les images. En magicien, il nous promène d’un film à l’autre, nous véhiculant dans sa fantaisie poétique. Il offre ce que la « critique » n’ose plus produire : de la surprise, du risque, de la fascination et du style. Le style n’est pas, pour la critique, un superflu, il permet un pont entre deux moyens d’expression différents (le cinéma et l’écriture) et aide à produire de la pensée par la construction même de ce pont. Pour Audiberti, chaque article apparaît comme une contribution à une théorie du cinéma. Le merveilleux revient souvent sous sa plume et il regrette les scénarios en prise avec la réalité. « Il apparut que le merveilleux, pour demeurer merveilleux, aurait dû se maintenir dans une incompatibilité rigoureuse avec le monde concret où nous étions nés ». Il vante le dessin animé de Walt Disney et son univers, mais il classe Le Troisième homme (film primé à Cannes en 1949) dans la pire famille des navets sculptés. Excluant toute séduction, il n’hésite pas à saquer des films définis par d’autres comme des chefs-d’oeuvre. Audiberti, un cinéaste sans cinéma, aurait-on dit (Qui ? Truffaut, son grand admirateur ?). Sa carrière s’est achevée avec le scénario de La Poupée d’après un de ses romans, film réalisé par Jacques Baratier. « Marre, marre, marre » sont les derniers mots qu’il écrit avant de s’éteindre un samedi précédant la parution de Dimanche m’attend, son journal romancé. CB-L (1) La forteresse et la marmaille -Ed du Seuil (2) Editions « Les Cahiers du Cinéma » En haut : Lycée Jacques Audiberti, à Antibes-Juan Les Pins © Studio Photoguy Ci-contre : Portrait de Jacques Audiberti, par sa famille
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NICE
Quentin Derouet et Remi Voche : « Être envie ! »
L’exposition des lauréats du Prix de la jeune création est toujours l’occasion de découvrir les mouvances en gestation de l’art contemporain. « Une gerbe d’intentions » dévoile jusqu’au 2 février deux tempéraments d’artistes aux pratiques différentes mais puisant à la même source. Ci-contre: Quentin et Remi © Anthony Mirial
Ci dessous: Quentin Derouet © Anthony Mirial
Chaque année la ville de Nice remet deux prix à l’occasion de l’exposition estivale des jeunes diplômés de la Villa Arson. Parmi la trentaine d’artistes fraîchement sortis de leur cursus de cinq ans, Remi Voche et Quentin Derouet se sont vus décerner en 2012 le prix de la Fondation Venet, et celui de la ville de Nice. Deux récompenses assorties d’un soutien financier et d’une résidence qui leur a permis d’œuvrer sur un projet en commun et de le présenter un an après à la Galerie de la Marine. Deux artistes qui célèbrent la vie, chacun à leur façon car comme aime à dire Quentin en citant Brel « On fait ce qu’on peut mais il y a la manière ! » Et le style est bien ce qui rend ces deux jeunes créateurs différents. Quant au fond, il est commun. Leur boulimie à ingérer, embrasser, célébrer, éprouver, traquer la vie dans ses moindres replis, n’a d’égal que leur passion à la transmettre. Généreux ils le sont aussi en deçà de leur démarche plastique. Quentin préfère parler de poésie, de littérature, de philosophie, Remi, marathonien et aventurier anthropologue loue lui les vertus de l’effort physique comme moyen de « transport » pour faire corps avec l’énergie du vivant. Bref deux « sérieux clients » pour les cimaises d’une galerie, deux esprits libertaires, irrévérencieux par défaut réunis autour d’une scénographie mêlant photos, vidéos, sculptures, totems, masques, écrits, parfums, un authentique abri de chasseur et une fausse scène de théâtre.
L’inspiration… « Je ne peux pas me contenter de la cimaise. Les œuvres que j’ai installées, la galerie fictive, la scène de théâtre, c’est une façon de représentation. Je revendique de manière littérale que tout est spectacle. Et quand on va voir une exposition, on fait aussi partie de ce spectacle » explique Quentin Derouet dont le travail quotidien consiste à observer le monde et qui œuvre afin de purger les esprits de ce qui en altère sa perception « A la fin de sa vie, Cioran, souffrant d’Alzheimer, mangeait des fleurs parce qu’il ne savait plus ce que c’était ». Le « Syndrome de Cioran » de Quentin : la possibilité de saisir les choses sans les restreindre, d’aimer sans évaluer, sans compter ? « L’art n’a rien de plus extraordinaire que le simple fait d’être en vie. J’essaye d’aiguiser un regard sur ce principe ». Un regard habité par la poésie et transcendé par le plaisir. « J’arrive à vivre un présent plaisant, à être à la fois dedans et dehors, observateur et acteur, ce qui induit l’idée du jeu. Je m’amuse alors à inventer une galerie dans la galerie, une théorie, une tradition, la fête du plus jamais ! » Une fête qui marque un instant de sa vie où il faillit la perdre par imprudence. Le poète invente un parfum aussi ambitieux qu’improbable « Quand je relis ce que j’ai écrit adolescent tout était déjà là, sauf le style. J’ai pris tout ce que j’avais réalisé pour en révéler le dénominateur commun. J’ai amassé puis distillé tout ce que j’avais produit sur papier, carton, toile, pour en extraire trois gouttes ». La quintessence ou Quentin essence obtenue, la voilà déclinée non sans humour en ligne de parfum. « Bien sûr il s’agit d’un artifice, d’un leurre, cela
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Dans le sens des aiguilles d'une montre:
Œuvres de Remi Voche
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Remi Voche, Arbre cosmique, 2013 ©DR
© Anthony Mirial
Remi Voche, Vive la france, 2013 ©DR
Portrait de Remi Voche © Anthony Mirial
reste de la matière, toute la poésie est dans le vide ». Un vide qu’il aime piéger avec les mots. Un rien de Jean Dupuy dans cette théorie mise sous verre, qui épuise, évide le sens jusqu’à prendre le poétique en flagrant délit. Un vide qu’il mesure à l’aune d’une photographie qui évoque l’infini cosmique mais n’est autre qu’un photogramme de la poussière de son atelier. Et le souffle ! Remi, qui s’adonna d’abord à la « street photographie », préfère aujourd’hui la nature, terrain d’action en friche où son énergie se connecte avec celle des éléments. « Je travaille beaucoup à l’extérieur. Quentin et moi, c’est deux pratiques différentes. Extérieur/ intérieur pour faire court, mais nous avons beaucoup de choses en commun. Pour cette expo, on s’est beaucoup appelés, car j’étais en résidence chez un collectionneur dans le Var, puis au festival de performance de Belfast, » Mais dès septembre, les pistes se précisent : « Quentin a besoin de passer à l’écrit. Pour moi tout est plus sur le moment. J’ai vécu cet accrochage comme un marathon. Une quinzaine de journées physiquement intenses, je me suis coltiné depuis Canjuers une cabane en tôle de chasseur, transporté des litres de terre. Exposer c’est comme une compétition, il y a la préparation, puis la mise à l’épreuve avec le public », explique ce performer photographe qui a amené à la galerie des travaux réalisés lors de ses escapades. Des photos
faites au déclencheur « composées comme des tableaux » où il se met en situation en pleine nature. Ici faisant corps avec un arbre se confondant au végétal, là croulant sous un amas de pierre, venant du barrage tristement célèbre de Malpasset, « parce qu’en France j’ai parfois l’impression de faire du sur place », là encore posant autour d’une piscine avec un chevreuil « divinité des indiens hopis ». Des vidéos sur le même principe, comme celle où on le voit dans un champ ingérant à genoux de la terre, « celle où reposent mes grands-parents ». Tour à tour athlétique, burlesque, dépressif, mystique, celui qui fit son mémoire sur l’anthropologue cinéaste Jean Rouch et les maîtres fous, convoque dans sa quête la notion d’épuisement, la répétition du geste, fait appel aux rites agraires, païens, à l’animisme, au chamanisme, au vaudou, à la transe des derviche, etc. » La liste est longue, témoignant d’un appétit féroce à l’égard du monde, d’une urgence à étreindre l’humain dans sa multiplicité ? Quentin et Remi se retrouvent sur un point : « Si nos modes d’expressions sont différents, ce qui nous réunit c’est notre rapport au vivant mais aussi à la mort ! ». Le titre de l’exposition le sousentend explique Quentin. « Mais une gerbe d’intentions, c’est aussi une profusion de pièces avec une profusion d’intentions envoyées. Car ce sont les intentions qu’on retient au final ! » OM
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L’œuvre de Martial Raysse comme descente au paradis ? ©JP Mirouze
Une grande rétrospective Martial Raysse est prévue au Centre Pompidou à Paris, moment pour certains de faire le point sur une œuvre brillante mais complexe, contradictoire, soumise de par son auteur même à des malentendus certains, ce dont l’auteur se fiche apparemment ?
M
ais un jeune homme devenu célèbre très tôt sur une sorte de label, et qui a voulu se dégager du label tout aussi tôt, a sans doute vu toute sa vie avec un certain énervement ce label lui coller à la peau. Alors que s’il fallait trouver un mot-clé pour désigner Martial Raysse, ce serait le mot liberté, ou tout au moins, - c’est incontestable - désir acharné de liberté. Et c’est ce désir de liberté qui l’a sans doute fait toucher à tout et à son contraire, mais avec un tel génie que même quand il retrouve des techniques dites classiques qu’il ne maîtrise pas au sens classique justement - qu’il subvertit, je pense au dessin et au cinéma – toute chose faite par lui devient simplement l’outil d’une audace, d’une utopie, de l’expression d’une vision restée pour toujours ludique.
PORTRAIT
LA VIE DES ARTS
De gauche à droite : Martial Raysse avec son père et Nivèse devant la porte de la Galerie des Ponchettes en 1982 ©Frédéric Altmann
Martial Raysse avec son fils en 1982 pas loin de la Galerie des Ponchettes ©Frédéric Altmann
S’il y a une philosophie de Martial Raysse, c’est : si vous ne jouez pas avec le monde, si vous n’inventez pas votre vie, vos images, vos gestes, alors à quoi ça sert, car « la vie est plus belle que tout », sous toutes ses formes. Osez toutes les formes, personne n’est accrédité pour venir vous dire que vos inventions ne valent rien. Inventez, et fichez-vous du reste. Mais pensez, surtout. Pensée du jeu au sens de ce qui peut branler lorsqu’on le dégonde, ne restez pas en place. Préparez-vous à chaque seconde de votre vie à un grand départ. Quittez à chaque seconde vos propres pensées. Ne dormez pas, éveillez-vous. Martial Raysse a traversé le Nouveau Réalisme et l’Ecole de Nice comme un météore – du point de vue de l’institution - alors qu’il les a profondément marqués, et créés. Pas seul –Arman, Klein et Pierre Restany étaient là – mais, oui, créés. C’est paradoxal, et passionnant. Heureusement pour l’Ecole de Nice, trois des Nouveaux Réalistes français étaient de Nice et de ses environs, le Nouveau Réalisme fut la locomotive de l’Ecole de Nice, avec la confluence de Fluxus et Ben, autre maniaque de la libération des idées reçues. Mais, dès la fondation du Nouveau Réalisme à l’initiative de Pierre Restany chez Yves Klein, rue Campagne Première à Paris, Yves Klein et Martial Raysse ont rué dans les brancards, et refusé de se laisser assimiler. Arman, beau joueur, a toujours apporté son énergie et sa notoriété, sa caution même, au pot commun. Comme un père bienveillant. Contradiction intéressante, c’est que, si en 1967, quand une première « fédération » de l’Ecole de Nice (selon le terme d’Arman lui-même) est accomplie par Alexandre
Osez toutes les formes, personne n’est accrédité pour venir vous dire que vos inventions ne valent rien. Inventez, et fichez-vous du reste. de la Salle, Place Godeau à Vence, Martial Raysse est déjà ailleurs (comme Arman et Klein), – en 1967 Martial Raysse expose chez Iolas à Paris et à Milan – il continue néanmoins de tenir, devant la caméra de Jean-Pierre Mirouze le même genre de discours qu’il tenait pour la revue Sud-Communication en 1961 (Sosno et Mirouze tous deux au Comité de Rédaction). Dans le Sud-Communication n°113bis de novembre 1961, le débat est animé par Sosno, qui demande à Yves Klein, Arman et Martial Raysse : « Vous faites partie tous les trois de ce qu’on a pu appeler l’Ecole de Nice, pouvez-vous donner quelques caractéristiques de ce groupe ? », et Yves Klein de répondre : « Je pense que l’Ecole de Nice est à l’origine de tout ce qui se passe depuis dix ans en Europe ». Il termine avec l’idée que « l’artiste aujourd’hui est un artiste international, il est l’artiste du monde ». Et Martial Raysse : « Moi j’ai là une vue provinciale. Je suis arrivé à Paris, et mon hygiène de la vision niçoise m’a fait gagner du temps. Tout un côté tachiste de ce qui se présenterait comme une avant-garde – on aimait encore la rouille, on s’attendrissait avec des bouts de torchons déchirés et tout cela, au fond, c’était du tachisme ; on part de trapèzes avec des vieux procédés, c’est toujours la même manière d’aborder la surface. Je me suis aperçu qu’il y avait l’envergure et une pureté de l’esprit qui était
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Martial Raysse avec son père et son fils en 1982 devant la Galerie des Ponchettes (Nice) à l’occasion de l’exposition « Les Nouveaux Réalistes, Œuvres 55-65 » (9 juillet-26 septembre), galerie dans laquelle Frédéric Altmann était chargé de mission ©Frédéric Altmann
tout à fait différentes à Nice. Il y a au départ, formellement, des différences ; il n’y a plus aucune construction dans le travail des peintres de l’Ecole de Nice. On cherche une réalité de fait, une chose en soi ». Martial Raysse a particulièrement théorisé devant la caméra de Jean-Pierre Mirouze, à Nice dans un Prisunic, chez un brocanteur, sur la Promenade des Anglais, Mirouze qui pouvait parfaitement l’entendre puisque, dans le Sud-Communication n°108bis (article intitulé « Tendances du Nouveau réalisme niçois »), Sacha Sosnovsky avait écrit : « Dans la musique aussi les résultats sont extraordinaires : Jean-Pierre Mirouze prône et illustre une HYGIÈNE DE L’OREILLE grâce à la musique concrète et électronique, il veut nous rendre capable de jouir de tous les sons quelles que soient leurs origines ou leurs destinées… ».
Et il se trouve que Jean-Pierre Mirouze vient de retrouver l’interview filmée qu’il a faite de Martial Raysse le 27 juin 1967 à l’occasion de son exposition chez Alexandre Iolas à Paris. En voici des extraits :
Pierre Restany – A partir du moment où tu nous présentes une exposition comme ça, tu as un problème moral qui se pose… tu es conscient de ça ? Martial Raysse – Je suis conscient de ça… par exemple tout l’art qu’on nous présente et la manière dont nous vivons, ce n’est vraiment pas moderne, on vit dans des maisons antédiluviennes, les voitures que nous avons sont ridicules, l’Arc de Triomphe blanchi c’est aussi ridicule que Park Avenue. Park Avenue ce n’est pas moderne non plus, on pourrait avoir une vie tellement différente. J’aimerais que les gens prennent conscience d’une manière physique que vraiment notre monde doit être autrement, qu’on doit changer nos mœurs, changer nos manières de vivre, changer la vision, et moi je travaille sur la vision, quand je faisais le
Prisunic, c’était pour expliquer aux gens : voilà, le Prisunic c’est beau, la matière plastique c’est vivant, le néon c’est un matériel qui ressemble à la vie, qui ressemble à la chair, c’est ce qu’on doit faire, c’est dans cette direction qu’on doit aller, et maintenant j’essaie d’expliquer aux gens que le Pop Art, les affiches, le langage de la rue, le néon, c’est un langage qui est devenu commun, nous aimons le modernisme… mais on doit aller au-delà, le monde agressif que nous connaissons ce n’est pas ce qui doit être, il faut découvrir une nouvelle image de l’homme, il faut découvrir une nouvelle situation dans l’univers, il faut avoir de nouveaux problèmes, il y a un sens caché de la vision que nous devons trouver. On a essayé d’expliquer aux gens : voilà, le modernisme et le progrès, c’est une chose vécue, et qui vaut la peine d’être vécue, il faut en avoir conscience, il faut raisonner cette chose-là, il faut la vivre intensément, mais, en plus, le travail c’est de découvrir le monde tel qu’on ne le voit pas, et tel qu’on le verra demain, ça c’est le travail que j’ai voulu faire, et je l’ai fait, comment dirais-je, en utilisant – dans ces tableaux, sur des grandes surfaces qui sont pour moi symboliques du visage, dans ces lieux géométriques du visage où s’inscrivent certaines formes – certains objets de la technologie, comme la télévision, comme un transistor n’est-ce pas, qui pour moi servent de relais avec le public. C’est-à-dire que Raphaël prenait une Madone parce que pour lui c’était un moyen de communication, moi je prends une télévision parce qu’une télévision
il faut découvrir une nouvelle image de l’homme, il faut découvrir une nouvelle situation dans l’univers, il faut avoir de nouveaux problèmes, il y a un sens caché de la vision que nous devons trouver. c’est un phénomène vécu, grâce à cette télévision j’arrive à redonner une image différente du monde, une vision différente du spectateur. Par exemple dans une télévision on se voit toujours de face, et moi, de la manière dont j’ai installé le circuit, les gens se voient de dos, il y a un lieu géométrique qui est le sigle, qui est l’expression du visage, et bien : les gens se voyant à la télévision voient cette grande forme vide, et en même temps voient leur propre dos, ils ont l’impression de se diluer, ils doivent se dire « tiens, est-ce que je suis comme ça, quelle est ma place, que suis-je ? » se poser des questions. Au fond on fait un travail pour que les gens se posent des questions.
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LA VIE DES ARTS
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Martial semble s’être dit très tôt : « si je veux le faire je peux le faire », mais surtout : « ne peut-on pas énormément quand on laisse faire ? »
©JP Mirouze
Larguer les amarres semble avoir été le but permanent d’un jeune homme dont Alain Jouffroy, au début de son livre « Martial Raysse » (1996, Fall Edition), dit : « Homme libre et fier, épris d’audace et de liberté totale, Martial Raysse est d’abord un poète : il a commencé par publier des poèmes à dix-neuf ans, et continue d’en écrire. Un poète, mais aussi, et cela va souvent de pair, un utopiste, qui voit grand, et cherche à pré-voir l’avenir. (…) Il s’agit en tous cas d’un artiste dont la base sensible est celle qu’organise un verbe, une parole » (Alain Jouffroy). Synthèse de Martial Raysse sous une autre forme : « Le grand départ », film fait par lui, d’une heure dix, constitué en grande partie de son négatif au sens technique, les temps y sont mêlés - avec femmes de l’époque (1971) libres de leur corps mais revêtues de vêtements hippies, ressourcement dans esthétique ethnique - et aussi les ethnies parmi lesquelles l’Occident comme une parmi d’autres. Evidemment un gourou, grand-prêtre, et une petite fille, son nom est « Innocente ». Il faut entendre Martial Raysse parler comme on prophétise, tel une pythie, dire tout ce qui lui passe par la tête, mais qu’on ne s’y trompe pas, il est tellement habité par la question de l’art, par la question de la civilisation que cela coule tout seul, à coups de mythologie grecque et d’art tribal, d’Angélus de Milet, de Mona Lisa, de Femmes d’Alger, de Liberté guidant le peuple, d’Embarquement pour Cythère, entre autres… et l’envers de l’image, renvoyant les formes à leurs taches psychédéliques, est une leçon de peinture, peinture pure derrière laquelle on devine les objets, les gens, l’intrigue. Mais c’est : la peinture d’abord. Epopée époustouflante où l’on pourrait dire que Martial Raysse a rencontré sa propre puissance au sens de Spinoza, réponse à la question « que peut un homme ? ». Martial semble s’être dit très tôt : « si je veux le faire je peux le faire », mais surtout : « ne peut-on pas énormément quand on laisse faire ? »
Martial Raysse a rencontré Jean Cocteau en 1957 (exposition « Les peintres de 20 ans »), et son film « Le grand départ » a beaucoup du « Testament d’Orphée » : têtes d’animaux, mélange de prosaïque et de revisitation des mythes, côté enfants terribles. Hanté peut-être, Raysse, par la phrase de Cocteau dans « L’éternel retour » : « Les choses savent ce qu’elles font, laissons-les faire ». Martial Raysse fait-il autre chose que d’être là où il est ? En commençant magiquement par de la haute pâte dans la cave de ses parents, qu’il va reconnaître chez Dubuffet, grâce à son ami Jean Brandy. Ils étaient dans le car Nice-Beaulieu, Jean Brandy lui prête un livre : « il reçut le premier grand choc de sa vie de tout jeune artiste, en reconnaissant exactement ce qu’il cherchait dans la reproduction d’une Haute-pâte de Dubuffet », écrit Jouffroy. « J’ai été obligé de descendre du car pour retrouver mes esprits », dit Martial. « J’étais coincé entre mes instincts personnels et un grand courant que l’on nomme art. J’ai compris qu’il n’y avait pas de génération spontanée, mais qu’il fallait remonter aux sources » FD
Martial Raysse par Jean-Pierre Mirouze Jean-Pierre Mirouze, dont les précieux documents sont aujourd’hui mis à la disposition des grands musées nationaux à l’occasion des Rétrospectives historiques, a écrit, spécialement pour Art Côte d’Azur, ce témoignage : « Martial Raysse est un enfant perdu sur la planète terre. Donc il s’attache à la découvrir et à l’épingler avec la précision et l’émerveillement d’un entomologiste. Comme dans « l’effet Papillon », son travail est allé jusqu’à faire trembler le monde de l’art. Bien qu’ayant signé la charte des Nouveaux Réalistes, adopté par ses frères explorateurs Arman et Yves Klein qui avaient décelé chez lui un talent exceptionnel de découvreur, le réel n’était pour Martial qu’une apparence douteuse. Cependant il s’est efforcé de le toucher dans l’expression de cette humanité pour lui étrangère mais fascinante. Y a-t-il une vérité, une pierre philosophale du réel ? Dans sa quête inlassable et diversifiée son rêve est devenu de l’or. Poète, écrivain, cinéaste et artiste peintre, il a commencé par
adopter et délivrer son évangile de « l’hygiène de la vision ». C’est dans cette attitude que je l’ai rencontré alors que j’étais à l’école de l’art et de l’amitié avec Arman et les autres Nouveaux Réalistes résidant à Nice, Düsseldorf, Milan et Paris. Acceptant d’être filmé, Martial m’a emmené à son marché, le Prisunic, caverne des inventions de l’homme, rutilante de laideur, de couleurs et d’étrangeté. Au moment d’entrer il a dit : « voici la descente au Paradis ». Ce qui m’a interpelé, c’est le mot descente. J’ai compris alors que Martial, avant d’être peintre et sculpteur, était un oracle et qu’il aimait passionnément l’humanité. » Jean Pierre Mirouze, jeudi 24 octobre 2013
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Je pense donc j’écris.
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Conservatrices de musées les femmes ont le vent en poupe !
La profession se féminise, c’est flagrant. Et cela dès l’école permettant d’accéder à la fonction. Alors, ce n’est finalement pas une surprise, et c’est même une assez lente évolution, dont nous sommes témoins dans les musées des Alpes-Maritimes et à Monaco. Nous nous intéresserons à quatre d’entre elles, dont les profils sont très différents. Cela nous permettra aussi de découvrir, à travers elle, une profession exigeante qui demande des connaissances pointues, mais qui est aussi le lieu d’expériences uniques, de passions partagées. Ces portraits de femmes sont autant de facettes du métier et cela donne envie de se plonger dans une activité passionnante et qui n’est plus, depuis bien longtemps, l’apanage des hommes.
Françoise Léonelli Conservatrice du Musée Cocteau
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Menton, l'architecte Ricciotti a créé un superbe écrin pour accueillir le musée Cocteau. En bord de mer, face au Bastion, tout près du vieux marché couvert, les volutes de béton du musée répondent parfaitement aux courbes du rivage, aux traits fluides et à la ligne claire des dessins de Cocteau. Un musée particulièrement photogénique où la mer si proche projette ses reflets sur l'architecture, ajoutant à la luminosité des lieux. Un dedans-dehors agréable ouvert sur la ville d'un côté et le bord de mer de l'autre. Les 2 000 pièces de la collection Wunderman offrent à Françoise Léonelli, mentonnaise d'origine, une grande richesse de programmation. Après des études de langue et d'histoire de l'art, elle a travaillé pour le galeriste parisien Templon, avant de vivre plusieurs années aux Etats-Unis. Revenue dans sa ville comme assistante au Musée des Beaux-Arts, elle participe à la création de l'Ecole d'Arts Plastiques de Menton, avant d'être nommée Conservateur du Musée, un métier qui s'est beaucoup féminisé ces dernières années (près de 70% des conservateurs sont des femmes). Ce métier aux compétences diverses qui demande à la fois de la rigueur pour l'organisation du lieu, la tenue des inventaires, la conservation et la documentation des collections, nécessite aussi un sens de l'accueil et de la transmission, qualités qui semblent bien correspondre à celles généralement attribuées aux femmes.
Depuis le 11 octobre, date anniversaire de la disparition de Jean Cocteau, une nouvelle exposition « Cocteau, Matisse, Picasso, méditerranéens » évoque les années 50-60 où Cocteau est à Santo Sospir, Picasso à Vallauris et Matisse à Vence. En référence à la mythologie grecque qui a inspiré les trois artistes, un parcours conçu comme un labyrinthe présente six thématiques : Méditerranée, Taureaux, Jazz, Amitié, Ateliers décentralisés, Murs tatoués. On y retrouve les grandes figures mythiques méditerranéennes : le Minotaure (illustré à la fois par Matisse et Cocteau pour l’album Pasiphaé), les centaures, les faunes, les sirènes, les taureaux. Une exposition très riche, diverse et agréable où sont présentés des peintures, dessins, mais aussi des extraits de film, des photographies, etc. L'exposition évoque aussi les ateliers des trois artistes, ainsi que les chapelles peintes et autres décors monumentaux entrepris dans la région. Sous le titre : « Héritages des Etrusques, de Menton à Knossos », l’espace temporaire est dédié aux céramiques. Ces œuvres de ces années 1950 à 1960 nous insufflent une légèreté, une intimité, une sensualité et une joie de vivre dans la lumière éblouissante de la Méditerranée. En ce moment : exposition « Cocteau, Matisse, Picasso, méditerranéens » jusqu’en novembre 2014.
Jean Cocteau : Faune, 1961
Jean Cocteau : Chèvre-cou, 1958, Céramique © ADAGP, Paris
© ADAGP, Paris 2013 / Musée Jean Cocteau collection historique, Menton
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2013 / Musée Jean Cocteau collection historique, Menton
Cocteau et Picasso. Villa La Californie, Cannes, 1951 © ADAGP, Paris 2013
Portrait de Françoise Leonelli, conservatrice du musée Cocteau, devant la tapisserie Judith, de Cocteau
MUSÉES
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Véronique Serrano Musée Pierre Bonnard qui pose la légitimité du lieu, le peintre y séjournant de 1922 à 1947 (dès 1926, dans sa propre maison atelier). « Parti de rien, notre fond compte aujourd’hui 150 œuvres. Enrichir la collection par dépôts, donations, achats est la priorité. La succession Bonnard a connu un procès de 20 ans, dispersant les œuvres chez des privés jusqu’aux Etats-Unis. La tache est ardue mais la Mairie nous soutient, comme les collectivités qui nous ont alloué cette année 80 000 euros de subventions pour les acquisitions ». Un dépôt d’une pièce de 1903 est en cours près d’un collectionneur varois. Présentée une fois par an au Musée, une partie de ce fond y est visible jusqu’en mars. « Au printemps nous ouvrirons le second volet d’une collection d’estampes Nabi, groupe auquel appartenu le peintre. Cet été, nous exploreront le thème des belles endormies de Bonnard à Balthus, son plus grand admirateur » A côté de ceux de Matisse ou Chagall, le musée Bonnard est une jeune pousse, mais l’avenir lui sourit : « Avec 160 000 visiteurs en deux ans nous avons dépassé les prévisions. Nous sommes forcément dans une perspective d’évolution. Il faut développer le mécénat auprès des entreprises. Nous avons reçu les amis du Metropolitan de New York mais travaillons à créer BONNARD l’association des amis du MuET LE CANNET sée Bonnard. Nous sommes DANS LA LUMIÈRE DE LA MÉDITERRANÉE les seuls à bénéficier d’un 26 JUIN - 25 SEPTEMBRE 2011 partenariat avec le Musée d’Orsay. En 2015, nous travaillerons également avec la Kunstalle de Hambourg. »
Musée Bonnard, Le mariage du classique et du contemporain pour 800 m2 de surface d'exposition
L’exPosiTion
www.museebonnard.fr +33 (0)4 92 18 24 42 16 bd Sadi Carnot Le Cannet / Côte d’Azur
le cannet
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© DR
CÔTE D’AZUR « Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication Direction générale des patrimoines/Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État »
Design Bik et Book © Vincent Hanrot - Pierre Bonnard, L’atelier au mimosa. Centre Pompidou, musée national d’Art moderne, Centre de création industrielle, Adagp, Paris 2011.
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articiper à la naissance de l’unique musée au monde dédié à l’un des grands maîtres de la peinture, c’est l’aventure que vit au Cannet depuis quatre ans Véronique Serrano. Il fallait un conservateur d’expérience pour créer ce musée monographique d’envergure dans une ville de 42 000 habitants. Et de la ressource Véronique Serrano, n’en manque pas, forte de ses 25 ans aux Musées de Marseille. « Quitter la cité phocéenne pour le Cannet ne fut pas évident mais cela n’arrive pas souvent dans une carrière d’avoir la chance de faire naître d’un tel projet muséal ». Dès 13 ans, Véronique achète avec son argent de poche l’atlas de l’art. Ses parents lui refusent une filière littéraire. Son bac en économie passé, elle s’inscrit dans plusieurs écoles d’art de la capitale. « Mais la pratique m’intéressait moins que l’histoire de l’art, aussi, dès 1981, j’ai intégré l’Ecole du Louvre, la référence en la matière ». Suivront 8 ans d’études, un doctorat à la Sorbonne et un diplôme en muséologie. « Le concours de conservateur n’existait pas encore, je l’ai passé plus tard ». Véronique est encore étudiante en 1987 quand elle devient stagiaire au Musée Cantini de Marseille. Elle y restera 25 ans. Elle y occupe le poste de conservatrice, lorsque Michèle Tabarot, Maire du Cannet, la contacte. « Spécialiste en art moderne, et en peinture, Bonnard m’a toujours passionnée. Au Musée Cantini, j’avais exposé ses dessins. J’étais très liée avec la famille et les collectionneurs, ce qui me valut d’être consultée dès 2007 puis de prendre mes fonctions en 2009. La mission de préfiguration était déjà engagée avec Françoise Cachin, ex-directrice des Musées de France, et Marina Ferretti, historienne de l’art experte en impressionnisme ». Leurs expositions préfiguratives étoffent le projet. En 2011, le musée municipal Bonnard « labélisé » Musée de France est inauguré avec l’exposition « Bonnard et le Cannet »
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MUSÉES
Sarah Ligner Musée National Marc Chagall
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28 ans, Sarah Ligner est la plus jeune conservatrice du Musée Chagall, le seul en France dédié au peintre et qui vient de fêter ses 40 ans. Elle est aussi la plus jeune en charge d’un musée d’état dans notre région. Une tendance nationale « Je suis issue d’une promotion dont la moyenne d’âge oscille entre 25 et 30 ans ». Chaque année on compte un millier de candidats pour une quarantaine d’admis au concours de conservateur de la fonction publique à l’INP (Institut National du Patrimoine). Sarah, qui est née en 1985, l’année de la disparition de Chagall, y a fait sa préparation mais sa passion ne date pas d’hier. Elle n’a que six ans lorsqu’elle visite avec son école le musée d’art moderne et contemporain des Sables d’Olonne, sa ville natale. Premier choc : l’artiste Chaissac. D’autres suivent au fil des musées découverts avec ses grands parents. Au lycée, elle prend goût à l’histoire de l’art, une passion qui la conduira à intégrer de 2003 à 2008 l’Ecole du Louvre. Après son diplôme de muséologie elle décroche celui de conservatrice à l’INP et intègre à l’automne une des grandes maisons de la RMN (Réunion des Musées Nationaux) à Nice. « Figuratif en pleine abstraction, attaché au religieux au moment où cet art est battu en brèche, en marge par défaut, Chagall m’a toujours intéressé ». La jeune conservatrice, consciente d’être l’interface entre le public et le musée, est très attachée à « valoriser un patrimoine et le transmettre aux générations ». Ses missions : la programmation des expositions en concertation avec le directeur des Musées Nationaux des Alpes-Maritimes, le développement de la collection et la gestion du lieu. Pas le temps de jouer les ronds-de-cuir d’autant que ce musée monographique avec son auditorium intervient sur plusieurs fronts. « Le message biblique n’étant plus l’axe central depuis 2008, l’ensemble de la collection doit y être traité et exposé de façon permanente. C’est aussi un musée thématique qui explore l’œuvre en transversalité avec des prêts extérieurs. Chagall voulait qu’il soit ouvert à toutes les spiritualités, ce fut fait dès l’origine puis ce dialogue s’est ouvert aux artistes contemporains qui peuvent entrer en résonance avec la collection. » Cet équilibre sera maintenu en 2014. Le Musée accueillera en février la photographe Natacha Lesueur, en juin le peintre Denis Castellas, tandis que l’œuvre chagallienne sera revisitée avec une toile monumentale « La vie », prêtée par la fondation Maeght.
Sarah souhaite également réactiver la confrontation du fonds avec d’autres cultures de la spiritualité « Pourquoi pas l’Afrique ? » avance celle dont les parents vécurent au Congo et qui fit son mémoire sur l’art contemporain africain et l’artiste Ernest Mancoba. D’autres projets liés aux nouveaux enjeux sont à l’étude, « La médiation pour diversifier les publics. Nous poursuivrons l’effort vers les locaux, minoritaires par rapport aux visiteurs étrangers. En manque d’ateliers pour les plus jeunes et d’espaces pour nos expositions, nous réfléchissons à une extension sur le site. Face aux budgets publics en baisse, le mécénat privé qui permet déjà à nos catalogues d’être édités avec la Banque Populaire Côte d'Azur, est une alternative à développer tout en préservant l’identité du musée et nos priorités publiques » OM
Tableau "L'arche de Noé", exposé au musée Chagall de Nice © Studio Photoguy
Tableau "Abraham et les trois anges", exposé au musée Chagall de Nice © Studio Photoguy
MUSÉES
Anonyme Nouvelle Salle de Jeux par l’architecte Charles Garnier en 1881 Encre de Chine, crayon graphite et aquarelle sur papier vélin, 49 x 71.5 cm © Archives Monte-Carlo S.B.M.
Nathalie Rosticher conservatrice en chef du Nouveau Musée National de Monaco
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etite fille d'un grand-père dessinateur, fille de Claude Rosticher, peintre, ancien Directeur de l'Ecole supérieure d’Arts Plastiques de Monaco, Nathalie Rosticher a fait des études d'Histoire à Nice (Licence) et de bibliothécaire à Marseille, avant de devenir bibliothécaire à Monaco pendant quatre ans. Elle démissionne et reprend ses études à 25 ans pour suivre les trois cycles de l’École du Louvre, puis de l’Institut national du patrimoine, spécialité musées, à Paris, dont elle sort diplômée en 1998. Elle revient dans sa ville natale pour occuper le poste de conservateur, d’abord au sein de la Direction des affaires culturelles, puis au NMNM depuis 2006. Le terme de "Conservateur" est loin de rendre compte de la complexité de ce métier qui en contient plusieurs : un travail d'inventaire précis, de conservation des œuvres et de leur documentation, la tenue d'un lieu, mais aussi la création et l'organisation d'expositions qui nécessite des échanges avec les artistes et d’experts, l'édition de catalogue... De l'élaboration du projet à la transmission au public. MONACOPOLIS Deux ans ont été nécessaires pour rassembler tous les documents présentés à l'exposition Monacopolis, qui récapitule l'histoire urbanistique et architecturale de la Principauté. Monaco est aujourd'hui un territoire saturé. La Principauté n'était peut-être pas destinée à avoir une des plus grandes densités immobilières du monde, en tous cas pas plus que les villes alentours, mais son histoire en a décidé autrement. En 1860, seulement 1.200 habitants se partageaient un territoire bordant le Rocher-résidence du Prince
(la superficie a varié au cours du temps, plutôt à son détriment). L'histoire de son urbanisme débute vraiment à l'arrivée de François Blanc, homme d'affaire, propriétaire du casino de Hambourg. Grâce à ses disponibilités financières et à son savoir-faire, il trouve à son arrivée le casino déjà construit sur la colline des Spélugues dont le terrain était peu cher (des cultures florales occupaient les terrains du bord de mer), mais c’est lui qui va lui donner son élan. La véritable Société des Bains de Mer (la SBM) était née qui allait changer la destinée de ce territoire. Les jeux étant interdits dans de nombreuses villes voisines, ce petit pays indépendant offrait à François Blanc l'opportunité de réaliser un beau casino, qui sera agrandi à des périodes successives, par une dizaine d’architectes. Il confia les plans du Théâtre à Garnier, ce sont les différentes périodes qui sont présentés à l'exposition, des superbes dessins architecturaux soigneusement aquarellés. Autour du Casino, de nombreux bâtiments vont émerger : hôtels, établissements de villégiature, habitations, etc. Les constructions vont se densifier jusqu'à nos jours, où, faute de place, chaque immeuble est remplacé par un autre beaucoup plus élevé. Une volonté d'harmonisation se fait jour alors ; on refait les places, les jardins dans un souci de cohérence. De nouveaux modèles de développement naissent, l'économie doit se diversifier, modifier son image de ville de villégiature liée seulement au jeu. La ville agrandit son port, organise une course internationale de formule 1, crée de grandes infrastructures hôtelières et touristiques, etc. Les plans et les objets présentés à la Villa Sauber donnent la mesure de ce développement accéléré. L’exposition Monacopolis présentait à la Villa Paloma jusqu’au mois de mai dernier le volet contemporain, les projets de grands architectes et urbanistes dont les propositions n'ont pas été réalisées (un livre de 650 pages, à paraître à la fin de l’année reprend l’entièreté du projet). Ces traces redécouvertes ajoutent à l'énigme d'une urbanisation exagérée. Mais Monaco, à la recherche d'un nouveau modèle de développement, continue d'attirer les touristes, les financiers, les capitaux (imposition réduite), etc. L’exposition se prolonge hors les murs et la ville prend ainsi une nouvelle dimension, à la fois territoire de mémoire, lieu de vie et espace toujours en devenir. AA
Maquette pour le parking des Boulingrins, 1988 Papier, carton, plastique, tontisse et fibres textiles sur structure en polystyrène, 44 x 241 x 83 cm © Archives de la Direction de l’aménagement urbain, Monaco
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ARTISTE
ou la théorie des cordes
Merakhaazan
Merakhaazan ne se déplace jamais sans son encombrant étui renfermant une contrebasse à moins que ce ne soit un passeport pour d’autres voyages !
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e célèbre monologue de La Contrebasse de Süskind aurait pu être écrit pour lui mais Jean-Christophe Bournine n’est pas musicien d’orchestre. Il est seul en scène et compose. C’est bien là que réside toute la magie ! Des boucles de basses qui se chevauchent, des percussions pulsant du fond de l’organisme, des harmonies démultipliées à l’archet qui déchirent l’air de traits acérés ou soyeux. Orientale, tribale, noisy, classique, cyclique, la musique de Merakhazaan vient d’une contrée lointaine, chimérique. Mais son auteur, lui, est bien là, s’activant dans le halo de lumière sur sa machine à démonter le temps. Et ce soir-là, en guest de Carla Bley, l’homme en noir (étaient-ils plusieurs ?), mit knockout dans les cordes la salle Grappelli ! Du skateboard à la contrebasse Se jouer des obstacles, des codes, expérimenter tous les terrains, surfer sur la crête, sur un fil tendu comme le funambule, le jeune homme, avant la musique, fit sa première expérience de l’air en skate. « Un univers où l’on brassait tous les styles : gothique, punk, grunge, pop, Nirvana, Beastie Boys et Sonic Youth » Il a 16 ans quand il joue dans un combo expérimental de la basse électrique. Sa rencontre avec l’ancêtre, deux ans plus tard. Du lourd ! « Jouer de la contrebasse, me semblait hors de portée comme le conservatoire ! » Pourtant après en avoir acheté une avec ses économies, le voilà au pied du mur : « J’ai pris des cours à Carros. J’étais le seul élève. Un élève sans grandes ambitions qui voulait juste apprendre la technique ». Finalement il s’aventure du côté du conservatoire de Nice. Celui qui rêve déjà de transformer sa contrebasse en générateur de sons y rencontrera un professeur qui lui donnera le goût du solfège et du classique. Il fait ses trois cycles mais surtout il perçoit l’étendue qu’offrent ces cinq cordes qui ont déjà suscité bien des vocations. « La contrebasse, qui se joue en classique à l’archet, s’est émancipée avec le rock et le jazz sur le mode pizzicato (cordes pincées). Le premier à avoir fait des traits mélodiques fut Berlioz. Dans les années 50, la technique s’est développée avec le jazz puis avec les compositeurs contemporains. Les cordes en boyaux ont été remplacées par du métal. Les jazzmen l’ont rendue plus véloce. On a découvert qu’on pouvait en tapant dessus créer des rythmes, et des sons bizarres en jouant les cordes après le chevalet ou en y insérant des objets comme John Cage préparait ses pianos »
que j’ai envisagé la possibilité d’une formule solo ». Au lieu de s’enfermer en studio, il se rode en live dès 2002 improvisant dans l’atelier du marionnettiste Serge Dotti ou au Bar des Oiseaux. 2005 marque sa naissance : « J’ai pu enregistrer en live à sa salle Juliette Gréco à Carros. Là j’ai validé mon projet et trouvé ce pseudo qui évoque un pharaon ou un guerrier mongol ». Après avoir enregistré ce premier LP, il décroche en 2007 le CAD (Conseil artistique au développement), un soutien de la région et de la DRAC. Un an plus tard, une carte blanche aux Nuits carrées où il invite Marine Thibault, flûtiste de Wax Tailor, Hervé Koubi et Dj Click. « Ce tremplin fait le buzz » comme quatre prestations successives à « 06 en scène » dont trois ciné concerts (Nosferatu, Un chien Andalou, Metropolis). Sur cette lancée on le voit en lever de rideau de Bumcello, Magma, Young Gods, Magik Malik, Secret Chiefs, Nosfell, Brigitte Fontaine. Toujours avec un retour positif quel que soit le public. « A la MJC Picaud, une ado m’accoste pour me dire qu’elle avait aimé le côté noisy. Son père me parle Terry Riley, une dame de mon côté classique. J’ai même joué la peur au ventre dans un village de chasseurs, mais ils sont restés scotchés ! Ma musique ne laisse jamais indifférent, chacun y trouve son compte ». Est-ce l’éclectisme de ce musicien qui a digéré bien des influences (classique, baroque, musique contemporaine, indienne, tzigane, indus, jazz, soul motown) ? Mais d’autres portes s’ouvrent… « Très vite, les chorégraphes se sont tournés vers ma musique hypnotique avec un temps qui s’étire, intéressant pour la danse». Après son one shot avec Hervé Koubi, Éric Oberdorff, l’invite à composer pour la Cie Humaine Butterfly Soul puis Juana au programme du TNN en novembre dernier. Les metteurs en scène s’y mettent. Premières expériences avec Voix publique et le collectif 8 pour une création de Paulo Correia au TNN, l’Ile des Esclaves. Il crée plus récemment pour la Cie Cellule T4 sur un texte de Pinter (Le Nouvel
Sur tous les fronts sonores Fort de sa nouvelle expertise, Jean-Christophe monte en 2000 « Marteau Ventouse ». Si le nom évoque un délire à la Jean-Pierre Jeunet, le trio s’inspire plutôt des expériences de John Zorn. Notre contrebassiste amplifié aux côtés d’une fille au piano électrique et d’un batteur qui envoie des samples, va poser au cœur de ce zapping musical un premier jalon. « Les pédales Delay sont apparues. J’ai adopté le système pour faire des solos en improvisant. C’est avec l’auto-sampling en temps réel Merakhaazan
© Alice Anne Filippi
cordes ARTISTE
Ordre Mondial) présenté en 2013 à la Semeuse et qui se produira en 2014 au Théâtre Anthéa. « C’est là que l’on m’a utilisé aussi comme comédien ». Une transversalité qui conduit le musicien à faire aussi des performances sonores et corporelles avec Daniel Pina ou Lisie Philip (Cie Antipode). Aujourd’hui Merakhaazan se partage entre tous ces champs, faisant parfois des incursions dans les arts plastiques : pour la Nuit des Musées près de Belfort, le vernissage d’Anthony Mirial à la galerie Maud Barral, avec le photographe Franck Olivas. « C’est une musique qui s’y prête. Pour le spectacle vivant c’est une évidence ! Le ciné-concert me permet lui d’aborder des formes séquentielles, sans début ni fin. Les musiques de films procèdent de cette façon. J’aimerais en signer une ! » Deux albums à son actif, dont en 2012 un récital électronique (Imago Record), Merakhaazan n’est pas un pilier de studios. « Je fais des disques pour trouver des dates. Ma musique est à entendre en live car il faut voir le processus de fabrication sur scène et parce que je ne fais jamais deux fois la même chose ! » OM
Recital Electronique © Imago records et production
Autres photos
© Anthony Mirial
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RENCONTRE
A l’occasion de l’exposition « Vanitas vanitatum omnia Vanitas » de Marc Alberghina (2013) à Roubaix (Q.S.P., Céramique contemporaine), sous le titre « Marc Alberghina, Séduire et horrifier », Frédéric Bodet écrit : La déchéance du goût, du style, du savoir-faire, qui caractérise la production mercantile actuelle de Vallauris, lieu-symbole où Marc Alberghina a choisi de s’établir, est devenue, aussi paradoxal qu’il puisse paraître, l’un de ses sujets de réflexion privilégiés.
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aurent de Verneuil, dans le catalogue « Body and Soul, new international ceramics » de l’exposition au Museum of Arts and Design de New-York, qui ira jusqu’au mois de mars 2014, écrit : « Dans un monde d’éperdue consommation, Marc Alberghina interroge la question de l’identité sur un mode tout à fait inhabituel, qui fait que son lieu de vie, Vallauris, devient un cas d’école symbolisant la décadence des cités industrielles ». Et le dernier numéro de la « Revue de la céramique et du verre » consacre de très belles pages à cette exposition, Patrick Favardin y écrivant que les œuvres de 24 artistes, dont 13 français, font voler en éclat les catégories, qu’ils ont choisi la céramique comme pratique vivante, pleine de ressources tant plastiques qu’émotionnelles, aucun d’entre eux n’entendant déléguer la mise en œuvre de sa création à autrui. Laurent de Verneuil, l’un des commissaires de « Body and Soul », explique à Patrick Favardin que cette ambitieuse réalisation est due au coup de foudre de Wendy et Martin Kaplan, les deux autres commissaires, pour la série de bustes présentés par Marc Alberghina dans l’exposition « Le décor est planté » à la Fondation Bernardaud de Limoges en 2011. L’Autoportrait A (2011) de Marc Alberghina illustre le propos. Marc Alberghina n’est pas né à Vallauris mais il y vit depuis plus de quarante ans, et si, aujourd’hui, d’éminents connaisseurs mettent l’accent sur l’aspect critique au sens noble de son travail vis-à-vis du lieu mythique qu’est Vallauris, pour en prendre une sorte de succession privilégiée, il est heureux que cette opération ne se soit pas faite intellectuellement dès le départ, mais plutôt qu’à travers diverses étapes senties (les mains dans la glaise), il soit allé chercher profond ses mythes intimes pour s’acheminer vers
L’œuvre de Marc Alberghina comme hymne à l’Intranquillité l’identification de sa place, ou plutôt de son lien, à l’Histoire de l’Art, à travers l’un de ses lieux fameux, cet endroit où un autre voyageur, Picasso, vint s’initier à la poterie. Mais rien d’une didactique démonstrative de la part de Marc, son œuvre utilise la céramique comme élément original, originel, d’une vision du monde qui en effraie plus d’un, mais en réalité revisite l’humanisme. L’analyse d’un monde sublime et effondré a ceci de paradoxal qu’un céramiste – ce ne peut être pour rien le met, ce monde ancestral, à la pointe de l’art contemporain. Et l’œuvre en question est tellement soumise à la conquête d’une écriture qu’elle s’inscrit dans les mémoires comme romans spéciaux, films – dans tous les sens du terme – se déroulant au fil des séquences. Certains titres scandent fortement l’Odyssée : « Désir mimétique », « Le Fonctionnaire », « La part belle », « Reliques », « S’imbriquer/Autour de la brique », « Le dîner du Crime », « [plus c'est moins][moins c'est plus] »… etc. Marc Alberghina, tourneur classique au départ, à bonne école de toutes les techniques, va partir rechercher en solo les potentialités d’autres matières, pour, plus tard, s’inscrire autrement dans la céramique en revenant explorer les produits même - exposés au long de rues entières - d’une longue fatigue devant tours et fours, et par la classification des modules qui jusqu’à l’industrialisation ont donné « le » Vallauris. La reconnaissance archéologique qu’en fait Marc Alberghina sauve la Tradition de la simple entropie, de la simple répétition mortifère de par l’effacement de ce que la nécessité (dans tous les sens du terme) avait engendré. Les pièces qui ne sont plus dans leur jus, replacées dans le système sémantique d’Alberghina, en tant que fragments de sens restituent la Nécessité. L’éclairent.
RENCONTRE
EN VILLE
Mais qu’en est-il du mythe individuel de l’artiste ? France Delville – Déjà votre travail sur le phallus touchait au mythe, phallus comme représentant universel de la puissance et de la fécondité je suppose… Marc Alberghina – Oui, j’avais vu cela à Délos. Mais à Vallauris (j’y suis venu à l’âge de six ans, venant de Normandie), j’ai été attrapé par la céramique. Le tournage a été ma première approche, j’avais 14 ans, on travaillait dans les ateliers, on grattait les bavures des pièces, il fallait les éponger avant de les cuire… Ensuite j’ai fait deux ans à Jules Ferry, école de céramique, entre tournage et décoration. Je savais dessiner, mais faire monter la terre avait un côté magique. Dans une journée de tourneur qualifié, je pouvais faire huit cent déjeuners, huit cent bols, manier cinquante kilos de terre, quand j’ai eu trente ans, j’ai su qu’il fallait que je m’arrête. J’ai donc été tourneur à mi-temps, et me suis dirigé vers la création artistique. Adolescent, sous le regard de ma sœur, qui dessinait très bien, j’avais reproduit des tableaux d’Egon Schiele ou Gustav Klimt. Schiele surtout, dont le côté morbide me fascinait.
Photos : © A Mirial
FD – Votre matière devient vite symbolique, au point qu’elle servira à l’évocation d’un boucher nazi, d’un Fonctionnaire ? MA – Entre symbolique et concrétude justement car, dans les interstices des cottes de maille des bouchers, même si elles avaient été nettoyées, il restait des bouts de chair, qui noircissaient… FD - Alors qu’est-ce qui dans votre œuvre a pu engendrer cette presque obsession de la mort ? Déjà les personnages longiformes que vous appelez africains évoquent la tragédie de la dénutrition, presque un génocide. MA – J’allais souvent en vacances du côté de Strasbourg, j’avais huit-dix ans, et mon
parrain m’a emmené voir des camps. Le plus terrible a été Dachau. Comment étaitil permis d’emmener des adolescents dans des endroits pareils ? Le fait est que ça a été déterminant dans mon histoire. FD – Qu’avez vu, dans les camps ? Qu’est-ce qui est visible ? MA – Justement, il n’y a rien de visible. Mais c’est la trace, c’est l’effroi. Quand on est gamin, on est autant fasciné qu’effrayé. Visuellement… ça m’a marqué à vie, lorsqu’on est enfant on est comme une éponge, et la question est : « ça », comment le ressortir ? Ma façon de le digérer et de l’analyser, c’est sans doute ma sculpture. FD
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ARTISTE
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mis en art
Aurore Danloux, la fraîcheur et la spontanéité issues des réseaux sociaux
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errière ses grandes lunettes, Aurore Danloux, jolie blonde de 23 ans, est plutôt discrète à la ville. Elle est artiste et architecte d’intérieur. C’est ce qu’elle aime dire aux gens quand ils lui posent la question. Pour la connaître, c’est du côté du web qu’il faut aller faire un tour. Et plus particulièrement sur les réseaux sociaux. Sa vie comme son art sont sur le web Tout a commencé avec un blog à 15 ans (les premiers skyblog pour ceux qui s’en souviennent). « J’aimais mettre en scène ma vie d’adolescente en crise et je l’utilisais vraiment comme un journal intime. C’est ce qui m’a intéressée par la suite dans les réseaux sociaux : cette manière d’exposer un journal intime aux yeux de tout le monde. C’était une façon pour moi de raconter les banalités de la vie quotidienne à travers mes yeux d’adolescente. Des moments de la vie de tous les jours tournés en dérision », explique-t-elle.
Le tournant s’est fait avec l’apparition de Facebook (et depuis les réseaux sociaux Twitter, Tumblr, Pinterest, Instagram…). « Au-delà d’être un moyen de communication très libéré à l’échelle planétaire et qui permet de presque tout dire (en tout cas selon les pays) […], c’est à l’échelle de notre personne que les réseaux sociaux ont créé une sorte de mise en scène de soi. Je trouvais vraiment intéressant de se pencher sur cette exhibition sur la toile. Se montrer en permanence, montrer des choses de notre quotidien, des photos de nous, de ce qu’on fait, de ce qu’on voit, de ce qu’on mange, etc. Aujourd’hui, il faut de la mise en scène pour gagner l’œil du public : le but est désormais d’avoir le plus de « J’aime », le plus de vues possibles sur la toile ». Immortaliser l’éphémère Partie de ce constat, Aurore Danloux a voulu immortaliser ces moments que l’on publie sur internet. « Tout cela est assez éphémère. On publie, mais il y a un tel flux d’informations, d’images qui circulent, que j’ai voulu les figer dans le temps et les imprimer sur papier photo pour les sortir de la toile. J’en fais des agrandissements qui permettent d’exagérer cette mise en scène de soi-même, déjà bien présente sur les réseaux sociaux. » Elle en fait des autoportraits froissés. Froissés pour le rendu esthétique, pour donner plus de relief, mais aussi car cela est fidèle à sa manière d’être et de penser. « Je suis un peu brouillon, pas sûre de moi, c’est un mélange de tout ça », sourit-elle. « Cela reflète bien le fait que je ne me prenne pas au sérieux. Je suis capable de froisser mon papier, mon travail… Je travaille essentiellement en noir et blanc aussi, toujours pour l’esthétique. » La seule touche de couleur qui ressort de ses photos, c’est sa bouche rouge, symbole de la féminité qui lui permet de se faire remarquer et se mettre en scène.
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De l’écriture façon blog à la place imposante de l’image Aujourd’hui, ses réseaux sociaux de prédilection sont Facebook « même si cela a perdu un peu en créativité » et Instagram où elle est très active. On parle de plus en plus aujourd’hui de personal branding (faire de soi-même une marque, faire son autopromotion) pour alimenter le buzz, maintenir un fil d’actualité présent sur la toile. Aurore Danloux complète : « Les réseaux sociaux sont un bon outil pour travailler la communication des artistes, puisqu’on est directement sous l’œil du public, du spectateur, c’est encore plus radical qu’une exposition où les gens viennent par flux. Là on est véritablement soumis à la critique du public. » Une critique sans filtre et souvent plus crue car anonymisée par un écran d’ordinateur. Un parcours tourné vers l’art Option arts plastiques au lycée Estienne d’Orves à Nice, puis une école privée (ILEC à Nice toujours) pour un BTS design d’espace, elle savait déjà où elle allait. Aujourd’hui architecte d’intérieur, cette artiste originaire de Clermont Ferrand travaille quand elle peut et n’importe où sur son temps libre. « Je n’ai pas d’atelier. Mon atelier, c’est ma chambre, un avion, un café, n’importe où mais devant un ordinateur. La plupart de mes photos sont prises avec une webcam. Avec mon ordinateur, à l’endroit où je me trouve, je dégaine la webcam et j’écris les textes qui vont parfois avec. C’est ce côté spontané que j’aime vraiment dans les réseaux sociaux. Cette idée de prendre des photos sans les retoucher. La photo est comme elle est, on l’adore, on la garde. C’est vraiment de l’instantané comme on pouvait en avoir avant avec les appareils photo jetables, les polaroïds », se souvient-elle.
La plupart de ses pièces naissent sur un coup de tête, une inspiration, une pensée du moment. Les textes se font moins présents désormais, notamment à cause de l’évolution des réseaux sociaux, désormais plus tournés vers les images. « Ce que j’aime vraiment, c’est ce complexe entre l’exhibitionnisme et la pudeur. Je trouve que ça marque un peu mon caractère. Timide à l’oral mais à l’écrit, je me lâche. Ça peut être un équilibre assez intéressant quand on est une artiste femme aujourd’hui. […] Il faut savoir s’imposer, marquer les esprits. J’espère qu’à mon échelle, je peux marquer les gens qui passent. » Et si demain les réseaux sociaux n’existaient plus, elle prendrait sa place via d’autres mediums. « Je pourrais afficher dans la rue, dans des journaux, squatter la place comme je peux à travers d’autres médias, d’autres points de vue », se projette-t-elle. Ses prochains projets artistiques, ils naîtront d’un moment, d’une énergie, d’un évènement qui lui donneront envie de créer, de réagir. Elle a bien quelques idées de pièces, mais rien de bien fixé dans son esprit. Alors voilà pourquoi on peut aimer cet art au regard neuf et spontané, mais encore (et pourvu que ça dure), sans arrière-pensée mercantile. Rendez-vous sur la toile pour aller à la rencontre de l’univers d’Aurore Danloux, aussi connue sous le pseudonyme de mrs_a… CM
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© Anthony Mirial
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Pierre-Auguste Renoir par Jacques Renoir
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égulièrement les grands artistes, trésors du Patrimoine, sont évoqués, presqu’en des incantations, protectrices : sont-ils des dieux tutélaires ? Avec Pierre-Auguste Renoir, cela se double d’un sens du bonheur, et d’une saveur, incommensurables. Dans cette circonstance, aller interroger son arrière-petit-fils, Jacques Renoir, qui pour sa part a pris la voie de la Photographie, et du Cinéma (en tant que directeur de la photographie, assistant réalisateur de Vadim, Sautet, Granier-Deferre, Cousteau), c’est à la fois facile et difficile, l’on sait qu’un « descendant » est aux premières loges pour parler d’un aïeul, mais l’on devine aussi sa fatigue devant les questions, toujours les mêmes, quant aux réponses, étant fixées par la Grande Histoire, il reste peu de marge. Avec Jacques Renoir, il reste l’énorme marge de son indépendance d’esprit, de sa sensibilité, de son humour délicat, et, en un mot, du fait qu’il a réussi à s’en faire une, d’histoire. Mais l’ambiguïté, il l’exprime d’emblée dans l’avant-propos de son livre « Le tableau amoureux » (Fayard, 2003) : « Par pudeur, j’ai longtemps attendu avant de livrer ce récit sur PierreAuguste Renoir, mon arrière-grand-père, sur ses fils Pierre, Jean et Claude, respectivement mon grand-père et mes deux oncles, sur les femmes, modèles et domestiques qui vivaient avec eux au sein d’une famille peu ordinaire. J’ai eu le privilège de passer mon adolescence aux Collettes, la maison familiale du peintre qui sert de décor principal à ce récit. Je dis bien récit et non essai biographique sur Renoir et sur l’œuvre ». Aux « Collettes », lieu mythique, Jacques Renoir a vécu, c’est ce qui lui a permis de décrire la vie de toute la tribu. Dans le temps limité de cet article, le thème choisi est le lien privilégié entre l’une des causes premières de la présence de Pierre-Auguste Renoir aux Collettes : des oliviers, qu’il a sauvé de la destruction. Ce n’est pas rien. L’amour de la vie, de l’amour, de la nature, du corps, de la sensualité, qui nous charment au sens propre dans la peinture d’Auguste Renoir, sont tout à coup manifestes dans la défense de la vie d’arbres, autour desquels va s’organiser une villa au sens latin, mais où le bâtiment premier, la ferme, restera le préféré du patriarche. Quelle intelligence de la terre ! Qui se sera si bien transmise à Jacques, elle est visible dans sa photo-
graphie, sans parler de Jean Renoir, le cinéaste, son oncle, souvenonsnous du Déjeuner sur l’herbe, fable d’un retour aux voies naturelles. Cette simplicité est à l’honneur dès le début du « Tableau amoureux », nous sommes le 3 mars 1914, jour de l’arrivée en permission de Jean. Et l’on sait quelles souffrances cette guerre va lui infliger. Le livre commence par l’idée de la guerre, et les Collettes sont le havre où, dès la seconde page, l’on voit Claude, Coco, privé de gare où accueillir son grand-frère, il s’esquive de sa corvée de devoirs pour aller grimper « au tronc noueux d’un olivier ». Le « Coco » de Pierre-Auguste, « Coco lisant », « Coco cousant », « Coco et Gabrielle », magnifique, bien sûr, est redevenu, par la grâce de Jacques Renoir, un adolescent au genou éraflé « d’où sourdent quelques perles de sang qu’il essuie du bout de l’index et porte à ses lèvres ». C’est par des « explorations dans la propriété familiale » que la transmission semble s’être opérée chez les garçons de la famille, par les nœuds des oliviers, sur lesquels prendre appui pour grimper. Mais aussi par les buissons, herbes séchées, minuscules fleurs impressionnistes qui ont servi d’écrin de la « propriété », de manière polysémique. Ce trésor d’images, Jacques Renoir saura le décliner dans ses photographies, peu importe dans quel lieu de la planète il les prendra (on dit, bien sûr, prendre une photo, mais à qui ?), ne s’agira-t-il pas à jamais des plantes de son enfance, là où sa vie s’est implantée, l’enfance est un « lieu ». Alors, oui, il peut, avec gentillesse, se plier aux interviews, pour parler de cette enfance, et de cet arrière-grand-père que l’on veut en permanence lui extorquer, mais tout n’est-il pas dit, et mieux, dans le long documentaire que constitue son œuvre photographique, à coup de plaques sensibles, si proustiennes, dans ce cas précis. C’était le 5 novembre 2013, dans son atelier de la Rue Fodéré, Jacques Renoir m’a dit : Mon arrière-grand-père, je ne l’ai pas connu évidemment, mais j’ai vécu dans sa maison, et toute l’enfance que j’y ai passée m’a donné l’envie d’écrire une sorte de biographie romancée, « Le tableau amoureux ». En fait ce livre n’est pas un livre, je l’ai écrit de façon extrêmement visuelle, presque un scénario. Mais ayant vécu aux Collettes toute mon enfance, je pouvais imaginer ce qu’a été l’enfance de Coco, le plus
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Page de gauche, de gauche à droite : Jacques Renoir adolescent aux Collettes © Archives Jacques Renoir
Renoir à son chevalet à la maison de la poste, vers 1912, collection particulière Renoir dans l’atelier du jardin le 11 mars 1918, plaque de verre, vente Heritage septembre 2013 Jacques Renoir avec Claude Renoir et Jean Renoir en 1956 (Photo Catalogue de l’exposition à l’Abbaye St Philibert de Tournus)
Ci-dessus : Jacques Renoir devant le buste de Pierre Renoir par Richard Guino © Jean-Paul Fouques, atelier Jacques Renoir, rue Fodéré, Nice
Couverture du livre « Le tableau amoureux » (Editions Fayard, 2003, couverture Josseline Rivière, Pierre-Auguste Renoir, 1897)
jeune fils, et de Jean, et de Pierre, la vie de la famille, puisque j’étais dans les murs, j’étais « in vitro », j’étais dans le jus. J’ai vécu le quotidien de cette maison, et ça m’a beaucoup aidé pour donner l’âme de cette demeure, les Collettes, et imaginer ce qu’a été la vie de Renoir. Même si je ne suis pas historien, j’ai eu un souci d’exactitude. A l’exception faite qu’il y a des choses qui se sont passées et que nul historien, nul témoin n’a pu rapporter.
Et c’est très agréable, parce que ça permet de laisser son imagination travailler. On peut supposer être très précis, comme quand on reconstitue une mosaïque à laquelle il manque des éléments. On se dit « là, forcément, ça va être la tête du cygne, ou le pied de la déesse… ». Quand on est dans l’esprit, à partir de faits connus, on peut retracer la partie manquante. Mais la finalité était de faire un film. Le film existe. Toute adaptation est difficile. Mais tout le monde ne connaît pas la vie de Renoir aux Collettes, et le film est une source d’informations. Ce que j’aurais souhaité dans le film, c’était de voir le quotidien, cette effervescence autour de Renoir, qui est un peu le pivot de ça, les enfants, les jeunes filles, la création, le doute, la cuisine, la douleur mais aussi la joie, tout ce qui fait le quotidien d’une famille. J’espère, par mon livre, avoir réussi à ce que le lecteur puisse s’identifier, se dire « moi aussi quand j’étais petit j’ai vécu dans une ferme, j’ai vécu ceci, cela, les premières amours… » J’aurais souhaité ça, j’aurais aimé le réaliser, j’ai failli le faire, avec Jean-Charles Tacchella, ça n’a pas abouti, malheureusement. Je l’ai proposé à différents metteurs en scène, entre autres Jean Becker, Patrice Leconte, et tous m’ont dit : « comment peut-on s’attaquer à ce sujet ? »
J’avais trouvé dans la complicité de Jean-Charles Tacchella une forme d’âme, et aussi chez Edouard Molinaro, qui m’a dit une chose vraiment adorable, il m’a dit « j’aimerais bien le faire avec toi, mais c’est ton film, et je serai ton assistant ». Ça m’a profondément touché… Bon, le film existe, il marche bien, il est oscarisé comme meilleur film étranger, représentant de la France aux prochains Oscars en 2014, très bien, que souhaiter de mieux ? FD
Jacques Renoir aux oliviers, portrait de Jean-Paul Fouques dans l’atelier de Jacques Renoir, rue Fodéré, Nice
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Pierre-Auguste Renoir
au domaine des Collettes par Virginie Journiac
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orti des presses au cœur de l’été 2013, le livre Le Dernier Renoir, les années azuréennes (Nice, Les Editions de Nicéphore) vient de rencontrer une audience médiatique internationale importante. Son auteur, Virginie Journiac, est l’ancienne conservatrice du musée Renoir de Cagnes-sur-Mer. Historienne de l’art, elle s’est mise en disponibilité de l’administration pour se consacrer à l’expertise et à l’écriture de ce livre.
de sa maladie. Il le trouva dans le sud de la France, sur recommandation de ses médecins. Il devint locataire à Cagnes en 1903 puis acquit en 1907 un vaste terrain, Les Collettes, où il fit bâtir une villa bourgeoise néo-provençale. comDe nombreux hôtes lui tinrent com pagnie au cours des seize années qu’il passa à Cagnes. Il reçut également la visite de personnalités prestigieuses comme Rodin et Monet mais aussi de « jeunes artistes » comme Modigliani et Matisse…
C’est en avril 2012 que l’auteur a eu accès à un trésor : une collection d’archives et d’objets intimes provenant du peintre Auguste Renoir et de sa famille.
Il fit bâtir un atelier au cœur du parc, un baraquement de bois avec des panneaux de verre où il conçut ses dernières œuvres dont Les Baigneuses (Musée d’Orsay, 1918-1919).
Ils étaient restés aux mains des héritiers, les descendants de Claude Renoir, troisième fils du peintre. Ce dernier vécut dans la villa de Cagnes jusqu’en 1960. Cette année-là, il vendit la maison à la municipalité qui souhaitait la transformer en musée public. Il ne laissa toutefois pas sur place les objets intimes, la bibliothèque et les archives qu’il possédait. Son fils unique Paul en hérita à son tour, puis les transporta aux Etats-Unis lorsqu’il s’y installa définitivement dans les années 1990. Ce fonds exceptionnel, jamais vu du public ni des chercheurs, fut cédé aux enchères dans sa totalité par la veuve de Paul Renoir en 2005. C’est une galerie américaine, la Rima Fine Art, qui s’en porta acquéreur et le préserva dans son intégralité pendant huit ans.
Veuf en 1915 de son épouse Aline, il dut s’occuper de son plus jeune fils Claude, dit Coco, et l’initia à la céramique. Son deuxième fils Jean en fit même une activité à plein temps… avant de se tourner vers le cinéma au cours des années 20.
Alors en cours de rédaction de son livre consacré à la période azuréenne de Renoir, Virginie Journiac décida d’enrichir sa publication de reproductions provenant de ce fonds inestimable, spécifiquement de clichés provenant des albums de la famille Renoir.
Il se lança aussi dans l’aventure de la sculpture, son marchand Ambroise Vollard lui adjoignant un jeune praticien élève du sculpteur Aristide Maillol, Richard Guino. Ce jeune et talentueux Catalan s’installa pour quatre ans dans la villa des Collettes, entre 1914 et 1918, exécutant au rez-de-jardin de la maison une trentaine d’œuvres de collaboration d’après les dessins et recommandations du maître. Renoir est décédé le 3 décembre 1919 dans sa villa cagnoise. Son atelier contenait plus de 720 toiles qui firent l’objet d’un partage entre ses trois fils en 1922. Les photographies inédites de l’album de famille qui enrichissent l’iconographie de ce livre ont été acquises par la Ville de Cagnes-sur-Mer pour le Musée Renoir lors de la vente du 19 septembre, ce dont l’auteur se félicite.
Dans ce livre évoquant la vie de Renoir aux Collettes, l’auteur a aussi mis en lumière une œuvre, Les Bécasses, qu’elle présente comme dernier tableau du maître, peint quelques heures avant son décès. Ce tableau faisait partie de la collection de Paul Renoir qui l’avait cédé séparément des archives. Le 19 septembre 2013, la maison Heritage à New York a été chargée de la vente de cette collection (divisée en 143 lots). Elle a invité Virginie Journiac à présenter son livre avant la vente.
FXC Virginie Journiac exerce aujourd’hui son activité en tant qu’experte agréée en œuvres d’art par la Chambre Européenne des Experts - Conseils.(C.E.C.O.A.)
Perclus de rhumatisme, Renoir n’eut d’autre choix que chercher le climat idéal pour supporter l’évolution Pierre Auguste Renoir, Les Bécasses, huile sur toile, 1919, 13,5 x 19,5 cm, collection particulière
Pierre Auguste Renoir, Torse de femme, huile sur toile, 1918, 90 x 75 cm, Osaka, Sanno Art Museum (Japon)
Au-dessus : Olivier des Collettes (dans « Les oliviers de Renoir », Photographies de Jacques Renoir, Textes de René Latapie, Editions de l’Ormaie, 2010)
artiste plasticien www.fred-allard.com
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