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Amélioration des conditions de sécurité

à gauche : axonométrie du site de Cazemajou 1. Crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

La mise en sécurité du site de Cazemajou 1

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Avec près de 300 personnes, le site de « Cazemajou » est le plus peuplé des bidonvilles de Marseille. Il est situé dans le quinzième arrondissement de la ville, à proximité du métro Bougainville, et regroupe quatre « sites », communément appelés par les associations « Cazemajou 1 à 4 ». De nombreuses associations y interviennent régulièrement : Médecins du Monde, ATD Quart-Monde, Rencontres Tsiganes, JUST ou encore la Croix-Rouge française. ASF est présente à Cazemajou 1 depuis 2017. L’association a réalisé plusieurs diagnostics et des chantiers d’amélioration des conditions de sécurité. Le site est surveillé par les services de la Préfecture et est régulièrement menacé d’expulsion. L’expérience des actions d’ASF donne un aperçu des enjeux de la mise en sécurité d’une occupation temporaire, entre risque d’expulsion et sécurité des habitant·e·s.

Présentation du site Le site s’organise en plusieurs parties : un bâtiment principal de type industriel, ayant accueilli l’atelier méditerranéen de la chanson, s’élevant sur quatre niveaux, dont trois sont habités (RDC, 1er et 2ème étage), et un plus petit bâtiment habité sur deux niveaux. Les deux bâtiments s’organisent autour d’une cour principale, couverte par une structure métallique ajourée. Le bâtiment contient trois typologies d’habitat : cabanes extérieures dans la cour, cabanes intérieures dans le bâtiment, et aménagement de pièces dans l’existant. Dans l’entrée, une aire de ferraillage a été aménagée.

3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

Cazemajou 1

Métro ligne 2 Vers Gèze

Ancien squat Rue Madrague-Ville

Ateliers associatifs Ecole primaire Ecole primaire Arenc Bachas Arenc Bachas

Autoroute A55 Voie ferrée Tramway T1, T2 Salle de concert

Station de métro Bougainville Autoroute A7

Bus vers centre ville

Axonométrie du quartier. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

Un enjeu territorial La parcelle appartient à l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée (EPAEM), et se trouve sur le territoire du grand projet urbain d’Euromed 2. Nombre de bâtiments de cet ancien secteur industriel sont à ce jour désaffectés, et plusieurs d’entre eux ont fait l’objet d’un appel à projet d’occupation temporaire.

Les enjeux de la sécurisation Lors d’un premier diagnostic, ASF a identifié plusieurs problématiques sur la sécurité du bâtiment au regard du risque incendie et du risque sanitaire. Dans ce bâtiment qui se déploie sur trois niveaux, le parcours d’évacuation reste un enjeu majeur de la sécurité incendie. Les issues de secours et les circulations verticales doivent rester dégagées et une ventilation suffisante doit être assurée. Au rez-de-chaussée, l’évacuation des cabanes construites dans l’espace principal en double hauteur doit être assurée, pour éviter tout risque d’incendie émanant des gazinières. L’installation électrique complexe se développe sur trois niveaux, donnant lieu à un enchevêtrement de câbles à travers le bâtiment. Lors des premières visites, tous les branchements étaient effectués sur un seul compteur, faisant courir un risque de surchauffe de l’installation. Les aménagements sanitaires sont en nombre insuffisant. L’alimentation en eau est assurée par un point d’eau unique au milieu de la cour.

Etapes de la mise en sécurité Du fait des enjeux sécuritaires et de la population nombreuse, les interventions d’ASF sur le site depuis 2017 ont fait suite à des demandes de la Préfecture, après des visites des services techniques (pompiers, sécurité...).

Ces interventions se répartissent en trois phases : • En décembre 2017, peu après l’installation des habitant·e·s, une visite est réalisée à la demande de la Préfecture. Un premier rapport est dressé et différents aménagements sont réalisés, en coordination avec l’association JUST : désencombrement des issues de secours, amélioration de l’installation électrique, remise en service des sanitaires et couverture de la cour intérieure. Le rapport technique dressé par le service mandaté par la Préfecture alerte sur la dangerosité du R+3 liée à l’absence de grilles aux fenêtres et en interdit l’accès. • En 2018, les étudiant·e·s de l’ENSA Paris Belleville réalisent une analyse de site à l’occasion d’un Workshop. • En avril 2019, ASF est de nouveau sollicitée pour intervenir sur le site, suite à une seconde visite du GEII1 mandatée par la DDCS. Les conclusions du GEII mentionnent un risque d’expulsion, pointant un accroissement du risque incendie, lié à la densité d’habitation et à l’obstruction des circulations et issues de secours.

1. Groupement d’Evaluation des Installations Illicites

3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

L’intervention d’ASF porte alors sur l’amélioration de la sécurité incendie, par la dé-densification et le dégagement des circulations et issues de secours. Malgré l’interdiction de 2017, des travaux de sécurisation du R+3 sont alors réalisés, afin de permettre la démolition des cabanes obstruant les circulations et le déplacement des familles dans les pièces de l’étage. Des travaux de sécurisation sont également menés sur l’ensemble du site : installations de portes couvre-feu, BAES et extincteurs, réalisation et affichage de plans d’évacuation.

• En septembre 2019, une troisième phase d’intervention se déroule, suite à une visite de l’Etat-Major sur site, demandant la mise à jour du rapport de visite. A cette occasion, de nouvelles améliorations sanitaires sont réalisées ainsi qu’un chantier de pose de portes.

Bilan

La mobilisation des ressources

L’ambitieux projet de sécurisation de Cazemajou n’aurait pas pu se faire sans une forte mobilisation des habitant·e·s. Il·elles ont été impliqué·e·s dans le processus dès le lancement, et ont participé au relevé de l’existant. Il·elles ont également été sollicité·e·s pour la ré-

ci-dessus: chantier de nettoyage du site

cupération et l’installation des grilles de sécurisation des fenêtres. En février 2018, ASF a été contrainte de suspendre le chantier, du fait de difficultés de coordination sur site, et d’un manque de moyens. L’association s’était alors retirée, sans que les grilles ne soient toutes posées ni que les familles ne puissent s’installer. Pourtant, en novembre 2019, lors d’une visite de contrôle, l’association a pu constater que les habitant·e·s avaient poursuivi et terminé les aménagements, et investi le niveau suivant les préconisations. L’implication des habitant·e·s s’est donc prolongée au-delà de la présence associative sur site. Nous avons analysé ce taux inhabituellement élevé de participation comme les résultats de plusieurs facteurs :

• une adéquation entre aménagements prévus et besoins des habitant·e·s • la reconnaissance pour les habitant·e·s de la nécessité de réaliser les travaux, comme condition nécessaire à la pérennité de l’installation • une proposition qui offrait un confort supplémentaire : possibilité d’obtenir de la lumière directe dans les appartements Pour la récupération d’équipements sécuritaires tels que les BAES et ex-

3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

tincteurs, ASF a mobilisé un partenariat avec l’association R-Aedificare, qui coordonne la récupération de matériel lors de chantiers de déconstruction.

Le chantier de mise en sécurité montre qu’une mobilisation effective des ressources sur place permet la réalisation d’aménagements de plus grande technicité. Ici, partenaires, habitant·e·s et membres d’ASF ont œuvré ensemble, mobilisant compétences techniques et empiriques. Le chef de platz, dans sa tendance à solliciter l’avis et l’aide de l’ensemble des habitant·e·s a, dans ce cas, été facilitateur.

Occupation temporaire et risque sécuritaire : les enjeux de l’amélioration des conditions de vie

La réduction du risque sécuritaire mêle des enjeux liés à la sécurité et la santé des habitant·e·s et des enjeux liés à la pérennité de l’installation. En effet, l’argument sécuritaire est bien souvent un levier d’expulsion, et un argument irrévocable.

Pourtant, l’exemple de Cazemajou met en avant une relative flexibilité dans sa définition : l’interdiction d’occuper le R+3 prononcée par la première commission de sécurité a été remise en question un an plus tard par la nécessité de

ci-dessus: réaménagement du R+3 et installation dans les pièces existantes

fluidification des circulations liée au risque incendie. Ainsi, la définition du risque elle-même reste mouvante, et engage d’autres enjeux : politiques, urbanistiques... Dans le cadre d’une occupation temporaire, la mise en sécurité ne peut évidemment pas se faire dans une perspective normative ; elle consiste davantage en une évaluation des risques effectifs pour la sécurité des habitant·e·s, au regard des possibilités d’amélioration et des moyens à disposition. Si l’enjeu de la sécurisation des lieux est de prévenir les expulsions, il arrive que l’état de délabrement d’un bâtiment conduise les associations à s’opposer à la stabilisation temporaire de certains lieux de vie et à encourager les mise à l’abri des habitant·e·s.

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