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L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

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Ecriture du cahier des charges Suite à la validation des sites, ASF a procédé à l’élaboration du cahier des charges détaillant l’ensemble des travaux d’amélioration des conditions de vie à réaliser sur le site des Aciéries. En janvier 2018, des diagnostics amiante et plomb ont été conduits préalablement au lancement du chantier. Le premier chantier a débuté en décembre 2018.

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Le cahier des charges initial prévoyait quatre types d’améliorations : amélioration du confort thermique, amélioration des conditions sanitaire, amélioration des conditions de sécurité et création d’un lieu commun

Trois principaux chantiers ont été réalisés : la réhabilitation de la toiture du bâtiment, la préparation du chantier électricité, et le raccordement à l’eau d’une salle de bain

Des entreprises ont été mandatées pour la réalisation des travaux. La réhabilitation de la toiture du bâtiment a consisté en la réparation des plaques de couverture à l’aide de plaques en fibrociment et silicone, et à la réparation des chéneaux de récupération d’eaux de pluie. Le cahier des charges prévoyait également l’installation de l’électricité sur le site. Etudes Suite à l’identification des problématiques sur le site, une phase de faisabilité a été enclenchée, afin de définir plus précisément les aménagements à réaliser au vu des différentes contraintes techniques. A cet effet, différentes études ont été menées avec l’appui de techniciens : évaluation des possibilités de raccordement à l’eau, études de sols et de terrain, études d’implantation, études thermiques. Une étude d’usage a également été réalisée, avec pour objectif une compréhension des besoins et des enjeux de l’intervention sur les lieux de vie. Elle a mobilisé différents outils, comme des enquêtes auprès des habitant·e·s, l’observation participante ou encore l’analyse de l’appropriation spatiale. L’enquête a également fait émerger les compétences sur place, susceptibles d’être sollicitées lors de la mise en œuvre des projets. Ces deux phases d’évaluation ont permis de préciser le cahier des charges, par la réalisation du descriptif quantitatif du projet.

à gauche : photographie du chantier de réfection de toiture

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La mise en place du chantier électricité

L’électrification du site a été l’un des projets les plus importants d’ASF sur le site des Aciéries. Il fait suite à un besoin exprimé de manière récurrente par les habitant·e·s, qui s’approvisionnaient grâce à des branchements informels sur l’éclairage municipal. Compte-tenu de l’état des installations, de l’ampleur des besoins (60 personnes) et des enjeux liés à la facturation des fluides, la mise en œuvre d’un tel projet s’est avérée d’une grande complexité. En dépit du fait que le projet n’aie en définitive pas abouti, il est intéressant d’en retracer la génèse, les bifurcations et les réflexions, ayant permis d’expérimenter et d’affiner des méthodes d’identification des besoins, au regards des différents enjeux techniques, politiques et anthropologiques.

Genèse1 La mise en place du projet électricité a connu plusieurs phases. De novembre 2017 à juillet 2018, des premières enquêtes ont été menées, accompagnées de visites d’électriciens sur le site. Elles ont permis la réalisation des premiers plans électricité en collaboration avec l’association JUST, ainsi que la création d’une association d’habitant·e·s. En

1. Certaines parties de cette section (en italique) sont extraites d’une proposition de communication rédigée pour le colloque « Margin, construire les politiques de lutte contre la pauvreté urbaine à partir du terrain ? », auquel ASF a participé les 4 et 5 juillet 2019 à Science Po Paris : L.Jeanjacques, H.Panabières, L.Perdreau, F.Viellot, Un accompagnement renforcé par la stabilisation temporaire : construire l’accès au logement des habitant·e·s de bidonvilles dans le contexte marseillais, 2019 juillet 2018, les études ont été suspendues pour cause de manque de moyens, néanmoins, le projet a été intégré au cahier des charges. En février 2019, la Préfecture annonçait la suspension du projet, suite à des négociations avec le gestionnaire de site, qui émettait des réserves quant à la signature d’une convention d’occupation temporaire. Néanmoins, compte-tenu des besoins du site, il a été convenu de poursuivre les études. Des études d’usages ont été menées, ainsi que de nouvelles études techniques, jusqu’à l’élaboration d’un avant projet détaillé. Le projet est définitivement abandonné en juillet 2019, du fait du manque d’évolution de la situation.

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Une association d’habitant·e·s Lors de l’établissement du conventionnement avec la Préfecture, l’accès aux fluides, et principalement à l’électricité, a été une priorité du projet d’amélioration des conditions de vie. Dès le lancement des études, s’est posée la question de la facturation, et s’est imposée la nécessité de désigner une entité morale et un compte en banque où adresser les factures. C’est donc assez naturellement qu’est née l’idée de la création d’une association d’habitant·e·s.

Dès février 2018, les statuts ont été déposés, actant la création de l’association loi 1901 « La rose des Aciéries ». En décembre 2018, le financement accordé par la PDEC a relancé le projet d’électrification du site, jusque-là suspendu faute de moyens. A cette occasion, ASF a procédé au recrutement d’un prestataire de service, en charge de la mise en œuvre et du suivi de l’association d’habitant·e·s et de la facturation. Le projet électricité comprenait donc d’une part les études techniques relatives à l’installation électrique, de l’autre l’accompagnement des habitant·e·s dans les démarches administratives de création de l’association et du compte en banque associé.

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ci-dessus: sondage pour l’apport d’électricté sur le site

Dans la continuité des études de 2018, une enquête a été menée pour estimer les consommations et quantifier les équipements nécessaires. Cette étude a été l’occasion d’une campagne de sensibilisation des occupant·e·s sur la facturation et a permis d’évaluer si ils·elles accepteraient de participer financièrement à l’installation. L’enquête d’usages réalisée alors a fait émerger le besoin d’approfondir les réflexions sur les dynamiques collectives et les enjeux liés à la précarité de l’installation. Enjeux liés à l’usage de l’électricité La précarité du contexte, autant du point de vue de la situation économique des ménages, que de l’instabilité du statut de l’occupation a fait émerger des complexités quant à l’électrification du site. D’une part d’ordre administratif : la mise en place d’un système électrique nécessite la mobilisation de différents partenaires institutionnels et commerciaux (banque, fournisseur d’énergie, entreprise de réseaux), suivant un processus lent, souvent dématérialisé, qui impacte la mobilisation des occupant·e·s sur le long terme. D’autre part, d’ordre

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à gauche : plan électricité avant et après l'étude d’usages. On observe sur le plan du bas la présence de disjoncteurs différentiels et de compteurs individuels loars que le plan initial ne comprenait qu’un seul compteur pour l’ensemble des logements L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

technique : par exemple, les contraintes de facturation liées à l’atribution des compteurs et la nécessité d’une installation démontable et transférable sur d’autres sites en cas d’expulsion. ASF a recueilli l’expérience de différent·e·s protagonistes (chercheur·euse·s ou acteur·trice·s associatif·ve·s) ayant participé à l’électrification de sites d’habitats spontanés. Les observations qui suivent sont issues de leurs conclusions et d’entretiens informels menés avec les habitant·e·s à propos de leur adhésion au projet. La mise en place d’un système énergétique au sein d’une communauté qui en a été longuement privée et l’adhésion des habitant·e·s au dispositif lié est source de frottements, caractéristiques de l’émergence d’un système normatif dans un contexte informel. Au regard de certaines structures d’accompagnement, la fiabilité de paiement des factures est considérée comme un indicateur de la capacité à suivre un comportement normatif, et par extension à intégrer un parcours d’insertion. Ainsi, des logiques contradictoires sont à l’œuvre. Lorsque, pour une raison ou pour une autre, la volonté d’intégrer un parcours d’insertion n’est pas établie, des difficultés d’adhésion au dispositif peuvent être observées. L’hostilité du contexte dans lequel se trouvent les habitant·e·s des bidonvilles vis-à-vis de ce qui représente la norme, peut générer des comportements de défiance, et une réticence à participer à un système considéré comme oppressif, qui se traduirait par les difficultés liées à la facturation (impayés) ou à l’utilisation des installations (surconsommation).

Faisabilité technique La modélisation du projet a demandé une prise de contact avec différentes structures : fournisseurs, banques, services des administrations. De nombreuses démarches ont été menées auprès de différents fournisseurs d’électricité, afin d’estimer les coûts, et les différentes possibilités. Les démarches administratives ont été complexifiées par l’absence d’une contractualisation effective de l’installation, empêchant par exemple la domiciliation de l’association sur le site-même.

Une étude de faisabilité technique a été menée avec un électricien. Au total, trois visites ont été organisées, ainsi que de nombreux retours, pour l’élaboration des plans et l’estimation des coûts d’installation.

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Evolution du projet au regard des enjeux L’enquête d’usage a soulevé d’importantes questions sur l’autonomisation et a fait émerger un risque de complexité du système de paiement et de surchage des associations en cas de collecte des paiements. Entre autres risques identifiés, a été noté celui d’un accroissement probable des inégalités au sein du lieu, entre celles et ceux qui auraient la possibilité de payer leur part et les autres. Il a également été pointé un risque de récupération du système par le chef de platz, comme outil supplémentaire de pression sur les habitant·e·s. De plus, l’étude a fait émerger des besoins bien supérieurs à ceux estimés, représentant une hausse significative de budget. L’impossibilité matérielle de fournir une réponse adaptée faisait courir le risque d’une surexploitation des installations, qui aurait pour conséquences un dépassement de la facturation. L’une des problématiques résidait donc dans l’inadéquation entre les besoins réels et les moyens matériels. Pour y répondre, plusieurs solutions ont été envisagées : • La pose de sous-compteurs individuels plutôt que d’un seul compteur collectif • Le phasage du projet : une première installation « minimum », comprenant une prise par famille, pour ajuster la méthode de collecte et comprendre les éventuels problèmes liés à la facturation, puis une seconde phase pour compléter l’installation • La possibilité d’une installation partielle, complétée par les familles en fonction de leurs besoins • La formation des habitant·e·s à l’utilisation du disjoncteur général, ainsi que la remise de clés à chaque groupe affinitaire

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Bilan Si l’électrification du site est un point névralgique de l’amélioration des conditions de vie et une demande majeure des habitant·e·s, sa mise en œuvre effective révèle d’importantes complexités. Le projet a rencontré de nombreux aléas, liés à l’incertitude des financements et du statut du site. L’absence de contractualisation de l’installation a été un facteur important d’inertie des démarches administratives.

Les retours d’expériences similaires ont fait émerger les nombreux écueils de l’électrification de lieux d’installation précaires, notamment concernant les risques de surconsommation. Ils ont ouvert des réflexions sur des solutions alternatives, comme le phasage ou la réversibilité de l’installation. La réflexion sur les modes de facturation a soulevé des interrogations sur la légitimité d’une intervention des associations sur la logique économique interne, qui impliquerait la mise en place d’un système de gestion spécifique. Elle met en jeu l’autonomisation des habitant·e·s et la responsabilité des associations dans la garantie et le suivi du paiement. L’association d’habitant.e.s créée à l’occasion du projet s’est avérée un outil indispensable à une gestion collective et horizontale des lieux d’installation auto-gérés, sur le plan administratif et décisionnel.

Lorsque le projet a finalement été suspendu, les ressources qui lui étaient attribuées ont été placées dans la proposition de gestion de site par l’association d’habitant·e·s, que nous développerons par la suite.

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Le projet de gestion de site par l’association « La Rose des Aciéries »

à droite : schémas présentés aux habitant·e·s concernant les différents modèles d’associations possibles

En février 2019, le Ministères des Armées, propriétaire du terrain, a formulé la demande de désignation d’un gestionnaire de site, comme condition nécessaire à la contractualisation de l’installation. En réponse, les associations ont choisi de proposer l’association « La Rose des Aciéries », comme gestionnaire de site et signataire de la convention d’occupation temporaire. Un travail de concertation a été effectué avec les habitant·e·s pour la mise en œuvre de cette proposition.

Réflexions préalables L’objectif de la proposition était de permettre aux habitant·e·s de disposer de la responsabilité de la gestion de leur lieu de vie.

Un enjeu majeur reposait dans la prise en compte des hiérarchies organisationnelles : il était indispensable que le système proposé ne favorise pas le renforcement de l’emprise du chef de platz sur les habitant·e·s, lui offrant un moyen de pression supplémentaire. Afin de conserver une horizontalité décisionnelle, l’une des pistes envisagées a été de proposer une structure collégiale d’association, où chaque membre équivaudrait à une voix. Dans un modèle plus traditionnel, il a été proposé que la composition du bureau comprenne des représentant.e.s de chaque groupe affinitaire. Afin que les occupant·e·s se saisissent pleinement de ces problématiques et prennent une décision éclairée, un atelier de concertation a été organisé. Les objectifs étaient doubles : informer sur les négociations en cours et les enjeux liés à la gestion de site et récolter un accord sur la proposition de gestion, en vue de la rédaction d’un document à soumettre à la DDCS.

Déroulé de la réunion Afin que l’atelier rassemble le maximum de personnes, il a été décidé qu’il se tiendrait de 10h à 13h, moment de la journée où les habitant·e·s sont le plus nombreux·se·s. Pour la communication de l’évènement, un document traduit en Roumain a été affiché sur site, précisant la date et l’heure de rendez-vous, ainsi que l’ordre du jour. Le jour J, quasiment tous.te.s les habitant·e·s se sont présenté·e·s. L’ensemble des associations partenaires était également présente.

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Le parcours d’un habitant avec l’associa�on « Les Roses des Aciéries »

Jhabite aux Acieries La conven�on est signee avec lArmee

Je dois faire par�e de lassocia�on "Les Roses des Acieries" pour con�nuer a habiter ici et faire le travail dinser�on avec les associa�ons Je suis responsable comme tous les membres de lassocia�on que tout se passe bien ici Je par�cipe a laccompagnement:

- les cours de francais avec Elodie et Alice de Paroles Vives - La sante avec Claudia de Medecins du Monde - la domicilia�on, la CAF.. avec Angele de lAmpil - la recherche de travail avec Serge de lAMPIL - lacces aux droits avec Caroline de Rencontres Tsiganes Si tout se passe bien, je trouve un travail qui me permet davoir apres un logement

En qui�ant les Acieries, je qui�e aussi lassocia�on et je ne suis plus responsable de ce qui sy passe

Dans un souci de circulation et de répartition équitable de la parole, plusieurs séquences avaient été prévues, dont certaines en groupes réduits, afin que chacun·e puisse poser ses questions.

La réunion était organisée en trois temps : • Un premier temps en groupe collectif, avec pour but d’informer de l’état de la situation et des négociations en cours avec le propriétaire de site, ainsi que de leur impact sur le projet pilote. La traduction était assurée par une médiatrice de Médecins du Monde. • Dans un second temps, l’assemblée a été répartie en quatre sous-groupes, permettant d’aborder plus en détail les modalités de gestion de l’association. Des supports explicatifs contenant des schémas et traduits en Roumain avaient été préparés et distribués à chaque groupe. Un·e traducteur·trice par groupe avait été désigné·e parmi les habitant·e·s. ASF assurait la médiation et passait de groupe en groupe pour inviter à poser des questions. Ce temps collectif en assemblée restreinte a permis de faire émerger la parole de personnes qui ne se sentaient habituellement pas légitimes d’intervenir en groupe entier. • Le troisième temps était consacré aux débats collectifs et à la prise de décision par vote à main levée. • Un quatrième temps avait été prévu le lendemain, pour la validation définitive de la proposition. Celui-ci n’a pas été nécessaire puisque la décision dé-

à gauche : schéma présenté aux habitant·e·s sur les enjeux de la reponsabilité du lieu de vie

finitive avait été adoptée à l’unanimité lors de l’assemblée collective. Suite à la concertation, un document de proposition de gestion de site a été rédigé par les associations, avec l’appui de l’avocate Laurence Henry et transmis à la DDCS, en charge des échanges avec le ministère des Armées.

Bilan La proposition d’une association comme gestionnaires de site avait pour objectif de redonner aux occupant·e·s la responsabilité de la gestion de leurs lieux de vie. La concertation a été organisée dans l’optique d’outrepasser les structures hiérarchiques en place, et de faire place à une décision éclairée et horizontale, ce qui semble avoir été une réussite, puisque la décision a été adoptée à l’unanimité. Ce temps d’échange a ouvert des débats au sein des habitan·t.e·s sur les enjeux liés à la responsabilité des lieux de vie partagés. Dans l’incertitude du contexte de négociations avec les partenaires institutionnels, des difficultées ont été constatées pour exposer la complexité des enjeux de responsabilité juridique aux habitant.e.s, qui ne sont pas familier·ère·s de ces dispositifs. La proposition de gestion de site et le processus d’élaboration du document a également soulevé des questionnements sur la prise en compte des habitant·e·s au sein d’un projet pilote, dont il sont à priori les « bénéficiaires ». S’il·elles ont été concerté·e·s à l’initiative des associations, ils·elles ne sont pas inclus·e·s dans les démarches de rédaction de la convention, ni dans les négociations avec le propriétaire de site. Les associations se portent garantes d’assurer la traduction des besoins en enjeux politiques. Dans ce processus, la multiplication des interlocuteurs·trices est une des causes de l’inertie importante de la prise de décision. Le document parvenu à la DDCS n’a par ailleurs pas été transmis au Ministère des Armées. Celui-ci a orienté son choix sur la mobilisation d’un opérateur professionnel comme gestionnaire de site : l’Addap 13. Le groupement associatif a été mandaté pour la gestion de site, la sécurisation du bâtiment ainsi que pour l’organisation d’un chantier d’insertion. La mise en place de la convention d’occupation temporaire était toujours en cours début 2020.

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